Séance du
vendredi 11 juin 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
6e
session -
24e
séance
PL 6971
Préconsultation
La La présidente. On me fait remarquer qu'il n'y a pas de conseiller d'Etat! Eh bien, je suis désolée, mais nous pouvons siéger sans eux!
Une voix. Ça ne fait rien, on ira au plus vite!
M. Daniel Ducommun. Profitons-en!
M. David Lachat. Descendez, Madame! Anticipez un peu! (Eclat de rire de l'assemblée.)
M. Philippe Schaller (PDC). L'exposé des motifs semble donc démontrer de manière claire et précise les besoins de transformation et de modification pour que notre hôpital des enfants corresponde mieux à la notion même de médecine moderne et performante. Il doit par ailleurs, comme vous l'avez vu dans l'exposé des motifs, s'adapter aux aspects psychosociaux de l'hospitalisation des enfants...
La présidente. Monsieur Schaller, on vous entend mal! Je ne sais pas si je suis la seule... (S'adressant à l'opératrice.) Madame, le micro ne fonctionne pas bien, il faut hausser le son.
M. Philippe Schaller. ...notamment en ce qui concerne l'accueil des familles. Je suis le premier à reconnaître le bien-fondé de cette mission sanitaire du service public qui doit absolument garantir une médecine performante et de qualité. Les Genevois sont fortement attachés à nos hôpitaux publics. Toutefois, on ne peut s'empêcher de s'interroger sur la bonne utilisation des réseaux sanitaires à disposition dans notre canton, et je m'en explique.
Les statistiques à disposition à la page 9 démontrent, par exemple, que les consultations d'urgence ont passé de 13 303 en 1988 à 18 945 en 1992, soit une augmentation de 40% alors que le nombre d'enfants susceptibles d'être admis en pédiatrie n'a que très faiblement augmenté. Parallèlement, le nombre de pédiatres installés a augmenté. Face à ces chiffres, on est en droit de se poser quelques questions. Tout d'abord, est-ce que les enfants sont plus souvent malades aujourd'hui qu'auparavant? Est-ce que les pédiatres sont
moins disponibles ou mal organisés? Est-ce que les parents sont plus angoissés? On est en droit de trouver une explication à ce phénomène avant d'accepter des subventions pour des projets qui auront non seulement un impact financier direct de fonctionnement, mais se traduiront par une augmentation de l'offre médicale déjà pléthorique.
Si l'on veut, aujourd'hui, allouer de manière plus judicieuse les ressources à disposition, notamment en matière de santé, il faut se poser certaines questions et y répondre, comprendre les mécanismes en jeu et les rapports entre les différents acteurs. Par exemple, dans le cadre des urgences pour la pédiatrie, ne pourrait-on pas trouver une réponse plus adéquate, compte tenu de cette pléthore d'offres existant déjà dans notre canton et dont tout le monde se plaint d'ailleurs: assurés, assurances et médecins?
Ne serait-il pas temps, alors que l'on vote de gros budgets pour des transformations, d'étudier plus en profondeur notre système de santé local, d'établir un inventaire des moyens à disposition, de juger de la complémentarité entre les moyens offerts par les pools publics et privés. Il ne faut plus accepter que la médecine publique se modèle parfois sur les carences de la médecine privée! Il faut forcer la médecine privée à s'insérer dans les réseaux de soins et à collaborer. C'est d'ailleurs la seule chance de cette médecine privée de rester indépendante, car elle sera utile non seulement par les relations qu'elle entretient avec ses patients, mais également dans le cadre d'une collectivité toute entière.
Parallèlement, il importe d'éviter le développement tentaculaire des services médicaux publics. Les moyens, je crois, sont aujourd'hui à notre disposition pour élaborer une politique de santé cohérente et économique. Il faut avoir une vision plus globale et je vous propose -- si cela est possible et accepté par ce parlement -- d'adresser ce projet de loi également à la commission de la santé ou d'avoir un préavis de cette commission de manière que nous ayons une information plus large sur les réseaux de soins existants.
Mme Gabrielle Maulini-Dreyfus (Ve). Comme M. Schaller, je recommande aussi le renvoi, dans un premier temps, de ce projet de loi à la commission de la santé, puisque les agrandissements continus des espaces dévolus à la cité hospitalière s'accompagnent de diminution des
budgets de fonctionnement, et que les projets de lois ne présentent toujours rien à propos des budgets de fonctionnement qui seront forcément liés à ces constructions.
En ce moment, la discussion en termes d'évaluation des coûts, de qualité, d'équité, de performances, de choix et de collaboration est nouvelle dans le champ sanitaire, mais elle reste au stade des mots. Citons ici le chef du département de la santé publique: «Habitué à une expansion facile, entraîné par des progrès technologiques spectaculaires et légitimes suscités par des patients toujours plus exigeants, le système de soins évite les choix et même les questions». Or, en ce qui concerne ce projet de loi, tout se passe comme si le choix des équipements, l'acceptation de crédits d'étude, respectivement de crédits de construction, n'engageaient pas des choix de politique de la santé. Il n'est guère électoraliste de vouloir poser des questions sur les équipements de santé.
Nos voisins français, récemment en campagne électorale, n'ont pas manqué de promettre la construction de diverses maternités ou l'installation de divers scanners laissant à d'autres le souci de leur fonctionnement ultérieur. Dans le cas qui nous occupe, on assiste, en dimension réduite il est vrai, au remake de la storia de la zone sud. A partir de salles d'opérations dont personne ne conteste qu'elles doivent être renouvelées, une inflation de demandes médicales et administratives sans débat sur la politique de santé devrait être entérinée par le parlement. Ce n'est pas le moment de poser des questions, me dit-on! La construction manque de travail et les besoins de la clinique de pédiatrie sont urgents. Or, vous savez pertinemment que nous n'avons pas le premier centime de cet engagement et que la tendance -- qui inspire la nouvelle loi financière -- empêche d'envisager des investissements dans ces conditions.
Le projet accepté sera, comme tous ceux qui ont concerné la cité hospitalière, réalisé dans bien des années, une fois qu'il sera dépassé. Au contraire, si l'on devait reconnaître l'urgence du besoin de nouvelles salles d'opérations en pédiatrie, il faudrait pouvoir le faire valoir parmi tous les projets que nous acceptons. Pour la maternité, avec les crédits récemment votés, toute velléité de questionnement aurait pu être interprétée comme de l'anti-féminisme primaire, comme une forme de collusion avec la volonté antérieure qui consistait à faire traîner le projet. Pour la zone sud, ce n'est, paraît-il, plus le moment de poser des questions, puisqu'elle est en voie
d'achèvement. J'attends toujours la réponse à mon interpellation de l'année dernière. Ce n'est donc jamais le moment d'examiner la question de la mission des institutions, ni la question de l'adéquation des réponses proposées.
Serait-ce que pour un temps encore, un temps seulement, certains aspects du pouvoir dans la santé publique sont tabous, renforcés qu'ils sont par la demande des consommateurs? Serait-ce que pour un temps encore les murs priment sur les soins et sur les ressources en personnel? Serait-ce que les volumes développés toutes ces dernières années sont la garantie d'une amélioration constante de la prise en charge des patients et de leur entourage?
Je respecte infiniment l'inquiétude ou l'angoisse des parents. Je respecte infiniment la douleur des enfants. Je considère que notre société genevoise a les moyens de donner des soins de qualité aux enfants malades, de même qu'elle a les moyens de développer la recherche académique, mais je considère que l'acceptation pure et simple de l'addition de projets sectoriels issus des logiques spécifiques des autorités médicales et administratives, sans discussion sur les besoins, est, comme l'a dit M. Schaller, la prise en considération de la globalité des ressources d'un canton extrêmement bien doté en pédiatres installés, mais ne recevant qu'aux heures de bureau. Ce n'est pas une réponse à la hauteur de notre travail parlementaire.
Le parlement ne joue pas son rôle en se contentant d'examiner la question sous l'angle des travaux publics. On a beau être à un trimestre des élections, je vous prie de bien vouloir renvoyer, dans un premier temps, ce projet à la commission de la santé.
M. Henri Gougler (L). Je voudrais simplement ajouter, après les propos de mon collègue M. Schaller -- propos que je soutiens entièrement -- que dans les années 60, lorsque nous avons inauguré -- j'étais assistant à ce moment-là en pédiatrie -- ce nouveau bâtiment qui répondait tout à fait aux besoins, il a été rempli tout de suite. Et puis, il y a eu un gros creux, il y avait des services vides et, tout à coup, depuis quelques années, on note une recrudescence d'admissions en pédiatrie. Je pense qu'il y a un défaut de prise en charge de la part des pédiatres parce qu'effectivement le nombre des enfants à hospitaliser n'a pas beaucoup augmenté.
Je corrobore les propos de mon collègue Schaller en demandant que ce projet de loi soit renvoyé d'abord à la commission de la santé et puis, pour préavis, à la commission des travaux.
M. Maurice Giromini (R). Je me rallie à ce qui a été dit jusqu'à maintenant par mes préopinants. Je rappelle à ce Grand Conseil qu'il a accepté, il y a quelques séances, la motion 670 qui parlait d'une politique globale de la santé, et je suis étonné qu'après que le Conseil d'Etat a accepté cette motion on nous présente un projet de loi à part, sans qu'il y ait une réflexion globale sur les besoins de la santé. Je me rallie absolument à la demande qu'une réflexion soit faite sur ce plan au sein de la commission de la santé.
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Je voudrais tout d'abord dire qu'il me semble parfaitement normal et logique que ce projet de loi soit renvoyé à la commission de la santé, au même titre qu'il doit, d'après le règlement -- puisqu'il s'agit d'un crédit grands travaux -- être renvoyé devant la commission des travaux. C'est ainsi que l'on a procédé toutes ces dernières années pour chaque nouveau projet de construction hospitalière, y compris, Madame Maulini, pour la zone sud de l'hôpital. J'imagine qu'il sera répondu à votre interpellation, je le souhaite, mais sachez simplement qu'à l'époque -- j'étais d'ailleurs déjà au département des travaux publics -- la demande de crédits pour la zone sud et celle pour la maternité avaient précisément été examinées par la commission de la santé pour que l'on puisse se prononcer sur le principe de ces réalisations.
Cela dit, je crois, Monsieur Schaller, qu'il ne faut pas opposer la médecine privée à la médecine publique. Elles sont bien entendu complémentaires. La médecine publique, respectivement les établissements hospitaliers et les policliniques, ont des limites et doivent effectivement rester dans le cadre de ces limites; ils ne peuvent pas dispenser plus de soins que ceux qui leur sont confiés. M. Gougler a relevé, à juste titre, que ces dernières années il y a eu une forte augmentation du nombre d'enfants venant à la clinique de pédiatrie -- plus précisément à l'hôpital des enfants selon la nouvelle dénomination. Dans cet établissement, surtout le week-end, il y a, semble-t-il, un problème de fonctionnement dans la profession et il serait souhaitable qu'il soit amélioré. Mais vous conviendrez aussi avec moi,
Monsieur Schaller, que s'il n'y a pas suffisamment de médecins disponibles, les parents viennent forcément là où il y a une permanence et, curieusement, les problèmes avec les enfants arrivent surtout le week-end, on ne sait pas très bien pourquoi, mais enfin c'est comme ça.
Le but de ce crédit d'étude, j'aimerais le souligner, est simplement d'adapter les installations et plus particulièrement le bloc opératoire aux exigences du jour. J'ai eu l'occasion, lorsque je suis arrivé au département des travaux publics, de dire à plusieurs reprises -- je l'ai répété depuis lors -- qu'il y a certains secteurs où il faut procéder à des adaptations, à des modernisations régulières. L'hôpital est un de ces secteurs, l'aéroport en est un autre. Il faut admettre que, dans le domaine hospitalier, un effort de 30 à 40 millions destinés à des infrastructures est à réaliser chaque année. Parce qu'il s'agit effectivement de bâtiments onéreux, c'est l'effort qui a été accompli ces dix dernières années. Une somme équivalente a été consacrée à l'adaptation de l'aéroport. On n'aura jamais terminé dans ces deux secteurs.
Vous savez que les blocs opératoires datant de vingt ans ne sont plus adaptés aux exigences modernes. Ici, il s'agit véritablement d'adapter les locaux. A la commission de la santé, vous entendrez les responsables de l'hôpital des enfants. Je n'ai pas du tout le sentiment que l'hôpital cantonal peut augmenter le personnel de cet établissement. Il peut simplement lui assurer des conditions de travail et des conditions d'accueil normales et lui permettre la présence des parents auprès des enfants, ce qui est tout de même logique.
Voilà le but de ce projet. J'aimerais insister sur son caractère raisonnable puisque la première étape qui vous est proposée coûterait 25 millions. Elle comprend la construction du socle d'un futur bâtiment avec deux niveaux dévolus aux blocs opératoires, aux soins d'urgence, ce qui permettrait ensuite des travaux de réadaptation des bâtiments actuels de l'ordre de 5 ou 6 millions.
J'ai eu l'occasion de dire, Madame Maulini, puisque vous avez évoqué le problème de la zone sud, que c'était une erreur fondamentale de vouloir faire des projets d'une trop grande envergure. Les chantiers sont trop longs, coûteux, difficiles à maîtriser. Vous avez pu constater qu'avec la maternité j'ai introduit une nouvelle démarche consistant à réaliser le nouveau bâtiment par étapes, avec des décaissements correspondant à nos disponibilités financières. Pour la pédiatrie, c'est la même chose.
Je crois qu'on peut se féliciter, Madame, de la modestie -- 20 millions, c'est toujours 20 millions, bien entendu -- du montant en question par rapport aux bâtiments très importants pour lesquels on sollicitait déjà des crédits d'exécution il y a dix ans.
Maintenant, j'aimerais vous dire, Madame, au cas où cela vous aurait échappé, que ce crédit ne tombe pas du ciel. M. Guy-Olivier Segond, responsable du département de la prévoyance sociale et de la santé publique, a très clairement indiqué quel était le concept d'adaptation des bâtiments hospitaliers. Cela a été dit à plusieurs occasions, et je le répète. La priorité, c'est d'achever la zone sud, dont vous connaissez les objectifs, puis de réaliser, en deuxième priorité, la maternité dont les conditions actuelles d'hospitalisation ne sont pas satisfaisantes, vous en conviendrez. Il s'agit d'une modernisation réclamée de longue date par ce Grand Conseil. En troisième lieu viendra la réalisation de la pédiatrie, l'actuelle n'offrant pas des conditions de travail satisfaisantes, la presse en a largement parlé. Enfin, en quatrième lieu, un bâtiment des lits polyvalent sera construit là où l'on projetait la nouvelle maternité, c'est-à-dire entre la zone sud et le bâtiment actuel de la maternité. Cette dernière construction permettra la rénovation progressive du bâtiment actuel des lits, avec la transformation des chambres à sept lits en chambres de deux à trois lits, ce qui correspond aux normes actuelles d'hospitalisation.
C'est évidemment un programme d'envergure, étalé sur une quinzaine d'années, que M. Guy-Olivier Segond a présenté au nom de la commission administrative de l'hôpital cantonal qui l'a arrêté. Peut-être n'en avez-vous pas eu suffisamment connaissance! Il appartiendra à M. Segond de vous le présenter devant la commission de la santé.
En ce qui concerne les investissements futurs, et j'en terminerai par là, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que, si nous sommes dans une phase de décaissements importants, c'est parce que nombre de projets très importants vont se terminer d'ici un, deux, voire trois ans au maximum. Si vous vous référez au plan de trésorerie des grands travaux, vous verrez qu'à partir de 1965-1966 il y a eu une forte dégressivité du montant total des investissements prévus pour l'équipement public.
Si nous voulons maintenir l'effort de l'Etat en matière d'équipement public -- et ça me paraît fondamental pour une société avancée qui se doit de disposer d'un équipement public correct -- tant sur le plan de son
fonctionnement que sur celui de son économie, il est du devoir de l'Etat de fournir un effort dans ce domaine. Les constructions ne s'improvisent pas en six mois et, si nous voulons ouvrir de nouveaux chantiers à partir de 1995-1996 pour tenir un rythme de croisière, et non celui effréné de ces dernières années, il faut d'ores et déjà en préparer les projets. Vous verrez, Madame Maulini, qu'un crédit d'étude prend du temps. Il se passera probablement deux ans avant que l'on vous présente le crédit d'exécution. Présentement, nous ne vous proposons pas une étude pour un projet en l'air.
Dans le passé, des crédits d'étude ont été trop rapidement engagés. Aujourd'hui, le Conseil d'Etat ne vous en présente que peu et en fonction d'une planification financière et d'une planification de travaux qui impliquent l'ouverture de nouveaux chantiers à partir de 1995-1996. Sachant qu'une étude prend environ deux ans, il faut vous préparer pour l'échéance que je viens d'indiquer.
Ce projet est renvoyé à la commission de la santé et à la commission des travaux.