Séance du
jeudi 17 février 1994 à
17h
53e
législature -
1re
année -
4e
session -
4e
séance
PL 7070
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 106 de la loi fédérale sur la circulation routière, du 19 décembre 1958;
vu l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière, du 27 octobre 1976;
vu les articles 101, 118, 119 et 122 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847,
Décrète ce qui suit:
Article 1
Délégation
1 Le Conseil d'Etat peut déléguer à un organisme privé (ci-après le délégataire) l'ensemble des activités découlant de la législation internationale, fédérale et cantonale et relevant des domaines d'activité du service des automobiles et de la navigation (ci-après le service).
2 La délégation confère le droit et le devoir exclusifs d'exercer ces activités sur l'ensemble du territoire du canton.
3 Les conditions de la délégation ainsi que leurs modalités d'application sont stipulées dans un contrat de droit public avec le délégataire.
Art. 2
Conditions
de reprise
1 Le délégataire doit reprendre l'ensemble du personnel du service en fonction à la date de prise d'effet de la délégation.
2 L'article 24, alinéa 5 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux n'est pas applicable.
3 Les membres du personnel du service en fonction à la date de prise d'effet de la délégation restent affiliés à la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA).
4 L'Etat met à la disposition du délégataire, moyennant loyer, le patrimoine immobilier et mobilier utilisé par le service.
Art. 3
Délégataire
1 Le délégataire doit être un organisme de droit privé constitué selon les règles du droit suisse et ayant son siège à Genève.
2 Il doit veiller à ce que les membres de son personnel respectent les intérêts du délégant. En particulier, ils ne doivent pas solliciter ou accepter pour eux-mêmes ou pour autrui des dons ou d'autres avantages en raison de leur situation officielle déléguée. De même, ils sont tenus, même après la cessation des rapports de travail, de garder le secret envers quiconque sur les affaires dont ils ont eu connaissance.
Art. 4
Attribution
1 Le délégataire a en charge l'exécution, en son nom et pour le compte de l'Etat, des activités énoncées à l'article 1.
2 Le délégataire est investi du pouvoir de décision au sens de l'article 5 lettre g de la loi sur la procédure administrative, est réputé autorité administrative selon la teneur de son article 1 et acquiert le droit et le devoir d'exercer les charges et les compétences, objet de la délégation, pour le compte de l'Etat, afin d'assurer la continuité du service public.
3 Il ne peut exercer d'autres activités impliquant un conflit d'intérêts avec l'objet de la délégation.
Art. 5
Exercice de
la délégation
1 Le délégataire se conforme aux principes et règles du droit public dans ses rapports avec les citoyens.
2 Il doit appliquer le droit international, fédéral et cantonal, ainsi que les instructions données par le Conseil d'Etat et le département de justice et police et des transports.
3 Les décisions prises par le délégataire dans le cadre des compétences qui lui sont attribuées peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif, sous réserve de celles devant être déférées au Département fédéral de justice et police ou à d'autres instances fédérales ou cantonales.
Art. 6
Financement
1 Le délégataire assume les dépenses de fonctionnement et les investissements nécessaires. Il perçoit les recettes correspondant à la contrepartie des prestations fournies.
2 La couverture financière des activités de la fourrière demeure à charge de l'Etat.
3 Le prix des prestations est fixé par tarif et actualisé par le Conseil d'Etat, en tenant notamment compte du maintien de l'équilibre financier du délégataire, des capacités de maîtrise des coûts et des possibilités de rationalisation.
Art. 7
Surveillance
1 Le délégataire est placé sous la surveillance du Conseil d'Etat.
2 Celui-ci doit contrôler que la tâche d'intérêt public est exercée effectivement et efficacement dans le respect des garanties dont jouissent les administrés.
3 Le délégataire doit notamment fournir au Conseil d'Etat toutes les informations requises en relation avec l'activité déléguée.
4 La Commission de contrôle de l'informatique de l'Etat exerce la surveillance sur les fichiers informatisés relatifs à la délégation, tenus par le délégataire.
Art. 8
Responsa-bilités
1 Le délégataire répond personnellement et exclusivement de ses dettes et engagements.
2 Dans l'exécution des tâches déléguées, il assume vis-à-vis des tiers la responsabilité de l'Etat et vis-à-vis de celui-ci celle découlant de la délégation.
Art. 9
Soumission à
d'autres lois
Le délégataire est soumis de plein droit aux lois sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985, et sur les informations traitées automatiquement par ordinateur, du 17 décembre 1981.
Art. 10
Durée et fin
de délégation
1 Sous réserve des clauses de dénonciation contractuelles, la délégation est accordée pour une durée déterminée, n'excédant pas 20 ans.
2 A l'échéance, une nouvelle adjudication de délégation doit être mise en soumission publique, conformément à l'article 11.
Art. 11
Soumission et
adjudication
1 La délégation fait l'objet d'une adjudication suite à une soumission publique.
2 L'avis d'ouverture d'une inscription a lieu par publication dans la Feuille d'avis officielle.
3 L'adjudication s'opère parmi les soumissionnaires qui remplissent les conditions fixées dans le cahier des charges en tenant compte en premier lieu des garanties d'efficacité, de solvabilité, d'indépendance et de correction en affaires.
Art. 12
Exécution
de la loi
1 Le Conseil d'Etat arrête les dispositions d'exécution de la présente loi.
2 Le Conseil d'Etat fixe par règlement les conditions et modalités particulières du transfert des activités et tâches, de la reprise du personnel, de la mise à disposition du patrimoine immobilier et mobilier, de l'exercice de la surveillance sur le délégataire et de la fixation et actualisation des prix des prestations.
Art. 13
Modification
à d'autres lois
(B 7 1)
1 La loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes, du 24 février 1989, est modifiée comme suit:
Art. 7 (nouvelle teneur)
Organismes
délégataires,
corporations
et établissements
de droit public
Les dispositions de la présente loi sont applicables aux organismes privés au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques ainsi qu'aux corporations et établissements de droit public dotés de la personnalité.
** *
(D 3 1)
2 La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit:
Art. 414 (nouveau)
Perception
L'impôt sur les véhicules à moteur et sur leurs remorques est fixé et perçu par le département de justice et police et des transports. Cette compétence peut être exercée par un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques.
Art. 424, al. 1 (nouvelle teneur)
Dégrèvement
1 Dès que les plaques de contrôle sont déposées en mains de l'autorité compétente ou de son délégataire, l'impôt cesse d'être dû et le montant correspondant à la période non courue est restituée au détenteur.
Art. 429 (nouvelle teneur)
Non-paiement
de l'impôt
Le retrait du permis de circulation et des plaques de contrôle est ordonné lorsqu'à son échéance l'impôt n'a pas été payé. Au besoin, la police saisit les permis et plaques sans préjudice des sanctions pénales prévues par la loi.
Art. 433 A, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Lorsque le permis de navigation n'est pas restitué avant cette date à l'autorité ou à son délégataire, l'impôt est dû pour l'année entière.
Art. 433 B (nouveau)
Perception
1 L'impôt sur les bateaux est fixé et perçu par le département de justice et police et des transports.
2 Cette compétence peut être exercée par un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques.
Art. 436 (nouvelle teneur)
Non-paiement
de l'impôt
Le retrait du permis de navigation est ordonné lorsqu'à son échéance l'impôt n'a pas été payé. Au besoin la police saisit le permis sans préjudice des sanctions prévues par la loi.
Art. 437 A, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Le Conseil d'Etat édicte les prescriptions nécessaires à l'exécution du présent titre. Il fixe le tarif des émoluments perçus par le département de justice et police et des transports ou son délégataire pour les opérations nécessitées par le contrôle des bateaux et celui de la navigation.
** * *
(E 3,5 1)
3 La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifié comme suit:
Art. 8, al. 1, 6° bis (nouveau)
6° bis
décisions du délégataire en application de la loi autorisant la délégation à un organisme privé des tâches du service des automobiles et de la navigation (B 4 0,5, art. 5, al. 3);
Art. 8, al. 1, 42° et 44° (nouvelle teneur)
42°
décisions du département de justice et police et des transports ou de l'organisme délégataire prises en application du chapitre III de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière (H 1 0,5, art. 18);
44°
décisions refusant ou retirant un permis de conduire ou de navigation du département de justice et police et des transports ou d'un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques (H 2 1, art. 23, al. 1 et art. 51, lettre a);
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(F 1 13)
4 La loi sur les renseignements et les dossiers de police et la délivrance de certificats de bonne vie et moeurs, du 29 septembre 1977, est modifiée comme suit:
Art. 4, al. 1, lettre d (abrogée)
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(H 1 0,5)
5 La loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière, du 18 décembre 1987, est modifiée comme suit:
Art. 9, 2e phrase (nouvelle)
Cette compétence peut être exercée par un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques.
Art. 18 (nouvelle teneur)
Au Tribunal
administratif
Les décisions du département de justice et police et des transports ou d'un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publique prises en application du chapitre 3 de la présente loi peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif sous réserve de celles devant être déférées au Département fédéral de justice et police.
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(H 2 1)
6 La loi sur la navigation dans les eaux genevoises, du 26 novembre 1987, est modifiée comme suit:
CHAPITRE V
SECTION 3 (nouvelle)
Art. 26 A (nouveau)
Délégation
La compétence pour l'exécution des activités des articles 21 à 27 peut être exercée par un organisme privé au bénéfice d'une délégation d'exécution de tâches publiques.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Nous avons l'honneur de vous présenter ci-après l'exposé des motifs à l'appui du projet de loi autorisant la délégation des tâches, le transfert du personnel et la mise à disposition des patrimoines immobiliers et mobiliers du service des automobiles et de la navigation à une entreprise privée.
I. Vers la modernisation du service public
La modernisation de l'Etat doit être une des priorités de cette législature. En effet, les déficits catastrophiques, la stagnation des recettes fiscales sont des problèmes autant structurels que conjoncturels. L'impasse budgétaire ne peut donc être résolue sans réformes de grande ampleur et fixation de stratégies nouvelles.
L'Etat assume des tâches de natures diverses, qu'elles soient de prestations, d'autorité, de sécurité, à caractère social ou de formation. Moderniser l'Etat consiste donc à chercher à ce que les tâches de régulation et de protection sociale que la collectivité s'est fixées continuent à être assumées et le soient, si possible, plus efficacement. Le train de vie de l'Etat dépassant, chacun le sait, le cadre de ses revenus permanents, une hiérarchisation des activités de l'Etat, ainsi qu'une évalution de leur raison d'être (obligation légale, politique générale, etc.) doit aujourd'hui être réalisée.
Dans ce sens, l'étatisation d'activités relevant pour l'essentiel de la production de biens et de services peut légitimement être analysée en termes d'opportunité et de nécessité.
Car s'il est parfaitement normal que les processus de décisions, de contrôles et de financement s'appliquent à la fonction de régulation de l'Etat, ils ne sont pas pour autant garants d'un meilleur service à la clientèle en ce qui concerne les activités de production de services.
Des solutions comme la sous-traitance, la décentralisation administrative ou le partenariat public/privé offrent des possibilités à exploiter pour des services dont les mécanismes traditionnels de fonctionnement rendent de plus en plus difficile la satisfaction des nouvelles exigences des usagers dans le domaine du service public.
II. Un projet pour le service des automobiles et de la navigation
Le projet de loi vise la délégation des tâches d'un service public et non la privatisation desdites tâches.
En d'autres termes, il n'est pas question que l'Etat cesse d'exercer les activités en abandonnant son monopole de droit et en les livrant aux seules règles du marché de l'économie libérale.
En effet, les expériences hasardeuses dans le monde visant à libéraliser le contrôle technique des automobiles par exemple ont toutes échoué ou sont en cours de déliquescence. A titre d'exemple et selon toute vraisemblance, un centre de contrôle technique sur quatre fermera ses portes en France dans les douze prochains mois, faute de résultats financiers suffisants.
Sans préjudice de surcroît de l'inconstitutionnalité et de l'illégalité d'un tel processus, la privatisation aux termes de la définition qui précède apparaît ainsi à l'évidence impraticable, contraire à l'efficacité et à la qualité recherchée, ainsi qu'en contradiction avec les aspirations légitimes des citoyens en matière de sécurité routière, d'intérêt collectif et d'égalité de traitement.
La délégation en revanche est l'acte par lequel l'Etat accorde à un tiers le pouvoir d'exercer une activité qui lui est dévolue. Le tiers assure l'accomplissement de la tâche d'intérêt public sous la surveillance de l'Etat. Le respect des contraintes imposées par la collectivité est ainsi, contrairement à la privatisation, assuré dans un tel cas. Le recours à un organisme privé offre en plus une flexibilité plus grande, une gestion plus près des moyens mis en oeuvre, une efficacité accrue et des possibilités de financement par l'exploitation privée elle-même.
III. Objet de la délégation
De nombreux Etats en Europe (Allemagne, Espagne, etc.) confèrent déjà à des sociétés privées le contrôle technique des véhicules, voire plus généralement des activités dans le domaine de la sécurité routière, de la sécurité aérienne et de la protection de l'environnement.
Le projet soumis consiste à user du pouvoir d'organisation dont jouissent les cantons pour l'application du droit fédéral sur la circulation routière, en vertu de leur autonomie cantonale, en transférant à un organisme de droit privé les activités assumées jusqu'à présent par le service des automobiles et de la navigation.
Le projet s'étend à l'exercice de l'ensemble des activités considérées comme un tout homogène et assumées par le service des automobiles et de la navigation. L'observation de la mission, des activités et tâches du service des automobiles et de la navigation a en effet permis de considérer que, si l'ensemble de son domaine de compétences pouvait être confié à une entreprise privée dans le respect des intérêts généraux de l'Etat et de ceux des particuliers, ce domaine de compétences devait néanmoins rester homogène pour garantir une efficacité optimale et éviter toute dispersion. Une délégation parcellaire ou à plusieurs entreprises privées en marché concurrentiel serait incompatible avec la bonne exécution de la mission à remplir. C'est la raison pour laquelle la délégation est revêtue d'un caractère total et exclusif, en ce sens qu'elle ne peut être accordée qu'à une seule entreprise privée pour la durée de la délégation.
Sont concernés par la délégation, et pour l'essentiel, la gestion administrative de l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière, les mesures administratives, la facturation et l'encaissement des impôts sur les véhicules à moteur, les examens théoriques et pratiques de conduite, les contrôles techniques des véhicules, la fourrière, la gestion administrative de l'admission des personnes et des bateaux à la navigation, de même que les tâches de logistique relatives à l'ensemble de ces domaines d'activités.
IV. Constitutionnalité et légalité de la délégation
Trois jurisconsultes ont examiné la conformité d'une telle délégation sous l'angle du droit public, fédéral et cantonal: le professeur Thomas Fleiner, directeur de l'Institut du fédéralisme de l'université de Fribourg, M. J. Voyame, avocat et ancien directeur de l'Office fédéral de la justice, et M. P.-A. Manfrini, docteur en droit et avocat au barreau de Genève.
Tous trois parviennent à la conclusion que, pour autant que le canton puisse assurer que l'entreprise privée fera une bonne exécution du droit international, fédéral et cantonal, dans le secteur de la circulation et de la navigation, une délégation à une entreprise privée est tout à fait réalisable.
Les conditions à la délégation postulées par les avis de droit se déclinent en quelques exigences, à savoir:
- l'existence d'une loi de délégation formelle du Grand Conseil définissant le cadre dans lequel l'Etat peut transférer l'exercice des tâches publiques exercées par le service des automobiles et de la navigation;
- l'exercice d'un pouvoir d'instruction et de surveillance de l'Etat sur l'entreprise privée;
- la fixation par l'Etat des prix perçus par l'entreprise privée auprès des usagers à raison des activités déléguées;
- la garantie de l'observation des principes constitutionnels fédéraux et des grands principes qui gouvernent l'activité administrative par le délégataire: égalité de traitement, suprématie de la loi, primauté de l'intérêt public, principe de la proportionnalité, etc.;
- l'accessibilité pour tout administré aux mêmes possibilités de recours envers les décisions prises par le délégataire qu'à l'égard des décisions prises par l'autorité administrative elle-même;
- l'application d'une procédure d'adjudication par soumission publique;
- la conclusion d'un contrat de droit public entre l'Etat et l'entité privée, donnant notamment à cette dernière un mandat clair et lui déterminant sa tâche.
V. Objectifs de la délégation
L'activité du service des automobiles et de la navigation, fonction de multiples facteurs, est très marquée par l'environnement social, économique et politique, au niveau national et cantonal. La croissance démographique (examens de conduite), l'évolution du marché automobile, la variation du pouvoir d'achat des ménages et entreprises (immatriculations de véhicules), la réglementation des contrôles techniques, etc., jouent des rôles prépondérants au niveau du volume d'affaires à traiter. Les obligations de ce service supposent donc, peut-être plus qu'ailleurs, une grande flexibilité dans la réponse à la demande. La dernière modification de la réglementation sur la périodicité des contrôles techniques illustre comment de nouvelles exigences ne peuvent être satisfaites de manière efficace et au meilleur coût que par un ajustement des moyens mis en oeuvre.
Ce passage d'une périodicité régulière à trois ans à une périodicité croissante (4 ans/3 ans/puis tous les deux ans) a accru de quelque 10 000 unités, dans une situation économique propice au vieillissement du parc automobile, le nombre d'inspections nécessaires pour les véhicules anciens.
Une gestion flexible, une utilisation optimale des investissements et des actifs à disposition, telles que les rend possibles l'exploitation par une entreprise privée permettent, en outre, une maîtrise de l'évolution des coûts des prestations et la suppression d'un excédent de dépenses qui, en 1991, a alimenté le déficit de l'Etat de près de 5 millions de francs et de quelque 4 millions pour 1992 compte tenu que l'impact des nouveaux tarifs n'est intervenu qu'au cours du dernier trimestre.
Comme le souligne le professeur Thomas Fleiner, «le principe budgétaire qui ne permet pas de prévoir des «profit centers» disposant d'une comptabilité indépendante ne permet pas non plus aux responsables des services de l'administration (offices, départements, ...) de prendre des décisions stratégiques pour le développement de leurs propres entités et de décider de leurs besoins en personnel et en matériel en fonction de leurs activités».
Les objectifs de la délégation consistent donc à:
- rendre le service des automobiles et de la navigation plus économique en respectant la qualité de la prestation;
- rechercher la satisfaction du client par l'introduction d'éléments de motivation plus forts pour le personnel;
- assurer les investissements nécessaires à l'exploitation du service par le marché financier privé;
- gérer au plus près les équipements et installations actuels;
- alléger les finances publiques de l'excédent de charges d'exploitation découlant de l'activité du service des automobiles et de la navigation;
- percevoir une contribution relative à l'actif mis à disposition.
VI. Mise en oeuvre et concertation
Le présent projet de loi, les objectifs poursuivis et les axes de la mise en oeuvre ont été présentés au personnel du service des automobiles et de la navigation, aux partenaires sociaux et aux milieux intéressés.
Le projet de loi a pour but de matérialiser le cadre de l'attribution des tâches d'une unité organique de l'Etat à un organisme privé.
Comme le rappellent les avis de droit, la loi doit être un acte qui:
- fixe le principe de la délégation des tâches à une entreprise privée comprenant le pouvoir de prendre des décisions administratives;
- assujettit l'organisme privé aux règles et aux principes du droit public;
- instaure le pouvoir de surveillance et d'instruction exercé par l'Etat sur l'entreprise délégataire;
- énonce les principes en matière de conditions à remplir par le délégataire ainsi que la durée maximum de la délégation;
- confirme l'existence d'un contrôle possible des décisions par le juge administratif.
L'attribution de la délégation nécessite naturellement le règlement de nombreux autres points importants telles les modalités de passage pour le personnel, les conditions financières, notamment de fixation des prix des prestations ou encore de mise à disposition des locaux et infrastructures existantes. Ces modalités seront définies après l'adoption du projet de loi dans un règlement d'application, dans le cahier des charges en vue de la procédure d'appels d'offres et/ou dans le contrat de droit administratif avec le délégataire.
Dans ce contexte, le Conseil d'Etat, parallèlement à la procédure parlementaire, a décidé de créer une commission ad hoc de suivi dont la mission est d'assurer une concertation sur les questions relatives au passage du personnel du service des automobiles et de la navigation à un organisme privé. Cette commission sera composée de cinq membres élus par le personnel du service des automobiles et de la navigation (dont un cadre intermédiaire et deux inspecteurs), de deux membres de l'UAPG, de deux membres de la CGAS (dont un du Cartel) et d'un représentant de l'UPCP, ainsi que de trois à sept représentants de l'office du personnel de l'Etat, du département de justice et police et des transports et de la direction du service des automobiles et de la navigation.
Elle sera présidée par le conseiller d'Etat chargé du département précité.
Les étapes de la mise en oeuvre de ce projet sont les suivantes:
- renvoi du projet de loi au Grand Conseil et ouverture de la concertation sur les modalités pratiques;
- examen en commission, rapport et adoption de la loi par le Grand Conseil;
- rédaction et adoption par le Conseil d'Etat du règlement d'application de la loi;
- adoption par le Conseil d'Etat du cahier des charges en vue d'un appel d'offres;
- ouverture de l'appel d'offres et délai pour le retour des soumissions;
- évaluation des offres;
- attribution de la délégation à une entreprise déterminée par arrêté du Conseil d'Etat;
- signature d'un contrat de droit public avec l'entreprise délégataire;
- entrée en vigueur de la délégation: janvier 1995.
VII. Commentaire article par article
Article 1
Cet article constitue le fondement juridique de la délégation du pouvoir de l'Etat relativement au domaine concerné.
Constitutionnellement, le législateur est appelé à coordonner les activités étatiques et à déterminer la structure fondamentale de l'administration ainsi que ses attributions.
A fortiori, les diverses formes d'organisation qui s'écartent de l'administration centrale échappent à la compétence du Conseil d'Etat.
C'est donc au Grand Conseil, par une loi formelle, d'habiliter le Conseil d'Etat à confier, par un contrat de droit public, à une entreprise privée, l'exercice des activités publiques assumées jusqu'alors par le service des automobiles et de la navigation.
L'article énonce l'objet de la délégation (al. 1), y prescrit l'exigence d'une délégation exclusive à un seul organisme privé et l'obligation qui lui est faite d'exercer les activités déléguées (al. 2). Le délégataire de tâches publiques ne jouit pas en la matière de la liberté de commerce et de l'industrie.
Les règles de la concurrence ne sont ni ne doivent être applicables, comme indiqué ci-dessus. Enfin, il impose la conclusion d'un contrat de droit public (al. 3) fixant les conditions de la délégation et ses dispositions d'exécution. Il s'agira notamment de régler les modalités financières de mise à disposition des locaux et infrastructures existantes, les procédures de surveillance, les conditions autres que celles découlant de la présente loi à remplir par le délégataire, ainsi que les clauses de dénonciation du contrat.
Article 2
Il n'est point besoin de s'attarder à démontrer que la valeur fondamentale du service des automobiles et de la navigation, en tant qu'entreprise publique de prestations, repose sur son personnel et les compétences professionnelles de celui-ci. Le passage à une entité privée doit donc être géré de façon à satisfaire une grande majorité dudit personnel.
La première garantie accordée à celui-ci consiste en l'obligation faite au délégataire de reprendre l'ensemble du personnel en fonction à la date de prise d'effet de la délégation (al. 1). Cette obligation vise sans distinction les fonctionnaires, employés et apprentis. La reprise doit être faite pour une durée indéterminée ou pour la date correspondant à l'échéance d'engagement pour le personnel au bénéfice d'un contrat de durée déterminée avec l'Etat.
Au-delà de l'opération de transfert, il convient de souligner que les activités du service des automobiles et de la navigation existent par la volonté étatique. Les lois, ordonnances et règlements, qui fondent la raison d'être et le fonctionnement du service des automobiles et de la navigation, garantissent ainsi la continuité du marché. La garantie d'emploi, liée à la pérennité des services de l'Etat, suit ainsi le fonctionnaire qui passe de la fonction publique à l'entreprise privée délégataire, dans cet environnement particulier.
La délégation s'inscrit dans une logique de continuité. Elle ne s'apparente donc pas à un simple processus de cessation de rapports de service avec l'Etat qui laisserait le personnel du service des automobiles et de la navigation incertain quant à l'avenir de ses rapports de travail avec le délégataire. Dans ce contexte, l'application de l'alinéa 5 de l'article 24 de la loi sur le statut du personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux doit être exclue. Cette disposition vise en effet à préserver les intérêts économiques d'un fonctionnaire qui est congédié à la suite d'une suppression du poste et pour lequel l'Etat n'est pas parvenu à lui confier une fonction correspondant à ses capacités. Tel n'est pas le cas en l'espèce. Par le régime légal de la délégation, chaque employé, qui le voudra bien, est en effet assuré par l'Etat d'être au bénéfice d'un contrat de travail avec le délégataire pour une durée équivalant à celle du contrat régissant ses rapports avec l'Etat et aux conditions indiquées ci-dessus.
L'alinéa 3 assure au personnel le maintien de son affiliation à la caisse de prévoyance du personnel enseignant de l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de Genève (CIA). Il s'agit d'éviter les problèmes d'interface entre la prestation au libre passage accordée par la CIA et le système de prévoyance de la caisse du délégataire, notamment du rattrapage de cotisation à la charge du personnel concerné.
Pour les autres modalités de transfert du personnel, la commission ad hoc de suivi assurera la concertation. Il s'agira notamment d'évoquer les droits et obligations figurant dans l'avant-projet de cahier des charges.
S'agissant de l'alinéa 4, il est prévu de mettre à disposition du délégataire les immeubles, les terrains et les actifs mobiliers du service des automobiles et de la navigation. La maintenance, l'entretien, l'adaptation des immeubles ainsi que le remplacement des équipements mobiliers seraient à la charge du délégataire ainsi que les nouveaux investissements nécessaires tant à la bonne marche du service que pour conserver une avance technologique indispensable à l'amélioration de la productivité.
Article 3
Cet article fixe les dispositions essentielles relatives au délégataire. Son alinéa 1 requiert que l'organisme prévu soit constitué selon les règles du droit suisse et ait son siège à Genève. Cette exigence est notamment fondée sur des raisons de surveillance de l'Etat sur ledit organisme.
L'alinéa 2 vise à ce que les personnes physiques qui agissent pour le délégataire offrent des garanties comparables à celles des fonctionnaires vis-à-vis des administrés. Il est le complément logique du principe énoncé à l'article 5, alinéa 1. Il s'agit en effet d'éviter que les justiciables ne risquent de voir affaiblies les protections dont ils jouissent dans leurs rapports habituels avec l'autorité. Deux devoirs des fonctionnaires sont concernés: l'interdiction d'accepter ou de solliciter des dons en raison de leur situation officielle et l'obligation de discrétion. Ces deux devoirs, excédant les obligations légales des employés prévues au titre 10e du Code des obligations, seront obligatoirement intégrés comme clauses contractuelles dans les contrats individuels de travail conclus avec le délégataire.
Article 4
Il est fait obligation au délégataire d'exécuter les tâches confiées. En ce sens, l'entreprise et les membres de son personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'Etat et doivent s'abstenir, notamment au travers des activités déléguées, de tout ce qui pourrait lui porter préjudice. De même, l'entreprise ne pourrait confier à des tiers, sans l'accord préalable de l'Etat de Genève, tout ou partie de l'exécution des tâches déléguées.
Selon l'alinéa 2, le délégataire est investi du pouvoir de décision et devient ainsi autorité administrative au sens de l'article 5 de la loi genevoise sur la procédure administrative, avec les droits et devoirs qui en découlent. Cette disposition confère au délégataire privé un pouvoir d'autorité qui lui permet de décider, dans un cas d'espèce, des mesures individuelles et concrètes ayant pour objet de restreindre ou d'annuler des droits ou des obligations, de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits et obligations.
Son alinéa 3 fait enfin interdiction à l'entreprise d'exercer toute activité parallèle qui puisse nuire ou impliquer un conflit d'intérêt relativement à l'objet de la délégation.
Article 5
Le délégataire doit bien évidemment se conformer au droit public. On songera en particulier à l'observation des principes constitutionnels fédéraux, la suprématie de la loi, les droits de fond et procéduraux déduits de l'article 4 de la Constitution fédérale, le respect des principes régissant les activités administratives, l'inviolabilité du droit de recours des citoyens contre des décisions prises par le délégataire, etc.
Article 6
Le financement des dépenses de fonctionnement et des investissements d'équipement ou d'infrastructure est à la charge du délégataire, comme indiqué sous commentaire de l'article 2, alinéa 3.
Pour le service de la fourrière, un régime particulier a été prévu. Les installations occupées par la fourrière de même que son fontionnement intrinsèque ne permettent pas la couverture des charges par l'émolument. Il est proposé de préserver l'unité du service des automobiles et de la navigation et de faire bénéficier la fourrière de la gestion pratiquée par la société d'exploitation privée. Le délégataire se charge donc de gérer et d'organiser pour le compte de l'Etat le service de la fourrière en prenant à cet effet les mêmes mesures d'efficacité et en mettant en oeuvre les mêmes outils de gestion qui prévaudront pour l'organisme tout entier.
Pour couvrir les dépenses, à l'exclusion de celles de la fourrière, le délégataire perçoit des émoluments correspondant à la contrepartie des prestations fournies. Le montant de chaque émolument (ou prix de la prestation) est tarifé, s'agissant d'une activité non concurrentielle pour laquelle les règles du marché ne sont pas applicables.
La perception des recettes fiscales sur les véhicules à moteur et les bateaux constitue une activité importante. Elle sera dédommagée sur la base d'une indemnité forfaitaire fixée entre 3% et 4%. Ce pourcentage est celui qui est concédé à l'employeur lorsque celui-ci retient l'impôt à la source ou aux cantons lorsqu'ils perçoivent la redevance sur le trafic des poids lourds pour le compte de la Confédération.
Article 7
L'existence d'une surveillance de l'Etat sur le délégataire est une autre garantie donnée aux administrés et destinée à leur assurer, dans leurs rapports avec le délégataire, des mêmes protections que s'ils se trouvaient en présence de l'Etat lui-même.
L'autorité de surveillance de l'Etat portera notamment sur l'égalité devant la loi et l'usage du pouvoir public qui est délégué. Dans le domaine de l'informatique, la commission de contrôle de l'informatique de l'Etat pourra notamment s'assurer d'office que les dispositions légales et réglementaires concernant le traitement confidentiel des informations sont observées pendant les opérations de traitement automatique des données.
Article 8
En tant qu'entité dotée de la personnalité juridique, le délégataire assume la responsabilité de ses dettes et de ses engagements. Il répond au même titre que l'Etat des actes licites et illicites que ses employés commettent dans l'exercice de leur activité, conformément à la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes. La même étendue de responsabilités s'applique au délégataire lui-même.
Article 9
Cet article est une disposition particulière de l'article 5, alinéas 1 et 2. Il met un accent particulier sur l'application par le délégataire des mêmes règles en matière de procédures et de protection des données que celles prévalant pour les services de l'Etat.
Il rappelle par ailleurs la soumission du délégataire à la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.
Article 10
La délégation est accordée pour une durée déterminée, fixée compte tenu des impératifs de gestion et du temps nécessaire à un amortissement raisonnable des investissements. L'octroi d'une nouvelle délégation par contrat de droit public à l'échéance d'une précédente période de délégation est possible. Elle doit respecter la procédure de mise en adjudication par soumission publique de l'article 11.
Article 11
Cet article fixe la procédure formelle de transfert des activités de l'Etat. Pour garantir l'égalité des droits et assurer un concours stimulant entre les éventuels intéressés, l'alinéa 1 prévoit le recours à une soumission publique.
Un cahier des charges contenant les spécifications ainsi que les renseignements nécessaires à la formulation de l'offre seront mis à la disposition des soumissionnaires. Le délai de soumission sera fixé de manière à donner aux soumissionnaires assez de temps pour formuler leur offre avec soin.
L'adjudicataire devra au minimum répondre aux conditions de l'alinéa 3. Il s'agit de confier la délégation à une structure adaptée, notamment fondée sur l'indépendance de l'organisme par rapport aux milieux économiques avec lesquels il sera appelé à entretenir des relations administratives ou techniques (assurances, entreprises de la branche automobile, etc.).
Article 12
Pas de commentaires.
Article 13
Il s'agit d'adaptations techniques de certaines lois concernant les domaines d'activités délégués, aux fins d'assurer leur conformité à la présente loi. Les lois modifiées désignent soit le département, soit le service des automobiles et de la navigation, comme autorité compétente pour prendre des décisions. Selon le droit existant, le département et le service agissent ainsi en tant qu'unité organique de l'administration. Ni le département, ni le service ne peuvent donc se défaire d'une attribution précise de compétence que la loi leur a conférée. Il convient donc d'ancrer dans ces lois spéciales la possibilité d'attribuer ces compétences à un organisme privé au bénéfice de la présente loi de délégation.
VIII. Conclusion
Le Conseil d'Etat a exprimé et concrétisé à plusieurs reprises sa ferme volonté de redresser les finances publiques. Le projet qu'il vous soumet constitue une mesure d'assainissement doublée d'une volonté de réforme et de modernisation du service public, conforme à l'évolution, de plus en plus marquée sur le plan international, des structures de l'administration publique des services.
Les exigences attachées au fonctionnement d'une société démocratique, l'évolution des esprits, l'émergence de nouveaux besoins imposent au service public des règles de comportement et d'actions qui prolongent et enrichissent les principes originels de fonctionnement. Il s'agit de faire progresser la qualité de la réponse apportée aux usagers du service des automobiles et de la navigation en s'appuyant sur une structure et un environnement privés adaptés aux besoins et à l'évolution de notre société.
Avec les assurances qu'offrent le présent projet de loi ainsi que celles qui découleront du contrat de droit public, en termes de conditions de transfert, de surveillance, de garantie de fonctionnement du service public, de respect des droits fondamentaux des individus, l'initiative d'une délégation des activités du service des automobiles et de la navigation à une entreprise privée est une mesure efficace et nécessaire.
Au vu des explications qui précèdent, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le présent projet de loi.
Préconsultation
Le Le président. Nous allons fonctionner selon notre nouveau règlement et notamment selon son article 72 qui prévoit, je cite : «En préconsultation, un seul député par groupe peut prendre la parole. Son intervention ne peut excéder 5 minutes au maximum. Un seul conseiller d'Etat intervient. Son temps de parole ne peut excéder 10 minutes.»
M. Michel Ducret (R). Le char de l'Etat ne passe plus la visite, du moins pas sans une révision fondamentale !
Le groupe radical accueille donc cette proposition d'un bon oeil, puisqu'elle vise à en alléger la charge. Nous entendons l'étudier sereinement dans une commission, que nous souhaitons ad hoc. Pour nous, ce projet concocté par le magistrat socialiste Bernard Ziegler et repris tel quel avec son département par M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, est une concrétisation des possibilités de désengager l'Etat de tâches qui ne doivent pas être essentiellement et directement assurées par les pouvoirs publics. Directement parce qu'il s'agit en l'état d'une délégation à terme, ce qui est important pour éviter l'instauration d'un monopole permanent, et non d'une privatisation au sens propre du terme.
Nous savons qu'un tel système est possible. L'exemple allemand des «TüV», depuis 1905, le démontre à l'envi; ils fonctionnent à satisfaction. Il nous appartient, par contre, de veiller aux conditions de cette délégation quant aux intérêts des citoyens contribuables, ainsi que de ceux de l'Etat lui-même et de ses employés actuels. C'est le but du travail de la commission qui sera désignée. Nous souhaitons que tous s'y rendent avec un esprit positif. Par avance, je vous en remercie.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Mon groupe accueille avec intérêt et de manière favorable le projet de loi soumis par le Conseil d'Etat.
Il a le mérite de poser de manière concrète le rôle qui doit être celui de l'Etat. Faut-il ou non que le contrôle du parc automobile, les plaques de circulation, les permis de conduire, les permis de circulation soient effectivement strictement traités par des agents étatiques ? Le premier réflexe consisterait à dire oui; puisque cela a toujours été ainsi, il n'y a, a priori, aucune raison de changer. En réfléchissant, force est de constater que, compte tenu du type de tâches assumées par le service des automobiles, on ne voit pas pourquoi celles-ci ne pourraient pas être traitées par une entreprise délégataire privée. A la condition que des cautèles strictes soient posées au plan juridique, rien ne s'oppose à ce que tel soit le cas.
D'autres pays autour de nous, tout à fait civilisés et dont les systèmes juridiques sont avancés, connaissent ce mode de faire et on ne voit pas pourquoi cela serait différent à Genève. On s'aperçoit qu'en Suisse toute une série de tâches publiques impliquant l'exercice de la puissance publique sont susceptibles d'être déléguées. Cela peut être le cas des offices des poursuites et des faillites. A Genève, cet office appartient à l'administration cantonale, mais dans d'autres cantons ces offices sont gérés par des sociétés privées. Cela est expressément prévu par la loi fédérale qui réglemente en la matière. Les huissiers judiciaires ont aussi pour eux une part de la puissance publique. Ce sont eux qui, notamment, exécutent les jugements. A Genève, ce sont des personnes privées qui exercent cette fonction.
Notre groupe est donc heureux que le Conseil d'Etat amorce une réflexion sur la privatisation, sur la collaboration avec le secteur privé et qu'il envisage, pour certaines des tâches dévolues à l'Etat, la faculté de les déléguer à une entreprise privée. Aujourd'hui, l'état des finances publiques rend les choses particulièrement difficiles : c'est un défi à relever. Les tâches toujours grandissantes de l'Etat doivent amener ce dernier à se concentrer sur des activités essentielles et à faire tous les efforts possibles pour les plus défavorisés d'entre nous.
Cela étant, il nous apparaît indispensable que, dans le cadre de ce projet de loi - c'est ce que nous examinerons en commission - un certain nombre de garanties soient données. Il en va ainsi en matière de sanctions administratives et de retraits de permis. Est-il permis qu'une entreprise délégataire le fasse ? Il en va ainsi en matière d'informatique, de banques de données. Il en va ainsi pour le personnel qui doit avoir la garantie d'être repris par l'entreprise délégataire, à certaines conditions qui satisfassent les droits de ce même personnel. Il en va ainsi de la caisse de pension de ce même personnel. Et enfin, il en va du coût des prestations. En effet, le fait de déléguer ne doit pas engendrer des coûts supplémentaires qui seraient supportés par les contribuables. Je pense qu'il conviendra d'être particulièrement stricts à cet égard dans le contrat de droit administratif qui sera, le cas échéant, passé entre le Conseil d'Etat et l'entreprise délégataire.
En conclusion, nous saluons les efforts de réflexion faits par le Conseil d'Etat qui a le courage de sortir des sentiers battus. Il nous oblige à nous interpeller sur ce que doit être le rôle, les tâches essentielles de l'Etat dans les périodes difficiles que nous connaissons. Nous serons heureux d'examiner tout cela dans une commission dont nous souhaitons également qu'elle soit une commission ad hoc.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Notre groupe a pris connaissance avec inquiétude et perplexité du projet du Conseil d'Etat concernant le service des automobiles et de la navigation. Ce projet de délégation, comme on souhaite le nommer - excusez-moi si le mot privatisation m'échappe parfois, mais il faut reconnaître que la marge de différence est faible - a suscité de très nombreuses discussions au sein de notre groupe parlementaire, mais également de notre parti, ce qui n'est pas forcément habituel pour un sujet touchant les transports privés parce qu'il pose le principe général de la privatisation.
Si nous ne sommes pas opposés, par principe ou par dogmatisme, à tout projet de délégation du service public au privé, il y a néanmoins quelques critères à respecter avant d'effectuer lesdits transferts.
Premier critère. Nous estimons que certaines tâches doivent rester en main de l'Etat. Ce sont toutes les tâches qui relèvent de la fiscalité et de l'autorité publique. Seul l'Etat dispose dans ces domaines de l'assise et de l'autonomie nécessaires pour appliquer les lois avec l'impartialité et la rigueur requises. Si la police ou les impôts étaient privatisés, la collectivité serait désarmée face à d'innombrables risques d'abus, de favoritisme, de corruption ou de partialité. Il est essentiel que dans ces domaines le monopole de l'Etat reste intangible. S'agissant du service des automobiles et de la navigation, on s'aperçoit donc que, selon ce critère, il est impossible de privatiser les tâches d'encaissement des taxes et impôts, de même que celles liées aux mesures administratives.
Deuxième critère : la concurrence. Nous estimons, en effet, que la privatisation doit déboucher sur des situations de concurrence entre plusieurs entreprises offrant le même service. On peut dire que les activités du SAN relèvent totalement du monopole et que l'entreprise qui serait appelée à le reprendre ne serait soumise à aucune concurrence. De ce fait, elle se trouverait dans la même situation que l'Etat. Pour devenir rentable, elle devrait augmenter fortement ses taxes et ses émoluments, et cela l'Etat peut également le faire.
Troisième critère : préservation du service public. On nous répond à cela que l'entreprise sera soumise à un contrôle rigoureux de l'Etat. Alors non seulement ses problèmes de coûts et d'efficacité seront identiques à ceux de l'Etat, mais en plus elle sera sous contrôle de l'Etat. L'intérêt pour une entreprise privée devient sinon nul au moins à démontrer.
Le dernier critère concerne la prévention du dumping social. On s'aperçoit en effet que pour être rentable la tentation de revoir les salaires à la baisse ou de se séparer de quelques employés pourrait être bien réelle.
Les critères que je viens d'énoncer ne peuvent manifestement pas s'appliquer au projet de loi tel qu'il nous est proposé par le Conseil d'Etat. Il est donc exclu que le parti écologiste le soutienne dans sa teneur actuelle. Par contre, nous ne nous opposerons pas à son renvoi en commission, car nous sommes conscients que la situation actuelle du SAN n'est pas satisfaisante et qu'elle doit être étudiée de manière très approfondie. En effet, il est totalement anormal qu'un tel service coûte 4 à 5 millions à l'Etat !
Notre groupe proposera en commission la transformation du statut actuel du SAN en établissement autonome de droit public, dont les tâches seraient définies dans un mandat de prestations. Les tarifs seraient fixés en accord avec le Conseil d'Etat de manière à couvrir la totalité des coûts, et l'établissement aurait la possibilité d'emprunter et d'investir pour son propre compte. Cela permettrait d'être plus proche des usagers qui devraient être représentés dans le conseil d'administration par des associations telles que l'ATE, le TCS et l'ACS.
Voilà quelles seront les propositions que nous défendrons en commission et qui, nous l'espérons, rencontreront un large écho.
M. Jean Spielmann (AdG). Il faut avant tout faire le distinguo entre une privatisation et ce qui ne l'est pas, notamment après les multiples déclarations faites par la presse et par certains responsables à ce sujet. Ce canton compte une série d'établissements et une série d'activités qui sont du ressort des établissements de droit public, comme l'aéroport, l'hôpital, les services industriels et les transports publics. Il est légitime de donner une certaine autonomie, y compris dans le domaine des investissements et de la gestion, à certains établissements. On pourrait ajouter d'autres propositions, dans le même contexte, pour les Cheneviers, la station d'Aïre, etc., afin d'avancer dans l'idée d'une centralisation des responsabilités.
Il en va bien sûr tout autrement pour les activités qui relèvent d'un acte d'autorité de l'Etat : police, sanctions, etc., dont les émoluments et les conditions financières sont fixés par l'Etat.
D'autre part, il y a aussi, au niveau du service des automobiles, une série d'activités incompatibles avec celles d'une entreprise privée. Je pense ici au rôle des inspecteurs qui ont un statut quasiment identique à celui d'un policier. Ils sont assermentés et doivent intervenir en cas d'accidents comme témoins ou comme experts dans le cadre des jugements des tribunaux. Leurs responsabilités sont grandes, car parfois les enjeux sont très importants. Je ne vois donc pas comment il serait possible de transférer ces charges au secteur privé en lui donnant le monopole en matière d'autorité.
Quelle serait la raison de ce changement ? On nous explique que le bureau des autos ne peut plus répondre aux besoins, suite aux décisions prises par le Conseil d'Etat de bloquer le personnel et de limiter les investissements. L'absurdité est poussée au maximum. On nous dit maintenant que la seule alternative est d'aller encore plus loin dans l'absurdité en privatisant. Ces activités ont des exigences d'égalité de traitement des citoyens devant la loi et devant les règlements. Il n'est pas possible de les transférer dans le domaine du privé, d'autant plus que, dans ce domaine, on connaît les problèmes qui existent au niveau des garages et des assurances. Des dispositions sont déjà prises qui sont irréalisables dans le cadre d'une telle privatisation.
On a aussi complètement pipé les dés financiers ! On vous a présenté les comptes de 1991 pour démontrer le déficit en oubliant de dire que, pour les comptes 1992, un tiers seulement des nouveaux émoluments ont été considérés. Il serait intéressant de voir ce qu'il en est pour 1993. On oublie de dire également qu'il y a des possibilités pour couvrir les frais de ce bureau et qu'en cas de privatisation les émoluments devront être augmentés. Ce sont les automobilistes qui en feront les frais ! Ils devront payer non seulement la charge de fonctionnement du bureau des autos, mais encore le bénéfice que prendra l'entreprise. En effet, je n'imagine pas que vous trouverez des philanthropes pour travailler à perte pour le bien de l'Etat et des automobilistes ! Il y a donc bien une volonté de reporter sur les automobilistes les bénéfices qui seront faits par ces entreprises.
Pour toutes ces raisons nous ne sommes pas d'accord avec ce projet de loi. Nous le combattrons et nous ferons la démonstration de l'absurdité de la politique conduite au niveau de la gestion de l'Etat et au niveau de la privatisation que vous êtes en train de mettre en route !
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Que vous le vouliez ou non, vous n'échapperez pas aux questions de fond portant sur le rôle de l'Etat, les moyens qu'on lui accorde pour remplir ses tâches et les exigences pour un service public de qualité. Et il convient de prendre le temps de répondre à cette question même, et peut-être surtout, en cette période de difficultés budgétaires et économiques. La crise que nous vivons aujourd'hui s'inscrit dans un contexte international, bien que sévissant en Suisse plus tardivement qu'ailleurs en Europe. Nous devrions nous rappeler les méthodes employées ailleurs pour résoudre tant les difficultés budgétaires étatiques que la crise économique. Le résultat est clair : ni la déréglementation, ni les privatisations, ni le moins d'Etat n'ont permis de sortir de l'impasse. L'intervention étatique est même à nouveau souhaitée Outre-Atlantique.
Faisons une économie : celles des erreurs de nos pays voisins ! Et tentons de ne pas oublier que les difficultés actuelles ne sont par «Propres in Switzerland».
Le projet de loi proposé par le Conseil d'Etat s'inscrit dans une perspective de modernisation de l'Etat, la modernisation étant entendue comme la résolution de l'impasse budgétaire. Combler l'actuel déficit budgétaire ne pourra pas se faire par un unique projet de «modernisation». Nous savons bien que ce projet de loi est le premier d'une longue série qui amènera progressivement à une redistribution des prestations étatiques. Et ceci sans avoir fixé un cadre préalable délimitant l'intervention de l'Etat.
Comme s'il n'y avait jamais eu auparavant de réflexion sur le rôle de l'Etat et sur son évolution ! C'est vite oublier la portée de la motion 734, laquelle posait, précisément, la question de l'efficacité de l'Etat et donc de son rôle futur dans un contexte général de crise économique et budgétaire. Cette motion, malgré un premier rapport intermédiaire, n'a jamais eu de suite alors qu'elle était soutenue par l'ensemble du Parlement.
C'est pourquoi nous ne pouvons pas aborder le projet de loi proposé par le Conseil d'Etat comme s'il s'agissait d'une démarche isolée. Ce projet de délégation de tâches du service des automobiles et de la navigation à une entreprise privée est un premier ballon d'essai. Une tentative de déréglementation, qui ne restera pas isolée, dans l'unique but, dites-vous, d'assainir les finances.
La forme adoptée pour nous faire avaler la pilule est quelque peu contestable. Affirmer que les aspects juridiques liés à la délégation sont réglés par trois courtes citations, extraites des avis de droit demandés à cette occasion, n'est pas très sérieux. Bien que les membres de cette assemblée soient très occupés, ils sont parfaitement disponibles et capables d'aborder des avis de droit in extenso. Trois extraits, même présentés joliment par le miracle informatique, ne constituent pas une base juridique suffisante permettant de nous déterminer si la délégation à un organisme privé est possible dans le cas du SAN.
Les arguments économiques en faveur de cette délégation sont les investissements, par le biais du marché privé, et la suppression pour l'Etat de Genève de la perte d'exploitation du SAN. Pleurer sur les investissements, trente ans après la construction de la halle technique, fait figure de larmes de crocodile. Il y a belle lurette que ces bâtiments sont amortis, et s'il n'y a pas eu d'investissements, à qui la faute ? Si les appareils sont dinosauriens, cherchez l'erreur ! La situation financière sera certainement équilibrée par une diminution des charges, notamment par une péjoration des conditions de travail et par une augmentation des taxes. Le SAN avait déjà été redimensionné ces dernières années et il n'avait pas été nécessaire de supprimer des postes pour arriver à cette fin.
Cette étape a bizarrement été oubliée dans ce dossier puisque la «revue de presse», c'est un bien grand mot, qui nous est soumise, date des années 1982 et 1986 quand on a bien voulu faire figurer les dates !
L'état de la trésorerie et les comptes d'exploitation relevant du modèle privé sont extrêmement réjouissants : le simple passage du public au privé fait enregistrer une augmentation de la trésorerie et des comptes d'exploitation. Ces tours de magie nous semblent être réalisés par de la grosse, très grosse ficelle !
En ce qui concerne l'exercice du pouvoir de surveillance de l'Etat, et plus particulièrement la mise en demeure du délégataire, rien n'est dit sur l'obligation de maintenir et de restituer, après vingt ans, les installations au moins en l'état : donc pas d'obligation d'investissements.
Silence aussi sur l'obligation d'effectuer sans retard les contrôles sur les véhicules. Quant à la clause de résiliation immédiate du contrat de délégation et curatelle d'exploitation, aucune sanction n'est prévue. Voilà un pouvoir de surveillance qui semble atteint de forte myopie !
Le chapitre consacré au personnel laisse déjà augurer quelques surprises de taille. Ainsi, il est prévu une garantie, au besoin à titre individuel, des principaux droits et devoirs existants lors du transfert. Le personnel du SAN n'a que faire de garantie à titre individuel, mais veut une convention collective de travail garantissant au moins les conditions de travail actuelles s'appliquant non seulement à celles et ceux qui seront transférés, mais également aux futurs employés. Le même principe doit s'appliquer pour l'affiliation à la CIA.
Je crois que si ce projet avait été présenté par un magistrat socialiste, notre position aurait été la même et le projet aurait été combattu comme il l'est ce soir. (Aahh sur les bancs de la droite et rires.) La seule différence porte sur le fait qu'une nouvelle législature est entamée et que l'exécutif, en 1994, a une conception de l'Etat différente de celle qui était la sienne avant novembre 1993. (Quolibets et réflexions fusent.)
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne s'oppose pas au renvoi de ce projet de loi en commission... (Aahh de satisfaction.) ...qui devrait être ad hoc, mais il s'opposera à l'entrée en matière sur le projet de loi tel que proposé actuellement.
M. Michel Halpérin (L). Bien qu'il émane d'un magistrat socialiste, le groupe libéral accueille avec faveur le projet qui vous est soumis. Je n'aurai pas besoin d'insister longtemps, puisque nous aurons l'occasion de le faire au cours des débats de la commission ad hoc qui recevra ce texte.
Je ferai simplement remarquer quelques-uns des paradoxes qui émaillent déjà les propos des adversaires de ce projet.
On nous dit, par exemple, qu'il est regrettable qu'une entreprise reçoive le monopole de ces travaux tout en nous proposant de les confier à un établissement de droit public.
On nous explique que le monopole n'est pas la concurrence, tout en oubliant de nous parler du principe de soumission qui prévaut.
On se plaint sur les bancs écologistes du tort qui va être fait aux usagers automobilistes; voilà bien une sollicitude inhabituelle de leur part ! (Rires.)
Ce projet a un but économique évident, qui a déjà été rappelé. Il s'agit de moderniser le fonctionnement de ce service, et nous savons que dans les tâches prioritaires que l'Etat doit accomplir, il n'a plus les moyens ni les ressources matérielles et humaines de procéder à cette modernisation.
C'est très simple, si nous renoncions à ce genre de délégation, nous nous retrouverions probablement dans la même situation que celle qui a prévalu ces dernières années dans d'autres monopoles que nous avions l'habitude de considérer comme sacrés. Aujourd'hui, par exemple, en matière de téléphone nous ne sommes plus aussi compétitifs que bien des pays voisins, qui ont renoncé avant nous à des tâches de monopole ou d'Etat. Voilà déjà une raison de moderniser. On pourrait, plus sérieusement encore, considérer que si l'Etat n'avait pas assumé dans l'ex-Union soviétique les responsabilités d'un certain nombre de centrales, il n'y aurait pas eu vingt mille accidents de type nucléaire ces deux ou trois dernières années.
Nous avons des tâches prioritaires à accomplir dans un Etat qui n'a plus les moyens d'y faire face. Il faut aujourd'hui qu'il choisisse. En faisant le choix de renvoyer ces travaux à une entreprise qui répondra aux exigences et au contrôle de l'Etat, il fait le choix le plus raisonnable : celui de donner des prestations qui seront payées par les usagers à leur coût réel tout en permettant une bonne modernisation de ces services. Voilà pourquoi ce projet mérite d'être accueilli favorablement.
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Permettez-moi de vous rappeler comment s'est développée cette mesure gouvernementale de restructuration d'un service public, de faire le point sur la situation d'avancement du dossier et de vous rappeler, en conclusion, quelques vérités élémentaires à la base de ce projet.
Il faut rappeler que, sous l'impulsion d'un magistrat socialiste, M. Bernard Ziegler, un groupe de travail a été créé en 1992. Il a «planché» sur ce projet environ deux ans. Il a rendu, à l'automne 1993, un rapport final comprenant aussi bien les études techniques, économiques que juridiques. A mon arrivée à la tête du département, en décembre 1993, M. Ziegler a expressément attiré mon attention sur ce dossier en insistant sur l'urgence de sa présentation. En effet, des bruits commençaient à courir dans le personnel et, par simple égard envers ce personnel, nous ne pouvions pas maintenir plus longtemps l'équivoque.
J'ai donc pris la décision, avec l'équipe de projet, de publier ce dossier en lui donnant un maximum de transparence. Le 13 janvier nous avons d'abord présenté ce dossier au personnel, par égard envers ce qu'il faisait au SAN, puis à la presse pour qu'elle puisse travailler en connaissance de cause, puis aux partenaires sociaux, eu égard à leur rôle essentiel dans les relations avec le personnel et, enfin, aux milieux concernés. Nous avons été motivés par une volonté de totale transparence, de totale loyauté envers notre personnel et de totale clarté en matière de ligne politique. Eh bien, surprise, ce langage a dérangé d'aucuns, nostalgiques de la langue de bois sur fond d'entrechats et de valses-hésitations ! Comprenne qui pourra !
Mais chacun doit se persuader ici que ce gouvernement n'a pas envie de revenir aux tergiversations incessantes du temps jadis, ce qui n'exclut nullement une volonté ferme et permanente de dialogue. Et le dialogue, j'y arrive !
La majorité du personnel du SAN a élu une délégation, le 19 janvier 1994. A ce jour, aucune critique fondée n'a pu être formulée sur cette élection, et même le recours que mon département a dû rejeter traitait du projet lui-même et non pas des conditions de son lancement. La délégation du personnel a donc siégé à trois sur cinq pendant deux séances, puis à cinq sur cinq tout à fait normalement depuis la troisième séance, sans aucun problème. Les syndicats ont été invités; les deux représentants de l'UAPG ont d'abord rencontré les deux représentants de la CGAS, MM. Beer et Thorel, avec un état d'esprit tout à fait positif et constructif démontrant qu'ils effectuent avec honneur la tâche d'un syndicat : défendre ses adhérents. Dès la seconde séance, le délégué de l'UPCP a siégé. Dès la troisième séance, le cartel a occupé son fauteuil vide et, depuis, nous travaillons avec tous les syndicats. Même plus ! A la dernière séance, et pour déférer à la demande des syndicats, nous avons créé une table pour les observateurs. C'est ainsi que la CGAS, le cartel, la FTSP et le SIT ont des observateurs !
Mesdames et Messieurs les députés, avez-vous souvent vu dans une concertation de ce genre cinq représentants du personnel entourés par neuf représentants de six syndicats différents et, en face, trois délégués du département de justice et police et des transports ! Je le dis ouvertement, cette concertation me plaît ! Elle est constructive, elle est intellectuellement honnête et parfaitement franche.
J'aimerais rappeler très rapidement ici, pour ceux qui ne l'auraient pas encore compris, qu'il y a deux cheminements différents. D'une part, le cheminement parlementaire et démocratique qui est celui du projet de loi. Une commission siégera, elle auditionnera qui elle veut. Il y aura un vote en plénum et même, peut-être, un recours à l'avis du peuple. Et, simultanément, il y a une commission de suivi travaillant sur le cahier des charges qui sera celui que nous pourrons imposer à l'entreprise délégataire. Pourquoi, dès lors, d'aucuns - et pas des moindres - s'acharnent à parler de précipitation dans ce dossier ? Simplement parce que nous avons fixé clairement le nombre des séances, la durée de ces séances et que nous avons transmis aux représentants du personnel des objectifs écrits. Si fixer des objectifs et des délais en entérinant au fur et à mesure les points d'accord c'est faire preuve de précipitation, c'est à se demander pourquoi certains journalistes critiquent, dans un gouvernement, les méthodes que leur propre journal utilise journellement !
Des voix. Des noms !
M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Pour faire le point de la situation, je vous dirai que la direction du SAN édite un journal sur ce projet. Les membres de la commission ad hoc, si c'est le cas, recevront ce journal qui indique chaque fois au personnel ce qui s'est dit, ce qui s'est fait et ce qui reste à faire. A l'heure actuelle, la commission a fixé son programme de travail. Elle a «planché» sur tous les éléments que je vais vous énoncer rapidement : la durée du temps de travail, la responsabilité civile et pénale des employés, le domicile, la nationalité des employés, la sauvegarde du secret, le maintien du personnel du SAN à la CIA, une bonne partie des conditions de traitement, les primes, les gratifications, les heures supplémentaires et les allocations. Voilà ce que cette commission a déjà réussi à faire en quatre séances de nonante minutes, avec - je le répète - la collaboration intelligente et constructive des syndicats présents !
Je conclurai en vous rappelant simplement que cette commission a deux objectifs, le premier qui va de soi, et le second qui vous surprendra ! Le premier est de définir le cahier des charges qui sera celui de l'entreprise délégataire qui met to-ta-le-ment... (M. Ramseyer martèle ce mot.) ...à l'abri de toute surprise ce personnel. Et les syndicats patronaux et ouvriers - cela arrive ! - ont même souhaité que cette commission choisisse elle-même l'entreprise délégataire, en fonction des conditions sociales qu'elle fera au personnel. Décidément, on ne peut pas en faire plus !
Pour terminer, je dirai que ce projet s'inscrit dans une modernisation et un redimensionnement de l'Etat. Ce qui fonctionne à l'étranger doit fonctionner chez nous, nous en sommes tous et toutes convaincus. Ce projet s'inscrit également dans la volonté absolue de maintenir et de sauvegarder les intérêts de notre personnel du service des automobiles et de la navigation, raison pour laquelle je ne doute pas que toutes celles et ceux qui sont sincèrement attachés au redressement de l'Etat de Genève approuveront ce projet. Cela étant, je souhaite également qu'une commission ad hoc prenne en charge l'étude de ce dossier. C'est dans cet esprit que je vous remercie de votre attention. (Vifs applaudissements de la droite.)
Ce projet est renvoyé à une commission ad hoc.
Le président. Cette commission sera composée de Mmes et MM. : Michel Halpérin, Nicolas Brunschwig, Pierre Ducrest, Claude Lacour, Michel Balestra pour le parti libéral, Christian Ferrazino, Jean Spielmann, Pierre Vanek pour l'Alliance de gauche, Micheline Calmy-Rey, Fabienne Blanc-Kühn pour le parti socialiste, Michel Ducret, Pierre Froidevaux pour le parti radical, Bénédict Fontanet, Jean Montessuit pour le parti démocrate-chrétien et Fabienne Bugnon pour le parti écologiste.
La séance est levée à 19 h.