Séance du
vendredi 5 novembre 1993 à
17h
53e
législature -
1re
année -
1re
session -
40e
séance
M 848-A et objet(s) lié(s)
20. Rapport de la commission de l'enseignement et de l'éducation chargée d'étudier les objets suivants:
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Dès que les idées stagnent et se satisfont d'un statu quo, il n'y a plus d'évolution. Même l'éducation qu'elle soit familiale ou scolaire doit suivre un changement raisonné même s'il doit être lent.
Dans tout essai ou application concrète d'une théorie, il faut admettre des réussites ou des faillites. Il est certain qu'il est plus aisé de pouvoir se glorifier ou se satisfaire plus discrètement d'une réussite que de constater un échec, de l'admettre, l'analyser et le publier. Tout est une question d'honnêteté intellectuelle. J'ai toujours respecté ceux qui savent reconnaître leurs erreurs en faisant face et non en les esquivant. Ceux qui savent revoir leur copie et redresser les situations mauvaises. La gloire doit rester modeste et Balzac écrivait à son sujet qu'elle était «le soleil des morts».
Dans son développement d'une conférence «L'école dans tous ses états», M. Walo Hutmacher, directeur du Service de la recherche sociologique, expose très bien l'évolution et les influences subies par cette dernière provenant tout aussi bien de l'extérieur que de l'intérieur. Cet écrit fut distribué aux membres de la commission de l'enseignement le 10 juin 1992. En quelques paragraphes et en priant l'auteur de me pardonner ce résumé trop court, je vais essayer d'extraire quelques idées dans le but d'une meilleure compréhension de l'évolution ayant mené vers la rédaction de la brochure «Préserver l'essentiel», évolution que nous, néophytes, n'avons pas suivie et qui, probablement, a mené vers des réactions de blocage et même de révolte parfois violente. Le constat étant dès lors plus difficile à digérer. Revenons à «L'école dans tous ses états».
L'auteur désire présenter toutes les données qui, au cours de ces vingt dernières années, transformèrent l'école. Période pendant laquelle les grandes lignes de l'éducation furent de réduire «les inégalités d'accès aux études liées à la distance géographique, aux contraintes économiques et financières, à l'origine socio-culturelle ou au sexe». Cette notion se définit sous le terme de «démocratisation des études». Puis dès le début des années soixante, on découvre l'échec scolaire considéré comme un indice de faiblesse de l'école pour certains et pour d'autres comme une injustice face à l'égalité des choses. Une multitude de réformes se mettent alors en route : appui, rattrapage, révision des plans d'étude et des méthodes, etc. Dans ces mêmes années soixante «entre le tiers et la moitié d'une génération de jeunes passaient directement de la scolarité obligatoire au travail. Aujourd'hui dans nos régions, la quasi-totalité des jeunes poursuivent des études secondaires ou professionnelles post-obligatoires. D'autre part, il est devenu difficile de trouver un emploi à l'âge de quinze ans. On peut dire qu'actuellement, la Suisse romande figure en bonne place des politiques de l'éducation des pays industrialisés, l'école devient un cadre de vie sur une durée de quatorze à quinze ans».
En revanche, l'auteur constate que du côté de l'inégalité sociale presque rien n'est changé, il évoque pour l'expliquer «l'image d'une échelle placée dans un ascenseur. L'ascenseur monte, l'échelle en fait autant tout en restant une échelle : les réformes scolaires n'ont pas changé la société.» En revanche, une modernisation de l'école s'est vraiment effectuée tout en admettant que ce processus n'est pas terminé et que des essais, des expériences, des erreurs, des déceptions vont encore joncher ce parcours.
Dans nos sociétés post-industrielles, le savoir va arborer un nouveau style : le travail en équipe, la coopération, la communication, le débat, l'échange d'idées, la concertation, la négociation qui n'empêcheront pas la compétition mais «réussiront à mettre la concurrence au service de l'accumulation de compétences et de connaissances.»
L'école doit prendre un virage menant vers la qualité non seulement sur le plan des connaissances mais aussi sur le plan du savoir-faire et du savoir-être : «savoir apprendre, rechercher et trouver l'information, savoir prendre de la distance à l'égard de ses propres savoirs et de ceux transmis par d'autres, savoir analyser, synthétiser, conclure, savoir la relativité des savoirs et des croyances tout en conservant une identité forte.»
Pour ce faire, il faut changer les habitudes au niveau du fonctionnement, de la pratique pédagogique, de l'organisation du travail et du mode de vie scolaire et ces nouvelles pratiques ne se conçoivent pas dans l'isolement individuel mais collectivement en déléguant une bonne part des responsabilités scolaires aux établissements locaux tout en faisant respecter une certaine conformité aux objectifs définis. A l'intérieur de ce cadre, aux professionnels de trouver les voies et les moyens pour approcher le plus possible les objectifs en s'adaptant aux particularités socio-économiques et aux publics spécifiques des établissements scolaires. Une certaine part d'autonomie et de latitude devra aussi être concédée à l'enseignement dans sa classe. «Partout, il y a du jeu dans les règles et des jeux sur les règles.»
L'auteur constate que les savoirs pédagogiques sont en crise et qu'il est de plus en plus difficile de trouver un accord autour de ce qu'il est juste d'enseigner à l'école. Le monde change, les savoirs utiles à la vie aussi, tout en relevant que le politique ne peut que donner des impulsions globales car il ne peut pas faire face à la complexité des questions théoriques et méthodologiques, il doit déléguer la gestion des savoirs aux spécialistes tout en respectant au niveau des savoirs utiles et nécessaires une articulation entre l'intérieur et l'extérieur ceci pour abolir un clivage entre ceux qui pensent et ceux qui font.
Les directeurs des établissements peuvent jouer un rôle déterminant, bien que délicat, dans la créativité collective. Ils peuvent encourager ou susciter des initiatives et proposer des lieux destinés à l'échange et au débat car l'école ne pourra rester en marge des mutations sociétales et l'auteur termine en écrivant : «car la visée d'un tel travail collectif ne peut résider que dans un réaménagement du vivre ensemble scolaire où il s'agit de concilier rigueur, efficacité et convivialité.»
Commentaires de M. D. Föllmi, conseiller d'Etat
Lors de sa séance du 30 septembre 1992 présidée par M. Roger Beer, vice-président, M. D. Föllmi, conseiller d'Etat, commenta le document : «Ecole genevoise, préserver l'essentiel».
Le département de l'instruction publique avait jugé indispensable d'entamer une réflexion face au déficit budgétaire de l'Etat et il mit en discussion un scénario ouvert afin de pouvoir prendre des décisions tout en poursuivant le dialogue avec les collaborateurs, les services et les établissements. Trois zones furent définies en vue d'économies possibles :
ce qui s'impose ;
ce qui ne serait pas dramatique ;
ce qui toucherait l'essentiel.
Il fallait définir l'essentiel, l'opinion publique ayant tendance à prétendre que tout pouvait être moins onéreux tout en travaillant d'une manière tout aussi efficace :
conserver le niveau global de formation ;
poursuivre la lutte contre les inégalités ;
privilégier le système éducatif ;
maintenir la qualité des relations humaines.
Un objectif précis et stable devait être fixé afin de pouvoir travailler dans un axe précis pour les années à venir.
Deux mesures générales ont été déterminées :
alléger l'horaire des élèves qui n'a cessé d'augmenter depuis plusieurs années ;
accroître le nombre moyen d'élèves par poste d'enseignant et non par classe.
Les mesures d'appui, les décharges et les dégrèvements devront être rediscutés.
Dix autres mesures de restructuration et de modernisation furent décidées :
progression dans le cursus : le redoublement est toujours important ; les classes préparatoires allongent encore le cursus ;
formation professionnelle : le nombre d'apprentis diminue fortement dans certains secteurs alors que l'on enregistre une augmentation d'élèves dans certaines écoles techniques et de métiers ; envisager une articulation entre ces deux formations et mettre des moyens en commun ;
subventions : étudier si une rationalisation des activités subventionnées, culturelles, sociales et sportives, est possible ;
activités parascolaires : il est prévu une organisation sous forme de fondation sur un modèle proche de celui ayant cours dans les centres de loisirs pour permettre aux communes d'être également présentes et aux parents de participer ;
formation des maîtres de l'enseignement primaire : il est envisagé de charger l'université de cette formation, ce qui permettrait aux maîtres d'avoir un diplôme universitaire et cela leur faciliterait un éventuel changement d'activité ;
secteur social et médico-social : il s'agit d'un secteur important concernant plus particulièrement le service de la jeunesse. Voir si certains secteurs ne pourraient être transférés sur le secteur privé ;
taxes et recettes : essayer de voir s'il est possible d'augmenter les recettes (taxes à l'université) ;
remplacements : renoncer aux remplacements de courte durée à partir de l'enseignement post-obligatoire ; les élèves doivent apprendre une certaine gestion autonome ; par ailleurs, chaque collège dispose de centre de documentation ou bibliothèque où les jeunes peuvent travailler ; dans l'enseignement obligatoire, les remplacements seront assurés ;
indemnités de fonction : elles représentent 12 millions de francs soit 120 postes ; voir s'il est possible de redistribuer certaines tâches ;
administration et services généraux : tous les services sont examinés en vue de trouver des économies.
Tous les responsables des différents secteurs furent invités à débattre de ces programmes avec leur personnel en vue, ensuite, de réaliser un plan de coordination.
Lors de la discussion qui suivit cet exposé, la majorité des députés relevèrent le travail remarquable accompli permettant une vision à long terme au travers d'une gestion dynamique et sérieuse. Les objectifs y sont clairs, les moyens sont encore à discuter et à négocier. Des questions surgissent toutefois concernant la démotivation du corps enseignant, la réduction de l'horaire scolaire qui ne devrait pas augmenter les devoirs à domicile, l'utilité des classes de raccordement pour les élèves indécis, la manière d'enseigner l'informatique au corps enseignant où, semble-t-il, règne un grand gaspillage, le maintien de cours fort peu fréquentés et enfin le problème du redoublement auquel Mme M.-L. François, secrétaire générale du département, répondit à la question suivante : «Quelle politique faut-il adopter face à l'échec scolaire?»
Mme François relève qu'une politique de rejet signifierait que l'école n'est réservée qu'à ceux qui ont des possibilités. Les cours d'appui furent instaurés pour diminuer les échecs ; or, on s'aperçoit que certaines écoles enregistrent jusqu'à 30 % d'échecs tout en ayant, dans le même temps, diminué le nombre d'élèves par classe. Le système doit être celui de la réussite pour un maximum d'élèves.
Il fut encore question de la durée des études qui, à Genève, sont plus longues qu'ailleurs.
Lors de sa séance du 14 octobre 1992, M. Michel Ramuz, directeur des services administratifs et financiers du département, nous informa que les éléments qui interviennent dans le document présenté se rapportent :
à l'ensemble des charges du personnel ;
à l'ensemble des biens et services ;
à la rubrique des subventions ;
à l'intégration des recettes.
Il précise qu'il n'y aura pas uniformité dans tous les secteurs et pas forcément linéarité dans le temps. Ce document sera utilisé à la commission des finances.
Puis, suite à quelques questions, Mme M.-L. François rappela que notre école est ouverte et doit lutter contre les inégalités et qu'il faut trouver d'autres mesures. Par le biais du document établi, le département a souhaité ouvrir une large discussion. L'école genevoise est de bonne qualité mais son coût est élevé.
Audition des représentants des associations d'enseignants
Les délégués présents regrettent le manque de négociations avec le département tout en relevant que leurs associations sont d'accord de faire des économies à condition que soit respectée une proportionnalité par élèves. L'instruction publique n'est pas compressible à souhait, des priorités doivent être définies et une procédure de concertation mise en place. Il serait aussi indispensable de connaître le montant nécessaire pour garantir l'enseignement voulu à Genève. Par ailleurs, les scénarios n'ont pas pu être discutés parmi les enseignants.
Un des commissaires demande quelles seraient les conditions nécessaires pour qu'une véritable discussion puisse avoir lieu.
L'une des représentantes relève que le débat a toujours eu lieu au sein de l'école, toutefois ce débat ne doit pas avoir lieu dans l'axe des économies. Le fait d'assurer qu'il n'y aura pas de licenciements permettra aux négociations de mieux se dérouler afin de définir des critères.
«Quelle école voulez-vous maintenir?» demandent les représentants des enseignants aux députés alors que ces derniers demandent aux enseignants : «Quelle école voulez-vous proposer?»
Les idées pédagogiques ne devraient-elles pas émerger avant les revendications syndicales?
Une accalmie au niveau des passions semble indispensable afin de pouvoir entamer un dialogue et trouver des solutions. Chacun étant susceptible de formuler des idées.
Audition de M. W. Hutmacher,directeur du service de la recherche sociologique
Lors de sa séance du 23 juin 1993, présidée par M. R. Beer, député, M. Hutmacher précisa qu'il avait été associé au groupe qui rédigea en 1992 le document «Préserver l'essentiel». C'est en tant que sociologue qu'il s'exprimera.
Il rappelle que le document prévoyait deux mesures générales :
alléger l'horaire des élèves ;
accroître le nombre d'élèves par poste d'enseignement.
Le nombre d'élèves par classe était considéré comme un indicateur de l'ampleur des ressources à Genève et ailleurs aussi. Cet indicateur n'est plus considéré comme fiable et comparable.
Le scénario prévu devait convaincre 12'000 personnes de la crise actuelle, il a provoqué des malentendus auprès des enseignants, l'idée ne passait pas car la réduction envisagée de 10% était considérée comme trop élevée et la question était de savoir si ce pourcentage serait appliqué dans chaque département. En plus, le conflit entre le Cartel et le Conseil d'Etat joua le rôle de caisse de résonnance.
Nulle part dans le scénario, il n'est question d'instaurer le redoublement et le paiement de l'enseignement enfantin ; ce document devait servir de base dans un processus de concertation.
Deux choses furent néfastes :
le rythme trop rapide de la présentation ;
le mauvais fonctionnement des relais internes.
Il ne faut pas omettre de relever que le département est un établissement sous-hiérarchisé dont les modalités de fonctionnement sont proches de celles qui furent en vigueur il y a 500 ans au Collège Calvin.
Plusieurs raisons provoquèrent cette crise :
crise morale due à la désorientation parmi les enseignants face à un certain mode d'organisation qui prévoit une uniformité de traitement pour donner une illusion d'égalité des chances ;
crise de la régularité due à un système bureaucratique dont le mode de contrôle porte sur la conformité des règles et non sur la finalité. Un enseignant ne peut pas dire que la méthode imposée n'est pas conforme aux objectifs. Dans un système bureaucratique, la hiérarchie impose ses objectifs ;
crise de la division du travail due à une dilution des responsabilités. Personne ne suit réellement l'élève. D'autre part, les parents deviennent plus exigeants et demandent une participation qui n'est pas compatible avec le système bureaucratique ;
crise de l'innovation due à l'exigence de faire autant avec moins ou plus avec la même chose. Il est indispensable d'investir dans les innovations. Pour exemple, dans le secteur de la chimie, on consacre le 10 % du chiffre d'affaire au développement, au département, c'est le 0,5 % qui est prévu. Il faut aussi réaliser qu'il est difficile de fonctionner et d'innover en même temps. Les autorités politiques doivent en prendre conscience car inventer une nouvelle école ne se fait pas en un jour. Il faudra du temps.
Suite à quelques réflexions émanant des commissaires, M. Hutmacher rappelle que Genève bénéficie d'un bon système d'enseignement, il aurait fallu le rappeler dans les scénarios ; actuellement, une recherche de sa transformation doit être envisagée tout en ne rendant pas les enseignants responsables des erreurs commises. Comment faire passer le message? «Préserver l'essentiel» fut rédigé dans l'espoir qu'il serait lu et compris par tous. L'essai tenté par le département n'a pas été heureux ; toutefois le climat s'est quelque peu transformé et l'opinion est actuellement acquise à une certaine réflexion.
Dans la seconde partie de cette audition, M. Hutmacher fait quelques commentaires au sujet de son livre : «Quand la réalité résiste à la lutte contre l'échec scolaire.»
Un enfant est considéré en échec scolaire lorsqu'il n'a pas pu absorber le programme prévu. L'indicateur de cet échec est le redoublement qui, dans l'ensemble, est considéré par les enseignants comme une bonne décision permettant à l'enfant de mûrir.
Notre interlocuteur a constaté que les élèves ayant doublé une classe primaire, avaient dans l'ensemble, trois fois moins de chance d'entrer dans une section latine ou scientifique du cycle d'orientation. Adolescents, les enfants ont assimilé le jugement de l'école et ont de la peine à s'en défaire. Le redoublement n'est pas un bon indicateur, l'école doit être un lieu de réussite où l'on apprend les techniques de base : lire, écrire, compter, communiquer. La sélection commencera après avoir acquis ces notions indispensables. Rien n'est simple sinon tout serait déjà entrepris!
Audition de la Société pédagogique genevoise
Lors de sa séance du 30 juin 1993, présidée par M. R. Beer, député, notre commission reçut deux représentants de la SPG qui précisèrent que le document établi par M. Hutmacher est important et permettra à chacun de se remettre en question ; toutefois les enseignants ne doivent pas être les seuls à devoir le faire. Qualitativement, il y a une évolution à prendre en compte face aux réalités :
illétrisme chez certains parents ;
transformation de la famille due au divorce ;
évolution du secteur spécialisé qui reçoit des enfants toujours plus lourdement atteints et qui posent des problèmes d'intégration dans les classes.
Il ne faut pas confondre redoublement et échec scolaire. Le redoublement pouvant être selon nos interlocuteurs, une bonne chose. Durant ces 20 dernières années, une évolution a marqué l'enseignement au niveau de la mathématique, du français, de l'allemand, toutefois sans entreprendre une modification fondamentale de l'évaluation, d'où une discordance entre l'évolution didactique et l'évaluation.
La structure hiérarchique devient obsolète, il serait nécessaire de redéfinir le rôle entre les inspecteurs et le corps enseignant.
M. Hutmacher dans son ouvrage, a relevé qu'il n'y avait presque pas de redoublement lorsqu'un enseignant gardait sa classe deux ans de suite. La SPG est acquise à cette idée depuis fort longtemps et a bien joué son rôle dans le développement de l'appui pédagogique. La proposition de revoir le cursus de l'enfant dans le primaire, d'une manière plus globale, intéresse les enseignants et permettra de discuter non seulement sur le plan financier mais aussi sur un plan qualitatif afin de pouvoir donner à l'enfant une base solide avant qu'il ne se lance dans la voie qu'il a choisie.
Audition du directeur du collège de Saussureet du directeur adjoint du collège de Staël
Lors de cette même séance, notre commission entendit les responsables de ces deux collèges qui axèrent leurs interventions essentiellement sur le plan des économies.
Le collège de Saussure créa une commission en vue d'étudier les diverses possibilités de faire des économies et examina secteur par secteur les conséquences prévisibles. Cette étude a porté sur les dégrèvements, l'enseignement facultatif et le dépannage, la possibilité de préparer plusieurs maturités, tout en nous faisant remarquer que l'effort sur le plan des économies a déjà été entrepris depuis quelques années déjà et qu'il est illusoire de penser que les mesures d'économie sont cumulatives. Il y a certes des choix à faire, ils seront difficiles car on ne peut pas seulement se fixer sur la suppression de postes ; il serait aussi judicieux de penser au renouvellement du corps enseignant qui, lui aussi, vieillit. En outre, les économies faites au niveau des collèges devraient pouvoir être réinvesties dans les collèges.
Il fut ensuite encore question de l'autonomie des collèges, autonomie qui devrait pouvoir être élargie et non diminuée, chaque établissement ayant son caractère propre et ses activités spécifiques, ce qui leur donne une certaine identité.
Audition de l'office de la jeunesse
En cette même séance, notre commission entendit le directeur général, accompagné d'une de ses collaboratrices, de l'office de la jeunesse qui nous affirma que Genève est le canton qui possède le meilleur encadrement par personne et par habitant en Europe et que le département de l'instruction publique est le seul département en Suisse regroupant les services qui s'occupent des mineurs.
L'office de la jeunesse est un service d'appui destiné à toute la population, jeunes et moins jeunes, de prévention et de prise en charge. Quant aux prestations de cet office, une tradition consistait à toujours les ajouter les unes aux autres, sans prendre la peine de réfléchir aux possibilités de faire différemment pour essayer de préserver ces prestations et sans entreprendre plusieurs fois le même travail. Il est indispensable de rester efficace à tous les niveaux.
Tous les collaborateurs ont été associés aux études du scénario basé sur le document «Préserver l'essentiel» afin de pouvoir analyser les différents secteurs au vu de la situation économique actuelle qui exige que les problèmes soient traités autrement que par le passé. Le service désire aller vers une rationalisation afin d'éviter les doublons. A un certain stade, il sera difficile d'aller au-delà sans devoir être dans l'obligation de supprimer certaines prestations. Actuellement, il s'agit d'hypothèses qu'il faudra analyser, puis il faudra définir les priorités tout en poursuivant la réflexion.
Audition de M. D. Föllmi, conseiller d'Etat
Lors de sa séance du 25 août 1993, présidée par M. Roger Beer, député, M. D. Föllmi accompagné de Mme M.-L. François, secrétaire générale, nous rappela que le scénario décrit dans «Préserver l'essentiel» s'inscrit dans la ligne du document publié en 1989 : «L'an 2000, c'est demain où va l'école genevoise?»
Déjà en 1989, il avait été posé aux cadres du département, le problème de savoir si les crédits devaient être augmentés.
Trois objectifs avaient été définis :
étudier une remise en question de certaines pratiques ;
étudier une modernisation de l'école qui ne peut être la même qu'en 1960 ;
exprimer la volonté de préserver l'essentiel.
Il s'agissait de propositions de thèmes de discussion et de réflexion. Malheureusement, ce document est arrivé à un moment où la passion fut plus forte que la réflexion. M. Föllmi relève qu'en cette dernière année scolaire, les recours qu'il a reçus ne demandaient plus un droit au redoublement mais un droit à la réussite scolaire. Avant tout, il est indispensable de connaître les raisons du redoublement, de les analyser puis d'en déduire les conséquences.
Un forum évoquant ce sujet sera organisé au sein de l'enseignement primaire.
L'égalité des chances, constate Mme François, n'est jamais complètement réalisée, elle demeure un objectif. La politique scolaire a dû perdre un certain nombre de ses illusions. Et la gratuité des études ne profite pas aux moins favorisés! L'école restera le reflet d'une société qui ne peut pas être égale, son but sera de donner à chacun ce dont il a besoin pour être le mieux armé face à la vie. Le redoublement n'a pas la même valeur pour tous et ceci d'autant plus dans une période où les familles voient leurs revenus diminuer.
Il fut encore question de l'augmentation des taxes de l'université accompagnée d'une augmentation des allocations d'études. Actuellement, les négociations ne sont pas conclues certains estimant que le montant devrait être affecté au budget général, ce qui est contesté par les étudiants.
Quant aux économies faites par le département, elles se concrétisent par une diminution de 2 % sur les postes et de 12 % sur les 3 % du budget pour le crédit de fonctionnement.
Remarques finales
Avant de terminer ce rapport, il me semble utile de citer un article paru récemment dans la presse où Samuel Roller, qui fut le premier directeur du service de la recherche pédagogique à Genève et codirecteur de l'Institut des sciences et de l'éducation avec Jean Piaget, compare une année scolaire à «un champ de course sur lequel les élèves s'élancent avec des bonheurs divers. Inévitablement, il y a des gagnants et des perdants.»
N'oublions pas que les intelligences se développent pour les uns précocement et pour les autres plus tardivement, le milieu familial ayant aussi une grande influence dans la réussite ou dans l'échec. Couler dans le moule du programme d'une année tous les enfants d'une même classe, devient une exigence insoutenable et pour les maîtres, enseigner dans de telles conditions, est une gageure. C'est l'école elle-même qui fabrique le redoublement. Quant aux élèves possédant un esprit particulièrement vif et qui auraient pu aller plus vite et plus loin, l'école les prie d'attendre.
Que faire?
L'idée nouvelle serait de présenter un cursus plus souple qui s'appuierait sur des notions fondamentales au travers desquelles l'occasion serait donnée à l'enfant d'apprendre pour maîtriser ces projets d'apprentissage. Rénover notre école où le redoublement serait banni!
Le parti socialiste genevois publia le livre rose de l'enseignement comprenant dix propositions concrètes :
encourager les projets parallèles aux voies purement gymnasiales afin de valoriser l'apprentissage et de briser les préjugés négatifs au moment de l'orientation ;
accorder une plus grande autonomie aux établissements scolaires, notamment en matière de gestion des ressources matérielles et humaines, pour autant que les programmes fondamentaux restent communs à tous les élèves ;
mieux tenir compte dans la scolarité obligatoire, des nombreux cours suivis par les élèves à l'extérieur (art, sport, langues) ;
intégrer dans l'évaluation du travail scolaire les résultats obtenus par les élèves migrants pour les cours qu'ils suivent dans leur langue d'origine ;
instaurer un système de promotion par blocs semestriels (redoublement dans les disciplines déficitaires uniquement) ;
favoriser les initiatives intégrant l'éducation interculturelle dans la vie quotidienne des classes ;
réformer le système des taxes universitaires en les calculant en fonction du revenu ;
soutenir l'intégration plus systématique des enfants et adolescents mentalement ou physiquement handicapés dans le système scolaire ;
refuser tout numerus clausus à l'université ;
instituer une «Fête des sports» et redonner au sport, dans le cadre de l'enseignement, sa véritable dimension culturelle et sociale.
Quant au parti radical, ses propositions sont les suivantes :
alléger l'horaire scolaire en relation avec une révision des programmes ;
accentuer l'effort sur la modulation du nombre d'élèves par enseignant selon deux axes :
a) augmentation du nombre d'élèves par classe dans des limites tolérables tout en maintenant les effectifs moyens actuels à l'école primaire et dans certaines sections du cycle d'orientation (pratique et générale). Assouplir la répartition géographique des élèves ;
b) dégraissage des heures de décharge et de dégrèvement ;
étudier le projet sur la pré-retraite ;
réviser le cursus scolaire en étudiant une formation par points et par équipe pour éviter les redoublements ;
remettre en question le subventionnement automatique ;
diminuer les coûts de formation continue interne en remplaçant les cours coûteux par un plan de carrière des enseignants axé sur leur mobilité dans l'institution ;
supprimer les remplacements à court terme dans le post-obligatoire ;
diminuer les charges de l'université notamment avec la création d'un conseil commun des universités.
Les propositions sont nombreuses, une réflexion plus approfondie devient urgente et nécessaire. Tout évolue et ceci est heureux. Même au niveau des attitudes, il semble qu'aujourd'hui chacun a pris conscience de la nécessité de remettre l'ouvrage de l'enseignement sur le métier afin de lui trouver de nouvelles perspectives adaptées aux nouvelles générations qui composeront l'an 2000.
Ce rapport vous est présenté, Mesdames et Messieurs les députés, en réponse à la motion 848, à la résolution de l'Association du personnel de l'école Jean-Piaget et à la pétition 977. Il a pour mission de vous informer sur les divers travaux effectués par la commission de l'enseignement et vous offre les informations reçues lors des diverss auditions, ceci pour une meilleure compréhension du document «Préserver l'essentiel» et comme incitation à poursuivre les travaux en vue d'une rénovation de notre école, entre toutes les parties concernées, afin de trouver des solutions acceptables en faveur des enfants qui, demain, formeront notre société et enrichiront notre civilisation par de nouvelles idées et de nouvelles réalisations. Rien n'est acquis, tout évolue!
Commentaires de la représentante du parti socialiste
Si...
Si «préserver l'essentiel» avait fait l'objet, ne serait-ce au moins que d'une simple information au sein des partenaires du département de l'instruction publique avant d'être distribué à la presse,
Si «préserver l'essentiel» n'avait pas été accompagné de consignes strictes, et ultra-confidentielles, précisant que l'objectif de 10 à 12 % d'économies n'était en aucun cas négociable,
Si «préserver l'essentiel» avait été présenté à un autre moment que durant les tensions impliquant l'ensemble de la fonction publique,
Si «préserver l'essentiel» avait mieux expliqué ce qui était proposé en évitant ainsi d'affoler les enseignants, les parents et leurs associations,
Si «préserver l'essentiel» avait déclaré tenir compte des augmentations prévues des effectifs d'élèves durant les prochaines années,
Si «préserver l'essentiel» n'avait pas précisé que ce serait seulement après ces 10 à 12 % d'économies que l'on se donnerait la peine de consulter la population,
Si «préserver l'essentiel» avait évalué les conséquences, positives ou négatives, de chaque proposition émise,
Alors... «préserver l'essentiel» aurait pu être un document de travail intéressant.
Hélas une succession de hasards malheureux, de décisions précipitées et d'erreurs font qu'aujourd'hui on ne peut que constater l'échec. Et s'il faut absolument continuer à chercher ce qu'est l'essentiel pour l'instruction publique, il s'avère préférable par contre d'oublier le document «préserver l'essentiel».
Au surplus, et dans le cadre du rapport à la motion 848, le parti socialiste tient à réaffirmer les éléments suivants.
En période de crise, la formation de la génération montante ainsi que des adultes prend une importance toute particulière. Face au chômage, les jeunes doivent être en possession d'une base solide leur permettant de s'adapter à des situations diverses et évolutives ainsi que d'être mobiles. D'autre part les nombreux défis auxquels seront confrontés les adultes de demain ne devraient pas nous laisser le choix aujourd'hui. Il est impératif de leur donner les moyens de relever ces défis : difficultés économiques, catastrophes écologiques, fossé grandissant Nord-Sud, auquel s'ajoute les tensions de l'Est, flux migratoires prévisibles, etc. Seule une jeunesse bien formée pourra y faire face.
Le département de l'instruction publique est une priorité de la collectivité et un département essentiel au sein de la politique de l'Etat. Aucune mesure ne peut être évaluée à court terme, c'est toute la société de demain qui se construit aujourd'hui.
Et si Genève a pu échapper aux tensions qu'ont connues Zurich et Lausanne (Lôsanne bouge), c'est aussi peut-être dû à la valeur de l'école genevoise.
Aujourd'hui rappeler que l'école genevoise est de qualité, démocratique, individualisée, offrant l'intégration à des enfants marginalisés, handicapés ou étrangers, c'est montrer les acquis très importants de ces dernières années. Et le parti socialiste entend ne pas considérer tout ce qui a été mis en place comme des gadgets devenus aujourd'hui inutiles, crise oblige. Certes, l'école ne peut simplement s'asseoir sur ses acquis. La démocratisation des études doit être un processus de réflexions permanent, les paramètres évoluant : environnement socio-culturel, perspectives scolaires, type de population des classes, etc.
Il faut donc que notre école reste une école généreuse, ouverte et démocratique. Pour cela la réflexion doit s'installer entre les divers partenaires, afin d'une part de définir ensemble des projets permettant à l'école d'intégrer tous les types d'enseignement, les valeurs, l'éthique, et d'autre part de réintégrer la confiance et de revaloriser le travail des enseignants.
En concluson, l'article 4 de la loi sur l'instruction publique, ainsi que le document «où va l'école genevoise?» proposant 5 chantiers, nous paraissent être des points d'ancrage fort positifs permettant de progresser dans la réflexion. Si la volonté d'économies doit être bien présente dans toute cette recherche, elle ne doit cependant jamais l'emporter sur les principes fondamentaux de l'école.
Enfin, une citation de Jean Jaurès sera le mot de la fin : «L'instruction coûte cher? Essayez donc l'ignorance...»
Elisabeth Reusse-Decrey
Commentaires du représentant du parti communiste
Mesdames et Messieurs les députés,
Lorsque nous avons reçu, en septembre 1992, le document «Ecole genevoise : préserver l'essentiel - Un scénario ouvert pour réaliser 10 à 12 % d'économies jusqu'en 1997» nous avons immédiatement déclaré que nous n'étions pas d'accord ni avec ses objectifs, ni avec ses méthodes ou son contenu. Simplement parce que les conditions ou les pré-requis tant politiques qu'institutionnels n'étaient pas réunis pour l'examiner sereinement. Plus, une première analyse nous invitait à nous dissocier d'une initiative qui visait avant tout, sous le prétexte d'économie budgétaire, à proclamer l'échec de la démocratisation des études en exigeant le démantèlement du dispositif genevois d'enseignement et de formation. Nul ne pouvait s'y tromper, il s'agissait bien de ce dessein-là, sous des vernis aux reflets vaguement progressistes teintés d'inéluctable.
Nous n'avons pas varié dans cette opinion. En une année les faits ont eu plutôt tendance à nous donner raison. Ainsi, M. Föllmi avertissait que si l'on touchait à l'essentiel, il devrait s'engager un débat de fond et en découler des décisions d'ordre politique. Il s'en va. Faute d'avoir pu mener à bien cette discussion. Otage d'une majorité qui n'en veut plus. La concertation souhaitée, qui fondait cette aventure, n'a vraiment pas eu lieu. Et pourtant l'ensemble du dispositif scolaire était touché, dans chacun de ses éléments. Cette saison scolaire, il y eu, au plus, des prises de positions, des affrontements, des prescriptions institutionnelles, des injonctions sous le coup d'impositions budgétaires. La classe scolaire a dû plier sous la force. La minorité politique aussi, sous le nombre. Maintenant, nous vivons le temps des élections, avec sa remise en jeu de toutes les cartes, un temps qui sert simplement à redéfinir le contour des cases de l'échiquier et désigner les prochains jours du jeu politique.
L'Ecole genevoise demeure bien au centre de cet enjeu.
Et il conviendra que l'on s'en préoccupe une fois cette partie jouée.
En attendant, et pour un certain temps encore, le plus sage serait d'inviter les décideurs institutionnels à un moratoire. Il est urgent de ne plus prendre d'autres mesures avant, d'une part, d'avoir jugé de l'effet de celles qui ont déjà été prises et, d'autre part, de dégager une perspective globale susceptible de rencontrer l'adhésion du plus grand nombre. Et pour arriver à cette fin prioritaire, pourquoi ne pas mettre en place un «forum sur l'enseignement et l'éducation», véritable lieu et moment où s'élabore une politique globale? Si l'on veut sortir des prêts-à-penser, des affrontements stériles ou des lieux communs et puisque l'on nous affirme de toutes parts que nous traversons une période où les valeurs d'hier deviennent les incertitudes d'aujourd'hui, où les références s'estompent ; si l'on veut être imaginatif, créatif et envisager toutes les solutions possibles, comment éviter de telles confrontations ?
Bien sûr ce défi ne pourra s'entreprendre sans une réelle volonté politique et sans considérer un certain nombre de préambules. Il reviendrait au forum la mission de concevoir et de débattre des perspectives et à la commission de l'enseignement et de l'éducation de les recommander à l'approbation des Autorités. Nous en finirons ainsi avec une commission aux rôles antagonistes : une instance de réflexion/concertation et d'analyse/élaboration de prises de décisions parlementaires. D'emblée et malheureusement le forum devrait tenir compte des difficultés financières que traversent actuellement les collectivités publiques tout en sachant que la formation, dans la hiérarchie des investissements, occupe une place fondamentale, primordiale. Mais surtout, il se devrait de continuer à démocratiser les études, de favoriser l'égalité des chances de formation, de tabler sur de nouvelles pédagogies centrées sur l'élève, qui continuent à mettre en avant les dimensions d'autonomie de l'individu, son esprit critique et son épanouissement en tant qu'être humain.
Un débat, ainsi compris au sein d'un forum, n'est pas l'apanage des rêveurs ou des tièdes, il est au coeur de l'esprit qui a toujours animé la République et son école. Seule la participation réelle de tous les acteurs concernés pourra permettre la restauration d'un climat de confiance nécessaire à l'ouverture de ce débat urgent et indispensable. Il pourrait se documenter sur des recherches telle celle de W. Hutmacher «Quand la réalité résiste à la lutte contre l'échec scolaire» (dont, bien trop souvent, on extrait les propos qui arrangent et occulte ceux qui dérangent, quand on n'oublie pas, en toute candeur, que d'autres écrits pertinents sur l'école sont à notre disposition). Il devrait nous autoriser à dresser quelques perspectives tenues comme provisoirement pertinentes, juste le temps d'oser envisager une réorganisation du contenu et des méthodes d'enseignement, des méthodes d'évaluation. Il se permettrait d'expérimenter et d'évaluer. Il pourrait s'inscrire dans le temps. Les difficultés que rencontre l'école sont de même nature que celles que traverse l'ensemble de la société. Et c'est dans l'apprentissage de leur dépassement que réside une des clés de la formation.
Sur ce, allons d'abord voter!
Jacques Boesch, 27 septembre 1993
Commentaires de la représentante du parti écologiste
«Préserver l'essentiel», l'école.
Au terme d'une longue saga ayant fait perdre au document considéré beaucoup de son actualité ;
après avoir pris connaissance de l'étude sur le redoublement ;
à la veille de reprendre la discussion sur l'école avec un ou une nouvelle cheffe de département et avec un parlement recomposé,
la commission de l'enseignement rend son rapport d'information au Grand Conseil, en ayant soigneusement évité de prendre une position politique.
Le scénario ouvert «Préserver l'essentiel» parle des moyens et les enseignants répondent sur le fond : la loi sur l'instruction publique, article 4 en particulier.
La systématisation de l'opposition relative aux moyens n'est cependant guère plus motivée que ne le sont les propositions d'économies. De part et d'autre les évaluations et les projets font défaut, au-delà des principes ou des expériences partielles.
La bonne question est en définitive :
Quelle est la place et le rôle de l'instruction publique dans la société, notamment dans l'économie?
Quelle école voulons-nous et quels moyens devons-nous alors engager?
Les écologistes utilisent cinq critères pour analyser les problèmes. Cette approche est pertinente à l'égard de l'instruction publique et doit être un préalable aux mesures envisagées.
Premier critère : le long terme
L'investissement dans l'enseignement est le placement à long terme par excellence. L'enseignement est le garant de l'avenir du développement des potentialités individuelles et de la créativité, il est le garant de l'intégration sociale et il permet d'acquérir des compétences directement ou indirectement utiles à la vie professionnelle et sociale.
A ce titre il ne saurait être soumis à des réductions linéaires, pas plus qu'il ne saurait être globalement épargné. L'enseignement doit faire l'objet d'analyses différenciées en regard des objectifs poursuivis. A moyen terme c'est non seulement le maintien de l'effort de la collectivité pour l'instruction publique qui doit être promu, mais son développement pour renouveler ses objectifs essentiels.
2e critère : la qualité
Il existe d'une part un certain consensus autour de la qualité de l'école genevoise et de sa capacité d'intégration et d'autre part une certaine pression à assimiler les fonctionnements de l'Etat à ceux de l'économie privée, en terme d'efficacité, comme si les rôles de l'Etat ne remplissaient pas justement des fonctions que l'économie ignore.
L'opinion publique estime et défend l'école publique genevoise.
Les partis aussi, à l'exception des libéraux qui, sans honte, propose une exonération fiscale de ceux qui peuvent payer à leurs enfants une instruction privée.
Pour les écologistes, l'école occupe une situation privilégiée quand il s'agit de favoriser la croissance de la qualité de la vie et des rapports sociaux. Le développement humain, à l'inverse du maldéveloppement économique, n'épuise pas les matières premières (il est, d'une certaine manière un capital renouvelable), il ne pollue pas, il sera celui que privilégiera le siècle prochain.
Nous sommes aujourd'hui au centre d'un «capitalisme d'information». Les activités qui occupent la place centrale ne sont plus celles qui visent à produire et à distribuer des objets, mais celles qui produisent et distribuent du savoir. Les ressources traditionnelles (travail, richesses naturelles et capital) rapportent de moins en moins. La principale source de richesse, c'est désormais l'information et le savoir.
Une formation générale de très haut niveau est socialement et économiquement indispensable. Cette formation générale doit apprendre à apprendre.
3e critère : la solidarité
Où l'on retrouve les objets de la démocratisation des études.
Le principe doit en être défendu, non pas comme étant déjà réalisé, mais en tant que processus dynamique, évolutif et adaptable : l'effort doit donc être poursuivi, et même intensifié sous des formes encore à inventer, notamment en ce qui concerne la formation des adultes (vers des cursus professionnels, alternativement, de formation, évitant de distribuer les hommes en producteurs ou chômeurs).
4e critère : la décentralisation
Ce critère est prioritaire quant aux structures de pouvoir. Il postule que les responsabilités doivent être attribuées au niveau le plus bas possible.
L'école représente pour l'élève un modèle de fonctionnement social, il est à ce titre nécessaire de lui donner à lire.
Les équipes pédagogiques prenant la responsabilité d'un cursus complet ou partiel d'un groupe d'élèves donnent un exemple de cette réappropriation professionnelle des responsabilités.
5e critère : la diversité
La loi sur l'instruction publique fait explicitement référence au respect de la personnalité de l'élève. La condition de ce respect passe par la diversité des approches pédagogiques et par l'individualisation de l'enseignement qui permet à l'élève de fortifier son identité. Cette diversité est seule à même de répondre au défi posé par l'intégration d'élèves de milieux socio-culturels et éthniques extrêmes et variés comme c'est le cas à Genève. Le système scolaire doit donc cultiver la souplesse, l'adaptabilité face aux différentes cultures et aux changements sociaux, de manière à conserver sa capacité d'intégration.
Les repères classiques de l'école genevoise restent pertinents :
école publique obligatoire et gratuite ;
démocratisation des études ;
intégration des jeunes personnes aux origines culturelles multiples, aux handicapés.
Les problèmes budgétaires du canton précipitent le questionnement sur le rôle de l'école, questionnement et innovation rendus nécessaires par les mutations de notre société. Les quelques considérations ci-dessus incitent à ouvrir l'école et à ne pas la soustraire aux changements de son environnement.
Gabrielle Maulini-Dreyfus
(977)
PÉTITION
concernant les restrictions budgétairesdans le domaine de l'enseignement
Nous, soussigné(e)s, sommes alarmés par les diverses mesures d'économie que vous avez l'intention d'imposer à l'école genevoise afin de contribuer au redressement des finances de l'Etat. Il nous paraît intolérable qu'en temps de crise économique et de difficultés budgétaires de l'Etat vous sacrifiez des acquis pédagogiques et sociaux qui ont fait leur preuve dans le domaine de l'éducation et qui contribuent à maintenir l'équilibre de notre société.
Nous demandons donc à l'Etat qu'il préserve le caractère prioritaire de l'éducation. Nous ne pouvons pas admettre que vous mettiez en danger les prestations que l'école offre actuellement. Nous estimerions en effet très regrettable que par votre initiative nous devions assister à une dégradation de l'école genevoise.
Nous sommes bien entendu conscients des énormes difficultés que rencontre actuellement l'Etat à gérer son budget, mais nous sommes convaincus qu'il peut économiser dans d'autres domaines et envisager des sources supplémentaires de revenus.
N.B. : 1'063 signatures
Association des parents d'élèvesde Pâquis-Centre
Case postale 65
1211 Genève 21
En réponse à la pétition concernant les restrictions budgétaires dans le domaine de l'enseignement émanant de l'Association des parents d'élèves de Pâquis-Centre qui s'inquiètent des diverses mesures d'économie imposées par le redressement des finances de l'Etat et dès lors craignent la disparition des acquis pédagogiques et sociaux.
Ce rapport à la motion 848 peut apporter une réponse aux inquiétudes émises par les parents. Il est clairement dit que :
le niveau global de formation sera conservé ;
la lutte contre les inégalités sera poursuivie ;
le système éducatif sera privilégié ;
la qualité des relations humaines sera maintenue.
Dans le scénario «Préserver l'essentiel», il n'a jamais été question de supprimer ou d'instaurer le redoublement ou de faire payer l'enseignement enfantin.
Il est certain que bien des pratiques de l'enseignement doivent être réétudiées en vue d'une modernisation de l'école qui ne peut pas être la même qu'il y a 20 ans. Tout évolue et doit être adapté aux nouvelles perspectives.
Les membres de la commission de l'enseignement furent très partagés quant à leur position face à cette pétition. Finalement, c'est par 7 voix pour et 6 voix contre que nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer cette pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rappel
La pétition 977 lancée par l'Association des parents d'élèves de Pâquis-Centre en novembre 1992 a recueilli 1'063 signatures. Elle a fait suite à la parution du document «Préserver l'essentiel». Si la commission s'est penchée sur cette unique pétition, il faut savoir cependant que durant ce mois de novembre, de très nombreuses lettres, lettres ouvertes, résolutions, déclarations et autres remarques sont parvenues aux députés sur ce même sujet. Adressées soit au département de l'instruction publique, soit au Grand Conseil, soit encore au président de la commission de l'enseignement, la plupart ont été transmises aux commissaires. En préambule il s'avère peut-être utile de rappeler ici la provenance de ces diverses interventions :
Association des parents d'élèves de Pervenches et Monfalcon.
Association des parents d'élèves de Geisendorf.
Association des parents d'élèves des Grottes, Cropettes et du Vidollet.
Association des parents d'élèves du Val-d'Arve.
Assemblée du personnel du service médico-pédagogique.
Le centre de rééducation et d'enseignement de la Roseraie.
Assemblée du collège de Cayla.
Les enseignants de l'école Geisendorf.
Les enseignants de la division moyenne de l'école de Pâquis-Centre.
Association des maîtres de la Florence.
Collège de Saussure.
Association du personnel de l'école Jean-Piaget.
Association du personnel de Budé.
Groupement cantonal genevois des associations de parents d'élèves des écoles primaires et enfantines (GAPP).
De plus ont demandé à être auditionnées pour nous faire valoir leurs arguments, les différentes associations d'enseignants.
Enfin les jeunes se sont manifestés, à leur manière sur ce même sujet, en descendant dans la rue.
Pour des raisons de temps et d'organisation, il aurait été impossible à la commission de l'enseignement d'entendre toutes les associations, organismes et autres personnes qui avaient fait valoir leurs arguments. Comme visiblement le souci porté en était le même, les commissaires ont choisi de n'auditionner que l'Association des parents d'élèves de Pâquis-Centre, bien conscients que les quelques personnes présentes représentaient en fait un front très large.
«Préserver l'essentiel»
«Préserver l'essentiel», par la plume de Mme Yvonne Humbert, a fait l'objet d'un large compte rendu d'auditions diverses dans le rapport à la motion M 848. Inutile donc de revenir dans ce rapport de minorité sur le contenu du document, mais il est nécessaire d'expliquer et de décrire les réactions qu'il a suscitées et les attentes des uns et des autres, véritable objet de la pétition sus-mentionnée.
Pourquoi une telle «crise» autour du document «Préserver l'essentiel»? M. Walo Hutmacher y répond ainsi :
1. le rythme a été trop rapide : «On lance en une heure un document d'une telle importance» ;
2. les relais internes n'ont pas bien fonctionné.
Ces deux points faibles de la procédure ont eu pour conséquence que de très nombreux parents, la quasi-totalité des enseignants, les différents partenaires du département, ainsi que certains élèves ont réagi fort négativement à ce document, réactions provoquées essentiellement par l'inquiétude d'une détérioration de la qualité de l'enseignement. Quelques éléments reviennent d'ailleurs presque systématiquement dans les courriers reçus et les interventions entendues :
La nécessité de faire des économies est largement reconnue, mais :
l'inquiétude est très vive ;
l'importance de la qualité de l'enseignement pour la société de demain est considérée comme primordiale ;
le besoin de concertation et d'évaluation est omniprésent ;
le maintien d'un budget proportionnel par élève doit être respecté.
Inquiétude très vive
Un certain nombre de propositions émises dans «Préserver l'essentiel» ont inquiété les parents, principalement sur deux points. Le côté financier tout d'abord, certaines réflexions pouvant laisser supposer que quelques prestations allaient devenir payantes. Et l'aspect de la qualité de l'enseignement d'autre part qui semblait risquer des atteintes, au travers de la suppression de certains types d'accompagnement plus personnalisé.
Importance de la qualité de l'enseignement pour la société de demain
Les personnes qui se sont exprimées ont souligné l'importance et le rôle primordial joué par l'école pour l'avenir d'une société. Seuls des jeunes bien formés et bien préparés seront aptes à construire des lendemains porteurs. Une phrase parue dans un hebdomadaire fut citée, reflétant bien cette image : «l'école doit non seulement préparer les enfants à un avenir qui change, mais aussi leur donner les moyens de changer l'avenir.»
Besoin de concertation et d'évaluation
Malgré l'existence de commissions qui réunissent divers délégués au sein du département, tant les parents que les enseignants ont eu l'impression que leurs bases étaient totalement tenues à l'écart des options prises et qu'aucune consultation n'avait été opérée. Une fois les tensions apparues, il n'a dès lors plus été possible de dialoguer sur le document «Préserver l'essentiel». Aujourd'hui la frustration est grande à tous les niveaux et les attentes pour de véritables négociations, consultations, concertations et même coopérations, comme l'a dit M. Walo Hutmacher, se font extrêmement pressantes.
Maintien d'un budget proportionnel par élève
S'il est difficile d'évaluer avec précision l'évolution des effectifs des élèves durant les prochaines années, il est cependant certain qu'ils seront en nette progression (+ 1'630 entre 1993 et 1996). Le flou laissé sur cet aspect provoque lui aussi questions et inquiétudes. Diminuer des postes sans tenir compte de l'augmentation des effectifs prévisibles aboutira à une diminution plus importante du budget proportionnel par élève.
Conclusion
Tout cela est très complexe : nécessité de faire des économies, mais où?, comment?, avec quels risques pour le long terme?, en associant tous les partenaires concernés?
Quelques points semblent cependant certains :
il ne sera pas possible de faire des économies avec une seule hiérarchie qui décide ;
il faut une réflexion globale et portant sur le long terme évitant les sacrifices successifs qui ne feront qu'augmenter la rigidité de chaque partie ;
il ne faut pas seulement prévoir une résolution de ce qui est, mais tenter d'imaginer autre chose, et surtout oser imaginer autre chose. Notre école genevoise doit marcher avec la vie.
Bien consciente que de telles déclarations ne seront pas faciles à mettre en vigueur, la minorité de la commission (ps., pdt., peg.) espère cependant que tout sera mis en oeuvre pour y parvenir. C'est pourquoi elle estime que les attentes et demandes des pétitionnaires, porte-parole de très nombreux autres citoyennes et citoyens de ce canton, sont suffisamment fondées et importantes pour que cette pétition soit entendue. Par conséquent elle ne doit pas faire l'objet d'un simple renvoi à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil mais être renvoyée au Conseil d'Etat.
Débat
Mme Yvonne Humbert (L), rapporteuse de majorité. J'aimerais vous rappeler que le rapport de la motion 848 demandait une information détaillée du document «Préserver l'essentiel». Chacun s'y est exprimé assez largement et ce parlement peut simplement en prendre acte. Dans la même foulée, il permet aussi de répondre à la pétition 977 qui traite des restrictions budgétaires dans le domaine de l'enseignement. En effet, les pétitionnaires alarmés par les diverses mesures d'économies n'admettent pas de sacrifier les acquis pédagogiques et sociaux, ceci dans le but de maintenir l'équilibre de notre société. Il demande de préserver le caractère prioritaire de l'éducation. Je puis vous assurer que le caractère prioritaire de l'éducation n'a jamais été oublié. Au contraire, il est le souci de chacun. Simplement, il va falloir définir ce qui est prioritaire et ce qui est indispensable pour que nos écoliers reçoivent une base solide leur permettant ensuite d'acquérir un métier, qu'il soit manuel ou intellectuel.
Lors du dernier colloque des enseignants primaires, il m'a été agréable de constater que la conscience professionnelle de nos pédagogues existe. Ils se rendent compte de la nécessité de transformer et d'adapter certaines méthodes et certaines attitudes. L'augmentation du redoublement des élèves les inquiète. L'échec scolaire d'un élève représente aussi un échec pour le maître. Notre école ne doit pas être une école de l'échec mais une école de la réussite. Il a été constaté qu'un élève redoublant une année ne se retrouvait que rarement dans les sections scientifiques ou latines du cycle d'orientation, ceci par le fait que l'enfant reste ancré sur un sentiment d'échec qui ne lui permet pas de progresser normalement.
Ce dernier colloque des enseignants primaires nous prouve qu'une concertation sérieuse s'est mise en place, permettant de dévoiler les pistes sur lesquelles l'on peut s'engager pour favoriser la réussite scolaire tout en restant dans l'enveloppe financière prévue. Pour les raisons évoquées ci-dessus, nous vous proposons d'accepter le dépôt de cette pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S), rapporteuse de minorité. Je crois que quelques mots d'explication s'avèrent nécessaires avant de commencer ce débat. La motion 848 invitait la commission de l'enseignement à faire un rapport sur le document «Préserver l'essentiel». A ce moment-là, visiblement, les juristes de ce parlement n'avaient pas été suffisamment attentifs parce qu'ils auraient pu s'apercevoir que nous allions voter là une impossibilité réglementaire. En effet, une motion peut inviter une commission à élaborer un projet de loi, une motion ou une résolution, mais pas à faire seulement un rapport. La faute est faite, le Grand Conseil a voté cette motion, a demandé à la commission de l'enseignement de faire un rapport - vous l'avez sous les yeux - et je crois qu'aujourd'hui il suffit d'en prendre acte, il contient les positions de chaque parti.
Par contre, la pétition devait faire l'objet d'un vote et d'un rapport. Là, nous n'avons pas pu nous mettre d'accord en commission de l'enseignement, c'est pourquoi vous avez un rapport de majorité qui, malheureusement, ressort mal dans le document fourni, il figure à la page 23 tout de suite après le texte de la pétition et est suivi par le rapport de minorité que j'ai moi-même écrit. Si, dans ce texte de minorité, j'ai fait figurer une liste un peu longue et rébarbative de toutes les associations et groupes qui sont intervenus, ce n'est pas seulement pour vous montrer que je suis une grande sentimentale qui garde toutes les lettres qu'elle reçoit, mais aussi pour prouver qu'il s'avérait que c'était vraiment un front très large qui était inquiet de ce qui se passait dans le cadre de l'avenir de l'enseignement. Dès lors, il me semblait important de le souligner en les énumérant.
Pour nous, un tel déploiement d'inquiétudes ne peut pas faire l'objet d'une réponse aussi simple que de dire : «On vous a entendus, mais on estime qu'il suffit de classer cela et de déposer cette pétition à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil.». Nous avons eu hier un long débat soulignant l'importance d'entendre le peuple, d'entendre les citoyens quand ils s'adressent aux politiciens, et nous estimons que les soucis exprimés au travers de cette pétition doivent faire l'objet d'un renvoi au Conseil d'Etat.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Je n'interviens donc pas sur la motion parce que nous avons dit que nous allions en prendre acte, néanmoins j'aimerais intervenir sur la pétition. L'opinion publique estime et défend l'école publique genevoise. Cela ressort de sondages, d'articles parus dans les journaux dernièrement. Les parents qui se sont exprimés à travers cette pétition exposent la crainte de voir se dégrader notre école qui, il est vrai, est à la pointe au niveau suisse. Cette grande inquiétude est partagée par beaucoup d'autres parents. Il suffit de regarder la liste des associations et groupements qui se sont manifestés à ce sujet. Cette pétition a donc une légitimité bien assise.
Quand on pense qu'actuellement seulement environ 35 % se dérangent pour élire un législatif, il faut saluer les initiatives émanant de citoyens et de citoyennes pour se faire entendre. Or, il nous semble que de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement est faire peu de cas de citoyens et de citoyennes qui, faisant confiance aux autorités de ce canton, se donnent la peine de poser des questions. Que l'on tienne donc compte de leurs inquiétudes.
De plus, le rapport sur la motion 848 n'est pas réellement une réponse à cette pétition. En effet, le rapport est censé donner un aperçu des travaux de la commission de l'enseignement sans prendre position de manière unanime. Chaque groupe - sauf les libéraux - a présenté l'état de ses réflexions sous forme de commentaires dans le domaine de l'école. Or, ce que les parents attendent est une réponse à leurs inquiétudes de la part du Conseil d'Etat. Les pétitionnaires sont, et je cite : «convaincus que l'Etat peut économiser dans d'autres domaines et envisager des sources supplémentaires de revenus.». A cette conviction le rapport ne répond pas et c'est au Conseil d'Etat de le faire.
Ce sont les raisons qui nous amènent à vous demander de voter le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). La position du groupe écologiste figure dans ce rapport et il me semble donc inutile d'y revenir pour les raisons qui ont été citées par Mme Reusse. J'aimerais tout de même dire que nous ne nous étions pas associés au dépôt de cette motion à l'époque, car nous avions un peu de peine à en comprendre l'utilité. Notre avis ne s'est pas beaucoup modifié, le rapport sera retourné aujourd'hui au Conseil d'Etat et il prendra connaissance des positions des différents groupes sur le document «Préserver l'essentiel». Si c'était le but de la motion, il est atteint, et tant mieux pour les motionnaires.
Quant à moi, je ne peux qu'espérer une fois de plus que le fonctionnement de la commission de l'enseignement du Grand Conseil changera, que l'on y traitera des projets avant qu'ils ne soient déjà appliqués et que l'on sera enfin reconnus comme des partenaires et non comme des empêcheurs de tourner en rond. Depuis quelque temps la commission de l'enseignement n'est plus qu'une caisse de résonance des différentes associations, qu'elles soient de personnel, de parents ou d'usagers quels qu'ils soient. A chaque fois, quel que soit le sujet, il semble que la plus grande partie des revendications soit due à une mauvaise information ou à un manque de concertation. Ce n'est pas une attaque à votre intention, Monsieur Föllmi. Je reste persuadée que vous êtes un homme de dialogue, mais ce sera sans doute le message qu'il faudra laisser à votre successeur.
Enfin, concernant notre vote sur la pétition contenue dans ce rapport, ce n'est que l'aboutissement de mon intervention. Les usagers doivent être entendus et, dans la mesure du possible, leurs revendications doivent être prises en compte; c'est pourquoi nous vous demandons également de bien vouloir adresser cette pétition au Conseil d'Etat.
M. Nicolas Brunschwig (L). Permettez à un non-spécialiste de l'instruction et un non-membre de la commission de l'enseignement de dire quelques mots par rapport à cette pétition et à ces deux rapports de majorité et de minorité. Comme vous le savez, un des axes majeurs du Conseil d'Etat est le plan financier quadriennal et cela implique un certain nombre de choix et d'options. Une de celles-ci, c'est effectivement une réduction d'effectif, mais bien évidemment sans licenciement comme vous avez pu le constater. «Préserver l'essentiel» concrétise cela dans le cadre du département de l'instruction publique.
Ce travail a été fait consciencieusement et avec concertation, et je crois que M. Föllmi nous l'a encore rappelé lors du dernier Grand Conseil. La commission des finances, dans le cadre du travail du budget 1994, a été très attentive lors de l'audition et du contrôle du département de l'instruction publique. Cela nous a permis de constater, en tout cas nous libéraux, que les prestations d'instruction publique et d'éducation qui existent à Genève sont encore très supérieures à tout ce qui existe où que ce soit, sans doute dans le monde, et peut-être même en Suisse. Nous sommes donc très privilégiés et je crois qu'il faut remercier le Conseil d'Etat d'avoir fait ce travail difficile et d'avoir élaboré ce document tout en maintenant les prestations de l'instruction publique à des niveaux quasi équivalents, ou en tout cas sans dégâts ou dommages importants. C'est pour cela que nous estimons que cette pétition ne peut pas être prise en considération et que nous vous invitons à soutenir le rapport de majorité et à la déposer à titre de renseignement sur le bureau du Grand Conseil.
M. Roger Beer (R). J'aimerais revenir sur ce document «Préserver l'essentiel» qui a occupé de nombreuses séances de la commission de l'enseignement dans un débat généralement houleux et peu enclin à la concertation. Pour avoir présidé plus d'une année cette commission, je crois que le DIP, dans les sujets qu'il a présentés cette année mais également dans l'ambiance générale, engendrait plutôt une confrontation qu'une concertation. Il est vrai qu'il faut espérer que cette ambiance extrêmement tendue change et qu'avec les nouveaux commissaires et avec le nouveau conseiller ou la nouvelle conseillère d'Etat cela se passe différemment.
Toutefois, je trouve personnellement que M. Föllmi a bien répondu aux nombreuses questions bien qu'il n'ait pas assisté systématiquement à toutes les séances, parce que la commission de l'enseignement a procédé à de très nombreuses auditions. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'avec la motion votée par le Grand Conseil sur le document «Préserver l'essentiel», il s'agissait de donner un rapport, de donner une information aux députés sur les travaux qui avaient lieu à l'intérieur du DIP.
Il nous semble qu'en ayant auditionné - le rapport de Mme Humbert en prend acte - la plupart des acteurs de ce document, nous donnons un état de la situation actuelle. Le rapport n'apporte finalement rien d'autre qu'une information générale et globale sur la situation actuelle. J'espère que ce
rapport incitera également le nouveau Conseil d'Etat à poursuivre les travaux et évidemment à tenir le parlement au courant de ce qui va se passer à l'intérieur du DIP, notamment par rapport à ce fameux document. Je pense que nous devons aujourd'hui en prendre acte et en ce qui concerne la pétition, je vous invite à suivre le rapport de majorité.
M. Jacques Boesch (T). Je n'avais pas l'intention d'intervenir mais je crois que ce soir nous sommes dans une position extrêmement illustratrice de ce qui s'est passé pendant ces quatre ans au niveau des débats sur l'école. Voilà M. Föllmi qui se retrouve seul à défendre, en tant que conseiller d'Etat, la politique qui lui est imposée par une majorité de ce Grand Conseil et par une majorité du Conseil d'Etat. Alors, comment voulez-vous établir une politique de concertation dès lors que l'on envoie un «Winkelried de l'éducation» tout seul sur le devant et qu'il prend tous les coups. Je voulais souligner ce premier élément parce qu'il me semble significatif de l'état dans lequel l'école genevoise a été laissée en quelque sorte un peu en otage irresponsable d'une majorité du Conseil d'Etat et du Grand Conseil, qui ont provoqué les débats et les dégâts que l'on connaît.
L'école est en débat. C'est vrai. Il est nécessaire qu'elle le soit et qu'elle le soit constamment, pour s'adapter aux besoins et parfaire l'éducation des enfants. C'est pour cela que nous avons proposé deux choses : d'une part un moratoire pour que l'on ne prenne plus de décision avant que l'on n'évalue ce que les décisions déjà prises ont provoqué et que l'on réfléchisse un peu avant de bâtir une politique basée uniquement sur des restrictions budgétaires et non plus sur un projet pédagogique ou un projet de société. Je souhaite que la prochaine ou le prochain conseiller d'Etat chargé du département essaie de mettre en place un tel forum basé sur une réelle concertation de tous les acteurs concernés par l'école. C'est peut-être ainsi que nous arriverons à faire de notre école ce qu'elle a toujours été pour notre République, un phare qui permette à nos citoyens de le devenir.
Mme Liliane Charrière Urben (S). J'ai écouté avec attention ce qu'ont énoncé les préopinants. J'ai été quand même un tout petit peu étonnée d'entendre sur les bancs d'en face émettre un espèce de satisfecit en ce qui concerne notre école. Monsieur, vous avez dit que nos prestations à l'école genevoise sont «encore» supérieures. J'aimerais bien l'explication de cet «encore». Doit-il signifier que cela va durer peu de temps ou que nous sommes en passe de le dépasser ? Madame Humbert, j'aimerais vous rappeler, vous qui avez assisté au colloque au mois de septembre dernier à propos des échecs scolaires - j'y ai participé également - ce qui s'est passé : je n'ai pas souvenir d'avoir entendu mes collègues enseignants dire qu'ils étaient tout à fait d'accord de réduire les prestations notamment en diminuant les moyens à disposition. Je les ai entendus, comme vous, s'inquiéter de la situation actuelle, se rendre compte de la nécessité de la transformer et s'adapter.
Un autre collègue, ici présent, pourrait vous dire que, lorsque vous avez dans une classe de vingt élèves dix-sept nationalités différentes et peut-être douze ou treize langues différentes dont, il faut le dire, huit ou neuf nous sont complètement inconnues, quand ces élèves arrivent tout au long de l'année et obligent à une certaine mobilité tant dans les objectifs que dans les manières de travailler, la situation devient de plus en plus difficile. Je ne pense pas que notre école soit supérieure à ce qui se passe ailleurs et si vous regardez simplement la France, qui elle-même a traversé des moments difficiles à propos d'accueil d'enfants différents, des dispositions ont été prises, dispositions aussi bonnes que les nôtres, sinon supérieures.
Par exemple, l'introduction des traducteurs à dispositions des élèves d'autres nationalités. De plus, le nombre des familles monoparentales augmente, cela augmentant également la difficulté d'accueil des enfants, d'éducation aussi, puisque ce métier n'est plus seulement un métier d'instruction mais un métier d'éducation. Le tableau n'est pas aussi brillant que vous voulez bien le dire et j'aimerais que ce Grand Conseil soit conscient que, si les enseignants ont compris que l'Etat a des déficits à son budget, ils n'étaient pas, par la même occasion, prêts à réduire les prestations dont les élèves ont besoin. Je ne pense pas que nous soyons supérieurs, je pense que, pour le moment effectivement, nous sommes bons et qu'il faudrait tendre à le rester le plus longtemps possible.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S), rapporteuse de minorité. Je regrette un petit peu que l'on aborde et que l'on entame un débat sur «Préserver l'essentiel». M. Brunschwig a commencé sur cette piste, alors que nous nous étions pourtant bien mis d'accord en commission pour que «Préserver l'essentiel» ne fasse pas l'objet d'un débat parce que nous en aurions pour des heures et qu'il était inutile de reprendre ce débat sur le fond.
Je reviens maintenant sur la pétition, car c'est sur ce point-là que nous devons nous prononcer. Si vous avez lu le texte, nous pouvons constater que les signataires de cette pétition déclarent qu'ils sont alarmés; ils estiment regrettables un certain nombre d'initiatives prises et la seule chose qu'ils demandent est, je cite : «Nous demandons donc à l'Etat qu'il préserve le caractère prioritaire de l'éducation.». Je ne vois pas qui, dans cette enceinte, peut dire que c'est déjà un souci largement répandu, que l'on a donné réponse à cet aspect de la pétition et qu'il suffit de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. J'ose espérer que tout le monde ici est d'accord. Nous devons de ce fait renvoyer cette demande au Conseil d'Etat.
M. Armand Lombard (L). Je ne vais bien entendu pas réengager ce débat sur la motion, je crois que nous nous sommes entendus là-dessus et qu'elle est un apport intéressant sur les travaux qui ont été faits en commission.
Sur la pétition, j'aimerais simplement vous rappeler le troisième alinéa puisque Mme Reusse-Decrey s'est donné la peine de rappeler le deuxième : «Nous sommes convaincus que l'Etat peut économiser dans d'autres domaines et envisager des sources supplémentaires de revenus.» Cela fait partie de la politique des finances de l'Etat. Ce que l'on nous demande dans cette pétition, c'est de stopper les économies, c'est le moratoire dont parlait M. Boesch tout à l'heure, et vous comprendrez bien que nous ne sommes absolument pas d'accord de suivre les pétitionnaires sur ce plan.
Non pas que les structures du département ne doivent être revues, non pas que le travail fondamental sur «Préserver l'essentiel» doive être poursuivi, mais cela peut se faire tout en continuant la vie. Chaque fois qu'il y a à réformer quelque chose on n'a pas besoin d'arrêter toute la machine de l'Etat, et surtout pas de renvoyer la balle chez les autres pour que ce soit les autres qui fassent les économies. Vous savez très bien que si l'on disait véritablement cela à l'hôpital on ne serait pas d'accord, parce que l'on trouverait qu'il n'y a pas que l'hôpital qui doive faire des sacrifices. Et ainsi de suite dans chaque domaine. C'est précisément pour ce troisième alinéa que nous sommes décidés à vous proposer et à vous convaincre de déposer ce texte et de ne pas en faire une obligation au Conseil d'Etat.
M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. Je vais être extrêmement bref. J'aimerais tout d'abord remercier Mme Humbert pour son rapport car il n'était pas très facile de faire une synthèse de quasiment une année de travaux de la commission de l'enseignement. J'aimerais également remercier les députés de la commission d'avoir pris du temps, pratiquement une année, pour recevoir les gens, les écouter. C'est aussi le rôle de la commission de l'enseignement après tout de recevoir les associations professionnelles, celles des parents, pour qu'elles puissent faire part de leurs observations, de leurs craintes. Malgré ce que vous dites, Monsieur Beer, vous avez fait un travail approfondi, même s'il y a eu des tensions parfois. Cela est normal sur un sujet aussi important, dans un contexte aussi difficile au sujet de l'école.
La deuxième remarque que je ferai, c'est que le Conseil d'Etat prend acte, avec solidarité autour de moi... (Rires, applaudissements car M. Föllmi, étant le seul représentant du Conseil d'Etat, désigne les fauteuils inoccupés de ses collègues.) ...des informations contenues dans ce rapport, ses annexes, également des programmes politiques, puisque différents groupes ont fait valoir leurs programmes. On peut relever que ces programmes sont intéressants, qu'ils sont multiples, contradictoires selon les cas. Mon successeur prendra en compte toutes ces réflexions. A ce sujet, je dirai simplement comme Picasso : «S'il y avait une seule vérité, on ne pourrait pas faire cent tableaux sur le même thème.». Or je crois que sur l'école il y a aussi différentes vérités; on peut faire par conséquent beaucoup de tableaux sur le même thème !
Au sujet de la pétition, je vous rappelle qu'elle avait été déposée en novembre 1992, qu'une année s'est écoulée, qu'en fait beaucoup de choses se sont passées depuis l'automne dernier, et que les uns et les autres ont pu prendre conscience de la situation économique et sociale dans laquelle il faut travailler aujourd'hui. Quant à moi, je ne vais pas refaire une déclaration politique en ce qui concerne l'éducation, je m'étais permis de la faire le 8 octobre dernier, elle s'intitulait «La croisée des chemins». C'était en quelque sorte mon testament politique au sujet de la formation; je n'y reviendrai pas aujourd'hui, ce sera dans le Mémorial. Que cette pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat ou déposée sur le bureau, cela n'a guère d'importance. Le département de l'instruction publique, quant à lui, poursuit son travail. J'aimerais juste vous rendre attentif à une chose. Vous affirmez que l'école est prioritaire, mais sachez que la commission des finances sortante - je pense que celle qui reprendra ses travaux poursuivra dans la même direction - a envoyé au Conseil d'Etat une lettre lui demandant des économies supplémentaires, 10 millions sur les institutions, et des réductions de postes par rapport à ceux qui sont déjà supprimés dans notre projet de budget 1994. Alors, d'une part, l'on a une commission des finances préoccupée par la situation budgétaire qui nous donne de nouvelles injonctions budgétaires et nous demande de nouvelles coupures par rapport au projet de budget 1994, d'autre part, il faut que l'école reste prioritaire et ne pas être touchée. Vous m'expliquerez comment, entre les préoccupations de la commission de
l'enseignement et celle des finances, je vais résoudre le problème. Mais en fait nous ferons au mieux et je vous en remercie. (Applaudissements.)
M 848-A
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
P 977-A
Les conclusions du rapport de majorité (dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont mises aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Les conclusions du rapport de majorité sont adoptées par 44 oui contre 35 non.