Séance du vendredi 17 septembre 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 7e session - 33e séance

P 952-A
21. Rapport de la commission législative chargée d'étudier la pétition : «Rapports de travail». ( -) P952
Mémorial 1992 : Annoncée, 4248. Divers, 5769.
Rapport de M. Claude Lacour (L), commission législative

Historique

1. Cette pétition, signée par 245 personnes, a été déposée parM. J. Antropius, SSP-VPOD à Saint-Julien-en-Genevois, le 25 septembre 1992. La commission des pétitions a jugé plus adéquat de confier cette étude à la commission législative à laquelle elle a été remise le 25 septembre 1992.

2. Après examen préalable, la commission législative a donné à la commission des pétitions son avis de droit.

Celui-ci peut se résumer comme suit:

Obliger un employeur de droit privé à s'assurer les services d'un handicapé ressort du droit fédéral et s'oppose immédiatement à l'article 19 du code des obligations instituant la liberté contractuelle en matière de droit privé.

Pour ce qui est des employeurs de droit public, on pourrait imaginer une législation cantonale. Néanmoins, il y a lieu de relever que, sur le plan fédéral, il existe déjà des dispositions instituant des mesures d'ordre professionnel pour venir en aide aux handicapés (par exemple art. 15 et suivants LAI).

Enfin en ce qui concerne le désir d'obtenir une législation prohibant le licenciement des handicapés ou obligeant l'employeur à engager ou réengager un tel travailleur, il s'agit d'un problème ressortissant du droit fédéral et notamment des articles 336 et suivants du code des obligations relatifs à la protection contre les congés.

La commission arrive donc à la conclusion qu'il n'est pas possible de donner une suite favorable aux requêtes des pétitionnaires, à supposer même qu'elles soient jugées opportunes.

En conséquence de quoi, la commission législative a retourné le dossier à la commission des pétitions.

3. Par lettre du 3 février 1993, la commission des pétitions, après avoir examiné cette réponse, a demandé à la commission législative de traiter la pétition «jusqu'au bout» et présenter un rapport sur celle-ci.

4. Dans sa séance du 9 mars 1993, la commission législative accepta de reprendre l'étude de cette pétition et de procéder par conséquent à des auditions.

5. Dans sa séance du 23 mars 1993, la commission législative procéda à trois auditions soit:

A. M. Jean Antropius, président du SSP-VPOD, qui indiqua qu'il considérait que la législation suisse et genevoise n'était pas adaptée à des situations telles que celle de M. Herminio Garcia qui, employé au catering de Swissair, a été victime d'un accident non professionnel et qui, n'ayant pas pu continuer l'activité pour laquelle il avait été engagé, a été licencié. M. Antropius releva qu'il ne s'agissait pas d'un cas unique et qu'il avait eu connaissance de cas semblables à la suite de licenciements dus au diabète, d'exéma au mains et de divers autres handicaps.

 Il indiqua que dans d'autres pays les entreprises d'une certaine grandeur ont l'obligation légale de respecter un quota d'handicapés parmi leur personnel.

 Il souhaiterait donc qu'une législation semblable soit mise sur pied en Suisse ou à Genève.

 Dans la discussion qui s'en suivit, M. Antropius a admis qu'une telle législation serait difficile à appliquer dans les petites entreprises.

 Il fut immédiatement relevé que les dispositions requises relevaient de la législation fédérale et non pas de la législation cantonale, ce qui limitait ou rendait même impossible la création d'une législation genevoise.

 Le représentant du département indiqua néanmoins que l'Etat de Genève faisait des efforts en faveur des handicapés et, pour autant que les locaux le permettent, n'avait aucune objection de principe à leur engagement. Il cita même le cas de fonctionnaires handicapés poursuivant leur activité professionnelle.

 Il fut relevé que certaines entreprises genevoises, sans obligation de leur part, agissaient de même.

 L'exemple des TPG fut cité. En effet, sa direction recherche des solutions pour les chauffeurs handicapés et va jusqu'à leur accorder un apprentissage dans un autre domaine.

B. Audition de M. Gartenmann, directeur de l'office du personnel de l'Etat. Celui-ci indique qu'il est possible d'envisager une législation concernant le personnel de l'Etat, mais il lui paraît malheureusement difficile, voire peu souhaitable, d'imposer un quota. Tout en relevant que l'Etat en tant qu'employeur a toujours essayé d'entretenir des relations privilégiées avec les institutions s'occupant du placement des handicapés, il indique qu'il n'existe pas de statistiques étatiques en matière d'intégration des handicapés, mais pense qu'actuellement 46 d'entre eux sont employés par l'Etat.

 Il explique que, sur le plan pratique, la décision d'engagement appartient au chef de service qui ne prend sa décision qu'après avoir examiné les possibilités pratiques (accès) permettant un tel engagement.

 M. Gartenmann a indiqué qu'il existe toute une série de programmes de formation des handicapés et que le placement se fait en accord avec les assurances, notamment avec l'assurance AI. Il part de l'idée que le recyclage des handicapés passe par la bonne volonté plutôt que par l'application de quota.

C. Audition de Madame Boget, directrice de la Société genevoise pour l'intégration professionnelle d'adultes. Cette dernière indique s'occuper de 163 handicapés mentaux répartis dans des ateliers intégrés des entreprises pour les handicapés mentaux. Toute information peut être obtenue auprès de M. J. Hansen, responsable de l'office de coordination.

 Madame Boget indique que près de 50% des handicapés mentaux sont placés dans des ateliers protégés de production dans diverses entreprises de la place. Le problème de l'information est important, car il a fallu organiser des séances dans les entreprises pour les sensibiliser à ce problème.

 Il en a été de même en ce qui concerne l'enseignement primaire.

Discussion

6. Les membres de la commission s'interrogent quant à la suite à donner. La pétition 952 doit-elle être déposée sur le bureau du Grand Conseil ou envoyée au Conseil d'Etat?

Il est immédiatement constaté qu'il s'agit d'un problème juridique échappant à la compétence des députés (force dérogatoire du droit fédéral), de sorte que la commission ne peut que se borner à informer. Il est néanmois relevé qu'il s'agit d'un problème important.

Par contre, dans le cadre de la gestion du problème des handicapés à Genève, il y aurait lieu de se renseigner sur ce qui se fait et voir si, en pratique, des efforts suffisants sont réalisés.

Dès lors, il est demandé au rapporteur de prendre contact avec le département de la prévoyance sociale, le département de l'économie ainsi que l'AI et joindre la réponse de ces administrations au rapport.

Conclusion

7. La commission se prononce à l'unanimité pour le dépôt de la pétition 952 sur le bureau du Grand Conseil pour qu'il soit pris connaissance tant des considérations figurant dans le rapport que des pièces annexées à celui-ci.

Addendum

8. Résumé des idées et faits figurant dans les pièces annexées. Ces pièces sont à la disposition de tout intéressé auprès du service du Grand Conseil:

Annexes:

A. Une brochure informative concernant les ateliers protégés de la SGIPA.

B. Documentation remise par le centre d'information et de coordination pour les personnes handicapées, direction de l'action sociale, département de prévoyance sociale et publique comprenant:

B 1 liste des lois et règlements genevois et règlement d'application de la loi fédérale s'agissant des questions liées au handicap.

B 2 liste des ateliers protégés genevois pour personnes handicapées.

B 3 liste des services, établissements et organismes genevois pour personnes handicapées physiques, IMC et épileptiques.

B 4 liste des services, établissements et organismes genevois pour personnes présentant des troubles de la personnalité et du comportement.

B 5 liste des services, établissements et organismes genevois pour personnes handicapées sensorielles.

B 6 liste des services, établissements et organismes genevois pour personnes handicapées mentales, polyhandicapées et IMC.

C. Coupures de presse relatives aux problèmes des handicapés dans les entreprises, notamment dans les pays avoisinants dont les titres sont les suivants:

C 1 Qu'en est-il du quota dans les pays industriels? (Th. Lambert).

C 2 Intégration en milieu ordinaire de travail (H. Lafay).

C 3 La personne handicapée dans l'entreprise (C. de la Mure).

C 4 L'entreprise et l'accès à l'emploi des jeunes handicapés (M. Th. Espinasse).

C 5 Enquête sur l'insertion professionnelle des personnes handicapées en milieu ordinaire dans le Rhône (M. Dumas, J. Cazo).

C 6 Enquête sur l'intégration professionnelle (J.-J. del Pino).

D. Par lettre du 16 avril 1993, la direction d'action sociale du département de la prévoyance sociale et de la santé publique a envoyé toute une documentation comportant:

a) la liste, non exhaustive, de «petites associations», généralement subventionnées par le département, ayant développé une activité de réinsertion sociale professionnelle pour les personnes handicapées;

b) la liste d'autres institutions s'occupant d'intégration professionnelle soit:

 le centre d'intégration professionnelle (CRPH) avec explications sur son activité;

 les trois centres romands d'intégration professionnelle pour handicapés appartenant à l'AI (ORIPH), situés à Morges, Pomy-sur-Yverdon et Pont-de-la-Morge;

 la fondation Intégration pour tous (IPT).

c) la direction d'action sociale compléta sa documentation par un commentaire de la pétition qui peut se résumer comme suit:

S'il est exact qu'il n'y a pas de législation cantonale obligatoire, il faut admettre que dans la pratique ce problème est pris au sérieux dans toutes les entreprises de la place.

S'il y a lieu de prévoir une reconversion, il existe tout un réseau d'institutions publiques et privées pour répondre à ce besoin.

La direction d'action sociale a ensuite précisé la marche à suivre que doit connaître le handicapé ou ses mandants.

Enfin, examinant le cas particulier de M. Garcia, la direction d'action sociale arrive à la conclusion suivante:«...beaucoup de mesures permettent une réinsertion de la personne handicapée... il semble néanmoins que la filiale administrative liée au cas particulier de M. Herminio Garcia n'a pas été suivie. En effet, après vérification faite auprès de l'ORAI (par le CICPH) aucun dossier n'avait été ouvert à son nom».

E. Par lettre du 28 avril 1993, le directeur auprès du secrétariat général du département de l'économie publique adressa au rapporteur deux documents qui lui avaient été transmis par la direction de l'office cantonal de l'emploi et l'office d'orientation et de formation professionnelle (E 1 et E 2). Ces deux services prenant en charge la population qui fait l'objet de la pétition sous l'angle de l'adaptation à la vie professionnelle, de la formation et du placement.

 L'office d'orientation rappelle d'abord les dispositions légales applicables à l'adaptation à la vie professionnelle, à la formation professionnelle, au perfectionnement professionnel, aux mesures de réadaptation à la vie professionnelle.

 De son côté, l'office cantonal de l'emploi cite l'ordonnance sur l'assurance chômage (OAC), ainsi que la loi fédérale sur l'assurance chômage obligatoire et l'indemnité sur l'insolvabilité dont les articles 15 traitent tous deux de l'examen de l'aptitude au placement des handicapés.

F. Par lettre du 13 mai 1993, l'office régional de réadaptation professionnelle AI, dépendant du département de la prévoyance sociale et de la santé publique, adressait au rapporteur une lettre expliquant quelles étaient les tâches de l'office régional de réadaptation AI, ceci au regard notamment d'un placement direct dans l'économie.

 Il y joignait un tableau de classement concernant les années 1989 à 1992, démontrant que plus de 100 personnes par an ont pu retrouver une autonomie financière dans la vie active (F 1).

L'office régional AI joignait enfin un exemplaire de la loi du 31 janvier 1991 sur l'intégration des personnes handicapées, votée par le Grand Conseil du canton du Valais, et facilitant l'intégration des personnes handicapées à l'Etat, dans les établissements semi-publics (F 2). Ceci à titre de suggestion pour le canton de Genève.

Mises aux voix, les conclusions de la commission (dépôt sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.