Séance du
jeudi 7 octobre 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
8e
session -
35e
séance
PL 6791-A
Troisième débat
Mme Christine Sayegh (S), rapporteuse. La commission judiciaire a décidé de faire un rapport oral complémentaire suite au report du projet de loi 6791. Ce dernier prévoit - je vous le rappelle - le transfert de la Chambre d'accusation du Tribunal de première instance à la Cour de justice. Il revient aujourd'hui en troisième débat, après un délai de réflexion tant sur la question du maintien ou non de la présence des juges assesseurs à la Chambre d'accusation que sur l'amendement de M. Lachat que vous avez trouvé sur vos tables lors de la dernière séance.
La commission judiciaire a également participé à cette réflexion en mettant ce projet de loi à l'ordre du jour, le 23 septembre dernier, et en procédant à une nouvelle audition d'un représentant des magistrats pour connaître leur position en cas de maintien des juges assesseurs par le biais de l'amendement de M. Lachat qui consiste à prévoir une composition particulière de la Chambre d'accusation pour les demandes de mise en liberté et de prolongation de détention, à savoir un juge de carrière et deux juges assesseurs, alors que pour tous les autres cas la Chambre d'accusation siégerait conformément au mode actuel de la Cour de justice, c'est-à-dire avec trois juges de carrière et de manière collégiale.
La magistrature, par la voix de M. Demeule, président de la Cour de justice, a communiqué ses préoccupations quant à l'aspect pratique du transfert de la Chambre d'accusation à la Cour de justice estimant qu'il en résulterait un accroissement de travail équivalant à un poste et demi alors qu'il n'est prévu le transfert que d'un juge du Tribunal de première instance à la Cour de justice.
A ce stade de la discussion, il a été rappelé par la commission à M. Demeule que cette question avait déjà fait l'objet de discussions et que l'expérience accrue des juges à la Cour de justice devait permettre un traitement plus rapide des dossiers.
M. Demeule a réaffirmé que, malgré ce surcroît de travail potentiel, les magistrats maintenaient et confirmaient leurs positions, telles qu'elles ressortent du rapport sur le projet de loi 6791-A.
Ainsi, la Cour persiste à vouloir siéger sans assesseurs et estime que tout compromis ne ferait que compliquer l'organisation judiciaire. La position des juges à la Cour est claire : si la Chambre d'accusation est de la compétence de la Cour de justice, cela implique une collégialité de trois juges pour la composer.
M. Demeule a ensuite soulevé le problème légal, qu'il a qualifié incidemment de constitutionnel, qui surgirait en cas de suppression des juges assesseurs, puisque, selon la loi, ils sont élus et leur mandat se termine en 1993.
Cette question peut trouver une réponse législative par le biais d'une disposition transitoire et un amendement en ce sens est également déposé sur vos pupitres. Il est à relever ainsi qu'aucun point nouveau n'a vraiment été soulevé. La commission judiciaire n'a, en conséquence, pris ni nouvelle décision ni prise de position sur les deux amendements qui vous sont soumis. Elle rappellera seulement que le monde judiciaire adhère au transfert de la Chambre d'accusation à la Cour de justice mais qu'il souhaite, à cette occasion, actualiser la procédure pour gagner en efficacité.
M. David Lachat (S). Nous remercions le Conseil d'Etat d'avoir reporté à ce soir le troisième débat, ce qui a permis aux groupes de réexaminer cette question de la présence ou non des assesseurs à la Chambre d'accusation. Le groupe socialiste s'est évidemment réuni. Il a longuement réfléchi et a beaucoup discuté sur cette question. Il m'a prié de vous faire connaître sa position, à savoir que nous maintenons l'amendement qui vous a été présenté lors de notre dernière séance.
Il s'agit en réalité d'une position de compromis entre celle du Palais de justice, qui ne veut plus d'assesseurs à la Chambre d'accusation - cette position semble en préfigurer d'autres puisque le Palais de justice paraît hostile à la présence de laïcs dans d'autres cas; par exemple, nous sommes en train d'examiner le cas de diverses commissions de recours, et le Palais nous a fait savoir qu'il faudrait, là aussi, supprimer les assesseurs laïcs - et celle du «statu quo» qui consisterait à maintenir purement et simplement les assesseurs à la Chambre d'accusation, assesseurs qui, dans cette hypothèse, traiteraient de tous les cas soumis à cette juridiction.
Nous proposons donc que les assesseurs soient maintenus mais qu'ils ne le soient que pour une partie des tâches incombant à la Chambre d'accusation, c'est-à-dire les demandes de mise en liberté et les prolongations de détention. Nous pensons qu'il s'agit de matières ne présentant guère de problèmes juridiques, mais où il y a lieu d'apporter le bon sens que les assesseurs savent d'ordinaire apporter dans les juridictions.
D'autre part, nous sommes soucieux de décharger au maximum la Cour de justice qui se plaint d'une surcharge de travail. Plutôt que de contraindre trois magistrats de carrière à siéger trois fois par semaine à la Chambre d'accusation pour les mises en liberté et les prolongations de détention, nous ne contraindrons qu'un seul et unique magistrat de la Cour de justice à siéger à la Chambre d'accusation pour ces objets-là. Les autres pourront se consacrer à d'autres tâches.
Le projet d'amendement que nous proposons a aussi le mérite de revenir aux sources. Les assesseurs ont été créés et institués pour contrôler la détention, en particulier les mises en liberté ou la prolongation de la détention. Avec cet amendement, nous revenons à l'institution originale.
Vous avez trouvé sur vos places le texte de cet amendement qui consiste à modifier deux dispositions de la loi de l'organisation judiciaire aux articles 29 et 50, alinéa 2. J'attire l'attention des membres de la commission judiciaire du Grand Conseil sur le fait que l'article 50, alinéa 2, tel qu'il vous est présenté est un tout petit peu modifié par rapport à la version originale afin d'offrir plus de précision. Il est bien clair que pour des objets tels que la mise en liberté et la prolongation de détention, la Chambre d'accusation sera présidée par un seul juge à la Cour, flanqué de deux assesseurs laïcs.
M. Robert Cramer (Ve). La proposition d'amendement qui vous est présentée par M. Lachat n'est en réalité pas nouvelle. Elle ne l'est pas car M. Lachat a déjà eu l'occasion d'évoquer le dépôt de cet amendement et de nous en tracer les contours lors de notre dernière séance, et c'est du reste la raison pour laquelle nous avons convenu d'un troisième débat...
La présidente. Allez-y !
M. Robert Cramer ...J'étais un peu dérangé par des gens qui bavardaient sur ma droite. (Rires.)
La présidente. M. Schneider est prié de ne pas déranger les orateurs.
M. Robert Cramer. Cette proposition d'amendement n'est donc pas tout à fait nouvelle. Nous avons eu largement la possibilité de l'aborder lors d'une récente discussion du projet de loi en commission judiciaire. Les juges de la Cour de justice étaient informés qu'un amendement de ce genre viendrait. Leur position à ce sujet est tout à fait claire, ils n'en veulent pas. Ceux qui sont à l'origine, tout de même, de ce projet de loi, qui ont accepté de se charger de la compétence de la Chambre d'accusation, qui est très lourde et exigera d'eux un surcroît de travail important, les juges de la Cour nous demandent, pour bien exercer cette nouvelle compétence - que nous serions prêts à assumer - de laisser à des magistrats, exclusivement, le soin de s'occuper de la Chambre d'accusation.
C'est compréhensible car l'amendement proposé par M. Lachat vise en réalité à instaurer un système hybride. On aurait une Chambre d'accusation avec deux compositions : une pour un certain type de décisions, et l'autre pour un autre type de décisions. Ce système compliqué entraverait le bon fonctionnement de cette juridiction.
Enfin, les questions dont s'occupe la Chambre d'accusation, lorsqu'il s'agit de trancher des questions de liberté, sont suffisamment importantes pour qu'elles justifient que l'autorité de contrôle des décisions de notre canton, à savoir la Cour de justice, s'en occupe dans sa composition habituelle et dans la plénitude de ses compétences.
La question de savoir si quelqu'un doit être maintenu en détention ou non est importante, et ce n'est pas qu'une simple question de bon sens et d'appréciation, c'est aussi, bien souvent, une question de droit. Toute une série de décisions du Tribunal fédéral sont venues récemment le confirmer.
C'est dans cet esprit que nous avons déposé un amendement, M. Du Pasquier, Mme Saudan, moi-même... Mme Vali aurait dû également contresigner cet amendement. Malheureusement, elle était un peu en retard...
Une voix. Nooooon !
M. Robert Cramer. ...et dans la précipitation dans laquelle nous l'avons élaboré, elle n'a pas pu le faire. C'est dans cet esprit que nous avons déposé un sous-amendement dont M. Du Pasquier tracera les contours tout à l'heure.
Disons simplement que le but de ce sous-amendement est de vous permettre de refuser l'amendement de M. Lachat tout en donnant un statut convenable à ceux qui ont été élus en qualité de juges assesseurs, car nous savons qu'une des grandes préoccupations des juges assesseurs à la Chambre d'accusation est de savoir ce qu'il adviendra d'eux jusqu'à la fin de la législature judiciaire. Grâce à cet amendement, nous leur donnons la possibilité de siéger dans un autre tribunal, le Tribunal de police, qui aura certainement l'utilité de ce renfort. Ce renfort sera apprécié puisque le Tribunal de police, on le sait, est extrêmement chargé.
M. Thierry Du Pasquier (L). Ce projet de loi qui revient en troisième débat a été facilement adopté en deuxième débat en ce qui concerne deux des trois points qui vous sont soumis. Le premier point était le passage de la Chambre d'accusation au niveau de la Cour de justice.
Je crois qu'il était important d'arriver à un consensus sur ce point. Il reste la question de la suppression des assesseurs dont on va parler à l'instant et celle du huis clos. Sur cette question on a également trouvé un consensus assez satisfaisant pour tout le monde.
Il reste donc, après cette suspension des travaux de notre Grand Conseil et aussi de la commission, puisqu'il y a une nouvelle séance pour entendre une fois encore les magistrats de la Cour, cette question de la suppression des assesseurs uniquement à la Chambre d'accusation. Je le répète, puisqu'il y a eu un certain nombre de malentendus sur cette question. Certains ont pensé qu'il s'agissait de supprimer purement et simplement les assesseurs dans les juridictions genevoises. Il n'en est pas question. Les assesseurs ont leur place au Tribunal de police en particulier. Il n'a jamais été question de supprimer cette fonction.
Je ne pense pas que ce soit nécessairement notre principal souci que de nous préoccuper de ce que pensent ceux et celles qui seront amenés à appliquer et exécuter une loi que nous promulguons. Il n'en demeure pas moins que, dans le cas particulier, l'opinion des juges à la Cour de justice me paraît assez fondamentale.
Je crois que ce point a été examiné de façon approfondie au long de nombreuses séances de commission.
Permettez-moi de vous dire une chose sur ce point. Il est souvent reproché aux travaux du parlement que personne n'écoute personne, que les positions sont prises au départ et qu'au fond on peut dire ce que l'on veut sans que rien ne change à l'opinion des uns et des autres. Dans le cas particulier, le contraire s'est produit. Vous voyez dans le rapport qu'au début deux libéraux se sont d'abord opposés, puis abstenus au sujet de ce projet de loi. Au cours des nombreuses séances de la commission, au cours de l'étude...
La présidente. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît ! Monsieur Du Pasquier, soyez bref parce que personne n'écoute ! (Eclats de rires.)
M. Thierry Du Pasquier. Au cours de plusieurs séances de commission, nous avons été amenés à changer d'avis sur ce problème des assesseurs. Pourquoi ? Principalement parce qu'il nous est apparu que la charge qui incombe à la Chambre d'accusation, qu'elle soit en première instance ou au niveau de la Cour de justice, est une charge qui non seulement est lourde, mais qui implique une connaissance juridique importante. Contrairement à ce que certains ont cru, il s'agit de problèmes juridiques très importants, très sérieux, qui impliquent l'intervention de juges professionnels.
Il y a un point auquel on n'a pas suffisamment prêté attention : d'une façon générale, les décisions de la Chambre d'accusation sont toujours urgentes car il s'agit de mise en liberté de personnes qui sont détenues préventivement. Il s'agit de recours contre des actes d'instruction qui impliquent souvent de porter assez gravement atteinte aux droits de certaines personnes. Je pense par exemple aux perquisitions. Actuellement, c'est un seul juge qui prend les décisions. M. Demeule, qui a été entendu, nous a rappelé qu'il était le seul à rendre ses décisions, que les assesseurs ne le faisaient pas. Un des objectifs de ce projet est de désigner trois juges pour rendre les décisions avec la perspective et l'espoir que ces décisions soient rendues plus vite.
C'est pour ces différentes raisons, déjà apparues lors de nos premiers débats mais qui ont été renforcées par le temps passé et les travaux effectués entre-temps, que je recommande très vivement à cette assemblée d'accepter
ce projet de loi et de rejeter l'amendement présenté par M. Lachat, non pas qu'il soit mauvais, mais parce qu'il propose une demi-mesure. Or, accepter l'amendement qui vous a été exposé par M. Cramer, c'est une façon satisfaisante de régler le problème de l'emploi des juges assesseurs.
M. Hermann Jenni (MPG). Ayons la franchise de dire ce qu'il en est. Le but final de cet exercice, quels que soient les amendements, est une tactique de grignotement. Le but final est de réserver aux seuls professionnels le soin de rendre la justice. Aux yeux des juges de carrière, les assesseurs, comme les jurés siégeant en Cour correctionnelle ou d'assises, ont tous les défauts et aucune qualité.
Or la loi est faite pour le peuple et non pour les juges. Elle est faite pour tout un chacun. Nous avons le privilège d'avoir à Genève une justice qui est sous le contrôle du peuple. N'y touchons pas. Le peuple a le droit de contrôler le fonctionnement de sa justice. Il a le droit de siéger dans les cours avec jurés, d'envoyer des assesseurs pour aider les juges à avoir les pieds sur terre. Les purs juristes ne connaissent pas, n'ont pas l'expérience de la vie et ne peuvent pas juger en leur âme et conscience. Ils ne jugent qu'en fonction de principes juridiques qui échappent à l'entendement du peuple. Or la justice doit être comprise du peuple. Si elle n'est pas exercée avec son assentiment, elle est vaine.
Mme Marlène Dupraz (T). Je ne reviendrai pas en arrière sur ce qui a été dit à la dernière séance. Une curiosité cependant m'amène à vous suggérer ceci.
Pourquoi ne donnerait-on pas à la justice elle-même le mandat de réorganiser ses tribunaux et ses compétences sur la base de rapports instructifs et de revendications qu'elle nous fournirait régulièrement ? Les députés détiendraient là un instrument valable de travail, car les confrontations sont nécessaires entre problèmes de fonctionnement et nécessités sociales immédiates.
Il n'y a jamais de crise de l'institution mais une constante ignorance ou inconscience de sa fonction véritable. «La crise habite un certain savoir sur l'institution et non l'institution elle-même». Christian Nils Robert, professeur de droit pénal à Genève.
Shaekespeare lui-même avait posé en son temps ces semblables problématiques dans ses discours socio-politologiques. Plus récemment, La Boétie et Montaigne ont traité ces mêmes obscures énigmes avec nettement plus de modernité matérielle.
Voilà pour conclure la critique que je consacre au passage, à la réorganisation judiciaire de notre chère collègue députée Françoise Saudan.
Retournons à la Cour de justice.
«Ce ne sont pas les magistrats qui sont féroces, c'est leur fonction. C'est la situation qui est néfaste, mais l'issue n'est pas fatale. Rien n'empêche ces hommes de refuser leur rôle, ou de l'assumer différemment. Car la loi devrait être faite pour les hommes et non l'inverse.», écrit Henri Debluë dans «Force de loi».
S'il arrive qu'on soit en présence d'assesseurs laïcs dont le jugement est hasardeux ou impitoyable, cela tient au mode de recrutement, qui est politique, et au fait qu'on ne s'appuie pas sur des critères plus pertinents.
Loi et réalité sociale doivent être relatives l'une à l'autre, et toutes deux simultanément évolutives. Voilà pourquoi il y a fort résidu évènementiel.
Dans la vie économique, on trouverait suffisamment de candidats qualifiés pour comprendre les méandres d'un dossier qui relève de la criminalité économique, par exemple comptables, économistes, organisateurs de banque, syndicalistes, linguistes, journalistes, analystes informaticiens, etc.
«L'inaptitude d'un groupe humain à gérer d'une façon rationnelle ses propres contrats. Les sociétés aussi sont responsables de leur bêtise.», pense le critique français Roland Barthes dans «Lecture structurale».
Ce qui reste donc à ce groupe, ce sont les tribunaux. La voie sacrificielle ! Le résidu évènementiel comme effet d'impuissance de la règle de droit en site même de ses lois ou législations.
«Le droit est une traduction d'un projet politique.», pense Jean-Luc Aubert, agrégé de droit en France.
Cela expectore la proximité de la justice avec les justiciables. Il n'est pas bon que la justice s'éloigne du peuple, et ses représentants ont le droit de participer à l'application du droit. De ce fait, il s'exerce un contrôle utile qui peut gêner tel ou tel magistrat. Mais il n'est pas inutile pour un magistrat de confronter son opinion de professionnel avec celle des assesseurs laïcs, souvent empreinte de bon sens.
Bon nombre de décisions sont des décisions d'application qui ne font nullement intervenir des connaissances techniques du droit, mais qui relèvent de l'équité et de la pondération.
Le parti du Travail conclut par la défense de l'assessoriat auprès de la Chambre d'accusation qui a fait ses preuves.
Ce n'est pas la laïcité qui pose problèmes, mais le mode purement politique de recrutement.
Il faut éviter de dresser le droit en dogme et abolir l'idolâtrie à la magistrature !
Aujourd'hui, on supprime les assesseurs ; ce précédent, par l'exemplaire, servira demain à supprimer le jury populaire.
Mme Françoise Saudan (R). J'aimerais simplement intervenir sur les remarques qui vous ont été adressées par notre collègue Hermann Jenni. Il n'a jamais été question de grignotage ou d'envisager de supprimer les juges assesseurs au Tribunal de police. Nous estimons que dans cette juridiction ils jouent un rôle essentiel et nous n'avons absolument pas abordé cette question. Il n'en reste pas moins que la Cour de justice a confirmé sa position, qu'elle a également relevé des difficultés d'organisation du rôle qui se poseraient si nous entrons en matière sur l'amendement proposé par M. Lachat. C'est pourquoi je vous invite à soutenir l'amendement de notre collègue Robert Cramer et à rejeter celui de M. Lachat.
M. Hermann Jenni (MPG). Il faut tout de même dire la vérité. (Des voix: Aaaah... Bravo !) Si j'avais pris soin de noter mot à mot les appréciations peu flatteuses que, notamment, les juristes de la commission judiciaire ont émises à l'égard des juges assesseurs en règle générale, vous seriez édifiés.
Pourtant, qui les nomme dans la règle ? C'est le peuple, mais en fait c'est le Grand Conseil. Qui les désigne ? Le Grand Conseil, parce qu'on remplace en cours de mandat. Prenez-vous par le bout du nez si vous ne choisissez pas mieux vos assesseurs.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Je crois qu'il est vain de refaire le débat que nous avons eu la dernière fois. Le Grand Conseil a souhaité un mois supplémentaire pour réfléchir et il faut aujourd'hui trancher entre un
système d'échevinage qui maintiendrait les assesseurs pour l'Habeas Corpus et un système qui les supprimerait totalement.
Par contre, le Conseil d'Etat vous dissuade de prendre cette espèce de mesure temporaire que propose l'amendement de M. Cramer. Cet amendement, Monsieur Cramer, se heurte - je connais bien le problème pour avoir dû le traiter pendant les années 70 à propos de l'affaire Jaccoud - à la prohibition des tribunaux temporaires et exceptionnels. Voyez l'article 131 de la constitution.
Nous ne pouvons pas ajouter de juges surnuméraires à un tribunal qui est complet. Le Tribunal de police est complet. Si ce dernier arrive à se composer normalement, la seule solution possible pour le Grand Conseil, lorsque des tribunaux sont confrontés à des situations exceptionnelles de récusation ou de composition, c'est de passer par l'article 71 de la loi sur l'organisation judiciaire et d'élire des juges ad hoc.
Mais le Tribunal de police n'est pas dans cette situation et votre amendement qui propose de faire siéger temporairement les juges assesseurs de la Chambre d'accusation au Tribunal de police se heurterait, au pire, à cet article 131 de la constitution.
Ne sortons pas de la légalité car cela ne manquera pas d'être soulevé par des plaideurs. Il faut trancher une bonne fois cette question. Soit on maintient les assesseurs, soit on ne les maintient pas. Il est inutile de se dérober devant ce choix en adoptant une disposition transitoire qui est boiteuse ou inconstitutionnelle.
M. Robert Cramer (Ve). Pour autant que les autres personnes ayant signé cet amendement y adhèrent, je n'ai pas d'objection à retirer mon amendement. C'était pour essayer d'arranger...
Des voix. Les «bidons» !
M. Robert Cramer. ...Oui, les «bidons» ! Mais, si on n'en veut pas, je suis prêt à le retirer.
La présidente. Dois-je considérer cet amendement comme retiré ?
M. Thierry Du Pasquier (L). Non, Madame la présidente, il faut maintenir cet amendement. On verra bien ce que le vote révèlera.
La présidente. Je mets aux voix le sous-amendement de M. Cramer.
M. Hermann Jenni (MPG). Malgré tous les défauts et les erreurs juridiques que commettent les assesseurs, je vois qu'en ce moment c'est entre juristes qu'on cafouille ! (Rires.)
M. Claude Blanc (PDC). Il me semble qu'il faut d'abord voter sur la proposition Lachat.
La présidente. M. Cramer a présenté la sienne comme un sous-amendement qui doit donc être mis aux voix en premier.
Mis aux voix, le sous-amendement de M. Cramer portant sur le titre IX, disposition transitoire de l'article 156 (nouveau) (modification : «Dès l'entrée en vigueur de l'article 30 lettre g de la présente loi, les juges assesseurs élus à la Chambre d'accusation siègent au Tribunal de police jusqu'à la fin de leur mandat.») est rejeté.
Titre
Mis aux voix, l'amendement de M. Lachat portant sur le titre (adjonction d'une lettre : «c) modifiant la loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judicaire, du 26 janvier 1990 (E 2 2).» est adopté.
Mis aux voix, le titre, ainsi amendé, est adopté.
Article 1 (souligné)
Art. 29, alinéa 1 (nouvelle teneur)
La présidente. Je mets aux voix la proposition de M. Lachat consistant à compléter l'article 1 souligné par un article 29, alinéa 1 (nouvelle teneur) ainsi libellé:
La Cour de justice comprend 12 à 18 juges, dont un président, un vice-président, 10 à 15 juges suppléants, 10 juges assesseurs rattachés à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers, soit 5 choisis dans les groupements représentatifs des locataires et 5 dans les milieux immobiliers, ainsi que 2 juges assesseurs et 4 juges assesseurs suppléants rattachés à la Chambre d'accusation pour l'examen des demandes de mise en liberté et de prolongation de la détention.
Cet amendement est adopté.
Art. 50 A, al. 2 (nouveau)
La présidente. Je mets maintenant aux voix l'amendement de M. Lachat proposant un article 50 A, alinéa 2 (nouveau) ainsi libellé:
Lorsqu'elle est saisie d'une demande de mise en liberté ou de prolongation de la détention, elle est composée d'un juge à la Cour, qui la préside, assisté de 2 juges assesseurs élus à cet effet.
Cet amendement est adopté.
L'article 1 (souligné), ainsi amendé, est adopté, de même que l'article 2 et l'article 3 (soulignés).
Le projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
a) modifiant la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 (E 2 1);
b) modifiant le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977 (E 3 5).
(Transfert de la Chambre d'accusation à la Cour de justice et restriction de la publicité des audiences de cette juridiction)
c) modifiant la loi fixant le nombre de certains magistrats du pouvoir judicaire, du 26 janvier 1990 (E 2 2).
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 (E 2 1), est modifiée comme suit:
Art. 29, al. 1 (nouvelle teneur)
La Cour de justice comprend 12 à 18 juges, dont un président, un vice-président, 10 à 15 juges suppléants, 10 juges assesseurs rattachés à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers, soit 5 choisis dans les groupements représentatifs des locataires et 5 dans les milieux immobiliers, ainsi que 2 juges assesseurs et 4 juges assesseurs suppléants rattachés à la Chambre d'accusation pour l'examen des demandes de mise en liberté et de prolongation de la détention.
Art. 30, lettre g (nouvelle)
g) 1 Chambre d'accusation.
Art. 50 (abrogé)
Art. 50 A, al. 2 (nouveau)
Lorsqu'elle est saisie d'une demande de mise en liberté ou de prolongation de la détention, elle est composée d'un juge à la Cour, qui la préside, assisté de 2 juges assesseurs élus à cet effet.
Art. 2
Le code de procédure pénale, du 29 septembre 1977 (E 3 5), est modifié comme suit:
Art. 21, al. 4 (nouvelle teneur)
4 Le huis clos doit être levé dès que les circonstances qui l'ont motivé ne sont plus réalisées et, en tout cas, avant le prononcé du jugement ou de l'ordonnance; demeurent réservés les articles 153 A, 186 A, 189, 195 et 201 A.
Art. 41, al. 1, lettre e (nouvelle)
e) de demander le huis clos à toutes les audiences de la Chambre d'accusation.
Art. 153 A (nouveau)
Audiences et décisions
1 La Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil si la demande en est faite:
a) par l'inculpé;
b) par la victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle.
2 Préalablement à l'audience, elle informe de ce droit les personnes visées à l'alinéa 1.
Art. 186A (nouveau)
Huis clos
1 La Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil si la demande en est faite:
a) par l'inculpé;
b) par la victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle.
2 Préalablement à l'audience, elle informe de ce droit les personnes visées à l'alinéa 1.
Art. 192, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Le délai de recours est de 10 jours à partir de la notification de la décision.
Art. 193 A (nouveau)
Recours tardif
1 Le président de la Chambre d'accusation vérifie si le recours a été formé en temps utile.
2 Si tel n'est pas le cas, il déclare le recours irrecevable.
Art. 193 B (nouveau)
Recours irrecevables ou manifestement mal fondés
1 La Chambre d'accusation peut, à l'unanimité, décider d'emblée de ne pas examiner le fond des recours manifestement irrecevables, ou rejeter ceux qu'elle considère, sans hésiter, comme mal fondés, sans échange d'écritures ni débat.
2 L'ordonnance est motivée sommairement.
Art. 194 (nouvelle teneur)
Echange d'écritures
Si le recours ne paraît pas manifestement irrecevable ou mal fondé, le président de la Chambre d'accusation le communique aux autres parties ainsi qu'au magistrat qui a rendu la décision attaquée, en leur fixant un délai de 10 jours pour présenter leurs observations écrites.
Art. 194 A (nouveau)
Ecritures à refaire
Les écritures illisibles, inconvenantes ou prolixes sont renvoyées à la partie intéressée qui est invitée à les refaire dans le délai fixé par le président.
Art. 195 (nouvelle teneur)
Plaidoiries
1 A l'issue de l'échange d'écritures, la Chambre d'accusation demande aux parties si elles entendent plaider.
2 Si l'une des parties en fait la demande, les parties et leurs conseils sont convoqués par écrit pour une prochaine audience.
3 Les parties ne sont pas tenues de comparaître en personne à l'audience de plaidoiries.
Art. 196 (nouvelle teneur)
Audiences et décisions
1 Lorsque la procédure n'est pas devenue contradictoire ou lorsque le recours vise une personne qui n'est pas inculpée, la Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil.
2 Dans les cas des articles 116, 130, 137 et 198, la personne qui fait l'objet de la dénonciation, de la plainte ou de l'instruction peut requérir que l'audience soit publique, sous réserve de l'alinéa 3.
3 Si la victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle ou un inculpé en fait la demande, la Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil.
4 Dans le cas de l'article 114 B, elle siège en Chambre du conseil et statue en dernier ressort en audience publique.
5 Une copie de l'ordonnance de la Chambre d'accusation est jointe à la procédure.
Art. 201 A (nouveau)
Audiences et décisions
1 La Chambre d'accusation siège et statue en Chambre du conseil si la demande en est faite:
a) par l'inculpé;
b) par la victime d'une infraction contre l'intégrité sexuelle.
2 En cas de pluralité d'inculpés, la demande de l'un d'eux suffit.
3 Préalablement à l'audience, elle informe de ce droit les personnes visées à l'alinéa 1.
Art. 3
Le Conseil d'Etat fixe l'entrée en vigueur de la présente loi.