Séance du
vendredi 8 octobre 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
8e
session -
38e
séance
I 1863
M. Jean-Pierre Rigotti (T). J'ai quelques remarques et questions à formuler au sujet du problème des ambulances qui donne bien du souci à beaucoup de gens.
Malheureusement, de nombreuses personnes ont dû, un jour ou l'autre, avoir recours au service d'une ambulance. Toutes furent surprises, voire scandalisées par les tarifs pratiqués. Elles remarquent que, le plus souvent, des suppléments viennent s'ajouter au tarif de base. Lorsqu'elles se renseignent et demandent des détails de leur facure, généralement une réponse évasive leur est donnée : c'est le tarif ! On leur donne peu de détails. En outre, il n'existe aucune distinction entre les tarifs de transports urgents et les autres. Souvent, la taxe d'urgence est ajoutée à la facture alors que l'ambulance s'est arrêtée à tous les feux rouges.
L'association des retraités AVIVO a mené une enquête auprès de ses membres afin de connaître la pratique et les tarifs des différentes entreprises d'ambulances de la place. Plus de deux cents factures ont été retournées à l'AVIVO avec tous les détails. Nous aussi avons été surpris. On peut comprendre l'étonnement des bénéficiaires ou, plus exactement, des utilisateurs de ces transports.
Je vous donne quelques exemples récents ou datant de l'an dernier, pris par ordre progressif, car il est vrai que les gens comparent la distance et le tarif. Nous nous sommes amusés à prendre quelques factures des différentes entreprises de la place afin de nous faire une idée de la question.
Pour un parcours de 1,8 kilomètre, allant de l'avenue Weber à l'hôpital cantonal, le montant de la facture s'élève à 450 F pour un transport non urgent. Le kilomètre revient donc à environ 250 F pour le patient qui calculera de cette manière.
Voici d'autres exemples. Un transport partant du boulevard d'Yvoy en direction de l'hôpital cantonal, soit 1,6 kilomètre, se monte à 525 F. Cela fait 308 F le kilomètre. De La Jonction à l'hôpital, soit 2 kilomètres, le montant est de 680 F, soit 340 F le kilomètre, toujours en transport non urgent. De la rue Adrien-Lachenal à l'hôpital, soit 1 kilomètre, le tarif s'élève à 565 F. C'est donc 565 F le kilomètre.
Un dernier exemple a choqué la personne qui avait demandé une ambulance suite à un accident cardiaque à la rue Jean-Viollette, devant l'hôpital cantonal. On a fait appel à un transporteur ambulancier qui est aussi stationné à côté de l'hôpital cantonal. Le montant de la facture s'est élevé à 535 F. La personne en question m'a donné la distance parcourue : à peine deux cents mètres. Donc, si on fait le calcul sur le prix du kilomètre, cela nous fait une facture à 2 675 F le kilomètre !
Il est vrai qu'il y a de quoi s'étonner, même si l'on sait que le coût de la mobilisation de l'ambulance et la formation du personnel correspondant ne dépendent pas du tout du tarif au kilomètre. Les usagers ne comprennent pas toujours ce fait mais on peut le leur expliquer.
Ces exemples nous aident à comprendre la stupeur des personnes qui reçoivent les factures. Beaucoup d'autres transports en ambulance sont moins chers, mais comment le savoir ? Il faut savoir également que la différence de tarif se pratique même à l'intérieur d'une entreprise.
Nous avons pu comparer des transports identiques, urgents et non-urgents, de même kilométrage. Le tarif était de quelques centaines de francs de différence, en semaine ou le dimanche.
Dès qu'il y a malaise ou accident, le premier réflexe est souvent d'appeler une ambulance. Mais, sur le moment, on ne peut pas choisir, et lorsque la facture arrive on est surpris.
Autre exemple. Une mamie s'est cassé le poignet. Ses voisins, par gentillesse, ont fait appel à une ambulance - d'ailleurs, ils ont eu raison, on ne peut pas s'occuper soi-même d'un poignet cassé. La facture de l'ambulance se montait à 600 F. Cette «petite dame» est arrivée scandalisée à l'AVIVO, révoltée, car l'assurance n'a pas voulu lui rembourser sa facture. Si elle avait appelé un taxi, cela lui aurait coûté au maximum 25 F et non pas une somme pareille. De plus, cette dame n'obtient pas l'aide complémentaire.
Les caisses maladie ne remboursent pas les trajets en ambulance, sauf pour les personnes touchant des rentes complémentaires.
Nous savons que l'Etat, et plus particulièrement le département de la prévoyance sociale et santé publique, présidé par M. Segond, s'intéresse à ce problème depuis un certain temps. Des études ont été demandées à ce sujet.
Trois études importantes ont été commandées. Elles doivent coûter cher puisqu'elles sont réalisées par des maisons spécialisées. Des analyses ont été faites. Elles sont très précises du point de vue de l'organisation, de la rationalisation des coûts, des tarifs, de la formation du personnel, de la qualité des soins donnés soit sur place, soit en cours de route. Il est nécessaire et positif que le président du département s'inquiète et se renseigne à ce sujet. Maintenant, il faut agir. Le problème du coût des ambulances ne date pas d'aujourd'hui. Depuis tant d'années que je siège dans ce parlement, j'ai entendu de nombreux députés, tous partis confondus, aborder ce problème sans grand succès.
Voici les trois questions que je pose au Conseil d'Etat.
Premièrement - je sais que cela a été étudié et que cette idée pourrait être exploitée - serait-il possible de créer rapidement un tarif idéal, unique pour tous les transports couchés en ambulance ? Cela rassurerait les patients. Ils pourraient «râler» ou non sur le tarif, mais ce dernier serait unique. On pourrait l'appliquer assez rapidement.
Ma deuxième question consiste à demander à M. le président de disposer d'une centrale d'appels unique pour les besoins en ambulance, qu'elle soit privée ou publique. Pour la centrale publique, on pourrait s'adresser au cardiomobile de l'hôpital ou à celui des pompiers. En tout cas, quelque chose est à faire pour régler ces problèmes de coordination et je pense que c'est le rôle du président du département. L'important, c'est la santé des gens et l'urgence des transports. On pourrait ne composer qu'un seul numéro lorsque l'on a besoin d'une ambulance, puis une priorité se ferait quelle que soit l'ambulance, privée ou publique.
Ma troisième demande est réalisable et je demande au Conseil d'Etat de l'appliquer dès le 1er janvier de l'an prochain. Il s'agirait de réfléchir, avec la Fédération des caisses maladie, à l'introduction, dans la prime de base, d'une prestation pour le transport en ambulance. Nous savons que cela représenterait 2 à 3 F supplémentaires qui seraient ajoutés à la cotisation de base. Ce n'est pas grand-chose, mais cela rassurerait la population et permettrait que tous les transports en ambulance soient compris dans la prime de base.
Je n'irai pas davantage dans le détail des factures ambulancières car nous n'en finirions pas. Toutefois, il faut prendre conscience des abus pratiqués à ce niveau. Nous en voulons pour preuve les différents exemples que je viens de donner, ainsi que les deux cents factures qui nous ont été retournées ces derniers mois. Aucune de toutes ces entreprises n'a le même tarif. Dans la même entreprise, y compris pour les mêmes soins, les tarifs divergent et varient même parfois de quelques centaines de francs.
La population est très inquiète et nous devons régler cette situation. Les trois questions que je viens de poser peuvent trouver leur solution dans la réalité. Exécutons-les donc rapidement.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Je peux répondre positivement à M. Rigotti tout en lui expliquant que cela n'est pas si facile. Il y a vingt-quatre mois, j'ai prié la direction de la santé publique d'ouvrir ce dossier et d'atteindre trois objectifs : une seule centrale, un seul prix forfaitaire pour les transports couchés, une prise en charge par la Fédération genevoise des caisses maladie dans le cadre de l'assurance de base.
Ces négociations entre partenaires privés durent depuis vingt-quatre mois sans qu'il me soit parvenu un projet d'accord, ce qui n'est d'ailleurs pas fait pour m'étonner : les médecins et les caisses maladie négocient depuis dix ans sans s'être mis d'accord sur un tarif.
Il faut donner aux lois du marché et aux acteurs privés la capacité de faire la démonstration qu'ils sont des adultes et qu'ils arrivent à s'entendre. S'ils n'y arrivent pas dans un délai de trente-six mois, alors c'est à l'Etat qu'il appartient d'intervenir en procédant aux arbitrages et en imposant les solutions, ce qui, expérience faite, provoque toujours quelques cris et piaillements.
M. Jean-Pierre Rigotti (T). J'ai interpellé au sujet du problème des ambulances car c'est une question importante pour les usagers potentiels. J'ai parlé modérément en sachant que M. Segond essaie d'obtenir un règlement pacifique entre tous les transporteurs privés. En effet, ces derniers ne font pas tous partie des mêmes associations et ne sont pas forcément d'accord sur les tarifs à appliquer, ni sur la qualité de la formation à donner à leurs employés et secouristes.
II est urgent de régler ce problème. La priorité est d'obtenir que le transport en ambulance soit compris dans les prestations de base des assurances. Comme je vous l'ai indiqué, d'après les études sérieuses effectuées, la cotisation mensuelle de base augmenterait de 2 à 3 F. C'est une somme modique qui, psychologiquement, jouerait un rôle important en rassurant les patients.
Je n'allongerai pas sur la question des factures plus importantes, plus graves, ni sur la façon dont les gens essaient de régler leurs problèmes. Toutefois, je vous donnerai un seul exemple très récent puisque la lettre que j'ai reçue de la part de personnes ayant eu recours à deux reprises à des ambulances date d'aujourd'hui. Malheureusement, la personne en question est décédée, mais sa femme, aujourd'hui dépendante de l'Hospice général, a essayé de régler le problème de la facture de l'ambulance et s'est fait poliment «envoyer promener». On a dit que, si la facture n'était pas payée dans les dix jours, on la mettrait aux poursuites. Je pense que cette attitude n'est pas acceptable et le département doit régler tout cela.
L'interpellation est close.