Séance du
vendredi 5 novembre 1993 à
17h
53e
législature -
1re
année -
1re
session -
40e
séance
C 88
Je prie la secrétaire de bien vouloir lire cette lettre.
Pierre Vanek
2, Cité Vieusseux
1203 Genève
Monsieur Dominique Föllmi
Président du départementde l'instruction publique
6, rue de l'Hôtel-de-Ville
Case postale
1211 Genève 3
Genève, le 4 novembre 1993
Monsieur le Président,
Comme vous le savez, j'ai été élu député au Grand Conseil genevois. J'estime, personnellement, ne pas avoir le droit de renoncer à l'exercice de ce mandat qui m'a été confié par plus de 12'000 électeurs et j'entends l'assumer au plus près de ma conscience.
Je me fonde, en toute simplicité, sur la déclaration universelle des droits de l'Homme à laquelle nous sommes, je pense, l'un et l'autre attachés, et dont je croyais, naïvement peut-être, que les articles devaient être appliqués dans notre République et canton.
En son article 21 (al. 2), celle-ci déclare en effet que : «Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays». L'article 23 de cette même déclaration affirme en outre (al. 1) que : «Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage».
Ces deux articles me semblaient, à l'évidence, devoir garantir la possibilité que je continue d'exercer ma profession, à laquelle je suis très attaché, tout en assumant mon mandat de député, dans ce parlement de milice qui est le nôtre.
Une majorité de l'assemblée des élus, réunie aujourd'hui, n'a pas partagé ce point de vue.
J'ai donc proposé à l'assemblée de renoncer à l'exercice de ma fonction d'instituteur primaire en demandant un congé extraordinaire, sans traitement. Cette démarche visait à respecter tant l'esprit que la lettre de l'article 73 de notre constitution cantonale, qui veut que le mandat de député soit «incompatible avec toute fonction publique à laquelle est attribué un traitement permanent de l'Etat».
Une majorité de l'assemblée des élus a refusé d'entrer en matière dans ce sens, estimant qu'un tel congé ne répondait pas aux exigences de la constitution. J'entends, bien entendu, employer toutes les voies juridiques qui me seront ouvertes pour recourir contre cette interprétation, à mon sens erronée, de l'article constitutionnel en question.
Pour me permettre de prêter serment et de siéger comme député, j'ai donc dû, sous la contrainte et à regret, m'engager à vous présenter ma démission en tant qu'instituteur.
Je vous demande donc, par la présente, de prendre acte de cette démission !
Je me permets cependant, comme je l'ai annoncé dans l'enceinte du Grand Conseil, d'assortir cette démission d'un certain nombre de considérations.
Premièrement, si mon interprétation de notre constitution s'avérait fondée, aux yeux des instances judiciaires compétentes, vous comprendrez que je demanderais que mon exclusion du corps enseignant, consécutive à ma démission, soit annulée.
Deuxièmement, quant aux délais de congé, et eu égard aux intérêts des élèves dont j'ai la charge en tant que maître de classe, j'aimerais que l'on me permette de terminer l'année scolaire en cours, répondant ainsi aux préoccupations des parents de mes élèves avec lesquels j'ai eu l'occasion de m'entretenir à ce sujet.
Troisièmement, dans l'hypothèse de la probable levée, à terme, de l'exclusion du parlement qui pénalise des milliers de citoyennes et de citoyens de ce canton et restreint l'exercice de leurs droits politiques, je demanderai ma réintégration au corps enseignant genevois.
Je vous prie de recevoir, Monsieur le Président, mes salutations les plus distinguées.
Pierre Vanek
Copies :
à M. Hervé Burdet, président du Grand Conseil ;
à M. Jean-Jacques Walder, direction de l'enseignement primaire ;
à Mme Monique Rudolph, inspectrice d'écoles ;
à M. Georges Pasquier, président de la SPG ;
à Mme Sylvia Steffen, présidente de l'association des parents d'élèves de Geisendorf.
M. Claude Blanc(PDC). Deux choses m'intriguent dans cette lettre dont nous venons de prendre connaissance. D'abord, nous ne sommes pas habilités à recevoir la démission d'un fonctionnaire, cela appartient au Conseil d'Etat. Nous devons simplement prendre acte que cette démission a bien été envoyée, rien ne dit dans la lettre que cela a été fait. (Murmures.)
D'autre part, ce qui m'intrigue encore plus, c'est que M. Vanek prétend obtenir un délai de congé d'une année...
Une voix. Mais non, six mois !
M. Claude Blanc. ...de six mois si vous voulez, ce qui est manifestement exagéré, le délai légal de congé étant de trois mois. Je ne pense pas que nous puissions accorder à M. Vanek un délai supérieur à trois mois pour avoir quitté ses fonctions ou pour renoncer au Grand Conseil.
Une voix féminine. Et Vaissade ?
M. Claude Blanc. Le cas de M. Vaissade constitue un fâcheux précédent qui n'a pas force de loi. (Protestations.)
Le président. (S'adressant à M. Vanek.) Monsieur le député, j'avais cru comprendre que la lettre avait été adressée au département de l'instruction publique. Est-ce bien le cas ? (M. Vanek répond hors micro par l'affirmative.)
Il en est donc pris acte.
Nous avons reçu par ailleurs :