Séance du
vendredi 17 septembre 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
7e
session -
34e
séance
M 759-A
1. Rappel historique
Procédant à l'examen de la pétition 667 déposée par le Mouvement de la condition paternelle le 6 juin 1985, la commission judiciaire du Grand Conseil n'a pas suivi les pétitionnaires et n'a pas voulu proposer, sur le plan cantonal, une sanction pénale supplémentaire en cas de violation du droit de visite.
En revanche, compte tenu de l'importance du problème posé, elle a demandé par le biais de la motion 759 la création d'un point de rencontre pour l'exercice de ce droit.
Présentée au Grand Conseil le 29 novembre 1991, la motion 759 a été adoptée. Elle invitait le Conseil d'Etat à «mandater la Fondation officielle de la jeunesse pour mettre en place, de façon permanente, un lieu d'accueil spécifique en utilisant ses locaux et son personnel»; elle invitait également le Conseil d'Etat çê présenter au Grand Conseil un rapport au terme d'une année afin d'examiner si ce lieu répond aux besoins du canton et si, le cas échéant, il y a lieu de développer une telle pratique». C'est ce rapport qui fait l'objet des présentes lignes.
Début 1992, le Conseil d'Etat a donc confié à la Fondation officielle de la jeunesse la mission de créer dans ses locaux, sans dépenses supplémentaires pour l'Etat, une structure d'accueil spécifique permettant aux parents d'y rencontrer leur(s) enfant(s). Dès l'automne 1991, l'équipe éducative de «La Grange», unité des Foyers de Gilly gérés par la Fondation, avait réfléchi à la possibilité de réaliser une structure qui permette à l'enfant de garder contact avec ses deux parents, le couple parental devant être conservé, même en cas de divorce, pour l'équilibre de l'enfant.
Un concept de fonctionnement a été élaboré et le point de rencontre a ouvert ses portes en janvier 1992.
2. Objectifs et concept de fonctionnement
Le concept s'est inspiré des divers points de rencontre existants, notamment en France. Le point de rencontre met à disposition des parents qui le souhaitent un lieu calme et neutre où ils peuvent rencontrer leur(s) enfant(s) et rétablir avec lui (eux) un lien plus régulier. Ce lieu est également à disposition des services sociaux pour l'organisation du droit de visite dont ils ont la charge. Un travailleur social, par ailleurs formé à la «médiation», est à disposition tant pour organiser l'entrevue que pour servir de relais entre les parents et négocier les problèmes existants et l'avenir des relations parents-enfants. Est-il besoin d'insister sur les objectifs préventifs de ce lieu et sur son concept social? Il vise à maintenir ou à recréer des liens entre un enfant et le parent duquel il est séparé et donc permet à l'enfant un développement mieux équilibré.
3. Bilan
Contrairement à ce que d'aucuns avaient prédit, le point de rencontre n'a pas été submergé de demandes; il a néanmoins répondu de manière régulière aux diverses demandes d'informations et son activité est en constante progression.
Il s'est fait connaître par les articles parus dans la presse au moment du vote de la motion par le Grand Conseil, par une large diffusion d'un dépliant aux partenaires sociaux, avocats, médecins, écoles, tribunaux.
Toutes les demandes n'ont pas abouti à un accueil ou à un hébergement, voire à un entretien, aussi est-il particulièrement difficile d'apprécier le volume de travail; quelques chiffres peuvent toutefois donner une impression générale:
50 appels téléphoniques pour obtenir des renseignements;
74 entretiens relatifs à des informations, des demandes d'accueil, d'hébergement, des évaluations;
40 droits de visite ont été organisés au point de rencontre pour 40 parents qui sont venus de une à vingt et une fois, qu'il s'agisse d'un échange, d'un accueil ou d'un hébergement.
Les pères non-gardiens sont les principaux utilisateurs.
Les enfants sont généralement en bas-âge, à l'exception de trois adolescents.
Les motifs de fréquentation sont toujours liés à des problèmes sérieux comme la violence, le risque d'enlèvement, des difficultés psychologiques ou relationnelles.
La fréquence d'utilisation est variable en fonction de chaque situation; toutefois, il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit avant tout d'un lieu de transition et que le travail vise avant tout à rétablir des relations naturelles, sans intermédiaire.
Les parents, toujours volontaires, sont pour la plupart orientés par un service officiel; rares sont ceux venus de leur propre initiative.
Conformément au texte de la motion 759, le point de rencontre s'est créé sans augmentation de postes de travail et par conséquent sans demande de subvention supplémentaire. L'équipe de l'unité «La Grange» des Foyers de Gilly a assumé les permanences du point de rencontre tout en poursuivant ses tâches habituelles, soit l'accueil de familles ou de personnes momentanément en difficulté.
4. Suites à donner
L'expérience du point de rencontre a été suivie attentivement, mais de façon informelle, par les milieux sociaux et judiciaires intéressés: services de l'Office de la jeunesse, Hospice général, Tribunal de première instance, Cour de justice, Chambre des tutelles, Mouvement de la condition paternelle, Fondation officielle de la jeunesse. Leurs représentants se réunissent régulièrement pour s'informer et échanger leurs préoccupations sur la pratique et les besoins existants.
Le point de rencontre de Gilly de la Fondation officielle de la jeunesse répond à un réel besoin et devrait être reconnu par le Conseil d'Etat comme une structure de prévention. Plus il fonctionnera, plus il sera connu et mieux il pourra répondre aux attentes de parents qui ne disposent pas d'un lieu adéquat pour rencontrer leurs enfants et reprendre peu à peu avec eux des relations régulières et normales. Cependant, il est apparu au groupe que certaines demandes ne pouvaient être actuellement satisfaites à Gilly, dans sa conception inspirée par le mandat confié par le Conseil d'Etat, lorsque par exemple le droit de visite, son déroulement, son lieu, son heure, étaient imposés par une décision judiciaire dans les cas où ce droit de visite devait être surveillé étroitement lors de risques de violence, de mauvais traitements, d'enlèvement ou d'abus sexuels.
5. Point de rencontre «judiciaire»
Gérant le centre «Le Pont» à Carouge, l'Hospice général a proposé de mettre à disposition un lieu répondant à ces attentes et sans mandat du Conseil d'Etat. Il s'agit d'un lieu clos et facilement observable où des éducateurs se chargeront de missions confiées par les tribunaux. Le concept de fonctionnement et les objectifs visés ont reçu l'aval du groupe de travail et de la direction générale de l'Office de la jeunesse. Ce point de rencontre «judiciaire» ouvrira ses portes le 13 septembre 1993. A l'issue d'une année de fonctionnement, les deux points de rencontre devraient fournir un rapport. Il est par ailleurs évident qu'aucune subvention ne pourra être allouée à ces deux structures.
6. Conclusion
Le problème aigu de l'exercice du droit de visite qui empoisonne trop souvent la vie de parents divorcés et surtout celles de leurs enfants doit faire l'objet de soins tout particuliers. Le point de rencontre de Gilly prouve son utilité et sa fréquentation est en augmentation constante. Nous pensons qu'il doit être maintenu dans la palette des offres des institutions et structures genevoises d'éducation spécialisée. Une nouvelle expérience, proposée notamment par les milieux judiciaires, va être tentée pour un exercice très différent du droit de visite imposé et surveillé dans le cas où cela s'avère nécessaire, sur mandat d'une autorité. Les milieux intéressés et la direction générale de l'Office de la jeunesse suivront de près ces deux points de rencontre qui doivent répondre au mieux aux besoins énoncés.
Un nouveau bilan sera établi en été 1994 qui permettra d'évaluer les résultats des structures en question, sans allocations de subventions et sans frais pour les parents.
Le Conseil d'Etat estime que les points de rencontre sont destinés aux enfants et doivent garantir, quelle que soit leur spécificité, une bonne qualité de contact avec les parents.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.