Séance du
vendredi 17 septembre 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
7e
session -
33e
séance
M 872
Le Grand Conseil,
considérant :
la difficulté à trouver, pour certains appartements, des candidats remplissant les conditions d'octroi d'un logement social;
les hésitations, qui en découlent, de certains promoteurs à construire de nouveaux logements sociaux;
le risque de décourager les coopératives d'habitation de faire appel au système HLM;
la perte de revenu fiscal enregistrée par certaines communes sur le territoire desquelles sont construites de nombreuses HLM, suite à l'entrée en vigueur de la modification de la loi générale sur le logement (LGL) du 18 juin 1992,
invite le Conseil d'Etat à :
établir un rapport circonstancié sur les constatations faites depuis l'entrée en vigueur des modifications de la loi générale sur le logement votée par le Grand Conseil le 18 juin 1992;
déposer au Grand Conseil un projet de loi corrigeant les effets négatifs des modifications de la loi générale sur le logement précitée;
suspendre, jusqu'à l'adoption de ce projet de loi, l'entrée en vigueur de ces mesures, en tant qu'elles concernent la perception des troisième et quatrième tranches des surtaxes majorées.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Lorsqu'il a modifié le 18 juin 1992 la loi générale sur le logement, en fixant de nouveaux taux d'effort pour les locataires de logements sociaux, le Grand Conseil était conscient qu'un nombre important de personnes seraient concernées. Les surtaxes de nombreux locataires allaient augmenter, parfois de manière importante. Certaines familles allaient être contraintes, soit économiquement, soit juridiquement, à quitter un appartement social auquel elles n'avaient plus droit, en raison de revenus trop élevés. Les collectivités publiques allaient enregistrer des rentrées importantes, consécutives à l'augmentation des surtaxes. Ces fonds devaient être destinés à la construction de nouveaux logements sociaux.
Le Grand Conseil a été unanime à approuver cette réforme, dans son principe. La minorité (soc., pdt., écol.), toutefois, l'avait jugée trop brutale et avait tenté de réduire les taux d'effort retenus (Mémorial du Grand Conseil 1992, p. 3642 à 3644). Sa proposition d'amendement a été rejetée, au motif, vraisemblablement, qu'à la demande des milieux de locataires, la réforme allait être introduite en quatre paliers, sur 3 ans ½ et qu'elle serait par conséquent progressive.
Aujourd'hui, après une année d'application, cette revision de la loi générale sur le logement apparaît effectivement trop brutale et pose un certain nombre de problèmes pratiques qui sont énumérés ci-après. Ces problèmes justifient, aux yeux des auteurs de la proposition de motion, que le Grand Conseil et le Conseil d'Etat réexaminent certaines des décisions prises.
2. Lorsqu'un logement HLM, voire HBM, se libère, il devient difficile avec les nouveaux barèmes d'entrée pour le propriétaire de trouver des locataires de remplacement qui répondent aux normes. Cette constatation s'applique surtout aux petits logements, destinés à des «groupes familiaux» d'une personne, voire de deux personnes.
On citera l'exemple d'une fondation qui cherchait récemment un locataire pour un deux pièces bon marché (moins de 2 000 F la pièce par année). Parmi les onze candidats qu'elle avait à sa disposition, aucun d'entre eux ne réalisait un revenu égal ou inférieur au barème d'entrée, soit à 22'300 F l'an.
De tels dossiers doivent finalement être traités par l'octroi de dérogations. Mais il n'est pas sain que la dérogation devienne la règle.
3. D'une manière plus générale, les professionnels de l'immobilier hésitent aujourd'hui à construire des logements sociaux. Ils craignent que les nouvelles dispositions aient trop réduit le cercle des bénéficiaires potentiels de logements sociaux et que les nouveaux appartements qu'ils pourraient construire ne trouvent pas de preneurs.
A une époque où la construction connaît de sérieuses difficultés, il est impératif de ne pas décourager les constructeurs potentiels, en particulier de logements sociaux. Cela est d'autant plus évident à un moment où l'Etat s'efforce de donner un nouvel essor à la construction en rendant possible le cumul de l'aide fédérale et cantonale au logement.
4. Le statut des coopérateurs-locataires, disposant d'un logement HLM doit être revu. Il s'agit de personnes qui, économiquement, sont assimilables à des propriétaires et qui, à ce titre, s'investissent souvent dans la gestion de leurs immeubles.
Dans certaines coopératives, les parts sociales acquises par les locataires équivalent presque aux fonds propres des propriétaires de logements PPE-HLM.
Compte tenu de la catégorie socio-professionnelle dans laquelle se recrutent les membres de certaines coopératives, la modification des barèmes de la LGL pose problème. Nombre de coopérateurs ont reçu des surtaxes importantes et même si l'article 13 de la loi limite à 4 000 F par pièce et par an le montant que peut atteindre l'addition de la surtaxe et du loyer, ces coopérateurs seront certainement incités à changer de logement lorsqu'il recevront la troisième, voire la quatrième majoration de leur surtaxe. Or, apparemment, le législateur n'a pas voulu déloger les coopérateurs-locataires qui, comme les propriétaires, doivent bénéficier d'une sécurité du logement. On relèvera d'ailleurs que la loi a soustrait les coopérateurs, comme les propriétaires, aux règles de la loi sur la notification des congés (art. 32 A LGL et 20 RGL).
En définitive, il est à craindre que le mouvement coopératif soit découragé par l'exode de trop nombreux coopérateurs, et qu'aucune nouvelle coopérative ne voie le jour dans les années à venir au bénéfice des lois HLM.
A une époque où certains prônent un effort accru pour l'accession à la propriété, il serait paradoxal que l'on persiste à maintenir des mesures décourageant la propriété coopérative.
5. L'impact fiscal des mesures prises par le Grand Conseil le 18 juin 1992 a été négligé. En raison de surtaxes fortement majorées et peut-être suite à une certaine détente du marché immobilier, nombre de locataires ont quitté les logements sociaux et ont été remplacés par des personnes fiscalement moins «intéressantes». De ce fait, certaines communes, qui ont fait un effort important pour accueillir de nombreuses HLM sont pénalisées sur le plan fiscal, ce qui est pour le moins malheureux à une époque où les finances de ces collectivités se portent déjà fort mal.
Ainsi, les communes de Puplinge, Onex, Meyrin et Vernier ont été amenées à réagir, en laissant entendre qu'elles s'opposeraient à l'avenir à la construction de logements sociaux sur leur territoire, si les nouvelles dispositions n'étaient pas revues.
A nouveau, la relance dans le secteur de la construction, risque de se trouver compromise si elle se heurte à l'opposition des municipalités les plus enclines à accueillir des logements sociaux.
6. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que dans la conjoncture économique actuelle, certains ménages surtaxés peuvent avoir des difficultés à s'acquitter des montants relativement importants qui leur sont réclamés. En outre, dans le marché immobilier libre, les appartements familiaux à des prix convenables demeurent rares. Les familles précitées ne parviennent dès lors pas à trouver dans un délai raisonnable une solution abordable de remplacement.
7. Les faits exposés ci-dessus amènent les auteurs de la présente motion à demander au Conseil d'Etat :
a) de rédiger pour la fin de l'année 1993 un rapport circonstancié sur l'application de la nouvelle loi générale sur le logement, votée par le Grand Conseil le 18 juin 1992. Entre autres, ce rapport devra indiquer le nombre de surtaxes notifiées, la réaction des surtaxés, le nombre de déménagements, le nombre de logements sociaux vacants, le nombre de nouvelles allocations logements, ainsi que l'augmentation des rentrées résultant des surtaxes, et les projets concrets de logements sociaux dans lesquels elles ont été investies;
b) de rédiger un projet de loi atténuant les effets négatifs de la révision du 18 juin 1992, tels que décrits ci-dessus;
c) jusqu'à l'adoption d'un tel projet de loi, de renoncer à l'entrée en vigueur des troisième et quatrième tranches de majoration des surtaxes, telles que prévues à l'article 2, alinéa 2 de la loi du 18 juin 1992 (Mémorial du Grand Conseil 1992, p. 3655).
Nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver le meilleur accueil à la présente proposition de motion.
Débat
M. David Lachat (S). La proposition de motion que nous vous présentons ce soir n'a pas pour objet de revenir sur les principes retenus lors de la révision de la loi générale sur le logement de 1992.
Aujourd'hui comme hier, je suis convaincu que la réforme se justifiait. Il était à mon avis opportun de revoir les barèmes d'entrée dans les logements HLM, de retenir le revenu brut plutôt que le revenu net comme critère déterminant pour l'octroi d'un logement social. Il était à mon sens adéquat de surtaxer aussi les locataires de HCM, entre autres réformes. D'une manière plus générale, il faut effectivement réserver les logements sociaux aux personnes qui en ont le plus besoin. Il est donc légitime de demander à moyen terme aux personnes qui ont les moyens de se procurer un logement sur le marché libre de libérer leur HLM qui fera certainement le bonheur de personnes moins fortunées.
Par conséquent, cette proposition de motion, contrairement à l'initiative populaire lancée hier, ne vise qu'à des réajustements, peu importants à mes yeux, de la loi de 1992. Nous voulons d'autant moins «casser la baraque» que nous avons obtenu l'année dernière que le produit des surtaxes soit affecté exclusivement à la construction de logements sociaux et nous tenons plus que jamais à ce que l'Etat dispose des moyens nécessaires pour mener une politique active de construction de logements sociaux, en particulier de HBM. Cela doit être précisé sans ambiguïté.
L'application de la nouvelle loi a suscité un certain nombre d'émois dont nous avons été alertés au moins par cinq canaux différents. Tout d'abord la seconde tranche de la surtaxe qui a été notifiée en avril 1993, six mois seulement après celle d'octobre 1992, a été jugée précipitée par nombre de ses destinataires. Les permanences de l'Asloca ont été assaillies et, apparemment, l'office du logement social a reçu de nombreuses réclamations. Toutes les personnes qui se sont plaintes, à ma connaissance, ont en tout cas regretté le rythme trop rapide de ces notifications de hausses de surtaxes.
Deuxièmement, une série d'organismes à but non lucratif qui gèrent des logements sociaux nous ont indiqué avoir eu de la difficulté à trouver des locataires pour les logements qui se libéraient, les normes de revenus étant trop basses, surtout s'agissant de petits logements très bons marchés.
Troisièmement, j'ai assisté à plusieurs réunions de coopératives d'habitation où j'ai dû faire face à une fronde des coopérateurs présents. Ils considéraient que les nouvelles normes ne prenaient pas suffisamment en compte leur statut particulier.
Quatrièmement, des promoteurs immobiliers m'ont dit hésiter à se lancer dans de nouvelles opérations de HLM. Ils considèrent qu'entre leurs exigences quant à la solvabilité des locataires, d'une part, et les barèmes d'entrée reformés, d'autre part, la marge est trop étroite et réduit par trop le cercle des personnes susceptibles d'être intéressées par ce type de logements. En particulier des professionnels de l'immobilier ont critiqué la règle selon laquelle pour les logements neufs, mis pour la première fois sur le marché, le barème d'entrée était réduit à 75 % de son montant initial.
Enfin, une coalition hétéroclite de communes a fait connaître ses doléances à propos de la nouvelle loi. Apparemment, cette nouvelle législation leur pose des problèmes fiscaux, et certaines communes se sont dit découragées de recevoir de nouvelles HLM sur leurs territoires.
Toutes ces informations qui nous sont parvenues de manière empirique justifient à nos yeux une enquête et une étude approfondie sur les effets de la nouvelle loi. Jusqu'à aujourd'hui, par la force des choses, la direction du logement a été avare en explications et les quelques données que l'on trouve dans le dernier rapport du Conseil d'Etat de 1992 sont insuffisantes pour infirmer ou pour confirmer les données que nous avons recueillies de manière empirique. C'est donc le premier et le principal objet de notre motion que de demander au Conseil d'Etat de faire le bilan, un peu plus d'une année après son entrée en vigueur, de la modification de la loi générale sur le logement.
Je doute qu'il se trouve sur les bancs de ce Grand Conseil des personnes susceptibles de combattre cette proposition; c'est une proposition qui me paraît nécessaire, c'est une saine vérification des données. Nous autres députés avons le droit de connaître les suites des lois que nous votons et de voir ce qu'il advient de leur application, et cela dans le détail. Nous avons aussi le devoir de vérifier les informations qui nous parviennent du public. Je sais d'ailleurs que la direction du logement travaille déjà à recueillir ces informations et je pense que M. Ischi et M. Haegi, conseiller d'Etat, seront tout à fait heureux et disposés à nous fournir ces explications dans un rapport.
La seconde invite de notre motion suggère au Conseil d'Etat d'envisager de moduler quelque peu, si nécessaire, cette nouvelle loi. Je me demande s'il ne faudrait pas se pencher en détail sur le statut des coopératives HLM, s'il ne faudrait pas revoir un peu les barèmes d'entrée pour les tout petits appartements bon marché, s'il ne conviendrait pas de revenir au barème un peu abaissé que nous avions proposé sans succès l'année dernière au travers d'une proposition d'amendement qui avait été rejetée. Evidemment, de telles modifications légales n'ont de sens que si les informations empiriques que nous avons récoltées sont confirmées par les travaux du Conseil d'Etat.
Peut-être faudrait-il aussi songer, dans le cadre de la péréquation fiscale intercommunale, à un «bonus» pour les communes qui font un effort particulier dans le domaine des HLM. Je ne vous cache pas que cette idée n'est pas la mienne, comme proteste Mme Saudan à juste titre. C'est une idée que cette excellente députée a émise et qui me paraît devoir être creusée par les spécialistes de la fiscalité, dont je ne suis pas.
Enfin, troisième et dernière invite. Nous aimerions que l'on songe à ralentir un peu le rythme de notification des troisième et quatrième tranches de majoration des surtaxes. S'il est légitime, comme je l'ai dit en début d'exposé, de dissuader économiquement les locataires relativement aisés d'occuper une HLM, il faut encore leur donner le temps de trouver sur le marché libre une solution de relogement. Or, dans le marché actuel, il n'est pas évident de trouver, dans les délais donnés par ces quatre tranches de notification de surtaxe, un nouvel abri pour une famille. Les relations humaines, sociales, ne peuvent pas se briser ni en six mois ni en une année, par conséquent il faut, selon la formule consacrée, «donner un peu de temps au temps».
Je vous remercie de l'accueil que vous réserverez à cette proposition de motion qui, contrairement aux craintes exprimées par d'aucuns, est relativement, même tout à fait, modeste.
Mme Geneviève Mottet-Durand (L). Alors qu'enfin une répartition équitable des deniers publics en matière de subvention était rétablie par la modification apportée à la loi générale sur le logement, on nous propose aujourd'hui de renoncer à l'entrée en vigueur des troisième et quatrième tranches de majoration des surtaxes sous différents prétextes, celui, entre autres, de préserver la fiscalité de certaines communes.
Il est vrai que ces communes ont fait d'énormes investissements pour accueillir des constructions HLM, écoles, salles polyvalentes, piscines, routes, etc., avec comme conséquence, entre autres, des recettes fiscales bien inférieures aux frais de la dette, d'où les centimes additionnels de ces communes, les plus élevés du canton. Mais la première erreur ne vient-elle pas d'un mauvais aménagement ? On a construit des ensembles de HLM sans diversification aucune de logements, d'où l'impossibilité de mobilité. C'était sans penser à l'évolution heureuse des salaires des locataires, ou c'était peut-être croire que la surtaxe suffirait à rétablir la différence de traitement entre les bas salaires et d'autres plus confortables.
Il y a quelques jours, M. le conseiller d'Etat Claude Haegi a eu le souci d'inviter les responsables des communes qui abritent des HLM à participer à une séance au cours de laquelle la situation de chaque commune a été présentée. Il en ressort que la majoration des surtaxes n'est pas la cause première des départs. En raison d'une certaine détente du marché immobilier, les locataires touchés par cette nouvelle disposition préfèrent déménager plutôt que de payer un loyer élevé ne correspondant pas toujours à la qualité que le logement devrait offrir pour ce prix. Comme il n'y a souvent pas d'autres types de logements, ces locataires se voient contraints de quitter la commune dans laquelle ils avaient de nombreuses attaches et ces départs, il est vrai, occasionnent un effet indésirable sur la fiscalité et touche aussi à la vie associative de la commune.
Je suis bien placée pour en parler puisque la population qui habite les logements sociaux à Avully représente les deux tiers de la population communale. Par conséquent, il faudra rester spécialement attentifs et trouver d'autres solutions pour atténuer l'effet négatif sur les rentrées fiscales de ces communes. Mais l'Etat doit poursuivre et renforcer sa politique d'aide aux personnes qui en ont besoin et ce n'est pas par le biais de cette motion qu'il y arrivera.
Mme Françoise Saudan (R). M. Lachat doit lire dans mes pensées, ça commence à devenir inquiétant ! (Eclats de rire.) Je ne vous cache pas, Messieurs les motionnaires, que nous avons été à la fois inquiétés, surpris et déçus par le contenu de cette motion.
Inquiétés parce que nous avons consacré en commission du logement de nombreuses séances à la problématique des barèmes HLM. Déçus parce que nous avons étudié toutes les implications de ces modifications. Inquiétés parce que, si une commission qui vote pratiquement à l'unanimité - un Grand Conseil également - revient sur ses votes un an après, nous perdons toute crédibilité vis-à-vis de la population. Je dois dire que cela m'inquiète parce qu'en tant que présidente de la commission du logement qui a suivi et mené ces travaux auxquels, je dois le reconnaître, tous les commissaires ont participé d'une manière active et assidue, j'estime que nous avions mis sur pied un bon projet. Ce bon projet, en ce qui concerne le groupe radical, nous ne tenons pas à le voir remis en cause.
Nous sommes conscients, Monsieur Lachat, que des problèmes se posent. Quand je lis dans un de nos meilleurs quotidiens, que cent cinquante locataires payent une surtaxe de plus de 1000 F par mois, je trouve que les logements subventionnés ne remplissent pas leur office et que nous avons travaillé dans la bonne direction. Je suis consciente que cela pose des problèmes aux communes. Vous préférez avoir des communiers dont le revenu est de 80 000 à 120 000 F plutôt que des communiers qui ont un revenu de 60 000 F avec deux ou trois enfants à charge. C'est pourtant pour ces gens-là que nous avons modifié cette loi, pour leur réserver des appartements subventionnés.
Alors, Messieurs les motionnaires, je vous propose une chose. Nous écoutons les explications que nous donne le chef du département - Mme Mottet-Durand vient de nous dire que le chef du département et ses services ont travaillé justement sur les réclamations qui leur sont parvenues - et ensuite je vous proposerai, au cas où vous estimez que les explications ne sont pas suffisantes, un amendement à votre motion, faute de quoi le groupe radical refusera de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat ou en commission.
M. Jean Opériol (PDC). L'idée des motionnaires, fondamentalement, est excellente, dans la mesure où il est intéressant de connaître les résultats de la loi que nous avons votée l'année dernière. Ces résultats, aujourd'hui, on ne les connaît pas. Si l'on invite le Conseil d'Etat à nous faire un rapport sur les effets constatés dans l'application de la loi, je pense que l'on sera tous intéressés.
Quant aux deux autres invites que comporte la motion, à savoir déposer au Grand Conseil un projet de loi corrigeant les effets négatifs de la loi et suspendre jusqu'à l'adoption de ce projet l'application de ladite loi, on ne peut pas les accepter parce qu'il faut nous laisser du temps pour nous renseigner sur les effets que la loi déploie. Monsieur Lachat, vous soulignez, entre autres et principalement, les effets négatifs de cette loi, mais vous devriez aussi citer les effets positifs. Il y a quand même beaucoup de surtaxés qui à cause de la surtaxe et de son augmentation ont quitté le H.L.M. qu'ils occupaient - j'allais dire indûment - de manière non conforme au but de la loi. Cela est un effet positif et non un effet pervers dont j'aimerais bien que l'on nous dise quelle amplitude il a prise dans l'application de la loi. D'accord
pour accepter votre motion, mais à la condition, et c'est un amendement que je propose, que l'on en retire pour l'instant les invites n° 2 et n° 3.
M. Pierre-Alain Champod (S). Je ne vais pas reprendre tout ce qu'a dit M. Lachat pour présenter cette motion. Je crois effectivement que son but premier, comme l'a relevé M. Opériol, est de faire un bilan de cette loi. En Suisse, nous n'avons pas encore suffisamment l'habitude d'évaluer les politiques mises en place. C'est important, lorsque l'on vote une nouvelle loi, de mesurer quelques mois ou quelques années après les résultats obtenus, voir si cela correspond à ce que l'on souhaitait et s'il y a des effets pervers qui sont intervenus afin de pouvoir, le cas échéant corriger la loi. Par rapport à ce qui a été dit, nous serions prêts à amender notre deuxième invite en ajoutant : «déposer, si nécessaire, au Grand Conseil un projet de loi corrigeant les effets négatifs des modifications de la loi générale sur le logement précitée».
Je souhaite aussi vous rendre attentifs au fait que, hier, vous avez pu le lire dans vos quotidiens aujourd'hui, la Fédération des associations de quartiers et d'habitants a tenu une conférence de presse au cours de laquelle elle a annoncé le lancement d'une initiative qui va bien au-delà de notre motion. En effet, cette initiative propose deux choses. Premièrement, de revenir à la situation d'avant juin 1992, c'est-à-dire que le libellé de la loi a été repris tel qu'il était formulé avant les modifications de juin 1992, pour ce qui concerne les surtaxes et les barèmes d'entrée. Deuxièmement, elle propose de supprimer complètement tout le chapitre consacré aux allocations de logement en prévoyant un délai de cinq ans.
Nous ne pouvons, bien sûr, en l'état suivre les initiants car cette initiative est excessive. Elle met cependant en évidence un malaise réel ressenti par de nombreux locataires qui ont subi une hausse plus ou moins importante de leur surtaxe. Il ne faut pas oublier que, parmi ces personnes, beaucoup appartiennent à la classe moyenne. Cette catégorie de la population, d'une part, subit souvent une érosion de ses revenus au niveau des salaires, une pression fiscale - on en a encore parlé hier - assez importante et qui, avec les surtaxes, a l'impression que c'est à elle que l'on fait payer l'entièreté des conséquences de la récession économique.
Il est évident que notre but n'est pas de défendre des gens qui n'ont rien à faire dans des HLM et encore moins de défendre ceux qui n'ont rien à faire dans des HBM. Une adaptation était nécessaire; nous avons d'ailleurs toujours dit que certains points de cette loi étaient très positifs comme, par exemple, la nouvelle manière de calculer le revenu déterminant, mais que, peut-être, les taux votés sont excessifs et qu'ils mériteraient un réexamen après une année d'application de la loi.
Nous vous invitons donc à accepter cette motion, essentiellement pour mesurer les effets de la loi que l'on a votée et, comme je l'ai dit au début de mon intervention, nous serions prêts à moduler notre deuxième invite.
M. Jean-Luc Richardet (S). Je désire intervenir tant sur le fond que sur la forme. En ce qui concerne le fond, cette motion touche des problèmes réels que personne ne peut ignorer, du moins ceux qui travaillent dans le domaine du logement.
Certaines communes suburbaines se sont plaintes du fait de la nouvelle application de la LGL. Les bons contribuables, ceux qui se sont installés il y a une quinzaine d'années alors qu'ils étaient de faibles contribuables et qui, au fil des années, ont vu leurs revenus augmenter devenant ainsi de bons contribuables sur le plan économique, sont obligés, par la force des choses, de chercher un logis ailleurs. Cela pose apparemment un problème au niveau de la capacité financière des communes.
Ce Grand Conseil devrait également faire une réflexion sur la mise en location des nouveaux logements. Vous le savez, le revenu déterminant fixant le revenu des locataires est relativement bas et cela pose des difficultés lors de la mise en location des immeubles. Cela mériterait donc une réflexion.
Dès lors, le fond de la motion me paraît légitime. Elle est peut-être formulée de manière excessive et pourrait être revue, mais elle met en exergue un problème et mérite d'être étudiée. En revanche, je partage ce qui a été dit en ce qui concerne la deuxième et la troisième invite. Quant à la forme, il me semble que nous sommes en train de prendre le cheminement d'un travail de commission, car nous débattons à la fois du fond et de la forme, c'est-à-dire que nous déterminons si cette motion est justifiée ou non, si certaines de ses invites sont excessives ou non.
Je vous suggérerais de renvoyer cette motion à la commission du logement qui l'étudiera, qui entendra d'une manière plus circonstanciée M. Haegi, conseiller d'Etat, que nous ne pourrons le faire maintenant, et qui aura aussi la possibilité d'auditionner les communes qui viendront nous faire part de leurs préoccupations. Au terme de ce travail, la commission du logement amendera comme elle l'entendra cette motion et elle pourra demander, par un rapport au Conseil d'Etat, d'aller dans le sens de celui de la commission. Dès lors, il semble que le sujet soit suffisamment important pour qu'il soit étudié de manière approfondie et sérieuse en commission plutôt que de le faire ici en séance plénière. Ce n'est ni l'endroit ni le moment.
M. René Ecuyer (T). En ce qui nous concerne, on l'avait dit, on l'avait craint ! Après une année d'application de la nouvelle loi sur le logement, on constate des effets désastreux pour une bonne catégorie de gens. On en arrive même à des aberrations. Des personnes qui touchent une aide de l'Etat par la voie de l'OAPA se voient notifier une surtaxe HLM qu'elles transmettent à l'OAPA pour prise en charge, ce qui augmente le revenu brut, et, l'année suivante, elles ont une nouvelle augmentation ! Il est nécessaire d'examiner tout cela et de voir l'étendue des dégâts causés par cette nouvelle loi.
On constate maintenant que des gens ne peuvent pas obtenir un logement social parce qu'ils gagnent trop, d'autres ne gagnent pas assez pour rentrer dans une HLM, mais trop pour une HBM ! Il faut que l'on examine cela de près et je pense que ça mérite un temps de réflexion parce qu'il est évident que les modifications intervenues en juin 1992 sont importantes; mais il était peut-être difficile d'en évaluer les conséquences. Je propose également que l'on discute de cela en commission; nous pourrions écouter les gens qui sont sur le terrain.
Mme Françoise Saudan (R). Il y a encore deux choses que je tenais à ajouter à ma première intervention. La première est à l'attention de M. Champod. Une menace d'initiative ou de référendum pour nous faire accepter une motion est une méthode que j'ai, pour ma part, du mal à accepter. Que les gens prennent leurs responsabilités, comme nous prenons les nôtres !
Deuxième remarque à l'égard de M. Richardet. Je trouve que l'utilisation des logements subventionnés comme instrument de péréquation intercommunale est une mauvaise solution. Monsieur Richardet, vous dites que cela pose des problèmes aux communes. Alors je serais d'accord, Messieurs, d'accepter votre première invite et de supprimer les deux invites suivantes, parce que c'est quand même un mandat que vous donnez à la commission qui déjuge tout le travail qui a été fait par les commissaires de la commission du logement, et de les remplacer par un nouvel alinéa qui aurait la teneur suivante :
«à étudier toutes les propositions permettant de tenir compte de l'effort des communes en matière de logements subventionnés.»
Il est évident que l'on ne peut pas faire grand-chose par la péréquation intercommunale, mais peut-être avons-nous d'autres outils à disposition.
M. Jean-Luc Richardet (S). J'aimerais répondre à Mme Saudan qu'il ne faut pas confondre la péréquation intercommunale et le problème que les communes ont soulevé, à savoir que des contribuables devenus sur le plan économique de bons contribuables, parce qu'ils ont une surtaxe importante, quittent leur logement et parfois changent de commune. Je ne porte pas de jugement sur ces faits, mais c'est tout de même un point qui mériterait d'être relevé.
Il me semblerait intéressant que les communes ayant soulevé ce problème - qui ont même donné, si ma mémoire est bonne, des conférences de presse pour attirer l'attention de la population sur ce sujet - soient entendues. A mon avis, cette proposition de motion devrait être renvoyée telle quelle à la commission. Les commissaires proposeront les amendements qu'ils voudront, ils la «tritureront» comme on le fait pour toutes les motions, ils feront un rapport, au besoin un rapport négatif recommandant au Grand Conseil de ne pas entrer en matière ou un rapport amendant fortement la motion.
Nous sommes en train de faire ce débat en séance plénière. Si nous devons ici même débattre de l'entrée en matière de cette motion, nous en aurons pour une demi-heure voire trois quarts d'heure. Je m'excuse, mais ce n'est pas sain, pas correct pour un sujet aussi important de faire ces débats en plénum. Il faudrait entendre M. Ischi, les communes, l'association qui s'occupe des locataires, pour que le Grand Conseil ait une vision complète de la problématique, car c'est sur cette base-là que le parlement pourra prendre une position en toute connaissance de cause.
M. David Lachat (S). Deux remarques. Une à mon cher collègue. Je n'aime pas qu'on me triture ! Je ne souhaite pas non plus que l'on triture cette motion, mais qu'on l'examine. Une remarque à Mme Saudan. Vous êtes toujours bien informée, mais il y a peut-être un élément qui vous a échappé aujourd'hui. M. Champod ne vous a pas menacée de lancer une initiative, M. Champod vous a dit qu'une initiative a été lancée et vraisemblablement déposée. Vous avez à votre extrême un Défi, nous avons de notre côté aussi des DEFIS. Il faut quand même en tenir compte, Madame !
M. Jean Opériol (PDC). Je reviens sur la première invite dont j'aimerais bien qu'elle constitue la prise en compte de la motion. Les motionnaires sont partis de l'idée que la loi n'avait que des effets pervers. Je m'inscris en faux contre cette approche, elle est complètement partielle. J'aimerais bien que le Conseil d'Etat - l'origine de l'invite étant tout à fait louable - nous renseigne sur les résultats de cette loi, mais qu'on laisse un peu de temps à la loi de prendre sa place et lorsque l'on constatera qu'il n'y a que des effets pervers, Monsieur Lachat et Messieurs les motionnaires, on verra s'il faut la suspendre, la modifier, s'il faut attaquer la péréquation intercommunale, etc. Si jamais on s'aperçoit que la majorité des effets de cette loi est positive, on discutera peut-être autrement à ce moment-là. Ce n'est pas la peine de tout démonter ce que l'on a mis des mois et des dizaines de séances à mettre en place.
M. David Lachat (S). Monsieur Opériol, je ne sais pas si vous êtes parfois distrait ou si vous êtes arrivé en retard ce soir ! J'ai commencé mon exposé par un long plaidoyer pour dire tous les effets bénéfiques de cette loi, pour dire que nous ne la remettions pas en cause, pour souligner que, hier et aujourd'hui, nous sommes acquis à toute une série de réformes et que ce que nous proposions ce n'était que des réajustements. Pour le besoin de l'exercice, nécessairement, on doit souligner les quelques défauts de la loi pour dire là où nous souhaiterions qu'elle soit réajustée, mais quant à son principe, nous répétons une fois de plus que nous ne revenons pas en arrière.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Je suis d'abord rassuré par les propos de M. Lachat et de quelques-uns des intervenants et motionnaires qui donnent un ton à cette motion assez différent des communications que nous avons entendues depuis quelques semaines.
Merci, Monsieur Lachat, de dire clairement ce soir que c'est une bonne loi. En effet, vous avez voté une bonne loi qui devait avoir une portée sociale et elle l'a. L'objectif majeur de cette loi était de destiner les bâtiments à caractère social construits avec l'aide de l'Etat à ceux qui en ont besoin et qui souhaitent en disposer. Pour l'instant, personne ne m'a posé de question au sujet des nouveaux locataires, car il n'y a pas d'appartement vide aujourd'hui.
Merci aussi d'avoir précisé que vous ne partagiez pas le point de vue de ceux qui ont lancé cette initiative particulièrement préoccupante pour les locataires, car c'est un véritable démantèlement des bases sociales dans le domaine du logement qui est proposé. L'initiative lancée prévoit la suppression de l'allocation personnalisée que vous avez votée à l'unanimité dans ce Grand Conseil, et la suppression de la surtaxe, c'est-à-dire qu'elle prévoit de ne pas libérer les appartements occupés par des personnes à revenu aisé pour les destiner aux autres personnes.
C'est tout de même assez curieux que ceux qui se profilent comme étant les plus engagés en faveur des personnes démunies puissent faire des propositions de cette nature. J'ai, bien entendu, à votre disposition un certain nombre de tableaux sur ce qui s'est passé ces derniers mois, mais en matière d'information j'aimerais rappeler ceci. La loi est entrée en vigueur il y a environ dix mois et vous nous demandez aujourd'hui des informations. Si vous ne l'aviez pas fait, je vous les aurais données de toute façon, au plus tard les auriez-vous trouvées dans le compte rendu de l'exercice 1993. Mais c'est avec plaisir que je vous donne toutes les informations que vous voulez et que j'accepte la première partie de la motion qui nous conduit à établir un rapport, comme le demande aussi Mme Saudan.
Le paysage genevois, en matière de logement, s'est considérablement modifié. Vous avez aujourd'hui à Genève 2 600 logements disponibles, ce qui représente 1,5 % du parc immobilier. C'est dire qu'il y a un marché, c'est dire qu'il y a des choix possibles. A partir de là, le locataire d'un appartement vérifie si c'est celui qui lui convient le mieux, et s'il en trouve un autre, il le choisit. Après que l'on eut parlé d'exode, notamment dans une certaine commune - le mot était totalement excessif - et que nous ayons procédé aux contrôles de ces différentes communes, nous nous sommes rendu compte que, si des mouvements avaient bel et bien eu lieu, ce n'était pas pour cela. A Onex, depuis que la loi est entrée en vigueur, il y a eu 220 départs. Mais l'année dernière, alors que la loi n'existait pas, il y en avait aussi. Sur ces 220 départs, combien y a-t-il de surtaxés ? Un tiers. Pour un certain nombre d'entre eux, la surtaxe est si faible que l'on ne peut pas imaginer qu'ils se soient déplacés pour cela. C'est dire que sur 220 départs en ce qui concerne Onex, 31 au maximum se sont produits en fonction de la surtaxe. C'est la démonstration que le problème se trouve ailleurs.
Je suis inquiet avec les autorités de certaines communes de cette évolution car - et Mme Mottet-Durand l'a relevé tout à l'heure - l'organisation en matière de logement nous a conduits à concentrer dans certaines communes un certain type de logements et nous empêche d'avoir de la mobilité à l'intérieur même de la commune. Ce n'est pas vous qui êtes responsables de cela en ayant voté la loi que vous avez votée l'année dernière; c'est un problème d'aménagement du territoire et je n'ai pas l'intention de faire le procès de ceux qui nous ont précédés. Au moment où l'on a pris ces décisions, elles paraissaient bonnes, aujourd'hui, on peut en mesurer les conséquences. Il faut par contre que nous les aménagions, mais c'est un tout autre problème qui n'a strictement rien à voir avec les surtaxes.
J'ai réuni les communes les plus touchées par le problème des HLM et, au terme de cette séance, nous nous sommes rendu compte qu'à l'exception peut-être d'une commune les autres comprenaient parfaitement, et toutes les communes ont déclaré que sur le plan social cette loi était excellente, qu'elles avaient quelques préoccupations sur le plan fiscal, mais en même temps elles constataient que les préoccupations qu'elles avaient ne provenaient pas de la loi mais de ce que je viens de vous dire. Pour que l'information soit plus complète, M. Ischi, directeur général du logement, a assisté à une séance du comité de l'Association des communes, et ce comité a pris note des effets de cette loi et les accepte tels qu'ils sont en sachant que nous aurons à examiner le problème sous un autre angle, ce que nous ne manquerons pas de faire.
Encore une fois, si l'on décidait de surseoir, au nom de quoi le ferions-nous, alors même que nous atteignons pleinement l'objectif que vous avez voulu que l'on atteigne ? Monsieur Champod, désormais vous vous intéressez donc aux salaires à six chiffres et moi à ceux à cinq chiffres ! C'est peut-être un petit peu inattendu pour certains, mais, après tout, pourquoi pas ? Mais il me paraît tout de même intéressant d'avoir pu précisément rendre disponibles ces logements pour ceux qui les attendaient et qui en avaient réellement besoin.
Quant aux autres personnes, et je m'y arrête un instant, vous avez dit que cela avait provoqué des malaises. Je n'ai pas l'intention de les minimiser ni de les banaliser. Nous le savions, lorsque l'on a travaillé ce projet dans le cadre du groupe de concertation dans lequel il y a le Rassemblement pour une politique sociale du logement, et vous le saviez également lorsque vous avez travaillé dans le cadre de la commission. Malaise pour qui ? Malaise pour des gens dont les revenus se situent entre 150 000 F et 200 000 F. Je comprends parfaitement que, lorsque pendant des années on bénéficie d'une certaine prestation de l'Etat l'on s'y habitue à un point tel qu'on l'oublie ! Il est humain qu'au moment où l'on nous prive de cette prestation on le regrette.
Alors en effet, nous avons été interpellés par un certain nombre de locataires qui nous ont expliqué qu'ils avaient des plans financiers qui les conduisaient à supporter des charges de résidences secondaires, notamment, qu'ils n'auraient peut-être pas achetées s'ils avaient su que... mais ils les ont achetées sachant que pour le logement principal ils étaient aidés !
Après tout, dans ce paysage où l'on aidait tout le monde et sans forcément avoir un discernement social particulièrement pointu, nous vivions de cette manière. Vous pouvez décider, notamment au moment du vote du budget, de surseoir à ces dispositions. Le résultat financier s'élèvera à 5,5 millions, alors ajoutez 5,5 millions au projet de budget que vous avez et, si vous le faites, le déficit ne sera pas simplement financier mais aussi social. Vous serez placés devant vos responsabilités car, à ce moment-là, ça signifie que ceux qui attendent et dont le revenu est plus faible ne pourront pas entrer dans les logements en question.
Voilà les raisons pour lesquelles il me paraît raisonnable, après dix ou onze mois, de ne pas se plaindre d'un manque d'information, mais de se réjouir de celle que vous recevez et qui est à disposition de ceux qui la demande. De mon côté, je me réjouis de pouvoir encore la préciser en répondant à cette motion, mais il me paraît raisonnable d'en accepter la première partie et de ne pas décevoir ceux qui attendaient un objectif marqué du sceau de l'équité et qui en seraient privés si vous reveniez sur votre décision.
M. Pierre-Alain Champod (S). Je ne veux pas allonger, car je souhaiterais effectivement que l'on ait le temps de discuter tranquillement en commission de l'évaluation de l'application de cette loi, aussi bien au niveau des surtaxes que des allocations personnalisées. Dans un certain nombre de situations, elles étaient refusées parce que les gens avaient des revenus trop bas. Ils étaient trop pauvres pour bénéficier d'une allocation de logement.
Pour ce qui est de la défense des personnes qui ont des revenus à six chiffres, nous ne défendons pas les gens vivant dans des HLM et qui n'avaient rien à y faire, et nous ne défendons pas non plus les gens qui sont dans des HBM et qui n'ont rien à y faire. Je trouve surprenant que l'on nous fasse ce reproche en sachant qu'en ce moment est étudié un projet de loi sur l'accession à la propriété qui prévoit de verser des subventions à des gens qui ont des revenus à six chiffres pour acquérir leur logement. Je vous invite à renvoyer cette motion en commission.
Mme Françoise Saudan (R). Faites-vous voter directement sur le renvoi en commission ou sur les amendements proposés ?
La présidente. Non, nous voterons les amendements après. (Protes-tations.) C'est la procédure logique. On fait voter sur le renvoi en commis-sion et si celui-ci est refusé, on procèdera au vote des amendements et de la motion.
La proposition de renvoi en commission est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
La proposition de renvoi en commission est rejetée par 42 non contre 32 oui.
M. Jacques-André Schneider (Ve). Tout d'abord je vous prie de bien vouloir excuser mon retard dans ce débat, qui était bien involontaire. (Rires, brouhaha.) C'est vrai ! Je m'en excuse !
Monsieur le conseiller d'Etat Haegi, j'ai entendu avec beaucoup d'intérêt vos déclarations sur les privilégiés, sur le fait que nous défendions les revenus à six chiffres. Je l'ai tellement bien entendu que, dorénavant, ma conviction est acquise. Vous viendrez prochainement avec un projet d'accession à la propriété pour les revenus notamment à six chiffres, alors ne vous attendez à aucun appui de notre côté pour soutenir ce projet de loi... (Rires.)... puisque cette motion qui demandait simplement que l'on étudie un certain nombre de choses, vous la renvoyez sans même une discussion en commission. Ce projet de loi sur l'accession à la propriété, Monsieur Haegi, sera enterré, parce qu'il est destiné aux plus privilégiés, ceux-là mêmes que vous prétendez maintenant combattre contre cette motion.
M. David Lachat (S). De vieux députés chevronnés qui avaient une longue expérience m'ont raconté que les séances du Grand Conseil qui précédaient les élections étaient absolument imbuvables et insupportables. J'en ai la démonstration. Ce que nous pourrions proposer, c'est que désormais, à la veille des élections au Grand Conseil, il n'y ait plus de séances ni en septembre, ni en octobre car le Grand Conseil devient fou ! (Protestations.)
Je n'arrive pas à comprendre. Nous avons fait des propositions on ne peut plus modérées et raisonnables. Nous sommes venus très largement à votre rencontre et vous nous montrez votre supériorité par un mépris que je trouve parfaitement déplacé.
Permettez-moi maintenant de m'expliquer sur les deux invites de la motion que vous ne semblez pas vouloir accepter. Mon expérience de quatre ans de députation m'a montré que lorsque l'on dépose une motion pour demander notamment des renseignements, on attend un mois, deux mois, six mois, une année, parfois deux ans les renseignements sans que rien ne se passe. J'ai des craintes, je vous le dis très franchement, que le rapport ne vienne pas demain et qu'il ne vienne pas suffisamment tôt, c'est-à-dire qu'il ne vienne pas avant la notification de la prochaine majoration de surtaxe qui aura lieu en avril 1994.
Pour tenir compte de cela, je pense qu'il est raisonnable de maintenir la deuxième et la troisième invite de notre motion et de demander d'ores et déjà au Conseil d'Etat de tirer les conséquences éventuelles des informations qu'il aura pu vérifier et étudier si cela apparaissait nécessaire. Je pense aussi - et je suis un tout petit peu discourtois à l'égard du Conseil d'Etat - qu'il faut un peu le bousculer, car il a beaucoup de travail, pour que nous soyons sûrs que le rapport que nous attendons vienne à temps, c'est-à-dire avant le mois d'avril 1994.
Pour ces deux raisons, je propose les amendements suivants à notre motion. Tout d'abord, s'agissant de la nécessité de modifier un peu la législation, je préciserai «si nécessaire»; donc la deuxième invite deviendrait :
«déposer si nécessaire au Grand Conseil un projet de loi corrigeant les effets négatifs des modifications de la loi générale sur le logement précitée.»
Donc nous laissons une marge d'appréciation au Conseil d'Etat eu égard aux constatations qu'il fera après une étude des remarques que nous avons formulées. Je propose qu'en ce qui concerne le moratoire nous demandions simplement au Conseil d'Etat de
«suspendre jusqu'à la publication du rapport l'entrée en vigueur de la troisième et quatrième tranche des surtaxes majorées.»
Si le rapport vient avant et s'il justifie que cette troisième tranche de surtaxe soit maintenue, elle le sera. Mais s'il n'y a pas de rapport, il faudra que le Conseil d'Etat tire les conséquences de son inactivité.
M. Bénédict Fontanet (PDC). Je regrette les termes utilisés par M. Lachat. Nous faisons comme députés au mieux notre travail - je ne dis pas que nous le fassions tous parfaitement - mais il est désagréable, parce que l'on approche aussi de la période électorale, de se faire donner des leçons par vous; nous n'avons pas à en recevoir. (Protestations des bancs de la gauche.)
Nous estimons que votre motion, s'agissant des effets de la loi votée par le Grand Conseil, est positive et en cela nous la soutenons, mais vous voulez mettre la charrue avant les boeufs, c'est-à-dire qu'avant même d'avoir le rapport vous demandez que la loi que nous avons votée soit suspendue. C'est se moquer du monde ! Ayons un rapport, connaissons les effets, ayons les explications complémentaires à celles déjà très complètes qui nous ont été données par M. Haegi, ensuite de quoi l'on verra s'il y a lieu de modifier la loi.
On ne va pas suspendre une loi qui a mis pas mal de temps en commission, qui est modérée, qui a été voulue par une large majorité de ce Grand Conseil. On ne va pas suspendre les effets de la loi avant de savoir ce qu'il en est ; le Conseil d'Etat, s'il le veut, peut rendre rapidement des rapports. Il est des affaires dans lesquelles il l'a démontré. Attendons le rapport et alors nous aviserons sur ce qu'il y a lieu de faire.
Mme Françoise Saudan (R). Monsieur Lachat, je crois que nous n'avons jamais, et moi en particulier, manifesté de mépris à l'égard des problèmes touchant les locataires et en particulier des locataires qui ne trouvaient pas de logement en fonction de leurs revenus. C'est vraiment un procès d'intention que vous êtes en train de nous faire.
Vous demandez de suspendre l'application d'un projet de loi qui avait recueilli l'unanimité de ce Grand Conseil, qui avait fait l'objet d'études extrêmement approfondies. Nous avons tous les exemples chiffrés. Nous étions parfaitement conscients des conséquences pour certains locataires qui n'avaient rien à faire, je le répète, dans les logements subventionnés. Je ne suis pas d'accord de suspendre la troisième hausse pour des locataires qui payent 1000 F par mois de surtaxe. Je trouve qu'il y a quelque chose d'indécent à faire une telle proposition.
M. Nicolas Brunschwig (L). Monsieur Lachat, le parlement est là pour légiférer. C'est ce qu'il a fait et de plus il a voté une bonne loi. Nous contrôlerons les effets grâce à la motion et la première invite que nous conserverons, et cela arrivera très rapidement, n'ayez aucune crainte. Nous comprenons aussi l'embarras des socialistes. Je dirais que c'est un problème de marketing à l'approche de ces élections. Il faut qu'ils sachent plus ou moins qui ils veulent défendre et qui ils ne veulent pas défendre. En l'occurrence, cette loi est une bonne loi. Nous refuserons donc les amendements homéopathiques qui n'ont que des effets cosmétiques.
M. Claude Haegi, conseiller d'Etat. Il faut que l'on prenne garde aux effets de certaines informations que l'on peut diffuser. En laissant entendre que le troisième palier pourrait ne pas être encaissé, on fait naître des doutes chez les locataires et cela ne me paraît pas souhaitable.
Nous avons un devoir de transparence et de loyauté vis-à-vis d'eux, car la recherche d'un autre logement demande une réorganisation, je dirais familiale, et cela doit être conduit dans les meilleures conditions possibles. Je vous invite à avoir une politique courageuse sur ce plan et que l'on ne laisse pas de doute planer. Monsieur Lachat, quant à la rapidité du rapport, je dois dire que s'il y a un rapport que je désire établir, et surtout si vous m'invitez à le faire rapidement, vous pensez bien que je ne vais pas laisser passer l'occasion que vous me donnez ; le contenu est si bon que c'est un plaisir de le sortir dans les meilleurs délais. Et quand je dis les meilleurs délais, je vous assure vraiment que je ferai des efforts pour que ce soit au cours de ces prochaines semaines, ce serait vraiment dommage que les gens soient informés plus tard.
Merci beaucoup en tous les cas de m'avoir soutenu dans ce sens, si je l'avais fait de ma propre initiative, vous auriez pu me reprocher d'utiliser une certaine situation; désormais cela n'est plus possible ! (Applaudissements.)
Pour l'accession à la propriété, je comprends que je vous aie fait titiller sur les six chiffres, mais nous avons décidé dans ce canton d'aider une très large partie de la population et nous avons eu des lois HBM, HLM, HCM. Dans la classe HCM, on aide aujourd'hui des gens qui ont des revenus assez substantiels. En aidant ces personnes qui répondent aux critères de la loi HCM, nous ne leur donnons rien de plus que ce qu'elles recevraient en étant locataires, mais on les incite à participer à la relance de notre économie par le 20 % de fonds propres qu'elles peuvent apporter dans un cas comme celui-ci.
C'est quand même assez inouï d'avoir sur une personne qui, socialement, a exactement le même profil un regard différent lorsqu'elle est locataire ou lorsqu'elle est propriétaire. On prend des raccourcis en considérant qu'elle est riche lorsqu'elle est propriétaire, alors qu'elle ne le serait pas en étant locataire. Il ne s'agit pas de cela et ce Grand Conseil l'avait bien compris il y a quelques années lorsque le peuple a accepté la loi PPE-HLM permettant précisément ces choix. J'ai eu l'occasion de le dire déjà depuis quelques semaines, on doit permettre à cette classe moyenne que l'on aide de faire un choix, mais on ne l'aide pas de la même manière que les habitants de HLM. Monsieur Champod, si vous pensez que les HCM ne doivent plus exister du tout et que nous devons renoncer à cette aide, c'est un débat que nous pourrons avoir ultérieurement.
L'un de vous a fait aussi une allusion à l'allocation-logement, j'aurais l'occasion de vous donner des précisions. Tout est perfectible, je ne prétends pas que ce qui se déroule nous expose jamais à un cas particulier, et dans les meilleures lois il y a des aspects sociaux que l'on ne peut pas intégrer et c'est parfois de cas en cas qu'il faut prendre des mesures. Vous avez même pris la précaution de mettre dans la loi des dispositions nous permettant, dans le cadre de la direction du logement, de nous adapter à ces mesures particulières. Encore une fois, je vous invite à voter cette proposition de rapport, et rien d'autre.
La présidente. J'ai reçu trois propositions d'amendements. Une de Mme Françoise Saudan qui propose la suppression des invites 2 et 3.
Les deux autres, de MM. Champod et Lachat, proposent à l'invite 2 de rajouter «si nécessaire» et à l'invite 3 de dire «suspendre jusqu'à publication du rapport l'entrée en vigueur de sa troisième et quatrième tranches des surtaxes majorées.»
Je mets aux voix, la proposition d'amendement la plus éloignée du texte initial, à savoir la suppression des invites 2 et 3.
L'amendement de Mme Saudan est adopté.
La présidente. L'amendement étant accepté, les invites 2 et 3 sont supprimées, les amendements suivants deviennent donc caducs.
Mise aux voix, la motion, ainsi amendée, est adoptée.
Elle est ainsi conçue:
motion
pour un moratoire dans l'application des nouvelles dispositionsde la loi générale sur le logement et la protection des locataires
Le Grand Conseil,
considérant :
la difficulté à trouver, pour certains appartements, des candidats remplissant les conditions d'octroi d'un logement social;
les hésitations, qui en découlent, de certains promoteurs à construire de nouveaux logements sociaux;
le risque de décourager les coopératives d'habitation de faire appel au système HLM;
la perte de revenu fiscal enregistrée par certaines communes sur le territoire desquelles sont construites de nombreuses HLM, suite à l'entrée en vigueur de la modification de la loi générale sur le logement (LGL) du 18 juin 1992,
invite le Conseil d'Etat à :
établir un rapport circonstancié sur les constatations faites depuis l'entrée en vigueur des modifications de la loi générale sur le logement votée par le Grand Conseil le 18 juin 1992.