Séance du jeudi 16 décembre 1993 à 17h
53e législature - 1re année - 2e session - 47e séance

M 887
6. Proposition de motion de MM. René Longet et Laurent Moutinot concernant l'état de la politique régionale et les perspectives de démocratisation. ( )M887

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 le RD 115-A, du 14 septembre 1989, rapport de la commission chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur les questions fédérales importantes ;

 la nécessité de rendre plus cohérents et plus transparents la politique régionale et les instruments de coopération transfrontière ;

 la nécessité de démocratiser les instances de coopération régionale afin de les rapprocher de la population,

charge sa commission des affaires régionales

de procéder à une évaluation du fonctionnement des institutions de coopération transfrontière existants et des possibilités de leur donner une meilleure assise démocratique.

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'histoire de Genève et de sa région est paradoxale.

D'une part, notre ville se trouve coupée de son arrière pays depuis l'option de Genève pour la Réforme. De l'autre côté, la cité ne pouvait vivre sans sa campagne: propriété foncière en mains genevoises, zones franches, échanges divers ont de tout temps marqué des relations, fort inégalitaires d'ailleurs, entre Genève et sa région.

L'accord de 1973 sur la rétrocession fiscale a permis d'entrer dans une phase de collaboration plus structurée, au travers des diverses commissions du comité franco-genevois.

Cette collaboration demeure cependant à la fois ponctuelle et d'une intensité nettement insuffisante. Divers organismes (comme le Conseil du Léman) se sont créés depuis lors, donnant un "patchwork" de structures aux rapports peu clairs et aux compétences disparates.

De plus ces organismes agissent souvent en dehors du contrôle parlementaire et populaire accréditant malheureusement dans la population l'idée que ces questions sont accaparées par une approche exclusivement technocratique.

Aujourd'hui chacun admet qu'on ne peut plus concevoir l'aménagement du territoire, le plan des transports, la politique de la santé, la politique économique et même la formation sans une possibilité de se concerter au-delà de la frontière. Il n'y a en effet pas de décision importante prise d'un côté de celle-ci qui puisse rester sans répercussion sur l'autre.

Le développement de l'intégration européenne a fait naître des attentes nouvelles en vue de gérer ensemble des espaces communs. Rappelons à cet égard qu'en 1992 les Genevois ne furent pas les seuls à dire oui à l'Europe: le référendum français du 20 septembre a permis à la région frontalière d'affirmer à cet égard des convictions tout à fait similaires.

La présente motion n'a pas pour but de reprendre la discussion sur ce qu'un canton frontalier peut ou ne peut pas faire dans le cadre de la situation née du 6 décembre 1992. Elle vise à faire le point sur le fonctionnement, les forces et les faiblesses, des instruments de coopération transfrontière existants, en vue de proposer les compléments qui s'imposent, ainsi que de leur fournir l'ancrage démocratique qui leur manque. Divers organigrammes circulent à ce sujet, de même que les projets de parlements régionaux, ainsi les propositions de l'AGEDRI, et ces propositions méritent d'être examinés de plus près, car la région ne saurait rester un processus technocratique: elle doit être faite pas ses habitants.

Débat

M. René Longet (S). Je pense que nous partageons tous ici le souci d'une coopération régionale efficace. Nous savons tous, en effet, que des deux côtés de la frontière rien d'important ne peut être fait, planifié, réalisé, pensé, sans provoquer des répercussions de l'autre côté.

Malheureusement, nous sommes face à des évolutions divergentes de l'espace communautaire d'une part, de notre pays de l'autre. Je ne donne que le nom de Schengen pour vous dire que la frontière, loin de se réduire en importance, pourrait avoir tendance - en tout cas le risque existe - à renforcer l'effet de séparation, contrairement à ce qui est voulu des deux côtés de la frontière. Cette situation nous met dans l'obligation d'être véritablement très efficace, très performant au niveau des instruments d'action transfrontaliers.

Bien entendu, nous savons qu'il existe des lieux de concertation et de travail. Nous n'entendons pas du tout minimiser ce qui se fait dans le comité régional franco-genevois depuis près de vingt ans, dans le Conseil du Léman depuis près de huit ans maintenant. Du reste, il existe toute une série d'institutions, de lieux de travail, depuis la CIPEL, qui s'occupe du Léman, jusqu'au COEUR, cher au professeur Ricq. Je ne tiens pas à en faire la liste exhaustive, cela serait trop long.

Mais, précisément, si l'on fait un bilan de ce qui se passe, de ce dont on peut disposer, on constate avec satisfaction que si l'on a passé du stade gastronomique des années 1970 - qui était déjà un bon début, on vous l'accorde - au stade de travail effectif dans les lieux que je viens de citer, des années 1980 à aujourd'hui, il est nécessaire de passer la vitesse supérieure.

Je citerai seulement quelques éléments qui ne sont pas des critiques en soi mais des lacunes, car ce Grand Conseil peut jouer un rôle important pour qu'on aille de l'avant.

Le premier point où nous pouvons améliorer les choses concerne les secteurs de coopération. Dans certains, il a été possible de faire quelque chose et, dans d'autres, il y a de grandes lacunes. Autrement dit, le degré de coordination et de coopération est extrêmement variable selon les domaines.

Le deuxième point est l'enchevêtrement des structures. Un certain nombre de structures fonctionnent en superposition, géographiquement et thématiquement, à côté des lacunes matérielles dont nous venons de parler. Nous pourrions faire le test, ici au Grand Conseil. Bien malin qui pourrait dire qui fait quoi et où en sont exactement les dossiers. Les spécialistes le savent. Mais, justement, le problème est peut-être d'en sortir.

Le troisième point qui pose problème est la lenteur des procédures. Il suffit de consulter le dossier des rivières, de la santé ou des transports pour s'en rendre compte. Toute impulsion est donc utile.

Le quatrième point - c'est peut-être le plus important - est que ces lieux de concertation sont insuffisamment représentatifs du point de vue démocratique. On a beaucoup glosé sur le déficit démocratique au niveau communautaire; au niveau de la région nous retrouvons également un déficit démocratique, qu'il faut résorber.

Nous partons de l'idée que nous sommes tous convaincus ici que ce Grand Conseil doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour soutenir une évolution qui permette d'avancer sur ces questions d'efficacité et de démocratie. Je veux pour preuve de cette volonté du Grand Conseil le rapport rédigé par Mme Stroumza lorsqu'elle était députée, qui date du mois de septembre 1989, et dans lequel on peut lire en page 37 : «En ce qui concerne les institutions régionales, le Conseil d'Etat est invité à étudier, avec les autorités concernées, la création d'un conseil régional permanent de concertation représentant tous les milieux intéressés, la restructuration du comité franco-genevois et sa relation avec le conseil régional permanent de concertation et l'attribution d'un budget à ces instances régionales.». En 1992, une motion interpartis, pour tirer le bilan du vote du 6 décembre, insistait sur le fait que soient poursuivies et approfondies les démarches avec nos partenaires romands et en France voisine, en vue de créer des espaces régionaux et transfrontaliers. Avec cette motion, nous sommes tout à fait dans la ligne de la volonté politique qui s'est toujours exprimée ici, mais qui, apparemment - au vu de ce qui se passe des deux côtés de la frontière - a besoin d'être réaffirmée périodiquement. En tout cas la motion de 1989 a permis de poser le problème, et il faut insister pour trouver les solutions.

Les convictions européennes de Genève font peu de doute. Au vu de ce qui se passe sur le territoire, nous voyons bien que l'on ne peut pas vouloir l'Europe sans vouloir la région; cela va de pair. Un canton aussi pro-européen que Genève doit mettre le «paquet» - et le Grand Conseil doit y contribuer le mieux qu'il peut - pour que les institutions de cette région permettent de gérer ensemble les problèmes communs. Alors, nous disons aujourd'hui - en début de législature - qu'il faut passer la vitesse supérieure !

Cela signifie deux grands axes : premièrement, passer de la concertation ponctuelle avec possibilité de débats d'ensemble et, deuxièmement, faire en sorte que ce lieu ait un ancrage démocratique.

Vous connaissez tous l'AGEDRI. Ce n'est pas un hasard si, après un long travail d'analyse et de réflexion, elle aboutit à ces deux points, qui sont - je le crois - la quintessence du problème. Celle-ci stipule bien qu'il faut un lieu global et démocratique. Vous connaissez certainement la proposition d'un conseil transfrontalier consultatif, proposition qui demande à être affinée. Nous pensons qu'il sera inéluctable d'en arriver là. Certains candidats, aujourd'hui conseillers d'Etat d'ailleurs, dans la campagne électorale, sont même allés plus loin en proposant un parlement régional élu au suffrage universel. Pour ma part, je pense qu'ils ont raison et qu'une telle solution doit être visée à terme.

Que proposons-nous par cette motion ? Une démarche qui nous permet d'affirmer notre volonté d'aller plus loin ! Cette démarche se fait en deux temps. Elle se fonde sur un bilan, car on ne peut pas agir sans avoir fait le bilan objectif de ce qui existe. Ensuite, elle fait des propositions politiques pour combler les lacunes, constatées par ailleurs par la commission compétente de ce Grand Conseil, présidée par notre collègue Lombard, je veux parler de la commission des affaires régionales. Elle serait certainement le lieu idéal pour que l'ensemble des forces politiques examine d'une manière relativement rapide comment nous évaluons l'efficacité des institutions existantes. Et enfin, nous pourrions proposer un certain nombre de solutions qui seraient présentées aux différents partenaires concernés.

Ainsi, nous faisons notre travail et nous prolongerons la ligne qui a toujours été la nôtre pour lui donner de la force.

Je sais que les études et les travaux en commission ne sont pas forcément du goût de tout le monde. Je dis simplement qu'il n'est pas possible de renforcer la politique régionale sans passer par la démarche que nous proposons. C'est pourquoi je vous propose de faire cette démarche maintenant, en début de législature, pour converger vers les concrétisations nécessaires.

Le président. C'est donc parfaitement sciemment que vous souhaitez renvoyer cette motion en commission et non au Conseil d'Etat, comme cela se fait d'habitude.

M. René Longet. C'est bien cela !

M. René Koechlin (L). Les motionnaires profitent à l'évidence de la candeur que l'on peut leur prêter, mais qu'ils n'ont pas, pour nous faire croire qu'ils sont habités de la naïve illusion qu'une commission parlementaire peut procéder à l'évaluation du fonctionnement des institutions. Probablement, vous n'avez pas suffisamment pratiqué les commissions parlementaires... (Manifestation de réprobation.) ...pour savoir qu'une telle tâche dépasse très largement, non pas les compétences, mais les capacités d'une telle commission. Messieurs les motionnaires, que vous vous trompez d'adresse ! Laissez à la commission des affaires régionales la tâche d'examiner les projets de lois et les motions qui lui sont soumis et demandez, éventuellement, au Conseil d'Etat qu'il vous informe sur le fonctionnement des institutions et sur les possibilités de leur donner une meilleure assise démocratique.

Je vous ferai néanmoins remarquer que le Conseil d'Etat informe régulièrement ce Grand Conseil, précisément sur ces questions. Je crois même qu'il le fait chaque année. Nous attendons de sa part un rapport pour le premier trimestre, voire le premier semestre de l'année prochaine. Ce dernier vous informera sur toutes les questions que vous vous posez et que vous tentez de poser à la commission des affaires régionales.

C'est la raison pour laquelle tout au plus nous vous suivrions, Messieurs les motionnaires, si vous nous demandiez de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

M. Roger Beer (R). Je m'étonne de la déposition de M. René Longet et je l'admire ! Visiblement, il y a longtemps que vous n'avez pas fréquenté le Grand Conseil. A vous entendre, je doute même que vous ayez suivi ce qui s'est fait à ce sujet.

La commission des affaires régionales a très longuement parlé de la région pendant la dernière législature - c'était ma première législature, ce qui explique peut-être que j'ai été impressionné - ainsi que la commission de l'université et celle de l'enseignement où les stars que vous avez citées, tels le professeur Ricq et d'autres, ont fait l'objet de nos débats. J'étais moi-même motionnaire sur la question de l'institut universitaire d'études européennes et je me suis «fait promener» par le Conseil d'Etat et par certains députés. Finalement, je n'ai pas obtenu de réponse valable de la part des personnes qui travaillent pour la région et pour l'Europe. Je crois que, depuis, le Conseil d'Etat s'en est largement occupé ! Je n'étais pas content - j'attends toujours quelque chose de concret - mais en tout cas l'institut travaille visiblement de façon plus ciblée.

Par rapport à votre proposition de motion, je ne peux pas me rallier aux propos de M. Koechlin, mais je suis assez d'accord sur le fond. Le Conseil d'Etat nous a donné un énorme rapport, largement discuté, et qui a permis un certain nombre d'auditions en commission. Je m'étonne un peu, Monsieur Longet, que vous proposiez de refaire toutes ces auditions en commission, avec les quinze députés, pour essayer d'y voir plus clair, alors que nous avons effectué deux années de travail dans ce sens; cela me paraît bien naïf !

J'imagine que nous pouvons faire confiance à M. Haegi, «Monsieur région» - qui a un spécialiste en la matière dans son département - pour nous préparer en guise de réponse à votre motion, pour le début de l'année prochaine, comme il le fait chaque année, un rapport sur ce qui se fait et se prépare dans ce domaine.

Vous avez évoqué l'AGEDRI. Les députés sont informés régulièrement de ses travaux et peuvent y participer. Vous avez néanmoins raison de soulever le problème de l'information : elle n'est pas suffisante, mais la participation, elle, est également insuffisante.

Comme M. Koechlin, nous proposons de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Il ne faut pas la renvoyer en commission, cela équivaudrait à un enterrement de première classe et provoquerait à nouveau des discussions sans fondement et sans aboutissement. Je suggère plutôt que le rapport du Conseil d'Etat apporte un certain nombre de réponses qui pourront ensuite être discutées en commission.

M. Laurent Rebeaud (Ve). L'idée de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat est bonne, mais pas si celui-ci considère que cette motion est dépourvue de sens et qu'il faut la mettre «dans le paquet».

La motion de notre collègue insiste sur une des lacunes de la politique régionale, de part et d'autre d'ailleurs de la frontière, et sur le manque d'assise démocratique et de participation soit d'associations, soit de citoyens, soit de groupes d'intérêt organisés à l'élaboration d'une politique régionale dont nous, simples citoyens, avons de la peine à discerner les contours.

M. Longet a mentionné un point d'accrochage dans la réflexion, à savoir le projet de l'AGEDRI, le forum régional transfrontalier consultatif sur lequel le Conseil d'Etat, jusqu'à maintenant, n'a pas pris de position bien déterminée et qui mériterait d'être approfondi, du point de vue de la réflexion politique à long terme, sur ce que devra être l'institution régionale dans une Europe dont la Suisse - espérons-le - fera partie le plus tôt possible. Si le Conseil d'Etat est d'accord de considérer cette motion non pas comme bonne à mettre dans un tiroir mais comme une demande du Grand Conseil, qui dirait : «Veuillez, s'il vous plaît, prendre une position déterminée et méditer sur ce sujet», alors ce renvoi au Conseil d'Etat serait utile.

Je crois également - vous avez raison - qu'il ne serait pas très judicieux de la renvoyer à la commission des affaires régionales. C'est la raison pour laquelle je suggère à notre collègue Longet de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Le président. Je vous signale que, si vous voulez la renvoyer au Conseil d'Etat, il faut qu'un amendement soit présenté !

M. Laurent Rebeaud. Alors, je vous présente cet amendement.

Le président. Si vous voulez bien, il faut le faire par écrit !

M. Laurent Moutinot (S). Nous n'avions aucune candeur, ni aucune naïveté, Monsieur Koechlin, lorsque nous vous avons proposé ce projet de motion. Nous n'ignorons pas l'important et excellent travail contenu dans les rapports de Mme Stroumza. Nous ne désirons pas refaire un travail d'expertise, mais bel et bien répondre à cette demande de la population pour que la politique transfrontalière soit démocratique. C'est un sujet qui ne doit pas être réservé aux experts. Vous savez qu'une partie de l'échec du vote sur l'EEE a été due au fait que certains attribuent aux instances internationales - malheureusement pas toujours à tort - un caractère trop technocratique. Nous tenons à la démocratisation de ces instances et personne, mieux que ces commissions, ne peut traiter de ces problèmes de démocratie.

A part cela, nous avons observé que la commission des affaires régionales, qui devrait être une commission importante puisque nous sommes tous convaincus de l'importance de la région, n'a pas un seul objet à son ordre du jour. Mettre la démocratisation des instances régionales à son ordre du jour nous paraît être un point essentiel.

Cela dit, mon collègue René Longet et moi-même sommes d'accord d'accepter l'amendement proposé par notre collègue Rebeaud pour un renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

M. Claude Blanc (PDC). J'ai été assez amusé par ce projet de motion et par les propos de nos collègues évoquant l'assise démocratique que devraient avoir les institutions interrégionales.

Je crois que M. Haegi ne vous avait pas attendus pour tenter de donner une assise démocratique et parlementaire au Conseil du Léman, puisqu'il a fait accepter par ce même conseil une proposition visant à réunir des représentants des trois Grands Conseils du Valais, de Vaud et de Genève, ainsi que des conseils généraux de la Haute-Savoie et du département de l'Ain. Cela se passait, sauf erreur de ma part, en automne 1990. J'étais alors premier vice-président du Grand Conseil.

Au mois d'avril 1991, à l'occasion des assises du Conseil du Léman qui se tenaient à Sion, nous sommes allés, avec les cinq membres du Bureau plus un membre par parti de la commission des affaires régionales - nous étions donc douze - à Sion où nous étions censés rencontrer, sur l'initiative de M. Haegi et avec l'accord du Conseil du Léman, nos collègues des quatre autres entités. Première désillusion, si les trois cantons romands étaient représentés, ainsi que les conseillers généraux de la Haute-Savoie, ceux de l'Ain, en revanche, n'avaient pas trouvé le chemin de Sion !

Alors, comme il était difficile de progresser à quatre, nous sommes convenus que nous allions constituer un groupe de travail avec un représentant par entité, et nous avons pris rendez-vous pour le 30 juin suivant à Sion. Cela se passait toujours à Sion parce que le canton du Valais exerçait à cette époque la présidence du Conseil du Léman, le secrétariat s'y trouvait et cela rendait les choses plus faciles malgré l'éloignement pour bon nombre d'entre nous. Donc, le 30 juin, avec nos collègues vaudois nous nous sommes rendus à Sion, à 9 heures du matin comme convenu, et nous nous sommes retrouvés avec nos collègues vaudois et valaisans, qui nous ont d'ailleurs fort bien reçus. Les Savoyards et les représentants de l'Ain ne sont pas venus et, de plus, ils ne se sont même pas fait excuser ! Désinvolture plutôt inouïe que nous avons cherché à élucider.

Or je n'ai pas tardé à apprendre le fin mot de l'histoire de la bouche de mon excellent ancien collègue maire de Ferney-Voltaire et vice-président du Conseil général de l'Ain. Les conseillers généraux du département de l'Ain et de la Haute-Savoie considèrent - en tout cas les bureaux des conseils généraux - qu'ils sont, eux, de taille à discuter avec nos gouvernements et que nous, les députés, ne sommes que quantité négligeable. M. Meylan me l'a dit textuellement, rajoutant qu'il continuerait à discuter au plus haut niveau, ce qui n'empêchait pas que nous pouvions continuer à nous rencontrer... pour parler de la pluie et du beau temps ! Cela le laissait indifférent !

Nous n'avons pas abandonné là. Nous avons donc, avec les Vaudois et les Valaisans, travaillé pendant tout l'été 1991 à un projet de convention intercantonale ouverte sur les deux départements, déposant ici même un projet de loi visant à désigner quinze députés, délégués du canton de Genève auprès de cette organisation qui, dans un premier temps, aurait été intercantonale en attendant que nous réussissions à «apprivoiser» les Français. Les Valaisans avaient renvoyé ce projet en commission et nous avions de bonnes raisons de penser qu'il allait aboutir. Malheureusement, à Lausanne, le Grand Conseil a opposé une fin de non-recevoir en refusant d'entrer en matière, si bien que nous avons été contraints, à la sauvette, de retirer notre projet de loi.

Voilà l'expérience de la tentative de donner une assise démocratique au Conseil du Léman, tentative dont l'initiative revient entièrement à M. Haegi - je dois le dire et le remercier encore même si elle a échoué. Elle pourra, peut-être, être reprise sur d'autres bases un jour. Aussi je me rallie à la proposition qui consiste à demander à M. Haegi de faire une nouvelle tentative. Alors renvoyons-lui la motion !

M. Bernard Annen (L). Nous pensons, comme l'a dit notre collègue Koechlin, que cette motion doit être renvoyée directement au Conseil d'Etat. J'entends, pour aller dans le même sens que notre collègue, ancien président du Grand Conseil, vous faire une proposition d'amendement, qui aurait la teneur suivante :

«Le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat à présenter, dans son prochain rapport sur les affaires régionales, une évaluation du fonctionnement des institutions de coopération transfrontalière existantes et des possibilités de leur donner une meilleure assise démocratique.»

Il me semble que cela va exactement dans le sens des invites qui nous sont proposées par les motionnaires. Dans ce cas, nous soutiendrons également le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

M. Laurent Rebeaud (Ve). Vous m'avez demandé d'écrire la demande de transformation du renvoi de cette motion en commission en renvoi au Conseil d'Etat. C'est fait ! Mais, par avance et oralement, je vous confirme

que je suis d'accord avec l'amendement proposé par notre collègue Annen, avant même de l'avoir lu !

Le président. Vous considérez votre amendement comme inclu dans la proposition Annen ?

M. Laurent Rebeaud. Je les considère comme complémentaires ! (Rires et commentaires.)

M. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat. Je vous dis d'emblée que j'accepte volontiers cette motion modifiée dans le sens suggéré. Je crois que c'est la bonne manière d'agir pour un tel sujet. Je remercie M. Blanc d'avoir rappelé un épisode important des tentatives entreprises depuis Genève pour obtenir une plus large assise démocratique, comme nous le souhaitons.

Voyez-vous, il en va dans ce domaine comme - si j'ose me permettre la comparaison - de l'organisation d'un tournoi international. Il ne suffit pas de se réunir pour mettre sur pied le tournoi; encore faut-il être sûr que les équipes invitées y participeront, faute de quoi, si vous vous retrouvez tout seul, le tournoi n'aura d'international que le nom !

Dans les affaires qui nous intéressent maintenant, nous devons convaincre. Et ce qui exaspère régulièrement nos voisins, ce sont précisément ces initiatives successives que nous prenons depuis ici, leur donnant l'impression que nous allons organiser la région parce que nous sommes détenteurs de la vérité et que nous avons imaginé des solutions à peu près à tous les problèmes, comme si les autres n'y avaient pas pensé ! La région ne sera réussie que si nous respectons les différences institutionnelles qui existent. Elles sont profondes. Il faut donc les connaître pour pouvoir agir efficacement sur cet espace régional qui a, indiscutablement, un avenir prometteur si nous savons en faire usage.

Tout à l'heure, M. Longet a dit : «Bien malin qui sait qui fait quoi !». Monsieur, je vous invite, après votre absence d'une législature, à suivre les conseils de votre collègue Beer de lire un certain nombre de choses qui ont été rédigées pendant cette période et, notamment, le dernier rapport sur ces affaires pour y puiser quelques indications. Je vous proposerai une autre publication que je ne citerai pas ici, mais qui vous permettra de vous rendre compte de ce qui s'est passé.

Vous avez évoqué les vingt ans du CRFG. Vous pouvez aujourd'hui constater que ses structures se sont fondamentalement modifiées. Le livre blanc que vous me montrez depuis votre place en est la démonstration. C'est une révolution par rapport à ce que nous avons connu il y a quelques années où l'idée d'une concertation intercantonale et transfrontalière était inimaginable. Or, aujourd'hui, nous allons dans la bonne direction, mais il est vrai qu'il y a toute une série de résistances. Pour les surmonter, il faut que nous ayons un soupçon de diplomatie et une certaine capacité pour convaincre les partenaires de cette région.

Je me ferai un plaisir de vous répondre dans le sens que vous souhaitez. Renvoyer directement la motion au Conseil d'Etat n'est pas une manière d'éluder la question posée, mais il me semble que cela fera gagner du temps à tout le monde, et donc ce sera plus efficace. Vous aurez les renseignements que vous attendez et, ensuite de toute façon, nous poursuivrons avec détermination ce qui a déjà été engagé.

Mis aux voix, l'amendement de M. Annen est adopté.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue:

MOTION

concernant l'état de la politique régionaleet les perspectives de démocratisation

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 le RD 115-A, du 14 septembre 1989, rapport de la commission chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur les questions fédérales importantes ;

 la nécessité de rendre plus cohérents et plus transparents la politique régionale et les instruments de coopération transfrontière ;

 la nécessité de démocratiser les instances de coopération régionale afin de les rapprocher de la population,

invite le Conseil d'Etat

à présenter, dans son prochain rapport sur les affaires régionales, une évaluation du fonctionnement des institutions de coopération transfrontalière existantes et des possibilités de leur donner une meilleure assise démocratique.