Séance du jeudi 16 septembre 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 7e session - 32e séance

PL 7030
9. Projet de loi du Conseil d'Etat sur l'exercice des compétences du Conseil d'Etat et l'organisation de l'administration (B 1 2,5). ( )PL7030

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Appréciation générale

1.

La constitution genevoise l'exprime clairement: le pouvoir exécutif appartient au Conseil d'Etat (art. 101) à qui il revient de régler les attributions de chaque département (art. 119) et d'en assurer la surveillance (art. 122).

Il découle de ces exigences constitutionnelles que les attributions des autorités administratives inférieures ne sont exercées que par délégation du Conseil d'Etat.

2.

Or, le développement de la législation a entraîné au cours de ces dernières années de sérieuses distorsions au principe constitutionnel précité. Au lieu de se limiter à une délégation de compétence en faveur du Conseil d'Etat, de très nombreuses lois confèrent en effet des attributions directement à des départements, offices ou services déterminés. Il en résulte que ces autorités administratives se trouvent investies d'une tâche d'exécution par la loi elle-même, et donc par le législateur, alors qu'elles ne devraient l'être que par le Conseil d'Etat.

3.

De telles distorsions concernent en pratique tous les départements. Elles nuisent à la cohésion gouvernementale et conduisent à «compartimenter» toujours davantage l'activité du gouvernement, qui se trouve ainsi confronté au risque de perdre la vue d'ensemble. Cette situation contrevient à l'objectif d'efficacité que doit atteindre une administration moderne, et qui passe notamment par une décentralisation bien maîtrisée: cela implique de larges délégations de compétence avec le pouvoir effectif de contrôler ce qui a été délégué.

La multiplication des lois conférant directement à un département, un office ou un service une tâche d'exécution déterminée, peut par ailleurs conduire les instances en question à sous-estimer le fait qu'elles répondent de leur action devant le Conseil d'Etat et qu'elles ne peuvent donc exercer leur tâche indifféremment des directives données par le gouvernement lui-même.

4.

La modification systématique de toutes les lois concernées est peu opportune et prendrait, quoi qu'il en soit, trop de temps, indépendamment des «politisations» sectorielles qu'elle ne manquerait pas d'entraîner.

C'est pourquoi l'adoption d'une seule loi-cadre se justifie pour donner au Conseil d'Etat, conformément à la constitution, la plénitude et la prèminence d'un pouvoir de décision sur les compétences d'exécution des départements, offices ou services.

2. Commentaires de détail

Alinéa 1

Il s'agit ici de rappeler que le pouvoir exécutif appartient au Conseil d'Etat, comme le prescrit la constitution.

Alinéa 2

Conformément à la constitution, c'est au Conseil d'Etat qu'il appartient de régler les attributions des départements et de veiller à leur organisation. Il s'agit ici de préciser que le gouvernement a la responsabilité de créer des offices ou des services dont la réunion constitue les départements, dirigés chacun par un chef de département responsable.

Alinéa 3

Comme de nombreuses lois confèrent directement à des départements, des offices ou des services des tâches d'exécution déterminées, il y a lieu de préciser que toutes ces attributions sont exercées sous l'autorité du Conseil d'Etat. En pratique, cela revient à dire que chaque fois que la délégation de compétence légale est réalisée en faveur d'un département, d'un service ou d'un office, cette délégation de compétence émane du Conseil d'Etat, conformément à ce que prescrit la constitution cantonale.

Alinéa 4

Selon la constitution, les autorités administratives bénéficiant de compétences déléguées exercent leurs attributions sous la surveillance du Conseil d'Etat. Il en découle que le Conseil d'Etat peut en tout temps se saisir d'un dossier d'un département. A cet égard, les précisions suivantes sont nécesaires:

 Le texte précise que le Conseil d'Etat peut «se» saisir d'un dossier. En d'autres termes, le droit d'évocation n'appartient qu'aux membres du Conseil d'Etat, soit au titulaire du département concerné, soit à l'un de ses collègues. C'est dire que ce droit d'évocation n'est pas conféré à des tiers, soit d'autres instances de l'administration ou des administrés.

 Seuls les dossiers d'une réelle importance peuvent justifier l'exercice du droit d'évocation d'un membre du Conseil d'Etat. Il ne s'agit en effet en aucune manière d'alourdir l'ordre du jour déjà particulièrement chargé de ses séances. Dans cette perspective, l'évocation suffisamment précoce d'un dossier important devant le Conseil d'Etat est de nature à fixer un cadre clair permettant par la suite une action plus rapide et une concertation renforcée entre les départements le cas échéant concernés.

 L'évocation d'un dossier par un membre du Conseil d'Etat n'aboutira pas nécessairement à une décision du collège. En effet, comme c'est la pratique déjà aujourd'hui, un dossier peut être porté à la connaissance du gouvernement par l'un de ses membres dans le seul but de connaître l'avis de ses collègues ou de solliciter leurs conseils, et sans que cela aboutisse à une décision formelle.

 Enfin, l'évocation d'un dossier pour décision doit être clairement exclue lorsqu'il s'agit d'une matière où le Conseil d'Etat est autorité de recours. Il importe en effet d'éviter que, par les mécanismes de récusations, le Conseil d'Etat soit en fait placé devant la situation de ne plus pouvoir exercer son rôle d'autorité juridictionnelle administrative.

** *

Tels sont les motifs pour lesquels nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter le présent projet de loi.

Préconsultation

M. David Lachat (S). Si j'étais MM. Segond ou Ramseyer, voire M. Joye : «J'aurais les jetons !» (Eclats de rire.) Voici l'Entente, gonflée à l'hélium, voulant placer ses sept candidats au Conseil d'Etat. Simultanément, les libéraux et le cryptolibéral Maitre nous proposent un projet de loi qui n'est qu'une muselière pour les conseillers d'Etat pris individuellement.

Par conséquent, lorsque la liste des sept aura triomphé, il faudra bien que M. Segond marche droit et que MM. Joye et Ramseyer étouffent leurs élans d'originalité et d'humanité pour obéir à la majorité libérale du Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

Messieurs Ramseyer, Joye et Segond, si j'étais à votre place, je ne soutiendrais pas simultanément la liste à sept et ce projet de loi sur l'exercice des compétences du Conseil d'Etat. (Commentaires.)

Du reste, nous avons eu un magnifique exemple, ainsi qu'un non moins magnifique lapsus de la part de M. Lombard. Tout à l'heure, il nous a parlé du projet de budget du Conseil d'Etat comme d'un projet néo-libéral. Les autres composantes du Conseil d'Etat sont ainsi totalement ignorées. (Rire de la présidente.)

Cela précisé, je vous avoue que je n'aime pas du tout ce projet de loi, cela pour quatre raisons.

La première est une raison de forme. Ce projet de loi a été présenté à la population de façon cavalière, en grossière violation de la collégialité, en une manoeuvre d'exclusion de deux conseillers d'Etat. Cet état de fait augure mal de l'avenir.

Deuxièmement, ce projet de loi est inconsistant. Il n'amène aucune nouveauté. Le droit d'évocation du Conseil d'Etat existe déjà dans les textes. Par conséquent, ce projet de loi est une sorte de baudruche pré-électorale du style «bonus-loyer».

Il peut aussi gripper le fonctionnement du Conseil d'Etat et créer des disputes sans fin entre les sept membres (six messieurs et une dame selon votre optique) qui composeront le prochain Conseil d'Etat.

Lorsqu'il faudra savoir si le Conseil d'Etat a le droit de «piquer» - si vous me permettez l'expression - un dossier de l'un des départements, il faudra au préalable trancher la question prévue par l'alinéa 4 de la loi pour savoir si c'est une question d'importance justifiant la saisine du Conseil d'Etat. Quels critères seront utilisés ? Qui dira si un projet est d'importance ou non ? En tous cas, ce n'est pas clair dans l'exposé des motifs ni dans le texte de loi.

Ensuite, il faudra s'assurer s'il ne s'agit pas d'une matière où le Conseil d'Etat est une autorité de recours. On peut recourir au Conseil d'Etat en invoquant toute une série de lois. A chaque occasion, lorsque le Conseil d'Etat voudra s'emparer d'un dossier, il devra supputer toutes les possibilités éventuelles de recours pour s'assurer qu'en définitive il ne court pas le risque de se retrouver plus tard autorité de recours, donc dans une impasse.

Enfin, ce projet est rétrograde. C'est une régression dans la pratique politique. Une autorité politique comme le Conseil d'Etat ne doit pas s'emparer des tâches de l'administration. Elle doit faire de la politique et non se préoccuper de détails des exécutions de décisions d'ordre politique. Ces tâches incombent aux départements et, mieux, aux hauts fonctionnaires de chacun des départements. Si vous voulez qu'un Conseil d'Etat fonctionne et soit efficace, il faut que ce Conseil d'Etat fasse de la politique et non de l'administration de détail. En ce sens, je le répète, ce projet est rétrograde.

Cela précisé, nous l'examinerons avec attention et nous combattrons avec énergie ce projet en commission. (Rires.)

La présidente. La parole n'étant plus demandée... Oui, Monsieur Fontanet ? Ah ! mais il faut lever les mains !

M. Bénédict Fontanet (PDC). Les mains, pour les lever, on les lève ! Peut-être sont-elles trop courtes ! Mais c'est un autre problème. (Rires.)

Plus sérieusement, le groupe démocrate-chrétien accueille avec enthousiasme ce projet de loi. (Manifestations de joie dans la salle.) Pour en avoir discuté avec Philippe Joye, je tiens à vous dire que ce dernier n'a pas l'air d'être brimé. D'ailleurs, regardez comme il a l'air heureux devant son pupitre. Il le sera encore plus lorsqu'il sera conseiller d'Etat. Ce n'est là qu'un prélude. (Une voix ronchonne, s'adressant à l'orateur.)

Cher Monsieur, les démocrates-chrétiens ne se soumettent pas aussi facilement que vous l'imaginez. L'histoire de ce canton en est l'illustre démonstration. On vous donnera un petit cours d'histoire politique plus tard ! (Rires.)

Ce projet est un excellent projet de loi. (Les députés de la gauche s'écroulent de rire.) Par le fait d'une dérive législative, notre Grand Conseil tend de plus en plus souvent à donner directement des compétences dans la loi à des départements. Cette dérive législative est relativement récente puisqu'il y a de cela quelques années. La plupart du temps, les lois votées par ce parlement prévoyaient que le Conseil d'Etat en était l'organe d'exécution et que ce Conseil d'Etat désignait en son sein le département devant traiter d'une matière ou d'une autre.

Le fait est qu'un certain nombre de lois demandent des compétences déterminées à certains départements. Les seuls considérés ne sont pas que des départements socialistes, Monsieur Lachat. Il n'y a pas lieu de jouer les persécutés à cet égard. Cela permet à des conseillers d'Etat de prendre certaines décisions dans le cadre d'objets politiques pouvant être déterminants pour la vie du canton, et de prendre également des décisions contre la volonté du collège gouvernemental. A notre sens, ce n'est pas admissible.

Le collège gouvernemental doit fonctionner comme un tout. Il est indispensable que les décisions politiques importantes puissent être prises par le Conseil d'Etat et qu'un conseiller d'Etat déterminé ne puisse pas faire obstruction par sa volonté propre à la volonté de tout le Conseil d'Etat ou de sa majorité qui, lui, en adhérant à notre constitution dirige la politique du canton et l'exécutif du canton.

Il n'y a là aucune volonté d'exclusion de qui que ce soit, mais la volonté d'avoir un Conseil d'Etat à même de gouverner efficacement. Dans cette période de crise et de difficultés, Genève a besoin plus que jamais d'un Conseil d'Etat qui gouverne fort et bien.

Alors, Monsieur Lachat, si certains y voient une volonté d'exclusion, c'est qu'ils ont envie de s'exclure d'eux-mêmes. Si ce projet est aussi vide de sens que vous voulez bien le dire, on ne voit pas pourquoi il suscite une réaction aussi courroucée et ripée de votre part.

Nous accueillons ce projet de loi avec beaucoup d'intérêt et sommes heureux qu'il arrive maintenant, même si nous l'aurions souhaité auparavant.

M. Jacques-André Schneider (Ve). Les «écolos» sont pour le travail d'équipe. Le jacobinisme départemental, tel qu'il est pratiqué à Genève, les «cocardises» existant dans notre Conseil d'Etat, les conflits de personnes autour de ces postes ne sont pas notre «tasse de thé». Nous pensons que l'idée de l'équipe est bonne. Mais ceux et celles qui ont rédigé ce projet sont allés très vite en besogne, probablement en raison de l'échéance électorale proche.

Une voix. Mais non...

M. Jacques-André Schneider. Deux vrais questions sont à poser. Premièrement, vous dites vouloir gouverner, Monsieur Fontanet. Je vous souhaite bien du plaisir, surtout avec l'accumulation des détails qui viendront des départements, chaque détail étant transformé en enjeu politique majeur. On peut se demander si ce mécanisme permettra au Conseil d'Etat de travailler ou s'il ne va pas tout simplement craquer dans ses coutures.

La deuxième objection ou interrogation que nous pourrions émettre est la suivante : Monsieur Fontanet, vous savez sans doute que le fait d'avoir délégué des compétences au département s'explique en partie parce que, dès les années septante, le Tribunal administratif s'est vu reconnaître toute une série de compétences en matière de contrôle des décisions de l'exécutif.

Dorénavant, Monsieur Fontanet, il faudra bien admettre que le Conseil d'Etat in corpore soit soumis à un contrôle judiciaire strict. Vouliez-vous aller jusque-là ? Y aviez-vous pensé dans votre désir peut-être estimable de renforcer l'autorité d'un exécutif ? En définitive, l'autorité ne nous intéresse pas tellement en tant qu'écologistes. C'est plutôt le travail d'équipe «sympa», ce qui est, je le conçois, difficile dans un monde politique fractionné (Rires).

M. Philippe Joye (PDC). Je vous remercie, Monsieur le député Lachat, de vos soucis très paternels à vouloir protéger les petits derniers de la liste à sept. Mais mon ami Ramseyer fait certainement plus de cent kilos, et moi-même juste un peu moins. (Rires, quolibets. Sourire de l'orateur.) Enfin, c'est très touchant, et je vous remercie de votre très grande sollicitude à mon égard.

Toutefois, je puis vous rassurer sur plusieurs points. Je pense que vous êtes conscient du fait que je suis encore capable de donner mon point de vue en toute circonstance, quelles que soient les personnes présentes. Si vous me prêtez une fibre caritative et altruiste assez développée, je pense que mon rôle sera de pousser les idées que j'ai l'intention de défendre.

D'autre part, je n'ai constaté à aucun moment que mes futurs éventuels collègues sont des monstres épouvantables de dureté, quelle que soit l'origine de leur parti. Enfin, il y a des exemples criants qui ont récemment montré les dysfonctionnements du Conseil d'Etat. Je suis tout à fait d'accord que le fait de prendre des décisions au Conseil d'Etat c'est prendre des décisions politiques. Mais cela peut aussi vouloir dire : aider sept individus aux personnalités fort marquées, quelle que soit l'origine de leur parti, à percevoir de façon plus nette que cela n'a été leur appartenance à un groupe. Sans groupe, il n'y a pas de consensus. Sans consensus, il n'y a pas de gouvernement de style helvétique.

M. Nicolas Brunschwig (L). Qui redoute quoi ? Il est vrai qu'il n'existe pour nous que deux possibilités dans le fonctionnement du Conseil d'Etat. La première, et la plus optimiste, est celle des chefs de département informant le Conseil d'Etat et tenant compte des avis ou des votes de ce dernier sur les sujets d'une certaine importance. Ainsi, le Conseil d'Etat fonctionnera comme nous le souhaitons, et ce projet de loi ne gênera aucunement l'action gouvernementale.

L'autre possibilité est moins gaie. On pourrait suspecter que parfois certains magistrats tiennent à informer le Conseil d'Etat à certains stades de la procédure sans tenir compte de son avis ou des votes de ce dernier. Dans ce cas nous trouverons cela absolument anormal.

Ce projet de loi a pour but d'empêcher de telles obstructions dans une période où, et ceci tout le monde le concède, il faut avoir une vision forte du gouvernement.

M. Jean Spielmann (T). A plusieurs reprises, nous avons eu l'occasion de discuter de la cohésion du gouvernement et du problème posé ce soir par ce projet de loi.

Je voudrais rappeler à ce Grand Conseil qu'il existe des moyens pour permettre au Conseil d'Etat d'être plus collégial, plus responsable de ses interventions, et également plus présent aux séances du parlement.

Le premier pas consiste simplement à respecter le règlement du Grand Conseil, Madame la présidente, en présentant, comme la loi l'exige, les projets dans l'ordre de leur dépôt et de leur importance, en respectant la hiérarchie des points présentés dans la procédure - les initiatives, projets de lois, motions, résolutions, interpellations, etc. - sans faire un ordre du jour à la carte pour le Conseil d'Etat qui lui permette de remplir des petites cases annonçant sa présence ou son absence à l'avance. Enfin, de faire de ce dernier une simple addition de sept chefs de département, sept hauts fonctionnaires, plutôt que de vrais responsables collégiaux d'un gouvernement responsable de la gestion de la République.

Faites déjà ce premier pas ! Pourquoi le refusez-vous à chaque séance ? Pourquoi et en quel nom le Bureau du Grand Conseil ne respecte-t-il pas le règlement ? Est-ce dans le simple but de rendre service au Conseil d'Etat et de lui permettre de faire de la politique à la carte, alors que nous autres, parlement de milice, sommes obligés de manger le menu à chaque séance ?

M. Robert Cramer. Bravo !

M. Jean Spielmann. Ma première observation est la suivante. Au lieu de faire simplement des projets de lois, respectez déjà les lois existantes ! Cela vous permettra de partir dans la bonne direction.

L'autre observation a un caractère plus politique et polémique. Depuis des années, j'entends qu'on reproche au Conseil d'Etat d'être dominé par des personnalités plus fortes que les autres...

Mme Claire Torracinta-Pache. Des noms !

M. Jean Spielmann. Il faut vous poser la question des élections du futur Conseil d'Etat qui vont bientôt commencer. Je le rappelle pour la presse qui peut aussi être intéressée. On ne peut être candidat au Conseil d'Etat qu'après l'élection du Grand Conseil.

Pour l'instant, il n'y a pas de candidats au Conseil d'Etat. Au moment de ce choix, posez-vous cette question essentielle au lieu de vous en prendre à une personne ou à une forte tête qui, justement, tient tête aux six autres. Vous ne pouvez pas vous poser la question fondamentale de désigner des gens compétents qui, à cinq, pourront tenir tête à un seul. Ce serait déjà une première réponse. (Applaudissements sur les bancs des socialistes et du parti du Travail.)

La présidente. Monsieur Spielmann, votre interprétation du règlement du Grand Conseil n'est pas tout à fait exacte. Il est dit à l'article 95, alinéa 2, sous la lettre c de l'alinéa 1, soit les objets «initiatifs» : les projets de lois, motions, résolutions, pétitions, etc., les objets concernant un même département sont réunis à l'intérieur des rubriques 1 à 7. Je suis désolée, la possibilité a été exploitée par les bureaux et chefs de groupe successifs depuis à peu près deux ou trois ans.

M. Michel Balestra (L). Je suis désolé de vous dire, Monsieur Lachat, que la traversée de la rade, le triangle de Villereuse, le Palais Wilson et Sécheron ne sont pas des détails. Pendant que ces dossiers sont bloqués, 16 000 chômeurs désespèrent à Genève (Vives protestations sur les bancs d'en face.) et 65% de la population genevoise déclarent dans les sondages que le chômage est sa préoccupation majeure.

Les Genevois ne comprendraient pas que le Conseil d'Etat perdure dans ses blocages et ses atermoiements. Le projet de loi dont nous parlons ce soir permettra de responsabiliser le gouvernement autour d'objectifs clairs. Je suis partisan d'une possibilité d'arrêtés cantonaux urgents et la discussion immédiate sur ce projet de loi pourrait se substituer avantageusement à un arrêté cantonal urgent. C'est pourquoi je la demande formellement.

M. Jean Spielmann. Alors ça, c'est un diktat !

Mme Vesca Olsommer (Ve). J'ai envie d'avoir un langage beaucoup plus simple que celui tenu jusque-là. Je dirais que ce projet de loi se revêt, sans doute, d'habits intelligents, mais il est plein de restrictions mentales et parfaitement hypocrites.

Votre volonté est celle d'exclure les conseillers d'Etat représentant une certaine minorité. Mais je ne vois pas du tout comment cette idée peut représenter le bien commun.

Quant au chômage, je vous pose trois questions à propos des 15 000 chômeurs se trouvant à Genève.

De quelle croissance sont-ils victimes ? Avons-nous voulu la spéculation immobilière ? Ou encore, pourquoi la croissance des emplois peu qualifiés à Genève ? Non, nous n'en sommes pas responsables ! Alors, je vous en prie, ne venez pas nous reprocher ce chômage ni nous dire que vous proposez ce projet de loi pour le bien commun. Cela n'est pas du tout exact. (Applaudissements.)

M. Philippe Fontaine (R). Ne voyant pas poindre la demande de discussion immédiate, j'ai levé la main au même instant où notre ami Balestra demandait la parole. Donc, je la prends pour dire que notre groupe soutiendra cette demande de discussion immédiate.

En effet, le peuple de Genève veut des décisions plus rapides, plus claires. On vient de le dire, trop de projets restent en attente. Les gens en ont assez. Aujourd'hui, nous avons un moyen pour décider. Nous devons prendre nos responsabilités et le faire ce soir. Nous voterons donc cette discussion immédiate.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. En saisissant votre parlement de ce projet, le Conseil d'Etat poursuit un double objectif d'efficacité et de cohésion.

Tout d'abord, parlons de l'objectif d'efficacité. Pour la première fois dans un texte se trouvent expressément le principe de la décentralisation de l'administration et celui de son décloisonnement. Que faut-il entendre par là?

Dans ce texte se trouve la volonté claire et nette du Conseil d'Etat de déléguer les compétences nécessaires à l'exécution de sa tâche à des offices ou à des services. C'est le principe de la décentralisation.

Dans ce texte, un second principe est nouveau. C'est le fait que les offices ou les services constituent, par leur réunion, des départements. Cela permet le décloisonnement de l'administration car les offices et les services sont créés en fonction de leurs compétences spécifiques pour une tâche spécifique qui leur est attribuée. C'est leur réunion qui constitue un département. Cette réunion n'est pas immuable. Ces deux principes sont fondamentaux dans une administration moderne. D'une part, c'est la décentralisation et, d'autre part, le décloisonnement.

Le second principe est celui de la cohésion du gouvernement. Nous ne pouvons pas sous-estimer - et M. Schneider a eu raison de le rappeler - le fait historique qu'est la création du Tribunal administratif et les modifications législatives qui ont suivi. Nous avons procédé à une étude complète et pouvons vous dire que tous les départements sont concernés. De nombreuses lois confèrent des tâches directes à des départements, des offices ou des services.

En d'autres termes, ces départements, offices et services se trouvent investis d'attributions et de compétences par le parlement lui-même, alors que, dans la séparation des pouvoirs, ils ne devraient l'être que par le gouvernement. C'est ce que nous voulons corriger en ramenant très clairement le principe selon lequel les départements exercent leur tâche sous l'autorité du Conseil d'Etat et sous son autorité seule. Je crois que ce principe est extrêmement important.

Je suis très frappé par le fait que dès qu'un problème politique important apparaît on le considère sous l'angle juridique. Au-delà des appréciations juridiques, le vrai problème qui est posé ce soir est simplement celui-ci : Voulez-vous donner au Conseil d'Etat les moyens de gouverner en tant que collège, oui ou non ?

Le Conseil d'Etat vous réclame ces moyens, car il est convaincu que le double principe de la décentralisation et du décloisonnement de l'administration d'une part, et, d'autre part, de la cohésion et de l'autorité du Conseil d'Etat, c'est-à-dire de la prééminence du pouvoir de décision du Conseil d'Etat sur les compétences d'exécution des départements, est capital.

Il ne s'agit pas d'imaginer que le Conseil d'Etat va rapatrier à lui toute une série de compétences d'exécution appartenant naturellement aux départements qui sont outillés pour cela. Il s'agit d'être plus efficaces et plus cohérents dans le processus de décision politique et non pas d'exécution administrative.

Lorsque nous sommes en mesure de prendre une décision politique-cadre suffisamment tôt, cela facilite le travail d'exécution décentralisé des différents départements qui, le cas échéant, peuvent être concernés. En effet, cela crée un cadre sous l'autorité du Conseil d'Etat avec une décision de ce dernier. Dans ce contexte, il est important que vous puissiez vous prononcer clairement sur ce projet de loi.

Le Conseil d'Etat vous demande de lui donner les moyens de mener la politique de décentralisation et celle de cohésion. Il nous semble que de tels principes devraient aller de soi. On a parlé d'arrière-pensées. Si certains ont émis des avis extrêmement «carrés», «courroucés», comme cela a été dit, c'est vraisemblablement que ce projet est plus nécessaire que jamais.

M. Robert Cramer (Ve). On vient de nous parler de discussion immédiate. Je ne sais pas si cette discussion immédiate sera votée tout à l'heure, mais vu les rapports de force existant dans ce Grand Conseil, il n'y a pas lieu de se faire trop d'illusions à ce sujet.

Je vous poserai donc la question suivante, - je la poserai également en commission si ce projet de loi y était renvoyé - au nom de qui les décisions seront-elles rendues ? C'est la grande ambiguïté de ce projet. C'est celle-là même qu'a abordée tout à l'heure Jacques-André Schneider lorsqu'il rappelait que, si l'on a été amené à donner tant de compétences aux départements, c'est en raison du contrôle juridictionnel exercé par le Tribunal administratif sur l'activité de l'Etat.

Je vous recommande de lire à cet égard, au-delà de ce que nous pouvons penser les uns et les autres de la collégialité nécessaire à Genève, ce court projet qui vous est proposé, et plus particulièrement l'alinéa 3.

Dans cet alinéa il est dit : «...lorsque des attributions leur ont été conférées directement par la loi, les départements, les offices ou les services les exercent sous l'autorité du Conseil d'Etat.» L'alinéa 1 précise que le Conseil d'Etat exerce le pouvoir exécutif.

En fin de compte, le projet de loi prévoit donc que toutes les décisions prises le seront par le Conseil d'Etat ou par la délégation de ce dernier. Si l'on suit ce projet de loi et l'intention des auteurs, cela signifie que dorénavant toutes les décisions qui seront prises à Genève en matière administrative le seront par le Conseil d'Etat, soit directement, soit en son nom par un département.

En d'autres termes, cette question sérieuse de la censure du Tribunal administratif, actuellement exercée sur l'essentiel des décisions prises par l'Etat, sera une censure du Conseil d'Etat. Je pourrais ironiser à ce sujet et vous dire, comme le disait tout à l'heure Jacques-André Schneider, que cette humilité du Conseil d'Etat est remarquable, puisqu'il désire dorénavant soumettre toutes ses décisions au contrôle d'un pouvoir juridictionnel. Mais nous ne sommes pas à l'heure de l'ironie alors que vous désirez un vote immédiat. Je vous dirai plus simplement que ce projet de loi pose quelques problèmes sérieux qui doivent d'être examinés sereinement en commission.

M. Jacques-André Schneider (Ve). Je désire intervenir sur la discussion immédiate... (Rouspétances.) C'est une motion d'ordre, donc j'ai le droit d'intervenir sur la...

La présidente. Allez-y, sur la discussion immédiate !

M. Jacques-André Schneider. Lorsque nous avons vu ce projet de loi, nous avons pensé pouvoir travailler en équipe. Mais voici que le tank, que dis-je, la batelière de l'Entente...

Une voix. La canonnière!

M. Jacques-André Schneider. ...la canonnière, peut-être... (des députés chantent.) ...mais le tank de l'Entente, conduit par son fidèle chauffeur, est prêt à presser sur le champignon. Je parle, bien entendu, de votre estimé M. Balestra. Ce tank de la majorité va de l'avant en écrasant tout sur son passage. Il dit : «Foin de discussions, les commissions on n'en veut plus ! On n'est pas prêts à examiner quoi que ce soit. Nous voulons une décision immédiate».

C'est un changement important sur une question institutionnelle. En tant qu'écologistes, votre attitude nous fait doucement rigoler. On chasse le jacobinisme et voici qu'il revient par la grande porte. C'est le jacobinisme de l'Entente. Bien entendu, nous ne pouvons pas accepter «ces façons de hussards» pour prendre des décisions. Ce n'est en tout cas pas un esprit de collégialité. Vous n'êtes pas sympas !

Mme Vesca Olsommer (Ve). Mon intervention a peut-être été un peu violente tout à l'heure, mais j'aimerais entendre l'avis du président du Conseil d'Etat. (Des voix. Ah, ah, aaahhh!)

M. Jean Spielmann (T). J'interviens sur la proposition d'avoir une discussion immédiate et aux propositions faites sur la forme plutôt que sur le fond, car, à ce niveau, rien n'est tellement nouveau. En effet, présenter une telle discussion, intervenir comme vous le faites, à un mois des élections du Grand Conseil, après avoir démontré vos compétences au niveau du pouvoir pendant 50 ans... (Rires.)

M. Michel Balestra. Eh, eh, 1917 !

M. Jean Spielmann. ...après toutes les démonstrations de vos cinq conseillers d'Etat, incapables de tenir tête à un seul, vous mettez en cause tout le principe politique de ce canton qui repose sur une politique de concordance, dans laquelle, à tous les niveaux, on pratique le débat critique, on prend des décisions en fonction d'une proportion de majorité dans la population, et chacun décide en fonction de ses propres responsabilités et de sa propre audience.

Vous proposez aujourd'hui un gouvernement qui décide, majoritaire...

Une voix. A d'autres !

M. Jean Spielmann. ...et alors, je vous annonce, Messieurs d'en face, une série de désillusions en cascade, du genre de celles que vous avez déjà pu essuyer à quelques reprises.

Rappelez-vous, Messieurs, les décisions que vous prenez ici avec toute votre arrogance dans le domaine du logement, de la fiscalité, de l'aménagement et dans l'ensemble des domaines où vous avez été sanctionnés par la population.

Vous aurez encore l'occasion d'en prendre conscience très prochainement. Le choix que vous faites est tout de même extraordinairement important. Vous allez entamer un débat politique dans lequel vous excluez quasiment 40% de la population. Cela pourrait changer bientôt et c'est peut-être pour cela que vous êtes pressés. Vous essayez d'exclure ce 40% d'une politique de concordance. C'est tout de même un problème fondamental.

Qu'a-t-on entendu dire tout à l'heure ? On nous a dit : «On ne veut pas débattre de la discussion immédiate en commission». C'est tout de même très important. Vous êtes un peu fébriles et audacieux de vous lancer dans une tentation totalitaire... (Toute l'assemblée s'écroule de rire. Applaudissements de toutes parts.)... qui vous conduira d'échec en échec.

M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Nonobstant l'invitation de Mme Olsommer, je pensais prendre la parole au cours de ce débat, n'en déplaise à mes collègues ! (Rumeurs). Je n'aborderai pas le fond, mais la question de la discussion immédiate, bien qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat de s'ingérer dans les affaires du Grand Conseil.

Néanmoins, je désire rappeler qu'une pratique constante et sage existe dans votre Conseil, celle de réserver la discussion immédiate soit pour des projets qui ont une urgence véritable - je ne savais pas que le Conseil d'Etat fonctionnait si mal, (Clameurs.) je suis étonné de ces critiques et ne sais pas comment mes collègues les prennent - soit pour des projets de lois qui ne posent pas de problèmes en raison de leur simplicité.

Lorsque l'on veut modifier la législation, et plus particulièrement les lois touchant au fonctionnement de nos institutions, la règle veut que non seulement on les examine en commission pour apprécier la portée exacte du texte, mais aussi pour s'accorder un délai de réflexion qui paraît normal pour des questions de cette importance.

Je m'exprime en tant que juriste et j'ai dit au niveau du Conseil d'Etat que, même si on peut poursuivre certains objectifs politiques, notamment la veille des élections, le projet en question pose des problèmes juridiques réels.

Il est possible que d'autres juristes considèrent ces problèmes comme inexistants, mais je crois que M. Cramer à eu raison de mettre le doigt sur des problèmes fondamentaux qui, finalement, touchent les droits des citoyens. Que vous le vouliez ou non !

Pour prendre une décision, le Conseil d'Etat ne peut pas si facilement se substituer à un département. Votre Grand Conseil, à juste titre, a voulu conférer cette compétence a un département pour, précisément, ouvrir des voies de recours auprès des tribunaux contre des décisions administratives. Indiscutablement, la création du Tribunal administratif, voulue à l'unanimité par ce Grand Conseil, visait à donner des droits légitimes aux citoyens face à un pouvoir trop fort de l'administration.

Les voies de recours étaient extrêmement limitées. Beaucoup de décisions du Conseil d'Etat ne pouvaient faire l'objet que d'un recours de droit public auprès du Tribunal fédéral. Mon prédécesseur, Jaques Vernet, avait préconisé qu'un certain nombre de décisions importantes portant sur des dérogations en matière d'autorisation de construire fussent conférées à l'autorité subordonnée, donc à l'autorité départementale, plutôt qu'au Conseil d'Etat pour ouvrir une voie de recours sur le plan cantonal.

Bien entendu, on peut dire que le Conseil d'Etat prend une décision et le département l'exécute. La voie de recours existe toujours. Ce n'est pas si simple car, si le Conseil d'Etat prend une décision qui lie le département, je pense qu'elle n'est plus prise par l'autorité subordonnée.

En matière de droit constitutionnel, j'ai une certaine expérience, mais je ne prétends pas être infaillible. Toutefois, cette question mériterait - me semble-t-il - l'avis de juristes et d'être examinée avec une certaine rigueur. Pour ma part, je suis convaincu que cette loi ne permettra pas au Conseil d'Etat de débattre des grands problèmes dont il ne débattrait pas aujourd'hui. Je suis le plus ancien au Conseil d'Etat, non pas en âge mais en fonction. Je constate que tous les problèmes importants sont abordés au Conseil d'Etat... (M. Armand Lombard éclate de rire et fait des signes de dénégation.)

M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. ...mais bien sûr, Monsieur Lombard, vous pouvez rire ! Tous les problèmes importants sont évoqués, dont celui qui vous préoccupe ce soir, celui des rues de connexion. On voit très bien que vous avez cela derrière l'esprit. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion de dire à mes collègues qu'il aurait peut-être été plus clair que le Conseil d'Etat prenne position sur cette question au mois de juin (Brouhaha.) d'une façon informelle. Il pouvait parfaitement le faire sans que ce soit une décision au sens strict du terme.

Les problèmes importants sont effectivement débattus au Conseil d'Etat. Par contre, la tentation sera évidente de faire monter des dossiers mineurs au Conseil d'Etat. Je pense que cela entraînera des perturbations dans le fonctionnement de nos institutions.

Je ne suis pas ici pour vous convaincre, mais ce problème est important. S'il ne l'était pas, il n'aurait pas eu une telle portée et on n'y aurait pas attaché une telle importance. Je pense que la sagesse voudrait qu'il soit examiné en commission. Au Conseil d'Etat, nous n'avons pas débattu de la demande de la discussion immédiate car je présumais qu'il allait partir en commission.

M. David Lachat (S). En effet, il convient de nous calmer, comme nous y a implicitement invité M. Grobet. (Ronchonnement.) Les législations de circonstance prises à l'occasion d'un événement précis, je suppose que dans le cas d'espèce c'est Circulation 2000...

Une voix. Non !

M. David Lachat. ...qui sont votées à la hussarde à 10 h du soir, ne sont pas des législations sereines et, très souvent, on les regrette. Vous ne pouvez peut-être pas répondre - je l'admets - à des interventions un peu «carrées ou courroucées» par la politique du rouleau compresseur. Ce n'est ni sage, ni opportun, ni politiquement habile.

En définitive, si ce projet est si bon, si les arguments dont vous disposez ont le poids que l'on nous a indiqué tout à l'heure, alors, prenez le temps, prenez la peine d'essayer de nous convaincre. Vous n'avez pas intérêt à voter ce projet de loi contre une petite moitié du Grand Conseil.

A part les arguments juridiques, un autre argument existe. Ce projet de loi a été écrit - je suppose - quelque peu à la hâte sur le coin d'une table, et je souhaiterais bien avoir l'avis des constitutionnalistes qui se seraient penchés sur cette question. J'ai les doutes les plus sérieux quant à la compatibilité de ce projet de loi avec la constitution cantonale. Lisez l'article 118, notamment, qui définit la compétence des départements, et réfléchissez quelques instants sur la question de savoir s'il n'aurait pas fallu ériger ce projet de loi au niveau constitutionnel. Il y a là un casse-tête qu'il n'est pas facile de résoudre à cette heure-ci, et qui, de surcroît, risquerait de compliquer énormément les choses si d'aventure un citoyen envisageait de déposer un recours de droit public.

M. Thierry Du Pasquier (L). Je pense que vous avez tous remarqué le côté surréaliste de ce débat. En réalité, un des reproches fait à ce projet de loi par la gauche est justifié. Ce projet de loi n'aurait jamais dû être écrit parce qu'il enfonce une porte ouverte.

Qui, dans ce parlement ou dans cette République, conteste la collégialité du gouvernement ? Ce projet de loi ne fait rien d'autre que réaffirmer un principe qui nous est cher à tous, ancré dans la constitution, dans les usages de notre parlement et de notre gouvernement. Ce projet de loi ne fait rien d'autre que de répéter quelque chose dont on n'aurait jamais dû s'écarter.

M. Fontanet a dit tout à l'heure qu'il répondait à une dérive législative. Je pense que c'est juste. Je dirais même qu'il répond à une dérive de l'usage. Un certain usage s'est effectivement instauré, celui de violer ce fonctionnement normal de notre gouvernement. C'est précisément parce que cet usage s'est instauré qu'il y a lieu, par une décision du parlement, de revenir au fonctionnement normal des institutions, et rien d'autre. Cette décision est urgente car un certain nombre de choses doivent être décidées rapidement. Le fait même que ce débat se soit instauré comme il l'a été démontre très clairement que certains ne souhaitent pas que les institutions fonctionnent de manière collégiale comme elles doivent le faire.

Ce fait même implique la nécessité immédiate de cette décision, car il n'y a aucune raison de temporiser, pour réaffirmer un principe avec lequel nous sommes tous d'accord.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Quand on ne veut pas d'un projet ou qu'il gêne, on dit qu'il pose des problèmes juridiques et qu'il a été mal rédigé. Le Conseil d'Etat comporte tout de même un certain nombre d'anciens avocats et juristes... (M. Fontanet est chahuté par M. J.-A. Schneider.) ...je propose que notre ami Schneider aille boire un verre d'eau (Rires.) qu'il prenne un petit Ceresta ou qu'il fasse un tour dehors. Cela lui rafraîchira l'esprit !

La constitution genevoise montre clairement qu'il incombe au Conseil d'Etat de gouverner ce canton. A cet égard, la relecture des articles de la constitution est claire. Alors, venir nous dire que ce serait au département de le faire, selon l'interprétation qu'en fait M. Lachat, c'est un tout petit peu curieux.

Quant au problème des attributions et des recours, il peut être parfaitement réglé, en ce sens que le Conseil d'Etat n'a qu'à dire à tel ou tel département qu'il doit prendre telle ou telle décision. Ensuite, le recours se fait contre cette décision. Je ne vois pas la difficulté que pose cette question juridique à ce stade.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Les questions posées par Mme Olsommer et M. Schneider sont sérieuses et nous les avons étudiées. Je vous indique dans quel sens nous les avons résolues.

Tout d'abord, les premières idées débattues à propos de ce projet remontent à mars 1993. Elles ne sont donc pas liées au projet Circulation 2000; encore que je rends hommage à M. Grobet d'avoir mis en évidence que Circulation 2000 pouvait être un des cas d'application des dysfonctionnements d'un gouvernement collégial en tant que tel.

A cet égard, je ne me prononcerai pas sur le problème de la discussion immédiate. Notre président s'est prononcé, et je n'entends rien ajouter à ce qu'il a dit.

Sur le plan des problèmes de principe que vous avez évoqués, il ne s'agit pas de dire que telle compétence qui, dans la loi, se trouve conférée à tel département, ferait l'objet de décisions formelles rendues désormais non pas par le département en question mais par le Conseil d'Etat.

Il s'agit bien de permettre aux départements d'exercer les compétences d'exécution et les attributions qui leur sont dévolues par la loi, mais également, et tout aussi fondamentalement, de dire que tel département dans le cadre des attributions qui lui sont conférées doit suivre les directives adoptées par le Conseil d'Etat. C'est un mécanisme simple et fondamental qui ne pose pas de problèmes juridiques. Nous l'avons discuté à réitérées reprises, mais aujourd'hui il y a divergence d'appréciation politique.

M. Claude Blanc (PDC). Je demande l'appel nominal sur la discussion immédiate. (Appuyé.)

La présidente. L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.

M. Alain Rouiller (S). Je prends la parole pour demander l'appel nominal (Rires et applaudissements.) que je vais brièvement motiver.

Pour bien comprendre une discussion, il est parfois utile de prendre des exemples. Notre collègue M. Balestra a donné une liste d'exemples. Je continue sur sa lancée et prends un projet au hasard qui a fait l'objet d'une concertation générale, qu'un département a mis au point, qui a été adopté par le Conseil d'Etat en mars 1991.

Le Conseil d'Etat a reçu une carte en couleur montrant tous les détails du plan qui allait être réalisé. Il a reçu tous les détails des objets qui allaient être touchés. Cela signifie vraiment tous les détails. Ce n'est pas qu'un détail, chers collègues !

Mais que se passe-t-il dans ce Conseil d'Etat ? Etonnamment, nous trouvons trois conseillers d'Etat qui se déjugent. En effet, après avoir accepté et voté un projet, ils prennent contact avec des associations, leur demandent d'intervenir, de faire des recours, les encouragent à s'opposer à la volonté qu'ils avaient pourtant clairement exprimée.

Que faut-il faire? Devrions-nous punir ces trois conseillers d'Etat qui ce soir nous présentent un projet sur la collégialité ? A ce point, permettez-moi, Madame la présidente, de sourire en regardant ces conseillers d'Etat qui se fichent du monde. Ceux-là mêmes qui nous disent ce soir qu'il faut faire un projet de loi pour être plus collégial.

Que font ces conseillers d'Etat ? Ce sont les premiers à ne pas respecter la collégialité. Je trouve vraiment qu'on se fiche du monde !

Et M. Maitre, présentateur de ce projet, est le premier à qui l'on devrait dire: «Monsieur Maitre, vous vous fichez du monde» ! Vous osez dire qu'il faut être collégial et vous êtes le premier à remettre en cause un projet que vous avez accepté. Je dis et maintiens que le projet que vous avez accepté en mars 1991 contenait toutes les mesures... (Brouhaha.)

M. Balestra lui coupe la parole.

M. Alain Rouiller. ...Mais j'explique, cher collègue, pourquoi il faut refuser la discussion immédiate. Il faut la refuser puisque les conseillers d'Etat qui nous présentent ce projet sont eux-mêmes victimes de cela. Or, pour les en préserver et permettre à M. Maitre, s'il est réélu une prochaine fois, de faire acte de dissidence, il ne faut pas accepter la discussion immédiate et aller, comme nous le faisons habituellement, en commission voir si ce projet est constitutionnel ou non; il faut donc refuser la discussion immédiate, ce que nous pouvons faire par appel nominal.

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Les allégations de M. Rouiller constituent une mise en cause qui implique les informations suivantes.

Vous avez évoqué le projet Circulation 2000. En mars 1991, le Conseil d'Etat unanime a adopté le plan de mesures OPair. En matière de circulation, le plan de mesures OPair prévoit le principe de mesures restrictives de circulation au centre-ville et les axes sont effectivement mentionnés.

En mars 1991, aucun projet concret n'existait à propos des mesures de Circulation 2000. A fortiori, nous n'avons pas pu l'adopter puisque les études lancées par le département de justice et police n'avaient, de loin, pas abouti. Ce projet a été présenté par le chef du département de justice et police au mois de juin 1993, après une consultation publique sur le résultat de laquelle nous avons été informés en même temps que la presse.

M. Alain Rouiller. Mais non, ce n'est pas vrai!

M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Non seulement nous n'avons pas été en mesure d'approuver ce projet - le plan de mesures C 93 - mais encore nous n'en avions pas été informés. C'est exactement ce que M. Grobet, président du Conseil d'Etat, a confirmé tout à l'heure. Nous aurions dû, au préalable, avoir une discussion sur le plan concret.

Nous n'avons pas pour habitude au Conseil d'Etat de nous donner, les uns et les autres, des chèques en blanc. Le principe du plan de mesures OPair - je le confirme - a été approuvé à l'unanimité du Conseil d'Etat. Le plan concret de mesures C 93 non seulement n'a jamais été approuvé, mais il ne lui a jamais été soumis. Je persiste et je signe. (Applaudissements sur les bancs de la droite.)

M. Alain Rouiller (S). (Brouhaha.) Je ne suis pas impressionné par la déclaration de M. Jean-Philippe Maitre. Je sais regarder. Je sais lire (Brouhaha.) et, apparemment, ce n'est pas le cas de tout le monde. Je sais lire...

Une voix. Non!

M. Alain Rouiller. ...et je peux voir des couleurs. Lorsque je reçois un plan en couleur et que, sur ce dernier, il est indiqué très clairement - Monsieur Maitre, si nous prenons le cas du quai des Bergues indiqué sur ce plan en couleur - que la rue sera fermée et à priorité piétonne, je dis que le Conseil d'Etat savait ce qu'il a voté. Or, si ce soir vous dites le contraire, Monsieur Maitre, je dois dire, malheureusement, que vous ne dites pas la vérité car le plan est très clair. Les axes sont mentionnés. On indique les mesures à prendre. On nous présente un plan avec toutes les mesures indiquées. C'est vrai que chaque département ne montre pas le détail, par exemple où sera posé le panneau qui indique à quel endroit on doit tourner. Mais le détail était indiqué sur le plan de mesures - je le maintiens - et M. Maitre ne dit pas la vérité lorsqu'il prétend n'avoir pas su ce qu'il votait. Dans ce cas, s'il ne sait pas ce qu'il vote, que se passe-t-il ?

M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Vous me permettrez de constater que, comme on pouvait le craindre, ce débat est en train de déraper d'une manière regrettable. Je pense, d'après ce que viennent de me dire mes collègues, que nous n'allons pas demander le troisième débat ce soir, donc, dans la mesure où le troisième débat n'est pas demandé, je me demande s'il ne serait peut-être pas plus sage que vous profitiez du temps pour en discuter sereinement en commission. (Applaudissements.)

La présidente. Nous allons procéder à l'appel nominal sur la discussion immédiate.

Celles et ceux qui acceptent la discussion immédiate répondront oui, et celles et ceux qui la rejettent répondront non.

La discussion immédiate est adoptée par 47 oui contre 38 non et 1 abstention.

Ont voté oui (47) :

Jacques Andrié (HP)

Bernard Annen (L)

Raoul Baehler (MPG)

Michel Balestra (L)

Florian Barro (L)

Roger Beer (R)

Claude Blanc (DC)

Jeanine Bobillier (MPG)

Hélène Braun-Roth (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Martine Brunschwig Graf (L)

Hervé Burdet (L)

Georges Cardinaux (L)

Anne Chevalley (L)

René Chuard (MPG)

Andrée Dayer (DC)

Hervé Dessimoz (R)

Thierry Du Pasquier (L)

Daniel Ducommun (R)

Jean-Luc Ducret (DC)

Henri Duvillard (DC)

Bernard Erbeia (L)

Catherine Fatio (L)

Philippe Fontaine (R)

Bénédict Fontanet (DC)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Maurice Giromini (R)

Henri Gougler (L)

Yvonne Humbert (L)

Michel Jacquet (L)

Jacqueline Jacquiard (MPG)

Philippe Joye (DC)

René Koechlin (L)

Claude Lacour (L)

Armand Lombard (L)

Béatrice Luscher (L)

Raymond  Martin (MPG)

Michèle Mascherpa (L)

Jean Montessuit (DC)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Jean Opériol (DC)

Françoise Saudan (R)

Jacques Torrent (R)

Monique Vali (DC)

Florian Vetsch (R)

André Vial (MPG)

Nicolas Von der Weid (L)

Ont voté non (38) :

Robert Baud (S)

Jacques Boesch (T)

Liselotte Born (S)

Fabienne Bugnon (E)

Pierre-Alain Champod (S)

Robert Cramer (E)

Jeannik Dami (S)

Jacqueline Damien (S)

Erica Deuber-Pauli (T)

Marlène Dupraz (T)

René Ecuyer (T)

Alberto Genini (T)

Liliane Johner (T)

Michel Jörimann (S)

David Lachat (S)

Sylvia Leuenberger (E)

Christiane Magnenat Schellack (S)

François-Régis Mahrer (E)

Gabrielle Maulini-Dreyfus (E)

Pierre Meyll (T)

Chaïm Nissim (E)

Arthur Nobs (E)

Vesca Olsommer (E)

Catherine Rapp-Jotterand (E)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Jean-Luc Richardet (S)

Maria Roth-Bernasconi (S)

Alain Rouiller (S)

Andreas Saurer (E)

Alain Sauvin (S)

Irène Savoy (S)

Jacques-André Schneider (E)

Max Schneider (E)

Jean Spielmann (T)

Erika Sutter-Pleines (S)

Claire Torracinta-Pache (S)

Michel Urben (S)

Martine Wenker Coskun (S)

S'est abstenu (1) :

Jean-Claude Genecand (DC)

Etaient excusés à la séance (11) :

Charles Bosson (R)

Hermann Jenni (MPG)

Georges Jost (MPG)

Albert Maréchal (DC)

Gérard Ramseyer (R)

David Revaclier (R)

Martine Roset (DC)

Michel Rossetti (R)

Christine Sayegh (S)

Philippe Schaller (DC)

Alain Vaissade (E)

Etaient absents au moment du vote (2) :

Bernard Lusti (R)

Jean-Pierre Rigotti (T)

Présidence : Mme Micheline Calmy-Rey, présidente.

Premier débat

M. Jean Spielmann (T). Lorsque vous ouvrez la discussion, Madame la présidente, laissez au moins la possibilité aux gens de s'exprimer puisqu'elle est demandée ! (Désapprobation dans la salle.)

Je désire parler du moment politique que nous vivons. A ce sujet, je vous ai parlé des problèmes que vous rencontrerez. Il est certain que, dans cette République, nous aurons à débattre, les uns et les autres, de problèmes pour lesquels nous devrons faire montre d'un maximum de sens des responsabilités.

Il est certain, et vous le savez aussi bien que nous, qu'il n'est pas possible de trouver des solutions seuls et de les imposer aux autres sans leur laisser la possibilité de s'exprimer. Le Conseil d'Etat, jusqu'à ce jour, et cela pendant des années, a été composé d'une majorité de cinq personnes de vos rangs contre deux des autres rangs.

C'est par votre volonté politique que vous avez transformé le Conseil d'Etat de Conseil collégial qu'il était en un Conseil de spécialistes en conférences de presse, spécialisés dans leur département plutôt que de vrais responsables d'Etat. Vous l'avez vous-mêmes modifié. Cela a été confirmé par la présence au Grand Conseil, par des règlements permettant au Conseil d'Etat d'assister aux séances à la carte, aux débats du Grand Conseil, et de laisser le chef du département des finances seul par rapport aux questions financières alors qu'elles concernent l'ensemble du gouvernement.

Vous avez systématiquement fait de vos personnalités, depuis des années, des spécialistes dans un seul domaine. Aujourd'hui, vous proposez artificiellement une loi qui corrige cette majorité écrasante de cinq contre deux en prévoyant la possibilité de faire taire les deux autres et ainsi d'avoir le monopole complet du pouvoir.

C'est le début de la bataille électorale de la liste à sept et de ce dont je parlais tout à l'heure face à la situation économique et politique de ce canton, face aux décisions que vous aurez à prendre et que vous auriez déjà dû prendre depuis quelque temps concernant les problèmes qui agitent notre République depuis quelques années, ceux que vous avez le plus souvent à la bouche, en vous rappelant que vous sortez de cinquante ans de pouvoir absolu au Conseil d'Etat et au Grand Conseil.

Vous faites les lois que vous voulez. Vous avez la majorité absolue. Par conséquent, vous portez la responsabilité seule et entière de ce qui ne s'est pas fait ou mal fait. Or, en ayant cette majorité aujourd'hui, cette responsabilité, vous évacuez les problèmes sur ceux qui sont minoritaires.

Je prends pour exemple la traversée de la rade qui vous tient tellement à coeur. Pendant ces cinquante dernières années, qu'est-ce qui vous a empêché de voter dans le parlement et au Conseil d'Etat un projet de réalisation de la traversée de la rade ?

La minorité ? (Il pose cette question à l'assemblée.) Mais vous venez de faire la démonstration de votre arrogance ! Lorsque vous voulez imposer votre point de vue, d'abord, c'est la discussion immédiate et le vote juste après. Au Conseil d'Etat, vous êtes majoritaires à cinq contre deux, et vous reprochez à ceux qui sont dans la minorité de ne pas réaliser ce que vous avez été incapables de mettre en oeuvre. C'est la situation d'aujourd'hui. Quelle sera-t-elle demain ?

Vous voulez plus de pouvoir, plus de responsabilités et faire taire l'opposition. Vous faites deux erreurs : la première est que demain nous serons encore là. Nous aurons encore la possibilité d'intervenir et celle de faire sanctionner votre politique quand le peuple la jugera mauvaise.

Je vous rappelle tout de même qu'à plusieurs reprises, avec toute votre arrogance, tout votre pouvoir et toute votre majorité, vous avez dû ramasser claque sur claque dans les domaines du logement social, de la fiscalité, de l'école et de toute une série de domaines d'aménagement...

Une voix. Et de l'énergie!

M. Jean Spielmann. ...Et de l'énergie. Quels seront les problèmes de demain ? On vient d'entendre qu'on propose un nouveau projet de loi fiscal. On veut faire payer plus aux pauvres et épargner les riches. J'ai oublié de dire tout à l'heure que les 60 millions qu'on prélèvera de plus en impôt, non seulement ne seront prélevés que sur les pauvres, mais ils paieront encore en plus les cadeaux que vous ferez aux plus riches. Et vous croyez que vous tout seuls, ici dans ce parlement, allez voter les lois ? Mais votez-les en discussion immédiate, et moi je vous fais le pari que vous perdrez chaque fois devant le peuple.

Si vous discutez tranquillement des problèmes et que vous les analysez en fonction d'un certain nombre de critères, vous laissez la place à la critique jusque dans le gouvernement, mais je vous rappelle d'une manière assez solennelle que vous prenez ce soir un virage extrêmement important. Oui, Messieurs, et surtout vous les libéraux et les autres (Chahut, contestation.) qui sont leurs porteurs d'eau, vous paierez aussi parce qu'à force de vous mettre à plat ventre, et on l'a vu tout à l'heure dans le cadre de l'élection judiciaire avec les socialistes, lorsque toutes les commissions interpartis se mettent ensemble, vous faites chaque fois un pas de plus vers eux et eux avancent d'un pas. Enfin, vous serez à leur solde et à leurs basques. A ce moment, vous serez plus loin des réalités quotidiennes de la population et cela nous permettra à nous, opposition, de venir concrètement dénoncer votre politique, dénoncer votre arrogance. Ainsi vous prendrez claque sur claque sur des problèmes précis ! Voilà une première réponse.

Aujourd'hui, vous avez encore la possibilité de faire prévaloir votre arrogance parce qu'il y a bien sûr les perspectives électorales et votre support électoral. Vous avez le pouvoir de l'argent et la presse à vos basques qui vous cire les bottes à journée faite. Tout cela vous permet d'être arrogants. Mais nous gardons une certaine sérénité parce que, malgré tout ce pouvoir, tout ce que vous votez, on pourra vous donner quelques claques qui vous ramèneront aux réalités quotidiennes des gens de ce canton. (Applaudissements sur les bancs de la gauche).

Le projet est mis aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Le projet est adopté en premier débat par 47 oui contre 38 non.

M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. Je vous demande l'autorisation d'une suspension de séance de quelques minutes afin que le Conseil d'Etat puisse discuter de ce troisième débat. Je vous en remercie.

La présidente. La séance est suspendue pendant cinq minutes. (Brouhaha.)

Mme Claire Torracinta-Pache (S). Je désire relever trois points qui m'ont choquée. Le dernier vient d'être évoqué.

Ils concernent la collégialité. Lorsque la conférence de presse concernant ce projet de loi a eu lieu, le président du Conseil d'Etat et son collègue socialiste n'ont même pas été avertis ni invités. Voici la première discourtoisie et absence de collégialité.

Deuxièmement, nous avons abordé les problèmes de TC 2000 d'une manière assez agressive en l'absence du principal intéressé, M. Bernard Ziegler.

M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. Je regrette, car nous pouvions encore discuter, mais dans ces conditions nous demandons le troisième débat. (Applaudissements.)

Le projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

LOI

sur l'exercice des compétences du Conseil d'Etatet l'organisation de l'administration

(B 1 2,5)

LE GRAND CONSEIL,

vu les articles 101, 119 et 122 de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847,

Décrète ce qui suit:

Article unique

Principe

1 Le Conseil d'Etat exerce le pouvoir exécutif. Il prend les décisions de sa compétence.

Compétences déléguées

2 Il règle les attributions des départements, en constituant des offices ou des services et en leur déléguant les compétences nécessaires.

3 Lorsque des attributions leur ont été conférées directement par la loi, les départements, les offices ou les services les exercent sous l'autorité du Conseil d'Etat.

Droit d'évocation

4 Le Conseil d'Etat peut en tout temps se saisir, le cas échéant pour décision, d'un dossier dont la compétence a été déléguée:

a) lorsque l'importance de l'affaire le justifie;

b) et pour autant qu'il ne s'agisse pas d'une matière où il est autorité de recours.