Séance du vendredi 5 novembre 1993 à 17h
53e législature - 1re année - 1re session - 41e séance

M 644-B
15. a) Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat sur la motion de MM. Roger Beer, Hervé Burdet, Jean-Marc Boccard et Guy Loutan concernant l'inventaire et la protection des milieux naturels subsistant en zone urbanisée. ( -) M644
Mémorial 1990 : Développée, 1867. Motion, 1872.
Mémorial 1993 : Rapport du Conseil d'Etat, 828.
Rapport de Mme Vesca Olsommer (E), commission de l'environnement et de l'agriculture
M 883
b) Proposition de motion de la commission de l'environnement et de l'agriculture concernant l'inventaire et la protection des milieux naturels subsistant en zone urbanisée. ( )M883

La commission de l'environnement et de l'agriculture s'est réunie le 30 mars, sous la présidence de M. Roger Beer et en présence de M. Mascherpa, directeur du centre horticole de Lullier. Elle avait à l'ordre du jour l'étude du rapport du Conseil d'Etat précité. Rappelons que celui-ci avait été renvoyé en commission, le Grand Conseil l'ayant jugé quelque peu insuffisant au plan des réalisations concrètes.

Travaux de la commission

Celle-ci a procédé à l'audition de l'un des motionnaires, ex-député, le docteur Guy Loutan qui exprime son désappointement. En effet, explique-t-il, la motion n'avait pas pour but de demander au Conseil d'Etat des considérations toutes générales sur la nature, ni de l'inciter à faire ou à soutenir de nouvelles études, de nouveaux inventaires ou répertoires, mais bien d'identifier, pour les protéger, des biotopes en zones urbaines et suburbaines. Lui-même en avait signalé deux et il espérait que le département, travaillant avec les associations de protection de la nature, en identifie et protège d'autres. Or celles-ci ne semblent pas même avoir été consultées à propos de cette motion.

M. Loutan explique combien il est important de maintenir la diversité de la faune et de la végétation en zones urbaines et suburbaines, non seulement pour l'équilibre de la nature, mais aussi pour le sentiment de beauté que fait naître celle-ci, pour le plaisir et la santé des habitants : il ne faut pas négliger les fonctions de filtre de la végétation et son rôle stabilisateur sur le climat ; pour le moment, il constate une minéralisation des milieux habités. Il signale que selon une étude menée par notre collègue Burdet, 10% d'espèces en voie de disparition vivent dans ces milieux urbains et suburbains, ce qui fait également leur intérêt. Il signale le problème des talus fauchés trop tôt et trop souvent. Il insiste sur les difficultés que rencontre la faune pour se nourrir et procréer lorsque ces espaces naturels sont séparés les uns des autres par divers aménagements. Les mesures à prendre seraient simples et peu coûteuses : des panneaux explicatifs, des barrières modestes, une carte indiquant ces biotopes en zone urbanisée. Le motionnaire estime en outre que puisque la protection de ces biotopes est un objectif général, le canton pourrait agir par voie de règlements ou de circulaires, mais également à travers l'enseignement, y compris à l'école d'architecture et d'ingénieurs. Une véritable prise de conscience doit avoir lieu : maintenir les biotopes existants. D'ailleurs, il est plus facile et moins coûteux de conserver l'environnement plutôt que de le recréer.

Les commissaires relèvent d'abord qu'il serait sans doute intéressant de connaître les surfaces à conserver, avec l'accord des propriétaires, mais que souvent des parcelles paraissant à l'abandon, sont en réalité en attente d'une future utilisation ;

 que par ailleurs il ne faut pas trop planifier mais laisser à la nature une certaine spontanéité, celle-ci étant inventive et ayant un certain pouvoir d'adaptation ;

 que l'entretien des talus est souvent nécessaire puisque une végétation haute empêche de voir les cyclistes ;

 que la question soulevée est également du ressort des communes et que Onex, par exemple, a établi un plan directeur de protection et de plantation des haies en milieu urbain, réalisé en partie avec les enfants de la commune, cette initiative ayant suscité un large intérêt ;

 que d'attirer l'attention du public sur un biotope peut lui faire courir un risque de dégradation ;

 que de surcroît, des personnes protestent contre l'état naturel de certains lieux qu'elles jugent «en désordre».

Un commissaire évoque également un programme lancé en Ville de Genève avec les écoles pour aménager des jardins près de celles-ci et qu'en fin de compte, le service des espaces verts avait dû plus d'une fois se charger des travaux.

Au nom du département, M. Mascherpa souligne que les contacts avec les milieux de protection de la nature sont fréquents, une fois par mois avec le département de l'intérieur, et deux à trois fois par an avec tous les départements concernés. Par exemple, un accord est intervenu avec l'AGPN pour faucher les talus avec plus de modération. Il pense qu'il est possible de sensibiliser les maires des communes pour conserver de petites zones à l'état naturel. Il rappelle l'objectif de l'ASPAN visant à développer dans les écoles, avec des outils pédagogiques appropriés, un enseignement sur la protection des sols, grâce au concours des maîtres de sciences naturelles. Cependant, une coordination au niveau de l'enseignement entre le centre horticole de Lullier et l'école d'architecture lui paraît difficile. Et de plus, faudrait-il encore que lors des réalisations architecturales, il y ait quelques fonds pour les paysagistes, que ceux-ci soient mandatés, et assez tôt, ce qui est rare. A Lullier, en tout cas, il est rappelé aux élèves l'importance qu'il y a à conserver des jonctions entre les différentes zones et à planter des espèces indigènes (maillage vert).

De toutes façons, font remarquer certains commissaires, l'évolution de la société nous a amené à tout organiser et on a été trop loin, il ne reste plus assez de zones où les enfants puissent s'amuser et découvrir la nature. (Les jardins Robinson sont des tentatives de recréer ces espaces de liberté). De plus, toujours selon l'avis de certains membres de la commission, lors de consultations prévues par les diverses lois (loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, loi sur les constructions et installations diverses, loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités, loi générale sur les zones de développement) «ceux qui s'occupent de la nature ont moins d'importance que ceux qui s'occupent du béton».

Les commissaires remarquent surtout que le problème évoqué est d'ordre général, qu'il faut le poser au niveau de l'aménagement du territoire au moyen des plans directeurs communaux et des plans localisés de quartier et que cela nécessiterait peut-être une adaptation de la législation cantonale, constatation avec laquelle les motionnaires sont d'accord. La motion est trop ponctuelle et il faut adopter un point de vue plus global. Ce que veut la commission, c'est que soient créés et maintenus des réseaux continus de végétation. Pour cela, il convient de ne pas s'arrêter uniquement à une approche financière des projets. La commission souhaite que se développent une volonté et une coordination des pouvoirs publics. Mais il faut également éviter d'alourdir et ralentir les procédures.

On ne peut cependant ignorer que des solutions de continuité pour la végétation et la faune, notamment souterraines, ont un prix et les collectivités publiques devraient prendre en charge une partie de ces coûts. Le fonds de compensation pour les arbres, dépendant du service des forêts, de la faune et de la protection de la nature, fonds alimenté dans les cas où il n'est pas possible de replanter l'équivalent des arbres abattus lors de constructions ou d'aménagements, pourrait être utilisé.

La commission de l'environnement et de l'agriculture souhaite donc que le Conseil d'Etat soit plus concret dans son action, suite au renvoi que le Grand Conseil lui a fait de la motion 644 et l'invite :

 à être plus incitatif avec la ville et les communes en vue de répertorier et surtout protéger, autant que faire se peut, les biotopes existant en zones urbaines et suburbaines ;

 à renforcer et à inclure la notion de biotope et de réseau biologique dans les plans directeurs et les plans localisés de quartier, dès leur élaboration, de façon à ne pas alourdir et retarder les procédures, quitte à modifier dans ce sens la législation cantonale ;

 à faire appel, autant que possible, au fonds de compensation pour les arbres en vue d'atteindre les objectifs fixés dans la motion.

A la suite de ses travaux, la commission de l'agriculture et de l'environnement propose à l'unanimité, moins une abstention d'un commissaire remplaçant, la proposition de motion 883.

Débat

M. Max Schneider (Ve), rapporteur ad interim. Je remplace Mme Vesca Olsommer. On m'a fait remarquer qu'à la fin de son texte, à la page 4, il fallait présenter une motion en bonne forme et, de ce fait, vous avez tous reçu sur vos bancs une adjonction au rapport de la commission de l'environ

nement et de l'agriculture concernant la M 644-B. Voilà pourquoi, à la fin de la page 4, nous avons repris les invites de la commission qui ont été acceptées à l'unanimité moins une personne qui était remplaçante. Le texte n'a pas changé, c'est le même que celui qui avait été discuté en commission.

M. Roger Beer (R). Je voudrais insister sur deux choses. Nous avons reçu du Conseil d'Etat un rapport dont nous n'étions pas satisfaits. Il est retourné en commission et, à ce moment-là, nous avons obtenu des réponses à nos questions. Au sujet de l'inventaire des milieux naturels subsistant en zone urbanisée et devant être protégés, nous espérions une meilleure prise en compte et surtout quelques exemples concrets d'action de la part du Conseil d'Etat.

Par ailleurs, nous avons été choqués que le rapport ait été élaboré sans que des contacts n'aient été établis avec les milieux de protection de la nature, notamment l'AGPN et le WWF. Après discussion avec M. Claude Haegi, nous sommes satisfaits, et le rapport montre une certaine ouverture, même si les deux principales associations du canton dans ce domaine ne sont pas toujours d'accord sur la façon de protéger la nature ou ce qu'il en reste en ville.

Je crois que cette motion sous-tendait deux choses : d'une part, la prise en compte de ce qui subsiste de nature en ville et, d'autre part - ce qui est beaucoup plus important - une meilleure protection de ce qui subsiste de verdure en ville en cas de construction. C'est pour cela que la deuxième invite, qui inclut la notion de biotope ou de réseau biologique, doit être prise en compte dans le cadre des plans directeurs et des plans localisés de quartier, ce qui implique une certaine contrainte. Si nous voulons assurer d'ici cinquante, soixante, septante ans une survivance d'espaces verts malgré le développement de l'agglomération urbaine, des commune suburbaines ou même des communes rurales, je pense que c'est aujourd'hui qu'il faut prévoir, dans les conceptions d'urbanisme, de quelle façon nous devrons conserver les arbres et ce qu'il peut subsister de nature en ville.

Nous sommes satisfaits de cette réponse et vous invitons évidemment à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Nous espérons que le nouveau Conseil d'Etat tiendra largement compte de notre demande.

Mme Sylvie Châtelain (S). Je ne vais pas intervenir longuement sur ce sujet puisqu'en tant que nouvelle députée je n'ai pas participé au travail de la commission et n'ai absolument pas l'intention de modifier la proposition de motion qui nous est soumise ce soir. Cependant, ayant pris connaissance de la motion 644-B, du rapport du Conseil d'Etat et de celui de la commission, j'aimerais insister sur un point concernant la protection des biotopes en zone urbanisée.

Le rapport de la commission insiste sur la nécessité, je cite : «de créer et de maintenir des réseaux continu de végétation.». La commission relève dans ce sens l'exemple de la commune d'Onex qui a établi un plan directeur de protection et de plantation de haies en milieu urbain. Or, si les haies sont relativement bien protégées en zone agricole, il n'existe pour l'instant pas de bases légales permettant de maintenir les haies en zone urbanisée ou d'exiger des compensations lors de leur destruction. Il en va de même pour de nombreux autres milieux naturels.

Cette lacune devrait être comblée si l'on invite le Conseil d'Etat, comme le demande la motion que nous allons voter tout à l'heure, à inciter la Ville et les communes suburbaines à répertorier et protéger les biotopes. Je reviendrai donc, lors d'une prochaine séance, sur ce sujet.

M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Tout d'abord, je voudrais remercier M. Schneider d'avoir repris ce rapport et d'avoir clarifié l'invite au Conseil d'Etat en présentant ce nouveau texte que vous avez reçu ce soir. Pour le surplus, j'ajouterai simplement que nous acceptons cette proposition de motion et préciserai que les relations avec les associations que vous avez citées tout à l'heure, Monsieur Beer, sont permanentes entre le service des forêts, de la protection de la faune et de la nature et que des réunions mensuelles sont organisées avec ces différentes associations. Bien entendu, tout est perfectible, et je constate que cette discussion a permis de préciser ce qui devait encore l'être.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue:

MOTION

concernant l'inventaire et la protection des milieux naturelssubsistant en zone urbanisée

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 le rapport du Conseil d'Etat M 644-B,

invite le Conseil d'Etat

 à être plus incitatif avec la Ville et les communes en vue de répertorier et surtout de protéger, autant que faire se peut, les biotopes existant en zones urbaines et suburbaines ;

 à renforcer et à inclure la notion de biotope et de réseau biologique dans les plans directeurs et les plans localisés de quartier, dès leur élaboration, de façon à ne pas alourdir et retarder les procédures, quitte à modifier dans ce sens la législation cantonale ;

 à faire appel, autant que possible, au fonds de compensation pour les arbres en vue d'atteindre les objectifs fixés dans la motion.