Séance du jeudi 16 décembre 1993 à 17h
53e législature - 1re année - 2e session - 46e séance

No 46

 MÉMORIAL

DES SÉANCES DU

GRAND CONSEIL

53e LÉGISLATURE

Jeudi 16 décembre 1993,

soir

Présidence :

M. Hervé Burdet,président

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance : MM. Claude Haegi, président du Conseil d'Etat, Olivier Vodoz, Jean-Philippe Maitre, Guy-Olivier Segond, Philippe Joye, Gérard Ramseyer, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Hommage.

Le président. Je vous prie de rester debout.

Nous avons appris le décès de M. Mario Soldini, ancien député, qui siégea sur les bancs de Vigilance de 1977 à 1983.

Pour honorer sa mémoire, je vous prie d'observer un instant de silence.

(L'assemblée observe un instant de silence.)

Le président. Je salue à la tribune du public la présence de M. Robert Hensler, nouveau chancelier, que je félicite de son accession à ce poste. Je lui souhaite, en votre nom à tous, une heureuse carrière.

3. Personnes excusées.

Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat, ainsi que Mme Catherine Fatio et M. John Dupraz, députés.

4. Procès-verbal des précédentes séances.

Le procès-verbal des séances des 2 et 3 décembre 1993 est adopté.

5. Discussion et approbation de l'ordre du jour.

Le président. Vous avez trouvé sur vos places un résumé de la procédure que nous utiliserons pour voter le budget.

M. Christian Ferrazino(AdG). ... (Panne de micro.)

Le président. Monsieur Ferrazino, il vous faut changer de place et de micro...

(Panne de micro d'une durée de cinq minutes.)

Le président. Après cette panne de micro, nous reprenons la séance.

M. Christian Ferrazino(AdG). Je voulais signaler, à propos de l'ordre du jour, que les trois députés de l'Alliance de gauche, les viennent ensuite, qui prêteront serment tout à l'heure le feront bien évidemment en acceptant leur mandat, comme ils l'ont écrit au Bureau du Grand Conseil, sous réserve de la décision du Tribunal fédéral concernant l'effet suspensif qui a été demandé par les trois recourants.

A ce sujet, je signale que le Tribunal fédéral a donné un délai au Grand Conseil au 6 janvier prochain pour se déterminer sur cet effet suspensif, de sorte que nous recevrons vraisemblablement la décision du Tribunal fédéral dans le courant du mois de janvier, en tout cas avant la prochaine séance du Grand Conseil. C'est donc sous cette condition-là que les trois viennent ensuite de l'Alliance de gauche prêteront serment tout à l'heure.

Le président. Il n'y a pas de condition pour prêter serment. On prête ou on ne prête pas serment, Maître !

A la demande du président de la commission de l'aménagement, le projet de loi 6995-A (modifiant le régime des zones de construction sur le territoire de la commune de Bardonnex), que nous avions renvoyé à une prochaine séance, est ajouté à l'ordre du jour de nos séances d'aujourd'hui (point 27 bis) pour être renvoyé à la commission de l'aménagement.

De surcroît, les rapports sur les pétitions 1007 et 1009 - points 19 r) et 19 s) - sont ajoutés à la discussion sur le budget. Vous avez reçu ces textes avec les documents relatifs au budget. 

6. Remarques sur la liste des objets en suspens.

Le président. Les motions suivantes ont été renvoyées au Conseil d'Etat par le Grand Conseil les 10 et 11 juin 1993 et n'ont pas encore reçu de réponses :

- de MM. Thierry Du Pasquier, Michel Balestra, Bénédict Fontanet, Philippe Joye, Hermann Jenni, Charles Bosson, Albert Maréchal et Hervé Dessimoz concernant un moratoire de la circulation à Genève. (M 860)

- de Mmes Micheline Calmy-Rey, Fabienne Bugnon, Béatrice Luscher, Hélène Braun-Roth et Liliane Johner concernant les entreprises tremplins. (M 861)

- de Mmes et M. Sylvia Leuenberger, Hélène Braun-Roth, Françoise Saudan, Claire Torracinta-Pache et Michel Jacquet concernant la Maison de l'environnement. (M 862)

- de Mme Vesca Olsommer et et M. Andreas Saurer concernant la mise en oeuvre d'une stratégie de la durabilité pour les équipements et le mobilier de l'Etat. (M 863)

- de Mme et MM. Claire Torracinta-Pache, Pierre-Alain Champod, Andreas Saurer, Philippe Schaller et Jean-Pierre Rigotti concernant l'enregistrement, l'indication et la prise en charge de nouveaux médicaments utilisés dans le traitement d'affections graves. (M 865)

Les questions écrites suivantes ont été renvoyées au Conseil d'Etat le 8 octobre 1993 et n'ont pas encore reçu de réponses :

- de M. Jacques Andrié : A quand tous les parkings gratuits pour les contribuables ? (Q 3496)

- de M. Jacques Andrié : L'incorrection de la Régie Bésuchet. (Q 3497)

- de M. Jacques Andrié : Robert Rudin : Tournée Trinquedoux du GHI : propos mensongers ! (Q 3498)

- de M. Jacques Andrié : Propos une fois de plus erronés de Mme Françoise Buffat, du Journal de Genève, concernant la commune de Lancy ! (Q 3499)

- de M. Jacques Andrié : Le colonel Chouet et son ami Spichiger se moquent-ils des militaires ? (en matière d'avancement.) (Q 3500)

- de M. Jacques Andrié : Etant toujours président d'une société d'officiers, je m'inquiète concernant le soutien du Conseil d'Etat envers nos militaires genevois ! (Q 3501)

- de M. Jacques Andrié : Le président de Vigilance Torti ayant tordu l'Etat ! Condamné, est-il en prison ou se cache-t-il en Espagne ? (Q 3502)

La pétition suivante a été renvoyée au Conseil d'Etat le 11 juin 1993 et n'a pas encore reçu de réponse :

- Contre les TPG. (P 920)

E 711-1
7. Prestation de serment de députés. ( )E711-1

Mme Anita Cuénod et MM. Bernard Clerc, Jean-Pierre Lyon sont assermentés. (Applaudissements.)

 

8. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.

Le président. Le Conseil d'Etat nous fait part de la constitution de son Bureau. M. Claude Haegi en est le président et M. Olivier Vodoz le vice-président.

Nous les félicitons vivement et leur souhaitons une année fructueuse dans leurs fonctions.

Nous avons appris le décès du père de Mme Claude Howald.

Au nom de tout le parlement, nous lui réitérons nos condoléances et l'assurons de notre sympathie en cette triste circonstance.

Le secrétaire d'Etat de l'émigration et des communautés, M. Antonio Pasquale Santos de la République du Cap Vert, et M. Emmanuel de Brito, président de l'Institut de l'aide aux émigrants, ont fait mardi 14 décembre une visite de courtoisie aux autorités genevoises. Ils ont été reçus par le président du Grand Conseil et M. Eric Perrin, chef du Protocole. Au cours de l'entretien, le secrétaire d'Etat et le président du Grand Conseil ont évoqué certains problèmes ayant trait aux relations entre la Suisse et le Cap Vert et, plus particulièrement, au statut des Capverdiens travaillant à Genève.

Le président. Nous saluons à la tribune la présence de classes d'apprentis de l'école d'électricité, des écoles techniques et de métiers, sous la conduite de Mme Pivot. (Applaudissements.)

9. Correspondance.

Le président. La correspondance suivante est parvenue à la présidence :

C 102
Le Conseil d'Etat apporte un complément à la réponse à l'interpellation 1865 de M. Chaïm Nissim et nous communique l'avis de droit de Me Manfrini concernant les Services industriels. ( )C102

Ce document a été remis aux chefs de groupe. 

C 103
La Chancellerie de la Confédération nous informe que la pétition qui lui a été adressée concernant la situation des droits de l'homme en Turquie a été transmise au département des droits politiques. ( )C103

Il en est pris acte 

C 104
Les quatre recours de Mme Anne-Marie Bisetti et de MM. Pierre Vanek, Michel Ducommun et Paolo Gilardi feront l'objet d'une réponse au Tribunal fédéral tant sur l'effet suspensif que sur le fond. ( )   C104
C 105
La commission du personnel de l'Hospice général nous fait part de ses remarques concernant les directives cantonales d'assistance et émet le souhait que lecture soit donnée de ce courrier. ( )  C105

M. Bernard Clerc(AdG). Nous demandons la lecture de ce courrier.

Le président. Je prie notre secrétaire de bien vouloir donner lecture de cette lettre.

(La secrétaire donne lecture de la lettre).

Ce document sera transmis au Conseil d'Etat pour raison de compétence. 

C 106
Le Consulat général de la République d'Irak nous communique l'appel du président du parlement irakien concernant le blocus de son pays. ( )C106

Il en est pris acte. 

Par ailleurs, les pétitions suivantes sont parvenues à la présidence :

P 1014
concernant la suppression des allocations aux infirmières et aux infirmiers en formation. ( ) ;  P1014
P 1015
relative à l'affaire Pierre Vanek. ( ) ; P1015
P 1016
révision du procès de Sebastian Hoyos. ( ) ;P1016

Elles seront renvoyées à la commission des pétitions. 

Enfin, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition suivante à la commission de la santé :

P 1012
concernant l'hôpital cantonal. ( )P1012

Il en sera fait ainsi. 

M. Gilles Godinat(AdG). Je demande la lecture de la pétition concernant la suppression des indemnités de 600 F par mois.

Le président. La pétition sera envoyée à la commission des pétitions et nous en débattrons lors de son retour devant ce Grand Conseil. Il n'est pas d'usage de lire les pétitions.

M. Pierre Vanek(AdG). Je connais mal l'usage du Grand Conseil, mais il me semble que l'article 171 prévoit qu'à la demande des députés, il est donné lecture des pétitions.

Je désire appuyer la demande de mon collègue Godinat de lire la pétition. Je crois qu'il se trouvera huit autres députés pour appuyer cette demande.

Le président. La lecture de la pétition a été demandée. Cette demande est appuyée. Je maintiens que ce n'est pas l'usage. Toutefois, Madame la secrétaire, veuillez lire cette pétition.

pétition

Non à la suppression des allocationsdes infirmières et des infirmiers en formation

La CRASS, Confédération romande des chefs de départements des affaires sanitaires et sociales, décidait en juillet de cette année que les nouveaux élèves des écoles d'infirmier(e)s n'auraient plus d'allocation (pour Genève environ 600 F par mois) à la rentrée 1994. Ils auraient un statut d'étudiant. Même si la formation devait en être valorisée, les conséquences sont nombreuses.

 Seules les personnes qui bénéficient de revenus suffisants pourront entreprendre cette formation.

 La possibilité d'obtenir des bourses ou des allocations d'études est très limitée.

 Les jeunes adultes ayant besoin d'un revenu seront découragés de choisir cette profession.

 Les adultes en requalification professionnelle, et particulièrement les femmes, seront pénalisés par cette mesure.

 Enfin cette suppression des allocations nie totalement le travail réel effectué pendant les stages dans les hôpitaux.

N. B. : 2'111 signatures

SSP/VPODC/o Mme A.-M. Bisetti

6, Terreaux-du-Temple

1201 Genève

10. Annonces et dépôts :

a) de projets de lois ;

Néant.

b) de propositions de motions ;

Le président. La proposition de motion suivante est parvenue à la présidence :

M 889
de Mmes et MM. Danielle Oppliger, Gilles Godinat, Fabienne Blanc-Kühn, Liliane Maury Pasquier, Fabienne Bugnon et Andreas Saurer concernant les indemnités aux élèves infirmiers, infirmières et sages-femmes de l'école du Bon Secours. ( )M889

 

M. Gilles Godinat (AG). Monsieur le président, je demande que cette motion soit mise à l'ordre du jour de cette séance du Grand Conseil.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée.

Le président Cette motion figurera à l'ordre du jour de la séance du mois de janvier.

c) de propositions de résolutions ;

Néant.

d) de demandes d'interpellations ;

Le président. La demande d'interpellation suivante est parvenue à la présidence :

I 1873
de M. Pierre Vanek : Quelle intervention publique en faveur du maintien de la pluralité de la presse et du sauvetage des centaines d'emplois menacés par la disparition du journal «La Suisse» ? ( )   I1873

M. Pierre Vanek(AdG). Je désire, tout comme mon collègue Godinat, développer mon interpellation ce soir, car il s'agit d'une situation d'urgence que nul ne peut nier. Vous en avez été informés par le papier que vous avez reçu à l'entrée. Je demande que cette interpellation soit développée au cours de cette séance du Grand Conseil.

Mise aux voix cette proposition est rejetée.

Le président. Cette interpellation sera développée à la séance du mois de janvier. (Rumeurs de mécontentement sur les bancs de la gauche.)

 

 e) de questions écrites ;

Néant.

E 702
11. Election d'un juge assesseur ou d'une juge assesseuse, représentant les locataires, à la Chambre d'appel des baux et loyers, en remplacement de M. Jean-Bernard Schmid, démissionnaire. (Entrée en fonctions immédiate). ( )E702

Le président. Est parvenue à la présidence la candidature de M. Olivier Deferne, présentée par le Rassemblement pour une politique sociale du logement. Il n'y a pas d'autre inscription.

M. Olivier Deferne est élu tacitement.

 

PL 7032-A
12. Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural (M 1 4). ( -) PL7032
 Mémorial 1993 : Projet, 4903. Commission, 4914.
Rapport de Mme Geneviève Mottet-Durand (L), commission de l'environnement et de l'agriculture

Lors de sa séance du 14 octobre 1993, la commission de l'environnement et de l'agriculture, présidée par M. Roger Beer, a étudié le projet de loi ci-dessus, en présence de Mmes C. Rosset, secrétaire adjointe et Cl. J. Sollberger, secrétaire adjointe et de MM. G. Convers, directeur conservateur du registre foncier et R. Delacuisine, directeur du service de l'agriculture.

1. Introduction

La nouvelle loi fédérale sur le droit foncier rural, acceptée en votation populaire le 27 septembre 1992, regroupe un ensemble de lois actuellement en vigueur, dont toutes les dispositions sont destinées à contrôler les rapports juridiques et plus particulièrement les transferts effectués en zone agricole, qu'il s'agisse d'entreprises, d'immeubles ou de terrains agricoles.

Cette loi remplace les lois actuellement en vigueur, soit la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale, du 12 juin 1951, de même que la loi fédérale sur le désendettement agricole, du 12 décembre 1940.

La nouvelle loi fédérale, tout en renforçant les mesures de contrôle, vise à maintenir le principe fondamental inscrit dans les précédentes lois, selon lequel les terres agricoles représentent l'outil de travail de base de l'agriculteur et qu'il est, par conséquent, nécessaire de contrôler le prix de ses terrains, d'empêcher le surendettement, de prévenir le morcellement et de réserver les terres agricoles aux exploitants agricoles, à titre personnel.

Dans ce but, la nouvelle loi inscrit des restrictions de droit privé dans les rapports juridiques concernant les entreprises et les immeubles agricoles. Elle introduit le droit d'emption des parents, le droit des cohéritiers au gain, la restriction du droit d'aliéner, le consentement du conjoint, le droit de préemption des parents, du fermier et le droit de préemption sur les parts de copropriété. Ces dispositions étant de droit privé, leur contentieux se réglera par les tribunaux civils.

La loi reprend, par ailleurs, les dispositions de droit public existantes, tout en les renforçant. Il s'agit notamment de l'interdiction du partage matériel des entreprises agricoles et du morcellement des immeubles agricoles, du principe de l'autorisation pour acquérir une entreprise ou un immeuble agricole et des mesures destinées à prévenir le surendettement des exploitations et des immeubles agricoles.

Soulignons également que le droit fédéral prime le droit cantonal et qu'il s'impose à lui. La loi cantonale ne comporte, par conséquent, que des dispositions d'application et de mise en place des principes inscrits dans la loi fédérale.

2. Champ d'application

Rappelons tout d'abord que ce qui est déterminant pour le champ d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural, c'est la référence expresse aux prescriptions de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire.

Les cantons ont dès lors l'obligation de se référer aux principes régissant l'aménagement du territoire et c'est ainsi que la loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural s'applique aux immeubles, c'est-à-dire aux bâtiments ou aux biens-fonds qui sont situés en zone agricole, au sens de l'article 20 LALAT.

Elle touche aussi les immeubles agricoles situés dans une zone à bâtir et qui font partie d'une entreprise agricole. Les immeubles sis en partie dans une zone à bâtir sont également soumis à la loi, tant qu'ils ne sont pas partagés conformément aux zones d'affectation.

Quant aux immeubles à usage mixte, la loi leur est applicable, s'ils ne sont pas partagés en une partie agricole et une partie non agricole.

Enfin, la loi s'applique aux forêts qui font partie d'une entreprise agricole.

3. Travaux de la commission

Il est rappelé que l'élaboration de cette loi a fait l'objet d'un large consensus auprès de toutes les instances concernées, en particulier la Chambre genevoise d'agriculture qui souscrit au texte proposé et dont le président, présent à la séance de commission, invite celle-ci à modifier le moins possible le texte.

Audition de M. Jean-Paul Rey,secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière

Dans son exposé, M. Rey définit la loi fédérale sur le droit foncier rural (LDFR) de loi statique, centralisatrice, anachronique et peu évolutive qui tend à figer la propriété agricole pour longtemps. Etant donné qu'elle ne laisse que relativement peu de liberté de manoeuvre et d'interprétation aux cantons, la Chambre genevoise immobilière souhaite que le canton de Genève restreigne, au maximum, les principes et le champ d'application prévu par la législation fédérale, et que les sociétés législatives ne mettent pas en place des restrictions plus étendues au droit de propriété et au droit d'utilisation non agricole des terrains en question que ne l'exige la loi fédérale.

Après avoir fait quelques remarques sur les articles 2, 3 et 5 du projet de loi, M. Rey estime aussi qu'il faudrait exclure de la zone agricole et du champ d'application de la LDFR les quelque 40 à 50 hameaux construits en zone agricole mais qui ne sont plus du tout affectés à l'agriculture.

A la suite de cette audition, il est relevé que certaines remarques émises par M. Rey relèvent plutôt de la loi sur l'aménagement du territoire.

4. Commentaire article par article

Tous les articles ont été acceptés par la commission à l'exception de deux modifications, à l'article 2 où le mot tous a été supprimé et l'adjonction d'une note marginale «Champ d'application».

Les autres commentaires sont repris de l'exposé des motifs du projet de loi 7032.

Article 2

Il s'agit de rattacher le champ d'application de la LDFR au droit cantonal, soit, à la zone agricole au sens de la LALAT. Les immeubles agricoles situés en zone à bâtir sont également soumis à la LDFR lorsqu'il s'agit d'immeubles bâtis. Une liste des immeubles ou entreprises concernés devra être élaborée.

Article 3

Cet article précise que les immeubles situés en zone agricole mais qui ne répondent pas à la définition de la LDFR pourront être exclus par une décision de non-assujettissement de l'autorité compétente.

Article 4

Actuellement, seul le département des travaux publics dispose des plans ayant une base légale qui permet de connaître les limites de la zone agricole du canton. Ces plans n'indiquent toutefois pas l'état parcellaire et ne précisent pas l'affectation agricole des immeubles et des constructions. Or, seuls les immeubles bâtis ou non bâtis appropriés à l'agriculture ou l'horticulture sont soumis à la LDFR.

Selon le droit fédéral, les actes juridiques qui contreviennent aux interdictions de partage matériel et de morcellement des immeubles ou aux dispositions en matière d'acquisition des entreprises et des immeubles agricoles ou qui visent à les éluder sont nuls. Dans ces conditions, le registre foncier doit pouvoir déterminer si la LDFR s'applique aux actes qui sont déposés. Auquel cas, ils doivent être transmis à l'autorité compétente. Pour permettre ce tri, les notaires devront déposer leurs actes accompagnés d'une attestation indiquant la zone dans laquelle les immeubles sont situés. Cette attestation sera délivrée selon des modalités pratiques précisées dans le règlement.

Par engagements hypothécaires, on entend l'acte de constitution et l'acte d'accroissement.

Article 5

Les immeubles agricoles situés en zone à bâtir, de même que les immeubles non appropriés à l'agriculture ou à l'horticulture situés en zone agricole doivent faire l'objet d'une mention au registre foncier indiquant qu'ils sont soumis ou non à la LDFR. Celle-ci pourra être inscrite à la suite d'une décision de l'autorité compétente, soit sur demande du registre foncier, soit sur celle du propriétaire du bien concerné.

S'agissant du problème de l'information des propriétaires, il faut rappeler que l'article 969, alinéa 1, du code civil suisse prévoit qu'il appartient au conservateur de communiquer aux intéressés les opérations auxquelles il procède, sans qu'ils aient été prévenus.

Article 6

Cette disposition précise que seuls les immeubles appropriés à un usage agricole ou horticole peuvent être soumis aux dispositions fiscales et être estimés à la valeur de rendement. Par conséquent, dès l'instant qu'ils ne sont plus assujettis à la LDFR, ils ne peuvent plus être mis au bénéfice d'une taxation favorable.

Article 7

Cet article reprend des dispositions qui sont actuellement inscrites dans la loi sur les améliorations foncières aux articles 90 et 91, étant admis que les immeubles qui ont fait l'objet d'un remaniement parcellaire restent soumis à cette loi.

Article 8

L'article 2, alinéa 2, lettre c, LDFR, stipule que la loi s'applique également aux immeubles situés en partie dans une zone à bâtir, tant qu'ils ne sont pas partagés conformément aux zones d'affectation. La disposition de l'article 8 permet de clarifier la situation juridique de ces parcelles quant à leur assujettissement à la LDFR.

Article 9

Une commission foncière agricole est créée. Cette commission est considérée comme autorité administrative au sens de l'article 5, lettre g, de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985. Elle comportera des représentants de toutes les organisations concernées, telles que la Chambre genevoise d'agriculture, la Chambre genevoise immobilière, la Chambre des notaires et l'Association des propriétaires de domaines ruraux.

Article 10

Cette disposition énonce les décisions que la commission foncière agricole doit prendre en fonction de la LDFR.

Article 11

La commission peut s'adjoindre des experts qui, du fait de leur formation professionnelle, ont les connaissances nécessaires pour procéder aux estimations des immeubles et entreprises agricoles. Leur rapport servira de document déterminant pour l'administration fiscale.

Articles 12 et 13

L'autorité de surveillance est le Conseil d'Etat, soit pour lui, le département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales, le Tribunal administratif étant la dernière instance cantonale de recours.

Article 14

Le fonctionnement des autorités compétentes, plus particulièrement de la commission foncière agricole risque d'entraîner des frais importants. Cette disposition fixe la base légale nécessaire pour percevoir frais et émoluments.

5. Vote

Au terme de l'examen de ce projet de loi, c'est à l'unanimité moins une abstention (pdc.) que la commission de l'environnement et de l'agriculture vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le projet de loi 7032.

projet de loi

d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural

(M 1 4)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

CHAPITRE I

Dispositions générales

Article 1

But

La présente loi a pour but d'assurer l'exécution de la loi fédérale sur le droit foncier rural, du 4 octobre 1991 (ci-après loi fédérale).

Art. 2

Champ

d'application

1 Les immeubles, qu'il s'agisse de bâtiments ou de bien-fonds situés dans la zone agricole, au sens de l'article 20 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont soumis à la présente loi.

2 Les immeubles agricoles situés dans la zone à bâtir, au sens de l'article 2, alinéa 2 de la loi fédérale, sont également soumis à la présente loi.

Art. 3

Exclusion

1 Les immeubles situés en zone agricole qui ne sont pas appropriés à un usage agricole ou horticole sont exclus du champ d'application de la présente loi par décision de l'autorité compétente, fixée à l'article 9.

Valeur de rendement

2 Ces immeubles ne sont par conséquent plus estimés à la valeur de rendement.

Art. 4

Indication de zone

1 Lors du dépôt au registre foncier de tout dossier portant sur :

a) une acquisition d'immeubles ;

b) un engagement hypothécaire ;

c) un partage ou un morcellement d'immeubles ;

la réquisition devra être accompagnée d'une attestation indiquant la zone dans laquelle les immeubles sont situés, à l'exception des parcelles sises dans une commune dont le territoire ne comporte pas de zone agricole.

2 Cette attestation est délivrée selon des modalités pratiques qui sont déterminées dans le règlement d'application de la présente loi.

Art. 5

Mention

Les immeubles visés à l'article 2, alinéa 2 et à l'article 3 de la présente loi font l'objet d'une mention au registre foncier, conformément à l'article 86 de la loi fédérale.

Art. 6

Fiscalité

En matière fiscale, seuls les immeubles appropriés à un usage agricole ou horticole peuvent être estimés à la valeur de rendement. Le contribuable saisira l'autorité compétente, fixée à l'article 9, pour obtenir une expertise à la valeur de rendement.

Art. 7

Interdiction de morcellement

1 Tout morcellement d'immeubles situés en zone agricole qui a pour effet de créer des parcelles d'une superficie inférieure à 25 ares est interdit. Cette surface est réduite à 10 ares pour les parcelles incorporées dans le cadastre viticole fédéral.

2 Des autorisations exceptionnelles peuvent toutefois être accordées par l'autorité compétente pour justes motifs, au sens des articles 59 et 60 de la loi fédérale, et si aucun intérêt prépondérant de l'agriculture n'est lésé.

3 Le morcellement d'immeubles situés en zone agricole ayant fait l'objet d'un remaniement parcellaire est soumis aux prescriptions de l'article 89 de la loi sur les améliorations foncières, du 5 juin 1987.

Art. 8

Morcellement selon le régime des zones de construction

Le morcellement d'immeubles situés partiellement en zone à bâtir, doit tenir compte des limites de zones.

CHAPITRE II

Autorités compétentes

Art. 9

Commission foncière agricole

1 Le Conseil d'Etat nomme une commission foncière agricole, composée de 7 membres siégeant valablement à 5 (ci-après commission).

2 Elle organise elle-même son bureau et élit son domicile.

3 Elle applique les règles générales fixées dans la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.

4 Elle peut mandater des experts, notamment pour procéder aux expertises des immeubles à la valeur de rendement.

Art. 10

Compétences de la commission foncière agricole

La commission foncière agricole est compétente pour :

a) accorder les exceptions aux interdictions de partage matériel et de morcellement (art. 60 de la loi fédérale) ;

b) autoriser l'acquisition d'une entreprise ou d'un immeuble agricole (art. 61 à 65 de la loi fédérale) ;

c) fixer la charge maximale et requérir son inscription au registre foncier ;

d) autoriser les prêts qui dépassent la charge maximale (art. 76, al. 2 de la loi fédérale) ;

e) constater qu'un immeuble agricole situé dans la zone à bâtir est soumis à la loi fédérale en application de l'article 2, alinéa 2 ;

f) déterminer si un immeuble est exclu du champ d'application de la loi fédérale en application de l'article 3 ;

g) requérir l'inscription au registre foncier des mentions exigées à l'article 86 de la loi fédérale et au sens des lettres e et f ;

h) estimer et approuver la valeur de rendement (art. 87 de la loi fédérale).

Art. 11

Mandat des experts

Les experts visés à l'article 9, alinéa 4, remettent leur rapport à la commission.

Art. 12

Autorité de surveillance

1 Le Conseil d'Etat désigne le département qui exerce l'autorité de surveillance.

2 Le département, avant de prendre sa décision au sens des articles 83, al. 2 et 90, lettre b de la loi fédérale peut demander un complément d'enquête à la commission.

Art. 13

Voie de recours

Le Tribunal administratif est compétent pour connaître des recours formés contre les décisions de la commission foncière agricole.

Art. 14

Frais et émoluments

Les frais et émoluments à percevoir sont fixés dans le règlement édicté par le Conseil d'Etat.

CHAPITRE III

Dispositions finales

Art. 15

Règlement d'application

Le Conseil d'Etat édicte le règlement d'application de la présente loi.

Art. 16

Clause abrogatoire

La loi d'application de la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale, du 19 décembre 1952, est abrogée.

Art. 17

Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 18

Modification à d'autres lois

(M 1 1)

1La loi sur les améliorations foncières, du 5 juin 1987, est modifiée comme suit :

Art. 90 et 91 (abrogés)

** *

(M 2 17)

2 La loi d'application de la loi fédérale sur le bail à ferme agricole, du 6 mai 1988, est modifiée comme suit :

Art. 14 (nouvelle teneur)

Autorité de recours

Les décisions du département et de la commission d'affermage agricole, prises en vertu des articles 11 et 12 de la présente loi, peuvent faire l'objet d'un recours, dans les 30 jours, auprès du Tribunal administratif.

** *

(E 3,5 1)

3 La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit :

Art. 8, al, 1, chiffres 113° bis et 118° (nouveaux)

113° bis décisions prises en vertu de la loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural (M 1 4, art. 13) ;

118° bis décisions du département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales et de la commission d'affermage agricole concernant les baux à ferme agricoles (M 2 17, art. 14) ;

Premier débat

M. Jean-Luc Ducret (PDC). En ce qui concerne le nouveau droit foncier rural, je ne reviendrai pas sur le texte adopté en votation populaire au mois de septembre de l'an dernier. Je désire rappeler la philosophie du nouveau droit foncier rural, conçu pour l'agriculture, pour les agriculteurs et non pas comme un instrument dans les mains de l'Etat pour assurer sa politique d'aménagement du territoire.

La loi d'application - je le demande expressément aux autorités responsables de son application et, particulièrement, à la nouvelle commission foncière - doit être inspirée des mêmes principes. Il ne doit pas s'agir, comme je l'ai dit tout à l'heure, de favoriser l'intervention de l'administration dans l'aménagement du territoire. A cet égard, je relève que nous attendons avec beaucoup d'intérêt la jurisprudence qui sera créée par la commission foncière ad hoc.

Enfin, la Chambre d'agriculture, qui est l'institution représentant les milieux agricoles sur le territoire de Genève, n'a pas soutenu le référendum à l'époque, donc l'adoption de cette loi. C'est dire toutes les critiques qu'elle avait émises au moment du débat populaire.

Je demande au Conseil d'Etat, et particulièrement aux autorités responsables, au service de l'agriculture et à la commission ad hoc, de veiller à une application souple des dispositions de la loi qui, je dois le dire, ont fait l'objet d'un débat tout à fait démocratique dans tous les corps constitués et concernés de notre République.

M. Michel Halpérin (L). Il s'agit, pour ce projet de loi, de mettre en oeuvre la législation fédérale. Cela concerne donc un domaine où nous n'avons guère de marge de manoeuvre et d'appréciation.

Cela doit prévaloir car, si nous sommes respectueux à la fois de nos engagements vis-à-vis de la Confédération et de la volonté populaire qui s'est exprimée sur ce sujet, il reste que notre groupe considère ce projet de loi en tant que tel puisqu'il ne fait qu'appliquer le droit fédéral, et que le droit fédéral qu'il sous-tend porte des atteintes extrêmement sérieuses à la propriété foncière.

C'est la raison pour laquelle notre groupe, pour une bonne partie de ses membres, s'abstiendra de voter ce projet car son substrat reste incompatible avec notre pensée et nos conceptions fondamentales en matière de propriétés foncières et privées.

M. Jean Spielmann (T). Il s'agit, dans le cadre particulier de cette loi, de l'application de dispositions fédérales sur l'aménagement du territoire. Des axes ont été tracés et admis à une très large majorité.

Il me semble paradoxal que notre canton, qui se trouve être parmi les plus touchés au niveau des différents problèmes fonciers, inscrive, dans le cadre de l'application de la LaLAT et de cette loi, des dispositions plus restrictives en les appliquant non seulement à l'ensemble des bâtiments, mais en les limitant, à l'article 2, à un certain nombre d'immeubles énumérés au travers de la loi, alors que d'autres cantons ont appliqué l'intégralité de cette LaLAT. Par conséquent, une concession et une restriction ont été faites allant dans le sens de l'intervention que le groupe libéral vient de faire.

Dès lors, je ne comprends pas que l'on veuille aller moins loin dans ce sens. Il est au moins nécessaire de voter cette loi. Pour notre part, il s'agit d'une restriction, mais nous aurons l'occasion de revenir sur l'application de cette loi sur l'aménagement du territoire.

Voilà plusieurs années, nous avions déposé l'initiative 21 et il est temps que le peuple se prononce à ce sujet. Une série de dispositions, dont celles-là, seront reprises et, comme toujours, on donnera la possibilité au peuple d'aller un peu plus loin que le veulent les libéraux dans le cadre de l'aménagement du territoire.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Nous n'avons pratiquement aucune marge de manoeuvre en droit cantonal pour appliquer comme bon nous semble le droit fédéral tel qu'il est issu des débats parlementaires et de la décision populaire.

La loi fédérale sur le droit foncier rural a pour objectif de regrouper un certain nombre de lois qui, jusque-là, étaient éparses et rendaient cette matière particulièrement complexe, parfois même d'interprétation contradictoire. C'est donc une première tentative de clarification par l'adoption de la loi fédérale sur le droit foncier rural.

En ce qui concerne le bref débat qui vient d'avoir lieu, je voudrais vous dire, Monsieur Spielmann, que, contrairement à ce que vous imaginez, l'appréciation qui est faite dans ce texte - je parle ici du texte, nous verrons l'application dans un instant - n'est pas plus restrictive que ce que prévoit le droit fédéral. Au contraire, elle est dans la bonne logique du droit fédéral en ce sens qu'elle est liée aux critères d'affectation.

Lorsqu'en zone à bâtir un immeuble a une affectation agricole et qu'il est justifié de la conserver, le droit fédéral s'applique via les dispositions du droit cantonal. Ainsi, un certain nombre de dispositions du droit fédéral telles que celles inhérentes à la valeur de rendement - elles sont particulièrement importantes en cas de transfert successoral, par exemple - sont appliquées.

En revanche, lorsqu'un immeuble qui avait jusque-là une affectation agricole en zone à bâtir n'a désormais plus d'affectation agricole du tout, il n'est plus justifiable de le contraindre à rester dans cette affectation puisqu'elle ne correspond plus au régime des zones. C'est ce que permet ce projet de loi qui apporte à cet égard la clarté voulue.

De même, si, par impossible, il devait arriver - mais là, en effet, l'application serait restrictive - qu'en zone agricole un immeuble ait tout à fait perdu son affectation agricole - c'est notamment le cas qui survient dans certains hameaux - et cela de manière durable et avérée, il pourrait être justifié de sortir cet immeuble du champ d'application des lois agricoles. A ce moment, cet immeuble perdrait son statut d'affectation agricole et, par conséquent, ne pourrait plus bénéficier des dispositions concernant la valeur de rendement en cas d'application du droit successoral paysan. On sort de l'application de la législation agricole et on a donc un tout cohérent.

Comme pour toutes les lois, il faudra en faire une application nécessairement mesurée et nuancée qui ira dans le sens des intérêts de l'agriculture et des agriculteurs, et pas au-delà. En d'autres termes, l'application que nous ferons de cette loi fédérale sur le droit foncier rural sera conforme au but poursuivi par le législateur fédéral, à savoir la protection des intérêts agricoles et celle des intérêts des agriculteurs. Il ne s'agit pas d'un instrument de politique foncière qui va au-delà de la politique foncière nécessaire au maintien d'une agriculture saine.

Le projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Le titre et le préambule sont adoptés.

Mis aux voix, les articles 1 à 16, ainsi que l'article 17 (souligné) sont adoptés.

Article 18 (souligné)

Le Le président. J'ai reçu un amendement de M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Monsieur le président, il ne s'agit pas des premiers articles se trouvant immédiatement après l'article 18, mais du dernier article qui est la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits et, contrairement à ce que vous indique, semble-t-il, le papier que vous avez sous les yeux, c'est le chiffre 118° de l'article 8, alinéa premier, de la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits que je vous demande purement et simplement de supprimer.

En effet, ce chiffre 118° bis vise le département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales. Compte tenu des restructurations, nous vous présenterons, au tout début du mois de janvier, une loi complète qui fera la toilette de l'ensemble des dispositions devant être ainsi mises à jour.

Je vous demande de ne pas tenir compte du dernier article qui est ainsi visé en page 12, le reste pouvant être voté sans modification.

Mise aux voix, l'art. 8, al. 1, chiffre 113° est adopté. L'alinéa 118° bis est supprimé.

Mis aux voix, l'article 18 (souligné) ainsi amendé est adopté.

Le projet ainsi amendé est adopté en deuxième débat.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

loi

d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural

(M 1 4)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit :

CHAPITRE I

Dispositions générales

Article 1

But

La présente loi a pour but d'assurer l'exécution de la loi fédérale sur le droit foncier rural, du 4 octobre 1991 (ci-après loi fédérale).

Art. 2

Champ

d'application

1 Les immeubles, qu'il s'agisse de bâtiments ou de bien-fonds situés dans la zone agricole, au sens de l'article 20 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, sont soumis à la présente loi.

2 Les immeubles agricoles situés dans la zone à bâtir, au sens de l'article 2, alinéa 2 de la loi fédérale, sont également soumis à la présente loi.

Art. 3

Exclusion

1 Les immeubles situés en zone agricole qui ne sont pas appropriés à un usage agricole ou horticole sont exclus du champ d'application de la présente loi par décision de l'autorité compétente, fixée à l'article 9.

Valeur de rendement

2 Ces immeubles ne sont par conséquent plus estimés à la valeur de rendement.

Art. 4

Indication de zone

1 Lors du dépôt au registre foncier de tout dossier portant sur :

a) une acquisition d'immeubles ;

b) un engagement hypothécaire ;

c) un partage ou un morcellement d'immeubles ;

la réquisition devra être accompagnée d'une attestation indiquant la zone dans laquelle les immeubles sont situés, à l'exception des parcelles sises dans une commune dont le territoire ne comporte pas de zone agricole.

2 Cette attestation est délivrée selon des modalités pratiques qui sont déterminées dans le règlement d'application de la présente loi.

Art. 5

Mention

Les immeubles visés à l'article 2, alinéa 2 et à l'article 3 de la présente loi font l'objet d'une mention au registre foncier, conformément à l'article 86 de la loi fédérale.

Art. 6

Fiscalité

En matière fiscale, seuls les immeubles appropriés à un usage agricole ou horticole peuvent être estimés à la valeur de rendement. Le contribuable saisira l'autorité compétente, fixée à l'article 9, pour obtenir une expertise à la valeur de rendement.

Art. 7

Interdiction de morcellement

1 Tout morcellement d'immeubles situés en zone agricole qui a pour effet de créer des parcelles d'une superficie inférieure à 25 ares est interdit. Cette surface est réduite à 10 ares pour les parcelles incorporées dans le cadastre viticole fédéral.

2 Des autorisations exceptionnelles peuvent toutefois être accordées par l'autorité compétente pour justes motifs, au sens des articles 59 et 60 de la loi fédérale, et si aucun intérêt prépondérant de l'agriculture n'est lésé.

3 Le morcellement d'immeubles situés en zone agricole ayant fait l'objet d'un remaniement parcellaire est soumis aux prescriptions de l'article 89 de la loi sur les améliorations foncières, du 5 juin 1987.

Art. 8

Morcellement selon le régime des zones de construction

Le morcellement d'immeubles situés partiellement en zone à bâtir, doit tenir compte des limites de zones.

CHAPITRE II

Autorités compétentes

Art. 9

Commission foncière agricole

1 Le Conseil d'Etat nomme une commission foncière agricole, composée de 7 membres siégeant valablement à 5 (ci-après commission).

2 Elle organise elle-même son bureau et élit son domicile.

3 Elle applique les règles générales fixées dans la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.

4 Elle peut mandater des experts, notamment pour procéder aux expertises des immeubles à la valeur de rendement.

Art. 10

Compétences de la commission foncière agricole

La commission foncière agricole est compétente pour :

a) accorder les exceptions aux interdictions de partage matériel et de morcellement (art. 60 de la loi fédérale) ;

b) autoriser l'acquisition d'une entreprise ou d'un immeuble agricole (art. 61 à 65 de la loi fédérale) ;

c) fixer la charge maximale et requérir son inscription au registre foncier ;

d) autoriser les prêts qui dépassent la charge maximale (art. 76, al. 2 de la loi fédérale) ;

e) constater qu'un immeuble agricole situé dans la zone à bâtir est soumis à la loi fédérale en application de l'article 2, alinéa 2 ;

f) déterminer si un immeuble est exclu du champ d'application de la loi fédérale en application de l'article 3 ;

g) requérir l'inscription au registre foncier des mentions exigées à l'article 86 de la loi fédérale et au sens des lettres e et f ;

h) estimer et approuver la valeur de rendement (art. 87 de la loi fédérale).

Art. 11

Mandat des experts

Les experts visés à l'article 9, alinéa 4, remettent leur rapport à la commission.

Art. 12

Autorité de surveillance

1 Le Conseil d'Etat désigne le département qui exerce l'autorité de surveillance.

2 Le département, avant de prendre sa décision au sens des articles 83, al. 2 et 90, lettre b de la loi fédérale peut demander un complément d'enquête à la commission.

Art. 13

Voie de recours

Le Tribunal administratif est compétent pour connaître des recours formés contre les décisions de la commission foncière agricole.

Art. 14

Frais et émoluments

Les frais et émoluments à percevoir sont fixés dans le règlement édicté par le Conseil d'Etat.

CHAPITRE III

Dispositions finales

Art. 15

Règlement d'application

Le Conseil d'Etat édicte le règlement d'application de la présente loi.

Art. 16

Clause abrogatoire

La loi d'application de la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale, du 19 décembre 1952, est abrogée.

Art. 17

Entrée en vigueur

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 18

Modification à d'autres lois

(M 1 1)

1La loi sur les améliorations foncières, du 5 juin 1987, est modifiée comme suit :

Art. 90 et 91 (abrogés)

** *

(M 2 17)

2 La loi d'application de la loi fédérale sur le bail à ferme agricole, du 6 mai 1988, est modifiée comme suit :

Art. 14 (nouvelle teneur)

Autorité de recours

Les décisions du département et de la commission d'affermage agricole, prises en vertu des articles 11 et 12 de la présente loi, peuvent faire l'objet d'un recours, dans les 30 jours, auprès du Tribunal administratif.

** *

(E 3,5 1)

3 La loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, du 29 mai 1970, est modifiée comme suit :

Art. 8, al, 1, chiffre 113° bis (nouveau)

113° bis décisions prises en vertu de la loi d'application de la loi fédérale sur le droit foncier rural (M 1 4, art. 13) ;

M 870-A
13. Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Jacques-André Schneider, Vesca Olsommer, Andreas Saurer et Gabrielle Maulini-Dreyfus : Et si l'on prêtait aux chômeurs ? ( -) M870
 Mémorial 1993 : Développée, 4782. Commission, 4797.
Rapport de M. Claude Blanc (DC) commission de l'économie

La commission de l'économie a étudié le projet de motion déposé par Mmes et MM. J.-A. Schneider, V. Olsommer, A. Saurer et G. Maulini-Dreyfuss au cours de ses séances des 4, 11 et 18 octobre 1993 tenues sous la présidence de M. Jacques Torrent, en présence de MM. J.-Ph. Maitre, conseiller d'Etat, Manghardt, secrétaire général du département de l'économie publique (DEP), Berger, secrétaire adjoint du DEP, Thiébaud, directeur de l'office cantonal de l'emploi, Karcher, adjoint de direction et Graf, directeur de l'autorité cantonale de recours en matière de chômage.

Travaux de la commission

Rappelons tout d'abord l'objectif du projet de motion qui invite le Conseil d'Etat à procéder à une étude de faisabilité sur la création de systèmes de crédits destinés aux entrepreneurs qui sont au chômage et aux groupes d'entraide qui souhaitent créer des entreprises et qui ne peuvent accéder aux crédits usuels des banques et des organismes de cautionnement mutuels, destinés à la création d'emplois dans les services locaux, par des micro-entreprises à faible capitalisation ; à établir, sur cette base, un rapport contenant des propositions concrètes ouvrant des perspectives de création d'emplois aux acteurs de la vie économique et sociale.

Auditions

Le 4 octobre, la commission a entendu MM. Genecand, président, et Huguelet, directeur de l'office genevois de cautionnement mutuel dont le but est précisément de cautionner des prêts jusqu'à concurrence de 500'000 F en faveur des PME, artisans et commerçants désirant créer, rénover ou développer leurs entreprises.

M. Genecand précise que l'OGCM a été intéressé par ce projet de motion. Il constate qu'elle s'adresse surtout à des petites affaires ne demandant pas de gros investissements. Il estime que son organisation pourrait jouer un rôle de conseiller technique pour l'appréciation de la viabilité des projets. Il pourrait aussi assurer un certain suivi des projets. L'OGCM pourrait donc être disponible pour des études, mais ne pourrait aller au-delà de conseils techniques et de soutien logistique.

M. Genecand déplore au passage que les banques ne fassent pas de différence de taux entre les crédits commerciaux non garantis et les crédits garantis par l'OGCM.

Le 11 octobre, la commission a entendu MM. Martin et Wawre représentant l'équipe Adiatus Genève-La Côte.

L'équipe Adiatus est composée d'anciens cadres bien connus dans les milieux économiques, industriels et financiers de la région. Ils proposent leurs services non rétribués pour l'étude de problème d'entreprises. M. Martin déclare à la commission que dans le cas soulevé par ce projet de motion, Adiatus pourrait travailler à la constitution d'une fondation ayant pour but de financer des projets de chômeurs désirant s'établir à leur compte.

Cette fondation devrait disposer d'un capital d'environ 1 million et de 100'000 F de frais de roulement pour les frais d'agencement, de locaux et de secrétariat. Il faudrait aussi que la première année au moins l'Etat puisse se porter garant d'une partie des engagements annuels. M. Wawre fait mention des contacts qu'il a déjà pu prendre avec les banques qui ont accueilli ce projet dans un esprit positif et qui seraient disposées à collaborer.

La commission a reçu ensuite l'association de défense des chômeurs représentée par Mme Bolay-Cruz et MM. Muller et Bonferroni.

Mme Bolay-Cruz signale que l'association a créé une commission d'entreprise chargée de conseiller et d'aider les chômeurs désireux de créer leur propre entreprise. M. Muller mentionne également la création, grâce au soutien de l'association et avec l'aide de l'office cantonal de l'emploi, d'un service de repas à domicile.

Conclusion

La commission a constaté que les diverses auditions ont montré quelques pistes de travail possibles et intéressantes.

Quelques députés expriment néanmoins leurs réticences à l'égard d'un projet qui pourrait favoriser des types d'emplois peu qualifiés, voire même du travail au noir, et risquant de faire concurrence aux entreprises établies.

D'autres se disent convaincus qu'il appartient au secteur privé de s'engager dans un système de prêts aux petites entreprises.

Néanmoins, ce projet a le mérite d'aborder les problèmes du chômage sous un autre angle que celui de l'indemnisation. M. Maitre propose donc que le parlement se prononce sur cette motion en la formulant d'une manière plus générale, demandant au Conseil d'Etat de lui faire rapport sur les possibilités qu'ont les chômeurs de créer leur propre entreprise et sur l'information qui pourrait leur être donnée.

En résumé, la commission accepte l'entrée en matière par 11 voix et 3 abstentions (2 lib., 1 peg.) et par 12 voix et 2 abstentions (lib.) elle remplace les 2 invites par les 2 suivantes : «invite le Conseil d'Etat : à faire un rapport sur les possibilités qu'ont les chômeurs de créer des petites entreprises ; à faire en sorte que les chômeurs intéressés puissent avoir connaissance de ces possibilités.»

La commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à la suivre dans ses conclusions et à voter le projet de motion ainsi modifié.

Débat

M. Max Schneider (Ve). En lisant le rapport de notre collègue Blanc, j'ai eu l'impression que le Grand Conseil était en retard d'une réflexion concernant cette motion.

En effet, la commission européenne, par la voix de son président, M. Jacques Delors, a présenté son livre blanc sur l'emploi et a bien précisé, pour tous ceux qui prônent la formation de l'Europe, que ces petits emplois de proximité sont une piste pour l'avenir dans le domaine de la création de nouveaux emplois.

Une part importante de cet ouvrage est consacrée aux emplois de proximité, donc la création de petites entreprises soit commerciales, soit destinées au secteur de la santé. Par exemple, dans le développement de la solidarité envers les personnes âgées, dans le secteur de la santé ou pour des emplois concernant la défense de l'environnement. Dans ce livre blanc de la Communauté européenne, on cite de nombreuses expériences ayant eu lieu, notamment en France, en Allemagne et en Angleterre. Il est sorti voilà quelques semaines, bien après que cette motion eut été déposée par le groupe écologiste.

A la page 7, où l'on parle d'expériences en Europe mais aussi dans des pays du tiers-monde, on dit aussi qu'une grande partie des projets de développement ne sont plus des «mégaprojets» mais, bien au contraire, des petits projets, une multitude de petits projets qui permettent de créer des emplois.

Comme le citait la Grameen Bank, un professeur d'économie du Bangladesh était, lui aussi, convaincu que l'on peut grignoter le chômage en tentant de créer autant de micro-entreprises qu'il y a de chômeurs. Par rapport à tout ce qui se fait en Europe et dans le reste du monde, il serait dommage de refuser d'entrer en matière sur la question du chômage. Il faut étudier des pistes concrètes pour l'aide à la création d'entreprises. Une simple information ne suffit pas.

L'Office genevois de cautionnement mutuel est très actif. Il reçoit, de la part des banques, un prêt à un taux inférieur de 1% à celui des crédits commerciaux. Ensuite, il prête à ceux qui veulent créer une petite entreprise ou à des artisans déjà établis à un taux de 0,5% plus élevé que celui des taux de crédits commerciaux pratiqués actuellement.

Dans les années 70, ainsi qu'il y a deux ou trois ans, ces taux étaient montés à 9,5%, voire à 10%. Malheureusement, bien des entreprises n'ont pas pu supporter cette charge due aux taux très élevés et ont fait faillite. Aujourd'hui, les taux hypothécaires sont à la baisse. Ils avoisinent les 5 à 5,5% et ceux des crédits commerciaux les 6,5%.

L'idée de cette motion n'est pas de demander à l'Etat de fixer des taux plus fiables, ni de les descendre ou de les subventionner, mais plutôt de l'encourager à faire des études pour que des chômeurs en fin de droit, qui ont envie de prendre leur destin en main en créant leur micro-entreprise, puissent le faire en s'appuyant sur les structures déjà préparées par le département de l'économie publique et s'adresser à l'Office genevois de cautionnement mutuel ou à d'autres services de la société civile pouvant être mis en place.

Il est certain que l'Etat doit cautionner les études. Par contre, on ne lui demande pas d'assistance financière pour créer ces petites entreprises. Certes, des cours de formation ou d'autres appuis logistiques devront être mis en place, mais on ne demande ni la réduction des taux d'intérêt pour ces petites entreprises, ni d'argent à l'Etat pour créer ces nouveaux emplois.

On pourrait souhaiter de la part des banques - comme le demande M. Genecand, président de l'Office genevois de cautionnement mutuel - qu'elles pratiquent un taux d'intérêt situé entre le taux hypothécaire et celui des crédits commerciaux, c'est-à-dire que la différence soit de plus d'un pour-cent, et qu'elles cautionnent ces nouveaux crédits en gardant cette référence pour la création de ces nouvelles petites entreprises.

Naturellement, le groupe écologiste appuiera cette motion en priant expressément le Conseil d'Etat de nous informer des possibilités réelles, mais également de faire une étude sur les programmes-cadres que l'on pourrait mettre en place en vue de la création de petites entreprises à Genève en utilisant les taux actuels les plus proches, si possible, du taux hypothécaire.

M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. M. Schneider fait une certaine confusion lorsqu'il dit, au début de son exposé, que l'Office genevois de cautionnement mutuel emprunte aux banques pour prêter ensuite aux entreprises. Ce n'est pas le cas et il l'a mieux compris, semble-t-il, lorsqu'il a précisé que l'Office genevois de cautionnement mutuel se bornait à cautionner auprès des banques les prêts pouvant être attribués à des entreprises désirant se créer, se développer ou se réformer.

Il me semble que vous faites aussi une confusion, Monsieur Schneider, au sujet de la volonté de la commission. Comme j'ai tenté de l'expliquer dans mon rapport, toutes les auditions que nous avons entendues nous ont amenés à penser que la piste que vous ouvrez dans cette motion mérite d'être suivie, mais qu'on ne peut pas voter la motion telle que vous l'avez conçue, sans autre, car elle demande carrément de créer des systèmes de crédit. Or, nous n'en sommes pas encore là.

A la fin de nos auditions, les commissaires se demandaient quelle direction prendre pour être utiles. Or, M. Maitre, représentant du Conseil d'Etat, nous a demandé de lui laisser un peu de temps, ainsi qu'au Conseil d'Etat, de voter cette motion et de faire une étude sur les possibilités réelles de donner des informations afin de lui permettre de revenir avec des propositions concrètes.

C'est sur la suggestion de M. Maitre que la commission a modifié l'invite, en ayant la garantie de sa part qu'il allait empoigner le problème et nous faire peut-être des propositions réalistes. Voilà l'esprit dans lequel nous avons voté cette invite à la quasi-unanimité. Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même.

M. Max Schneider (Ve). Je remercie M. Blanc pour sa précision. Non seulement un rapport sera fait mais également une étude. Je vous prie de m'excuser si je me suis mal exprimé.

Il est clair que les banques ont investi ou investissent dans l'Office cantonal de cautionnement mutuel. En Suisse, l'Office cantonal investit également puisque les sommes d'investissements représentent 12 millions environ aujourd'hui et qu'il possède des fonds propres d'une valeur d'environ 3 millions.

Cet Office de cautionnement est un outil formidable, mais il est bien clair qu'en Suisse - et vous avez raison, Monsieur Blanc - ce sont les banques qui prêtent directement aux nouvelles entreprises et que l'Office de cautionnement est là au cas où il y aurait des problèmes, notamment des faillites.

M. Pierre Meyll (T). Nous avons examiné cette motion dans le cadre de la commission de l'économie et nous nous sommes aperçu que ce qui était demandé par le groupe écologiste ne pouvait pas avoir de réalisation immédiate. Cela ressemblait trop au genre «petits boulots» et manquait de sérieux.

Nous sommes arrivés à la conclusion que l'Etat devait organiser les différents services susceptibles d'aider les chômeurs à devenir des entrepreneurs.

Il s'est avéré que l'Office genevois de cautionnement avait certaines difficultés à aider des petites entreprises. Autrefois, les taux accordés sous caution de l'Office de cautionnement étaient intéressants. En effet, les banques nous prêtait de l'argent à 5% et l'Office de cautionnement pouvait obtenir un prêt à 4%, cela faisait une différence de 25%. Aujourd'hui, on pratique des taux d'environ 10% et on parvient à des différences très faibles concernant le pourcentage. C'est la raison pour laquelle l'Office de cautionnement est totalement désarmé face à de toutes petites entreprises qui sont trop chargées par les intérêts bancaires.

Nous avons demandé au conseiller d'Etat Jean-Philippe Maitre d'intervenir dans certains cas pour que les banques pratiquent tout de même une forme d'escompte car l'Office de cautionnement prend tous les risques.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

«Et si l'on prêtait aussi aux chômeurs»?

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 que le chômage s'aggrave ;

 que les perspectives de reprise de l'emploi en cas de reprise de l'activité économique ne sont pas évidentes ;

 que de nombreuses mesures sont entreprises pour améliorer les prestations de chômage, introduire un revenu minimum d'insertion et d'existence, prévenir le chômage en donnant une formation aux chômeurs ;

 que si ces mesures sont indispensables, l'expérience de pays européens voisins avec le chômage de longue durée montre qu'elles n'ont pas d'effet palliatif en ce qui concerne la diminution d'emplois ;

 qu'il existe de nombreux besoins non satisfaits, notamment pour ce qui a trait aux emplois dans les services ;

 que ces emplois peuvent être créés sans investissements majeurs ;

 que cela implique, en sus de l'assistance accordée aux chômeurs, la prise de responsabilité de tous les acteurs de la vie sociale économique pour inciter à la création de tels emplois ;

 que l'une des voies ouvertes à cette prise de responsabilité est l'octroi de prêts aux personnes exclues du marché du travail afin de développer de nouveaux emplois ;

 que cela présuppose la création d'institutions de crédits capables d'exercer une activité en faveur des personnes exclues et au chômage, afin de leur permettre de prendre des responsabilités dans la création d'emplois pour eux-mêmes et pour d'autres,

invite le Conseil d'Etat

 à faire un rapport sur les possibilités qu'ont les chômeurs de créer de petites entreprises ;

 à faire en sorte que les chômeurs intéressés puissent avoir connaissance de ces possibilités.

 

R 266
14. Proposition de résolution de Mmes et M. Claire Torracinta-Pache, Fabienne Bugnon et Christian Ferrazino concernant un vote rapide en faveur de l'Europe. ( )R266

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

qu'il y a une année, la Suisse refusait d'adhérer à l'Espace économique européen (EEE), alors que notre canton acceptait à une très forte majorité cet accord ;

que le Conseil fédéral dépose cette semaine son rapport sur la politique étrangère de la Suisse ;

que l'on apprend, par ailleurs, que l'Union européenne n'envisage pas d'ouvrir des négociations bilatérales avec la Suisse avant avril 1994,

invite les autorités fédérales

 à agender dans les plus brefs délais la votation de l'initiative du comité «Né le 7 décembre 1992», «Pour notre avenir au coeur de l'Europe» ;

 à entamer rapidement des négociations en vue de l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne ;

 à se doter des moyens nécessaires afin de poursuivre leur travail d'information auprès de la population.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il y a une année, alors que la Suisse refusait d'adhérer à l'Espace économique européen (EEE), les citoyens et les citoyennes de notre canton acceptaient à une large majorité l'accord sur l'EEE.

Depuis lors, le processus d'intégration européenne a connu de nombreux développements.

Parallèlement, la Suisse a traversé une crise d'identité face à laquelle les partisans et les partisanes de la non-adhésion n'ont pas su apporter de réponse.

La participation de la Suisse à la construction de l'Europe demeure aux yeux de nombreux citoyens et citoyennes de notre canton un objectif prioritaire.

Notre expérience avec nos voisins français met quotidiennement en lumière les avantages et la richesse des échanges entre différents pays.

Que ce soit sur le plan culturel, social ou économique, l'isolation de la Suisse ne peut être qu'un frein à son développement.

Telles sont les raisons qui nous amènent à vous proposer ce projet de résolution en application de l'article 156 de notre règlement.

Débat

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Il y a un peu plus d'un an, journée mémorable s'il en est, la population suisse refusait d'adhérer à l'Espace économique européen, alors que dans notre canton une très forte majorité se prononçait en faveur de cet accord. Parallèlement, et ce n'est pas un hasard, le Conseil fédéral vient de sortir son rapport sur la politique étrangère qu'il entend voir menée dans ces prochaines années.

Nous avons pensé qu'il nous faudrait profiter de cette double conjonction pour réaffirmer dans ce parlement notre souhait d'un rapprochement vers l'Europe. J'aimerais souligner le fait que cette résolution a également été déposée au Conseil municipal de la ville, signée par la plus jeune ou l'une des plus jeunes conseillères municipales et par le plus âgé ou l'un des plus âgés. On peut y voir là une valeur de symbole. Elle a également été soutenue par le parlement des jeunes.

La mobilisation des jeunes, née le 7 décembre 1992, a été absolument formidable et inattendue. Pour nous, partisans de l'Europe, ce fut comme une lueur d'espoir, une leçon de civisme dans le marasme désolé où nous étions plongés à la suite de cet échec. Ils nous disaient : «Nous ne sommes pas découragés, nous ne baissons pas les bras, la lutte continue.». Ils ont rencontré pas mal de difficultés dans la récolte du nombre de signatures exigé. Il faut dire qu'ils n'avaient pas choisi la solution de facilité qui aurait consisté à récolter des signatures dans les régions de Suisse déjà favorables à cet accord. Ils ont voulu aller dans toutes les régions de Suisse, et particulièrement dans celles qui s'étaient prononcées de manière négative à cet accord, ceci dans un but d'information. Leur courage et leur ténacité méritent d'être salués. Bien sûr, le fait que l'initiative ait abouti, qu'ils aient réussi à obtenir le nombre de signatures est déjà une récompense, mais cela ne suffit pas. Il est important pour nous, plus âgés, qui sommes des politiques et construisons l'avenir du pays dans lequel ils vont passer leur vie, d'aller un petit peu plus loin.

C'est pourquoi nous souhaiterions que le Conseil fédéral traite cette initiative assez rapidement. Je ne veux pas me lancer dans un débat technique sur les défauts ou les qualités de cette initiative. Vraisemblablement un contreprojet devra être étudié. Mais le traitement rapide de cette initiative ainsi que la fixation d'une votation permettront de relancer le débat sur l'Europe qui, jusqu'au rapport du Conseil fédéral, avait tendance à s'enliser. Le Conseil fédéral sera obligé de se doter des moyens nécessaires pour poursuivre, voire reprendre son travail d'information. Il semble qu'une certaine stagnation se soit installée à Berne dans ce domaine. Or, nous savons maintenant que, dans la plupart des cas, les gens qui ont voté négativement le 6 décembre 1992 l'ont fait soit parce que le message était peu clair, soit par manque d'information ou incompréhension du problème. J'aimerais aussi rappeler les derniers sondages dans ce domaine qui laissent percevoir un glissement positif vers le oui, notamment en Suisse allemande.

Il me semble enfin très important d'affirmer haut et clair que le but final, c'est l'adhésion entière à l'Union européenne. Cette déclaration apparaît d'ailleurs dans le rapport du Conseil fédéral. En revanche, le principal reproche que l'on puisse lui faire, c'est qu'il ne prévoit aucun calendrier. Or, comme vous le savez, l'Union européenne est en but à des soubresauts ; de grandes discussions sont reprises, des points remis en discussion. Certains sont très importants et pourraient concerner la Suisse directement. Malheureusement, elle ne peut pas y participer. Lorsqu'elle y arrivera - car nous arriverons un jour à cette Union européenne - non seulement elle y sera en état de reddition, cela a déjà été dit par certains, mais tous les points importants auront été décidés sans elle. Alors que nous pourrions peut-être influencer certaines décisions si nous étions en négociations.

Je dirai un mot encore sur les accords bilatéraux. Il est normal et légitime que le Conseil fédéral s'engage dans cette voie suite à l'échec de la votation du 6 décembre. En revanche, nous ne sommes pas d'accord qu'il y mette toutes ses forces et toute son énergie. En effet, il me semble qu'une partie de ces forces et de cette énergie doivent être mises dans le travail d'information et dans l'ouverture des négociations en vue de l'adhésion. Tous les experts s'accordent à dire que, d'une part, l'Union européenne n'est pas du tout pressée de commencer les négociations sur des accords bilatéraux, et c'est normal, ce ne sont pas ses priorités, et, d'autre part, nous savons que ces négociations seront extrêmement denses et difficiles. Tout le monde sait très bien que les résultats seront insatisfaisants, d'où cette résolution avec trois invites.

Je vous propose un amendement à la première invite qui deviendrait : «...invite les autorités fédérales à agender dans les plus brefs délais le traitement de l'initiative.». On m'a fait remarquer, à juste titre, qu'avant de voter sur une initiative, il faut la traiter. Pour moi, c'était implicite, mais je pense qu'il vaut mieux le préciser clairement dans l'invite.

Nous souhaiterions que vous acceptiez de renvoyer directement ce projet de résolution aux autorités fédérales.

M. Michel Halpérin (L). Un an après le traumatisme du 6 décembre 1992, nous sommes quelques dizaines de milliers à Genève pour qui le choc a été très rude, si rude même qu'il a créé pour beaucoup d'entre nous une crise d'identité dont les motionnaires n'ont pas tort de dire qu'elle a remis en question jusqu'à l'idée même qu'ils se faisaient de leur helvétisme.

Ce problème est lancinant, particulièrement pour la jeune génération pour qui l'horizon est nécessairement européen et pour qui, sans Europe, il n'y a plus d'horizon autre que celui d'un conservatisme d'un autre âge.

Dans cette optique, les manifestations que nous avons déjà eu l'occasion de marquer en faveur d'une réflexion prolongée, puis d'une action nous rapprochant de l'Europe, sont d'actualité. Mais il faut considérer que l'on ne se paie pas de mots et qu'à trop vouloir tirer sur les mots précisément on les dévalorise. Comme l'argent se dévalorise par l'inflation, les mots se dévalorisent par un usage abusif.

Depuis un an, nous avons voté plusieurs résolutions dans ce Grand Conseil, marquant les positions de ce dernier à l'égard d'un rapprochement rapide, si c'est possible, de la Suisse vers l'Union européenne. Alors, faut-il aujourd'hui une motion qui interpelle ou qui devrait interpeller le Conseil fédéral comme si nous l'avions déjà pris en flagrant délit d'insuffisance ?

Voilà la vraie question posée, Madame Torracinta-Pache. Même si, grâce à votre amendement, nous passons à «l'agendage» dans les plus brefs délais, non plus de la votation, mais de l'examen des travaux sur cette initiative. Nous donnons à penser que nous, observateurs genevois, considérons que les autorités fédérales n'ont pas fait leur travail en temps utile.

Or, j'observe que le rapport du Conseil fédéral a été déposé il y a quelques jours et je connais nombre de coeurs, même battant à droite, qui ont été sensibles à l'accueil favorable réservé par le président socialiste français à ce travail fédéral. Nous aimons les compliments, même lorsqu'ils nous viennent de nos voisins, et même, surtout lorsqu'ils nous viennent de nos voisins !

Est-il juste aujourd'hui de nous ériger en censeurs et, sous prétexte de dire à nos jeunes gens : «Jeunes gens, nous vous approuvons, nous vous encourageons et nous sommes prêts à vous soutenir.» ce qui serait une invite acceptable est-il juste que le Grand Conseil de la République et canton de Genève aille, au mépris de ce qui est convenable, dire au Conseil fédéral qu'il ne fait pas vraiment son travail, qu'il n'est pas à temps, qu'il traite trop lentement les initiatives et qu'il ne se dote pas des moyens dont il a besoin ? Alors que le Conseil fédéral affirmait au contraire, voici une semaine dans son rapport, qu'il voulait adhérer à l'Union européenne et se doter des moyens d'un examen rapide de ces projets.

Vous savez ce que le groupe libéral pense de l'Europe et sa volonté d'y adhérer. Mais nous pensons que ce type de langage, susceptible a priori de rallier tout le monde, finit par ne rallier personne dans le magma et aboutit précisément à l'effet inverse.

Nous allons crisper ceux dont nous voulons qu'ils travaillent rapidement en leur demandant de travailler plus vite qu'ils ne l'ont fait jusqu'à maintenant. De ce point de vue, nous trouvons la démarche inopportune et nous vous le disons.

Naturellement, cela ne remet pas en cause notre désir, à nous libéraux, de voir la Suisse se rapprocher de l'Europe et peut-être d'y adhérer. Mais nous ne voyons pas que nous rendions service à cette cause en utilisant des moyens qui ne sont pas ceux que vous souhaitez vous-même, Madame Torracinta-Pache et les autres motionnaires. Si vous nous aviez demandé d'inviter les autorités fédérales à prendre acte de notre soutien aux jeunes qui ont pris l'initiative de rester sur la voie civique, nous aurions pu la voter. Mais, sous cette forme, c'est décevant et contre-productif.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Je tâcherai de ne pas répéter ce qu'a dit mon préopinant avec plus de talent que je ne saurais le faire. Cette résolution est une véritable «tarte à la crème». Comme d'aucuns n'ont pas le monopole du coeur, d'autres n'ont pas le monopole de l'Europe, quand bien même ils voudraient tendre à se l'arroger.

Notre Grand Conseil s'est exprimé plusieurs fois. Il a voté maintes résolutions en ce sens durant les deux années écoulées. En cela, cette résolution apparaît, de prime abord, superfétatoire.

Ensuite, un débat fédéral est en train de s'engager aux Chambres fédérales. Certes, notre parlement peut jouer au petit parlement fédéral, si cela lui fait plaisir, mais je crois qu'il ne faut pas se faire d'illusion quant à la portée de résolutions à répétition.

Dans ce parlement, nous sommes tous des démocrates et le seul parti qui était contre l'Europe n'y est plus représenté. Et tous, nous sommes favorables à la création de l'Europe. Toutefois, l'adhésion à l'Europe ne doit pas procéder d'une agitation brouillonne, mais bien d'une réflexion mûre, d'un travail de fond, notamment dans la partie alémanique de notre pays. Il nous faut aussi - on pourrait se poser la question à la lecture de votre résolution - être démocrates. Voici un an, le peuple s'est prononcé et je ne crois pas que, si l'on veut arriver à nos fins, il soit absolument indispensable de le brusquer, sauf si l'on veut aller vers un second échec.

La cause européenne a le soutien des démocrates-chrétiens. C'est pour cette raison que nous ne nous opposerons pas à cette résolution et que nous la soutiendrons. Mais nous estimons qu'elle est superfétatoire et qu'elle n'apporte rien au débat sur la question européenne.

M. Michel Ducret (R). Nous soutenons bien entendu les positions en faveur de l'Europe. Le parti radical genevois était un des premiers à s'engager en faveur de l'Europe et nous avons aussi contribué à la récolte de signatures dans ce sens.

Toutefois, je désire relever que cette résolution est un acte politique un peu facile, passablement démagogique même, et surtout inutile car elle a été déposée dans un canton qui a soutenu à 80% l'adhésion de notre pays à l'Espace économique européen.

Le vrai courage politique eût été de la déposer dans les parlements cantonaux qui ont dit non à l'Europe. Alors, saluer un bel acte de courage politique ce soir, non ! C'est plutôt un bel acte de facilité démagogique que nous ne soutiendrons pas, mais nous ne nous y opposerons pas non plus.

M. Laurent Rebeaud (Ve). Je désire dire deux mots à M. Halpérin. Je regrette que cette proposition de résolution n'ait pas été déposée par le parti libéral car je l'aurais soutenue avec le même plaisir.

Ce que vous dites sur le risque d'inflation ne me semble pas coller du tout avec la réalité des sensibilités fédérales. Je suis convaincu qu'aucun effort n'est superflu, même s'il est aussi petit que cette résolution qui n'a évidemment ni une portée politique gigantesque, ni une efficacité immédiate. Aucun effort n'est superflu pour convaincre nos confédérés que nous y tenons, que nous sommes pressés et que nous ne «lâchons pas le morceau».

Un certain nombre de nos compatriotes et de nos confédérés, de Suisse alémanique notamment, ont le sentiment que, le peuple ayant voté, les gens favorables à l'Espace économique européen n'ont qu'à prendre leur mal en patience et qu'ils s'apercevront avec le temps qu'on est bien dans «l'Alleingang». Par conséquent, aucun signe n'est inutile pour confirmer à nos confédérés que nous y tenons et que cela reste pour nous un objet prioritaire.

Je désire que ce Grand Conseil puisse voter cette résolution à l'unanimité. Ce sera une référence utile pour nos représentants aux Chambres fédérales. Quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur l'efficacité effectivement modeste de cette résolution, ne pas la soutenir, c'est contre-productif.

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Il n'a jamais été question d'un acte de courage, Monsieur Ducret. Je vous ai expliqué que cette résolution était déposée parallèlement au Conseil municipal de la Ville. Nous ne l'avons pas rédigée d'ailleurs. On l'a arrangée à la sauce cantonale, c'est tout. Ce sont simplement deux voies qui s'élèvent parallèlement au dépôt du rapport du Conseil fédéral et pour marquer un anniversaire, point à la ligne.

D'habitude, j'ai beaucoup d'admiration pour vos discours, Monsieur Halpérin. Mais cette fois, vous vous êtes vraiment gaussé de mots. Si l'on avait fait une invite pour dire que l'on encourageait les jeunes, vous l'auriez donc suivie. Mais «Encouragez les jeunes !» ne veut strictement rien dire. La seule chose que l'on peut faire maintenant, et théoriquement on y est obligé - le problème étant les délais - c'est de traiter leur initiative, avec ou sans encouragement.

M. Michel Halpérin (L). D'abord, je suis très reconnaissant à Mme Torracinta-Pache de ce qu'elle vient de me dire. Je ne m'en étais pas aperçu jusqu'ici, en tout cas pas au niveau de l'efficacité de mes points de vue. Je vous répondrai que pour moi - et le député Fontanet l'a dit justement - une invite tendant à ce que l'on traite rapidement ce qui va nécessairement être rejeté si c'est mal traité, trop vite et de manière superficielle, est contre-productive du point de vue européen. Or, comme je ne veux pas que nous soyons contre-productifs, je ne peux pas voter cette invite.

Si vous la modifiez de manière à ce que nous nous mettions au travail, nous pouvons l'examiner. Mais je ne veux pas voter une invite qui va être interprétée comme une nouvelle manifestation du «velléitarisme» ambiant ou de notre atmosphère brouillonne. C'est contre-productif et anti-européen, pardonnez-moi de vous le dire.

M. Laurent Rebeaud (Ve). Voici juste un détail à l'intention de M. Halpérin. Il est important que ce sujet reste de manière permanente à l'ordre du jour. Quant à la date de la votation, vous devriez savoir que c'est le Conseil fédéral qui la choisit, et on peut compter sur lui - j'espère - pour trouver le moment opportun. Il est vrai qu'il faudra débattre pendant un ou deux ans afin que le peuple et les cantons suisses soient en situation d'accepter une éventuelle initiative ou contreprojet qui résulterait de cette initiative.

Il est important qu'en la matière nous fassions connaître nos solutions à la Suisse allemande, car ce n'est pas tellement au Conseil fédéral que s'adresse cette résolution, mais plutôt aux parlements et aux représentants des différents cantons qui ont refusé l'Espace économique européen.

En ce sens, vos craintes sur un moment inopportun et précipité sont infondées. C'est le Conseil fédéral qui choisira. Et de toute façon, cette procédure durera deux ou trois ans. Vous n'avez rien à craindre...

M. Michel Halpérin. Alors, proposez un amendement à votre texte !

M. Laurent Rebeaud. Y'a pas besoin !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Un débat de ce type a déjà eu lieu dans votre Conseil quelques jours après le vote, hélas négatif, du 6 décembre 1992. Il est repris aujourd'hui sur la base d'un texte légèrement différent.

Nous constatons que, depuis le 6 décembre 1992, le Conseil fédéral s'est engagé à travailler sur l'option des accord bilatéraux. C'est ce qu'il fait et il en connaît les limites et les difficultés ; les négociations en matière de transport sont là pour en témoigner.

D'autre part, le Conseil fédéral a indiqué qu'il entendait maintenir ouverte l'option d'un nouvel accord sur l'Espace économique européen. Cette option a été activée - si je puis dire - par l'initiative des jeunes qui, en quelque sorte, a entretenu la flamme. Il est remarquable de constater que des jeunes, avec très peu de moyens, se sont mobilisés pour entretenir ce courant européen. Ils ont tenté d'aboutir avec une initiative dont le texte pose quelques problèmes. Elle devra plutôt être traitée par la voie d'un contreprojet. D'ailleurs, le groupe parlementaire auquel j'appartiens aux Chambres fédérales a travaillé à un contreprojet. Il le proposera probablement au printemps prochain.

Le troisième point qui est l'option de l'adhésion à l'Union européenne a été confirmé dans le dernier rapport du Conseil fédéral sur sa politique extérieure. C'est ce point qui, dans le contexte suisse actuel, a été qualifié de courageux par le président François Mitterrand.

Il faut être conscient que les Chambres fédérales ne sont pas formellement saisies d'un projet relatif à la concrétisation, soit sous la forme de l'initiative telle qu'elle est, soit sous celle d'un contreprojet à l'initiative des jeunes.

Le problème est le suivant : à l'heure actuelle, pour pouvoir traiter à nouveau le dossier sur l'Espace économique européen, il faut que les partenaires de l'EEE acceptent d'entrer en matière. La difficulté que vous ne pouvez pas sous-estimer réside dans le fait qu'un certain nombre de partenaires, membres de l'Espace économique européen - indépendamment des douze qui font déjà partie de l'Union européenne - ont demandé leur adhésion à cette dernière. Ce sont, en particulier, l'Autriche, la Finlande et la Suède. Je souhaite que vous preniez note du fait que ces trois pays ne demandent qu'une chose à la Suisse, soit qu'elle veuille bien renoncer à faire voter le peuple sur un «EEE bis» avant que leurs négociations respectives d'adhésion ne soient achevées. Car si, par malheur, «un EEE bis» devait aboutir à une sanction à nouveau négative du peuple suisse, leur propre demande d'adhésion, qui doit aussi obtenir l'aval de la population, se trouverait gravement compromise. Il faut tenir compte de ces différents paramètres.

En l'occurrence, le calendrier se complique et s'alourdit, mais cela ne doit pas nous empêcher de montrer les mêmes déterminations. Vous avez vu dans l'actualité de ces derniers jours que le dossier du GATT vient d'aboutir et que ce sera très probablement le menu des Chambres fédérales à partir du deuxième semestre de l'année 1994. La réflexion sur une actualisation du dossier européen et sur la détermination des meilleures chances d'aboutir doit tenir compte de l'ensemble de ces paramètres.

Dans ce contexte, une résolution déposée, et qu'on n'envisage pas de retirer, devrait être soutenue, car un vote négatif sur une résolution de ce type serait probablement mal interprété au sens où les aspects tactiques ou d'opportunité pourraient prendre le pas sur le fond. En effet, il a plu à un certain nombre de députés, alors que cela même avait déjà été dit, de manifester à nouveau leur intention d'obtenir l'assentiment du Grand Conseil pour qu'une indication supplémentaire soit encore transmise, si besoin était, aux Chambres fédérales. Eh bien, faites-le ! Même si cela vous paraît inutile, car des réticences à cet égard seraient probablement mal comprises. C'est dans ce contexte que le Conseil d'Etat vous invite à soutenir cette proposition de résolution.

M. Michel Halpérin (L). Puisque M. Rebeaud ne veut pas me faire l'amitié de proposer un amendement, je vous propose un amendement qui serait acceptable pour mon groupe.

L'invite devrait être modifiée en ce sens que les autorités fédérales seraient invitées à prêter la plus vive attention à l'initiative «Né le 7 décembre 1992» pour notre avenir au coeur de l'Europe et à renseigner régulièrement la population et les cantons sur l'évolution de ses travaux. Ainsi, nous ne donnons pas l'impression d'adresser des reproches au Conseil fédéral ou aux Chambres.

Toutefois, je me rallie au point de vue exprimé par M. Rebeaud et Mme Torracinta-Pache. Il s'agit d'apporter un soutien à l'initiative des jeunes, et en même temps, de demander à ce que nos cantons et notre population soient régulièrement renseignés par les autorités fédérales sur l'état de leurs travaux. C'est une manière plus concrète et moins agressive de demander à être entendus.

M. Laurent Rebeaud (Ve). Vous voyez de l'abstraction et de l'agressivité là où il n'y en a pas, Monsieur Halpérin. Il est important que vous gardiez la deuxième invite... «à entamer rapidement des négociations, en vue de l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne.».

Vous pouvez changer tout le reste, cela m'est égal. Mais cela, vous devez le garder !

(M. Michel Halpérin répond à M. Rebeaud sans demander la parole !)

Le président. Demandez la parole si vous la voulez, Maître Halpérin !

M. Michel Halpérin (L). Mon texte remplace la première et la troisième invite et je suis d'accord que la deuxième soit insérée.

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je suis prête à me rallier à l'amendement concernant la première invite. Bien entendu, nous maintenons la seconde. Quant à la troisième, j'estime qu'elle est très importante, surtout si on garde la deuxième, Monsieur Halpérin. Il faut continuer ce travail d'information auprès de la population pour que les gens soient préparés car on va devoir revoter un jour ou l'autre. Cette nécessité d'information s'impose d'une manière générale, et pas seulement à propos de l'initiative des jeunes.

M. Michel Halpérin (L). La première invite est modifiée par ma première proposition, soit l'attention à porter à l'initiative «Né le 7 décembre 1992».

La deuxième invite de votre texte est maintenue : «à entamer rapidement des négociations...».

En ce qui concerne la troisième invite, j'ai proposé plus que vous ne l'avez fait. Il ne s'agit pas de demander à l'Etat fédéral de se doter de moyens. Nous demandons carrément à l'Etat fédéral de nous renseigner régulièrement sur l'évolution de ses travaux. Cela représente plus que de se doter de moyens d'information, c'est passer au stade de l'information elle-même. Alors, qui peut le plus, peut le moins, me semble-t-il !

Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Permettez à une femme qui vient justement de la Suisse centrale (Rires.) de vous dire à quel point elle trouve important qu'on informe les gens et qu'on fasse quasiment de la prévention. Or vous, Monsieur Halpérin, vous parlez de les renseigner sur les travaux. Cela ne suffit pas. Il faut informer les gens et changer leur état d'esprit. J'estime que la troisième invite est extrêmement importante, qu'il ne faut pas l'enlever.

Le président. Je mets aux voix la suppression de la première invite, remplacée par :

«à prêter la plus vive attention à l'initiative «Né le 7 décembre 1992», «Pour notre avenir au coeur de l'Europe» ;

la deuxième invite subsiste ;

la troisième invite est supprimée et remplacée par :

«à renseigner régulièrement la population et les cantons sur l'évolution de ses travaux».

Cet amendement est adopté.

Mise aux voix, la résolution ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

RÉSOLUTION

concernant un vote rapide en faveur de l'Europe

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

qu'il y a une année, la Suisse refusait d'adhérer à l'Espace économique européen (EEE), alors que notre canton acceptait à une très forte majorité cet accord ;

que le Conseil fédéral dépose cette semaine son rapport sur la politique étrangère de la Suisse ;

que l'on apprend, par ailleurs, que l'Union européenne n'envisage pas d'ouvrir des négociations bilatérales avec la Suisse avant avril 1994,

invite les autorités fédérales

 à prêter la plus vive attention à l'initiative «Né le 7 décembre 1992», «Pour notre avenir au coeur de l'Europe» ;

 à entamer rapidement des négociations en vue de l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne ;

 à renseigner régulièrement la population et les cantons sur l'évolution de ses travaux.

IN 101
15. a) Initiative populaire «Pour des emplois d'utilité publique et écologiques». ( )  IN101
IN 101-A
b) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative 100 «Pour des emplois d'utilité publique et écologiques». ( -)IN101

Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 15 septembre 1993, publié dans la Feuille d'avis officielle du 22 septembre 1993. De cette date court une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.

Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation qui doit, de par la loi, intervenir à la séance du Grand Conseil du 16 décembre 1993. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.

A. La validité de l'initiative

Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative «Pour des emplois d'utilité publique et écologiques» (IN 101) ne pose pas de problème de recevabilité, ainsi que cela résulte de la brève analyse qui suit.

I. Recevabilité formelle

1. Unité de la matière

Le respect de ce principe postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il puisse être répondu par «oui» ou par «non».

L'initiative 101 comporte comme seule et unique proposition l'institution d'un fonds cantonal affecté aux dépenses pour l'emploi, soit plus précisément à la création de postes de travail d'utilité publique dans les domaines sociaux et écologiques, notamment des économies d'énergie et de la production d'énergies renouvelables. Ce fonds cantonal sera alimenté par une contribution prélevée sur le capital et le bénéfice net des personnes morales.

Le principe de l'unité de la matière est ainsi respecté (art. 66, al. 2, de la constitution).

2. Unité de la forme

Le principe de l'unité de la forme (art. 66, al. 1, de la constitution) exige que les initiants choisissent soit l'initiative non formulée, soit l'initiative formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible, compte tenu des dispositions légales applicables.

S'agissant en l'espèce d'une initiative rédigée de toutes pièces, au sens de l'article 65 B de la constitution, l'initiative répond à cette condition.

3. Unité du genre

L'unité du genre ou l'unité normative (art. 66, al. 1, de la constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux.

Ce principe est respecté en l'espèce, le choix des initiants s'étant porté sur la rédaction d'une nouvelle loi.

II. Recevabilité matérielle

1. Conformité au droit

Le respect de ce principe suppose qu'une initiative cantonale doit avoir un contenu compatible avec le droit supérieur. Dès lors que l'on a affaire en l'occurrence à une initiative législative, l'initiative doit respecter la constitution cantonale ainsi que l'ordre juridique fédéral (force dérogatoire du droit fédéral), voire intercantonal ou international.

Cette initiative vise à instituer un fonds qui sera alimenté par une contribution prélevée sur le capital et le bénéfice net des personnes morales. Il s'agit d'un impôt d'affectation, domaine dans lequel les cantons sont souverains.

La proposition des initiants relative à l'institution de ce fonds demeure ainsi du ressort exclusif du canton. A cet égard, il apparaît que le projet ne se heurte en outre à aucune disposition contraire tant au niveau constitutionnel cantonal qu'au regard du droit fédéral.

2. Exécutabilité

Ce principe veut qu'en cas d'acceptation par le peuple, l'initiative puisse être réalisée, c'est-à-dire traduite concrètement dans les faits et dans un délai raisonnable.

L'initiative 101 apparaît réalisable. Il n'existe en effet aucun obstacle manifeste et patent à sa concrétisation.

B. LA PRISE EN CONSIDÉRATION DE L'INITIATIVE

I. Le Conseil d'Etat recommande le rejet de l'initiative 101

Le Conseil d'Etat considère qu'en l'état et dans sa forme actuelle, l'initiative «Pour des emplois d'utilité publique et écologiques» ne peut pas être prise en considération pour les raisons exposées dans la brève étude d'opportunité qui suit. Cette étude porte sur les problèmes de l'affectation des impôts, de l'augmentation de la charge fiscale et de la destination du fonds.

L'opportunité n'étant démontrée pour aucun de ces trois critères, le Conseil d'Etat a renoncé à l'examen portant sur la faisabilité, ainsi qu'à un exposé des conséquences économiques, sociales, politiques et administratives prévisibles qui découleraient de la réalisation de l'initiative.

II. Contre-proposition

Toutefois le Conseil d'Etat est d'avis que cette proposition pose une série de questions pertinentes qui méritent d'être considérées dans une réflexion plus globale qu'il a d'ores et déjà engagée et qui porte sur :

 le mode de financement des services publics ;

 la situation particulière du canton de Genève du fait de l'exiguïté de son territoire (contribution des personnes actives résidant en France et dans le canton de Vaud) ;

 les effets et les risques socio-économiques d'un endettement excessif de l'Etat ;

 la nécessaire redistribution de la prospérité commune ;

 le rôle stabilisateur de l'impôt ;

 l'usage incitatif de l'instrument fiscal à des fins de politique économique et écologique ;

 la réforme des finances fédérales, du régime fiscal fédéral (TVA, initiative pour la suppression de l'IFD, motion Ruesch/Cavadini) et des règles de péréquation.

A l'initiative du département des finances et contributions ainsi que de l'université, cette réflexion est en cours depuis deux ans. Un rapport commandé par le DFC au département d'économie politique de la faculté des sciences économiques et sociales constitue une première approche de la question. Ce document de 200 pages analyse successivement la dégradation des recettes, la progression des dépenses, la problématique de l'endettement. On en trouvera la conclusion en annexe.

Cette conclusion n'engage que ses auteurs et ne reflète pas l'avis de tous les experts en économie ou en finances publiques. S'agissant de l'impasse financière que connaissent la plupart des budgets publics, le Conseil d'Etat considère, à l'encontre de l'opinion des auteurs, qu'il y a péril en la demeure et qu'il serait irresponsable d'attendre que la dette prenne des proportions «insupportables» pour agir avec la détermination requise.

Le plan d'assainissement du gouvernement prévoit un retour à l'équilibre financier en deux étapes. La première échéance est fixée, faut-il le rappeler, en 1997, soit huit ans après l'apparition des premiers déficits. A cette date, seul le petit équilibre devra être atteint (couverture des charges avant amortissements). La seconde échéance est fixée trois ans plus tard. Ce parcours ressemble plus à une course de fond qu'à une épreuve de vitesse. Il est donc parfaitement abusif de dénoncer une quelconque précipitation du gouvernement, comme de le soupçonner d'une intention de démantèlement de l'Etat, alors qu'au contraire toute son action vise à consolider l'édifice social construit depuis des décennies.

III. Opportunité de l'IN 101

L'initiative propose la création d'un fonds cantonal pour l'emploi dont les ressources alimentées par un impôt spécial sur les certaines personnes morales viendraient s'ajouter à celles que l'Etat affecte déjà à ces domaines. La motivation des initiants est triple :

 de lutter contre le chômage en créant des emplois publics durables en priorité dans des secteurs liés à l'environnement et aux économies d'énergie ;

 augmenter la charge fiscale des sociétés dites «surcapitalisées» ;

 augmenter les revenus de l'Etat.

Notons que du strict point de vue du droit des finances publiques, l'initiative est conforme à l'article 96 de la constitution et à l'article 46 de la nouvelle loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat qui prescrit que toute proposition comportant une dépense nouvelle ne peut être votée qu'en prévoyant sa couverture financière. En revanche, elle viole l'article 8 de ladite loi qui prescrit que «les impôts ne peuvent pas en règle générale être attribués à la couverture d'un type particulier de tâches».

1. Dynamique des recettes fiscales et des dépenses

Le budget de l'Etat est une loi annuelle qui autorise les dépenses et prévoit des recettes, nécessaires à l'accomplissement des tâches publiques. Lorsque les dépenses dépassent les recettes, l'Etat doit recourir à l'emprunt pour financer les tâches publiques, puisque ses ressources propres sont insuffisantes. Selon l'article 96 de la constitution, toutefois, l'emprunt n'est pas un moyen de couverture. L'Etat ne peut donc recourir à ce moyen de financement qu'à titre transitoire, notamment pour financer des équipements.

Pour cette raison, le budget de l'Etat se subdivise en un budget de fonctionnement où figurent les charges et les revenus et un budget d'investissement pour les dépenses et les recettes d'équipement. Lorsque les charges de fonctionnement dépassent les revenus de fonctionnement apparaît un déficit (situation effective depuis 1989 qui pourrait se prolonger jusqu'en l'an 2000). Dans le cas contraire, l'Etat réalise un bénéfice.

Sans entrer davantage dans les détails d'une analyse de l'évolution des revenus et des charges de l'Etat des quinze dernières années, l'observation des graphiques suivants démontre que l'impasse actuelle résulte bien du tassement relatif des revenus, mais aussi de l'envol des charges. On constatera aussi que les revenus de l'Etat sont retombés à leur niveau du début des années quatre-vingts.

Le premier graphique présente l'évolution de la quote-part de l'Etat, exprimée au moyen du rapport entre les dépenses totales de l'Etat (y compris les investissements), respectivement les recettes totales, et le revenu cantonal.

1) Depuis 1980, les résultats financiers de l'Etat ont toujours fait apparaître un excédent des dépenses sur les recettes, le canton s'est donc, chaque année, trouvé en situation de devoir emprunter pour couvrir ses besoins de financement.

2) La croissance des recettes précède la croissance des charges jusqu'en 1987.

3) La quote-part de l'Etat, exprimée par le ratio recettes/revenu cantonal, qui avait augmenté durant cette première période, en raison notamment des effets de la progression à froid et de l'envol des droits sur les transactions immobilières, chute brutalement de 1988 à 1991 et retrouve son niveau du début de la période.

4) Dès 1993, l'échec consommé ou annoncé des projets fiscaux (trois centimes en juin 1992, taxe personnelle en juin 1993, révision des barèmes en automne 1993), pourtant partie intégrante du plan d'assainissement 1991-1997 des finances cantonales, se répercute dans une dégradation tendancielle, ralentie mais continue, de la quote-part de l'Etat au revenu cantonal.

Le graphique suivant illustre l'évolution de la quote-part de l'Etat par rapport au revenu cantonal, en rapportant cette fois non plus les dépenses et les recettes totales, mais les charges et revenus de fonctionnement au revenu cantonal (les dépenses et recettes d'investissement sont en l'occurrence exclues de l'analyse).

On remarque mieux encore, dans ce cas, la dynamique des revenus jusqu'en 1987, qui semble entraîner la dynamique des charges avec un ou deux ans de décalage, puis le renversement de tendance qui affecte les revenus, alors que les charges continuent leur progression jusqu'à l'entrée en vigueur du plan de redressement.

La raison de la chute brutale des revenus de l'Etat tient principalement à l'octroi d'allégements fiscaux importants dont l'ensemble des contribuables ont profités en raison inverse de leur revenu imposable. Ces allégements concernaient la lutte contre la progression à froid, l'établissement d'une certaine égalité de traitement entre les couples mariés et les concubins, la promotion de l'accession à la propriété et de la formation d'un capital de retraite.

Le graphique suivant illustre les six étapes de la dégradation budgétaire. Il permet d'analyser et de comparer le cours des charges et des revenus de fonctionnement par rapport à l'évolution du revenu cantonal et de l'inflation de 1980 à 1996.

On constate à la lecture de ce graphique que la croissance des revenus de l'Etat a été plus forte que la croissance des charges et du revenu cantonal jusqu'en 1987. Puis l'évolution des revenus fléchit, tandis que celle des charges continue de progresser à un rythme plus rapide que celui du revenu cantonal.

Les traits tirés à droite du graphique illustrent la tendance des charges et des revenus de fonctionnement, si aucune mesure n'avait été prise pour juguler les déficits et renverser la tendance.

En résumé, les initiants constatent, non sans raison, le faible dynamisme des recettes fiscales et la nécessité pour l'Etat de renverser la tendance actuelle. Cependant, la quote-part de l'Etat au revenu cantonal s'est accrue durant les années 80 non pas en raison d'une volonté politique clairement établie, mais en raison de la progression à froid et de recettes fiscales conjoncturelles exceptionnelles. Ce ratio s'est ensuite dégradé en raison d'une série d'allégements fiscaux dont l'effet sur les recettes de l'Etat se révèle aujourd'hui désastreux. On peut donc dire que ces allégements ont été trop importants, c'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat a proposé d'en réduire l'ampleur en présentant un projet de révision des barèmes fiscaux.

2. Aspects fiscaux

1. Buts de l'impôt

L'impôt est un acte de souveraineté par lequel l'Etat prélève sur le secteur privé les ressources nécessaires au financement de ses tâches générales telles qu'elles sont définies par la loi. A l'évidence, l'importance des recettes que l'Etat peut prélever par ce biais dépend étroitement de la valeur ajoutée créée par le secteur privée .

Mais l'impôt n'a pas pour seul but, ni pour seul effet, de procurer au gouvernement les moyens financiers dont il a besoin. La fiscalité exerce d'autres fonctions qu'il ne faut pas perdre de vue lorsqu'on apprécie l'impact d'une modification absolue ou relative de la charge fiscale.

Pour une analyse de ces autres fonctions, on consultera utilement l'article «Le financement de l'Etat» paru dans l'ouvrage «Les finances publiques d'un Etat fédératif, la Suisse».

Ainsi la fiscalité affecte de manière positive ou négative la volonté des individus et les entreprises de travailler, d'épargner et d'investir.

Elle est, grâce à la progressivité des barèmes, un des principaux instruments de la redistribution des revenus et de la richesse, bien plus puissant dans ses effets que le système des allocations sociales.

Elle joue un rôle sur le plan de la stabilisation de l'économie, encore que la structure fédérale de la Suisse et la difficulté d'augmenter les impôts en période de haute conjoncture réduisent fortement la portée de cette fonction. Toutefois, elle devrait inciter les pouvoirs publics à renoncer à accroître la charge fiscale en période de tassement conjoncturel.

Le système fiscal, du moins les aménagements qu'on tente de lui apporter, doit en principe respecter un certain nombre de critères au rang desquels figurent l'égalité de traitement, l'équité, la neutralité, la proportionnalité, etc. ; on en trouvera une brève analyse dans l'ouvrage précité, ainsi que dans le projet de loi modifiant la loi générale sur les contributions publiques (révision des taux d'imposition).

«Le principe de neutralité de l'impôt enseigne que les distorsions associées au prélèvement des impôts doivent être les plus faibles possibles sur le fonctionnement du marché.»

2. Affectation de l'impôt à un usage déterminé

En principe, l'impôt ne doit pas être affecté au financement d'une tâche particulière. Il existe bien entendu des exceptions à la règle.

Ainsi, au plan fédéral, citons l'imposition des carburants pour financer le réseau des routes nationales, les droits sur l'alcool et le tabac dont une partie est versée à l'AVS et à la lutte contre l'alcoolisme.

Au plan cantonal, on peut considérer le droit des pauvres, dont le produit, «sous déduction des frais de perception et de contrôle, est versé à raison de 70 % à l'Hospice général et de 30 % à l'Etat, pour être affecté à des activités et à des entreprises en faveur de la santé publique et du bien-être social» (article 443 de la loi sur les contributions publiques).

En revanche, le centime prélevé dans le cadre de l'application de la loi sur l'aide à domicile, que le souverain a accepté en votation populaire le 16 février 1992, pour une période de quatre ans, n'est pas conçu comme un impôt affecté. Le financement de l'aide à domicile s'opère par la voie ordinaire de la subvention.

A priori, l'impôt affecté présente un intérêt politique évident dans la mesure où il établit un lien direct entre une prestation particulière et son financement. En revanche, il présente d'indéniables défauts pratiques dans la mesure où ce lien prive le Conseil d'Etat et la Grand Conseil d'une partie de leurs prérogatives dans l'affectation des ressources budgétaires, s'agissant des tâches principales de l'Etat, et peut conduire, lorsque les revenus affectés dépassent les besoins, à une programmation de dépenses excessives en regard des critères de l'utilité publique et de l'affectation rationnelle et économique des ressources d'une collectivité.

Il suffit d'imaginer qu'une telle pratique se généralise pour comprendre et mesurer son effet pervers : elle priverait le gouvernement et le parlement de toute marge de manoeuvre. Elle réduirait à peu de chose leur responsabilité, dans la mesure où le souverain aurait décidé une fois pour toute de la destination des fonds qu'ils abandonnent à la main publique. Une telle pratique réduirait la fonction parlementaire et gouvernementale à une pure fonction d'exécution administrative.

Certes, dans le cas d'espèce, la destination des fonds collectés a priori sans limite, encore qu'il y a toutes les raisons d'escompter la disparition à terme de la tâche d'utilité publique que constitue l'embauche des chômeurs en fin de droit, au gré de la reprise économique attendue.

a) Institution d'un fonds spécifique

La création d'un fonds particulier est, au demeurant, une pratique obsolète du point de vue de la gestion des finances publiques. Le manuel de comptabilité public, édité par la conférence des directeurs cantonaux des finances, précise ce qui suit, s'agissant de la gestion des fonds et des financements spéciaux :

«Les raisons qui ont conduit à la création des fonds ne s'expliquent que dans une perspective historique. L'absence d'un marché des capitaux développé imposait à tout investisseur qu'il accumule d'abord des moyens financiers avant de pouvoir procéder à la réalisation d'un ouvrage. Ce capital en numéraire accumulé en vue d'un but précis était dès lors «lié».

Cette situation n'a évidemment plus cours aujourd'hui. L'accumulation d'argent en provenance d'une source particulière, pour un but précis, ne respecte plus les règles de la gestion rationnelle et économique des finances publiques.

Le modèle de compte ménage toutefois la possibilité de gérer ou de créer des financements spéciaux. Il en existe plusieurs à l'Etat de Genève, vestiges de pratiques anciennes ou véritables financements spéciaux destinés à des tâches précises, bien délimitées (traitement des résidus, assainissement des eaux, droit des pauvres, dîme de l'alcool, etc.).

b) Crédit de programme

La nouvelle loi sur la gestion administrative et financière (D 1 9), qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 1994, propose à son article 50 un mode de financement pluriannuel de certains groupes de prestations publiques. Appelé crédit cadre ou crédit de programme, ce mode de gestion revient, pour le parlement, à prendre un engagement politique pour une période définie, tout en conservant le contrôle financier de l'opération et la faculté, certes réduite et seulement lorsqu'un intérêt supérieur le justifierait, de moduler les tranches annuelles du budget.

La loi sur l'aide à domicile, entrée en vigueur le 10 mars 1992, est exemplaire d'un tel fonctionnement. Les montants des subventions accordés à l'extension de l'aide à domicile sont inscrits dans une disposition transitoire à la loi, pour 4 ans.

Le budget cadre ainsi proposé reste sous contrôle du parlement : les tranches annuelles sont libérées, après examen du rapport annuel remis à la commission des affaires sociales.

Ce n'est en fait qu'au moment d'apprécier la question de la couverture financière du crédit cadre, en vertu de l'article 96 de la constitution genevoise (principe repris et développé par l'article 46 de la loi sur la gestion administrative et financière), que le législateur s'est rallié à l'idée d'inscrire dans la loi sur les soins à domicile un centime additionnel. La simultanéité de la loi et de son financement ont pu faire croire qu'il s'agit d'un centime affecté, alors que ce n'est pas le cas formellement.

Selon le rapport de la commission des affaires sociales, l'inscription dans la loi du centime additionnel poursuit deux objectifs :

«1. Garantir le subventionnement : même s'il ne s'agit pas d'un centime affecté au sens formel du terme, la votation populaire acceptant la loi dans son ensemble fera augmenter la contrainte morale sur le pouvoir politique en charge du budget.

2. Prendre en compte les problèmes budgétaires de l'Etat : le corps électoral est ainsi renseigné implicitement sur le coût d'un tel projet. Il est appelé à faire preuve de solidarité.»

3. Accentuation de la charge fiscale des entreprises

Etabli chaque année chaque année par l'administration fédérale des contributions, l'indice total de la charge fiscale grevant le bénéfice net et le capital des sociétés anonymes permet de classer les cantons à charge fiscale élevée s'agissant de l'indice de la charge grevant le bénéfice net (indice 114 en 1992 par rapport à la moyenne nationale de 100) ; le canton occupe en revanche une position moyenne s'agissant de l'indice de la charge grevant le capital (indice 102).

En outre, la nouvelle loi fédérale sur l'harmonisation des impôts des cantons et des communes (LIHD) prévoit une harmonisation de l'assiette fiscale. La seule latitude laissée aux cantons a trait aux taux figurant dans les barèmes. L'augmentation de ces taux obère donc la capacité concurrentielle d'un canton.

Les entreprises sont encore soumises, à Genève, à la taxe professionnelle communale, dont l'effet est assimilable à un impôt. Actuellement le produit de cette taxe provient principalement sur des sociétés visées par le texte de l'initiative.

L'impôt sur les bénéfices est relativement faible en Suisse par rapport à l'étranger, ceci en raison de la volonté constante du législateur d'atténuer le phénomène de la double imposition économique des personnes morales et de ses membres. Cependant les systèmes fiscaux étrangers (France, Allemagne) connaissent le principe de l'«avoir fiscal» ou du «double taux» qui permet également de réduire les effets de la double imposition.

A noter également que, dans une certaine mesure, le capital est imposé deux fois comme capital de la société et comme fortune des détenteurs des parts.

a) Impôt sur le bénéfice

A Genève, le taux d'imposition du bénéfice net est progressif et évolue en fonction de l'intensité de rendement. L'intensité de rendement est le rapport entre le bénéfice net et le capital versé augmenté des réserves. Ainsi, pour un bénéfice net identique, le taux d'imposition de deux sociétés diffère selon leur degré de capitalisation. Plus le capital et les réserves d'une société sont élevés, moins elle paie d'impôt, à bénéfice net égal. Ce régime fiscal particulier cherche à favoriser l'investissement, la pérennité des entreprises, le développement économique et donc l'emploi.

La plupart des cantons applique un impôt progressif sur le bénéfice net, comportant des taux plancher et plafond. Lucerne, Appenzell Rhodes extérieures et le Jura appliquent un impôt proportionnel unique.

Ainsi, en 1992, la charge fiscale (canton et commune) grevant le bénéfice net d'une société anonyme, domiciliée à Genève, au capital versé de deux millions de francs, a évolué de 5'754 francs pour un rendement de 4 % à 239'604 francs pour un rendement de 50%.

Dans le canton de Vaud, la fourchette évolue de 5'305 francs à 206'844 francs, à Zurich de 6'003 francs à 204'993 francs, à Berne de 5'844 francs à 162'744 francs, à Zoug de 4'024 francs à 98'348 francs, à Bâle-Ville de 6'944 francs à 194'859 francs.

L'analyse des indices calculés par l'administration fédérale des finances pour une société anonyme avec 2 millions de capital imposable montre que la charge fiscale genevoise, relativement à la moyenne suisse, croît avec l'intensité de rendement. Elle est inférieure à la moyenne nationale tant que l'intensité de rendement est inférieur à 15 %, elle est supérieure ensuite et s'écarte sensiblement de la moyenne nationale, plaçant Genève dans le trio de tête des cantons aux impôts lourds, dès que l'intensité de rendement dépasse 30 %.

On notera toutefois une inflexion significative de l'indice genevois de la charge fiscale lorsque le rendement atteint 4 %.

b) Impôt sur le capital

L'imposition de base sur le capital s'élève à Genève à 2 % du capital versé augmenté des réserves. L'imposition est proportionnelle au montant du capital, la plupart des cantons suivent des règles identiques. Berne et Glaris connaissent un taux progressif, Fribourg taxe le capital non versé avec un taux réduit.

La charge fiscale, exprimée en francs, évolue comme suit dans la fourchette de cent mille à un million de F de capital :

Capital imposable

100'000 F

100'000'000 F

Genève 

446 F

445'816 F

Vaud 

426 F

426'450 F

Zurich 

358 F

357'879 F

Berne 

286 F

475'315 F

Zoug 

259 F

258'585 F

Bâle-Ville 

550 F

550'000 F

c) Sociétés de participations

S'agissant des sociétés mentionnées à l'article 60 de la loi générale sur les contributions qui administrent exclusivement des participations financières à d'autres entreprises établies hors du canton (art. 65 LCP), celles-ci ne sont pas imposées sur leur bénéfice, afin d'éviter le phénomène de l'imposition en cascade et d'empêcher l'imposition multiple des sociétés liées. Elles doivent en revanche s'acquitter d'un impôt sur le capital à un taux réduit par rapport aux sociétés anonymes. A Genève, ce taux de base s'élève à 0,3 % du capital imposable. Les sociétés dont le bénéfice provient uniquement d'entreprises affiliées, telles que trusts, holdings, ainsi que celles qui, tout en ayant leur siège dans le canton, n'y ont aucune activité, sont soumises à la même règle.

Rappelons que notre canton ne connaît pas la notion de société de domicile, contrairement à d'autres cantons qui leur accordent des conditions fiscales particulières.

3. Création de postes de travail d'utilité publique à vocation écologique

Le prélèvement fiscal supplémentaire, proposé par les initiants, a pour but de financer, dans le cadre de la lutte contre le chômage, des emplois durables d'utilité publique dans le domaine de l'environnement et des économies d'énergie et des énergies renouvelables.

Avec une telle proposition, les initiants renversent le partage classique des rôles entre l'Etat et le secteur privé. En effet, selon le principe de subsidiarité, l'Etat n'est habilité à intervenir qu'en cas de défaillance manifeste du secteur privé. En outre, l'intervention publique doit demeurer aussi limitée que possible et recourir à des instruments aussi conformes que possible à la logique de l'économie de marché.

En outre, au gré du redressement conjoncturel, la tâche de l'Etat consistant à embaucher des chômeurs en fin de droit devrait diminuer, voire disparaître. Dès lors, le fonds n'aurait plus pour raison d'être que le financement continu de postes de travail, ce qui n'est manifestement pas le but prioritaire de l'initiative qui s'inscrit dans une perspective conjoncturelle de récession et visant la réduction du chômage de longue durée.

De ce point de vue, on peut se demander si l'initiative ne viole pas le principe de l'unité de la matière dans la mesure où elle confond dans une même disposition la politique de l'emploi et les politiques de l'environnement et de l'énergie.

1. Politique cantonale d'occupation des chômeurs

En matière d'emploi, l'Etat a pour tâche principale d'instaurer des conditions cadres propices à l'embauche des personnes actives par le secteur privé et non de se substituer à lui.

S'agissant de la politique d'occupation des chômeurs, le Conseil d'Etat rappelle qu'il a mis en place, avec le concours du département de l'économie publique et de l'office cantonal de l'emploi (OCE), toute une série de mesures complémentaires cantonales de lutte contre le chômage. Certaines sont déjà anciennes et placent le canton de Genève parmi les pionniers dans ce domaine. Parmi celles visant tout spécialement le domaine de l'emploi, nous citerons une mesure que seul le canton de Genève a conçue et développée depuis 1984, à savoir l'occupation temporaire de chômeurs dans les administrations publiques.

Cette mesure consiste à offrir aux chômeurs qui ont épuisé tous leurs droits aux indemnités fédérales de chômage après respectivement 170, 250 ou 400 prestations. Dans la règle, l'occupation temporaire se pratique dans l'administration cantonale, mais elle a également été étendue aux communes, ainsi qu'à diverses institutions d'utilité publique et sans but lucratif (voir domaine caritatif ou social). Ce faisant, on donne la possibilité aux bénéficiaires d'exercer une activité, rémunérée par l'Etat, durant 3, 6 ou 12 mois selon les droits antérieurs aux indemnités fédérales de chômage. Ce système d'occupation temporaire a jusqu'ici rendu d'éminents services aux ayants-droit, en leur permettant de retrouver une activité utile et valorisante, en jouant souvent le rôle d'antichambre avant l'obtention d'un emploi plus durable dans l'économie privée.

Sur le plan budgétaire, l'Etat de Genève a consacré à cette rubrique spéciale des sommes très importantes. A preuve, pour l'exercice 1992, l'OT a coûté effectivement 33,6 millions de F, tandis que le budget 1993 y a réservé un montant de 34,5 millions de F, qui sera sans doute dépassé ; quant à la prévision budgétaire 1994 pour ce même poste, elle devrait s'établir à 54 millions de F.

Comme on peut le constater, l'Etat de Genève consacre ici une masse financière considérable à la création des ces occupations temporaires, qui sont accordées de par la loi et à tour de rôle à tous les chômeurs en fin de droits.

Pour le surplus, on signalera également une action particulière pratiquée dans le même esprit, à savoir les programmes collectifs d'occupation temporaire financés en partie par les fonds de l'assurance-chômage fédérale, au titre des mesures préventives destinées à combattre le chômage. Ce faisant. l'OCE peut offrir à certains chômeurs des activités d'utilité publique dans le domaine de l'écologie et du travail social ; ces mesures, qui ne doivent pas concurrencer directement l'économie privée, complètent ainsi judicieusement les occupations temporaires faites à titre individuel et contribuent à occuper utilement des personnes privées momentanément d'emploi.

Très concrètement, voici quelques exemples de programmes d'occupation mis en place récemment dans les domaines cités :

a) Ecologie

Sur mandat de l'Etat de Genève, un bureau privé de travaux et d'études en environnement a collaboré à la mise sur pied de divers programmes d'emplois pour chômeurs en fin de droits ; plusieurs services de l'Etat et des associations privées s'occupant de la protection de la nature sont concrètement associés à ces activités.

D'une part, des emplois manuels sont proposés aux chômeurs, pour entretenir et remettre en état certains sites, notamment les réserves naturelles du canton. D'autre part, des postes plus techniques sont proposés aux personnes de formation spécifique, comme par exemple le tri, le classement et l'organisation de récoltes de données diverses qui sont traitées par des scientifiques.

b) Récupération de matériel électronique et électroménager

Il s'agit ici d'un programme de recyclage de divers composants provenant de matériel électronique et électroménager hors d'usage, réalisé en étroite collaboration avec le département des travaux publics.

Le projet initial a été proposé par un ancien chômeur, sensibilisé par les problèmes de pollution et de l'élimination des déchets, et qui en assume la responsabilité au niveau de l'atelier créé à cet effet.

c) Bureau technique d'occupation temporaire

Avec le concours actif du département des travaux publics, ce programme est destiné aux architectes et dessinateurs techniques pour le recensement du domaine bâti de l'Etat. Les mandats spécifiques visent surtout les inventaires du réseau des chemins pédestres, du domaine public des rives du lac ainsi que des bâtiments sauvés de la démolition.

d) Personnes âgées

Programme d'occupation de chômeurs au service des établissements sans but lucratif pour personnes âgées dépendantes, en collaboration avec un service spécialisé de l'Etat.

2. Mesures fiscales d'encouragement aux économies d'énergie et à la protection de l'environnement

Dans le cadre de la prochaine entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale sur l'impôt direct (LIFD), l'administration fiscale cantonale vient d'édicter une nouvelle directive selon laquelle «les investissements destinés à économiser l'énergie et à protéger l'environnement seront assimilés à des frais d'entretien déductibles du revenu du contribuable propriétaire d'un immeuble privé». Cette directive reprend et actualise une instruction émise à la suite du premier choc pétrolier de 1973.

Une telle mesure qui vaut autant pour l'impôt cantonal que pour l'impôt fédéral répond aux doubles voeux des initiants d'économiser l'énergie et de protéger l'environnement et de créer des emplois. Nul doute en effet que l'intérêt des propriétaires d'immeubles se répercutera positivement sur l'industrie de la construction et, par voie de conséquence, sur l'emploi dans ce secteur.

4. Modifications proposées par l'IN 101

1. Société de participations

L'initiative 101 (art. 5) propose d'augmenter le taux d'imposition des holdings et des sociétés de 33 %, le taux passant de 0,3 à 0,4 %.

2. Impôt supplémentaire sur le capital

L'introduction d'un prélèvement supplémentaire de 1,5 % pour la part du capital supérieur à 10 millions de F revient à créer un régime fiscal comportant un pallier de progressivité. Les sociétés dont le capital est inférieur à 10 millions de F seront taxées au taux de 2 %, celles dont le capital est supérieur à ce montant à 3,5 % pour la part du capital supérieure à 10 millions. Cette disposition aggrave la double imposition dans la mesure où le capital propre des sociétés a déjà été imposé sous forme de bénéfice.

Elle présente en outre un autre désavantage que l'on peut illustrer par l'exemple chiffré suivant. Supposons une société dont le bilan se présente comme suit :

Actif 

60'000'000

Capital 

15'000'000

Perte 

6'000'000

Dettes 

51'000'000

Actif total 

66'000'000

Passif total 

66'000'000

Compte tenu de sa perte d'exploitation, la fortune réelle de cette société s'élève à 9 millions, or, selon la loi, le minimum taxable est le montant du capital social. L'impôt supplémentaire prévu à l'article 7, alinéa 2, de l'initiative grèvera le résultat de cette société de 13'312,50 F (1,5 % sur la part du capital social dépassant 10 millions auquel il faut ajouter 77,5 centimes additionnels).

3. Impôt supplémentaire sur le bénéfice

Quant à l'impôt supplémentaire sur le bénéfice net (art. 7, al. 3 de l'initiative), il devrait être perçu exclusivement sur les sociétés dont l'intensité de rendement, soit, comme on l'a vu, le rapport entre le bénéfice net et le capital imposable, est inférieur à 6 %.

Cette disposition devrait atteindre dans l'esprit des initiants les sociétés «que le régime fiscal favorise». Sont visées les sociétés que l'on qualifie de «surcapitalisées», qui, pour des raisons que la raison économique ne connaît pas, accroîtrait leurs capitaux dans l'intention de réduire leur charge fiscale.

En fait, la disposition proposée par les initiants touchera surtout les sociétés qui, sans disposer d'un capital ou de réserves élevés, affichent, en raison d'un bénéfice limité, une moindre intensité de rendement. Il y a là un facteur d'inégalité de traitement majeur qui à lui seul exige, pour le moins, l'amendement de cette proposition.

Le taux supplémentaire applicable à ces sociétés correspond à la différence entre le tau de l'impôt sur le bénéfice net et le taux minimal légal augmenté de 2 %. Cela revient à augmenter le taux minimal de l'impôt de 6 % pour toutes les sociétés dont le rendement est inférieur à cette limite. Toutes les sociétés qui sont au taux minimal subiraient en conséquence une hausse d'impôt de 2 points, celles dont l'intensité de rendement se situe entre 4 et 6 % enregistreraient une augmentation d'impôt rendant vers zéro, à mesure que l'intensité de rendement tend vers 6 %.

L'impôt supplémentaire frapperait toutes les sociétés sans égard de leur santé économique. Une telle situation créera de choquantes inégalités de traitement que l'on peut illustrer à l'aide d'un exemple chiffré :

Supposons deux sociétés anonymes, la première au capital de 10 millions est performante et affiche un résultat d'un million de F, l'autre, au capital de 20 millions, «galère» et ne dégage qu'un résultat de 500'000 F.

L'application de l'initiative aurait pour effet d'exempter la première société de l'impôt supplémentaire sur le bénéfice, malgré un excellent taux de rendement de 10 %, alors que la seconde, dont l'intensité de rendement n'est que de 2,5 %, se verrait notifier un impôt supplémentaire de 18'850 F sur le bénéfice et un impôt supplémentaire de 26'625 F sur le capital.

4. Incidence sur les recettes fiscales

Sur la base des taxations 1992 des personnes morales, l'administration fiscale cantonale a procédé à une première évaluation de l'application de l'initiative 101 sur la production fiscale.

Au total et compte tenu de l'effet de seuil provoqué par la diminution du résultat des sociétés, dès la deuxième année, diminution imputable au fait que les sociétés peuvent déduire l'impôt, l'augmentation des recettes fiscales devrait se situer autour d'une cinquantaine de millions de F, selon la décomposition suivante :

 4 % en provenance de l'impôt sur le capital des sociétés de domicile et celui des holdings mentionnées à l'article 65 ;

 52 % en provenance de l'imposition supplémentaire du capital des autres personnes morales ;

 44 % en provenance de l'augmentation de l'impôt sur le bénéfice.

C. CONCLUSION

Le régime fiscal est un critère important de l'attractivité économique d'une région. Les entreprises, notamment les plus performantes, recherchent en permanence à optimiser leur charge fiscale. Toute modification absolue ou relative de la charge fiscale peut donc entraîner des conséquences directes et indirectes sur les recettes fiscales d'un canton.

La situation économique tendue et l'obligation qui s'impose aux entreprises d'optimaliser leurs charges et leurs revenus incitent le Conseil d'Etat à considérer qu'un alourdissement de l'impôt des sociétés irait, en l'état, à l'encontre de sa politique de relance, d'accueil des entreprises et de lutte contre le chômage.

Une telle mesure produirait, en effet, selon toute vraisemblance, un impact, notamment psychologique, inverse à celui escompté par les initiants. Le renversement de la tendance et la création de places de travail durables dépend prioritairement du développement des activités des entreprises de la place et de l'installation, en territoire genevois, de nouvelles sociétés.

Les initiants juxtaposent deux phénomènes la récession et le chômage et le fait que les revenus des entreprises ont augmenté plus vite que les revenus des salariés durant la dernière décennie et en tirent l'argument d'une nouvelle obligation publique de politique économique consistant à prélever sur certaines entreprises un impôt supplémentaire destiné à créer des emplois publics à l'intention pour lutter contre le chômage de longue durée.

Ils tendent ainsi à accréditer l'idée que le malheur des uns serait la conséquence du bonheur des autres et donc qu'il est équitable de taxer ces entreprises pour répondre au désoeuvrement des chômeurs. Le Conseil d'Etat ne peut souscrire à une arithmétique aussi simpliste.

Telles sont les raisons pour lesquelles il vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser l'initiative 101 «Pour des emplois d'utilité publique et écologiques» dans sa forme actuelle. Il souhaite toutefois que, dans la perspective de l'assainissement des finances publiques, lequel ne pourra pas se réaliser sans un relèvement marginal, mais nécessaire, de certaines recettes, votre Grand Conseil recherche, d'entente avec le gouvernement, les solutions susceptibles de recueillir une large adhésion de l'opinion.

Sur le fond, le Conseil d'Etat examine toutefois l'opportunité de présenter un contreprojet et il se réserve donc la possibilité de saisir le Grand Conseil, après examen de la recevabilité de l'initiative par la commission législative.

ANNEXE

Débat

Le président. Je désire rappeler que la numérotation 101 indique qu'il s'agit de la première initiative que nous avons à traiter dans le cadre de la procédure pour le traitement des initiatives, selon le nouveau droit en vigueur depuis le 23 mars 1993.

Cela signifie, en particulier, que le rapport du Conseil d'Etat a été transmis automatiquement à la commission législative qui l'examinera en conformité avec la constitution. Nous aurons ce soir un débat de préconsultation, étant entendu que cette initiative reviendra de la commission législative pour l'examen de sa constitutionnalité et de la commission à laquelle vous allez la renvoyer ce soir pour un débat de fond devant le Grand Conseil.

M. Gilles Godinat (AdG). Au travers de cette initiative, les initiants ont voulu atteindre deux objectifs principaux. Le premier concerne la création d'emplois avec un fonds de 50 millions et le second la redéfinition d'un rôle actif de l'Etat dans la création d'emplois.

Il est inutile de rappeler la situation économique genevoise sinistrée, avec ses 16 000 chômeurs enregistrés et ses 20 000 places de travail perdues.

Pour ce qui est de la création d'emplois, nous n'avons pas d'illusion sur les réelles possibilités d'une relance économique efficace émanant uniquement d'une intervention des pouvoirs publics.

Cependant, dans la situation actuelle, avec la création d'occupations temporaires pour les chômeurs, des postes de travail pourraient être stabilisés avec un fonds permettant justement la création d'emplois et, d'autre part, maintenir des subventions aux institutions et associations d'utilité publique dans le budget 1993. Ce fonds permettrait également d'assurer les emplois d'utilité publique dans ce domaine.

Pour l'économie verte, nous estimons que son encouragement est prioritaire à Genève. Son développement pourra concrétiser l'article 160 C de la constitution genevoise. En effet, cet article précise que les collectivités publiques doivent investir, pour l'économie d'énergie et le développement, en priorité dans des sources d'énergies renouvelables. Voilà ce qu'il en est pour la création d'emplois.

A part le rôle redistributeur et stabilisateur classique de l'Etat, nous pensons qu'il est nécessaire de redonner un rôle direct et actif aux pouvoirs publics dans l'économie. Cela pourrait se faire, par exemple, par les Services industriels, en encourageant la création d'emplois dans le domaine de l'écologie, également en créant des fonds de recherche appliquée par le biais de l'Ecole d'ingénieurs et de l'Institut Battelle pour des emplois de recherche dans le domaine des technologies de pointe. Cela pourrait se faire avec des mesures rapides, concrètes, car ces technologies existent et il suffit de les développer. Voilà pour les objectifs.

Nous avons prévu, en ce qui concerne les moyens, un fonds avec une taxation de 2%o concernant les 2% des entreprises genevoises. Sur les 20 000 entreprises en région genevoise, nous en touchons 400. Ce sont celles qui ont un capital social déclaré de plus de 10 millions et uniquement celles qui sont cotées en bourse. Cette manière de faire épargne toutes les petites et moyennes entreprises du canton. Celles-ci ont en effet été pendant plusieurs années sous la pression bancaire pour l'obtention de crédits ou le remboursement de leurs créances. Plusieurs petites et moyennes entreprises, créatrices d'emplois, ont dû malheureusement annoncer leur faillite.

Nous savons que les trois quarts du capital social déclaré dans ce canton sont concentrés dans le secteur des banques, assurances et agences-conseils. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'une taxe qui - par exemple pour une entreprise ayant un capital social de 12 millions et annonçant un bénéfice de 96 000 F par année - verrait s'ajouter à ses charges la taxe supplémentaire de 250 F par mois nous paraît être une charge tout à fait supportable.

Pour une entreprise ayant 80 millions de capital social et 3 millions de bénéfices déclarés, cela reviendrait à 5 000 F de taxe supplémentaire par mois. Pour une entreprise ayant 200 millions de capital social déclaré et un bénéfice annuel déclaré de 10 millions, cela représente 32 000 F mensuels supplémentaires. Cela nous paraît être tout à fait supportable pour une telle entreprise. Je vous rappelle que les statistiques suisses montrent que ces dernières années les entreprises cotées en bourse ont annoncé, en moyenne, une progression de 15% de leurs bénéfices.

Pour parler des arguments concernant la charge fiscale des entreprises, Genève est reconnue, au niveau de l'OCDE et au niveau suisse, comme étant une place financière tout à fait favorable pour l'implantation des entreprises. A Genève, il n'y a pas de pression fiscale exceptionnelle sur les entreprises. La fiscalité actuelle est un atout pour les entreprises à Genève.

Au sujet du choix de localisation, plusieurs études ont démontré que la localisation pour l'implantation de nouvelles entreprises dépendait marginalement de la fiscalité. La qualification de la main-d'oeuvre et les infrastructures existantes jouent un rôle prépondérant.

Or, Genève est à ce niveau tout à fait privilégiée. C'est la raison pour laquelle nous pensons que cette initiative est raisonnable, réaliste et concrète. Elle donne des réponses à un problème majeur qui est le chômage. Mais la réalité est, elle, inacceptable. Effectivement, les initiants et les citoyens qui ont signé cette initiative estiment que la croissance d'un chômage structurel, qui s'installe parallèlement à la croissance des bénéfices d'entreprises privilégiées, est inacceptable.

M. Daniel Ducommun (R). Par gain de temps, je m'exprimerai dans un seul discours sur les deux initiatives. En fait, c'est surtout l'initiative 102 qui nous intéresse car elle nous paraît être la plus difficile à gérer, en tout cas en première lecture.

Ces deux initiatives peuvent paraître séduisantes par leur côté «attrape-coeur» et l'adjonction de mots sensibles tels que «solidarité» ou «emploi». Derrière cette façade, notre groupe considère qu'une acceptation des deux initiatives 100 et 102 aurait des effets pervers allant totalement à sens contraire du but souhaité. C'est ce que j'appelle le retour de manivelle, le boomerang, ou encore l'arroseur arrosé.

L'adage de faire payer les riches reste le cheval de bataille d'une certaine classe politique, au même titre que le «Non à l'armée !» ou «Halte à la croissance !». Nous ne pouvons pas partager cette opinion. Nous ne pouvons qu'être inquiets qu'une grande partie de nos difficultés financières soit supportée par quelque deux mille deux cents de nos contribuables qui participent, au titre d'impôt cantonal et communal, à un montant de plus de 500 millions sur le revenu et la fortune.

Ce sont ceux-là que vous voulez pénaliser, Monsieur Godinat. Ce sont ces contribuables et nos sociétés à fortes capacités financières qui assurent à notre Etat la substance nécessaire à la couverture des tâches sociales, si importantes aujourd'hui. Ce sont aussi ces mêmes contribuables à fortes capacités financières qui bénéficient des meilleures commodités de mobilité pour nous quitter.

Je rappelle qu'à cet effet le canton de Vaud, pour ne parler que de lui, offre un accueil de qualité à quelques minutes de Genève. Je rappelle aussi que le canton de Vaud ne nous rétrocédera jamais un seul centime de solidarité pour les nombreux résidents qui travaillent sur notre territoire.

Notre fiscalité doit être revue en globalité, mais non par touches émotives. C'est ce à quoi s'occupe actuellement le Conseil d'Etat, en collaboration avec la commission fiscale. Laissons ces réformes se développer. Parmi d'autres réflexions, nous ne pouvons que confirmer que ces deux initiatives ne répondent pas aux exigences de la loi que nous venons de voter sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, laquelle stipule, à son article 8, que les impôts ne peuvent pas, en règle générale, être attribués à la couverture d'un type particulier de tâches.

Alors, de grâce, pour toutes les raisons évoquées, la branche sur laquelle nous sommes assis tremble suffisamment sans que nous voulions à tout prix la couper.

M. Pierre-Alain Champod (S). Le parti socialiste partage sur le fond les idées exprimées par les initiants au travers du texte de l'initiative 101.

En effet, nous sommes convaincus qu'un redressement des finances de l'Etat - objectif que nous partageons - passe à la fois par une plus grande maîtrise des dépenses et une amélioration des recettes. Nous pensons que certaines entreprises pourraient contribuer plus qu'elles ne le font aujourd'hui au redressement des finances de l'Etat. Nul doute que les banques qui affichent des bénéfices importants pourraient payer plus d'impôts sans que leur avenir soit compromis.

Ces efforts demandés aux banques seraient d'autant plus justifiés que l'argent ainsi récolté servirait à financer les emplois d'utilité publique et écologiques, c'est-à-dire qu'ils s'inscriraient dans une perspective d'un développement préservant l'environnement.

Dans notre société qui compte de trop nombreux chômeurs, toute création d'emploi utile est la bienvenue. Nous rappelons aussi que le parti socialiste a déposé l'année dernière un projet de loi proposant de modifier l'article 73 de la loi sur les contributions publiques afin d'imposer différemment les petites entreprises par rapport aux grandes qui ont un important capital.

D'ailleurs, nous avions déposé ce projet de loi parce que nous étions las d'attendre le projet du département des finances que M. Vodoz nous avait promis pour 1992 afin qu'il entre en vigueur en 1993.

Toutefois, le parti socialiste a finalement décidé de ne pas s'associer à la récolte des signatures de cette initiative 101, alors qu'il s'est associé à la récolte des signatures de l'initiative 102 pour les raisons suivantes.

Si nous partageons les objectifs généraux de cette initiative, nous craignons tout de même quelques effets pervers au niveau de l'emploi et nous pensons qu'aujourd'hui nous ne pouvons pas traiter de la même manière les entreprises qui réalisent des profits par des opérations financières et celles qui réalisent des produits en fabriquant des objets. En d'autres termes, il faut distinguer les entreprises qui produisent réellement des richesses et celles qui font des profits dans ce que certains économistes nomment «l'économie Casino».

Nous aurions souhaité aussi que cette initiative prenne en compte le nombre d'emplois pour moduler le taux de l'impôt. En effet, une politique fiscale doit certes avoir pour objectifs de rapporter de l'argent à l'Etat, mais aussi d'avoir un effet sur les tissus économiques que l'on veut développer.

Aujourd'hui, il est nécessaire d'inclure dans une politique fiscale des variables qui, non seulement ne pénalisent pas les entreprises ayant une masse salariale importante, mais favorisent les entreprises qui emploient beaucoup de main-d'oeuvre par rapport à celles qui réalisent du bénéfice en utilisant peu de main-d'oeuvre.

Mais nous aurons l'occasion de discuter des aspects un peu techniques de ces initiatives en commission et, éventuellement, d'inclure l'une ou l'autre de nos propositions dans un contreprojet si les discussions en commission aboutissent à une telle conclusion.

M. Pierre Kunz (R). Quand je juge l'initiative 101 dans sa formulation, j'hésite entre plusieurs termes : démagogie, opportunisme ou caractère franchement primaire lorsqu'on se situe sur le plan fiscal et celui des recettes. C'est regrettable.

Sur le fond, cette initiative possède le grand mérite de poser un problème d'une extrême importance auquel ni Genève, ni la Suisse, ni l'ensemble des sociétés occidentales ne pourront échapper, c'est celui de la nécessaire création de postes de travail d'utilité publique, ceci dans le but d'occuper la part de notre population qui s'accroîtra encore, celle qui est en partie déjà et restera incapable de demeurer économiquement active et productive.

L'évolution des structures sociales et du marché du travail est telle - et ce n'est pas le GATT, dont on nous parle actuellement, qui changera les choses - la concurrence mondiale s'intensifie tellement, que nous nous acheminons inéluctablement vers une société - je devrais dire que nous retournons vers une société - clairement stratifiée.

D'une part, nous avons et nous aurons demain ceux qui, fort heureusement en majorité grâce à leur talent, à leur expérience, à leur flexibilité, à leur formation ont réussi à accéder et à se maintenir sur le marché du travail, voire même à s'y réaliser, de l'autre côté, se trouvent et se trouveront ceux que nous pouvons appeler les malheureux, les malchanceux, ceux qui n'ont pas été capables et demeureront incapables de répondre aux exigences du marché du travail et que la société devra bien s'arranger de faire survivre. Alors comment ? (Commentaires, sourires sur les bancs des socialistes.) Eh bien, en offrant à ces exclus du marché du travail des emplois d'utilité publique qui leur permettront malgré tout d'apporter leur contribution à la collectivité et de justifier et mériter ainsi leur rémunération.

Certains analystes, économistes et sociologues, estiment que ces malchanceux pourraient représenter au début du siècle prochain dans certaines régions d'Europe jusqu'aux 25% des individus en âge de travailler. Il s'agit donc, dès maintenant, de nous préparer à cette évolution dont nous ne percevons que les prémices, même si nous en subissons, d'ores et déjà, les conséquences financières - déficit des caisses de chômage - et sociales - augmentation du chômage de longue durée.

Malgré son indigence, l'initiative 101 doit nous inciter à entreprendre sans délai la révision de nos conceptions et de notre législation afin de rendre notre canton capable de lutter plus efficacement contre l'inactivité et ce que vous me permettrez d'appeler même parfois la déshumanisation des moins favorisés d'entre nous.

Nous devons saisir cette occasion pour mettre un terme au gaspillage des ressources. Il faut que nous cessions de nous focaliser sur les allocations de chômage pour nous consacrer à l'activité des chômeurs.

Pour notre part, nous ne manquerons pas, nous les radicaux, d'apporter une large contribution à la préparation de ce qui nous semble être l'indispensable contreprojet à l'initiative 101.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Nous accueillons cette initiative avec intérêt car elle pose de vrais problèmes, même si elle ne leur apporte pas forcément les bonnes réponses. A notre sens, les réponses proposées ne sont pas adéquates.

Le premier de ces problèmes est celui du chômage. C'est un des grands maux de notre temps. Toutefois, Monsieur Kunz, je vous en conjure, une société avec 25% de chômeurs, nous, nous n'en voulons pas. Il est de notre devoir de politiciens de lutter contre ce phénomène, de mettre en place et de conforter les systèmes qui permettent aux gens se trouvant momentanément sans travail d'être indemnisés et de pouvoir vivre dans la dignité. Il en va de notre devoir de politiciens. A cet égard, le canton de Genève est exemplaire par rapport à ce qui se fait en Suisse.

Le deuxième des problèmes est celui des moyens que l'Etat met à sa disposition par le biais de prélèvements fiscaux. Lors du débat budgétaire que nous aurons demain, il sera démontré que nous avons atteint la limite des économies auxquelles nous sommes contraints et que nous pouvons encore faire sans toucher aux prestations que l'Etat de Genève assure à ses concitoyens. Nous verrons aussi qu'une interrogation est suscitée par cette initiative, à savoir celle du maintien de ces prestations.

Dans le cas où nous souhaiterions maintenir les prestations offertes à la population ce que nous devons faire, à mon avis, dans toute la mesure du possible nous devrons alors nous interroger sur une éventuelle augmentation de la fiscalité pour permettre à la population genevoise de continuer à bénéficier des avantages sociaux et des prestations dont elle jouit aujourd'hui.

La troisième des interrogations, légitime elle aussi, que suscite cette initiative, est celle qui consiste à savoir s'il y a lieu d'augmenter la fiscalité. Où et comment cette hausse de la fiscalité, des prélèvements que l'Etat doit opérer, se fera-t-elle ?

A mon sens, l'initiative ne propose que des réponses qui ne sont pas satisfaisantes, car la fiscalité, quoi que vous en disiez, Monsieur Godinat, est un des éléments essentiels lorsqu'une entreprise décide de s'implanter ou non dans un endroit donné et pour savoir si elle y reste ou pas, cela d'autant plus qu'à Genève l'économie est essentiellement tertiarisée, composée de banques, d'assurances, de sociétés de service qui, par définition et par rapport aux entreprises industrielles, sont particulièrement mobiles.

Nous débattrons de cette initiative. Il n'y a donc pas lieu d'en explorer toutes les pistes aujourd'hui, mais les solutions que vous proposez sont mauvaises car la charge fiscale est un des éléments essentiels conduisant une entreprise à s'établir ou non dans le canton.

Vous proposiez tout à l'heure de ne taxer que les entreprises cotées en bourse. Il est vrai que seules peuvent être cotées en bourse les entreprises qui ont plus de 10 millions de capital social. Mais toutes les entreprises qui ont plus de 10 millions de capital social ne sont pas forcément cotées en bourse. Or, ce sont souvent celles-ci qui contribuent le plus à l'emploi et aux recettes de l'Etat par les impôts qu'elles paient. C'est pour ces raisons que vos solutions, même si elles sont intéressantes, ne nous paraissent pas adéquates et pourraient même être néfastes en fonction de la manière dont elles seraient appliquées.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Le groupe écologiste soutiendra ces deux initiatives et appuiera un traitement rapide, d'une part, par la commission législative et, d'autre part, par la commission fiscale.

Nous acceptons de débattre de ces deux initiatives de manière conjointe même si, pour notre groupe, il existe une différence de traitement entre l'initiative 102 et l'initiative 101.

Le parti écologiste a soutenu l'initiative 102 dès son lancement, après avoir largement participé à son élaboration. Comme vous le savez, les thèmes de solidarité et de partage rencontrent toujours un large écho chez les écologistes. La contribution fiscale demandée aux personnes fortunées par le biais de l'initiative sera redistribuée en priorité aux personnes âgées, aux chômeurs, à l'aide humanitaire, à la construction de logements bon marché et à l'extension des transports publics. Cette affectation solidaire devrait rencontrer un écho très favorable dans ce Grand Conseil.

Pour nous, cette initiative s'inscrit dans l'effort généralisé de solidarité dans lequel nous devons tous nous engager afin d'éviter de voir se creuser de manière encore plus dramatique le fossé entre riches et pauvres.

Toutefois, il faut garder à l'esprit que cet effort, demandé par le biais de l'initiative, n'est qu'un maillon de la chaîne de solidarité et qu'à plus ou moins long terme il devra s'accompagner de mesures durables et plus efficaces telles que le partage de l'emploi et des revenus. L'application de l'initiative 102 est extrêmement simple et cette initiative pourrait être soumise au peuple bien avant la fin des délais légaux.

Par contre, l'initiative 101 demande une étude plus approfondie, tant par son mode de prélèvement que par l'affectation des fonds. Je n'entrerai pas plus en détail sur les modes de prélèvement car ce sera le travail de la commission fiscale. Toutefois, je désire m'attarder quelques instants sur l'affectation de ce fonds. En ce qui concerne le domaine social, tout le monde sait à peu près ce que cela recouvre. Par contre, lorsque l'on parle de travaux d'utilité publique liés à l'écologie, on ne pense qu'au nettoyage des forêts ou des rivières. Il faut rappeler que ces travaux sont très importants et qu'il convient de les poursuivre, voire de les intensifier, notamment par le biais des occupations temporaires pour les chômeurs.

A côté de cela, il faut également créer, et notre pays est en retard sur ce sujet, des postes de travail dans ce que j'appellerais l'écologie rentable. Il existe aujourd'hui, et d'autres pays d'Europe le savent et l'exploitent, toute une économie rentable dans le domaine de l'écologie. Le ministre français de l'environnement, Michel Barnier, déclarait il y a peu de temps : «Pour développer une industrie de l'environnement forte demain, il faut encourager la créativité des entreprises, leur permettre de faire de la recherche, des expériences et de se développer. Les investissements aujourd'hui dans l'air, l'eau, les déchets, la maîtrise de l'énergie seront les emplois de demain dans une compétition internationale très forte.». Il a encore indiqué que, si les industries de l'eau réussissent à l'exportation, c'est parce que la France a engagé des efforts dans ce domaine bien avant d'autres pays.

Il existe plusieurs exemples d'entreprises en France qui, contraintes de diminuer le taux de pollution engendrée par leur production, ont vu, dans le long terme, leur chiffre d'affaires augmenter en raison de l'économie réalisée dans la diminution de l'utilisation des produits polluants.

En conclusion, même si cette initiative 101 rencontre a priori des difficultés d'application, elle ouvre la voie à des propositions intéressantes émises dans la direction d'un marché nouveau et porteur, tout en maintenant une redistribution importante dans le domaine social.

M. Michel Balestra (L). Nous parlons des initiatives 101 et 102 conjointes. Le parti libéral genevois les a étudiées toutes les deux avec beaucoup d'attention. Je me permets donc de les joindre dans ma brève allocution puisqu'elles ont ensemble une unité de matière qui est leur étatisme commun.

La première prétend créer des emplois d'utilité publique et écologiques en finançant ces derniers par un impôt supplémentaire prélevé sur le capital et le bénéfice des entreprises, tandis que la seconde prévoit de taxer la fortune lorsqu'elle dépasse 500 000 F. Voilà deux dangereuses idées que quelques apprentis sorciers comme vous prétendent mettre en pratique en affaiblissant les entreprises saines pour créer des emplois publics subventionnés et prendre plus d'argent aux gros contribuables qui, pour mémoire, sont déjà beaucoup plus taxés à Genève que dans les cantons voisins et concurrents du nôtre...

Une voix. C'est faux !

M. Michel Balestra. Malheureusement, 35% de différence pour des salaires au-dessus de 150 000 F, Monsieur Spielmann. D'ailleurs, on en discutera tout à l'heure. Malheureusement, pour les initiants les choses ne sont pas aussi simples qu'ils veulent bien le dire. D'après une étude - c'est une réponse très précise à M. Spielmann - des experts comptables genevois, 65% des contribuables qui ont quitté Genève en 1991 l'ont fait pour des raisons fiscales. (Rumeurs.) De plus, 43% des entreprises intéressées par une implantation sur notre territoire ont renoncé à s'y établir pour les mêmes raisons.

Je vous rappelle le fameux discours de M. Fred Henri Firmenich, voici deux ans devant la Chambre de commerce, dans lequel il répondait non à la question : Vous implanteriez-vous aujourd'hui à Genève ? Et il ne s'agit pas d'une petite entreprise. Vous acquiescerez qu'il ne faut pas être bien malin pour comprendre qu'en plus de l'aspect purement quantitatif - 65% et 43% - de cette étude, il faut analyser son aspect qualitatif. Ce sont certainement les plus gros contribuables qui ont quitté Genève et les plus gros contribuables qui ont renoncé à s'y installer. Cela n'est pas très productif en matière de revenus fiscaux.

Voilà la preuve chiffrée que l'expression bien connue d'un président socialiste français : «Trop d'impôts tue l'impôt.» est chaque jour vérifiée.

Le chômage est, vous avez raison, la plus cruelle des injustices sociales. Notre groupe est très sensible aux drames frappant les femmes et les hommes qui en sont victimes. Mais la seule solution pour résoudre ce problème, contrairement à ce qui a été dit ici ce soir, est de créer des conditions-cadres, permettant la croissance des entreprises existantes et qui soient suffisamment attractives et compétitives pour en attirer de nouvelles à Genève.

En effet, selon une étude de l'Institut CREA, 85% des postes de travail créés en Suisse le sont pas des entreprises de moins de cent employés et une grande partie de ces derniers par de nouvelles entreprises. C'est ce que vous dites dans votre initiative.

Malheureusement, l'ensemble du problème réside dans la faiblesse de la conjoncture. La durée de vie de ces nouvelles entreprises est beaucoup trop courte car elles sont sensibles aux conditions extérieures, donc plus fragiles que les anciennes. Vous ne devez pas oublier dans ce raisonnement que, si elles sont fragiles face aux conditions extérieures, c'est que souvent elles ont découvert des niches économiques de sous-traitance pour de grosses entreprises qui, lorsque la conjoncture faiblit, ou parce que leur compétitivité diminue, assument l'entité de leur production afin de faire des économies.

L'idée d'affaiblir les grandes entreprises n'est pas productive et il est fondamental de comprendre que toutes les dispositions législatives qui affaibliraient encore plus les PME sont des propositions qui peuvent être qualifiées de suicidaires, aussi louable que soit l'idée qu'elles prétendent défendre.

C'est pour toutes ces raisons que nous demanderons à la commission fiscale d'être très attentive aux effets pervers de ces initiatives, de ne pas nous laisser abuser par les titres accrocheurs qui leur ont été donnés et de leur réserver le sort qu'elles méritent, c'est-à-dire un préavis négatif de notre parlement. C'est d'ailleurs la proposition que nous a faite le Conseil d'Etat, sous réserve d'un contreprojet éventuel pour l'une des deux.

En conclusion, ces deux excellents rapports sont bien documentés. Et la petite note cocasse, après la prise de position du PDC ce soir, c'est que ces deux rapports sont signés par un futur député de l'Alliance de gauche !

Mme Claire Chalut (AdG). Je suis assez troublée de ce que j'entends. Lorsque l'on parle d'exode d'entreprises, on se garde de dire que beaucoup d'entreprises ne partent pas uniquement dans le canton de Vaud, mais dans le canton de Fribourg ou ailleurs en Suisse. On se rend aussi bien compte que de très grandes entreprises préfèrent s'en aller pour raison de profit aussi. On oublie de dire aussi que, par exemple, elles s'installent aux Philippines ou dans d'autres endroits, là où les gens sont payés avec un bol de riz, et encore... là où la misère est exploitable sans avoir besoin de s'embarrasser de trop de scupules... Cela me laisse songeuse. Pourquoi n'en parlez-vous pas ?

D'autre part, je me demande s'il est «indigent» de poser ici la question de la fiscalité, car en fait le problème est là : vous vous montrez très chatouilleux là-dessus ! J'ai observé cette constance depuis toujours : lorsque l'on prononce le mot de «fiscalité», cela vous met les pieds en «choux-fleurs» ! Cela vous est insupportable ! (Grands éclats de rires de toute l'assemblée.)

Malheureusement, je ne trouve pas cela très drôle. Je suis parfaitement indignée, surtout à la suite de l'intervention de M. Kunz qui, lui au moins, a la franchise d'être clair sur ce qu'il pense réellement. Je résume. Pour lui, il y a ceux qui gagnent... «Genève gagne»... A mon avis, Genève ne gagne justement pas grand-chose. A côté de ceux qui gagnent, il y a aussi ceux qu'on laisse au bord de la route ; tant pis pour eux, ils survivront ! Je m'arrête là car vous vous montrez parfaitement indignes face à tout cela. (Mme Chalut s'emporte quelque peu.) Vous ne tenez absolument pas compte de la dignité des personnes qui sont dans cette situation. Si je m'énerve un tout petit peu, c'est parce que je suis assez émue.

Mme Christine Sayegh (S). Le groupe socialiste soutient l'initiative 102 qui propose de prélever un impôt, non pas sur la fortune mais sur le montant imposable, supérieur à un demi-million, pour constituer un fonds de solidarité.

Le Conseil d'Etat, qui a conclu à la recevabilité de cette initiative, propose il est vrai son rejet sur le fond, mais admet que les questions soulevées sont intéressantes et se réserve la possibilité de faire un contreprojet.

Nous aurons donc, dès la connaissance du rapport de la commission législative, la possibilité de renvoyer cette initiative à la commission compétente, soit la commission fiscale, et d'entendre les propositions du Conseil d'Etat.

Toutefois, il me semble prématuré d'aller très avant dans le débat de préconsultation, puisque lors des travaux sur le nouveau droit de l'initiative, le but du rapport de préconsultation du Conseil d'Etat était avant tout destiné aux initiants eux-mêmes qui pouvaient ainsi décider de maintenir ou de retirer leurs initiatives, puisque, comme vous le savez, les initiatives doivent maintenant être obligatoirement munies de la clause de retrait. Vous pourrez relire cela dans le rapport de mon collègue, M. Lachat, dans le Mémorial N° 41 à la page 5052.

Toutefois, je précise que le principal reproche que fait le Conseil d'Etat à cette initiative est que l'impôt serait prélevé sur les fortunes et qu'il serait affecté. Or, en l'espèce, l'affectation est plutôt large, vous en conviendrez, puisqu'il est affecté à des dépenses de solidarité en priorité et pas exclusivement dans les domaines de l'aide aux personnes âgées, aux chômeurs, humanitaires, de la construction HBM et de l'extension des transports publics. Ce qui permet d'ailleurs au Conseil d'Etat d'émettre quelques doutes quant à l'exécution de cette initiative législative mais qui donne un bémol pertinent à cette notion d'affectation.

La crainte du Conseil d'Etat de voir l'exode des fortunés vers d'autres cantons n'est pas fondée. En tout cas, ce dernier n'est pas préoccupé par cette crainte lorsqu'il décide d'augmenter des taxes personnelles ou communales. Ainsi, la proposition de taxer les fortunes imposables de plus d'un demi-million en faveur d'actions de solidarité au sens de l'initiative est tout à fait supportable et admissible. D'ailleurs, le Conseil d'Etat ne nie pas complètement ce fait puisqu'il prévoit de proposer un contreprojet que nous aurons, j'espère, très bientôt le plaisir d'étudier en commission.

Cette initiative ainsi que le rapport du Conseil d'Etat sont renvoyés à la commission fiscale.  

IN 102
16. a) Initiative populaire instituant un fonds de solidarité «Solidarité fiscale». ( )  IN102
IN 102-A
b) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire instituant un fonds de solidarité «Solidarité fiscale». ( -)IN102

Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 15 septembre 1993, publié dans la Feuille d'avis officielle du 22 septembre 1993. De cette date court une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.

Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation qui doit, de par la loi, intervenir à la séance du Grand Conseil du 16 décembre 1993. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.

A. La validité de l'initiative

Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative instituant un fonds de solidarité «Solidarité fiscale» (IN 102) pourrait poser un problème de recevabilité au niveau de son exécutabilité, ainsi que cela résulte de la brève analyse qui suit.

I. Recevabilité formelle

1. Unité de la matière

Le respect de ce principe postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il puisse être répondu par «oui» ou par «non».

L'initiative 102 comporte comme seule et unique proposition l'institution d'un fonds cantonal affecté aux dépenses de solidarité, en priorité dans les domaines de l'aide aux personnes âgées et aux chômeurs, de l'aide humanitaire, de la construction de HBM et de l'extension des transports publics. Ce fonds cantonal sera alimenté par une contribution prélevée sur la fortune des personnes physiques.

Le principe de l'unité de la matière est ainsi respecté (art. 66, al. 2, de la constitution).

2. Unité de la forme

Le principe de l'unité de la forme (art. 66, al. 1, de la constitution) exige que les initiants choisissent soit l'initiative non formulée, soit l'initiative formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible, compte tenu des dispositions légales applicables.

S'agissant en l'espèce d'une initiative rédigée de toutes pièces, au sens de l'article 65 B de la constitution, l'initiative répond à cette condition.

3. Unité du genre

L'unité du genre ou l'unité normative (art. 66, al. 1, de la constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une norme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux.

Ce principe est respecté en l'espèce, le choix des initiants s'étant porté sur la rédaction d'une nouvelle loi.

II. Recevabilité matérielle

1. Conformité au droit

Le respect de ce principe suppose qu'une initiative cantonale doit avoir un contenu compatible avec le droit supérieur. Dès lors que l'on a affaire en l'occurrence à une initiative législative, l'initiative doit respecter la constitution cantonale ainsi que l'ordre juridique fédéral (force dérogatoire du droit fédéral), voire intercantonal ou international.

Cette initiative vise à instituer un fonds qui sera alimenté par une contribution prélevée sur la fortune des personnes physiques. Il s'agit d'un impôt d'affectation, domaine dans lequel les cantons sont souverains.

La proposition des initiants relative à l'institution de ce fonds demeure ainsi du ressort exclusif du canton. A cet égard, il apparaît que le projet ne se heurte en outre à aucune disposition contraire tant au niveau constitutionnel cantonal qu'au regard du droit fédéral.

2. Exécutabilité

Ce principe veut qu'en cas d'acceptation par le peuple, l'initiative puisse être réalisée, c'est-à-dire traduite concrètement dans les faits et dans un délai raisonnable.

Il convient de relever à cet égard que si l'initiative 102 déclare, dans la formulation de son but, que le fonds est affecté à des dépenses de solidarité, elle ne donne en revanche ni une définition de ce terme générique dans le contexte légal proposé, ni ne dresse de liste exhaustive des affectations visées, ni ne fixe de critères permettant de définir ou de cerner les domaines d'affectation entrant en ligne de compte.

L'initiative se borne à énumérer certains domaines de dépenses (de solidarité) considérées comme prioritaires. Le fait même que ces objectifs soient désignés comme prioritaires suppose, logiquement, l'existence d'autres objectifs, non prioritaires ceux-là. Aucune énumération quelconque n'en est toutefois donnée.

Or, la seule référence à la notion de solidarité pour qualifier la nature des dépenses prises en compte ne permet guère de circonscrire a priori les domaines d'affectation du fonds. Le mot solidarité, dans l'acception non juridique utilisée dans le texte, recouvre un concept très général, au contour indéfini, signifiant «dépendance mutuelle entre les hommes», «aide mutuelle» (Petit Larousse), «communauté d'intérêts», «assistance» (Petit Robert), «responsabilité mutuelle» (Littré).

D'ailleurs, les domaines assez composites cités comme prioritaires dans l'initiative allant de l'aide aux personnes âgées à l'extension des transports publics en passant par l'aide humanitaire contribuent à corroborer ce sentiment et laissent présager un éventail d'objectifs potentiels aussi nombreux qu'hétérogènes.

En raison de ce flou juridique, on ne saurait écarter la probabilité de voir surgir des difficultés d'interprétation au niveau de la concrétisation de l'initiative, sinon dans un premier temps, du moins dans une seconde phase d'application, lorsqu'il s'agira d'aborder les domaines d'affectations non prioritaires.

Ce grief ne saurait cependant constituer un obstacle tel à la concrétisation de l'initiative qu'il faille considérer celle-ci comme irréalisable et, partant, l'invalider pour cause d'inexécutabilité manifeste.

Enfin, il est intéressant de relever, subsidiairement, que selon l'exposé des motifs, les usagers de ce fonds devraient être associés à sa gestion. Certes, ce concept ne figure pas expressément dans la loi, mais il n'est pas inutile de préciser que sa considération serait difficilement réalisable, ce notamment en raison du fait que, comme indiqué plus haut, la liste des destinataires de ce fonds est à la fois indéfinie, extensible et évolutive.

B. LA PRISE EN CONSIDÉRATION DE L'INITIATIVE

1. Le Conseil d'Etat recommande le rejet de l'initiative 102

Le Conseil d'Etat considère qu'en l'état et dans sa forme actuelle, l'initiative instituant un fonds de solidarité «Solidarité fiscale» ne peut pas être prise en considération pour les mêmes raisons que celles exposées dans le cadre de l'initiative 101 «Pour des emplois d'utilité publique et écologiques», à savoir l'inadéquation du moyen proposé (l'affectation des impôts) au but poursuivi, l'inopportunité d'augmenter la charge fiscale et, partant, de creuser davantage encore le différentiel d'impôt avec les autres cantons suisses au détriment de Genève.

L'opportunité n'étant pas démontrée, le Conseil d'Etat a renoncé à un examen détaillé portant sur la faisabilité, ainsi qu'à l'exposé des conséquences économiques, sociales, politiques et administratives prévisibles qui découleraient de la réalisation de l'initiative.

2. Contre-proposition

Toutefois, le Conseil d'Etat est d'avis que cette proposition pose une série de questions pertinentes qui méritent d'être considérées dans une réflexion plus globale qu'il a d'ores et déjà engagée et qui porte sur:

 le mode de financement des services publics,

 la situation particulière du canton de Genève du fait de l'exiguïté de son territoire (contribution des personnes actives résidant en France et dans le canton de Vaud),

 les effets et les risques socio-économiques d'un endettement excessif de l'Etat,

 la nécessaire redistribution de la prospérité commune,

 le rôle stabilisateur de l'impôt,

 l'usage incitatif de l'instrument fiscal à des fins de politique économique et écologique,

 la réforme des finances fédérales, du régime fiscal fédéral (TVA, initiative pour la suppression de l'IFD, motion Ruesch/Cavadini) et des règles de péréquation.

A l'initiative du département des finances et contributions ainsi que de l'université, cette réflexion est en cours depuis deux ans. Un rapport commandé par le DFC au département d'économie politique de la faculté des sciences économiques constitue une première approche de la question. Ce document de 200 pages analyse successivement la dégradation des recettes, la progression des dépenses, la problématique de l'endettement. On en trouvera la conclusion en annexe.

Cette conclusion n'engage que ses auteurs et ne reflète pas l'avis de tous les experts en économie ou en finances publiques. S'agissant de l'impasse financière que connaissent la plupart des budgets publics, le Conseil d'Etat considère, à l'encontre de l'opinion des auteurs, qu'il y a péril en la demeure et qu'il serait irresponsable d'attendre que la dette prenne des proportions «insupportables» pour agir avec la détermination requise.

Le plan d'assainissement du gouvernement prévoit un retour à l'équilibre financier en deux étapes. La première échéance est fixée, faut-il le rappeler, en 1997, soit huit ans après l'apparition des premiers déficits. A cette date, seul le petit équilibre devra être atteint (couverture des charges avant amortissements). La seconde échéance est fixée trois ans plus tard. Ce parcours ressemble plus à une course de fond qu'à une épreuve de vitesse. Il est donc parfaitement abusif de dénoncer une quelconque précipitation du gouvernement, comme de le soupçonner d'une intention de démantèlement de l'Etat, alors qu'au contraire toute son action vise à consolider l'édifice social construit depuis des décennies.

3. Opportunité de l'IN 102

L'initiative propose la création d'un fonds cantonal dont les ressources alimentées par un impôt supplémentaire progressif sur les fortunes d'un montant supérieur à 500'001 F viendraient s'ajouter à celles que l'Etat consacre déjà aux dépenses de solidarité. La motivation des initiants est triple:

 rétablir la dynamique des recettes fiscales, en perte de vitesse depuis 1987 par rapport au revenu cantonal, tandis que, selon les initiants, les dépenses n'auraient pas augmenté plus vite que cet indicateur de la prospérité cantonale,

 redistribuer la richesse,

 financer les tâches prioritaires de l'Etat dans le domaine de la solidarité.

a) Rétablir la dynamique des recettes

Se reporter sur ce point au chapitre correspondant du rapport sur l'initiative 101.

b) Redistribuer la richesse

1. Répartition de la fortune en Suisse

La dernière statistique de l'administration fédérale des contributions sur la fortune des personnes physiques a été publiée en avril 1993. Cette statistique décennale considère la fortune nette déclarée (actifs moins passifs, avant les déductions sociales), au 1er janvier 1991, par les contribuables domiciliés dans les cantons. La statistique englobe donc tous les biens déclarés des contribuables, y compris ceux qu'ils possèdent dans d'autres cantons ou à l'étranger.

En raison de la diversité et de la particularité des régimes fiscaux, le recensement présente certaines lacunes dans l'évaluation des éléments de la fortune (valeur des biens-fonds, assurances sur la vie susceptibles de rachat, capitaux de retraite accumulés dans les caisses de prévoyance, notamment) sans toutefois que ces exceptions altèrent gravement la pertinence des informations reflétées.

En 1991, 2'532'216 contribuables ont déclaré une fortune, 1'227'934 se sont annoncés sans fortune. Parmi les contribuables sans fortune figurent une partie des 877'892 propriétaires de leur logement dont la valeur fiscale est égale ou dépasse le montant de leur dette hypothécaire.

44,5 % des contribuables «fortunés» disposent en fait d'un capital inférieur à 50'000 F. 31 % ont déclaré une fortune entre 100'000 et 500'000 F et 5 % entre un demi-million et un million. En 1991, la Suisse comptait 73'000 millionnaires, soit moins de 3 % des contribuables «fortunés».

La situation est assez contrastée d'un canton à l'autre. Genève se caractérise à la fois par une forte proportion de contribuables sans fortune et un nombre relativement élevé de contribuables déclarant une fortune nette supérieure à un million de F (voir tableau en annexe).

L'analyse temporelle de la répartition de la fortune entre 1981 et 1991 est délicate en raison de l'inflation notamment (40 % sur la période). Néanmoins, elle ne semble avoir enregistré ni concentration, ni déconcentration durant la dernière décennie.

2. Impôt sur la fortune

Parmi les fonctions que remplit la fiscalité, celle de la redistribution des revenus est importante. Contrairement aux autres formes de financement de l'Etat (taxe sur la consommation, vente des prestations publiques), qui frappent plus fortement les personnes à revenus modestes que celles à revenus élevés, l'impôt sur les revenus et la fortune des personnes physiques est perçu en fonction d'un barème progressif. Les contribuables sont taxés en fonction de leur capacité économique, en dehors de tout lien entre les prestations publiques qu'ils reçoivent et les impôts qu'ils paiente.

Y a-t-il lieu, comme le demandent les initiants, d'aggraver la charge fiscale des contribuables fortunés? En deçà des aspects purement politiques de cette question, l'analyse comparative de la charge fiscale en Suisse livre quelques informations utiles au débat.

L'indice global de la charge grevant la fortune des contribuables genevois, publié chaque année par l'administration fédérale des contributions, se situait, en 1992, à 13,7 points au-dessus de la moyenne nationale conventionnellement fixée à 100 points. En moyenne donc, les Genevois acquittent un impôt sur la fortune 14 % plus élevé que dans le reste du pays.

A première vue, Genève ne paraît pas appartenir au club des cantons les plus gourmands en matière d'impôt sur la fortune. En fait, l'analyse détaillée montre que les fortunes nettes supérieures à un million de F sont nettement plus taxées à Genève que dans la plupart des autres cantons. L'indice du canton de Genève atteint, en effet, 131,7 points pour ces catégories de contribuables, plaçant notre canton à la troisième place dans le classement de la charge fiscale en Suisse, juste derrière le Valais (139,6) et Bâle-Ville (132,1), mais loin devant Vaud (115,2), Berne (110,5) et Zurich (68,7).

L'administration fédérale des contributions dresse également des tableaux comparatifs selon le taux d'imposition des fortunes nettes (avant déductions sociales). Ce tableau publié en annexe montre le rang de Genève pour différents niveaux de fortune.

c) Financer les tâches de solidarité

Les dépenses de l'Etat sont classées selon différents critères économiques, administratifs, comptables, fonctionnels, etc. Chaque nomenclature répond à une logique propre et permet une lecture et une analyse précise des dépenses de l'Etat sous différents angles de vue.

Le classement des dépenses de l'Etat par fonction ou par destination renseigne sur le coût des prestations publiques. L'administration fédérale des contributions exploite ces données à des fins statistiques. L'analyse de ces séries révèle l'ampleur de l'action sociale de l'Etat de Genève comme le démontre le graphique ci-dessous.

A l'occasion de la présentation du projet de budget 1994, le Conseil d'Etat a regroupé les charges de fonctionnement en cinq catégories: les charges d'exploitation, les charges d'intérêt, les dépenses prioritaires, les dotations aux hôpitaux, établissements autonomes et aux TPG et les autres charges.

L'exercice avait pour but, par comparaison des chiffres du budget 1994 aux comptes de l'année 1991, de focaliser l'attention des députés et de l'opinion, sur les causes de l'impasse budgétaire. Cette ventilation démontre la maîtrise en cours des charges d'exploitation, les conséquences des déficits sur l'explosion des charges d'intérêt et l'incidence des obligations de solidarité sur les charges sociales prioritaires.

Conformément à l'engagement du Conseil d'Etat, les dépenses sociales constituent une des priorités majeures de la politique gouvernementale concurremment avec le rétablissement nécessaire des grands équilibres financiers qu'impose l'augmentation coûteuse de la dette publique.

En introduisant la notion de dépenses de solidarité, les initiants proposent un critère qui recouvre largement celui des dépenses prioritaires retenues par le Conseil d'Etat. De ce point de vue, l'initiative n'apporte aucune innovation.

d) Institution d'un fonds spécifique

Pour des raisons analogues à celles qui ont été développées dans le cadre de l'examen préliminaire de l'initiative 101 «Pour des emplois d'utilité publique et écologiques», le Conseil d'Etat estime que la constitution d'un fonds spécial n'est pas un instrument adéquat de gestion des deniers publics. L'impôt est une ressource générale de l'Etat. Son affectation, s'agissant des tâches principales de l'Etat, appartient au Grand Conseil sur proposition du Conseil d'Etat.

Déroger à cette règle, non seulement remet en cause un principe acquis de gestion financière, mais crée une confusion des niveaux de responsabilités entre le souverain, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Imaginons que cette technique d'affectation des impôts devienne pratique courante, elle reviendrait à priver le gouvernement et le parlement de toute marge de manoeuvre et donc de la responsabilité politique et financière.

e) Modifications proposées par l'IN 102

1) Impôt supplémentaire sur la fortune

L'impôt supplémentaire proposé par l'initiative 102 sera prélevé sur les personnes physiques dont la fortune imposable est supérieure à 500'001 F. L'initiative relève les taux maxima des tranches supérieures à ce montant selon un nouveau découpage qui ne correspond pas à celui des articles 51 et 51 A de la loi sur les contributions publiques.

Il en résulte la charge fiscale suivante (valeurs exprimées en francs):

Fortune

Impôt

Impôt

Nouvel

Ecart

imposable

actuel

IN 102

impôt

en %

100'000

338

0

338

0,0

200'000

783

0

783

0,0

300'000

1'328

0

1'328

0,0

400'000

1'937

0

1'937

0,0

500'000

2'597

0

2'597

0,0

600'000

3'256

148

3'404

4,5

700'000

3'984

295

4'279

7,4

800'000

4'712

516

5'229

11,0

900'000

5'492

738

6'230

13,4

1'000'000

6'272

959

7'231

15,3

1'200'000

7'976

1'549

9'525

19,4

1'500'000

10'692

2'434

13'126

22,8

2'000'000

15'597

4'278

19'875

27,4

3'000'000

25'407

7'965

33'372

31,3

5'000'000

45'477

15'340

60'817

33,7

10'000'000

95'652

33'778

129'430

35,3

15'000'000

145'827

52'215

198'042

35,8

A noter que les initiants prévoient expressément de prélever les centimes additionnels cantonaux sur cet impôt supplémentaire (al. 4 du texte de l'initiative), ce qui laisse supposer que les centimes additionnels communaux ne seraient pas perçus, ainsi que le prescrit l'article 51 A LCP.

2) Incidence sur les recettes fiscales

Selon les estimations de l'administration fiscale cantonale, la contribution supplémentaire sur les fortunes imposables supérieures à 500'001 F rapporterait, au mieux, 48 millions de F et non 80 millions comme escompté par les initiants.

L'augmentation de l'impôt sur la fortune oscille entre 7,45 % pour une fortune nette de 800'000 F et 33,8 % pour une fortune nette de 5 millions de F.

Les contribuables qui ont une fortune imposable supérieure à 2 millions de F sont au nombre de 2'187. Ils ont acquitté, en 1992, un impôt cantonal et communal sur la fortune de 149 millions de F et sur le revenu de 363 millions. Au total, ces 2'187 contribuables ont donc payé 512 millions de F d'impôt. Autrement dit, 23 % des recettes fiscales sur le revenu et la fortune des personnes physiques sont financées par 0,8 % des contribuables.

Si 10 % de ces contribuables quittaient Genève la perte de recettes serait de 52 millions de F, à laquelle il faut encore ajouter la part cantonale à l'IFD de 3 à 4 millions, soit davantage que la recette fiscale escomptée par les initiants.

C. CONCLUSIONS

Le régime fiscal est un critère important de l'attractivité économique d'une région. Les entreprises, notamment les plus performantes, recherchent en permanence à optimiser leur charge fiscale. Elles sont sensibles non seulement à la fiscalité qui frappe leurs bénéfices et leur capital, mais de plus en plus à la fiscalité indirecte, ainsi qu'à la fiscalité qui frappe leurs collaborateurs, en particulier leurs cadres supérieurs. Certaines sociétés sont même directement touchées par une augmentation de l'impôt sur les personnes physiques, dans la mesure où elles prennent en charge le supplément d'impôt payé par certains collaborateurs expatriés à Genève par rapport à leur lieu de domicile habituel.

Toute modification absolue ou relative de la charge fiscale des personnes morales, mais aussi des personnes physiques peut donc entraîner des conséquences directes ou indirectes sur la compétitivité économique du canton et donc directement sur les recettes fiscales d'un canton.

L'analyse comparée de la charge fiscale à Genève et en Suisse montre sans conteste que notre canton dispose déjà d'un régime fiscal particulièrement social. Le Conseil d'Etat considère qu'une saine politique consisterait plutôt à réduire la charge fiscale des contribuables les plus entreprenants à des fins de relance économique. L'initiative 102 va manifestement à sens inverse.

Telles sont les raisons pour lesquelles il vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser l'initiative 102 instituant un fonds de solidarité «Solidarité fiscale» dans sa forme actuelle. Il souhaite toutefois que, dans la perspective de l'assainissement des finances publiques, lequel ne pourra pas se réaliser sans un relèvement marginal, mais nécessaire, de certaines recettes, votre Grand Conseil recherche, d'entente avec le gouvernement, les solutions susceptibles de recueillir une large adhésion de l'opinion.

Sur le fond, le Conseil d'Etat examine toutefois l'opportunité de présenter un contreprojet et se réserve donc la possibilité de saisir le Grand Conseil, après examen de la recevabilité de l'initiative par la commission législative.

ANNEXE

Débat

M. Gilles Godinat (AdG). Dans mon intervention, j'avais séparé les deux initiatives qui, en fait, ont des objectifs un peu différents.

L'objectif de l'initiative 102 est évident. Il s'agit de créer un fonds de solidarité cantonal venant appuyer les dépenses de l'Etat. Même si nous sommes conscients que la solidarité existe déjà, il convient de définir des priorités pour ce fonds dans un cadre légal afin de renforcer l'effet redistributeur de l'Etat. Les affectations principales ont déjà été soulignées dans d'autres interventions.

En constatant le résultat des discussions au niveau fédéral, le risque de voir baisser les indemnités de chômage est constant. L'augmentation du chômage de longue durée et le vieillissement de la population concourent à la paupérisation des couches sociales les plus défavorisées et impliquent l'augmentation des besoins humanitaires pas seulement dans notre pays. La construction de logements sociaux HBM et, enfin, le soutien aux transports publics, assurant des possibilités de déplacement aux personnes âgées, nous paraissent absolument nécessaires.

Nous estimons que ces besoins sociaux prioritaires doivent être définis dans une politique budgétaire et fiscale et doivent bénéficier d'un fonds affecté. Nous pensons qu'une telle politique budgétaire est tout à fait possible.

Pour alimenter ce fonds, nous avons prévu de taxer les fortunes à partir de 500 000 F. A Genève, cela touche 5% des contribuables, à savoir neuf mille quatre cents contribuables, dont cinq mille millionnaires. Il faut savoir que la fortune de ces cinq mille millionnaires, déclarée à Genève, correspond à 20 milliards environ, soit le revenu cantonal sur les 40 milliards de fortune actuelle. La concentration de fortunes de ce canton est tout à fait inquiétante. (Brouhaha.)

Cela signifie qu'à Genève 63,1% de la fortune déclarée ne concerne que cinq mille personnes. C'est inquiétant, surtout lorsque l'on sait que Genève est au quatrième rang des indices de concentration de fortunes et en troisième position dans ce pays pour le nombre de millionnaires par rapport à l'ensemble des contribuables. Enfin, il faut savoir que Genève est en quatrième position par rapport aux contribuables qui ne déclarent aucune fortune, c'est-à-dire 43,8% des contribuables.

On doit enfin souligner la progression de la fortune déclarée dans ce canton. Entre 1959 et 1983, la progression annuelle était de 5,1%. Entre 1983 et 1991, elle était de 7,6%, alors que pour la Suisse, et Zurich notamment, elle se trouve en dessous de 1%.

La taxe que nous proposons est la suivante. Voici deux exemples. Pour une fortune déclarée de 800 000 F, cela correspondrait à 145 F de taxe mensuelle, pour 5 millions, à 1 500 F. Ces taxes nous paraissent tout à fait supportables. Cela ne représente qu'une augmentation de 2 à 3 %o par rapport aux cantons de Vaud et de Bâle-Ville.

Il faut rappeler également que nous sommes confrontés au problème de l'évasion fiscale. Les chiffres ne peuvent être que des estimations, mais l'évasion fiscale est effarante. Elle se chiffre à plusieurs dizaines de milliards.

Vous avez raison, Messieurs Dames de l'Entente, les gens qui «votent avec leurs pieds», cela existe ! Mais nous aimerions savoir, par la transparence fiscale, combien ils sont, car nous n'avons jamais obtenu de chiffres précis concernant le départ de contribuables pour des raisons fiscales. Nous estimons qu'ils se chiffrent à plusieurs dizaines, mais certainement pas à plusieurs centaines.

Enfin, face à l'accroissement des richesses dans ce canton pour une partie de privilégiés, et face à l'appauvrissement croissant d'autres couches de la population, nous estimons que cette initiative est une oeuvre de salubrité publique.

M. Pierre Kunz (R). Je désire faire savoir à mes collègues députés que l'intervention de M. Godinat me rappelle quelque chose que Ramuz avait déjà constaté au tout début de ce siècle. Il disait : «Le problème, avec la gauche, c'est qu'elle ne se contente pas de mépriser l'argent, mais qu'elle hait ceux qui en ont.» (Rires.).

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. L'avantage, parmi de nombreux désavantages de la nouvelle procédure que nous étrennons aujourd'hui, est que le Conseil d'Etat, dans un délai extrêmement bref, a dû vous présenter un rapport, non seulement sur la recevabilité de ces deux initiatives, mais également sur leur opportunité.

Le Conseil d'Etat a fourni deux rapports importants qui devraient vous permettre d'avoir des débats de fond et de qualité en commission, puisque ces deux initiatives y sont automatiquement renvoyées.

En effet, le Conseil d'Etat considère que ces deux initiatives ne sont pas acceptables dans leur teneur actuelle, cela non pas par rapport au but qu'elles entendent rechercher - qui est important car nous ne pouvons négliger aucune piste en ce qui concerne les buts touchant à la problématique de l'emploi - mais par rapport aux moyens qui nous sont proposés et qui mettent en cause une série de problèmes touchant à la fiscalité. Or, qui dit fiscalité dit immédiatement compétitivité de notre économie locale en regard des combats entre cantons sur le plan fédéral, sans compter le plan international pour la localisation d'entreprises. Cela pose, en matière de fiscalité, la problématique du poids global de l'impôt.

On ne peut pas faire de comparaison dans ce canton en prenant la fiscalité secteur par secteur. Il faut la voir globalement. Sur ce plan et à réitérées reprises, j'ai eu l'occasion de vous dire que vous ne pourrez pas faire abstraction de la fiscalité fédérale car, finalement, ce sont toujours les mêmes contribuables qui doivent débourser les montants nécessaires.

Voilà les raisons pour lesquelles le Conseil d'Etat, encore une fois, considère que ces deux initiatives ne sont pas acceptables en tant que telles, mais a voulu laisser la porte ouverte à un éventuel contreprojet sur la base des discussions de fond que vous aurez en commission.

Voilà pourquoi ces deux initiatives, conformément à votre loi et à la constitution, doivent partir en commission.

Cette initiative ainsi que le rapport du Conseil d'Etat sont renvoyés à la commission fiscale.

 

PL 7053
17. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi générale sur les contributions publiques (commission cantonale de recours) (D 3 1). ( )PL7053

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article 1

La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit:

Art. 347, al. 2 (nouvelle teneur)

lettre i (nouvelle teneur)

al. 3 (nouvelle teneur)

2 Toutefois, le département est autorisé à communiquer les renseignements nécessaires à l'application de la loi sur l'encouragement aux études, du 4 octobre 1989; de la loi sur l'orientation, la formation professionnelle et le travail des jeunes gens, du 21 juin 1985 (3e partie, titre I, chap. II); de la loi sur l'assurance-maladie obligatoire, le subventionnement des caisses-maladie et l'octroi de subsides en faveur de certains assurés des caisses-maladie, du 18 septembre 1992; de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977 (chap. III); de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887; de l'arrêté fédéral concernant l'impôt fédéral direct, du 9 décembre 1940; de la loi fédérale sur l'impôt anticipé, du 13 octobre 1965; de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, du 16 décembre 1983, et de sa loi d'application, du 20 juin 1986, ainsi que de l'arrêté fédéral concernant un délai d'interdiction de revente des immeubles non agricoles et la publication des transferts de propriété immobilière, du 6 octobre 1989, et de son règlement d'application provisoire, du 18 octobre 1989 (chap. II), respectivement et exclusivement:

i) à la commission cantonale de recours en matière d'impôts cantonaux et communaux et à la commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct pour l'instruction des cas dont elles sont saisies.

3 Les personnes visées à l'alinéa 2, lettres a, b, c, d, e, f, g et i, prêtent le serment prévu à l'alinéa 1.

Art. 354, al 3 (nouvelle teneur)

3 Le greffe de la commission est assumé par la chancellerie d'Etat et placé sous la responsabilité d'un secrétaire-juriste; il a voix consultative.

Art. 2

Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Nous avons l'honneur de vous présenter un projet de modification de la loi générale sur les contributions publiques tendant à garantir l'indépendance des commissions cantonales de recours en matière d'impôt envers les autorités de taxation.

Les décisions en matière fiscale sont susceptibles de recours auprès de deux commissions instituées l'une par la loi générale sur les contributions publiques et l'autre par l'arrêté concernant l'impôt fédéral direct.

L'organisation, la compétence et l'activité de la première de ces commissions, qui s'intitule commission cantonale de recours en matière d'impôt, sont régies par les articles 351 à 359 de la loi générale sur les contributions publiques. La commission est composée de douze membres dont six sont désignés par le Grand Conseil et six par le Conseil d'Etat. Toute décision portant sur la taxation d'un contribuable peut lui être déférée (art. 351 LCP; art. 67 LDS; art. 179 LDE). Elle connaît aussi des litiges en matière de taxe professionnelle communale et statue sur les recours contre les décisions de réclamation instituées dans chaque commune (art. 315 LCP). Sa compétence s'étend encore aux décisions rendues par l'office cantonal de l'impôt anticipé, conformément à l'article 35, alinéa 2 LIA (art. 15 du règlement d'application de diverses dispositions fiscales fédérales, du 30 décembre 1958).

Selon l'article 354, alinéa 3 LCP, le directeur des contributions (actuellement l'administrateur général de l'administration fiscale cantonale) ou à défaut le directeur de la division du contrôle, fonctionne comme secrétaire.

Quant à la commission cantonale de recours en matière d'impôt fédéral direct, que chaque canton doit instituer en vertu de l'article 69 de l'arrêté du Conseil fédéral concernant la perception d'un impôt fédéral direct, elle est composée de cinq membres désignés par le Conseil d'Etat pour une durée de quatre ans (art. 5 du règlement d'application de diverses dispositions fiscales fédérales, du 30 décembre 1958). Son secrétariat est assumé par le département des finances et contributions.

Le personnel des deux commissions est constitué par un secrétaire et un juriste, avocats de formation, d'une greffière et d'une secrétaire 2.

Les contribuables s'étonnent fréquemment que les collaborateurs des deux commissions cantonales de recours en matière d'impôt dépendent de l'administration fiscale cantonale. Ils sont enclins à formuler des doutes sur l'impartialité de juridictions administratives dont l'intendance est hiérarchiquement incorporée dans l'administration dont elle doit juger de la pertinence des décisions.

Bien souvent, les fonctionnaires eux-mêmes considèrent que les commissions cantonales de recours font partie intégrante de l'administration fiscale. Dans l'application de la loi sur la procédure administrative, et notamment dans le respect des délais qui leur sont impartis, ils ne font pas toujours preuve de la diligence qu'ils manifesteraient s'ils avaient conscience que les commissions de recours sont des juridictions administratives devant lesquelles l'administration fiscale cantonale n'a que la qualité de partie, au même titre que le contribuable.

La localisation du secrétariat des commissions à l'Hôtel des finances et l'utilisation par les commissaires de la salle de conférence de la direction de l'administration fiscale cantonale renforcent ces soupçons au demeurant infondés.

Soucieux de garantir l'indépendance de ces deux juridictions administratives, nous vous proposons de modifier l'article 354, alinéa 3 LCP en prévoyant la subordination hiérarchique du personnel des commissions à une autorité formellement indépendante de l'administration fiscale cantonale, soit à la chancellerie d'Etat.

L'éloignement géographique des commissions qui sont actuellement installées à l'Hôtel des finances se justifiant dès lors pleinement, des démarches ont été entreprises pour qu'elles soient regroupées avec d'autres autorités de recours, à savoir la commission de recours LCI et la section des recours du Conseil d'Etat.

Il sied enfin de relever que le fait de placer les commissions cantonales de recours sous l'autorité de la chancellerie d'Etat nécessite une adaptation de l'article de la loi sur les contributions publiques réglant le secret fiscal. Les commissions n'étant en effet plus incorporées à l'administration fiscale, il est nécessaire, pour pouvoir leur permettre d'instruire et de trancher les recours dont elles sont saisies, d'autoriser expressément leurs membres ainsi que leur greffe à accéder à des données couvertes par le secret fiscal.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter le présent projet de loi.

Personne ne demande la parole en préconsultation.

Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.

 

PL 7055
18. Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux (B 5 0,5). ( )PL7055

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux, du 15 octobre 1987, est modifiée comme suit:

Art. 24, al. 5 et 6 (nouvelle teneur)

al. 7 (abrogé)

5 Si le titulaire de la fonction est un fonctionnaire ou un employé qui est demeuré plus de 3 ans au service de l'Etat, respectivement de l'établissement concerné, il reçoit une indemnité égale à 6 fois son dernier traitement mensuel de base, plus 0,2 fois son dernier traitement mensuel de base par année passée au service de l'Etat, respectivement de l'établissement concerné, une année entamée comptant comme une année entière. Le nombre de mois d'indemnités versées ne peut excéder le nombre de mois restant à courir jusqu'à l'âge légal de retraite du fonctionnaire ou de l'employé concerné.

6 Aucune indemnité n'est due en cas de transfert dans un établissement public genevois ou dans une fondation de droit public genevoise.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il s'avère que l'article 24 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux, du 15 octobre 1987 (B 5 0,5), pose un certain nombre de problèmes quant à sa mise en oeuvre et à ses conséquences.

C'est pourquoi le Conseil d'Etat vous propose de modifier les alinéas 5 et 6 et d'abroger l'alinéa 7, de façon à clarifier les modalités d'application de cette disposition et à rétablir l'égalité de traitement.

Commentaire alinéa par alinéa

Alinéa 5 (nouvelle teneur)

Cet alinéa est, dans sa teneur actuelle, susceptible de créer des inégalités de traitement. Ainsi, prenons par exemple le cas de 2 membres de la CIA, tous deux âgés de 59 ans, soit A et B:

1. Si A n'a pas 25 années d'assurance, il ne peut pas faire valoir son droit à une pension de retraite (art. 34 des statuts de la CIA). Dans ce cas, il pourra prétendre au paiement de l'indemnité pour suppression d'une fonction permanente, au sens de l'article 24, alinéa 5, B 5 0,5 actuel.

2. Si B compte 26 années de service, il peut faire valoir son droit à une pension de retraite (art. 34 des statuts de la CIA). De ce fait, B ne pourra pas prétendre au paiement d'une indemnité pour suppression d'une fonction permanente (art. 24, al. 5, B 5 0,5 actuel) alors qu'il est resté plus longtemps que A au service de l'Etat.

C'est pourquoi il paraît nécessaire de remédier, notamment, à l'inégalité de traitement qui pourrait ainsi exister entre les membres du personnel de l'Etat en supprimant tout lien avec la situation de l'intéressé par rapport à la Caisse de prévoyance à laquelle il est affilié. Compte tenu de ce qui précède et, notamment, du fait que le droit à l'indemnité pour suppression d'une fonction permanente est indépendant du droit à une pension de retraite, il convient de supprimer la référence aux statuts de la Caisse de prévoyance et donc d'abroger l'alinéa 7.

Pour le surplus, les modifications subséquentes n'appellent pas de commentaires particuliers dans la mesure où elles simplifient la compréhension et où elles introduisent un système d'indemnisation par année de service plus équitable que celui consistant à ne tenir compte que de périodes complètes de 5 années de service.

Alinéa 6 (nouvelle teneur)

Dans l'hypothèse où le titulaire de la fonction qui est supprimée serait engagé par un établissement public genevois, y compris un établissement autonome, l'intéressé ne saurait prétendre à une indemnité pour suppression de la fonction précédemment occupée.

Au vu des explications qui précèdent, le Conseil d'Etat vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter les modifications résultant du présent projet.

Personne ne demande la parole en préconsultation.

Ce projet est renvoyé à la commission des finances.

I 1871
19. Interpellation de Mme Erica Deuber-Pauli : Banque cantonale. ( )I1871

Mme Erica Deuber-Pauli (T). Voici deux ans, j'étais intervenue sur la question de la fusion des deux banques publiques genevoises : la Caisse d'épargne et la BCG. Ce n'était pas pour contester la volonté du Conseil d'Etat et du Grand Conseil de doter Genève d'une véritable banque cantonale, mais pour exprimer mon inquiétude, partagée par beaucoup, en apprenant quelles avaient été les pratiques de ces deux banques dans le contexte des spéculations foncières et immobilières qui ont agité Genève dans les années 1980-1990.

Des exemples, que tous ont en mémoire, montraient, au même moment, ce qui pouvait arriver lorsqu'une banque publique se surengageait au point d'inquiéter la commission fédérale des banques - c'était le cas de la BCG relativement au prêt consenti à M. Gaon sur les terrains de Sécheron - ou qu'elle allait carrément à la faillite - c'était le célèbre cas de la Caisse d'épargne de Thoune.

A côté de l'exemple des 180 millions prêtés à M. Gaon par le consortium, dans lequel entraient la Caisse d'épargne et la BCG, pour l'achat des terrains de Sécheron, j'en donnais d'autres, tout aussi intéressants, que je ne citerai pas aujourd'hui car vous les avez tous en mémoire, et dans lesquels on voyait, par exemple, la Caisse d'épargne prêter, sur la base d'expertises très largement surfaites, des sommes ahurissantes à des spéculateurs pour acheter des biens de valeur très inférieure, leur permettant de poursuivre d'autres spéculations.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat, m'avait répondu qu'avec la haute surveillance du Conseil d'Etat qui s'exercerait sur la nouvelle banque, et la garantie concomitante de l'Etat - ce qui n'était pas le cas jusque-là de la BCG - une nouvelle sécurité s'instaurerait au bénéfice des épargnants.

Ce contexte n'a pas été exclusivement genevois, ni suisse. Il a été international, et on peut dire que, dans les centres industriels et financiers du monde entier, de tels phénomènes se sont produits.

Je cite, dans un ouvrage de Georges Com, paru en 1993 aux éditions La Découverte, «Le nouveau désordre économique mondial», au chapitre sur le banquier et le contribuable : «Les montants partis ainsi en fumée dans des décisions de crédits, uniquement prises par des mécanismes bureaucratiques, sont colossaux, non seulement dans l'industrie, mais surtout dans l'immobilier, lieu de toutes les spéculations et de toutes les tricheries.

Qu'il s'agisse de banques, carrément mises en faillite comme pour les caisses d'épargne américaines citées dans le texte, ou de banques restructurées avec des fonds publics, comme dans le cas de très grandes banques, toujours américaines et également citées, ou encore de banques européennes qui constituent d'énormes provisions sur des clients dont la solvabilité est devenue douteuse, ce sont les contribuables, les épargnants et les actionnaires qui supportent les coûts finaux de ces erreurs économiques majeures se chiffrant aujourd'hui par milliards de francs ou de dollars.

Ces erreurs auraient pu être évitées si les banquiers avaient pu exercer un jugement économique impartial. Pour ce faire, il aurait fallu que le réseau bureaucratique complexe au centre duquel se trouvent l'ingénieur et l'économiste, spécialisés dans tel ou tel secteur d'activités économiques, fonctionne de façon différente.

Il eût été souhaitable que le banquier continue d'exercer de façon bien distincte ses fonctions d'origine, celles relatives à la gestion du risque économique, soit au filtrage des propositions d'investissements nouveaux liés aux mécanismes de la croissance économique moderne d'un côté, celles concernant les financements commerciaux relatifs à la circulation des stocks de biens existants, relativement sans risque, de l'autre.».

On pourrait dire de cette situation que nos deux banques publiques avaient des directions joueuses, portées aux affaires spéculatives, acceptant des expertises surfaites et avaient des contrôles internes notoirement insuffisants. Les réserves cumulées des deux banques pour faire face aux frais douteux se montent aujourd'hui, après fusion, à 650 millions de francs. On parle même de 800 millions de débiteurs douteux dont 650 millions ne sont pas remboursables. C'est plus que les déficits du budget de l'Etat.

Or, nous avons tous appris que, malgré ces erreurs de gestion, on repart aujourd'hui dans la nouvelle banque cantonale avec les mêmes dirigeants. M. Fues, directeur de la Caisse d'Epargne, devient directeur, et M. Dominique Ducret, ancien président de la BCG, redevient président de la Banque cantonale.

Il n'est pas question pour moi d'attaquer ici la personnalité de M. Dominique Ducret qui est un homme politique et un avocat honorable. Toutefois, la présidence du conseil d'administration joue un rôle crucial dans l'organisation de la nouvelle banque. Le président porte l'identité de la banque et, statutairement, il en est l'autorité suprême.

Nous jugeons inadmissible qu'un avocat d'affaires qui a parmi ses clients nombre de sociétés et personnes physiques, tout naturellement conduites à demander des crédits à la banque, occupe la présidence. Il y a, selon toute évidence, confusion d'intérêts, ce qui ne peut que porter tort à l'image de la banque. Subsidiairement, sur ce point on sait suffisamment combien de crédits pourris ne viennent pas de l'imprudence des banques mais de la collusion d'intérêts.

Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil ont exigé une grande banque cantonale qui oriente sa politique exclusivement selon les critères d'une pratique bancaire moderne. Or, nommer un homme politique en vue, conseiller national de surcroît et leader incontesté d'un des partis locaux, à la tête de cette banque, c'est continuer avec la désastreuse politique passée et avec la République des copains.

D'autres banques cantonales, comme la Banque cantonale bernoise, par exemple, qui sont en voie de reconstruction, prennent justement un soin extrême à séparer très nettement pratiques bancaires et activités politiques.

Mon interpellation traduit donc la consternation de beaucoup d'observateurs.

Au surplus, les garanties que la gauche et les écologistes avaient cherché à obtenir lors de la discussion sur la fusion des deux banques, ont été ignorées. Alors que la Banque cantonale est l'établissement de référence pour la fixation du loyer et du taux hypothécaire, on a refusé de mettre à son Conseil d'administration un représentant des locataires, ce qui nous avait paru particulièrement judicieux et d'autant plus nécessaire que les créances douteuses sont précisément issues d'affaires immobilières spéculatives dont sont victimes, en premier chef, les locataires. On a, de la même manière, négligé l'engagement de représentants du tiers-monde ou d'associations défendant les intérêts du tiers-monde.

Genève a nommé M. Dominique Ducret à la tête de la nouvelle banque, lui qui a cependant montré lors des années précédentes son incapacité à tenir la barre de sa banque dans la tourmente spéculative qui a saisi Genève. Que diraient aujourd'hui les Genevois si nos voisins mettaient Hubert Reymond (Rires.) à la tête de la Banque cantonale vaudoise ?

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat.  J'ai ouï, comme vous, l'interpellation de Mme Deuber-Pauli. Je désire lui dire deux choses, étant donné qu'elle ne m'a pas posé de questions formelles.

La première est que je ne peux accepter la mise en cause des procédures qui ont présidé à la fusion des deux banques et qui, aujourd'hui encore, sont saluées comme exemplaires dans le cadre de notre pays.

Il est clair que j'ai préféré, et de loin, pouvoir réaliser la fusion de nos deux banques cantonales selon les procédures choisies et pour lesquelles vous avez été consultés, plutôt que de me voir acculé, comme c'est le cas chez nos voisins vaudois, à devoir prendre des décisions graves dans des moments difficiles et peu opportuns au moment où il s'agit de relancer l'économie de l'autre côté de la Versoix également.

Sur ce plan, et votre Grand Conseil l'a bien compris puisqu'il a fait largement plébisciter la loi de l'organisation de la fusion et que le peuple l'a ratifiée en juin dernier, je ne peux davantage admettre, Madame la députée, les attaques de personnes que vous formulez, notamment à l'égard du président de la banque cantonale de Genève. Cela pour une raison bien simple, c'est que M. Dominique Ducret, puisque vous l'avez nommé dans ses fonctions à la Banque hypothécaire de Genève et dans les engagements qu'il a pris par rapport à sa future mission de président du conseil d'administration de la Banque cantonale de Genève, n'a jamais été un homme de collusion en mêlant des mandats privés de clients et des intérêts se rapportant à la banque qu'il préside.

Madame la députée, au-delà des propos lénifiants que vous avez pu tenir sur la notoriété de cette personnalité, vous ne pouvez pas laisser planer le doute sur la crédibilité et l'honnêteté du président de la Banque cantonale de Genève. Je vous avais demandé, lorsque vous m'aviez interpellé voici deux ans sur d'autres sujets touchant à la banque, de me faire part de faits pertinents et précis si vous en aviez. Il est clair que, comme membre du Conseil d'Etat chargé de la surveillance de la Caisse d'épargne, j'ai besoin de connaître des éléments précis, si vous ou d'autres députés avez des doutes à ce sujet. Toutefois, il n'est en aucune manière question d'évoquer un dossier devant cette enceinte parlementaire.

En revanche - je vous l'ai dit et le confirme - Genève est une pionnière en matière de surveillance des banques cantonales. J'ai moi-même souhaité que la Banque cantonale de Genève soit surveillée par la commission fédérale des banques, considérant que les autorités politiques d'un canton, qu'elles soient législatives ou exécutives, n'étaient pas à même d'assurer la haute surveillance d'une banque cantonale dont la partie non économique, non bancaire, échappe à la commission fédérale des banques.

Vous savez, Madame la députée, qu'une procédure de consultation a été lancée - dont le rapport vient de sortir - sur la base des interventions de notre canton et du Conseil d'Etat de cette République. Il est probable que désormais, et de manière volontaire, les banques cantonales pourront soumettre l'intégralité de leur surveillance à la commission fédérale des banques. Je m'en réjouis car comme je vous l'ai dit lors de la présentation de cette fusion, je l'ai demandé à la commission spéciale qui a planché sur la fusion des deux banques dans le cadre de ce parlement et c'est ce que nous allons obtenir.

La surveillance totale par la commission fédérale des banques pose un certain nombre de problèmes puisque - vous le savez - une banque cantonale est créée par la loi que vous votez et non pas par une autorisation de la commission fédérale des banques. Par conséquent, la commission fédérale des banques prendra des recommandations pour la future surveillance des banques cantonales qu'elle transmettra au gouvernement cantonal. Mais c'est ce dernier qui prendra les mesures d'exécution de cette surveillance.

C'est la raison pour laquelle je considère, Madame l'interpellatrice, que le succès de la fusion des deux banques, la capacité de la banque cantonale de Genève, à partir du 1er janvier 1994, non seulement d'ouvrir ses guichets, mais de répondre à l'attente des milieux économiques genevois et des environs de Genève, est importante, et que tout a été mis en place de manière parfaitement transparente pour aboutir à un succès.

Voici l'élément qui a déterminé le Conseil d'Etat dans la désignation des six administrateurs, dont le président, à choisir parmi les membres désignés par les collectivités publiques, soit l'actionnariat nominatif. Le Conseil d'Etat, après les désignations faites par le Conseil municipal de la Ville de Genève et par l'Association des communes genevoises, a considéré que les membres qu'il entendait désigner devaient être des membres engagés sur le plan de l'économie.

C'est la raison pour laquelle il a pris des personnes ou des personnalités dans les différents secteurs de notre tissu économique. Nous en avons débattu longuement, mais le choix des administrateurs par le Conseil d'Etat a été exemplaire et salué comme tel, même si nous avons dû - il est vrai - décevoir bon nombre de candidatures.

C'est la raison pour laquelle je dénie tout droit de penser que la Banque cantonale de Genève est la banque des petits copains. Nous en avons fait la démonstration inverse par les désignations du Conseil d'Etat.

Concernant les garanties fournies par les banques, compte tenu des différentes opérations qui ne sont pas seulement de nature immobilière, elles ont été assez rapidement maîtrisées, en plein accord avec la commission fédérale des banques qui a, encore tout récemment, donné son plein Titus aux dirigeants des deux établissements bancaires.

Mais la plus grande des problématiques, vous l'avez oubliée dans votre interpellation, Madame la députée ! C'est celle des crédits consentis aux petites et moyennes entreprises se trouvant dans de graves difficultés. C'est un domaine très préoccupant. Mais c'est précisément le rôle des banques cantonales de pouvoir assurer le développement de ces entreprises.

Dans ce secteur, des garanties ont été prises, des provisions constituées. Je vous affirme, sur la base des rapports qui m'ont été fournis, que l'ensemble des risques de la banque cantonale de Genève ont été provisionnés par les deux banques qui fusionneront au 1er janvier 1994. Voici dix jours, lorsque les dirigeants de ces deux établissements ont rencontré, comme il se devait, la commission fédérale des banques - laquelle d'ailleurs a approuvé les règlements définitifs de la banque qui ouvrira donc, comme convenu et avec notre appui, ses guichets au 1er janvier 1994 - cette dernière a considéré ces provisions comme largement suffisantes.

Mme Erica Deuber-Pauli (T). Je remercie le conseiller d'Etat Vodoz de sa réponse. Toutefois, je désire répliquer sur un certain nombre de points.

Tout d'abord, permettez-moi de rappeler que je n'ai pas mis en cause les procédures de fusion des deux banques qui m'ont paru être parfaitement bien conduites. Je me réjouis de l'exercice du contrôle de la commission fédérale des banques. Ce n'est pas non plus la personne de M. Ducret qui est mise en cause, mais bel et bien la direction de la banque qui a permis la déconfiture que l'on sait, soit 650 millions de créances douteuses.

Ce ne sont pas les créances des petites et moyennes entreprises que j'attaque ici, car elles sont liées à la crise économique, mais c'est bel et bien les estimations immobilières et foncières surfaites qui ont conduit à des prêts parfaitement douteux pour des gens comme Magnin, Gaon, Fellay, etc. qui ont été des spéculateurs.

Or, malgré ces erreurs, on reprend les mêmes et on recommence. Voilà ce qui nous semble inacceptable et que la population, pour une bonne part, a de la peine à comprendre.

M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat.  A moins que nous ne maîtrisions pas le même vocable, Madame l'interpellatrice, j'affirme qu'il n'y a pas de déconfiture concernant les deux banques cantonales de Genève. Je suis certain qu'elles ont fait face à l'ensemble de leurs obligations. Dans le cadre de la future fusion, elles ont constitué non seulement des provisions suffisantes, mais des fonds propres adéquats pour pouvoir répondre à l'attente économique de ce canton.

Au moment où Genève essaie par tous les moyens, publics et privés, de relancer l'économie et de faire face de manière positive à la crise, vous jetez par votre interpellation, Madame la députée, le discrédit sur cette banque qui

ne le mérite pas avant même l'ouverture de ses portes. En tout cas, elle ira de l'avant et sera d'un apport exceptionnel à l'économie de notre canton. (Applaudissements à droite.)

 

La séance est levée à 19 h 25.