Séance du vendredi 11 juin 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 6e session - 24e séance

PL 6972
11. Projet de loi du Conseil d'Etat allouant une subvention à l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN), destinée à la réhabilitation du bâtiment synchrocyclotron (SC). ( )PL6972

Préconsultation

M. Max Schneider (Ve). Il est bien loin le temps où les entreprises genevoises, à la pointe du progrès, étaient des fournisseurs du CERN et pouvaient parler d'égal à égal avec les physiciens. Elles livraient au CERN des matériaux et des machines de toute première qualité.

Malheureusement, selon des articles de presse, ces entreprises genevoises n'ont plus aussi facilement accès au CERN. Ce projet de loi nous permettra de nous poser quelques questions en commission sur les possibilités de travail pour une partie de nos quatorze mille chômeurs ou des entreprises qui ne sont pas encore en faillite.

A Genève, nous avons encore des technologies de pointe. Nous sommes notamment en avance en ce qui concerne la gestion des bâtiments. Ce projet de loi a certainement été rédigé par un architecte n'ayant pas assisté à nos débats au sein de ce Grand Conseil et au sein de la commission de l'énergie. Ce projet ne tient pas compte de nos recommandations écologiques sur la gestion de l'énergie, de la partie électrique, de la partie thermique, de l'isolation et d'un nouveau concept qui fait que notre canton est aujourd'hui à la pointe au niveau national. Il ne contient qu'une brève description de ce synchrocyclotron pour lequel nos entreprises genevoises livraient des chambres à vide.

Aujourd'hui, étant exemptées du paiement de taxes, certaines structures du CERN ont beau jeu de concurrencer les entreprises genevoises. Cela touche le concept d'un bâtiment. Si l'on veut investir aujourd'hui au CERN, investissons intelligemment et posons nos conditions! Si la Confédération paie 35 millions pour la rénovation de ces bâtiments, elle doit également poser ses conditions. Pour Genève, la somme n'est peut-être pas très élevée -- 6 millions -- mais elle pourrait aussi être investie dans un ensemble unique, intégré et qui serait le plus performant au monde. Voilà un bâtiment dans lequel on peut investir et apposer la signature d'une Genève écologiste, pionnière sur le plan énergétique de la bonne maîtrise.

Je déplore une nouvelle fois le divorce du département de l'économie publique et celui des travaux publics. On se rend bien compte que seul un architecte a travaillé. L'ingénieur et le thermicien étaient absents.

M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Je voudrais rapidement répondre à M. Schneider. Vous dites, Monsieur, que l'industrie locale genevoise, voire romande ou suisse, ne bénéficie pas assez de commandes de la part du CERN. Je ne connais pas les éléments concrets sur lesquels vous fondez votre appréciation, à moins qu'il ne s'agisse de ceux de la campagne de presse lancée par une entreprise d'emplois temporaires qui a causé des problèmes, notamment en ce qui concerne le respect des conventions collectives. Il faudrait vous renseigner -- je n'ai pas les chiffres, M. Maitre pourra vous les donner -- sur l'apport du CERN à l'économie locale. Je peux vous dire qu'il est considérable.

Monsieur, il faut réfléchir avant de répandre, surtout en séances publiques, des ragots qui peuvent être mal pris par le CERN, compte tenu des bénéfices que nous en tirons. Cela serait -- je me permets de le dire -- éminemment regrettable. J'en reviens à cette demande de crédits, parce que j'ai l'impression que vous n'avez pas lu attentivement l'exposé des motifs. Je rappelle que c'est un geste que le canton de Genève a désiré faire au profit du CERN à l'occasion de l'inauguration du LEP. Cet instrument scientifique extraordinaire dont nous bénéficions à Genève n'aurait jamais pu être réalisé si l'ensemble des pays européens n'avaient consenti des efforts financiers considérables pour sa réalisation. Un tel instrument ne se trouve nulle part ailleurs, même pas aux Etats-Unis.

La réalisation du LEP a impliqué de la part du CERN des efforts si considérables sur le plan financier qu'il a dû négliger certains travaux d'entretien de son parc immobilier. Lors de l'inauguration du LEP, notre ancien président du Conseil d'Etat, Jaques Vernet, qui siège toujours au conseil du CERN, a pensé que Genève pourrait -- le LEP ayant été financé par les Etats membres du CERN -- contribuer indirectement au budget de fonctionnement du CERN en offrant d'investir 2 millions par année, et ce pendant trois ans, pour la réhabilitation d'un certain nombre de bâtiments. Suite à notre demande, le CERN nous a proposé des projets. L'un d'entre eux nous a paru particulièrement intéressant: c'était la réhabilitation du bâtiment du synchrocyclotron qui, je vous le rappelle, était le prédécesseur du LEP.

Ce bâtiment a une valeur quasiment historique sur le plan scientifique. Actuellement, il est partiellement désaffecté et l'idée est de le réhabiliter

pour le destiner à des activités au profit des physiciens. Nous avons donc accueilli avec beaucoup d'intérêt, voire avec enthousiasme, le projet proposé, ce d'autant que les travaux durant longtemps nous pouvions répartir notre contribution sur trois ans, et par là même mieux l'insérer dans notre plan de trésorerie des grands travaux. Monsieur Schneider, il ne s'agit pas du tout des commandes passées à l'industrie dont vous parliez tout à l'heure, mais de travaux touchant à l'industrie du bâtiment, aux entreprises de construction. Le Conseil d'Etat, tout en proposant que le Grand Conseil ratifie notre promesse de verser ces 6 millions, a pris ses précautions. J'ai écrit au directeur général du CERN, le professeur Rubbia, pour rappeler qu'il s'agit d'un crédit «grands travaux» soumis aux exigences de notre législation et notamment au règlement du Conseil d'Etat sur l'adjudication des travaux qui implique qu'en principe les travaux sont adjugés à des entreprises genevoises.

J'ai ici la lettre du professeur Rubbia datant du 8 juin qui me dit admettre parfaitement ce mode de faire. Ces 6 millions vont effectivement profiter -- je tiens à le dire -- aux entreprises genevoises. Quant à savoir quelles sont les précautions que prendra la Confédération en ce qui concerne le crédit de 35 millions, c'est son problème! Sachez, Monsieur, que ce crédit n'est pas attribué à une rénovation de bâtiment, comme vous l'avez dit, mais à la construction d'un nouveau bâtiment pour les physiciens. Vous comprendrez qu'il ne nous appartient pas d'intervenir ou de donner des conseils au Conseil fédéral en la matière. Nous avons pris nos précautions de notre côté, et les adjudications des travaux effectués sur la base de ce crédit de 6 millions seront faites en accord avec le département des travaux publics.

Pour le surplus, il est bien entendu que c'est le CERN qui choisit son architecte, maître de l'ouvrage. Nous ne pouvons pas intervenir dans le processus constructif du CERN qui est, je vous le rappelle, au bénéfice de l'extériorité.

Enfin, je ne vois pas ce que vous voulez dire lorsque vous parlez de mauvaise collaboration entre le département des travaux publics et celui de l'économie publique. Nos services respectifs en matière énergétique travaillent parfaitement de concert et, comme je vous l'ai promis, vous aurez prochainement un document qui vous indiquera tout ce que nous avons fait en matière énergétique.

M. Max Schneider (Ve). (Rouspétances.) Vous savez, quand on entend parler de ragots, il faut bien répondre!

Une voix. Mais non, mais écoute!

M. Max Schneider. Non, il y a quand même quelque chose. Aujourd'hui, quand on parle de réhabilitation de bâtiment, il faut aussi parler d'amélioration du concept énergétique de ce bâtiment, et cela ne figure nulle part dans ce projet. Pourtant, on nous l'avait promis pour tous les nouveaux projets qui allaient nous être présentés. A nouveau, ce n'est pas le cas... (Interruption de M. Grobet.) Non, mais même si vous ne voulez pas intervenir au CERN, Monsieur Grobet, au moins vous pouvez proposer quelque chose.

En ce qui concerne les entreprises genevoises qui ne peuvent travailler au CERN, je me fie à la presse, c'est vrai. Je l'ai lue parce que malheureusement, en tant que députés, nous n'avons pas un service d'information de l'Etat qui nous donne tous les renseignements.

Ce projet est renvoyé à la commission des travaux.