Séance du jeudi 2 décembre 1993 à 17h
53e législature - 1re année - 2e session - 43e séance

No 43

 MÉMORIAL

DES SÉANCES DU

GRAND CONSEIL

53e LÉGISLATURE

Jeudi 2 décembre 1993,

nuit

Présidence:

M. Hervé Burdet,président

La séance est ouverte à 20 h 45.

Assistent à la séance : MM. Claude Haegi, Dominique Föllmi, Bernard Ziegler, Jean-Philippe Maitre, Olivier Vodoz, Guy-Olivier Segond, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Personnes excusées.

Le Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance : M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat, ainsi que Mmes et M. Florian Barro, Isabelle Graf, Sabine Haupt Secrétan, Christine Sayegh, députés.

E 650-1
3. Prestation de serment de M. Pierre Gasser, élu juge suppléant au Tribunal de la jeunesse, en remplacement de Mme Fabienne Proz Jeanneret. (Entrée en fonctions immédiate). ( ) E650-1

M. Pierre Gasser est assermenté.

E 701-1
4. Prestation de serment de Mme Suzanne Cassanelli, élue juge au Tribunal de première instance, en remplacement de M. Patrick Blaser, démissionnaire. (Entrée en fonctions : 1er janvier 1994). ( ) E701-1

Mme Suzanne Cassanelli est assermentée

5. Déclaration du Conseil d'Etat et communications.

M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. J'aimerais, si vous me le permettez, vous donner brièvement une information sur les activités parascolaires, sujet qui a beaucoup préoccupé votre Conseil au cours de la législature précédente.

Je tenais à porter à votre connaissance le fait que les statuts du futur groupement intercommunal sont prêts, mais surtout que le statut du personnel et le cahier des charges ont été négociés au cours de cet automne et qu'ils ont été acceptés, mardi après-midi 30 novembre, par tous les partenaires, soit par les représentants de l'Association des communes genevoises, de la Ville de Genève, de mon département, mais aussi par quatre associations du personnel : le cartel, la VPOD, la SPG (Société pédagogique genevoise) et l'ASAP (Association du personnel parascolaire). Le personnel du parascolaire s'est réuni mardi soir en assemblée générale et a accepté à l'unanimité le résultat de ces négociations. Voilà donc une dernière négociation que j'ai menée avec mes services et qui a abouti. L'Association des communes genevoises accepte ainsi d'assumer la gestion de ce nouveau groupement dès la rentrée de 1994 pour autant que le transfert puisse se faire dans des délais raisonnables.

Dès lors, Monsieur le président, je souhaiterais que la commission de l'enseignement, qui ne s'est pas encore réunie dans cette nouvelle législature, le fasse rapidement et inscrive comme point prioritaire le projet de loi 7028 à son ordre du jour, projet que le Conseil d'Etat avait déposé fin août. Il est impératif que la commission se mette au travail afin que cette opération soit mise en place pour la rentrée 1994 et éviter qu'elle ne soit repoussée en 1995.

Le président. Je vous remercie de vos propos, Monsieur le président. Toutes les commissions pourront être convoquées dès la semaine prochaine.

6. Annonces et dépôts:

a) de projets de lois;

Le président. Le projet de loi suivant est parvenu à la présidence :

PL 7057
de MM. Claude Blanc (DC), John Dupraz (R) et René Koechlin (L) modifiant la loi d'application de la loi fédérale de l'aménagement du territoire. ( )PL7057

Il figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance. 

M. Roger Beer(R). J'annonce que je reprends le projet de loi 6754 de mon ancien collègue Charles Bosson.

b) de propositions de motions;

Le président. Les propositions de motions suivantes sont parvenues à la présidence :

M 887
de MM. René Longet (S) et Laurent Moutinot (S) concernant l'état de la politique régionale et perspectives de démocratisation. ( )M887
M 888)
de M. René Longet (S) et Mme Liliane Maury Pasquier (S) concernant l'étude sur l'abstentionnisme et définition d'une stratégie d'ensemble. ( )   M888)

Ces propositions de motions figureront à l'ordre du jour d'une prochaine séance. 

M. Jean Montessuit(PDC). J'annonce que je reprends la motion 661 de M. Philippe Joye.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Le président. Nous avons reçu une demande d'interpellation :

I 1871
de Mme Erica Deuber-Pauli (AG) : Banque cantonale. ( )I1871

Cosignataires : Jacques Boesch, Laurette Dupuis, Jean-Pierre Rigotti, Jean Spielmann, Christian Ferrazino.

Cette interpellation figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

e) de questions écrites.

Le président. Les questions écrites suivantes sont parvenues à la présidence :

Q 3509
de M. Christian Ferrazino (AG) : Votation : une question ou une devinette ? ( )  Q3509
Q 3510
de M. René Longet (S) : Déontologie militaire. ( )Q3510

Ces questions seront transmises au Conseil d'Etat.

E 659
7. Election de 4 membres du conseil d'administration des Services industriels de Genève (Z 8 21). (Durée du mandat : 5 ans, soit du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998). ( )E659

Le président. Les candidatures suivantes sont parvenues à la présidence : Mme Anne Chevalley, présentée par le parti libéral, M. Pierre Vanek, présenté par l'Alliance de gauche, M. Jean-Jacques Monney, présenté par le parti radical, M. Jean-Claude Cristin, présenté par le parti socialiste, M. Jean-Claude Vaudroz, présenté par le parti démocrate-chrétien.

Bulletins distribués : 85

Bulletins retrouvés : 84

Bulletin blanc : 0

Bulletin nul : 0

Bulletins valables  84

Majorité absolue : 43

Sont élus : Mme Anne Chevalley, avec 52 voix, M. Jean-Claude Cristin, avec 51 voix, M. Jean-Claude Vaudroz, avec 47 voix, M. Jean-Jacques Monney, avec 43 voix. (Applaudissements.)

Obtient des suffrages : M. Pierre Vanek (21).  

PL 6952-A
8. Rapport de la commission de l'université chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'université. (C 1 27,5) ( -) PL6952
 Mémorial 1993 : Projet, 2001. Commission, 2021.
Rapport de Mme Michèle Mascherpa (L), commission de l'université

La commission de l'université s'est réunie à deux reprises, les 23 septembre et 21 octobre 1993, afin d'étudier le projet de loi ci-dessus, sous les présidences respectives de MM. Alain Sauvin et Hervé Burdet. M. Eric Baier, secrétaire adjoint au département de l'instruction publique, assistait aux séances.

Introduction

La loi actuelle sur l'université remonte au 26 mai 1973. Elle a déjà subi de très importantes révisions portant sur le statut du corps enseignant (6 novembre 1981), sur l'organisation de l'université (11 septembre 1982), sur la fonction de professeur titulaire (24 novembre 1988) et plus récemment sur l'égalité des chances entre femmes et hommes (30 mai 1991).

Le présent projet de loi introduit deux nouvelles modifications importantes visant essentiellement à:

 accélérer la procédure de nomination des professeurs, et

 faciliter la promotion des professeurs adjoints.

Non prévue au moment du dépôt du projet, une autre modification a été proposée ultérieurement par le département de l'instruction publique, avec l'accord de l'université et de la caisse de pension. Elle a trait à l'âge de la retraite des professeurs d'université engagés avant le 1er septembre 1968. La commission l'a prise en compte dans ses travaux et nous y reviendrons plus en détail à la fin de ce rapport.

Audition du rectorat

La commission de l'université a procédé à l'audition de MM. Weber, recteur, et Roulet, vice-recteur, lors de sa séance du 23 septembre 1993.

Procédure de nomination des professeurs

M. Roulet indique aux commissaires que la procédure actuelle est lourde, archaïque elle date en fait de la loi sur l'instruction publique du 6 novembre 1940 et surtout trop longue: elle prend de 12 à 15 mois. Cette lenteur est principalement due au système des «commissions d'experts» qui interviennent trop tard dans la procédure de nomination.

En créant une seule instance la commission de nomination on fusionne les deux organes existants, à savoir la commission de faculté et la commission d'experts. On supprime donc une étape et cela permet de gagner de 3 à 5 mois dans le processus de nomination. Les experts extérieurs, ainsi que la déléguée aux questions féminines, sont ainsi associés dès le début de la procédure aux discussions, aux auditions et à la prise de décisions.

A une question d'un commissaire demandant si les procédures de nomination ne pourraient pas être harmonisées pour toutes les universités, M. Roulet répond qu'il s'agit là d'une des préoccupations du rectorat; des solutions sont à l'étude. M. Weber ajoute qu'un concordat intercantonal va probablement être mis sur pied.

Dans le cadre de la procédure de nomination, le présent projet de loi officialise l'enquête préalable, par le biais de la création d'une commission de structure. M. Weber relève qu'il s'agit là d'une étape se situant bien en amont de l'ouverture de la procédure. La commission de structure commence en effet à se réunir 3 à 4 ans avant la libération d'un poste. Il s'agit d'analyser le bien-fondé du maintien ou de la création d'un poste, la nécessité d'une éventuelle restructuration ou d'une redéfinition du cahier des charges.

Répondant à un commissaire, M. Weber indique que l'analyse des besoins et la coordination au niveau régional pourront être faites par la consultation des experts extérieurs qui connaissent bien la région et ses problèmes. Harmoniser ne devrait pas être un but en soi, mais un moyen pour améliorer les prestations. Il estime, en outre, qu'il n'est pas envisageable que le rectorat, déjà surchargé, soit associé aux travaux très techniques de la commission de structure.

Promotion des professeurs adjoints

M. Weber rappelle aux commissaires qu'un professeur adjoint fonction introduite en 1981 est un professeur de haut niveau, travaillant dans un domaine spécifique. C'est le cas notamment en faculté de médecine ou des sciences. Au moment de sa nomination, un professeur adjoint n'a pas encore le profil requis pour être professeur ordinaire, mais très rapidement il va développer des compétences qui vont lui permettre d'acquérir un véritable format de professeur ordinaire.

De très favorable au départ, la situation d'un professeur adjoint peut devenir rapidement intolérable. Si un poste de professeur ordinaire se libère, le professeur adjoint qui désire participer au concours doit, selon la procédure actuelle, démissionner de sa fonction. Qui ose prendre ce risque?

C'est pourquoi il est apparu nécessaire de faire de cette fonction de professeur adjoint un levier d'excellence permettant aux meilleurs d'entre eux d'accéder au niveau de professeur ordinaire. Les nouvelles dispositions de la loi (art. 47 G) prévoient donc la possibilité de promotion des professeurs adjoints à la fonction de professeur ordinaire dès la fin de leur second mandat, et ce en suivant la procédure de nomination normalement prévue.

Limite d'âge des professeurs d'université

Une disposition transitoire de la loi actuelle sur l'université fixe à 70 ans l'âge de la retraite pour les membres du corps enseignant entrés en fonction avant le 1er septembre 1968. Or, dans la situation budgétaire actuelle, M. Weber estime qu'il faut se garder de toute rigidité, notamment celle de la limite d'âge, susceptible de freiner la mobilité de l'emploi et le remplacement des professeurs ayant finalement terminé leur carrière, par des plus jeunes.

Le PLEND ne concernant que des personnes n'ayant pas atteint l'âge de l'AVS ne s'applique donc pas aux professeurs d'université qui ont la latitude de prendre leur retraite à 70 ans avec le 75% de leur traitement assuré. Certains professeurs arrivent à ce maximum de pension avant l'âge de 70 ans mais poursuivent néanmoins leur activité.

M. Roulet indique qu'une liste avait été établie des personnes toujours en activité, âgées de plus de 65 ans et ayant déjà atteint le maximum de leur rente: cela concernait 15 personnes pour l'année en cours et 29 pour 1994. Aucune de ces personnes n'avait voulu cesser son activité. Si l'on désire changer la situation actuelle, il faudra donc introduire la notion de caractère obligatoire.

D'une façon générale, M. Weber estime qu'il serait utile de faciliter le départ à la retraite des membre du corps enseignant ayant entre 65 et 70 ans et n'ayant de toute façon pas leur pleine retraite. On pourrait même envisager d'aller au-delà et de faciliter le départ de professeurs voulant quitter leur fonction avant 65 ans. Mais ceci est un autre débat!

De la modification de l'article 102, alinéa 1

La modification proposée par le département de l'instruction publique, d'entente avec l'université et la caisse de pension, a la teneur suivante:

«Les membres du corps professoral soumis à des dispositions légales antérieures fixant la limite d'âge à 70 ans, quittent obligatoirement leurs fonctions lorsqu'ils atteignent le taux maximum de pension de 75% du traitement assuré déterminant.»

Elle porte donc en elle le caractère obligatoire dont nous avons parlé plus haut.

A ce stade, se pose naturellement la question des «droits acquis».

On peut considérer que le législateur de 1973 a bel et bien introduit un droit acquis à l'égard des professeurs d'université en fixant la limite d'âge à 70 ans. Il faut toutefois se poser la question de savoir quelles sont la nature et l'étendue exacte de ce droit.

Manifestement, en se replongeant dans les textes de 1973 et dans les attentes qu'ils impliquaient pour les uns et les autres, on constate que le bien protégé est, en l'occurrence, la lente constitution d'une rente nécessitant une durée très longue d'accumulation de cotisations.

En d'autres termes, en fixant la limite d'âge à 70 ans, le législateur visait à garantir aux professeurs d'université une pension pleine et entière à cet âge-là et non pas l'exercice de leur fonction dans son intégralité et sans réserve jusqu'à cet âge-là.

Par voie de conséquence, en proposant de mettre à la retraite tous les professeurs d'université ayant atteint le taux maximum de pension possible avant l'âge de 70 ans, on ne porte pas atteinte à un droit acquis.

Et l'égalité des droits et des chances entre femmes et hommes?

Le système de la commission d'experts prévu par l'article 45 actuel de la loi sur l'université fonctionnait également comme garant de la mise en place de la promotion de l'égalité des chances, souhaitée par la modification de 1991. Il prévoyait en effet la présence de la déléguée aux questions féminines lors des travaux de ladite commission.

Il fallait donc veiller à ce que la disparition de la commission d'experts ne porte pas préjudice au mécanisme de l'égalité des chances.

Cette absence de préjudice est garantie par le fait que la déléguée aux questions féminines sera présente dans la commission de nomination et qu'elle pourra ainsi intervenir plus précocement dans l'examen des candidatures.

En outre, le système de plainte pour violation de la règle de préférence est maintenu et même renforcé puisqu'il intervient maintenant avec l'appui du rapport indépendant des deux experts, qui continuent à être désignés par le département de l'instruction publique.

Vote de la commission

C'est à l'unanimité que la commission de l'université a voté l'entrée en matière.

Puis, forte des renseignements et explications qu'elle a reçus tant du rectorat que du département de l'instruction publique, c'est d'une même voie unanime qu'elle accepte le projet de loi 6952 modifiant la loi sur l'université et qu'elle vous engage, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire de même.

Premier débat

Mme Michèle Mascherpa (L), rapporteuse. D'ici la fin de ce siècle, l'université de Genève devra repourvoir 115 postes de professeurs - soit un quart de ses effectifs ! - et l'on prévoit même que cette situation va empirer entre 2000 et 2010.

C'est donc dire que la problématique de la relève à l'université est l'une des priorités majeures du rectorat.

Le présent projet de loi n'a pas la prétention d'être la panacée que tout le monde attendait, ni de se vouloir fondamentalement révolutionnaire.

Il offre toutefois quelques pistes intéressantes qui vont dans le sens d'une amélioration de la dynamique de la relève du corps professoral. En tout cas, la commission de l'université les a unanimement jugées comme telles. Elles sont au nombre de trois, je vous les rappelle :

- alléger et accélérer la procédure de nomination des professeurs;

- faciliter la promotion des professeurs adjoints;

- et, enfin - la moins sympathique, peut-être - rendre obligatoire le départ à la retraite pour les professeurs soumis aux dispositions transitoires de la présente loi, c'est-à-dire ceux qui ont entre 65 et 70 ans et qui ont déjà atteint le maximum de leur taux de pension.

Il ne reste qu'à espérer que ces modifications constituent les prémices d'autres changements de nature à préparer notre université aux défis de demain.

M. Armand Lombard (L). Notre groupe, bien sûr, suivra les recommandations de l'excellent rapport de Mme Mascherpa.

Je voudrais simplement rajouter une petite chose à l'intention du chef du département de l'instruction publique au sujet de la troisième modification qui nous est proposée et que nous acceptons. A l'évidence, la troisième proposition, qui consiste à permettre aux professeurs qui ont atteint 75% de leur rente AVS de se retirer, est certainement favorable et permettra de créer de nouveaux postes pour de jeunes enseignants.

J'aimerais toutefois attirer l'attention du chef du département sur le fait que je ne crois pas qu'à long terme, comme nous l'avions remarqué d'ailleurs dans le projet de loi de mon collègue Beer sur une retraite anticipée, ce soit une solution... (Chahut dans la salle.)

Si vous vouliez bien vous taire un moment, vos gags sont absolument stupides ! Ecoutez ce qui se passe et ce que je propose dans le domaine de la retraite !

...donc, en ce qui concerne ces enseignants, qui deviendront retraités plus vite qu'ils ne l'avaient escompté, je pense que l'université pourrait, hors du cadre institutionnel qui était le leur jusque-là, prévoir des places pour eux à l'intérieur de la structure universitaire, peut-être comme accompagnants d'étudiants, pour dispenser des cours à ces derniers, tout en étant complètement sortis de la structure institutionnelle et de la structure d'organisation de l'université. Je pense que, dans la société en général, il faudra trouver des emplois positifs hors institutions pour certaines personnes qui justement se trouveront à la retraite. Il vaut mieux qu'ils donnent encore ce qu'ils peuvent à la société plutôt que de rester sans activité dans leur chalet de montagne.

Cela n'a pas grand-chose à voir avec les trois propositions sur lesquelles nous sommes tout à fait d'accord. C'est un petit plus en ce qui concerne la retraite et l'avenir des retraités.

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

loi

modifiant la loi sur l'université

(C 1 27,5)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi sur l'université, du 26 mai 1973, est modifiée comme suit:

Art. 14 (abrogé)

Art. 24, al. 2 et 3 (nouvelle teneur)

2 Les membres du corps professoral sont:

a) les professeurs ordinaires;

b) les professeurs d'école;

c) les professeurs adjoints;

d) les professeurs associés;

e) les professeurs titulaires;

f) les professeurs invités;

g) les chargés de cours;

h) les privat-docents.

3 Le titre de professeur honoraire peut être attribué dans les conditions définies par le règlement d'application.

Art. 26 (nouvelle teneur)

Nominations

1 Les membres du corps enseignant sont nommés par le Conseil d'Etat sur proposition de l'université.

2 Pour les professeurs ordinaires, adjoints et titulaires ainsi que les chargés de cours de la faculté de médecine appelés à exercer simultanément des fonctions hospitalières, la nomination est liée à l'activité hospitalière. Quelle que soit la durée du mandat fixée par arrêté du Conseil d'Etat, la cessation de l'exercice des fonctions hospitalières entraîne d'office celle de l'activité professorale correspondante.

Art. 27 (nouvelle teneur)

Suppléants

Les mandats de suppléants de membres du corps enseignant, limités dans la règle à un an, ne peuvent être renouvelés qu'à titre exceptionnel, aux conditions prévues par le règlement d'application.

CHAPITRE II

Corps professoral (nouvelle teneur)

Art. 37 A, al. 2, lettre a (nouvelle teneur)

a) la personne dont les mandats de chargé de cours et de privat-docent confiés aux conditions prévues par les articles 39 et 39A totalisent 12 ans au moins;

Art. 39 A (nouveau)

Privat-docent

1 Le privat-docent participe à l'enseignement dans un domaine spécifique et dans le cadre défini par les règlements des facultés qui ont recours à cette fonction.

2 Il est nommé par le rectorat, sans traitement, pour une période de 3 ans au maximum; la nomination est renouvelable pour des périodes successives de même durée.

SECTION 2

PROCÉDURE DE NOMINATIONDES MEMBRES DU CORPS PROFESSORAL(nouvelle teneur)

Art. 40 (nouvelle teneur)

Enquête préalable

1 Préalablement à l'ouverture d'une procédure de nomination d'un professeur ordinaire, d'un professeur d'école ou d'un professeur adjoint, le collège des professeurs ordinaires ou d'école de la subdivision concernée nomme une commission de 5 membres. Cette commission consulte un ou deux experts extérieurs.

2 Lors de son enquête préalable, la commission établit, notamment, la nécessité de restructurer la subdivision concernée, de maintenir, de transformer ou de supprimer le poste, de redéfinir le cahier des charges du poste. Elle s'assure également de la coordination régionale.

3 Par ailleurs, si la commission l'estime opportun, elle peut procéder à un appel d'offres, par voie d'annonce, dont le but est de déterminer l'intérêt suscité par l'ouverture d'une procédure de nomination.

4 La commission dresse à l'intention du collège des professeurs ordinaires ou d'école un rapport circonstancié sur son enquête préalable.

Art. 41 (nouvelle teneur)

Inscription publique

1 La procédure de nomination d'un membre du corps professoral s'ouvre par une inscription publique.

2 Exceptionnellement, elle peut s'ouvrir par un appel selon les conditions définies à l'article 46, ou par une décision de promotion conformément à l'article 47 G.

3 Les fonctions de professeurs associés, professeurs titulaires, professeurs invités, chargés de cours et privat-docents, sont pourvues conformément à la procédure définie aux articles 47 B à 47 F.

4 Proposée par une faculté ou école, sur la base de l'enquête préalable, l'inscription publique est ouverte sur décision du rectorat, après avoir été approuvée par le collège des recteurs et doyens et le département de l'instruction publique. Lorsque l'équilibre de la représentation n'est pas assuré dans la subdivision concernée, les annonces précisent que les candidatures du sexe sous-représenté sont particulièrement sollicitées.

5 Les personnes ayant répondu à l'appel d'offre prévu à l'article 40, alinéa 3, sont informées de l'ouverture d'une inscription publique.

Art. 42 (nouvelle teneur)

Commission de nomination

1 Lors de l'ouverture d'une procédure de nomination d'un membre du corps professoral, le collège des professeurs ordinaires ou d'école crée une commission de nomination.

2 La commission de nomination est composée en principe de 7 membres, dont 2 experts extérieurs à l'université de Genève, désignés par le département de l'instruction publique. En outre, la commission comprend si possible au moins une femme. Pour les postes de professeurs de la faculté de médecine impliquant l'exercice simultané d'une fonction hospitalière, la commission administrative et la direction de l'établissement public médical concerné sont représentées au sein de la commission avec voix consultative.

3 La commission est présidée par le doyen ou le président de la faculté ou de l'école ou par une personne désignée par lui. La déléguée aux questions féminines a le droit de participer en tout temps à l'examen des candidatures et un observateur du département de l'instruction publique à la phase finale des travaux de la commission.

4 La commission examine tous les dossiers de candidature remplissant les conditions formelles de l'inscription. En principe, le choix final de la commission porte sur une seule candidature. Un candidat qui ne remplit pas les conditions formelles posées par l'inscription est informé, dans les meilleurs délais, du motif de son irrecevabilité. Celle-ci ne produit pas d'effet si elle peut être immédiatement levée.

5 Les experts ne participent pas au vote mais rédigent un rapport indépendant. La commission soumet sa proposition, dûment motivée, accompagnée des rapports des experts, au collège des professeurs ordinaires ou d'école de la faculté ou de l'école.

6 La commission peut associer à ses travaux d'autres membres du corps professoral; dans la mesure du possible, elle sollicite l'avis des collaborateurs de l'enseignement et des étudiants sur les aptitudes pédagogiques des candidats.

7 La prise en compte des publications est déterminée par les directives émises par la faculté ou l'école concernant leur type et leur nombre.

8 Dans l'appréciation du volume de la production scientifique, il est aussi tenu compte du temps consacré à d'autres activités qu'à la recherche, soit en particulier à des charges familiales, supportées par la personne qui appartient au sexe sous-représenté dans la subdivision concernée.

9 Le collège des professeurs ordinaires ou d'école préavise la proposition. Ce préavis est sanctionné par un vote.

Art. 43 (nouvelle teneur)

Examen du rectorat

1 Les rapports de la commission et des experts accompagnés du préavis de la faculté ou de l'école sont examinés par le rectorat.

2 Le rectorat s'assure:

a) que la procédure s'est déroulée conformément aux exigences de la loi;

b) que les candidats retenus ou écartés en ont été informés;

c) qu'une attention suffisante a été accordée à l'évaluation des aptitudes pédagogiques des candidats;

d) que la commission et le collège des professeurs de la faculté ou de l'école ont pris en compte la mise en oeuvre de la promotion du principe d'égalité des droits et des chances entre femmes et hommes; l'absence de candidature féminine équivalente doit être justifiée.

3 Avant de soumettre la proposition de nomination au collège des recteurs et doyens, le rectorat peut inviter la faculté ou l'école à procéder à toute démarche complémentaire qui lui semble utile.

4 En cas de plainte pour violation de la règle de préférence énoncée à l'article 26 A, alinéa 1, le rectorat constitue une commission ad hoc, présidée par un vice-recteur et formée de deux professeurs ordinaires ou d'école de chaque sexe, désignés hors de la faculté ou de l'école concernée. La déléguée aux questions féminines participe à l'examen du dossier. Le règlement d'application détermine les conditions et les modalités du droit de plainte.

Art. 44 (nouvelle teneur)

Préavis du collège des recteurs et doyens

1 Le collège des recteurs et doyens se prononce sur la proposition de nomination.

2 S'il le juge utile, le collège des recteurs et doyens peut consulter des représentants des différents organes intervenus au cours des stades antérieurs de la procédure.

Art. 45 (nouvelle teneur)

Transmission à l'autorité de nomination

1 Lorsque toutes les conditions sont remplies, le rectorat saisit le Conseil d'Etat de la proposition de nomination.

2 Le dossier, transmis par l'intermédiaire du département de l'instruction publique, contient obligatoirement le rapport de la commission de nomination et les rapports indépendants des experts extérieurs, le préavis de la faculté ou de l'école et la proposition du collège des recteurs et doyens.

3 Sur invitation du rectorat, l'autorité de nomination peut en tout temps suspendre ou clore une procédure de nomination.

Art. 46 (nouvelle teneur)

Appel

1 Sur proposition de la commission de nomination constituée conformément à l'article 42, alinéa 1, 2 et 3, la procédure peut avoir lieu par voie d'appel si les conditions de l'article 47, alinéa 2 sont établies.

2 La proposition de nomination mentionnée à l'article 42, alinéa 5, doit obtenir, en cas d'appel, la double approbation, à la majorité des deux tiers des votants, du collège des professeurs ordinaires de la faculté ou des professeurs d'école, et du collège des recteurs et doyens, organes siégeant avec un quorum des deux tiers de leurs membres.

3 Les articles 42, 43, 44 et 45 sont applicables, sous réserve de l'alinéa 2 du présent article.

Art. 47 (nouvelle teneur)

Professeurs ordinaires et professeurs d'école

1 Les professeurs ordinaires et les professeurs d'école sont nommés conformément aux articles 40 à 45.

2 Exceptionnellement, ils sont nommés par voie d'appel lorsque:

a) l'université entend s'assurer la collaboration d'une personnalité particulièrement éminente;

b) cette procédure permet de favoriser la promotion du sexe sous-représenté conformément aux objectifs de l'article 26 A;

c) la procédure de nomination fondée sur l'inscription publique s'est soldée par un échec.

Art. 47 A (nouvelle teneur)

Professeurs adjoints

1 Les professeurs adjoints sont nommés conformément aux articles 40 à 45.

2 Les professeurs adjoints de la subdivision concernée participent au collège des professeurs ordinaires ou d'école à tous les stades de la procédure de nomination avec voix consultative.

Art. 47 B (nouvelle teneur)

Professeurs associés

Les professeurs associés sont nommés par voie d'appel, conformément à l'article 46.

Art. 47 C (nouvelle teneur)

Professeurs titulaires

1 Un chargé de cours ou maître d'enseignement et de recherche peut être nommé professeur titulaire aux conditions prévues à l'article 37A, alinéa 2.

2 Une proposition de promotion doit être formulée par le directeur du département ou le responsable de la subdivision concernée. Le doyen de la faculté ou le président de l'école la soumet au collège des professeurs ordinaires ou d'école.

3 Une proposition ne peut être soumise au rectorat qu'après avoir été approuvée à la majorité simple par le collège des professeurs ordinaires ou d'école siégeant avec un quorum des deux tiers de ses membres.

4 Le rectorat examine la proposition qui lui est soumise.

5 Le cas échéant, le rectorat peut entendre l'intéressé, requérir des informations complémentaires de la part de la faculté ou de l'école, ou solliciter l'avis d'autres personnes jugées qualifiées pour se prononcer sur l'un ou l'autre élément du dossier.

6 Le collège des recteurs et doyens se prononce sur la base d'une prise de position formulée par une commission composée de trois de ses membres qui n'ont pas été associés au traitement du dossier à un stade antérieur.

7 La commission procède d'office à l'audition du doyen de la faculté ou du président de l'école concernée et d'un représentant du rectorat. Pour le surplus, l'article 44, alinéa 2 est applicable.

8 A moins que l'intéressé ne s'y oppose, le rectorat soumet la proposition de la faculté ou de l'école au Conseil d'Etat, même en cas de préavis négatif du collège des recteurs et doyens.

9 Le dossier, transmis par l'intermédiaire du département de l'instruction publique, contient obligatoirement le rapport de la faculté ou de l'école, ainsi que l'extrait du procès-verbal de la séance du collège des recteurs et doyens au cours de laquelle il a délibéré de la proposition.

10 En cas de refus de nomination par le Conseil d'Etat, la proposition ne peut être renouvelée avant l'écoulement d'un délai de six ans.

Art. 47 D (nouvelle teneur)

Professeurs invités

1 La proposition de nomination d'un professeur invité est soumise au rectorat, pour une période de moins de 6 mois par le décanat de la faculté ou la présidence de l'école concernée, pour une période de plus de 6 mois par le collège des professeurs ordinaires ou d'école de la faculté ou de l'école concernée.

2 Dans tous les cas, la proposition de nomination doit être approuvée par le rectorat et par le collège des recteurs et doyens.

3 Lorsque toutes les conditions sont réalisées, la proposition de nomination est alors soumise au Conseil d'Etat.

Art. 47 E (nouveau)

Chargés de cours

1 Les chargés de cours sont nommés sur proposition d'une commission désignée par le collège des professeurs ordinaires de la faculté ou de l'école dont les représentants sont issus de la faculté ou de l'école concernée.

2 La proposition de nomination est présentée au Conseil d'Etat par le rectorat après avoir obtenu la double approbation du collège des professeurs ordinaires de la faculté ou des professeurs d'école et du collège des recteurs et doyens.

Art. 47 F (nouveau)

Privat-docents

Les conditions de nomination et de renouvellement des privat-docents sont fixées par le règlement d'application.

SECTION 2 A

PROMOTION DES PROFESSEURS ADJOINTS(nouvelle teneur)

Art. 47 G (nouveau)

Promotion

1 Dès la fin du second mandat d'un professeur adjoint et sur proposition du doyen ou du président d'école, le collège des professeurs ordinaires ou d'école de la faculté ou de l'école concernée peut proposer, à la majorité des deux tiers de ses membres, sa promotion en qualité de professeur ordinaire.

2 Les articles 41, alinéa 2, 42, 43, 44 et 45 sont applicables à la procédure de nomination.

SECTION 4

PRIVAT-DOCENTS (abrogé)

Art. 53 et 54 (abrogés)

Art. 57 D, al. 7 (nouvelle teneur)

7 L'article 43, alinéa 4, est applicable par analogie.

Art. 57 J (abrogé)

Art. 74, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Le recteur et les vice-recteurs sont choisis parmi les professeurs ordinaires et élus par le conseil de l'université pour une période de 4 ans; ils sont immédiatement rééligibles pour une deuxième période consécutive. Toutefois, ils ne peuvent pas conserver la qualité de membre du rectorat pour une durée consécutive supérieure à 8 ans.

Art. 99, al. 2 et 3 (nouvelle teneur)

2 L'université élabore le règlement de l'université et le soumet à l'approbation du Conseil d'Etat.

3 L'université élabore et soumet à l'approbation du département de l'instruction publique:

a) les règlements d'études des facultés et écoles;

b) les règlements d'organisation des facultés et écoles;

c) les autres règles internes nécessaires.

Art. 100 (abrogé)

Art. 102 (nouvelle teneur)

Les membres du corps professoral soumis à des dispositions légales antérieures fixant la limite d'âge à 70 ans, quittent obligatoirement leurs fonctions lorsqu'ils atteignent le taux maximum de pension de 75% du traitement assuré déterminant.

 

M 866-A
9. Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes Liliane Johner et Fabienne Bugnon concernant la surveillance des crèches-garderies et jardins d'enfants. ( -) M866
 Mémorial 1993 : Développée, 3702. Commission, 3724.
Rapport de M. Armand Lombard (L), commission de l'enseignement et de l'éducation

Sous la présidence de M. Roger Beer, président, et de M. Jacques Boesch, vice-président, la commission a traité cette question au cours de ses séances des 8, 15, 22 et 29 septembre et 6 et 20 octobre 1993.

Elle a profité de la présence de M. J. Lehmann, directeur général de l'Office de la jeunesse, les 8, 22 et 29 septembre ainsi que les 6 et 20 octobre, et de celle de Mme Cl. Rihs, directrice adjointe de l'Office de la jeunesse, les 15 et 29 septembre, ainsi que le 6 octobre.

La proposition de motion du 3 juin 1993 est née d'un projet de convention entre l'Etat de Genève et les communes genevoises en matière d'institution de la petite enfance, projet qui a inquiété certains responsables des institutions de la petite enfance et les motionnaires qui estimaient la démarche entreprise par le département de l'instruction publique (DIP) comme erronée.

A titre informatif, on peut préciser que Genève dispose de 136 institutions pour la petite enfance, dont :

 62 institutions subventionnées par les communes ;

 37 institutions subventionnées par les communes mais non autorisées ;

 30 institutions non subventionnées par les communes mais autorisées ;

 27 institutions non subventionnées par les communes et non autorisées.

Pour accorder l'autorisation de fonctionner et pour la surveillance de ces institutions, l'Etat dispose de 1,5 poste. Il se propose, en incluant les services communaux dans l'organisation, de renforcer cette structure et de la rapprocher des usagers.

1. Auditions et réactions

La commission a procédé à de nombreuses auditions. Elle a pu déceler des réactions positives, mais aussi, à plusieurs reprises, des craintes à propos

 d'un changement mal compris parce que «parachuté» sans concertation suffisante ;

 d'un abandon de supports pédagogiques ;

 d'un risque de mauvaise compréhension des problèmes au niveau communal.

L'association des communes genevoises (audition de Mmes Ronga et Bernasconi et de M. M. Hug, le 8 septembre) estime que les communes participent depuis plus de 20 ans aux institutions concernées ; les délégués de l'association considèrent que le but recherché par le projet de convention est de sensibiliser les communes aux problèmes évoqués et d'augmenter le dialogue avec les responsables.

L'association genevoise du personnel de la petite enfance (Mme F. Koch auditionnée le 8 septembre) et la présidente de la crèche de la Providence (Mme A. Rollier, auditionnée le 8 septembre) précisent que le personnel qualifié est à même de répondre aux besoins et aux attentes. Elles considèrent que l'Office de la jeunesse est le garant d'un bon déroulement des activités, que ce service assure aux parents que leurs enfants retrouvent partout les mêmes conditions d'accueil et sont pris en charge de façon correcte. Elles estiment par ailleurs que les communes ne disposent pas toujours du personnel nécessaire dûment formé pour procéder aux contrôles exigés.

Les personnes entendues souhaiteraient qu'il ressorte mieux du projet de convention l'importance d'un travail en partenariat. Elles regrettent de n'avoir pas été associées à l'élaboration du document préparé par le DIP.

La déléguée à la petite enfance, à la Ville de Genève (Mme F. de Tassigny, auditionnée le 8 septembre) est favorable à une délégation de la surveillance aux communes tout en reconnaissant qu'il peut être délicat d'être subventionneur et médiateur. Si le contrôle de la gestion peut être assuré sans une formation particulière, il n'en est pas de même pour le contrôle de l'évaluation pédagogique. Elle pense par ailleurs que certaines communes pourraient refuser cette délégation de surveillance.

Mme Polonowski, présidente, fait part d'un avis négatif de la commission consultative de la petite enfance, à la Ville de Genève, les communes n'ayant, estime-t-elle, pas les moyens d'appliquer les normes adoptées et n'étant pas à même d'assumer la surveillance nécessaire, alors que l'Office de la jeunesse représente la protection de la petite enfance.

L'association des directeurs et directrices de crèche, représentée par Mme Vodroz et M. Barria, et la fédération des jardins d'enfants, représentée par Mme C. Tièche, MM. F. Reverdin et J.-P. Hess, ont été auditionnées le 22 septembre. Elles s'opposent au projet de transmission aux communes des compétences de surveillance, d'autorisation et d'évaluation, considérant comme inadmissible que le subventionneur soit en même temps l'organe de surveillance.

«C'est pourtant chose courante, s'est exclamé un commissaire, que de voir celui qui paie contrôler également le travail!»

Elles soulignent par ailleurs l'expérience professionnelle de l'Office de la jeunesse, service qui fonctionne bien et qui mériterait de bénéficier d'une aide financière des communes pour lui permettre d'être renforcé.

Les personnes entendues regrettent également de n'avoir pas été associées à l'élaboration du document préparé par le DIP.

Une crainte des institutions est de ne pouvoir s'adresser directement à la commission cantonale qui sera instituée, sans passer par les communes.

Les représentants des associations professionnelles (M. B. Saillon pour SSP/VPOD, Mme V. Buchs pour le syndicat interprofessionnel des travailleurs et des travailleuses SIT, Mme V. Matotea pour l'association des jardinières d'enfants et Mme J. Balet pour l'association des nurses), ont été auditionnées le 6 octobre.

Ils demandent que l'autorité de surveillance des institutions de la petite enfance soit maintenue à l'Office de la jeunesse. Les personnes entendues estiment qu'il n'est ni juste ni tolérable que l'autorité de surveillance soit exercée par ceux-là même qui donnent les moyens financiers et que, par ailleurs, toutes les communes ne sont pas aptes à assurer la surveillance exigée, faute de personnel formé. Les représentants des associations professionnelles souhaitent également que les conditions de travail soient harmonisées dans tout le canton.

Correspondance reçue

 Commission de l'égalité des droits entre hommes et femmes 

18 juin 1993

 Office de la jeunesse 

13 juillet 1993

 Associations professionnelles SSP/VPOD - SIT - association des jardinières d'enfants - association des nurses 

14 septembre 1993

 Association des comités de crèche Ville de Genève 

14 septembre 1993

 Présidente de la pouponnière Providence 

15 septembre 1993

 Groupe parents - petite enfance 

15 août 1993 +

17 septembre 1993

 Association genevoise des directrices de crèche AGDC 

1

15 octobre 1993

Dans la correspondance dont elle a eu connaissance, la commission relève que tant l'association des comités de crèche que les associations professionnelles ou les groupes de parents redoutent, au mieux, le transfert aux communes de l'autorité de surveillance assumée jusqu'à maintenant par l'Office de la jeunesse.

En résumé, nombre de personnes entendues ou de messages reçus :

 reconnaissant la qualité des services assurés par l'Office de la jeunesse et souhaitent conserver une relation directe avec lui dans le cadre d'une réorganisation ;

 ne saisissent pas les mobiles qui ont amené au projet ni les avantages de la solution proposée ;

 craignent un transfert de la surveillance aux communes et souvent s'y opposent ;

 souhaitent une large consultation sur l'organisation, l'autorisation et la surveillance des institutions de la petite enfance.

2. Position du DIP

Le directeur de l'Office de la jeunesse souligne que le document préparé par le DIP devait représenter une base de départ pour une discussion et un projet de loi-cadre en vue d'une amélioration de tout le secteur s'occupant de la petite enfance.

Le document rédigé a été envoyé à tous les partenaires ; mais une seule réponse est parvenue au département avant que ne soit déposée la motion 866. De ce fait, la consultation prévue n'a pas pu avoir lieu, les contacts étant suspendus au niveau de l'Office de la jeunesse, pour ne pas risquer d'aller à contre-courant des démarches de la commission de l'enseignement.

L'Office de la jeunesse considère comme nécessaire d'améliorer l'organisation de la petite enfance en intégrant d'une manière organique les communes limitées actuellement à un simple rôle financier. Il souhaite réaliser cette transformation avec les partenaires à la petite enfance dans un esprit dynamique.

3. Réflexion de la commission

La commission constate, au travers des nombreuses auditions, les facteurs suivants :

a) les communications nécessaires à une réorganisation importante et à la modernisation d'un service public d'une grande importance n'ont pas fonctionné.

 Dans «Préserver l'essentiel», déjà, le système des communications internes au DIP avait été responsable d'un grave échec. Les structures du DIP paraissent, dans ce domaine, surannées. L'absence d'un système d'échange d'idées, de réflexion, de dialogue, de créativité, de haut en bas de la hiérarchie, mais surtout de bas en haut fait cruellement défaut au DIP. Elle entraîne des tensions dangereuses pour l'enseignement public tout entier et crée des montées de fièvre et d'incompréhension parfaitement inutiles et démobilisantes. Seul un effort majeur vers une réforme en profondeur permettront au système éducatif genevois d'évoluer positivement.

b) Un cadre commun

 Toute organisation doit être placée dans le cadre plus large d'un projet mobilisateur. Pour qu'il y ait un sens et une coopération positives, de façon à ce que chacun concoure au bon développement de la petite enfance genevoise, il est nécessaire d'exposer les motifs, d'expliquer le nouveau fonctionnement et de créer une culture autour d'un projet. Une proposition de réorganisation aussi importante que celle proposée pour la petite enfance appelle un préambule qui décrive l'intention et le pourquoi. La petite enfance ne peut être par simple fait du prince transférée aux communes sans directives, sans formation, sans un appui pédagogique spécialisé. Elle doit être, sur la base d'un projet, élaborée entre partenaires avant d'être appliquée.

c) Points sur les i

 Le rapporteur a tenté, à l'issue des discussions, de préciser un certain nombre de points qui seraient utiles à un projet de réforme. Porté à la connaissance de la commission avec une certaine écoute, il est cité ici comme une possible référence pour une loi-cadre sur la petite enfance ou pour les articles-cadres modifiés de la loi actuelle :

 alléger les directives du Conseil d'Etat de juin 1993 afin de rendre plus lisible leur application ;

 établir une antenne pédagogique DIP à destination des institutions et des communes en matière de conseil et d'évaluation ;

 confier aux communes les tâches de surveillance et d'autorisation ;

 créer une commission cantonale de la petite enfance représentant, de façon équilibrée, DIP, communes et institutions, commission présidée par une personnalité hors DIP ;

 charger la commission cantonale d'agir comme autorité de recours dans des conflits entre communes et institutions. Cette commission émet, par ailleurs, des propositions au Conseil d'Etat en matière de directives, élabore une charte de surveillance, établit une politique générale, propose des appuis, la formation de responsables communaux...

d) Les professionnels de la petite enfance et les autres ne sont pas les soldats d'armées ennemies qui s'affrontent sur le champ de bataille de la pédagogie. L'exclusion des parents des processus éducatifs d'une part, le banissement des autorités communales, d'autre part, ne se justifient pas davantage que la condamnation des «pros» et la critique des spécialistes. Chacun a sa part au projet éducatif genevois : les parents, parce qu'ils sont formés par l'expérience, savent éduquer une famille et s'y efforcent, les communes parce qu'elles sont proches de la population et de la communauté locale et qu'elles en sentent très directement les attentes, les énervements et les espoirs. Enfin, les enseignants et responsables pédagogiques parce qu'ils sont formés en école et en contact direct et permanent avec les enfants.

Tous doivent être partenaires à un projet qui remplace un système devenu insatisfaisant.

4. Conclusion de la commission

La commission de l'enseignement constate que les auditions ont permis de prendre conscience de toute une série de questions face à l'effort de réorganisation du secteur de la petite enfance ; elle estime toutefois qu'il ne lui appartient pas de les régler et que le DIP doit procéder, pour poursuivre la réorganisation prévue, à une large consultation des partenaires.

Elle a pris la décision de proposer au Grand Conseil :

à l'unanimité moins une abstention, de renoncer aux deux invites prévues et d'adresser la motion au Conseil d'Etat avec une nouvelle invite.

ANNEXE

M 866

PROPOSITION DE MOTION

concernant la surveillance des crèches-garderieset jardins d'enfants

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 que jusqu'à présent la compétence d'autorisation et de surveillance des collectivités de la petite enfance incombe au service de la protection de la jeunesse ;

 que suite à l'ordonnance fédérale sur le placement et la loi genevoise d'application, ce service exerce également la surveillance des crèches et des jardins d'enfants qui sont subventionnés par les communes ;

 que dans sa lettre adressée à l'Association des communes genevoises, M. Dominique Föllmi, chef du département de l'instruction publique, propose à celle-ci de déléguer la tâche d'autorisation et de surveillance aux communes ;

 que cette décision a provoqué une levée de boucliers au sein de tout ce qui touche de près la prise en charge de la petite enfance ;

 qu'il n'est pas possible qu'un organe de subventionnement (communes) soit le même que l'organe de surveillance ;

 que rien ne justifie ce transfert de charges aux communes ;

 qu'à part la Ville de Genève, les communes ne sont pas outillées pour effectuer ce contrôle et qu'aucune garantie ne pourra être donnée par les communes afin d'assumer cette autorité de surveillance ;

 qu'inévitablement une disparité entre les communes verra le jour et que c'est la porte ouverte à toutes les fantaisies en ce qui concerne les normes d'encadrement ;

 que le service de protection de la jeunesse ne dispose pas actuellement des moyens suffisants lui permettant d'effectuer des contrôles sérieux et qu'en cela il doit être renforcé,

invite le Conseil d'Etat

 à renoncer à ce transfert de compétence aux communes ;

 à renforcer le service de la protection de la jeunesse en lui donnant les moyens d'effectuer son travail de contrôle dans de meilleures conditions.

Débat

M. Armand Lombard (L), rapporteur. Vous aurez sans doute constaté dans ce rapport une épouvantable bévue qui induit en erreur celui qui veut bien lire jusqu'au bout ledit rapport. On aurait bien sûr dû lire en pages 8 et 9 de ce rapport la nouvelle invite. Elle est précédée de ces considérants formés par tout le rapport. A l'unanimité, la commission vous suggère de l'accepter.

Et puis, il aurait fallu, comme le demande le Bureau du Grand Conseil, qu'en annexe de cette page 8 figure l'ancienne motion. Or ce qui a été introduit à la place de l'ancienne motion c'est un texte qui dit : «Le texte à voter est donc le suivant.». On vous remet les anciens considérants et on vous met la nouvelle invite. Je ne sais pas si vous m'avez suivi ! De toute façon, si vous ne m'avez pas suivi, ce qu'il faut avoir lu c'est l'invite du haut de la page 8.

Ensuite, ce qui est à supprimer, ce sont les considérants de l'ancienne motion et ses deux invites que je vous répète : «...invite le Conseil d'Etat à renoncer à ce transfert de compétences aux communes, deuxièmement à renforcer le service de la protection de la jeunesse en lui donnant les moyens d'effectuer son travail de contrôle dans de meilleures conditions.». Bien sûr, comme tout à l'heure, j'entends mes collègues radicaux qui ont toujours l'humour à la bouche dire : «Fallait le faire !». Eh ben oui, fallait le faire ! C'est réussi cette fois !

Effectivement, c'est incompréhensible. Je vous prie de bien vous en tenir aux explications des sept premières pages et à la nouvelle invite. La commission vous propose donc, à l'unanimité moins une abstention, de renoncer aux deux invites que je viens de vous relire et la motion au Conseil d'Etat avec la nouvelle invite suivante : «...invite le Conseil d'Etat à procéder à une large consultation sur l'organisation, l'autorisation et la surveillance des institutions de la petite enfance.».

Voilà ce que je voulais vous soumettre en tant que rapporteur et ce que la commission vous demande de comprendre dans le message que je vous transmets.

J'ai un deuxième point tout à fait différent que je souhaiterais encore traiter : c'est d'insister sur les communications, qui sont nécessaires, à établir - comme cela a été dit assez durement dans le rapport - à l'intérieur du département de l'instruction publique. A l'évidence, ce qui était à dire en l'occurrence c'est que toute la procédure qui a amené à la motion et à la transformation de la motion a été faite dans une absence de communication, dans une absence de compréhension et dans une absence de confiance entre les autorités, les députés ou les motionnaires. Le département a lancé un préprojet de consultation, et aussitôt les motionnaires, eux, ont déposé leur motion qui a arrêté et bloqué la consultation. Si bien qu'on s'est trouvé dans une situation qui n'est pas souhaitable et qui ne devrait pas se répéter. Quand un département entame une procédure auprès de ses cadres et des gens qui composent le département, à l'évidence, il faudrait que les députés s'abstiennent de s'interposer jusqu'à ce que cette consultation ait pu être faite.

Je crois que grâce à la nouvelle invite que vous soumet la commission, nous allons dans la bonne direction et c'est pourquoi je vous prie de soutenir la proposition de l'ensemble de la commission.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour cette clarification... (Rires.) ...du rapport que vous nous avez décrit comme «fautif» !

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je m'apprêtais à faire un certain nombre d'éloges à M. Lombard pour son rapport... (Rires.)

Je ne pensais pas parler de ce qu'il a annoncé. Je ne sais pas dans quelle mesure le débat va pouvoir s'engager sur quelque chose de faux et sur lequel on ne va pas voter. Je veux bien dire ce que j'ai à vous dire sur ce rapport, mais je trouve qu'il vaudrait mieux le renvoyer en commission. (Applaudissements.)

M. Philippe Schaller (PDC). J'entends Mme Bugnon proposer le renvoi de cette motion en commission. Je le veux bien, mais, finalement, j'aimerais rappeler certaines choses à ce parlement.

La première interpellation de Mme Liliane Johner, puis la motion, puis le travail en commission, puis le rapport de M. Lombard montrent bien que notre Grand Conseil est saisi ce soir d'un sujet d'importance : la petite enfance. Le sujet est d'importance car cette première enfance est la période la plus critique du développement de l'adulte en devenir et celle qui demande le plus d'attention de la part de la famille en premier lieu et de la société toute entière quand la première ne veut ou ne peut pas remplir entièrement ce rôle. Ne voyez pas dans cette dernière phrase une connotation péjorative, c'est un fait de société. Cette demande familiale pour la préscolarisation est légitime en raison, d'une part, des nouveaux besoins éducatifs et, d'autre part, de la valorisation de la sociabilisation en complément, et non en substitution, de l'éducation familiale.

Tout ceci a pour incidence une demande de plus en plus grande en matière de garde des petits enfants, mais pas n'importe quelle garde, un véritable lieu d'accueil où chaque enfant confié puisse bénéficier de l'encadrement optimal nécessaire à son bon développement. Mais cela représente un coût, et voilà la question essentielle qui n'est pas posée dans votre rapport, Monsieur Lombard. Le coût d'un enfant en institution est-il trop élevé en regard aux prestations existantes ? Comment, nous politiques, pouvons-nous juger de l'utilité ou de la non-utilité des sommes consacrées ? C'est bien la difficulté du débat.

Bien entendu, on peut être d'avis, comme certains dans ce parlement, que la famille doit assumer ses «rejetons» jusqu'à l'âge de quatre ans et que la prise en charge doit rester exceptionnelle. On peut évidemment penser qu'il vaudrait mieux verser la somme du coût d'un enfant en institution à la mère qui pourrait ainsi rester au foyer. On peut dire qu'une personne âgée coûte 240 F par jour et qu'on ne consacre pas assez d'argent à la petite enfance. Entre ces deux extrêmes, nous devons trouver une attitude raisonnable, cohérente en faveur d'un développement quantitatif et qualitatif des institutions et ceci à un coût acceptable pour la société toute entière.

Je crois fermement à l'honnêteté du département de l'instruction publique dans le processus qu'il a engagé entre l'Etat et les communes genevoises pour résoudre un certain nombre de blocages qui desservent cette petite enfance. Le département de l'instruction publique a finalement voulu clarifier les pouvoirs et les niveaux de responsabilités. N'oublions pas qu'il s'agit de deux entités politiques au service de la population. Ce n'est pas, comme on a pu le dire, une volonté de démantèlement du service de protection de la jeunesse, ni une volonté d'ouvrir la porte à un laisser-aller et à un laisser-faire par les communes. Compte tenu du mode de subventionnement des institutions, en majorité par les communes, et du peu d'implications financières de l'Etat, il était normal de trouver un certain nombre de réflexions propices à une collaboration débouchant sur une autonomie adulte du pouvoir local.

Vous n'êtes pas sans savoir non plus qu'il est de plus en plus difficile pour l'Etat, pour l'office de la protection de la jeunesse, d'exiger l'application des normes prévues et publiées par cet office. Les conflits sont nombreux et sournois. Ils pèsent lourdement sur le bon fonctionnement de certaines institutions et empêchent l'ouverture d'un certain nombre d'autres structures. Face à cette situation complexe, le département a choisi de faire adhérer les communes, par la négociation, à l'application des normes. N'oublions pas que ces normes sont finalement excessivement subjectives et élaborées par les acteurs en présence. Le département a choisi la voie de la négociation avec la Ville de Genève, les services de protection de la jeunesse et un représentant des communes, ceci sous la responsabilité de M. Lehmann. Il semble que, dans un deuxième temps, il ait voulu obtenir des négociations et poursuivre ses réflexions avec tous les partenaires. Je crois d'ailleurs, pour les commissaires de la commission de l'enseignement, que M. Lehmann a été très clair à ce sujet. La lettre de M. Dominique Föllmi nous a aussi éclairés quant à ses intentions.

Monsieur Lombard, je suis extrêmement déçu par le ton un peu moralisateur et dévalorisant que vous employez à l'adresse du DIP. On peut lire dans votre rapport des phrases comme celle-ci : «L'absence d'un système d'échanges, d'idées, de réflexions, de dialogue, de créativité, de haut en bas de la hiérarchisation mais surtout de bas en haut fait cruellement défaut au DIP.». Je ne continuerai pas, mais je crois que, si je peux comprendre l'attitude des deux motionnaires dont les craintes étaient peut-être légitimes, je ne peux accepter les propos qui sont les vôtres au sujet du département. Je souhaite profondément, Monsieur Lombard, que demain le dialogue au sein du DIP se fasse véritablement de bas en haut comme vous le proposez. Mais vous savez mieux que moi où sont les contraintes et les restrictions à ce dialogue. Elles sont là où nous voudrons bien les placer lors de nos débats budgétaires !

Pour ma part, je ne m'oppose pas au renvoi de cette motion au Conseil d'Etat, même si les considérants ne sont plus d'actualité. (Applaudissements.)

M. Roger Beer (R). J'ai présidé la commission de l'enseignement pendant de longues séances.

Effectivement, Monsieur Lombard, vous avez commis une certaine bévue et peut-être qu'il aurait fallu rester plus simple. Que voulez-vous, vos explications, eh bien, c'est du Lombard ! (Grands éclats de rires.)

Ma collègue, Mme Bugnon, propose le renvoi de cette motion en commission. De grâce, je ne suis pas d'accord ! Nous avons passé six séances à auditionner toutes les personnes impliquées dans les problèmes de la petite enfance. Je participerai à cette commission car ce travail me plaît, même si je ne la préside plus. Après tout ce qui a été dit, je pense que le département, même si on peut lui adresser certaines critiques, a créé un certain nombre d'ouvertures. Au moment où nous allons changer de président du département, il serait nettement préférable de laisser la nouvelle conseillère d'Etat démarrer sur des éléments concrets. Inviter le Conseil d'Etat à procéder à une large consultation sur le problème de la petite enfance me paraît raisonnable. Par contre, renvoyer cette motion en commission, refaire toutes les auditions, reposer toutes les questions et réentendre les mêmes éléments me semblent parfaitement inutiles.

M. Schaller a très bien résumé l'ambiance générale de la commission de l'enseignement par rapport au problème de la petite enfance. Aussi, je vous invite, au contraire, et malgré le côté «un peu flou»... (Rires et quolibets.) ...des explications, à accepter la motion qui demande clairement dans son invite le renvoi au Conseil d'Etat.

M. Jacques Boesch (T). Les travaux de la commission de l'enseignement, par certains côtés, ont été excellents et, par d'autres côtés, ont montré un certain nombre de limites. Il faut effectivement saluer la motion de Mmes Bugnon et Johner parce qu'elle a permis à la commission de procéder à un certain nombre d'auditions et au département de prendre la température de tous les milieux professionnels concernés. Il faut reconnaître avec une certaine humilité, et nous en avons eu l'impression, que les consultations préalables de ces milieux n'avaient pas bien fonctionné. Ce message en ce qui concerne le département a été clairement saisi. Il faut absolument consulter les gens et veiller à tenir compte de ce qu'ils disent de manière à ne pas procéder à des réformes qui n'engendreraient que désordres dans le domaine particulièrement sensible de la petite enfance.

Ce qui a été bien réalisé au niveau du parascolaire peut très bien l'être au niveau de la petite enfance. Dans le cas particulier, M. Föllmi a fait preuve de bon sens politique, ce qui sera très certainement repris - je l'espère du moins - par Mme Brunschwig Graf. On peut lui adresser le message suivant : celui de bien vouloir continuer à travailler en concertation avec les milieux de l'enseignement.

Ma proposition serait de renvoyer effectivement ce document au Conseil d'Etat. Il a dû comprendre le message. Il sait qu'il doit continuer à consulter. Il sait aussi qu'il ne peut pas renvoyer le «bébé» aux communes tel quel. Dès lors, je vous propose de ne pas le renvoyer à la commission de l'enseignement, mais directement au Conseil d'Etat, en remerciant particu

lièrement Armand Lombard qui a résumé les nombreuses auditions de la commission.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Les différents intervenants n'ont pas compris ma brève intervention. Si j'ai demandé le renvoi en commission, ce n'est évidemment pas pour recommencer les auditions, mais simplement parce qu'environ 85 personnes ici ne savent pas sur quoi elles votent exactement, je parle de ceux qui n'ont pas participé au travail de la commission. Je veux bien qu'on le traite ce soir. Je le répète, je ne pensais pas recommencer les travaux !

Je tiens à remercier M. Lombard, car j'estime qu'il a fait preuve de beaucoup d'objectivité dans la manière dont il a retranscrit les auditions dans son rapport.

J'ai déjà expliqué - de manière assez vive d'ailleurs - la position de notre groupe en séance plénière s'agissant du transfert de compétences. Je pense qu'il est inutile d'y revenir.

Je souhaite relever quelques points du rapport, Monsieur Lombard, lorsque vous faites état de réactions positives perçues lors des auditions. Les seules réactions positives sont venues de l'Association des communes genevoises. Toutes les autres personnes auditionnées étaient unanimes à déplorer ce transfert et nous ont abondamment fait part de leurs craintes, dont vous faites d'ailleurs état. J'aimerais également revenir sur l'audition de M. Lehmann qui affirme que le document avait été envoyé à tous les partenaires avant le dépôt de la motion et que celui-ci aurait bloqué toute discussion. A entendre les personnes auditionnées, ce projet a été envoyé durant l'été, donc après le dépôt de la motion.

Quoi qu'il en soit, la nouvelle invite que nous voterons ce soir, proposant une large consultation, permettra - je l'espère - d'éviter un transfert brutal et permettra de tenir compte des craintes émises par les milieux concernés.

Je remercie enfin le rapporteur d'avoir bien voulu préciser que les propositions faites en page 6 sont bien les siennes et que, si elles ont été transmises à la commission, elles n'ont fait l'objet d'aucun vote ou d'aucun accord.

En conclusion, le groupe écologiste accepte le rapport de M. Lombard, soutient le renvoi au Conseil d'Etat de la motion, munie de la nouvelle invite, et regrette évidemment que l'on enlève les considérants.

Je terminerai en disant que cette motion, qui a fait l'objet d'un débat très houleux en séance plénière et de propos souvent vifs en commission, a au moins eu un mérite, celui de permettre à bon nombre de députés de s'informer sur un sujet très peu traité par ce Grand Conseil, celui de la petite enfance.

M. Armand Lombard (L), rapporteur. Je ne vais pas refaire du «Lombard» pour ne pas vous décevoir.

Je crois que ce que mes différents collègues ont expliqué sur cette motion va dans le sens de ce que j'essayais de vous expliquer et que j'ai peut-être eu un peu de peine à faire. J'espère que vous avez compris, aussi je ne recommencerai pas mon explication ! Nous votons sur ce qui se trouve en bas de la page 7 et en haut de la page 8. Je le répète pour ceux qui n'auraient pas compris !

M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. Lorsque j'ai pris connaissance du rapport de M. Lombard, j'avoue que mon sang n'a fait qu'un tour, parce que je ne comprenais pas l'exposé, les conclusions, les considérants et l'invite; il y avait manifestement des contradictions majeures. Vous avez corrigé les choses, je comprends mieux. Nous avons d'ailleurs eu un entretien téléphonique à ce sujet.

Permettez-moi, tout de même, de faire très courtoisement deux observations sur ce rapport qui, dans le cadre de ses auditions, présente tout à fait justement les choses.

Vous faites deux reproches au département de l'instruction publique. Le premier est que le département ne fait pas de concertation. Au début de cette séance, je vous ai annoncé la réussite des négociations sur le parascolaire, ce qui est la preuve du contraire. Cela relève du stéréotype facile ! Je ferai simplement remarquer que la concertation devient impossible lorsqu'une proposition d'étudier un domaine ou une question entraîne ipso facto des motions, des pétitions, peut-être pour en discuter ici au Grand Conseil, mais surtout pour bloquer toute réflexion. Ce qui me frappe, c'est qu'à partir du moment où une idée est émise, les personnes s'imaginent que la décision est prise. Nous avons déjà vécu ce scénario. Au fond, tout se passe comme si la réflexion était considérée comme une menace. Moi, je persiste à croire que, précisément, l'absence de réflexion constitue la plus grave menace pour la République. Nous devons beaucoup réfléchir avant d'agir et non pas l'inverse.

Deuxième reproche. Vous pensez que le département de l'instruction publique ne devrait pas décentraliser ses activités. J'aimerais, Monsieur le rapporteur et Monsieur Beer, me permettre de rappeler votre motion 786 qui est toujours à l'étude à la commission de l'enseignement et qui traite de la volonté - de votre volonté - de proposer une autonomisation des institutions, une décentralisation, etc. Alors, là aussi, il y a contradiction. A partir de quel moment peut-on décentraliser ou non ?

J'aimerais relever, néanmoins, avec beaucoup de satisfaction le fait que vous fassiez l'éloge de l'un de mes service, l'office de la jeunesse. Je l'apprécie particulièrement, d'autant que les compliments se font rares par les temps qui courent. Vous constatez que c'est un excellent service qui fait un excellent travail; aussi je vous remercie de cette appréciation. Pour une fois que l'un des services du département de l'instruction publique est félicité, je ne voulais pas manquer de le relever.

En conclusion, j'aimerais vous dire - et peut-être vous rassurer - que le Conseil d'Etat accepte la motion que vous avez proposée, c'est-à-dire le texte corrigé qui consiste à entreprendre, comme nous voulions le faire, une concertation élargie. Sur la base des résultats de cette concertation, les conclusions seront peut-être différentes. Mme Bugnon a raison dans ce sens que le sujet de la petite enfance n'a jamais été discuté au niveau du Grand Conseil. C'était une première, elle ne pouvait être que houleuse.

Enfin, je dirai pour être conciliant que la seule question qui doit être posée, au-delà des luttes de territoires et de corporatismes, est celle-ci : quelle est la meilleure manière de développer harmonieusement les crèches et les jardins d'enfants dont chacun sait qu'ils ont une fonction primordiale ? Voilà au moins une belle conclusion ! (Applaudissements.)

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

MOTION

concernant la surveillance des crèches-garderieset jardins d'enfants

LE GRAND CONSEIL

invite le Conseil d'Etat

 à procéder à une large consultation sur l'organisation, l'autorisation et la surveillance des institutions de la petite enfance.

 

P 989-A
10. Rapport de la commission de l'université chargée d'étudier la pétition contre la fermeture de l'école d'architecture de l'université de Genève. ( -)P989
Rapport de M. Jacques Boesch (AG), commission de l'université

La pétition «Contre la fermeture de l'école d'architecture de l'université de Genève» a été examinée par la commission de l'université lors de sa dernière séance, le 21 octobre 1993. Cette pétition, munie de 27 signatures d'étudiants et de diplômants de l'école d'architecture de Genève, a été déposée le 3 avril 1993. Elle s'élevait contre l'annonce de la fermeture brutale de l'école et invitait le Grand Conseil à intervenir énergiquement dans cette affaire.

Pour bien comprendre l'enjeu de cette pétition, il faut la replacer dans son contexte historique. Elle a été lancée en pleine crise et en désespoir de cause, alors que l'école d'architecture était réellement menacée dans sa forme actuelle, voire dans son existence même et qu'aucune solution rassurante ne semblait poindre à l'horizon. Le Grand Conseil en avait largement débattu alors. Puis le Conseil d'Etat avait pris un certain nombre de mesures. Il avait ainsi annoncé le maintien de l'école et garantissait son évolution.

La commission n'a pas estimé nécessaire de refaire ou de clore à cette occasion les discussions quant à l'avenir de cette école, dont l'enseignement et le débat architectural et urbanistique qu'elle instille dans notre cité, sont indispensables.

Si les craintes des signataires ne se sont heureusement pas réalisées (l'école n'a pas été fermée, 80 nouveaux étudiants se sont inscrits cette année) la commission de l'université est, par contre, convaincue qu'il faut suivre ce dossier avec beaucoup d'attention et de conviction.

Elle vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer au Conseil d'Etat cette pétition, en lui recommandant de continuer à intervenir énergiquement afin de maintenir et de soutenir activement cet établissement qui a fait beaucoup pour le rayonnement intellectuel de notre ville.

ANNEXE

Débat

M. Bernard Lescaze (R). L'amendement proposé est très simple. Si vous avez lu la motion, vous aurez constaté qu'elle demande un renvoi direct au Conseil d'Etat.

Or le problème de l'école d'architecture est un problème suffisamment important, suffisamment grave et suffisamment débattu en ce moment entre les différents partenaires, à savoir la Confédération, le canton, les autres cantons universitaires romands, pour qu'on ne puisse pas simplement tenter de le résoudre et d'imposer une solution quelle qu'elle soit au détour d'une motion ou d'une pétition et des résultats qu'on prête à cette pétition. C'est pour cela que je propose que cette pétition soit déposée sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement, de façon à laisser le département de l'instruction publique absolument libre dans ses conclusions ultérieures face aux négociations difficiles qui s'annoncent au sujet de l'école d'architecture.

M. Dominique Hausser (S). Je crois qu'une formation de premier, deuxième et troisième cycle en architecture est essentielle; cela ne fait aucun doute.

Les domaines d'excellence qui sont rapportés dans cette pétition sont définis, bien sûr, par l'enseignement mais aussi par les activités de recherche. A mon avis, il est aberrant que deux institutions fonctionnent de manière indépendante et sans concertation, alors que chacune a sa spécificité et de nombreuses similitudes. De plus, elle sont distantes de quelques dizaines de kilomètres seulement à l'intérieur de la métropole lémanique. Une synergie me semble nécessaire et ce parlement doit l'encourager.

C'est la raison pour laquelle la proposition de M. Lescaze, à savoir de déposer ce rapport sur le bureau du Grand Conseil est beaucoup plus acceptable que la conclusion telle qu'elle est formulée par le rapporteur et la commission des pétitions.

M. Jacques Boesch (T), rapporteur. Je croyais que ce rapport était suffisamment clair pour ne pas permettre certaines divagations en plénière.

Nous avons déjà traité ce sujet en commission de l'université. Nous avions deux termes qui pouvaient s'opposer. Soit nous recommencions tout le débat sur l'école d'architecture, les bienfaits de son rattachement, de sa disparition, de son évolution - ce qui aurait certainement nécessité de multiples auditions, ce qui aurait dupliqué des débats qui ont déjà agité ce Grand Conseil à moult reprises - soit nous lancions un message de nouveau très clair au Conseil d'Etat : «Continuez, continuez à négocier avec autant de fermeté et de conviction !». C'est cette voie que la commission, avec ses représentants de tous les partis, a choisie à l'unanimité. C'est pour cette raison que vous avez un rapport court, limpide, qui invite le Conseil d'Etat à poursuivre sa tâche.

Monsieur Lescaze, si on vous suivait et si l'on déposait simplement cette motion à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil, on signifierait au Conseil d'Etat qu'il a tout le temps et qu'il n'a pas l'obligation de continuer, ce que ne veulent absolument pas ni les étudiants, ni les enseignants, ni - j'en suis persuadé - le Conseil d'Etat. Donc, faisons confiance au Conseil d'Etat, renvoyons-lui cette pétition. Dans le cas particulier la moindre des choses est d'espérer que le Conseil d'Etat continuera son action. Ce n'est pas parce que ses sept membres sont unanimes qu'il va ne rien faire pour l'école d'architecture et se croiser les bras.

M. Bernard Lescaze (R). Je crois avoir été parfaitement clair. Il s'agit de laisser un certain nombre de portes ouvertes dans une négociation qui s'annonce difficile et qui ne sera pas une promenade de santé, comme semble le croire le rapporteur. Le Conseil d'Etat doit avoir toute latitude pour prendre les meilleures décisions possibles dans l'intérêt de Genève et, également, dans l'intérêt de l'université en Suisse.

C'est pourquoi je maintiens l'amendement que j'ai proposé et le dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

M. René Koechlin (L). Je voudrais dire d'abord à M. Lescaze que le Conseil d'Etat, dans ces négociations précisément, a besoin d'un soutien politique. C'est de ce soutien politique dont il est question ce soir. Mais je sais que des personnes, par souci louable d'économies, entendent dans ce parlement supprimer purement et simplement certaines de nos institutions sous maints prétextes sur lesquels je ne reviendrai pas.

Ce que je tiens à vous dire est que l'école d'architecture de l'université de Genève a un rayonnement qui va bien au-delà des frontières cantonales et nationales. Rayonnement culturel d'abord, mais aussi sur le terrain, il n'y a qu'à constater les réalisations conçues et promues par d'éminents esprits issus de ses murs. Vous devez connaître des noms comme celui de Ricardo Bofill ou Peter Rudebush...

Une voix. Il s'est «fait foutre» dehors !

M. René Koechlin. C'est inexact, Monsieur !

Ceux qui sont appelés en Amérique, au Japon, en Afrique, par exemple, démontrent que la réputation de cette école dépasse largement nos frontières cantonales et nationales.

M. John Dupraz. Y'a même les vaches suisses qui vont là-bas !

M. René Koechlin. Parlez pour vous, Monsieur ! Cette institution, grâce à ces personnalités, est un agent efficace du rayonnement culturel dans le monde. Lorsqu'on parle de relancer la Genève internationale, de promouvoir son image de marque dans le monde, il faut veiller à ne pas se priver de ses instruments de promotion. A défaut, nous risquons d'en subir des retombées nuisibles pour notre culture et pour la santé de notre économie par une sorte de contraction névrotique dont le non-soutien à l'école d'architecture est l'expression.

C'est pourquoi je pense que pour signifier notre soutien au Conseil d'Etat dans les démarches qu'il doit entreprendre - ô combien délicates j'en conviens, Monsieur Lescaze - nous devons lui renvoyer cette pétition.

M. Max Schneider (Ve). Des architectes, il y en a beaucoup. De bons architectes, il y en a très peu !

Des voix. Des noms, des noms ! (L'assistance met du temps à se calmer.)

M. Max Schneider. Il n'y a qu'à voir le nombre de bâtiments mal construits à Genève...

Des voix. Ouhhh !

M. Max Schneider. ...gourmands en énergie... (L'assistance manifeste dans un ensemble parfait.) ...mal climatisés... (L'assistance continue à manifester en choeur.) ...qui chauffent pour refroidir, enfin, bref, des aberrations pas possibles. (Rires.) On chauffe et en même temps on climatise ! C'est le résultat d'architectes mal formés !

Alors, nous avons la chance à Genève d'avoir une école d'ingénieurs qui forme des architectes. On a une université qui forme des architectes, mais on ne peut pas oublier l'investissement de la Confédération, bien qu'aujourd'hui elle ait voté 810 millions pour des bâtiments à l'EPFZ et rien du tout pour la Suisse romande. On ne peut pas oublier les investissement faits à l'EPFL d'où les architectes sortent - ou ne sortent pas - (Rires.) puisque 30% seulement des étudiants arrivent à terminer leurs études.

Je me dis que peut-être, à Genève, nous sommes les rois de l'architecture urbaine et que c'est notre spécialité. Mais, en tout cas, en ce qui concerne la construction, je crois qu'il faut laisser à l'EPFL et à son laboratoire les investissements qui lui ont été octroyés. Genève ne pourrait pas financer un tel investissement. Il faut donc soutenir l'EPFL qui fournit de bons architectes. Les Genevois ont leur place à l'EPFL. Il faut soutenir un enseignement de qualité et pas seulement une formation dans le but d'obtenir un titre d'architecte qui ne répond pas à des critères suffisamment valables aujourd'hui.

Voilà pourquoi je ne soutiens pas forcément M. Lescaze, parce que je ne suis pas tout à fait d'accord avec lui... (Grands éclats de rires.) Pour une fois je laisserai à Mme Brunschwig Graf cette liberté et je la soutiendrai dans ses démarches en renvoyant cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Une voix. Bravo !

M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. J'ai le plaisir de terminer cette législature avec l'école d'architecture !

Je vous signale tout d'abord que la rentrée 1993 s'est fort bien passée. Nous avons eu 80 nouveaux étudiants, malgré l'incertitude qui pèse sur l'école et le difficile contexte économique qui n'engage guère les jeunes à se lancer dans cette profession. En liaison avec le rectorat, j'avais prié l'école d'architecture de préparer un nouveau projet qui a été déposé et soumis à des experts. Nous avons continué à réfléchir sur le problème de l'école d'architecture. Ce nouveau projet est constitué de plusieurs parties qui peuvent s'enlever ou s'ajouter comme les différents étages d'une fusée en fonction des besoins. Nous pouvons donc parfaitement parvenir à trouver une articulation avec l'école polytechnique de Lausanne. Simplement, lorsque nous négocions, nous voulons négocier sur un terrain solide et nous ne voulons pas brader ce que nous avons de positif à Genève, même si nous ne sommes pas en position de force.

Alors, j'ai repris les contacts nécessaires. J'ai eu un entretien à ce sujet avec Mme Ruth Dreifuss, conseillère fédérale. J'ai pu constater que le climat à Berne avait changé et qu'il y avait une préoccupation réelle par rapport à l'école d'architecture, mais aussi une préoccupation par rapport à une bonne coordination, mais pas n'importe quelle coordination. Nous avons également encouragé des contacts entre l'école d'architecture et l'école polytechnique fédérale de Lausanne, et nous sommes en train de travailler sur un projet de négociation entre ces deux instances qui - je l'espère - donnera cette fois-ci satisfaction aux deux entités. Le dossier est en cours; j'ai préparé le terrain et j'ai renoué les liens avec la Confédération et avec l'école polytechnique fédérale de Lausanne.

Cela me permet de transmettre à mon successeur, Mme Martine Brunschwig Graf, un dossier sans doute difficile, mais dont les fils essentiels sont déjà tirés. Elle pourra donc poursuivre la réflexion et agir dans ce domaine. C'est dans cet esprit, en tout cas, que j'ai travaillé. J'espère que l'école de Genève pourra s'en sortir positivement. La réflexion et la négociation pourront ainsi se poursuivre. Les contacts se sont faits dans la discrétion, car il est difficile de négocier lorsqu'un dossier est continuellement étalé sur la place publique. En tout cas, je crois que nous avons progressé.

Le président. Nous allons donc procéder au vote sur l'amendement de M. Bernard Lescaze, qui porte sur les conclusions de la commission, dont le libellé est le suivant : «La commission vous invite à déposer cette pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil».

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mis aux voix, l'amendement de M. Lescaze (dépôt sur le bureau du Grand Conseil) est rejeté par 50 voix contre et 36 voix pour.

Mises aux voix, les conclusions de la commission (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées. 

P 921-A
11. Rapport de la commission de l'université chargée d'étudier la pétition : «Pour exercer une fonction juridique indépendante au service de l'Etat». ( -)P921
Rapport de M. Jacques Boesch (AG), commission de l'université

La commission de l'université a examiné lors de sa dernière séance de la 52e législature la pétition «Pour exercer une fonction juridique indépendante au service de l'Etat», signée par une seule personne, Mme W. M. D. Mulder, et déposée le 10 décembre 1991. Cette pétition, transmise dans un premier temps à la commission des pétitions, qui s'est déclarée non compétente pour examiner son contenu, a fait l'objet d'un traitement similaire à la commission de l'université.

En voici succinctement les raisons.

La pétitionnaire, après avoir accompli de brillantes études de droit aux Pays-Bas et à l'université de Genève, et considérant notre législation, fait recours contre une décision d'élimination de l'université (qui ne veut reconnaître intégralement l'équivalence des diplômes obtenus et ne peut attribuer un titre de «maître en droit» sans autre). Mme Mulder a dès lors multiplié démarches, recours et autres initiatives épistolaires. Elle a saisi, par exemple, la justice de notre République, qui a classé l'affaire.

En vain.

Toujours en vain.

C'est donc en désespoir de cause que la pétitionnaire s'est finalement adressée au Grand Conseil lui demandant de reconnaître l'ensemble de ses diplômes et titres et en souhaitant qu'il promeuve son intégration professionnelle, de sorte que Mme Mulder soit officiellement autorisée à exercer une profession ou une fonction juridique indépendante au service de l'Etat de Genève.

En raison de la séparation des pouvoirs et de l'autonomie de l'université, le Grand Conseil n'a pas la compétence d'entrer en matière sur de telles demandes. D'autre part, le Grand Conseil ne peut engager directement une personne pour une fonction publique.

Dès lors les membres de la commission de l'université, à l'unanimité, vous recommandent, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer cette pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil.

ANNEXE I

ANNEXE II

ANNEXE III

ANNEXE IV

ANNEXE V

Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil) sont adoptées.

 

PL 7038-A
12. a) Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant les budgets d'exploitation et d'investissement des Services industriels de Genève pour l'année 1994. ( -) PL7038Rapport de M. Bernard Annen (L), commission de l'énergie et des Services industriel
 Mémorial 1993 : Projet, 5627. Commission, 5629.
Rapport de majorité de M. Thierry Du Pasquier (L), commission de l'énergie et des Services industriel
Rapport de minorité M. Chaïm Nissim (E), commission de l'énergie et des Services industriel
I 1865
b) Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation de M. Chaïm Nissim : Malville : Est-il constitutionnel que les Services industriels de Genève investissent « dans le parc nucléaire français » ? ( ) I1865
 Mémorial 1993 : Développée, 5653.

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Le 15 octobre 1993, sous la présidence de Mme Calmy-Rey, la commission de l'énergie et des Services industriels a étudié le projet de loi relatif au budget des Services industriels pour l'année 1994.

Assistaient à la séance, M. Jean-Philippe Maitre, chef du département de l'économie publique, M. Jean-Pascal Genoud, délégué à l'énergie et, pour les Services industriels, M. Louis Ducor, président, assisté de MM. Florio, secrétaire général, Blondin, Rufenacht, Mattacia, Rollier et Wohlend.

1. Introduction

L'article 26, alinéa 3, de la loi sur l'organisation des Services industriels stipule que le Grand Conseil se prononce sur le budget des Services industriels, le 30 novembre au plus tard.

Le conseil d'administration des SIG, qui a préparé le projet de budget 1994, comporte des représentants de presque tous les groupes politiques représentés au Grand Conseil.

2. Avant-propos

L'entrée des commissaires est saluée par un groupe de manifestants, auquel se joignent certains commissaires, scandant des slogans, notamment: «Ducor, t'as tort !».

Avant même l'ouverture des travaux de la commission, Mme Reusse-Decrey fait une déclaration au nom du parti socialiste, du PEG et du PdT, contestant le bien-fondé de la politique énergétique menée par les SIG en ce que, en dépit de l'article 160C de la Constitution genevoise, ils achètent à l'EDF de l'électricité produite partiellement au moyen de l'énergie nucléaire et font des investissements dans l'EOS qui profitent à l'industrie nucléaire.

M. Nissim annonce un rapport de minorité.

Le président du département et plusieurs commissaires rejettent la personnalisation des accusations formulées par les protestataires et en contestent le bien-fondé.

La présidente prend acte de la déclaration des partis socialiste, écologiste et du travail, qui lui ont d'ailleurs adressé une lettre dans le même sens, annonçant qu'ils refuseraient d'assister à cette séance de la commission.

Elle déclare que les travaux de la commission peuvent se poursuivre nonobstant l'absence de certains commissaires. Sur quoi, Mme Reusse-Decrey, MM. Nissim, Schneider et Urben quittent la séance.

3. Travaux en commission -Budget des Services industriels de Genève

M. Ducor indique que les dernières tendances constatées au niveau de la consommation de l'eau et de l'électricité font penser qu'il n'y aura pas d'augmentation en 1994; qu'en revanche, pour le gaz, on attend une croissance de 15 %, notamment en raison d'un contrat conclu avec le CERN.

En ce qui concerne les charges, certains fournisseurs des SIG, dont l'EOS, ont augmenté leurs tarifs.

Il n'y aura pas de modification des frais financiers. Le financement pour 1993-1994 est assuré par des emprunts à 6 %.

En ce qui concerne le personnel, la politique instaurée en 1992 a été maintenue. L'effectif est inférieur de 5 % (70 postes) à celui autorisé par le budget. Cette politique sera maintenue en 1994.

Pour l'instant, la capacité d'autofinancement (70 millions) est insuffisante. Le ratio fonds propres/fonds étrangers est de 30/70 %, alors qu'il se situait, ces dernières années, à 40/60 %.

Les SIG ont fait de gros efforts en matière de politique énergétique et d'entreprise. Dès 1991, une réflexion a été conduite qui va au-delà des objectifs fixés par la Constitution.

Depuis 1980, d'importantes dépenses ont été faites pour renouveler les moyens de production et de distribution: près de 800 millions ont été investis dont 250 millions en 1992.

Des réformes importantes ont été annoncées tout récemment en matière d'application informatique (coût 10 millions), en ce qui concerne le fonctionnement de l'entreprise, la mise en place de nouveaux concepts, la création d'un département intitulé «Marché clients». La presse n'en a retenu que le salaire au mérite.

Ces améliorations sont destinées à rendre l'entreprise plus performante. Elles devraient être achevées avant le déménagement de l'entreprise au Lignon.

En ce qui concerne le budget d'investissement, M. Ducor mentionne la réfection de la station d'élévation de pression de la Florence, la reconstruction de deux puits au plateau de Champel, le bon fonctionnement des nouvelles installations des réservoirs de Bernex. Il espère que la construction d'un réservoir sur la rive droite pourra être entreprise, de même que la construction de l'usine de Vessy.

Quant au service du gaz, une nouvelle conduite sera installée pour le Lignon. Le budget de la dernière campagne publicitaire pour le gaz a été de 600 000 F. On s'efforce de généraliser les installations de gaz dans les immeubles, mais il reste du travail à faire. L'expérience de la pile à combustion est très positive.

Pour le service de l'électricité, un certain nombre d'investissements ont été réalisés:

- galerie de liaison entre Meyrin-Satigny et La Renfile (46 millions);

- Verbois: remplacement d'un poste âgé de 35 ans normalement attaqué par la corrosion. La rénovation de la troisième machine de Verbois est bientôt terminée.

Pour Chancy-Pougny, les crédits ne sont plus au budget, car c'est la société qui a repris les études.

Enfin pour Conflan, le problème va être abordé prochainement en liaison avec la situation de Chancy-Pougny.

Plusieurs questions qui ne sont pas directement liées au budget sont posées par les commissaires. Le chef du département, le président des SIG et ses collaborateurs y apportent des réponses dont on retiendra ce qui suit.

Le Conseil d'Etat a fixé les augmentations des tarifs pour 1993, 1994 et 1995. Les recettes dépendent à la fois du tarif et de la quotité de la fourniture d'énergie, laquelle est liée à la conjoncture.

Il est à souhaiter qu'en 1995, les recettes bénéficient de la reprise économique sans augmentation tarifaire. En l'état, il n'est pas prévu de modifier les chiffres arrêtés pour 1994 et 1995.

Les augmentations tarifaires liées à la suppression de la redevance fixe sont ressenties différemment pour les types d'utilisateurs: ceux qui ont une grosse consommation, qu'ils ne peuvent modifier, sont sérieusement touchés; il n'est pas exclu que des mesures conjoncturelles doivent être prises en faveur de certaines industries en particulier.

La question de la récupération de l'énergie utilisée par le CERN est fréquemment soulevée. L'opinion des SIG est que ce qui s'est dit à ce sujet a été fortement exagéré en ce qui concerne la rentabilité énergétique envisageable.

M. Maitre rappelle, suite à une question relative à la construction de la nouvelle ligne à haute tension que, depuis 17 ans que le projet existe, on perd chaque année 8 % de l'énergie transportée par année en raison du sous-dimensionnement de la ligne.

4. Conclusions

Vu les explications détaillées et les réponses fournies, notamment par le président des SIG et par ses collaborateurs représentant ses différents services, la commission accepte l'entrée en matière du projet de loi 7038 à l'unanimité (3 libéraux, 2 radicaux, 2 PDC, 1 MPG). La présidente ne participe pas au vote

Ensuite de quoi, Mesdames et Messieurs les députés, la commission de l'énergie et des Services industriels préavise également à l'unanimité l'acceptation du projet de loi 7038 approuvant les budgets d'exploitation et d'investissement des Services industriels de Genève pour l'année 1994, conformément aux chiffres suivants:

Budget d'exploitation:

a) recettes:   631 323 050 F

b) dépenses:   638 745 030 F

Budget d'investissement: 167 189 400 F.

Annexes:

1. Compte de résultat prévisionnel de l'exercice 1994 (p. 14 et 15 du budget des SIG).

2. Prévision de trésorerie 1994 (p. 16 et 17 du budget des SIG).

3. Déclaration concernant le budget des Services industriels, vendredi 15 octobre 1993.

ANNEXE 1

ANNEXE 2

ANNEXE 3

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Les commissaires des partis du travail, socialiste et écologiste ont quitté la séance de la commission qui devait être consacrée au budget des Services industriels de Genève (SIG). Nous nous sommes expliqués en partie devant la commission, mais nous devons encore une explication écrite au plénum, c'est la raison du présent rapport de minorité.

Les faits qui ont motivé notre départ remontent aux années 88, 89 et 90, mais nous n'avons pas réalisé leur amplitude ni leur gravité à l'époque, vu l'information restreinte dont ils ont fait l'objet. En effet, en 1988, 89 et 90, un contrat en trois parties fut signé entre EOS et EDF, portant sur un achat très important de courant nucléaire français, achat portant au total sur 1.3 milliards de francs suisses, et sur 300 MW pendant 26 ans, soit jusqu'en 2016. Les représentants genevois au Conseil d'Administration d'EOS ont voté en faveur de ce crédit d'investissement, malgré le fait que l'article 160C de la Constitution, entré en vigueur en 1988, stipule que: «Les autorités cantonales s'opposent par tous les moyens politiques et juridiques à leur disposition à l'installation de centrales nucléaires... dans le canton et au voisinage de celui-ci». On peut difficilement soutenir que «s'opposer par tous les moyens» consiste à voter en faveur d'un contrat de 250 millions (la part «genevoise» de ce contrat) dans l'industrie en question !

La réalité économique démontre d'autre part la profondeur de l'erreur des gestionnaires de l'argent de nos factures d'électricité: D'une part la consommation tend aujourd'hui à baisser, ce qui rend bien inutile un tel investissement, surtout à aussi long terme. D'autre part, il faut souligner que le même argent, investi intelligemment dans la création d'emplois dans les économies d'énergie, aurait rapporté presque autant d'énergie, sans pollution due aux déchets radioactifs, et en plus il y aurait eu création de 250 emplois locaux de qualité. Sur la quantité d'énergie qu'on peut «produire» dans les économies d'énergie une étude concrète réalisée à Lucerne montre que les kWh économisés coûtent entre 6 et 20 centimes, alors que le courant que nous achetons à EDF nous coûte 7 ct/kWh environ, selon l'heure et la saison. Les chiffres ci-dessus montrent bien que les économies d'énergie sont en gros presque compétitives par rapport au nucléaire, et n'oublions pas qu'elles ne produisent aucun déchet toxique !

Au surplus, si la réalité économique ne suffisait pas, il nous suffirait de relire la loi sur l'énergie pour nous convaincre de l'erreur profonde de ceux qui ont voté en faveur de ce crédit, MM. Maitre et Ducor en particulier.

Que dit la loi ?

«La présente loi a pour buts:

a) de favoriser un approvisionnement énergétique suffisant, sûr, économique, diversifié et respectueux de l'environnement;»

Le nucléaire est-il respectueux de l'environnement ?

«b) d'encourager les économies d'énergie et son utilisation rationnelle;»

Or le nucléaire a un très mauvais rendement, de l'ordre de 30 %, l'un des plus mauvais en comparaison avec la plupart des processus actuels.

«c) de réduire ou d'éviter la dépendance de certains agents énergétiques importés;»

C'est clairement le nucléaire que nous visions dans cette disposition.

«d) de développer les sources d'énergie indigène;»

Le nucléaire français ne l'est pas.

«e) d'encourager l'utilisation des énergies renouvelables.»

Le nucléaire français ne l'est pas.

Nous constatons donc que les 5 premiers alinéas de cette loi, entrée en vigueur en 1988 également, sont transgressés par cet investissement !

Vous comprendrez bien, Mesdames et Messieurs les députés, notre irritation devant cette politique délibérément pro-nucléaire des SIG. Et notre refus d'entériner un budget qui comprend des dépenses et des recettes liées à ce contrat. Signalons en outre qu'une partie non négligeable de la dernière hausse des tarifs ( 3 fois 6 % en trois ans) est liée aux dépenses entraînées par ce contrat !

Signalons encore qu'en commission, M Ducor nous a dit tout d'abord qu'il avait demandé un avis de droit à ce sujet, et qu'il lui fut répondu que «Fessenheim et Cattenom n'étant pas au voisinage de celui-ci», il pouvait voter cet investissement les yeux fermés. Nous aimerions beaucoup voir cet avis de droit, ne serait-ce que pour rire !

Dans une discussion ultérieure, après que nous ayons réalisé que Malville se trouve aussi couvert par le contrat en question, puisque celui-ci couvre le parc français dans son ensemble, il nous fut répondu par M Ducor que «Malville n'appartient pas à EDF mais à la NERSA», et que donc cette centrale n'est pas concernée par ce contrat. Eclats de rire, le consortium NERSA est propriété à 51 % d'EDF !

Cette politique délibérément pro-nucléaire des SIG, (et vraisemblablement anticonstitutionnelle) se poursuit depuis des années. Et il y a de nombreuses années que nous la dénonçons, par conférences de presse et manifestations diverses, cette politique. Et que nous demandons la démission des responsables, sans beaucoup de succès d'ailleurs. Je voudrais profiter de ce bref rapport pour rappeler les scandales les plus marquants, découverts par nous l'année dernière:

1. Premier scandale

Vous le savez peut-être, les SIG vont déménager leurs bureaux de la rue du Stand, pour s'installer au Lignon. On aurait pu s'attendre à ce qu'ils profitent de cette occasion pour construire un bâtiment exemplaire du point de vue énergétique, pour se conformer à la Constitution, et pour faire avancer la recherche en matière de construction économe en énergie. Or, c'est le contraire qui s'est passé: le nouveau bâtiment des SIG consommera LE DOUBLE de la totalité des bâtiments actuels, toutes énergies confondues ! (consommation actuelle: 11305 MWh/an, consommation du nouveau bâtiment: 22 616 MWh/an, si on additionne chauffage + électricité, d'après les chiffres officiels). Certes, les SIG font valoir que le nouveau bâtiment aura un bien meilleur indice énergétique, vu que sa surface est quadruplée par rapport aux surfaces des bâtiments actuels, (pour le même nombre de travailleurs !!). Mais il n'en reste pas moins que les SIG consommeront 2 fois plus d'énergie pour le même service rendu à la collectivité. De plus, les SIG s'enfoncent dans l'hypocrisie en déclarant pour se justifier qu'en terme de facture énergétique, le nouveau bâtiment ne coûtera pas plus cher que les anciens. C'est peut-être vrai, parce qu'ils bénéficient d'un tarif préférentiel pour le gaz, mais il n'en reste pas moins que le gaz, même payé bon marché, pollue quand même !!

2. Deuxième scandale: Le chauffage électrique

Rappelons pour les nouveaux députés que le chauffage électrique est soumis à un régime d'autorisation exceptionnelle, cela figure dans la Constitution cantonale depuis fin 1986 (garantie fédérale accordée le 20 juin 1988), dans la loi cantonale depuis le 16 septembre 1989, dans le droit fédéral depuis 1992 seulement.

Pourquoi ? Parce que l'électricité est l'énergie la plus «noble» que nous ayons à disposition, et que c'est un gaspillage inconsidéré de l'utiliser pour des usages à basse température comme le chauffage. Pour de basses températures, mieux vaut utiliser les combustibles. Or, les SIG ont continué aussi longtemps que possible, sollicitant toutes les manoeuvres possibles, à accorder des autorisations de raccordement pour le chauffage électrique, précisément parce que celui-ci, à cause de son mauvais rendement énergétique, encourage en fait le nucléaire ! Je vous joins en annexe la réponse des SIG à l'une de nos conférences de presse, dans laquelle nous dénoncions l'autorisation accordée à Satigny, à La Boverie, en 1988, au mépris de la volonté populaire clairement exprimée. Certes, la loi stricto sensu était respectée, puisque la garantie fédérale ne fut accordée qu'après cette autorisation, et qu'au surplus la nouvelle loi ne fut promulguée que 6 mois après l'enregistrement de l'autorisation. Mais quel mépris de la volonté populaire !

On le voit, les achats de courant nucléaire français ne sont qu'un des épisodes de notre longue lutte contre la politique anti-économique et anticonstitutionnelle des SIG. (Pourquoi anti-économique me direz-vous ? Mais oui, souvenez vous du début de ce rapport, je vous disais que chaque million investi dans les économies d'énergie crée un emploi de qualité à long terme, et 2 500 000 kWh/an, ce qui fait qu'une économie basée sur l'utilisation rationnelle de l'énergie comme celle du Japon, qui consomme 30 % de moins d'énergie par habitant que l'Europe, tourne mieux qu'une économie basée sur le gaspillage. Aux USA par contre, qui consomment 2 fois plus par habitant que nous, la productivité est bien moindre ! Pensez-y, Mesdames et Messieurs les députés libéraux, pour une fois nous sommes en train de vous proposer une politique qui crée des emplois, qui renforce notre compétitivité et qui dynamise notre économie !).

Le double mandat des Services industriels

M Ducor nous a avoué une fois en commission que pour lui le mandat essentiel des SIG était celui des articles 158 et suivants, qui obligent les SIG à fournir à la demande. L'article 160C, qui leur recommande d'économiser passe après, dans la mesure où il est partiellement contradictoire avec le premier. Selon nous, il n'y a pas contradiction entre ces 2 articles de la Constitution: C'est précisément en limitant le gaspillage, en se battant pour augmenter le rendement des appareils, qu'il sera possible à long terme de fournir toujours assez. En limitant nos besoins, on accroît la sécurité de l'approvisionnement. Quand à la question de l'équilibre budgétaire, et du taux d'autofinancement de l'entreprise, il faudra bien admettre un jour que des kWh «propres» (or les kWh les plus propres sont les kWh économisés !) valent plus cher que des kWh nucléaires; le public sera prêt à en payer le juste prix en constatant que sa consommation baissant, ses factures restent raisonnables.

(Au surplus, dois-je vous le rappeler ? le nucléaire produit des déchets radioactifs impossibles aujourd'hui à gérer, des déchets dont personne ne veut, des centrales qui deviendront un jour des sarcophages radioactifs terriblement toxiques et mortels, des déchets et des centrales dont nos descendants auront à s'occuper, s'ils n'oublient pas où ils se trouvent, afin que leurs enfants n'aillent pas jouer sur des cimetières radioactifs...).

La politique du personnel

Il me reste encore à évoquer brièvement, dans ce rapport, la politique du personnel des SIG. Il semble que l'embauche d'apprentis ait été ralentie, ce qui laisse mal augurer de la suite, de la formation, de la relève. L'introduction du salaire au mérite, aussi, pose problème: traditionnellement, la droite aime bien le salaire au mérite, parce qu'il motive les travailleurs; la gauche ne l'aime pas, parce qu'il est élitaire. N'y a-t-il pas moyen de prendre les avantages sans subir les inconvénients ? En ne l'appliquant, par exemple, que sur demande ? Qui pourrait apprécier les mérites du patron, selon quels critères ? Autant de questions que nous n'avons pu poser en commission, et que nous voudrions évoquer brièvement en plénière.

Les terrains de la rue du Stand

Ces terrains ont été vendus très cher par les SIG, si cher qu'il sera impossible de construire du logement social à cet endroit. Un de mes collègues a calculé que la charge foncière représentera 500 F par mois pour un 4 pièces, ce qui est assez cher !! Au lieu de spéculer sur les terrains, les SIG ne pourraient-ils pas envisager de monter le prix de leur courant de 1 ct. environ, ce qui leur rapporterait la même somme, encouragerait les économies et ferait un joli cadeau à la collectivité sous forme de logements sociaux ?

Cleuzon-Dixence

Vous avez tous entendu parler de ce méga-projet, la béquille du nucléaire français, qui sert à pomper la nuit du courant nucléaire, pour le restituer à bon prix le jour. Le rendement global de ce projet est de 21 %, si on compte 33 % pour le rendement du nucléaire et 70 % pour le rendement des pompes. 1 milliard investi pour aider le nucléaire français, et ramasser au passage quelques bénéfices douteux, cela vaut-il la peine ?

Pour toutes ces raisons, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser ce budget des SIG, afin de les obliger à respecter un peu mieux dans leur nouveau budget, le mandat populaire.

Annexes mentionnées.

ANNEXE 1

ANNEXE 2

Premier débat

M. Bernard Annen (L), rapporteur ad interim. A la lecture du rapport de mon collègue Nissim, un seul adjectif m'est venu à l'esprit : «outrageant». Je pense, chers collègues, que le peuple a eu la même réaction que la mienne et qu'il a sanctionné votre groupe, comme il le méritait, aux dernières élections. (Manifestation de réprobation.)

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Je ne voulais outrager personne, même pas M. Annen ! Je tiens seulement à exprimer ce que j'ai sur le coeur. Depuis que j'ai rédigé ce rapport, il m'est arrivé un malheur supplémentaire.

Une voix. Oohh !

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. J'ai vu pendant cinq minutes, sur une des chaînes de la télé, une émission sur les 13 000 enfants de Tchernobyl qui se sont retrouvés à Cuba. Je n'ai même pas compris s'ils se trouvaient dans un sanatorium et si on les soignait. J'ai seulement eu le temps de voir quatre ou cinq gamines de 12 ou 13 ans qui n'avaient plus de cheveux, qui étaient comme vous, Monsieur Annen, mais pas pour les mêmes raisons ! (Grands éclats de rires et applaudissements.) Je ne sais pas si cela était dû à la chimiothérapie ou aux séquelles du cancer. Une de ces adolescentes disait qu'elle voulait devenir danseuse. Cela m'a fait tellement mal que j'ai éteint la télévision et que j'ai préféré ne pas regarder la suite de l'émission.

Je suis convaincu avec vous, Monsieur Annen, qu'aucun de nous ne peut vouloir pour nos enfants ce qui est arrivé aux enfants de Tchernobyl. La population genevoise a voté à cinq reprises à ce sujet. Deux fois en 1979 pour exprimer le rejet du nucléaire, une fois en 1986 pour «Energie : notre affaire» dont le vote s'est exprimé une fois de plus contre le nucléaire et deux fois en 1990 avec les deux initiatives jumelles dont les résultats étaient défavorables au nucléaire. La population genevoise, comme vous, j'en suis convaincu, est, en gros et en majorité, antinucléaire. Lorsqu'elle vote, au moins le jour où elle vote, elle est conséquente avec ses idées et elle est prête à payer le prix de ce vote antinucléaire. Ce que les gens disent, ce que les gens pensent, ce qu'ils sentent confusément parce qu'ils ne connaissent pas les chiffres dans les détails, c'est qu'ils sont prêts à payer le prix.

Moi je sais, parce que je suis ingénieur, que le kilowattheure nucléaire français est importé grosso modo par les SI à 7 centimes, suivant les heures, etc. Par contre, en effectuant un couplage chaleur/force, le kilowattheure se paye entre 16 et 18 centimes. Si vous économisez du courant le kilowattheure se paye entre 10 et 20 centimes. C'est cela le supplément à payer pour se passer du nucléaire, quelques centimes par kilowattheure ! Bien sûr, comme vous en consommez tous beaucoup, cela représente une certaine somme à la fin du mois, mais la population était prête à payer ce prix lorsqu'elle a voté antinucléaire. En tout cas, je veux le croire !

La grosse question qui se pose à nous depuis très longtemps avec les Services industriels est que ces derniers ne sont pas prêts à respecter cette volonté populaire. Je tiens à vous rappeler de mémoire un tout petit article de «Energie : notre affaire» qui est en vigueur depuis sept ans maintenant et qui stipule : «...les autorités cantonales s'opposent par tous les moyens juridiques et politiques à leur disposition à la construction de centrales nucléaires dans le canton et au voisinage de celui-ci.».

Cela veut dire que les Services industriels et nous, Grand Conseil, devons nous y opposer par tous les moyens juridiques et politiques à notre disposition. C'est ce que fait très bien M. Haegi lorsqu'il se déplace à Paris pour supplier les Français de ne pas remettre Malville en marche. M. Haegi fait son travail de conseiller d'Etat.

Certaines personnes ne sont pas d'accord, aux Services industriels, avec le mandat populaire de l'article 160 C, et votent régulièrement, même après l'adoption de cet article, des sommes faramineuses. EOS a pris la décision en 1988, 89 et 90, d'investir grosso modo 1 milliard 300 millions. La part des Services industriels dans cet investissement est de 250 millions et M. Ducor a voté dans ce sens en 1990, alors que le vote de la population genevoise était clair. Nous prétendons qu'il n'est pas possible de continuer comme cela, alors que nous connaissons des alternatives possibles même si elles sont un peu plus onéreuses. On ne peut pas continuer à investir votre argent, (M. Nissim appuie sur : «votre».) Mesdames et Messieurs les députés, dans des entreprises anticonstitutionnelles.

De plus, cet investissement de 250 millions est également antiéconomique pour plusieurs raisons. En 1990, nous avons signé un contrat qui nous engage jusqu'en l'an 2016 à importer 300 mégawatts supplémentaires de courant nucléaire français. Or, il s'avère qu'en raison de la conjoncture nous consommons de moins en moins chaque année, ce qui signifie que nous n'avons pas besoin de ces 300 mégawatts supplémentaires. Mais nous sommes engagés par contrat à continuer à les importer et à les payer jusque-là. Même d'un strict point de vue capitaliste, c'est donc un mauvais investissement. Aujourd'hui, n'importe quel économiste vous dirait qu'il regrette d'avoir investi autant d'argent, votre argent !

Ce point s'ajoute aux raisons qui sont stipulées dans mon rapport de minorité, qui n'a rien d'outrageant, Monsieur Annen. C'est le non-respect de la volonté populaire qui est outrageant ! C'est que les Services industriels continuent à investir bêtement et à gaspiller l'argent des contribuables dans des décisions anticonstitutionnelles qui est outrageant !

Je demanderai une fois de plus à M. Maitre - c'est la quatrième fois que je le demande, mais je persiste - de me faire parvenir l'avis de droit qu'un avocat a «pondu» - M. Ducor nous en a parlé en commission - lequel, paraît-il, l'a autorisé à investir de cette manière. Je tiens à l'obtenir, ne serait-ce que pour pouvoir «rigoler» ! Comment un avocat a-t-il pu «pondre» un avis de droit permettant à M. Ducor d'investir une telle somme dans le nucléaire français, alors que c'est contraire à la constitution qui stipule : «...s'oppose par tous les moyens juridiques et politiques à leur disposition.». C'est tout à fait fou ! Je voudrais bien voir cet avis de droit, Monsieur Maitre !

M. Bernard Annen (L), rapporteur ad interim. M. Nissim a l'habitude de prendre des raccourcis à sa manière. Il est tellement convaincant que j'en arrive presque à le croire !

Sa dernière phrase est significative à cet égard. Il prétend que l'investissement de 250 millions est un viol de la constitution sous prétexte que les autorités cantonales doivent utiliser tous les moyens politiques et juridiques à leur disposition. Ce faisant, il vous laisse supposer qu'il y a une suite. La suite, je vais vous la lire, puisqu'il l'a écrite. C'est vrai que c'est un monsieur honnête, je le connais depuis longtemps. Il écrit : «...s'oppose par tous les moyens politiques et juridiques à disposition à l'installation de centrales nucléaires», Monsieur Nissim !

Vous connaissez la constitution comme moi. La constitution oblige les Services industriels à fournir de l'énergie. Monsieur Nissim, nous sommes d'accord sur un point : la qualité de la vie. Dans «qualité de la vie», il y a le mot «vie». Or la vie aujourd'hui, ce sont les emplois, la vie aujourd'hui, c'est l'énergie. Alors, ne vous opposez pas à tout systématiquement, vous savez très bien que la consommation d'énergie à Genève provient de l'énergie nucléaire dans une proportion de 40%. Si vous supprimiez cette énergie demain, je vous laisse imaginer ce qui se passerait à Genève sans ces 40% !

Cela étant, je voudrais revenir sur deux petites choses. Monsieur Nissim, vous dites que le Conseil d'Etat et M. Ducor transgressent la loi. Vous demandez notamment si le nucléaire est respectueux de l'environnement. Alors, Monsieur Nissim, je vous pose une question. Les centrales thermiques respectent-elles mieux l'environnement qu'une centrale nucléaire ? Certes, vous avez raison de citer Tchernobyl et on en entendra parler encore longtemps. J'aimerais quand même que par honnêteté vous disiez où se trouve cette centrale. Vous pourriez également dire que dans ce pays il y a d'autres centrales tout aussi dangereuses que celle de Tchernobyl. Mais reconnaissez que les centrales d'Europe occidentale ne présentent pas les mêmes dangers que celle de Tchernobyl. Il me semble donc que les raccourcis que vous utilisez sont largement exagérés.

En ce qui concerne l'encouragement aux économies d'énergie, Monsieur Nissim - je vous l'ai déjà dit plusieurs fois dans ce parlement - les associations que vous défendez s'opposent depuis de nombreuses années, dix ans en tout cas, à l'installation de la ligne de 400 kilovolts que vous connaissez bien. Nous savons que la déperdition de ces lignes pourrait alimenter une ville comme Onex - vous voyez que M. Nissim est honnête, puisqu'il acquiesce - en matière d'énergie.

Je crois que nous ne pouvons pas avoir deux langages. Nous devons essayer - nous l'avons fait à maintes reprises ensemble - de trouver l'équilibre entre ce qui peut être fait ou non. Nous vous avons soutenu lorsque vous avez proposé de promouvoir l'énergie solaire, et en matière de géothermie également. Ce n'est tout de même pas de notre faute si ces deux sources d'énergie n'ont pas donné les résultats escomptés, pour l'instant en tout cas. Enfin, tous vos milieux s'opposent à l'énergie électrique produite par les usines hydroélectriques. Alors, il ne faut pas tenir deux discours contraires. Il faut essayer de construire ensemble, mais ne continuez pas sur cette voie. Je pense, effectivement, qu'il est outrageant de condamner M. Ducor et M. Maitre, alors que vous savez très bien qu'ils répondent aux responsabilités qui sont les leurs et qui sont prévues par la constitution, consistant à approvisionner ce canton en énergie.

M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, Messieurs les députés...

Des voix. Mesdames !

M. Pierre Vanek. ...et Mesdames, excusez-moi ! Je prévoyais de commencer par là, mais j'ai été polarisé par les deux messieurs au centre. Si j'avais eu une dame en face... Excusez-moi, Mesdames !

Je voudrais répondre aux propos de M. Annen qui me semblent sinon outrageants, en tout cas «à côté de la plaque», et je reste poli !

Une voix. ...de la plaque électrique !

M. Pierre Vanek. ...de la plaque électrique, ouais !

Au sujet de la sanction populaire du vote, je signale que je suis ici en bonne partie parce que des électeurs ont voulu que la voix des antinucléaires soit entendue dans ce parlement. (M. Vanek est interrompu et le président remet de l'ordre.) Je signale aussi que je ne suis pas le seul. Pour ce qui est de Contratom qui mène depuis six ou sept ans une activité intense pour que soit appliqué l'article 160 C de la constitution, nous sommes quatre ou cinq membres du comité à nous trouver ici et à avoir été portés par le suffrage universel, lequel, comme l'a indiqué mon collègue M. Nissim, a systématiquement condamné les positions de ceux qui voulaient persister dans la voie du nucléaire.

Certes, 40% de notre approvisionnement énergétique provient du nucléaire. Nous pouvons en tirer deux conclusions différentes : soit qu'il est bien dommage d'être obligé de passer par cette voie, et d'arrondir les angles un peu gênants de cet article 160 C de la constitution, soit, au contraire - et c'est ma position- qu'il faut agir avec une extrême énergie...

Des voix. Aahh !

M. Pierre Vanek. Oui, il faut agir avec une extrême énergie - et je vous promets que nous n'en manquerons pas - pour pouvoir se donner les moyens d'en sortir dans les délais qui nous sont impartis par le moratoire nucléaire voté, cela sans être précisément pieds et poings liés au nucléaire. C'est une première réponse aux propos de M. Annen.

M. Annen a bien voulu nous faire la leçon en reprenant la phrase de la constitution citée par M. Nissim, et en faisant remarquer qu'il s'agissait de s'opposer à l'installation de toute centrale nucléaire. Nous avons déjà eu toute une polémique à ce sujet. J'ai souvenir des débuts de la campagne de Contratom contre Malville pendant laquelle Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat, président du département - ici présent et j'en suis heureux - nous expliquait avec beaucoup de finesse juridique que l'on ne pouvait pas s'opposer à Creys-Malville parce que la constitution prévoyait de s'opposer aux installations à venir mais non à celles déjà effectuées, et que, par conséquent, on ne pouvait rien faire.

Je crois que cette interprétation a été «liquidée» par les faits et qu'un consensus juridique et politique existe sur le fait que cet article veut bien dire que l'on doit s'opposer aux installations nucléaires qui nous fournissent du nucléaire. Alors je regrette que M. Claude Haegi ne soit pas présent, parce que j'étais avec lui à Paris en mai 1992 devant une commission du parlement français qui nous a auditionnés. Je salue - comme l'a fait mon ami Nissim - le brio avec lequel il s'est opposé à Creys-Malville. Je dois dire que ces messieurs les «nucléocrates» français lui ont dit, je résume : «Vous êtes drôle, vous condamnez Creys-Malville et par ailleurs vous importez du courant français !». Il s'en est sorti avec cette aisance rhétorique que vous lui connaissez, mais il est vrai qu'il y a un problème, voire une contradiction.

Or, lorsque nous avons mis le doigt sur l'investissement dans le nucléaire français, M. Ducor a écrit une lettre, dont vous avez peut-être eu connaissance, indiquant que ces importations venaient du parc nucléaire français, mais pas de Malville et en dehors d'EDF. C'est une grossière méconnaissance des faits. En effet, Creys-Malville appartient à la NERSA dont la majorité des actions sont détenues par EDF. L'argument essentiel des représentants d'EDF pour faire démarrer Malville, c'est d'avancer que cette installation a été payée fort cher et qu'il faut absolument amortir cet investissement en produisant du courant, sans tenir compte des risques encourus.

Le problème est donc aigu. Il est évident que nous ne pouvons pas du jour au lendemain nous passer de ce courant et qu'il est scandaleux d'investir des sommes aussi faramineuses sur une durée si longue, un quart de siècle, ce qui nous porte à 2016. Ces sommes devraient être investies à Genève dans des économies d'énergie, dans ce que les Américains - et MM. les libéraux qui aiment se référer à l'Amérique feraient bien de voir ce qui s'y fait - appellent la production de négawatts. Cela veut dire que les investissements se font dans les économies d'énergie, car, à long terme, surtout en tenant compte des coûts cachés, cela revient meilleur marché. L'argent devrait être investi dans une source d'énergie indigène qui donnerait du travail, ici et maintenant, à Genève.

M. Bernard Annen, rapporteur ad interim de majorité. Je n'ai pas compris !

M. Pierre Vanek. Ecoutez, je veux bien répéter si on rallonge mes dix minutes ! (Réflexions et quolibets fusent.) Je répète pour M. Annen qui a de la peine à comprendre !

En ce qui concerne les déperditions de la ligne à très haute tension, il est évident que, si une augmentation de la consommation est programmée à long terme, il faut l'augmenter pour que le rendement soit meilleur et que les pertes soient moindres. Mais si on programme, comme on doit le faire, une baisse de la consommation - elle est d'ailleurs en train de baisser, vous le savez, mais pour d'autres raisons - les investissements doivent se faire ailleurs. Est-il si délirant, ou si outrageant, de remettre en cause ces investissements ? J'ai eu le plaisir de recevoir - M. Maitre vous le confirmera - un téléphone...

Des voix. Aahh ! C'est un scoop !

M. Pierre Vanek. Non, ce n'est pas un scoop ! Je l'ai déjà dit, cela a été écrit dans certains organes de presse que vous ne lisez apparemment pas ! Je vous recommande la lecture du «Courrier» qui est très bien renseigné. J'ai donc eu un téléphone de M. Maitre, par lequel il déplorait que l'on personnalise le débat et qu'on le rende responsable de cette décision douteuse...

Une voix. M. Ducor aussi !

M. Pierre Vanek. M. Ducor aussi ! (M. Vanek est interrompu.) Monsieur le président !

Le président. Monsieur Vanek, il vous reste une minute !

M. Pierre Vanek. D'accord ! Alors, je vais être bref !

Une voix. T'auras des prolongations !

M. Pierre Vanek. Effectivement, je devrais avoir droit à des prolongations !

Donc, M. Maitre m'a exprimé son regret que le débat soit personnalisé, qu'effectivement il y avait un problème majeur, qu'il était d'accord de rendre publics les avis de droit sur cette question - c'est une réponse à M. Nissim - et que, personnellement, s'il avait dû se prononcer sur cette décision - je reproduis ses propos - il se serait probablement abstenu. Or nous avons mis le doigt sur un problème qui existe et on ne peut pas se contenter de le rejeter en disant que c'est outrageant, que ce sont des bêtises et que c'est Chaïm Nissim qui délire ! Le problème est là, il est aigu et je pense que tant qu'il ne sera pas clarifié, il sera impossible, pour des gens conséquents, d'appuyer la continuité du fonctionnement des Services industriels dans ces conditions et le budget des Services industriels par la même occasion.

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président, vous êtes le seul à prononcer mon nom comme on le prononçait dans mon pays quand j'étais petit !

Je tiens à apporter deux ou trois réponses à M. Annen. La part du nucléaire importée est effectivement de 40%. La question dont on discutait en 1990 était d'importer 300 mégawatts en plus de ces 40%, alors que nous n'en avons pas besoin aujourd'hui puisque notre consommation est en baisse. Cet investissement est donc irrationnel. Nucléaire ou gaz, lequel est le plus polluant ?

Une voix. Mazout !

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Moi, je ne le sais pas, mais ce que je sais c'est que le mazout ou le gaz ne provoquent pas de déchets radioactifs qui restent, précisément, actifs pendant des centaines de milliers d'années, Monsieur Annen. C'est vraiment très grave !

En ce qui concerne la ligne THT, il est évident que si on la construisait, on économiserait la quantité de courant utilisée par la ville d'Onex. C'est d'ailleurs pourquoi, après des années de bagarres, nous avons accepté la construction de cette ligne THT, à l'exception d'un tout petit tronçon qui va du CERN 2 à Verbois. C'est un tronçon inutile puisque Verbois n'a pas de centrale nucléaire !

Vous dites qu'il y a une contradiction entre l'article 158 et l'article 160 C de la constitution. Il n'y a pas forcément de contradiction. On peut très bien dire que pour respecter l'article 158, pour pouvoir toujours fournir, il faut faire des économies. En effet, si vous avez des robinets toujours ouverts au bout de tuyaux qui s'allongent et qui se multiplient de plus en plus, au bout

d'un an vous n'aurez plus assez d'eau. Si, par contre, vous apprenez aux gens à fermer les robinets quand il le faut, à éteindre la lumière lorsqu'ils ne sont pas là, nous serons toujours sûrs d'avoir assez d'eau...

M. Bernard Annen, rapporteur ad interim de majorité. D'eau ou de lumière ?

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. C'était une analogie, une parabole ! Je voulais dire que les économies d'énergie permettent de fournir du courant à long terme. Par contre, si vous n'économisez pas, vous ne pourrez plus fournir au bout d'un certain temps.

M. Rebeaud m'a apporté un exemplaire de la constitution et j'ai oublié de vous en faire part. C'est super bien trouvé ! Article 6, les investissements énergétiques des collectivités publiques s'inscrivent dans les objectifs du présent article.

M. Bernard Annen, rapporteur ad interim de majorité. Je n'ai jamais dit le contraire !

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Mais si ! Vous prétendiez tout à l'heure qu'il fallait faire une différence entre une centrale déjà installée et une nouvelle installation. Mais oui, Rebeaud, vous soulignez un article en rouge ! Les investissements énergétiques s'inscrivent dans les buts du présent article. Vous n'avez donc pas à investir 250 millions dans le nucléaire français ! C'est écrit là, lisez, Monsieur Annen ! (Rires.)

M. Max Schneider (Ve). La maffia du nucléaire est présente. (Manifestation de réprobation.) La maffia du nucléaire s'est implantée en Russie et elle commence à vendre du plutonium partout dans le monde. Un jour peut-être la verrons-nous, ou nos enfants la verront-ils ! Je pense que cette maffia va bien encourager les terroristes. C'est ce qui se cache derrière les centrales nucléaires, Monsieur Annen ! Vous posez la question de savoir ce qui est plus dangereux d'une centrale nucléaire ou d'un couplage chaleur/force en utilisant le mazout ou le gaz. C'est le véritable débat qui nous touche aujourd'hui, puisque le ministre de l'énergie et de l'industrie russe, qui est venu au parlement européen, a dit qu'il ne pouvait plus contrôler les ventes d'uranium, car, comme personne ne veut aider la Russie financièrement, ils se voient obligés de vendre ces produits. C'est reconnu officiellement.

Il existe une véritable maffia du plutonium sur cette terre. C'est très dangereux, car cette politique gagne nos pays. La banalisation du danger du nucléaire est très néfaste. Nous ne pouvons passer outre et il faut prendre des mesures ! S'il y a eu des erreurs dans le passé, il faut changer de politique. Les émissions de CO2 qui augmenteraient certainement si on utilisait des couplages chaleur/force - des études l'ont démontré - devraient être contrôlées et rester stables si on diminue dans le même temps les émanations des transports. Cela est donc possible sur le plan de l'environnement.

Le 9 novembre 1990, nous avions déjà relevé dans un rapport de minorité que j'avais écrit un «investissement scandaleux». Je remercie beaucoup M. Chaïm Nissim de soulever à nouveau ce point avec toute sa fraîcheur et son humour. Nous avons fait un investissement erroné en France. Aujourd'hui, nous avons besoin de cet argent à Genève pour recréer des emplois dans les économies d'énergie. 250 millions injectés dans ce secteur produiraient tout autant que cet investissement tout en apportant des emplois. Nous avons des électriciens, des petits artisans qui pourraient être employés dans ce secteur si on avait su le développer, tout cela sans toucher quoi que ce soit de la Confédération. Cela diminuerait le gaspillage énergétique et permettrait d'obtenir un meilleur rendement de la consommation actuelle.

Il n'est peut-être pas trop tard, grâce aux grands juristes que nous avons au Conseil d'Etat et à l'Etat, pour tenter de récupérer cet argent. Je ne fais aucun procès d'intention, ni à M. Maitre, ni à M. Ducor. Je leur demande simplement de tout faire pour récupérer l'argent que nous avons «donné» à la France.

Je crois que l'exemple des 13 000 enfants de Tchernobyl - comme Chaïm Nissim l'a souligné tout à l'heure - a plus de valeur que ces 250 millions. Je l'ai souvent dit en commission, et je le répète ici en plénière, il ne faut pas investir dans un pays où un accident semblable pourrait se produire mettant la vie d'enfants en danger, tout cela parce que des Suisses ont voulu acheter du courant en France. La vie des enfants vaut beaucoup plus que ces 250 millions, même la vie d'une dizaine d'enfants, que ce soit à Fessenheim, au Bugey ou même à Creys-Malville. Je crois qu'il n'est pas trop tard. Il n'est pas trop tard ! C'est du reste notre devoir, durant ces prochaines années, de récupérer cette somme pour l'investir à Genève qui en a grandement besoin. C'est par là qu'il faut commencer.

La vie c'est l'énergie, comme vous l'avez dit, Monsieur Annen, ou l'énergie c'est la vie, mais la vie doit être de qualité et il faut la défendre.

En ce qui concerne ces 250 millions, nous avons quitté la commission des Services industriels - le groupe du PDT, les socialistes et les écologistes - en raison du manque de discussion flagrant à ce sujet. L'article de la constitution encourage les économies d'énergie et la lutte contre le nucléaire, et on investit dans le nucléaire, pendant que, à Genève, les électriciens rencontrent de gros problèmes alors qu'ils pourraient bénéficier de l'énorme potentiel du canton de Genève. Cest grave ! Dans le canton de Vaud une petite compagnie d'électricité fait faillite. Bref, nous faisons tout à l'envers !

Mon grand souhait est que les sept membres du nouveau Conseil d'Etat, avec tout le dynamisme qu'ils veulent injecter dans l'économie genevoise, puissent récupérer l'argent versé à la France et le réinvestir à Genève. C'est peut-être utopique, mais je me battrai pour cela. C'est un acte de solidarité que nous devons avoir vis-à-vis de nos amis français qui sont très choqués que la Suisse investisse 250 millions, soit 1 milliard 300 000 pour l'EOS. Les écologistes européens ne comprennent pas non plus notre attitude et le jeu de notre canton qui se prétend antinucléaire et qui se fait «rouler» dans cette affaire. Il y a pour le moins une désinformation choquante de la population. En effet, personne ne connaît l'investissement énorme qui a été fait en France, alors que nous avons besoin de cet argent. Nous souhaiterions beaucoup plus de transparence dans les prochaines années.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). En préambule, j'aimerais réaffirmer un point. Nous sommes en train - il faut peut-être le rappeler - de parler du budget des Services industriels et, si nous refusons même d'entrer en matière sur ce budget, ce n'est pas une question de chiffres, ni de remise en question ou doute sur la comptabilité, mais bien une décision politique.

Depuis un certain nombre d'années, nous faisons des efforts de discussion, de dialogue et de nombreuses propositions. Nous avons alerté les autorités. Nous avons conclu il y a quelque temps une «paix de l'énergie» avec M. Maitre et ses services. Nous avons assisté à de nombreuses séances pour lesquelles nous n'avons rien touché - j'aimerais quand même le souligner - afin de défendre notre cause, mais les résultats ont tous été à peu près nuls. Alors, il est vrai, nous avons dû organiser des conférences de presse pour dénoncer ce qui se passait. Mais les Services industriels donnent l'impression d'être engagés sur un rail, comme une machine qui avance à toute vitesse et qui n'est plus capable de modifier sa trajectoire.

Les exemples cités dans le rapport, Monsieur Annen, ne sont pas outrageants, ce sont simplement des réalités explicites et les derniers étant gravissimes, nous avons jugé que cela suffisait. C'est pour cela que nous avons quitté la séance prévue pour débattre du budget et refusé d'entrer en matière.

Nous avons parlé tout à l'heure de chiffres pour comparer le coût de l'énergie nucléaire à celui d'autres provenances énergétiques. En affirmant que le courant nucléaire est meilleur marché, Monsieur Annen, vous oubliez le coût provoqué par la gestion des déchets. Je vous donne un chiffre. La CEDRA, à l'heure actuelle, a consacré 450 millions de francs uniquement à la recherche d'un site. Elle ne sait toujours pas quoi faire de ces déchets et ne sait toujours pas ce que ça lui coûtera. Il faudrait ne pas oublier de comptabiliser ces dépenses dans les coûts de l'énergie nucléaire.

Un dernier point enfin : lors de la dernière séance, nous avons parlé de la constitution suite à l'incompatibilité de certains députés élus. Nous avons alors déclaré très clairement que nous n'étions pas d'accord avec ce principe et nous pensions que le peuple avait tort, mais qu'en tout état de cause la démocratie et le choix du peuple devaient être respectés. Nous étions prêts à suivre la décision du souverain. Nous continuerons à nous battre pour essayer de changer la constitution dans ce domaine, mais, en attendant, nous la respectons.

Ce soir, je vous demande la même chose, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, respectez la constitution, même si elle ne vous plaît pas, même si lors de la campagne sur le nucléaire vous vous êtes battus contre cet article. Aujourd'hui il est là, c'est un choix du peuple, et comme nous l'avons fait à la dernière séance sur un autre sujet, nous vous demandons, ce soir, de respecter la constitution et de prendre conscience que, à travers certains actes politiques, les Services industriels violent cette dernière.

Nous ne demandons pas que les Services industriels cessent tout investissement demain et bloquent toute importation de courant nucléaire. Il est évident que nous en avons besoin. Nous aimerions simplement que les Services industriels tentent par tous les moyens - comme cela est stipulé dans la constitution - de diminuer ces importations, ce qu'ils ne font pas pour l'instant.

M. Michel Balestra (L). A la lecture du rapport de minorité de M. Chaïm Nissim, la première question que je me suis posée a été celle-ci : pourquoi l'Alliance de gauche, le parti socialiste et le parti écologiste continuent à revendiquer des sièges au conseil d'administration des SI.

M. Pierre Meyll. Pour le contrôler ! (Rires.)

M. Michel Balestra. Et puis, tout de suite après, une autre question m'est venue à l'esprit : pourquoi l'Entente majoritaire les leur donne ?

Plaisanterie mise à part, Monsieur Nissim, il est vrai que la constitution précise que les autorités cantonales doivent s'opposer par tous les moyens politiques et juridiques à leur disposition à l'installation de centrales nucléaires dans le canton et au voisinage de celui-ci. Mais avant tout - nous l'avons déjà dit ce soir - et c'est le mandat le plus important, EOS et les SI ont l'obligation de garantir l'approvisionnement en électricité de notre canton. Reconnaissez que cette obligation est nécessaire, voire même indispensable. Imaginez l'industrie arrêtée, les ménages privés d'électroménager, l'hôpital fonctionnant sur générateur... (Manifestation houleuse des bancs de la gauche.) ...Bref, pour employer un mot très vaudois : «le petchi» !

Ce que vous proposez - cela vous prouve que j'ai lu votre rapport dans le détail - ce sont des économies d'énergie qui, selon vous, reviennent moins chères que l'énergie produite. Or vous savez - reconnaissez-le - que 40% de notre consommation électrique sont d'origine nucléaire. Je me refuse à croire, Monsieur Nissim, que selon votre raisonnement, ayant constaté que deux ans de croissance zéro - ce que vous souhaitiez ici, dans cette enceinte, il y a quelques années - avait permis d'économiser 4% d'électricité, vous êtes en train de nous déclarer ce soir qu'il faudrait une décroissance de 10% pour arriver à ne plus avoir de production électrique nucléaire. Mais je vous rappelle qu'avec une croissance zéro il y a déjà 16 000 chômeurs et que nous devons faire quelque chose pour eux. Imaginez la catastrophe qu'induirait une décroissance de 10% !

Alors, soyez sérieux ! Regardez la réalité en face ! L'électricité est une composante indispensable de l'industrie et du standard de qualité de vie que souhaitent les citoyens genevois.

Quant à vos critiques sur la connotation élitaire du salaire au mérite, elles sont adorables et sympathiques comme vous. Mais figurez-vous que les employés qui s'engagent dans une entreprise souhaitent être reconnus. Lorsque l'on parle de salaire au mérite, il ne s'agit pas de pénaliser mais, bien au contraire, de mieux récompenser ceux qui le méritent. Cela n'est pas élitaire, mais simplement juste et logique. Vous reconnaissez dans votre rapport, Monsieur Nissim, que le gaz naturel pollue. J'aimerais de tout mon coeur que, comme vos collègues américains, vous franchissiez encore un pas et reconnaissiez que le nucléaire pollue moins que le gaz et que vous deveniez comme eux des promoteurs de ce type d'énergie.

Quant à lui, M. Schneider prétend résoudre le problème du CO2 en arrêtant le trafic automobile et le trafic routier. Je pense qu'il veut que nous transformions le parc automobile et le trafic routier en automobiles et camions électriques qui seraient, eux, alimentés avec de l'énergie nucléaire. On pourrait ainsi produire de l'énergie au gaz pour les ménages. Enfin, bref, on n'en sort pas ! Rien ne se trouve, rien ne se perd ! Nous avons une consommation électrique globale. Deux ans de croissance zéro ont permis 4% d'économies, nous avons 40% d'importation nucléaire, le reste c'est de la poésie. Les SI ne sont pas parfaits, ils sont comme vous et moi, c'est-à-dire perfectibles. En attendant ils sont utiles, nécessaires et indispensables. Ils ont besoin d'un budget, c'est pourquoi nous voterons le rapport de minorité...

Une voix. ...de majorité ! (Hurlements de rires et applaudissements.)

M. Pierre Vanek (AdG). Les choses sont tout à fait claires. M. Balestra a eu le gros mérite de les clarifier. Il a lui-même reconnu qu'il y a deux articles dans la constitution, l'article 158 et l'article 160 C, mais que l'un des deux est plus sérieux et plus important que l'autre et qu'il faut le respecter à tout prix.

Je ne suis pas juriste, comme vous l'avez peut-être remarqué, mais je crois que l'interprétation de M. Balestra est inexacte. Il y a deux articles de la constitution qui ont et qui doivent avoir un poids parfaitement égal. J'affirme qu'il est possible de respecter ces deux articles. C'est du reste dans ce sens que j'ai posé ma candidature au conseil d'administration des SI, candidature que vous avez refusée. Pourquoi admet-on encore des socialistes dans ce conseil d'administration ? Je pose une autre question : pourquoi y admet-on des gens qui disent au parlement qu'il y deux articles dans la constitution, mais que seul doit être respecté l'article 158 ?

C'est faux ! C'est inadmissible ! Je vous jure que cela va changer. Cela changera peut-être parce que nous gagnerons un jour la majorité dans cette enceinte... (Quolibets fusent.) ...ou cela changera rapidement parce que nous aurons - j'en viens à un autre aspect de ce qu'a dit M. Annen - ailleurs que dans les steppes de l'ex-Union soviétique un autre Tchernobyl. C'est tout à fait possible. M. Annen a voulu nous faire un petit laïus en présentant les centrales nucléaires occidentales comme étant des modèles de sécurité et de vertu. Or, c'est complètement faux ! Nous sommes face à une génération de centrales vieillissantes en France qui connaissent des problèmes de plus en plus accrus de fissurations. Je ne vais pas vous faire une conférence technique, mais la situation actuelle comporte des risques majeurs y compris en France. M. Pierre Tonguy, inspecteur général de la sécurité d'EDF, chiffrait ce risque sur une dizaine d'années à quelques pour-cent, 3-4% de risques d'accident majeur avec dégagement de radioactivité à l'extérieur de la centrale pour le parc nucléaire français. Or c'est une personne du sérail nucléaire, et s'il l'a dit c'est en parfaite connaissance de cause. Il a probablement sous-estimé ce risque, mais ce risque, même dans ces proportions, est inadmissible. La surface des zones qui devraient être évacuées dans la région de Tchernobyl représente la surface du plateau Suisse. C'est un risque que nous n'avons pas le droit de courir.

J'aimerais dire aussi, même en admettant le raisonnement développé par M. Annen, que des gens des Forces motrices du Nord-Ouest de la Suisse qui défendent comme lui l'électricité, le «pince-chaussettes électrique», ont signé tout récemment un contrat d'importation de quantités considérables de courant nucléaire venant de Tchécoslovaquie, de centrales qui sont parmi celles que M. Annen veut mettre au ban des centrales nucléaires honnêtes. Le problème est assez aigu et je serais heureux d'enregistrer une protestation de M. Annen à ce sujet. Nous faisons entrer du courant électrique nucléaire français, mais aussi du courant nucléaire en provenance de l'ancien bloc de l'Est. Par ailleurs, il faut avoir un sacré toupet, à 70 kilomètres de Creys-Malville, une centrale dont l'insécurité a été parfaitement reconnue, y compris par les spécialistes qui ont fourni le dernier rapport des autorités de sûreté sur la centrale, pour affirmer que les centrales nucléaires occidentales sont parfaitement sûres et ne posent pas de problèmes. Ce sont des billevesées !

M. Laurent Rebeaud (Ve). Il a été question tout à l'heure, dans la bouche du rapporteur de la majorité, d'interprétation de la constitution et mon nom a été cité. C'est la raison pour laquelle je prends la parole.

La constitution n'a pas besoin d'être interprétée lorsqu'elle est claire. Ce n'est pas une espèce de self-service où l'on choisit les articles qui plaisent et où l'on néglige ceux qui ne plaisent pas. L'article 160 C est un article antinucléaire, y compris en son chiffre 6. Je vous le cite : «Les investissements énergétiques des collectivités publiques s'inscrivent dans les objectifs du présent article. Les établissements publics sont liés par ces objectifs.». Cela signifie, d'après ma compréhension du français, bien que je ne sois pas juriste de profession, que ni l'Etat de Genève, ni les établissements qui en dépendent ne peuvent, aux termes de la constitution, investir dans le nucléaire. Donc, ou bien nous violons la constitution ou bien alors nous dérogeons à la constitution pour des raisons que je voudrais bien que l'on m'explique,

Monsieur Annen. Quand le Conseil d'Etat ou le rapporteur de la majorité m'expliqueront au nom de quoi on déroge à cet article tout à fait clair de la constitution, je pourrai me déclarer d'accord. Mais jusqu'à maintenant je n'ai pas compris.

M. Claude Blanc. (En voyant Mme Reusse-Decrey prendre la parole.) Encore !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Oui, encore, Monsieur Blanc !

Je ne sais pas si le nucléaire rend sourd, mais visiblement c'est un dialogue de sourds...

M. Michel Balestra. C'est pas le nucléaire qui rend sourd !

Mme Elisabeth Reusse-Decrey. C'est pas le nucléaire qui rend sourd, d'accord, Monsieur Balestra ! Vous préciserez votre pensée tout à l'heure !

Je crois que si l'on en est là, c'est-à-dire que nous débattons systématiquement une heure, voire une heure et demie, chaque fois que l'on parle d'énergie électrique, c'est parce que nous avons gentiment évincé un problème, il y a quelques mois, lorsque nous avons discuté de la conception cantonale concernant l'énergie. Nous avons réussi à nous mettre d'accord sur des postulats et sur des actions à mener. Sur la déclaration politique, nous avons constaté que nous n'arrivions pas à nous mettre d'accord et nous avons décidé de la laisser de côté et de fermer les yeux. A mon avis, nous sommes en train de payer cette décision qui a été mal évaluée. Il faudra bien qu'une fois nous déterminions quelle ligne politique nous voulons et que nous fassions des choix en matière d'approvisionnement énergétique pour notre canton.

Nous pouvons continuer ce débat longtemps - d'ailleurs des choses très intéressantes ont été dites - mais je souhaite que les travaux de la commission consultative sur l'énergie, qui dort depuis deux ans, soient repris pour clarifier les choses une bonne fois pour toutes. Ainsi, nous pourrions nous baser sur une déclaration politique. C'est mieux que de soulever le coin du tapis pour mettre la poussière dessous ! (Rires.)

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. M. Nissim avait développé, il y a de cela quelques semaines une interpellation qui posait le problème...

Je ne sais pas si M. Nissim veut s'exprimer. Si vous le désirez, je renonce pour l'instant et je m'exprimerai après vous.

Le président. Avec la tolérance de M. Maitre, Monsieur Chaïm Nissim, je vous cède la parole.

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur Maitre !

Je suis effondré, Monsieur Balestra, car j'ai dû mal m'exprimer !

Une voix. Mais non, on t'a très bien compris !

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Ce que j'ai voulu dire tout à l'heure, c'est que les alternatives au nucléaire fournissent des kilowattheures grosso modo plus chers que le nucléaire qui coûte environ 7 centimes suivant les cas, alors que le couplage chaleur/force revient environ à 16 centimes.

Monsieur Balestra, je vais vous raconter une toute petite expérience qui a été faite à Lucerne. Ils ont changé les circulateurs dans un certain nombre de bâtiments. Ce faisant, ils ont économisé beaucoup de courant car les nouveaux circulateurs avaient un meilleur rendement. Vu le prix du circulateur, le coût du déplacement de l'ingénieur, l'énergie dépensée, etc., le kilowattheure finit par revenir à 20 centimes. C'est ce que je voulais dire en parlant d'économies d'énergie. On peut toujours trouver une autre source d'énergie que le nucléaire, il n'y a pas que le nucléaire, de même qu'il n'y a pas que le Gamay en matière de vin ! D'autres alternatives existent. Il s'agit seulement d'en payer le prix.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. M. Nissim avait donc interpellé le Conseil d'Etat par son interpellation No 1865, à laquelle il répond présentement de façon à regrouper le tout, puisque c'est cette interpellation qui est au coeur du débat relatif à l'approbation du budget des Services industriels. M. Nissim demande si EOS avait le droit d'acheter des tranches de courant français. Il faut peut-être s'expliquer une fois encore sur la structure de l'approvisionnement et de la distribution en énergie dans notre pays et, en l'occurrence, directement en Suisse romande.

Je rappelle que les Services industriels ne couvrent la production genevoise qu'à raison de 27% de la consommation totale de notre canton en énergie électrique. Cela signifie qu'ils doivent se procurer le reste des besoins en énergie électrique du canton ailleurs. Où peuvent-ils se procurer les besoins électriques qu'ils ne parviennent pas à produire eux-mêmes ? Auprès d'EOS (Energie Ouest Suisse) qui est une société à laquelle concourent un certain nombre de collectivités publiques - en l'occurrence pas l'Etat de Genève - et un certain nombre de distributeurs d'énergie électrique, en l'occurrence les Services industriels. Ces derniers se trouvent actionnaires-preneurs d'Energie Ouest Suisse.

C'est dans ce contexte qu'EOS, en décembre 1989 - cette affaire a quatre ans très exactement - a conclu un contrat d'achat d'énergie avec EDF. Ce contrat est structuré de la manière suivante. Tout d'abord il porte sur une puissance de 100 mégawatts, avec une option de 200 mégawatts supplémentaires. L'énergie garantie par ce contrat auprès d'EDF est une énergie garantie sur l'ensemble de son parc de production. Vous savez que le parc de production d'EDF est à la fois thermique et hydraulique, thermique en ce sens qu'il est nucléaire et charbon. Il n'y a donc pas un contrat d'EOS avec EDF dont l'approvisionnement serait spécifiquement de source nucléaire. C'est un contrat d'approvisionnement d'énergie électrique, laquelle mobilise l'ensemble du parc énergétique français d'EOS. Il est vrai - nous le savons - qu'une part prépondérante de l'énergie électrique fournie par EOS provient du parc nucléaire. Je voudrais que vous soyez attentifs à ce problème parce qu'il est important. Il n'y a pas d'obligation à un type d'énergie, il y a simplement une garantie d'approvisionnement sur l'ensemble du parc énergétique d'EDF. Cela se passait en décembre 1989.

En septembre 1990, EOS a levé une option portant sur 100 mégawatts et nous en sommes restés là. En l'état actuel des choses, il y a donc le contrat de base qui porte sur 100 mégawatts, avec une option possible sur 200 mégawatts, la moitié de cette option à concurrence de 100 mégawatts a été levée en septembre 1990. Je voudrais préciser ici, Monsieur Nissim, que, contrairement à ce que vous avez dit, il n'y a pas d'obligation de prendre l'énergie de la part d'EOS. C'est le contraire ! C'est EDF qui s'engage à approvisionner, mais l'énergie n'est prise qu'au fur et à mesure des besoins. Il n'est donc pas obligatoire d'importer - ce que vous auriez pu craindre à juste titre - une quantité excédentaire d'énergie électrique, simplement parce que nous sommes liés par un contrat. EOS ne soutire du réseau EDF que l'énergie qui lui est nécessaire pour couvrir les besoins dont elle a la charge contractuelle, notamment vis-à-vis des Services industriels de Genève.

Voilà les faits liés à ce contrat EOS-EDF. Je précise - je le dis à l'intention de M. Schneider - que ce n'est pas un contrat Services industriels/EDF. C'est encore moins un contrat Etat de Genève/EDF. Je ne vois donc pas - à supposer que nous y soyons fondés, ce que je conteste - par quel moyen l'Etat de Genève pourrait récupérer un investissement qu'il n'a pas effectué lui-même, ni par quel moyen les Services industriels pourraient récupérer à hauteur du chiffre que vous évoquez un investissement qu'ils n'ont pas réalisé eux-mêmes. Les Services industriels sont actionnaires-preneurs d'EOS, c'est-à-dire qu'EOS a l'obligation contractuelle de fournir aux Services industriels l'énergie nécessaire pour que ces derniers puissent eux-mêmes assurer leur obligation de couverture des besoins énergétiques de notre canton.

J'en viens maintenant aux problèmes juridiques qui sont, également et effectivement, politiques. Ils ne sont pas faciles à traiter. Je n'ai rien dit d'autre et je n'ai jamais imaginé dans cette histoire qu'il était possible de dire, d'un revers de manche, que tout était limpide dans l'interprétation de la constitution. J'estime simplement que vous tirez de la constitution des conclusions qui sont au service d'une thèse. Reste à savoir si ces conclusions sont confirmées par une analyse juridique appropriée.

Alors, parlons de l'analyse juridique. En janvier 1987, c'est-à-dire quelques semaines après l'adoption de l'initiative «Energie : notre affaire» qui, je vous le rappelle, a été adoptée par le peuple le 6 décembre l986, nous avons eu à coeur de poser le problème, parce que j'estimais qu'il fallait le faire pour le traiter efficacement sur la base d'une interprétation neutre confiée à un juriste de qualité extérieur et à l'Etat et aux Services industriels. Nous avons donc demandé à Pierre-Louis Manfrini, qui est un juriste réputé, souvent consulté par votre Conseil - c'est un spécialiste reconnu en Suisse sur le droit public et sur le droit administratif - de nous donner son avis sur ce délicat problème relatif à la disposition rappelée par M. Rebeaud, soit sur la signification et la portée exacte de la disposition constitutionnelle en précisant que les investissements énergétiques des collectivités publiques s'inscrivent dans les objectifs de la constitution et que les établissements publics sont liés par ces objectifs.

M. Manfrini a rendu un avis de droit le 2 février 1987 que je mettrai à la disposition des groupes parlementaires, comme je m'y suis engagé de façon que ce soit tout à fait clair et transparent. Je veux vous dire ceci. C'est un avis de droit extrêmement fouillé et les conclusions de M. Manfrini sont les suivantes.

«Les statuts des sociétés d'économie mixte, auxquelles les Services industriels participent, intègrent les intérêts des actionnaires à l'intérêt social. La définition des intérêts dont les Services industriels sont les porte-parole au sein de leur participation présuppose une coordination entre la nécessité d'assurer la fourniture d'énergie au réseau cantonal, article 158 de la constitution genevoise, et le devoir de respecter les objectifs de la politique énergétique stipulés par l'article 160 C de la constitution. Vous vous souviendrez qu'à réitérées reprises j'ai eu l'occasion de vous dire que le débat difficile sur le plan politique consistait à trouver la synthèse entre ces deux exigences qui, pour partie, sont effectivement contradictoires.»

Et M. Manfrini poursuit en disant ceci.

«La nécessité d'assurer la fourniture d'énergie au réseau genevois et le respect de l'intérêt social coïncident pour limiter le pouvoir d'instruction des Services industriels à l'égard de leurs représentants au conseil d'administration des sociétés auxquelles ils participent.» En effet, je m'étais demandé si nous avions le droit et le pouvoir de donner instruction aux représentants des Services industriels à EOS de s'opposer à toute acquisition de fournitures portant sur du nucléaire. J'ai tenu à ce que ce débat soit fait, parce que j'ai estimé que c'était mon devoir de respecter la constitution.

Pierre-Louis Manfrini dit en conclusion.

«S'agissant plus particulièrement de la politique d'approvisionnement d'énergie électrique, l'article 160 C, alinéa 5, n'oblige pas les représentants des Services industriels au conseil d'administration de la société Energie Ouest Suisse S.A. à s'opposer à ce que celle-ci s'approvisionne en énergie de provenance nucléaire pour fournir ses actionnaires-preneurs.»

Et il dit même :

«Une telle obligation ne résulte pas du texte de l'article 160 C de la constitution genevoise. Des instructions dans ce sens pourraient, le cas échéant, s'avérer contraires à l'obligation statutaire d'EOS et des Services industriels de garantir l'approvisionnement du réseau cantonal.»

Mesdames et Messieurs, voilà l'avis de droit tel qu'il a été rendu. Sur cette base, le président des Services industriels a estimé qu'il était de son devoir d'admettre que EOS était fondée à lever les options qui sont de nature à garantir l'approvisionnement en énergie de ce canton.

En ce qui concerne Creys-Malville, Monsieur Vanek, nous avons discuté pour la première fois de ce problème à la suite de l'interruption du fonctionnement de la centrale dans les conditions que vous connaissez mieux que moi. Il fallait savoir si Creys-Malville était une centrale nucléaire pouvant être considérée comme étant dans le voisinage du territoire genevois. Je rappelle que la constitution nous interdit, respectivement, nous fait obligation d'agir par tout moyen juridique et politique à disposition pour s'opposer à la construction d'une centrale nucléaire dans notre canton et au voisinage de celui-ci. D'autre part, il fallait savoir si, compte tenu de l'interruption du fonctionnement de Creys-Malville, au cas où celle-ci refonctionnerait, nous avions à faire à une nouvelle installation. C'est moi qui ai tenu à ce que ces questions soient réglées de manière claire et nette.

Nous avons eu également un avis de droit du même auteur, qui nous a dit «Oui...

Des voix. Oh, oui !

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je vous dis cela pour vous prouver que cet homme est complètement crédible. Il nous a dit : «Oui, il faut considérer l'installation de Creys-Malville comme étant dans le voisinage du canton.». Il nous a également dit : «Oui, la remise en fonctionnement de Creys-Malville doit être assimilée à une nouvelle installation nucléaire.». C'est donc sur cette base que je suis intervenu auprès de M. Ogi pour lui dire que nous allions nous opposer par des recours - nous avons mandaté des hommes de loi en France pour diligenter les procédures nécessaires - au redémarrage de la centrale de Creys-Malville.

Maintenant, deux thèmes fleurissent volontiers sur la bouche des uns et des autres, mais j'aimerais simplement que nous soyons raisonnables dans notre appréciation. La constitution cantonale genevoise, en faisant obligation aux acteurs de la vie politique de ce canton de s'opposer à la construction d'une centrale nucléaire sur le territoire de notre canton et dans son voisinage a manifestement une portée antinucléaire. C'est incontestable. Mais nous ne pouvons pas faire dire à la constitution ce qu'elle ne dit pas. La constitution - c'est la conclusion formelle à laquelle parvient Me Pierre-Louis Manfrini - ne dit pas que nous n'avons pas le droit de couvrir notre approvisionnement manquant par de l'énergie qui, le cas échéant, proviendrait d'un parc nucléaire. Si vous aviez voulu que la constitution le dise, vous l'auriez stipulé dans votre article : «L'Energie : notre affaire», parce que celui-ci était au demeurant d'une complexité remarquable et parfaitement complet. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de dire qu'il fondait la politique de ce canton.

J'en viens au deuxième aspect de la question qui ne peut pas, non plus, être négligé. Nous sommes autosuffisants dans une proportion de 27% de notre consommation d'énergie, c'est-à-dire en gros pour le quart. J'aimerais que l'on m'explique comment il est possible de faire fonctionner nos entreprises, notre hôpital, nos écoles, assurer l'approvisionnement si nous n'importons pas l'énergie manquante. Je ne demanderais pas mieux que cette énergie qui nous manque soit de provenance hydraulique. J'aimerais simplement attirer votre attention sur le fait que les mêmes qui s'opposent à l'approvisionnement d'énergie nucléaire sont ceux qui s'opposent au redimensionnement ou au développement de notre parc de production d'énergie hydraulique alors que c'est notre richesse en Suisse. Là aussi, il y a une ambiguïté qu'il faudra bien éclaircir à un moment donné. Eclaircissement pour éclaircissement, il faut que le principe soit réciproque !

Je vous demande un peu de réalisme. Le gouvernement est déterminé à suivre la constitution et continuera à s'opposer politiquement et juridiquement à de nouvelles installations nucléaires sur le territoire de notre canton ou dans son voisinage, c'est ce qui fonde notre attitude à l'égard de Creys-Malville. Mais le gouvernement a également la responsabilité d'assurer le fonctionnement des entreprises, des installations nécessaires à la collectivité, aussi, dans ce contexte, nous poursuivrons une politique qui nous conduit à assurer l'approvisionnement dont ce canton a besoin, faute de pouvoir le couvrir lui-même. (Applaudissements.)

I 1865

L'interpellation est close.

M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Je tiens d'abord à féliciter M. Maitre de m'avoir répondu d'une façon aussi complète, avant que M. Joye reprenne le service de l'énergie, car on pourrait imaginer qu'il aurait cherché à se débarrasser de ce problème en le glissant sous le tapis...

Une voix. Avec la poussière ?

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Il m'a répondu relativement complètement et il m'a même apporté des informations que j'ignorais. Je vous en remercie, mais je voudrais...

Une voix. Mais !

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Non, il n'y a pas beaucoup de «mais», à peine deux ou trois petits !

Vous avez dit que j'avais demandé si EOS avait le droit de faire ce qu'elle a fait. Ce n'est pas cela; je demandais si nos représentants qui, eux, sont liés par notre constitution avaient le droit de voter oui à cet investissement d'EOS. Vous avez du reste très bien répondu, mais il semblait que je critiquais EOS, alors que je n'ai aucun mandat constitutionnel pour le faire. Les responsables d'EOS sont extérieurs à notre canton et ne sont pas liés par notre constitution.

L'avis de droit de M. Manfrini - je le relirai certainement attentivement - a été effectué avant ces investissements, puisque vous dites qu'il a été rendu en 1987, juste après les votations de «Energie : notre affaire». Mais je ne suis pas tout à fait sûr qu'il répondait exactement à ma question. Il semble néanmoins qu'il y répond relativement bien. J'ai tout de même de la peine à comprendre la phrase suivante : «La constitution n'oblige pas les représentants - donc des représentants des Services industriels à l'intérieur d'EOS - à s'opposer à ce que celle-ci - soit EOS - s'approvisionne en courant nucléaire.». Je demandais simplement si nos représentants au conseil d'administration d'EOS devaient voter oui, non ou s'abstenir. Ils ne pouvaient évidemment pas imposer leur avis, puisqu'ils ne sont pas majoritaires. Ils représentaient 18% du capital-actions à l'époque, alors qu'ils en représentent 21% à l'heure actuelle.

Vous dites que nous sommes autosuffisants à concurrence de 27%. L'hydraulique suffit-elle à couvrir le reste ? Je prétends, moi - c'est en fait l'essence même du conflit - que cette source d'énergie suffirait si on faisait les économies d'énergies préconisées par les experts, qui sont tout à fait réalisables. Je veux dire par là que l'hydraulique suffirait à condition - mais oui, sans nouveau barrage - que les rendements en soient améliorés pour couvrir les 40% qui représentent aujourd'hui la part du nucléaire.

M. Bernard Annen, rapporteur ad interim de majorité. Sans l'hôpital !

M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Sans supprimer l'hôpital, Monsieur Annen ! Sans supprimer les TPG ! Il suffit de remplacer chaque appareil par un autre dont le rendement est 40% meilleur. A l'heure actuelle, il existe des appareils deux à trois fois plus performants. Ce n'est qu'une

question d'argent. Cela serait possible si l'on était d'accord d'investir cet argent dans ce secteur de l'économie pour créer des emplois et le dynamiser.

M. Max Schneider (Ve). Monsieur Maitre, je ne vous adresse pas mes remerciements puisque M. Nissim l'a déjà fait. Vous êtes déjà célèbre à Genève, Monsieur Maitre, bientôt vous serez célèbre au Japon. En effet, les Japonais aimeraient connaître tous nos textes de loi en matière de politique énergétique, car ils sont très bons. Ces textes de loi seront donc envoyés au Japon comme exemple de ce qui peut se faire dans le monde.

Par contre, je n'ai pas compris - je vois que M. Nissim est aussi dans le flou - l'histoire du contrat signé en 1989. Nous avons payé 1 milliard 300 millions à la France. A-t-on réellement payé cette somme ? Nous n'avons rien en contrepartie si ce n'est une garantie d'approvisionnement. J'avais demandé la transparence en 1989 à ce sujet, mais je n'ai toujours pas bien compris ce qu'il en est.

Est-il assez tôt pour stopper cet investissement ? Pourrait-on, dans ce cas, investir cet argent dans Vin Union ou ailleurs où nous avons des problèmes ? N'est-il pas trop tard pour demander à nos représentants auprès d'EOS de faire marche arrière ou, en tout cas, d'obtenir une limitation de ce qu'ils ont avancé il y a maintenant quatre ans.

Dernier point, et je terminerai par cela. J'aimerais bien savoir quels sont les besoins d'EOS puisqu'elle laisse mourir une entreprise vaudoise d'électricité. J'aimerais bien savoir également si ses besoins concernent uniquement la Romandie ou s'ils concernent les exportations faites en Italie et en Allemagne. Il y a certainement une interconnexion à ce sujet. Si nous importons aujourd'hui du courant nucléaire français - nous en avons déjà parlé ici - c'est bien souvent pour remplir nos barrages de nuit et returbiner cette énergie de jour afin de la revendre à des coûts plus élevés en Italie et en Allemagne. Alors, le but ne serait pas seulement de couvrir les besoins de la Romandie, mais de répondre à certains critères du marché de l'énergie nucléaire. C'est là que le bât blesse. Monsieur Maitre, est-il trop tard pour faire marche arrière sur ce contrat EDF/EOS ? Serait-il possible de le voir ou est-il tellement secret que la population n'a pas le droit d'en connaître son contenu ? C'est ce que nos amis français aimeraient savoir, car ils n'ont pas pu en avoir connaissance.

M. Pierre Vanek (AdG). J'aimerais revenir sur deux ou trois points.

(S'adressant à quelques députés qui ont manifesté leur impatience.) Vous n'avez pas fini de m'entendre ! Il faudra vous habituer !

En ce qui concerne l'avis de droit, il est évident qu'il est trop tôt pour en discuter et que nous attendrons d'avoir le texte. Je remercie M. Maitre de nous le fournir. Je trouve surprenant et bizarre - moi qui suis un novice dans le fonctionnement des institutions de cette République - d'entendre, aujourd'hui en 1993, quelques extraits d'un avis de droit effectué en 1987 sur une question aussi importante. Nous reviendrons sur cette question lorsque nous l'aurons étudié et soumis à d'autres appréciations. En effet, un avis de droit : c'est bien; deux ou trois avis de droit : c'est parfois mieux !

M. Maitre a voulu introduire une nuance subtile sur la qualité du courant importé de France, en précisant qu'il s'agissait du parc électrique français, toutes installations confondues, y compris les installations thermiques et hydrauliques. J'y vois une opération de désinformation. Il est clair que la France exporte massivement du courant parce qu'elle possède un suréquipement en matière de centrales nucléaires. La production des autres installations peuvent être modulées beaucoup plus facilement, aussi essaie-t-on de «fourguer» le nucléaire à l'extérieur à des prix de «dumping» qui ne tiennent pas compte de manière réaliste de l'ensemble des coûts ainsi induits. Je ne vous ferai pas tout un discours sur les déchets ni sur le coût du démontage des centrales. Je vous le distillerai par tranches, comme un feuilleton.

Je vous signale que, tout récemment, une convention internationale vient d'être conclue par une cinquantaine ou une soixantaine de pays visant à interdire le «dumping» de déchets nucléaires dans le milieu marin. Or, parmi les quatre ou cinq pays qui ont refusé de souscrire à cette interdiction définitive, nous trouvons nos voisins français. Ils se réservent la possibilité de «foutre» à l'eau ces déchets français qui ont également servi à la production de courant nucléaire. Il y a un problème auquel je vous invite à réfléchir.

M. Maitre nous dit que cette énergie ne sera commandée qu'au fur et à mesure des besoins. Le problème est que, précisément, tout le monde en face affirme que nous en avons un besoin incontournable. Ce distinguo ne va pas chercher très loin. Je pense - comme l'ont dit plusieurs prédécesseurs au micro - et c'est malheureux - qu'il n'est pas possible de se passer du courant nucléaire à Genève. Mais nous sommes en droit de nous demander si un effort politique sérieux est réellement fourni pour essayer de nous en passer. Durant les dix ans du moratoire, et jusqu'à ce jour, je constate que l'effort

politique n'est largement pas à la hauteur des objectifs fixés par la constitution, qu'elle plaise ou non.

PL 7038

Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

approuvant les budgets d'exploitation et d'investissementdes Services industriels de Genèvepour l'année 1994

LE GRAND CONSEIL,

vu l'article 160, alinéa 1, lettre b, de la Constitution genevoise, du 24 mai 1847;

vu l'article 37, lettre b, de la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève, du 5 octobre 1973,

Décrète ce qui suit:

Article 1

Budget

d'exploitation

Le budget d'exploitation des Services industriels de Genève est approuvé, conformément aux chiffres suivants:

a) recettes: 631 323 050 F;

b) dépenses: 638 745 030 F.

Art. 2

Budget

d'investisse-ment

Le budget d'investissement des Services industriels de Genève, s'élevant à 167 189 400 F, est approuvé.

Art. 3

Entrée

en vigueur

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1994.

 

La séance est levée à 23 h 5.