Séance du
jeudi 16 septembre 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
7e
session -
32e
séance
RD 188-A et objet(s) lié(s)
5. Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels chargée d'étudier les objets suivants:
Comment exploiter au mieux la chaleur solaire?
C'est la question que se sont posée les Rentes Genevoises qui ont installé 30 m2 de panneaux solaires sur l'un de leurs immeubles. Ce complexe produit annuellement 20'000 Kwh de chaleur utile; cela représente le quart de la consommation totale. L'opération est rentable.
Une autre installation de 28 m2 est en construction et une étude est en cours pour réaliser 8 des 39 locatifs de cette même assurance viagère.
Bravo à ces responsables d'entreprise qui se risquent et concilient rentabilité avec écologie.
Comme rapporteur, cela me rassure, car j'ai lu et relu la conception cantonale de l'énergie et, je dois l'avouer, mon esprit pragmatique a de la peine à déceler cette étincelle d'où, du catalogue des actions, jaillira une réalisation prochaine.
Rappelons les principales dates qui précèdent l'acceptation de la conception cantonale de l'énergie. C'est le 7 décembre 1986 que la population genevoise a accepté l'article 160 c de la constitution, fondé sur l'initiative «l'énergie, notre affaire».
La loi sur l'énergie qui en découle est entrée en vigueur le 7 novembre 1987, puis, toute une série de loi sur l'énergie a complété l'article constitutionnel 160 c.
Loi sur l'énergie
chauffage électrique (16 septembre 1989);
encouragement au recours à l'énergie solaire au moyen de subventions (18 mai 1990);
rendre prioritaire le développement des énergies renouvelables (9 avril 1992);
modalités d'approbation de la conception cantonale de l'énergie (9 avril 1992);
obligation du calcul de l'indice de dépense d'énergie (9 avril 1992);
bâtiments des collectivités et établissements de droit public (9 avril 1992);
reprise de l'énergie par les Services industriels (9 avril 1992).
Loi sur les constructions et les installations diverses
climatisation (15 septembre 1989);
exigences en matière d'isolation de l'enveloppe des bâtiments (9 avril 1992);
décompte individuel des frais de chauffage et d'eau chaude sanitaire (9 avril 1992).
Loi sur l'organisation des Services industriels
obligation de reprise de l'énergie des autoproducteurs (9 avril 1992).
Au niveau fédéral, le moratoire nucléaire de dix ans était accepté en votation populaire le 23 septembre 1990. Il en est résulté un programme intitulé «Energie 2000».
Réduire les agents fossiles pour atteindre la consommation de 1990 d'ici l'an 2000;
réduire l'accroissement de la consommation d'électricité de telle sorte qu'il s'annule à l'horizon 2000;
contribuer, par des ressources indigènes, à la production de chaleur à raison de 3 % pour la même échéance;
contribuer à la production d'électricité par des ressources indigènes (sans hydro-électricité) pour 0,5 %;
accroître la production d'énergie hydro-électrique de 5 % d'ici à l'an 2000.
La commission consultative cantonale en matière d'énergie a travaillé pendant près de deux ans; c'est à partir de cette réflexion que le Conseil d'Etat livre la proposition de résolution ci-après, dont les postulats de base et le catalogue des actions vont être décrits.
La commission Energie et Services industriels s'est réunie le 18 juin 1993 sous la présidence de M. Hervé Burdet, en remplacement de Mme Micheline Calmy-Rey, présidente. Ont assisté à cette séance M. le conseiller d'Etat Jean-Philippe Maitre, chef du département de l'économie publique, M. Jean-Pascal Genoud, délégué à l'énergie.
Une passe d'armes s'échange entre des députés et M. Maitre, qui rap-pelle que les objectifs politiques sont clairs:
1. assurer un approvisionnement sûr, diversifié et respectueux de l'environnement. Il y a une clause antinucléaire qui se trouve dans la constitution;
2. valoriser les énergies indigènes;
3. maîtrise de la consommation d'énergie.
Ensuite, il y a un catalogue d'actions, la conception est un outil de travail. Mais certains députés reprochent que le terme de 2025 pour réaliser une décroissance de la consommation afin de parvenir à celle de 1990, est un objectif politique peu volontariste et peu crédible, même s'il y a d'autres objectifs à plus court terme. Nous ne nous sentons pas concernés par un délai si long, disent-ils encore.
Chacun, cependant, s'accorde à entrer en matière sur le fondement de cette conception, en laissant de côté les délais de réalisation.
Par souci de transparence, j'indique les votes sur chaque article et précise que, dans un vote d'ensemble, c'est à l'unanimité que la commission vous propose d'accepter la résolution 253.
Le Grand Conseil, vu l'article 10 de la loi sur l'énergie, décrète la conception cantonale de l'énergie du 10 février 1993 adoptée dans la teneur suivante; 4 postulats et les actions ci-dessous décrits:
Postulat 1
La politique cantonale en matière d'énergie doit promouvoir une utilisation économe et rationnelle de l'ensemble des agents utilisés par la collectivité genevoise.
(Approuvé à l'unanimité)
Postulat 2
La politique cantonale en matière d'énergie doit permettre la maîtrise de notre approvisionnement énergétique et promouvoir le développement prioritaire des énergies indigènes.
(Approuvé à l'unanimité)
Postulat 3
Indépendamment d'allocations budgétaires cantonales ou communales, le financement des mesures de politique énergétique peut faire l'objet d'un surcoût sur les prix des énergies consommées, dans le respect du droit fédéral et moyennant:
une base légale;
l'existence d'un intérêt public;
le respect du principe de proportionnalité.
(Accepté par 8 oui, 1 abstention - peg.)
Postulat 4
La politique cantonale en matière d'énergie doit prendre en compte les exigences de la protection de l'environnement.
(Approuvé à l'unanimité)
Catalogue des actions
Actions à caractère général
G 1: Planifier et coordonner l'information. Celle-ci doit faire l'objet d'un plan, dont la responsabilité incombe à l'office cantonal de l'énergie. Cette information a pour but de responsabiliser la population en l'associant aux efforts des autorités et de l'ensemble des milieux concernés.
(Approuvé à l'unanimité)
G 2: L'énergie dans les programmes d'enseignement: l'instruction des élèves des différents ordres d'enseignement doit faire l'objet d'une information ou d'un programme approprié concernant le domaine de l'énergie. Cette information ou ce programme doit être élaboré par le département de l'instruction publique en collaboration avec l'office cantonal de l'énergie. Les écoles membres de l'AGEP seront associées à cette démarche.
(Approuvé à l'unanimité)
G 3: La formation professionnelle doit, dans la mesure du possible, prendre en compte la problématique de l'énergie, la coordination relevant des compétences du conseil central interprofessionnel.
(Accepté par 8 oui, 1 abstention - peg.)
G 4: Les questions énergétiques doivent être intégrées dans les programmes de formation continue des professionnels.
(Approuvé à l'unanimité)
G 5: La problématique de l'énergie doit faire l'objet d'une information sur les lieux de travail.
(Approuvé à l'unanimité)
G 6: Constituer un organe de coordination, présidé par le délégué à l'énergie, pour assurer la meilleure efficacité de tous les services de l'Etat concernés par les questions relatives à la gestion de l'énergie.
(Approuvé à l'unanimité)
G 7: Dans les limites budgétaires, doter l'office cantonal de l'énergie des moyens suffisants:
pour assurer la mise en place et l'exécution de la présente conception;
en vérifier l'impact.
Actions relatives au domaine des combustibles
C 1: Favoriser la concertation des parties en cause sur le problème de la concurrence entre agents énergétiques, en particulier entre les énergies de réseau et les combustibles liquides et solides.
(Approuvé à l'unanimité)
C 2: Procéder systématiquement à une étude de l'usage des énergies renouvelables pour les bâtiments des collectivités publiques, établissements de droit public et subventionnés.
(Approuvé à l'unanimité)
C 3: Allouer une subvention lors de la réalisation d'une installation solaire de production d'énergie thermique, l'énergie solaire se substituant à une énergie fossile. Le montant est calculé de telle sorte que le prix de l'énergie thermique solaire approche celui de l'énergie thermique fournie par une source conventionnelle, compte tenu de la durée d'amortissement de l'installation.
(Accepté par 8 oui, 1 abstention - peg.)
C 4: Permettre à des projets expérimentaux comportant un risque d'échec de bénéficier, cas échéant, d'une garantie financière appropriée.
(Approuvé à l'unanimité)
C 5: Utiliser rationnellement la chaleur des Cheneviers pour le chauffage à distance.
(Accepté par 8 oui, 1 abstention - peg.)
C 6: Mettre au point un préavis énergétique dans la procédure d'autorisation de construire.
(Accepté par 8 oui, 1 abstention - peg.)
C 7: Appliquer le décompte individuel des frais de chauffage et d'eau chaude sanitaire (selon les modalités de la loi).
(Approuvé à l'unanimité)
C 8: Elaborer, en concertation avec les organisations professionnelles concernées et les Services industriels de Genève, un cahier des charges relatif au réglage et à la surveillance des installations de production et de distribution de chaleur.
(Approuvé à l'unanimité)
C 9: Utiliser, dans la mesure du possible, les incitations financières et fiscales destinées à favoriser les économies d'énergie dans le secteur bâti.
(Approuvé à l'unanimité)
Actions relatives à l'électricité
E 1: Etablir un plan d'exploitation des ressources indigènes susceptibles d'être distribuées en réseau.
(Approuvé à l'unanimité)
E 2: Après étude des nouveautés en système d'éclairage, élaborer, avec le concours des milieux professionnels concernés, et diffuser des recommandations destinées au public qui incitent à une utilisation optimale de l'éclairage naturel et des sources de lumière artificielle, en tenant compte des conséquences sur le bilan énergétique global, des autres besoins en énergie, de l'état de la technologie et de la santé.
(Approuvé à l'unanimité)
E 3: Favoriser la mise en application de la section 2 de l'ordonnance fédérale visant une utilisation économique et rationnelle de l'énergie, du 22 janvier 1992. Cette action incombe au Conseil d'Etat.
(Approuvé à l'unanimité)
E 4: Contribuer à la mise en place de modes d'étiquetage des appareils qui soient compréhensibles pour la population.
(Approuvé à l'unanimité)
E 5: Concevoir un mode de détermination d'un indice de dépense électrique dans le secteur immobilier. Cette action doit être entreprise sous la direction de l'OCEN par un groupe réunissant les spécialistes concernés.
(Accepté par 8 oui, 1 abstention - peg.)
E 6: Elaborer une méthode d'évaluation de la consommation de l'électricité pour les projets de construction, permettant des choix qui, en matière d'équipements, conduisent à une utilisation rationnelle de l'énergie.
(Approuvé à l'unanimité)
E 7: Equiper de panneaux photovoltaïques les bâtiments publics là où leur orientation et l'intérêt énergétique le justifient. Cette action incombe aux collectivités publiques concernées, en collaboration avec les SIG.
(Accepté par 8 oui, 1 abstention - peg.)
E 8: Favoriser le développement des installations photovoltaïques par des mesures tarifaires et par des subventions, dans les limites des allocations budgétaires, en tenant compte de l'évolution de la technique, des conditions d'exploitation, du caractère de substitution et de l'intégration à l'architecture.
(Accepté par 8 oui, 1 abstention - peg.)
E 9: Etudier et mettre en oeuvre des méthodes de tarification qui, sans pénaliser l'économie, ont pour objectif de réduire la consommation d'énergie et de diminuer les appels de puissance.
(Approuvé à l'unanimité)
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 10 de la loi sur l'énergie,
Décrète
La conception cantonale de l'énergie, du 10 février 1993, est adoptée.
Débat
M. Jean-Claude Genecand (PDC), rapporteur. Je désire d'abord apporter deux petites corrections. L'une, page 3, paragraphe 3, à la place de Jean-Pascal Genecand, il conviendrait de mettre Jean-Pascal Genoud. L'autre correction concerne une passe d'armes entre des députés et M. Maitre. En effet, on a oublié : «des députés et...».
Je propose un ajout à la résolution 253, dans laquelle j'ai omis d'inscrire la phrase suivante relative à la conception cantonale de l'énergie du 10 février 1993, à la page 9 : «...à teneur des quatre postulats de base et du catalogue des vingt-cinq actions est adoptée». M. Maitre avait proposé cette formulation lors de notre séance en commission.
Madame la présidente, j'ai déposé cet amendement sur votre bureau.
M. Max Schneider (Ve). Je désire expliquer que ce projet contient plusieurs abstentions du PEG. En effet, j'étais présent dans cette commission et, s'il y a des abstentions du PEG, je tiens à signifier qu'elles viennent de ma part. Comme je travaillais dans le domaine de l'énergie solaire, je me suis abstenu sur les points 6, 7 et 8.
Toutefois, au point C 5 à la page 6, concernant les actions à accomplir - utiliser rationnellement la chaleur des Cheneviers pour le chauffage à distance - je me suis là aussi abstenu. Au sujet de ce point C 5, il me semble que nous devrions avoir en main une étude comparative sur les autres sources d'énergie pour l'utilisation de ce chauffage à distance, notamment pour la commune d'Onex et cette région.
Pour le reste, c'est un bon projet. Pour nous, c'est une possibilité intéressante. Bien que cette commission consultative et l'Office cantonal de l'énergie aient fait un très bon travail et que la collaboration soit tout à fait satisfaisante, j'ai quelques doutes car je ne vois pas de chiffres. Cela n'est qu'une constatation.
Il existe aujourd'hui une mafia du nucléaire présente ici en Suisse... (Rumeurs.)... et certainement influente dans notre canton. Je tiens à préciser que, lorsque je parle de cette mafia du nucléaire, il ne s'agit pas de directeurs ou de hauts fonctionnaires bien connus. Je n'accuse personne, mais des pressions existent.
Le postulat numéro deux de ce texte est si fort que je souhaite simplement le voir appliqué. Je désire que le vote de ce soir de notre Grand Conseil soit appliqué à tous les niveaux de l'administration et aussi par les Services industriels. Si c'est le cas, alors c'est vraiment un postulat merveilleux. Le PEG votera oui.
M. Chaïm Nissim (Ve). Je voudrais apporter un petit complément à l'excellent rapport de notre collègue Genecand. Voici deux ans, dans une commission consultative extra-parlementaire, nous étions partis sur l'idée de faire une véritable conception complète comprenant des objectifs et des moyens.
Voici un bon exemple d'objectif : celui de la Ville de Genève. Elle prévoit de réduire de 20% sa consommation d'électricité dans les dix ans à venir. Bien qu'ambitieux, cet objectif est raisonnable.
Malheureusement, après deux ans de travail en commission consultative, nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord sur les objectifs à atteindre. La raison en est que certains hauts fonctionnaires du département voulaient absolument avoir des objectifs qui commencent par croître avant de décroître et qui seraient revenus, en l'an 2025, à une consommation semblable à celle que nous avions en 1990. Cela nous semblait extrêmement défaitiste. Nous avons donc renoncé puisque nous n'étions pas d'accord sur le choix des objectifs. Par contre, nous nous sommes accordés sur les moyens, une liste de postulats et d'actions. Notre travail de deux ans n'a donc pas été inutile. C'est pourtant regrettable de n'avoir pas pu définir d'objectifs.
Je vois «Mme Martine» qui hausse la tête ! C'est pour moi cela ? C'est compliqué ? (Rires et commentaires.)
La présidente. Monsieur Nissim, continuez!
M. Chaïm Nissim. Je désire profiter de la récente arrivée de M. Maitre pour l'interroger au sujet du débat qui a eu lieu dans les cinq dernières minutes de la précédente séance. Lors de ce débat, nous avons parlé de ce contrat d'approvisionnement signé entre EOS et EDF et par les SI portant sur 300 mégawatts.
En commission, M. Ducor nous a annoncé qu'il avait demandé un avis de droit pour savoir s'il pouvait signer un contrat d'achat de courant, notamment nucléaire, en France, étant donné la constitution cantonale. Il nous a dit que, si vous le délivriez de son secret de fonction, il serait prêt à nous publier cet avis de droit. Nous aimerions le lire, car nous avons quelques doutes sur la légalité de ce qu'il a fait.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Je regrette tout d'abord de ne pas avoir pu participer à votre précédent débat. J'étais excusé et, appa-
remment, il semble que j'ai manqué un hymne à la joie tout particulier, une ode à la nuance, dont je regrette beaucoup de ne pas avoir pu saisir le contenu.
En ce qui concerne la conception, une discussion a lieu et, apparemment, elle a été renouvelée très brièvement ici sur la question des objectifs, plus particulièrement sur la concrétisation de certains objectifs en tendance chiffrée.
Nous devons une fois encore mettre les choses tout à fait au net. Les objectifs de la politique énergétique sont fixés dans la constitution. Ils sont clairs, nets et résultent de l'initiative : «L'énergie, notre affaire». Ce sont des objectifs politiques qui lient toutes les autorités, le gouvernement, votre parlement et les entités qui ont pour mission de s'approvisionner et de distribuer l'énergie, en l'occurrence les Services industriels.
La controverse a été nourrie sur ce que je serais tenté d'appeler un faux problème. Lorsque les objectifs comprenant certaines tendances chiffrées ont été annoncés dans le projet de conception cantonale, c'était sur la base de données qui, de toute évidence, ne sont plus actuelles. Elles ont été fixées sur la base de données appartenant à la haute conjoncture. En ce temps-là, la croissance des activités trouvait son écho dans la croissance de l'énergie consommée. Aujourd'hui, force est d'admettre que ces données n'ont plus cours.
Je l'ai dit et le répète publiquement : ces données de référence sont aujourd'hui caduques. Plutôt que de nous disputer sur des chiffres qui, en définitive, ne sont que des extrapolations, mettons-nous d'accord sur une méthode de travail, un concept concret, des actions possibles, compte tenu du fait que les axes politiques ont été définis par le souverain puisqu'ils se trouvent dans la constitution.
A cet égard, la plupart des mesures concrètes que vous avez votées et qui font que cette conception cantonale a été admise à l'unanimité de la commission - cela me réjouit - sont, pour la plupart d'entre elles, mises en action. Ce fait est très important. Il est également très important que la commission parlementaire de l'énergie et des Services industriels ait pu trouver un accord sur la réalisation d'actions concrètes. En effet, nous avons enfin admis la stérilité de disputes dans l'abstrait et l'intérêt réel de se réunir dans le concret. Je suis très heureux que, toutes tendances confondues, ce parlement soit réuni dans le domaine concret. C'est un bon signe ainsi qu'un encouragement considérable pour nous permettre d'avancer à la rencontre des objectifs politiques inscrits dans la constitution.
M. Schneider a parlé tout à l'heure de l'utilisation de la chaleur de l'usine d'incinération des Cheneviers. Ce projet, appelé CADIOM, est pour nous extrêmement intéressant. Comme vous le savez, cette usine produit de l'électricité et de la chaleur. Il est donc question d'utiliser cette production, en tant que telle, dans le cadre d'un réseau de chauffage à distance.
Ce projet est extrêmement ambitieux. Toutefois, nous avons la volonté tenace de le réaliser, bien que la conjoncture et les finances publiques ne soient pas un bon indicateur en ce moment. Ce projet représente plusieurs milliers de tonnes équivalent pétrole. Il a un double objectif. Il est intéressant du point de vue énergétique et de celui de l'assainissement de l'air. Ce double objectif mérite de retenir votre attention.
L'objectif de la Ville de Genève a été évoqué. C'est celui de sa réduction de consommation en électricité. Je me réjouis que l'on parle de la Ville de Genève qui mène une action engagée. Toutefois, je regrette quelque peu qu'on oublie les objectifs de la politique cantonale s'agissant de l'administration cantonale et qui, je vous le rappelle - cela a été annoncé - s'inscrivent exactement dans la même cible. Nous pouvons dire que dans le domaine du concret nous avons un tout petit peu d'avance. Ce n'est pas pour jouer la Ville de Genève contre l'Etat, ce serait stérile, mais pour vous permettre d'être régulièrement informés de ce qui se fait.
Lors du débat précédent, vous avez posé une question, Monsieur Nissim, et vous la renouvelez ici. J'aimerais vous dire, et nous nous sommes clairement expliqués en commission de l'énergie, que la mission des Services industriels est double. L'objectif des SI est double. A teneur de la constitution, les SI ont l'obligation d'assurer l'approvisionnement en énergie de ce canton. C'est un objectif capital et la conjoncture dans laquelle nous vivons aujourd'hui ne nous permet pas de lésiner sur cet objectif.
Les SI, également, ont l'obligation de respecter les objectifs de l'article 160 c de la constitution avec ses données prioritaires, à savoir, la valorisation des énergies indigènes et renouvelables, les économies d'énergie et l'utilisation rationnelle de l'énergie qui sont des objectifs prioritaires.
La constitution, s'agissant du dossier nucléaire qui éveille votre sensibilité, s'agissant de l'objectif antinucléaire, est claire et nette : elle interdit aux autorités genevoises d'accepter une installation nucléaire sur le territoire du canton ou au voisinage de celui-ci et pose également une disposition analogue en ce qui concerne le traitement des déchets.
Les SI sont liés par l'un et l'autre de ces deux objectifs : art. 158 et 160 c. La contradiction que vous devez tirer est la suivante : nous ne pouvons pas interdire aux SI de s'approvisionner en énergie, dès lors qu'ils ont l'obligation d'assurer l'approvisionnement de ce canton conformément à l'article 158 de la constitution. Cet objectif est fondamental et nous ne pouvons pas «faire joujou» avec la sécurité de l'approvisionnement en énergie électrique de notre canton.
Il est clair que les SI ont l'obligation de veiller à l'application de l'article 160 c de la constitution, par conséquent de continuer à travailler pour la valorisation des énergies renouvelables et des programmes d'économie d'énergie, de maîtrise de l'énergie et, en particulier, de l'énergie électrique.
Je pense avoir répondu à votre question le plus loyalement possible, en admettant qu'une ambiguïté existe puisqu'il y a deux objectifs qui, pour partie, peuvent s'avérer contradictoires.
M. Chaïm Nissim (Ve). Notre président Maitre nous parle de ces deux mandats des SI qui, pour partie, peuvent s'avérer contradictoires... (M. Annen fait une objection.)
En effet, Monsieur Annen, on ne l'a pas eu en plénière. Mais c'est important que nous l'ayons en plénière. Quant à moi, je prétends qu'il n'y a aucune...
La présidente. Monsieur Annen, vous demanderez la parole!
M. Chaïm Nissim. ...contradiction entre ces deux objectifs. Si vous voulez satisfaire à l'article 158, à savoir que les gens soient approvisionnés convenablement, si vous voulez satisfaire à ce besoin pendant quelques années encore, il vous faut absolument satisfaire aussi à l'article 160 c qui propose de faire des économies.
Vous ne pouvez pas approvisionner les gens convenablement à long terme si vous ne faites pas en même temps des économies. En effet, si vous construisez continuellement des nouveaux tuyaux avec des robinets ouverts au bout, il est clair que vous n'aurez plus assez d'eau pour approvisionner toute la population. Il faut donc, lorsque vous construisez de nouveaux tuyaux, apprendre aux gens à fermer le robinet ou, alors, fabriquer des robinets à meilleur rendement. A mon avis, ces deux mandats des SI vont parfaitement bien ensemble.
Pour en terminer avec l'investissement des SI, c'est une chose extrêmement importante. Les SI ont choisi d'investir dans le nucléaire en France, enfin, dans le parc français, et c'est une somme considérable. Ce sont plus de 250 millions qui ont été investis. Si cette même somme avait été investie dans les économies d'énergie, on aurait une meilleure maîtrise de l'approvisionnement et l'on aurait donc satisfait aux deux articles 160 c et 158 en même temps.
Maintenant, Monsieur Maitre, je vous réitère ma question et vous la réitérerai encore lors d'une interpellation que j'ai l'intention de faire.
M. Armand Lombard. Pas ce soir !
M. Chaïm Nissim. Non, pas ce soir, rassurez-vous Monsieur Lombard ! J'aimerais que ce parlement ait connaissance de cet avis de droit qui a permis à M. Ducor d'investir tous ces millions dans le nucléaire français. J'estime que nous avons ce droit.
Mis aux voix, l'amendement de M. Genecand est adopté.
Mise aux voix, la résolution, ainsi amendée, est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
RÉSOLUTION
approuvant le projet de la conception cantonale de l'énergie
LE GRAND CONSEIL,
vu l'article 10 de la loi sur l'énergie,
Décrète
La conception cantonale de l'énergie, du 10 février 1993, à teneur des 4 postulats de base et du catalogue des 25 actions, est adoptée.