Séance du
vendredi 17 septembre 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
7e
session -
34e
séance
PL 6930-A
Ce deuxième rapport de minorité n'aurait jamais dû être écrit. Et encore moins imprimé. Il est absurde. Du reste il ne sera lu par personne. Par conséquent il ne sera même pas discuté. Donc il ne sert à rien. C'est alors qu'il peut prendre tout son sens. Uniquement en tant que rapport de protestation et d'indignation. Il s'élève contre l'esprit qui préside actuellement aux travaux de la commission de l'enseignement et de l'éducation. Ou plutôt contre l'absence de tout esprit. Il vise à avertir que cette commission s'est graduellement transformée en une compagnie de pompes funèbres. Qu'elle s'est désormais spécialisée: elle se cantonne à organiser des enterrements de première et de seconde classe. Elle a fait son deuil de toute autre mission. Ainsi, toutes les initiatives de parlementaires, qu'elles soient bonnes ou pas encore pleinement abouties, passent à la trappe à tour de rôle. Puis elles sont enterrées en plénière avec un certain cérémonial, en présence d'une assistance attristée, qui se dépêche de passer à autre chose. Et c'est à ce genre de cérémonie que l'on nous invite à prendre part avec le projet de loi instaurant des mesures destinées à encourager la prise de retraite anticipée chez les enseignants, projet présenté par MM. Roger Beer et Hervé Dessimoz. Certes le texte proposé par ces deux députés radicaux recèle des lacunes. Il comporte des limites qui sont bien vite apparues après un premier examen. Oui, cette préparation n'a plus les traits d'esprit qui faisaient du «vieux parti» un nid de révolutionnaires au siècle dernier. Mais est-ce suffisant pour qu'il soit incinéré avant son heure? Il soulève de bonnes questions et cerne des problèmes essentiels. Il est une tentative de proposer un petit quelque chose. A partir du petit coin qu'occupent aujourd'hui les radicaux au parlement genevois, coincés entre l'extrême-droite et les démocrates-chrétiens. Mais un diagnostic entrepris dans un esprit positif et avec quelque intelligence clinique aurait permis de lui trouver de menues qualités dignes d'être concrétisées. Le malade pouvait encore être sauvé. Ce d'autant plus que des fonctionnaires dévoués ont passé un temps considérable à étudier la faisabilité ou la viabilité des mesures esquissées et qu'ils ont su dégager des perspectives intéressantes. C'est un hommage que je veux rendre à ces travailleurs de l'ombre qui se voient pressés, contraints et attaqués de toutes parts sans pouvoir se défendre, pire, sans être défendus si ce n'est par les milieux syndicaux et progressistes, et qui ont trouvé quelque intérêt à faire des comparaisons entre le PLEND et le projet radical. Les représentants de l'UCESG, de la FAMCO et de la SPG, qui ont été auditionnés, lui ont aussi manifesté quelques sympathies ce qui, évidemment, a été immédiatement ressenti comme hautement suspect par d'aucuns. Ainsi, potentiellement tous les éléments étaient réunis pour que la commission puisse poursuivre ses travaux et aboutir à quelque chose, par exemple en gardant les points forts et positifs du projet de loi, en les bonifiant, en les synthétisant et en les réunissant dans une motion à renvoyer au Conseil d'Etat pour qu'il puisse tenir compte des perspectives dégagées dans ses prochaines propositions. Mais voilà: la présidence du département est en voie de partance, désabusée et désavouée par les siens, dégoûtée par les attaques incessantes et sournoises des milieux bourgeois et ne pouvant plus compter sur les milieux de l'enseignement à la suite des événements de l'hiver dernier. Les libéraux sont obsédés par les économies à réaliser et par le démantèlement de l'Etat en tant que service public; les démocrates-chrétiens sont atteints ici d'un brusque retour à l'obscurantisme, à l'arbitraire et à l'intolérance. Les radicaux, juste retour de l'histoire, se voient retourner la monnaie de pièces qu'ils ont bien trop souvent jouées. Notons au passage qu'il n'y a rien de nouveau à cet état de fait puisqu'il en a été ainsi pour pratiquement tous les projets traités par la commission ces derniers temps. Le parascolaire, les études pédagogiques ont subi un sort identique. Les comptes et les budgets du département de l'instruction publique sont examinés sans conséquence puisque les quelques recommandations qui pourraient éventuellement être formulées ne sont jamais prises en considération par quiconque. Des documents fondamentaux tels que «l'Ecole genevoise: préserver l'essentiel» ou «Quand la réalité résiste à la lutte contre l'échec scolaire» sont discutés avec beaucoup de civilité et d'application mais ne débouchent jamais sur rien! L'école publique n'a jamais été autant questionnée qu'aujourd'hui et l'on assiste à la liquéfaction pure et simple de la commission parlementaire chargée de se pencher sur son triste sort.
Révoltés par ce dysfonctionnement à constantes répétitions, plusieurs députés ont élevé des protestations et menacé de ne plus siéger dans cette commission. Dans l'indifférence la plus totale. Puis ils se sont laissé gentiment attendrir par des promesses de réforme, qui sont toujours attendues. Ainsi va le parlement genevois. Ainsi va-t-il aller jusqu'à la fin de la législature. Et c'est cela qui est absurde, inacceptable car cela n'a aucun sens ni aucune justification possible.
Ce qui donne tout son sens à ce deuxième rapport de minorité.
Allez, un bon coup de balai.
Pour que puisse continuer à vivre l'Ecole publique genevoise.
Premier débat
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve), rapporteuse. Le rapport de la majorité de la commission de l'enseignement est négatif à l'égard du projet de loi. Je vais vous en expliquer brièvement la raison, pour éviter les malentendus.
Le projet a été examiné avant même que la commission vote son entrée en matière, ce qui nous permet quand même d'en avoir une idée assez précise. La première conclusion à laquelle la commission a abouti est qu'il est complètement irréaliste. Le projet tentait de résoudre plusieurs problèmes à la fois. Un : des économies pour l'Etat. Deux : le rajeunissement du corps enseignant. Trois : l'engagement de nouveaux professionnels.
Le principe qui devait résoudre ces trois problèmes était le suivant : proposer aux anciens enseignants, devenus plus chers grâce à leur cursus professionnel, de quitter leur poste contre une rémunération. La différence de salaire entre un ancien enseignant et le nouveau engendre une économie pour l'Etat et permet l'engagement du nouvel enseignant. Ce projet est irréaliste de ce point de vue, car le salaire du nouvel enseignant progresse de façon à rendre cette possibilité tout à fait inintéressante pour celui qui aurait l'imprudence de choisir de sortir.
Ensuite, la commission de l'enseignement n'a pas voulu accepter une proposition de partage du travail faite sur une catégorie particulière de la fonction publique. Ce projet concerne les enseignants en raison des salaires qui peuvent permettre un certain partage. Nous disons - je le répète - que d'autres solutions sont à l'examen. Le groupe écologiste a proposé, il y a plus d'une année, une motion sur l'encouragement du temps partiel dans la fonction publique. Il a aussi proposé une motion sur la réduction du temps de travail dans la fonction publique. Le Conseil d'Etat a constitué un groupe avec les partenaires sociaux pour réfléchir au partage du travail et à l'emploi dans la fonction publique.
Nous estimons que ces sujets doivent être effectivement traités dans leur globalité.
M. Philippe Fontaine (R), rapporteur. Lors de nos travaux, nous avons ressenti tout de suite un malaise important. Ce malaise était certainement dû à l'attachement à vouloir comparer deux choses qui en fait sont différentes. Mme Maulini vient de dire que ce projet est irréaliste car il tente de résoudre deux difficultés dans un même temps.
Je dirai que ce projet est particulièrement intelligent. (Rires.) Oui, parfaitement ! Je le dis avec d'autant plus de liberté que je ne l'ai pas signé, Madame Braun-Roth ! Lorsque quelque chose est intelligent il faut le dire, comme on ne se gêne pas du contraire. Il est intelligent parce que, d'une part, il peut résoudre le problème de mise à la retraite des enseignants et, d'autre part, il répond au souci majeur du rajeunissement du corps enseignant, en donnant de nouvelles places de travail à ceux qui n'en ont pas. Et je pèse bien mes mots : (M. Fontaine parle en appuyant sur chaque syllabe.) en donnant des postes de travail à ceux qui n'en ont pas ! Il me semble que c'est l'un des problèmes majeurs que nous avons à affronter en ces périodes. Mais, évidemment, l'application d'un seul projet de loi pour deux difficultés d'ordres différents n'est pas aisée. Pour cela il faut se donner du temps pour trouver des pistes de réflexion et faire des calculs qui sont difficiles et délicats.
J'ai expliqué dans mon rapport que nous avions eu l'appui de personnes compétentes, qui nous ont fait quelques scénarios difficiles à suivre parce que très chiffrés, mais qui nous ont montré que le projet Beer-Dessimoz n'était pas impossible et qu'il apportait une solution tout à fait envisageable. Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus a indiqué, en page 5 de son rapport, que ce projet était peu convaincant financièrement, puis, quatre lignes après, elle s'est contredite puisqu'elle y affirme qu'il offre un privilège à une catégorie de la fonction publique.
Le Conseil d'Etat a proposé le projet du PLEND en s'inspirant de la motion de M. Roger Beer. Mais il ne faut pas oublier d'où vient ce projet de loi. En effet, il vient d'un député qui a posé un problème. Comme toujours, rien ne s'est passé. Qu'a fait le député ? Il a attendu patiemment ? Non, il a réagi et rédigé un projet de loi avec un collègue. Les choses n'ont bougé qu'à ce moment-là. Le PLEND ne vise qu'un seul objectif, il ne résout donc pas les deux objectifs visés.
Il était donc faux de vouloir opposer ces projets. C'est tout ce que je voulais dire pour l'instant.
M. Jacques Boesch (T), rapporteur. Oui, vous l'avez compris, après le double rapport de mes collègues, ce qui se passe à la commission de l'enseignement est hautement instructif et relativement difficile à décrire. Il faut avoir vécu quelques séances pour en parler ! J'avais pensé ne pas en parler. En fait, je ne voulais même pas en écrire un mot. Je l'ai écrit à l'heure de la messe, un dimanche matin. (Rires.)
Effectivement, je me suis rendu compte que les députés avaient pris un certain plaisir à lire cela. J'aurais préféré qu'ils prennent un peu moins de plaisir et que les travaux à la commission de l'enseignement se déroulent dans un climat un peu différent. Je crois qu'il n'est pas possible, dans une commission qui doit réfléchir à un certain nombre de problèmes complexes, de continuer à s'affronter. Je vois que la voie est ouverte à la concertation et à une réflexion commune. Même si les projets qui arrivent en commission ne sont pas forcément excellents, le fait d'y travailler ensemble peut permettre de trouver de bonnes solutions.
Je vous propose donc de renvoyer ce projet en commission car il n'a pas abouti. Je trouve dommage, personnellement, que la majorité habituelle se soit minorée dans le cas particulier. Pour une fois qu'il y avait des pistes de réflexion intéressantes, il n'aurait pas fallu les galvauder ainsi. Un renvoi en commission serait la meilleure solution pour ce soir.
M. Armand Lombard (L). A propos du deuxième rapport de minorité de M. Boesch, j'interviens ici pour rassurer ceux qui l'ont lu. J'espère qu'ils sont nombreux, parce que c'est une pièce de littérature intéressante... (La présidente rit.) ...en tout cas vivante !
J'accompagne M. Boesch dans son analyse puisque pendant quelques mois le travail de la commission de l'enseignement a été difficile et n'a pas abouti à grand-chose. Depuis quelques semaines, ou depuis avant l'été, un certain nombre de lignes de travail ont été tracées. Je vous dirais que trois ans et demi de législature pour trouver enfin la façon de travailler me paraît un peu long, mais cela pourra peut-être servir pour une prochaine législature. Un certain nombre de pistes ont été utilisées, la méthode de travail a été trouvée au sujet du parascolaire, des études pédagogiques, des comptes, et pour préserver l'essentiel. Cela a été long, mais tout de même positif. Un groupe de travail examine le domaine de la culture. Cette commission a trouvé son rythme. Un peu tard, il est vrai, mais mieux vaut tard que jamais !
M. Beer s'est attaqué au problème important du vieillissement de notre société, ceci à l'intérieur du DIP. Nous lui sommes reconnaissants de cet essai, qui n'est pas concluant pour nous, mais qui a exigé une profonde remise en question de certaines habitudes. Des auditions sérieuses ont permis de sérier des questions de fond sur l'organisation du DIP en particulier.
Nos conclusions, toutefois, Monsieur Beer, sont très négatives à l'égard du projet de loi, car nous pensons qu'il n'a pas trouvé les solutions adéquates propres à faire avancer quoi que ce soit dans ce domaine. M. Beer a cherché une solution aux deux maux, selon lui, du département de l'instruction publique. Tout d'abord, la pyramide des âges des collaborateurs de ce département qu'il juge dangereusement vieillissante, puis l'absence de création de postes nouveaux pour les jeunes. De plus, M. Beer pense avoir trouvé une élégante solution financière aux deux problèmes. On octroie à chaque enseignant proche de la retraite qui s'en va prématurément, jusqu'à l'âge formel de sa retraite, une prime égale à la moitié des gains faits par l'Etat en engageant un jeune.
Nous contestons l'analyse de ces deux maux et nous affirmons que le système de financement inventé est d'application trop problématique, coûteux et insatisfaisant pour une partie importante des salariés concernés dont les salaires sont trop bas afin de pouvoir y accéder. Nous en avons très longuement discuté en commission. La conviction de M. Beer pour élaborer son système a permis d'entrer dans les infimes arcanes de la finance des retraites, pendant de nombreuses séances, et d'étudier également de nombreux tableaux chiffrés. Mais ceci sans trouver la sympathie des spécialistes consultés ni gagner celle des commissaires fort dubitatifs.
Je souhaite reprendre deux points, si vous le permettez.
1. Le souci du vieillissement du département de l'instruction publique. Il n'est pas visible sur les tableaux des pyramides des âges fournis par le département. Cette pyramide n'est pas dangereuse, elle ne montre pas une chute des collaborateurs à un âge donné. Certes, il y aura de nombreux départs dans les dix prochaines années, mais ce ne sera pas une cascade dramatique de départs à laquelle nous ne pourrions pas faire face. On peut, par contre, constater une augmentation de l'âge moyen des collaborateurs du département de l'instruction publique. Mais tout le pays va devoir apprendre à vivre avec des populations moyennes plus âgées que par le passé. Il n'y a pas que le DIP : tout l'Occident vieillit !
Une solution tente d'éliminer la population vieillissante des entreprises ou du système, mais sans trop savoir où la mettre. L'autre solution est d'intégrer et d'utiliser la population vieillissante. Elle a certes perdu la jeunesse, peut-être un peu d'enthousiasme, mais elle a gagné l'expérience, le sens du dialogue et la quête du consensus; celle qui, précisément, faisait tant défaut à l'automne sous les banderoles de la Place Neuve ! M. Beer n'apporte rien à ce moulin en éliminant les plus âgés. C'est même dangereux de le faire ! Moi, je prétends que ces gens qui font monter la moyenne d'âge ont leur place, peut-être dans la formation continue, pour des classes universitaires débutantes. L'aile sociale du parti radical nous propose là une bien bizarre proposition ! Le DIP, par contre, doit tenir compte du problème du personnel de plus de cinquante ans, et cela doit être un de ses axes de travail à l'avenir. Pour nous, sur ce plan, le projet est inacceptable et particulièrement grave.
2. Le financement doit être comparé à celui du PLEND, puisqu'il s'ouvre à une même clientèle. Toutefois, nous savons que le projet Beer ne s'adresse qu'au DIP. Il crée ainsi une flagrante inégalité dans la fonction publique. De nombreux chiffres nous ont été proposés par les services de la CIA. M. Schibli a passé deux séances à nous expliquer des tableaux extraordinairement complexes, mais extraordinairement parlants. Ceci pour montrer la difficulté, pour un employé du DIP, de partir dans des conditions financières satisfaisantes, même avec une prime de sortie.
M. Rossi, du service financier du DIP, et M. Schibli sont restés très réservés vis-à-vis de ce projet, car on peut déduire les coûts et les épargnes qui en résulteraient pour l'Etat en tenant compte des 175 collaborateurs du DIP qui, en 1993, ont souscrit au PLEND. Permettez-moi quelques chiffres. Le coût du PLEND pour ceux qui l'auront adopté en 1993 sera, sur la durée, de 13,5 millions. Ce chiffre a été donné par M. Rossi. Le projet Beer reviendrait à 19,6 millions, soit 6 millions de plus.
L'épargne obtenue par le départ des collaborateurs du DIP dans le cadre du PLEND serait de l'ordre de 90 millions, sur la durée complète de sept ans et demi en moyenne de salaires à ne pas verser. Celle du projet Beer serait de 18,3 millions. L'opération PLEND rapporterait 76,5 millions. Ce projet Beer serait négatif de 2 millions. Sans doute les deux projets ne visent pas des buts identiques, puisque le PLEND laisse partir son personnel alors que le projet Beer les remplace, ce qui alourdit évidemment sa facture. Mais ces chiffres sont suffisamment parlants pour que l'on s'oppose au projet Beer sur le plan financier, ce d'autant plus que le PLEND pourrait être renouvelé en 1994.
En conclusion, le groupe libéral salue l'initiative courageuse de M. Beer et son travail très en profondeur avec de nombreux collaborateurs du DIP. Il a permis de soulever le problème du vieillissement d'une structure de l'Etat qui incitera - je le pense - le gouvernement à travailler sur ce problème longuement évoqué au cours des nombreuses auditions. Mais, comme il le lui a signifié, le groupe libéral est contraint de s'opposer fermement à son projet pour les deux raisons que je viens de donner.
M. Alain Sauvin (S). Je ne siège plus depuis longtemps maintenant à la commission de l'enseignement, mais j'étais intervenu en préconsultation - peut-être M. Beer est le seul à s'en rappeler - pour dire que ce projet n'était certainement pas parfait - j'avais d'ailleurs émis, au nom de mon groupe déjà, quelques critiques et quelques points précis à traiter en commission - mais que, néanmoins, il avait le mérite d'être porteur d'une idée nouvelle.
Celle-ci devait non seulement être étudiée très précisément et techniquement - je ne doute pas un seul instant qu'on ait examiné tous les tableaux et tous les chiffres - mais il fallait que le Conseil d'Etat en tienne compte dans le débat général ou global, puisque c'est l'objection principale du parti écologiste. Du reste, j'avais demandé à M. Vodoz, à M. Grobet et à M. Ziegler d'insister au Conseil d'Etat pour que cette approche globale soit effectuée. Cela n'a pas été fait ! Il me semble qu'hier soir nous avons tous été - et à juste titre - certainement très sévères à l'égard du Conseil d'Etat - quels qu'aient été notre opinion et notre vote - mais je crois qu'il faut aussi savoir regarder ce qui se passe dans le Grand Conseil et être sévères à l'égard de notre façon de travailler dans un certain nombre de circonstances et de commissions.
Dans ce sens, je trouve - bien que n'y ayant pas participé - que le rapport de M. Boesch correspond à un «coup de gueule» salutaire. Au mois de juin, en commission de l'économie, j'avais fait le rapport de minorité sur l'aéroport qui commençait de la même manière, au grand étonnement de M. Blanc qui s'en était trouvé perturbé et déboussolé. En effet, je m'étais permis, moi qui d'habitude n'interviens pas de façon violente dans ce Grand Conseil, de m'énerver quelque peu dans cette affaire. J'ai retrouvé, dans le rapport de Jacques Boesch, l'ambiance que j'avais qualifiée de «délétère» - c'est un mot fort - qui régnait en commission de l'économie. En tout cas, nous n'avions pas pu travailler sérieusement. Apparemment, dans une partie de vos travaux, cela a été la même chose en commission de l'enseignement. Je ne vais pas faire comme Béatrice Luscher - elle n'est plus là d'ailleurs...
Une voix. Va embrasser Boesch !
M. Alain Sauvin. J'aime beaucoup Boesch, mais je préfère embrasser Béatrice Luscher ! (Hilarité générale.)
Tout ceci pour vous dire que je trouve regrettable de buter sur des difficultés au niveau de la mise en application. Il est vrai que le problème de la discrimination existe. En préconsultation, j'étais intervenu pour dire qu'il faudrait tenter d'élargir ces mesures à tous les fonctionnaires. Mais agissons ! Au nom de quelques difficultés, on envoie par-dessus les moulins une idée intéressante. Je n'insisterai pas parce que notre coup de gueule N°1 du Grand Conseil, Armand Lombard, l'a fait avec moult détails tout à l'heure.
Ce Grand Conseil connaît une dérive grave - nous le reprochons en permanence au Conseil d'Etat - c'est d'être incapable de travailler sérieusement et d'avoir un minimum de respect pour les projets présentés. Ceci est vrai pour tous les députés de la commission, même, et y compris probablement, si ce sont des adversaires politiques. Je terminerai ma dernière intervention dans ce Grand Conseil là-dessus car je pense que si nous voulons sortir du marasme dans lequel nous sommes actuellement, il faut absolument en passer par là. (Applaudissements.)
M. Roger Beer (R). J'ai écouté, évidemment, avec beaucoup d'intérêt tout ce qui a été dit.
Par rapport au projet de loi que j'ai préparé en collaboration avec mon collègue Dessimoz et Mme Lucia Scherrer, du DIP - il faut dire qu'elle sait de quoi elle parle, vu qu'elle y travaille depuis un certain nombre d'années - je suis étonné de la manière dont le problème a été traité. Si nous nous trouvons aujourd'hui devant trois rapports, cela illustre bien la façon dont travaille la commission de l'enseignement.
Je m'étonne, Monsieur Lombard, cher collègue, que vous pensiez que nous ayons enfin trouvé une façon de travailler. Personnellement, j'ai plutôt l'impression qu'en commission de l'enseignement - que je préside, par ailleurs - nous n'avons pas encore trouvé la manière de travailler efficacement. Au contraire, les affrontements sont continus. Finalement, on s'aperçoit que les Israéliens et les Palestiniens réussissent à se mettre d'accord et que nous ne sommes pas capables d'en faire autant ! (Rires.) Vous me direz qu'ils ont mis vingt-cinq ans à le faire ! Je trouve, pour ma part, Monsieur Lombard, que nous sommes loin d'avoir atteint notre objectif.
S'agissant des propos tenus ce soir, et du projet de loi sur le contrat PLEND, je voudrais faire quelques remarques.
Il nous a été reproché, une année après avoir déposé la motion incitant à ces départs à la retraite, que le projet de loi n'était pas tout à fait complet et surtout qu'il n'était pas très favorable pour les personnes qui voulaient partir, et donc pas assez incitatif. Mais je suis vraiment étonné de vous entendre, séance après séance, dire qu'il faut faire des économies et dans le même temps dénigrer une proposition qui demande un effort de la part des fonctionnaires d'un certain âge.
Monsieur Lombard, vous prétendez que mon projet de loi consiste à mettre les anciens à la porte; cela prouve que votre lecture du projet a été tout à fait particulière. C'est votre style, mais vous comprendrez que je ne peux partager votre avis. Le PLEND propose environ 200 F de plus par mois par rapport à notre projet de loi. Il entraîne donc, au contraire, une dépense unique, qui semble - nous pourrions encore discuter les chiffres - plus favorable que notre projet de loi.
Ce dernier n'est pas parfait. Aussi, je remercie M. Boesch de nous inciter à le renvoyer en commission pour le retravailler de façon différente. Ce projet de loi portait sur plusieurs années et l'on nous propose à nouveau un PLEND. C'est étonnant ! Des gens ont hésité à partir, car les conditions n'étaient pas favorables. Pour prendre un exemple chiffré : une dame de 59 ans qui partirait aujourd'hui toucherait entre 112 et 114 000 F. A 60 ans, elle toucherait quelques mensualités correspondant à 47 000 F. Je trouve cela injuste !
La rapporteuse de majorité écologiste nous a attaqués en disant que la réponse à notre projet de loi est le partage du travail. C'est de la tarte à la crème ! Je suis persuadé - tout le monde et tous les partis le disent aujourd'hui - que nous arriverons au partage du travail. Cela engendrera fatalement une diminution des salaires. Le projet de loi radical - le problème est que ce projet est proposé par des radicaux !- (Manifestation.) dit que nous devons accepter le fait de moins gagner. En gagnant moins, on donne la possibilité à d'autres de travailler.
Vous avez dit vous-même, Monsieur Lombard, dans votre texte, que le PLEND ne donnerait pas de travail aux jeunes. Excusez-moi, mais la pyramide des âges n'était pas la même suivant qu'elle provenait de la CIA ou du DIP. Ce n'est peut-être pas aussi grave que ce que l'on pensait, mais le problème du vieillissement est inéluctable, et notre projet de loi permet sur six, sept, huit ou dix ans d'envisager un renouvellement et surtout de donner des possibilités de travail à des jeunes universitaires qui arrivent sur le marché. Cela me semble nettement plus intelligent que de les envoyer au chômage pour attendre quelques centaines d'indemnités, sans parler des conséquences inévitables que l'on connaît pour des jeunes de 25-30 ans. Je ne parle même pas de la suite !
Je pense que le travail effectué en commission est un travail de comptable et d'actuaires. Je tiens à rendre hommage aux deux fonctionnaires du DIP, à M. Rossi de la direction des finances et à M. Schibli de la CIA, qui se sont réellement donné beaucoup de peine pour calculer et nous proposer de multiples scenarii en fonction de différents paramètres. Les députés qui ont assisté à la commission de l'enseignement et de l'éducation se sont tout à coup rendu compte de la complexité de la CIA. Je ne suis pas persuadé que tout le monde ait bien compris ou que nous soyons devenus plus malins, mais c'était très difficile. Aujourd'hui encore la CIA ne sait pas ce que coûte le PLEND, aussi - je le regrette - il était impossible de comparer les coûts des deux projets. Comme nous recommencerons l'année prochaine, je retrouverai bien une idée pour vous proposer une amélioration, si vous le voulez bien et si la population le veut bien ! (Rires.)
Je tiens à rendre hommage à M. Föllmi. C'est vrai, pauvre Monsieur Föllmi, vous allez partir, mais vous avez été le seul - même si cela a pris une année - à reconnaître que la proposition radicale avait inspiré le Conseil d'Etat pour le PLEND. Finalement, si je devais ne retenir que ceci, je vous en remercie, même si ce n'est qu'une piètre consolation. Mais, malgré tout, je crois que la proposition de M. Boesch est une piste intéressante; nous parlons beaucoup de pistes, par manque de solutions ! Les radicaux présents soutiendront, bien sûr, le renvoi en commission.
Mme Monique Vali (PDC). Je ne veux pas allonger le débat. Je voulais simplement revenir sur quelques propos tenus ici.
Il ne faut pas dire que ce projet de loi n'a pas été traité avec sérieux. Ce n'est pas correct ! C'est pourtant ce que vient de faire M. Beer, qui est président de cette commission de l'enseignement. Nous avons entendu M. Rossi et M. Schibli à réitérées reprises. Je connais personnellement les mécanismes de la CIA, mais j'ai toujours imaginé que, pour les collègues qui ne les connaissaient pas, c'était vraiment pratiquement «indigeste». Je leur rends donc hommage d'avoir écouté toutes les explications données séance après séance.
D'autre part - puisque nous faisons la critique du fonctionnement de la commission de l'enseignement - et pour être tout à fait complète, Monsieur le président, vous me permettrez de dire que, dans le cadre de ce projet de loi dont vous étiez coauteur, si vous aviez cédé votre poste de président à notre vice-président, M. Boesch, le débat eût été à certains égards plus serein et courtois.
J'ai lu le rapport de M. Boesch et dans un petit moment je me ferai le plaisir de le contredire parce que la commission de l'enseignement, contrairement à ce qu'il affirme, n'est pas une entreprise de pompes funèbres et qu'elle est encore capable de créer et d'imaginer. Le groupe démocrate-chrétien ne renverra, bien sûr, pas ce projet de loi en commission. A mon avis, il a été présenté - je vous l'avais déjà dit en plénum - avec trop d'inconnues. Les incidences financières ne sont pas suffisamment développées. Le rajeunissement du DIP est une excellente idée, mais je ne sais pas si votre solution est la meilleure.
Monsieur le président, vous semblez tout à fait à l'aise et vous avez dit que vous reviendrez avec un nouveau projet. Je ne serai pas là, mais je vous souhaite bonne chance !
M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. Vu l'heure tardive, je serai bref.
M. Boesch, dans son rapport de minorité, donne un excellent conseil. Je ferai comme lui et conseillerai donc de ne pas lire le prochain rapport que j'établirai, afin que tout le monde se précipite pour le lire attentivement ! Après avoir lu les trois premières lignes, Monsieur Boesch, j'ai eu très envie de lire la suite.
Monsieur Fontaine, je trouve que la proposition de votre collègue partait d'une idée généreuse qui paraissait positive. En effet, elle semblait pouvoir résoudre trois problèmes à la fois : les économies, le rajeunissement du personnel et l'emploi. Mais résoudre trois problèmes aussi importants n'est pas chose simple; nous nous en sommes aperçus en commission. Les deux écueils majeurs, que nous avons découverts en analysant ensemble ce projet, sont l'écueil politique et l'écueil technique.
L'écueil politique, comme cela a été relevé, concerne la catégorie du personnel en question. Il était un peu gênant sur le plan politique de trouver une solution pour les seuls enseignants et pas pour l'ensemble des fonctionnaires. Mais si ce n'était que cela ! Vous aurez pu constater, Monsieur Beer, en analysant les chiffres, que non seulement cette solution ne pouvait s'appliquer à d'autres fonctionnaires, mais encore que tous les enseignants n'y avaient pas accès. Les enseignants du primaire n'entraient quasiment pas dans ce projet de loi, la situation n'étant pas du tout positive pour eux. D'autre part, ce projet était totalement inapplicable pour les enseignants du secteur professionnel puisqu'ils rentrent dans la fonction publique avec des annuités quasiment au sommet, en raison de la maîtrise et de la pratique professionnelle qui sont exigées d'eux. Qui donc pouvait être intéressé par votre proposition ? Les enseignants du secondaire. Cela engendrerait donc des difficultés à l'intérieur du corps enseignant, pris au sens large. C'est le premier écueil auquel nous nous heurtons.
Je remercie encore Mme Maulini-Dreyfus d'avoir soulevé l'écueil technique dans son rapport. En effet, ce projet n'est pas réalisable techniquement. Peut-être faudrait-il trouver une autre solution. En effet, ceux qui partent voient leur rente diminuer au fur et à mesure que les nouveaux arrivés voient leurs annuités augmenter, puisque vous proposiez la différence de salaire entre ceux qui partent et ceux qui arrivent. Vous pensez peut-être qu'il est possible de bloquer les salaires de ceux qui arrivent, mais ils ont droit aux annuités comme tout le monde. Vous ne pouvez pas, sous prétexte qu'ils sont nouveaux dans la fonction publique, bloquer leurs annuités pour permettre de payer la rente de ceux qui sont partis. Mme Maulini-Dreyfus l'a fort bien précisé. Nous n'avons pas trouvé de solution à cet écueil. Il faudrait trouver d'autres idées.
Ces deux écueils rendent difficile l'acceptation de ce projet de loi.
En ce qui concerne le PLEND, Monsieur Beer, je le redis aujour-d'hui, le Conseil d'Etat a peut-être commis l'erreur de ne pas se référer à votre proposition. Le département des finances l'a élaboré, en collaboration avec notre département, mais l'idée - cela est vrai - venait de votre projet. Je vous rends donc encore une fois hommage, parce que vous avez probablement été à l'origine de la mise en oeuvre du PLEND, dont le Conseil d'Etat vous propose une deuxième édition pour 1994. Vous avez raison sur le fait que votre idée était une idée «dans le temps», par rapport au PLEND qui est une opération annuelle. Nous vous la proposons pour 1994. Est-ce une solution reconductible pour plus tard ? C'est un point d'interrogation ! Pour l'instant nous en sommes là et techniquement et politiquement. Votre projet, malgré sa générosité, ses idées et son renouveau, nous montre que le chemin est encore long à parcourir avant d'être réalisable.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je vous prie de m'excuser de prendre la parole après M. Föllmi, mais je l'avais demandée précédemment.
Ce projet de loi est victime du taux d'adrénaline élevé des commissaires de la commission de l'enseignement ! (Manifestation.) C'est un peu dommage ! Je crois qu'il y a des pierres dans le jardin de chacun, s'agissant du travail de cette commission. Comme l'a indiqué Mme Vali, nous ne savions pas toujours très bien si le président tenait un rôle de président ou de défenseur de son projet de loi. Aussi vous pouvez imaginer le brouillard dans lequel cette commission de l'enseignement a travaillé ! Je trouve d'ailleurs le descriptif de M. Boesch assez exact.
Ce projet de loi est intéressant - je ne dirai pas comme M. Fontaine «éminemment intelligent» - et la sanction, à savoir son refus, me paraît un peu forte. Je fais donc une proposition intermédiaire consistant à le renvoyer en commission, mais sans reprendre les travaux tels qu'ils ont été menés, noyés de chiffres. Les auteurs du projet devraient revenir alors avec un document plus précis et plus élaboré, pour faciliter la clarté du travail et l'accélérer.
M. Roger Beer (R). Suite aux propos de M. Föllmi, et par rapport à cette proposition, je pense qu'il est possible de retravailler ce projet de loi. Ce sera relativement compliqué et nous devrons avoir recours à un certain nombre des 12 000 fonctionnaires du DIP. En effet, je ne peux pas y arriver tout seul, ni même avec mon collègue.
Je suis étonné, Monsieur Föllmi, que vous pensiez que ce projet de loi est généreux. En fait, le PLEND est nettement plus généreux. Mon projet de loi - j'en suis persuadé - coûte moins cher à l'Etat, puisqu'il demande un plus grand effort aux fonctionnaires qui atteignent un certain âge. Je l'ai dit lors de la présentation de la motion. A 60 ans, il me semble que l'on a moins besoin de «gros sous» qu'à 30 ans lorsqu'on part dans la vie. (Manifestation et contestation des radicaux.) Je dirai que ça dépend de ce que l'on a fait avant. Toujours est-il que d'un point de vue intellectuel, si ce projet est très généreux, d'un point de vue purement financier il l'est beaucoup moins que le PLEND. Le reproche fait au projet radical est qu'il donne moins d'argent aux personnes qui sont d'accord de partir. Il est donc moins incitatif et, à mon avis, il coûte nettement moins cher à l'Etat. C'est tout !
M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. Je ne reprends la parole qu'une seule minute, Monsieur Beer, pour vous dire que je me suis probablement mal exprimé. En effet, j'entendais «générosité» dans les objectifs du projet et non pas par rapport à l'aspect financier.
La proposition de renvoi en commission du projet de loi est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Cette proposition est rejetée.
Le projet est rejeté en premier débat.