Séance du
vendredi 11 juin 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
6e
session -
23e
séance
No 23
MÉMORIAL
DES SÉANCES DU
GRAND CONSEIL
52e LÉGISLATURE
Vendredi 11 juin 1993,
soir
Présidence:
Mme Micheline Calmy-Rey,présidente
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance: MM. Claude Haegi, Dominique Föllmi, Bernard Ziegler, Olivier Vodoz, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
Le président donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Christian Grobet, président du Conseil, Jean-Philippe Maitre, Guy-Olivier Segond, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Bernard Annen, Erica Deuber-Pauli, Marlène Dupraz, Alberto Genini, Denis Menoud, Michel Rossetti, Max Schneider, Alain Vaissade, députés.
3. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
M. David Lachat(S). Il était prévu que je réplique au point 49 de l'ordre du jour, au sujet de mon interpellation «Cours de répétition ou cours d'endoctrinement?» (I 1859). Comme nous avons brillamment perdu la votation sur les F/A-18, je ne pense pas qu'il soit opportun de revenir sur le sujet. Je vous prie donc de considérer cette interpellation comme close.
4. Annonces et dépôts:
a) de projets de lois;
Néant.
b) de propositions de motions;
La présidente. Nous avons reçu la proposition de motion suivante:
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
c) de propositions de résolutions;
La présidente. Nous avons reçu la proposition de résolution suivante:
Elle figurera à l'ordre du jour d'une prochaine séance.
d) de demandes d'interpellations;
Néant.
e) de questions écrites.
La présidente. La question écrite suivante est parvenue à la présidence:
Cette question sera transmise au Conseil d'Etat.
La présidente. Nous saluons à la tribune du public la présence d'une classe de 3e suivant l'option forte de sciences humaines, du Collège Rousseau, sous la conduite de M. Balmer et de Mme Loertscher.
Débat
M. Thierry Du Pasquier (L). Au premier tiers des années 90, nous devons constater deux échecs cuisants de la politique genevoise. L'un est celui de la politique du logement, l'autre, dont nous parlerons aujourd'hui, concerne la circulation.
Malgré de considérables efforts demandés à la population, le résultat est -- il convient de le dire -- navrant. Nous réussissons à conjuguer dans notre
République la crise du logement et celle de la construction, à posséder l'autoroute la plus chère du monde -- on ne l'a pas encore inaugurée -- et la circulation la plus lente.
Pourtant, Genève et l'ensemble du canton n'ont guère plus de 365 000 habitants. La ville a moins de 200 000 habitants. Elle ne pose aucun problème particulier en ce qui concerne la circulation. C'est vrai qu'il y a un assez grand nombre de véhicules immatriculés, mais la majorité d'entre eux ne roulent que très peu, cela est démontré par des études récentes. Bien des véhicules ont des plaques d'immatriculation interchangeables. Beaucoup de voitures ne circulent que le dimanche. Par conséquent, le nombre des véhicules circulant n'est pas aussi considérable qu'on veut bien le dire.
Or la circulation est une fonction nécessaire et vitale pour le corps social, comme elle l'est pour le corps humain. A Genève, la demande de circulation est très importante. La liberté de circuler est une des libertés fondamentales, une des premières qu'entravent les régimes totalitaires.
Pourtant, la réponse de notre Etat est mauvaise. On circule plus mal à Genève qu'à Paris, Rome, Naples ou New York. Cette réponse est négative par dogmatisme. Elle est aussi antidémocratique, car le département de justice et police oblige ainsi les citoyens à vivre autrement qu'ils ne le désirent...
La présidente. Monsieur Balestra, n'allez pas exciter les bancs de la gauche. Ensuite, vous vous plaindrez qu'on ne vous entend pas! (Rires.)
M. Thierry Du Pasquier. Votre réponse, Monsieur le président, est parvenue à ceux que vous frappez d'anathème, les pendulaires!
Au lieu d'augmenter le débit des rues, vous les réduisez de trois à deux pistes, puis de deux à une piste utile. Au lieu d'augmenter la capacité de stationnement au centre, vous supprimez des milliers de places. Au lieu de faciliter l'écoulement du trafic, vous provoquez volontairement d'indescriptibles embouteillages au moyen de feux réglés en ondes rouges aux heures de pointe. Je n'invente rien, Monsieur le président, au début de cette législature, vous l'avez annoncé à la «Tribune de Genève».
Qui n'a pas constaté que, lorsqu'un orage provoque une panne de la signalisation lumineuse, les embouteillages disparaissent et que, comme par miracle, la circulation redevient fluide.
Le résultat de cette politique, contraire aux notions de physique les plus élémentaires, c'est «l'artériosclérose» de notre ville. Il faut quarante minutes pour faire un déplacement qui devrait en prendre dix. Au lieu de rouler peu de temps à un bon régime, on doit attendre des heures au ralenti. Les conséquences sont une consommation maximale de carburant et une pollution inutile énorme.
Cette situation est aggravée par l'ouverture de nombreux chantiers, par les retards volontaires dans la mise en service de toute mesure pouvant alléger le trafic: autoroute de contournement, traversée de la rade et j'en passe... Lorsque l'on décide de construire un parking, on supprime immédiatement des places de parcage existantes pour compenser. Les Genevois pensent souffrir d'un mal nécessaire et finissent par croire que Genève est aussi grande que Paris puisqu'à certains moments il faut plus d'une heure pour la traverser.
Monsieur le président du département de justice et police, êtes-vous conscient du fait que les Genevois souffrent sans nécessité? Que vous priviez ainsi les enfants de la présence de leurs parents pendant des centaines de milliers d'heures (Rumeur de désapprobation.) puisqu'ils doivent, s'ils travaillent, circuler deux, trois ou quatre fois plus longtemps que nécessaire en voiture ou en bus. (Chahut.)
Je vois que l'on y est sensible!
C'est une lourde responsabilité qu'on assume en temps normal. Mais, face aux difficultés économiques actuelles, cette responsabilité est plus grave encore car les plans de circulation, les mesures d'incitation, les interdictions et les ralentissements pèsent lourdement sur les activités des Genevois.
Il est temps de prendre conscience que, lorsque de mauvaises décisions sont prises tôt ou tard on les paie, car «les faits sont têtus». Je vous donne un exemple concret. J'ai fait récemment refaire une porte de mon bureau. Le menuisier, dont l'atelier est à Châtelaine, m'a proposé de me faire cadeau de la moitié du prix si je me chargeais moi-même du transport de la porte.
Est-il possible que vous ne compreniez pas ce que cela signifie pour le chômage à Genève, qui est plus grave que partout en Suisse? Chaque mesure ralentissant la circulation se traduit par une baisse de compétitivité de notre économie. Il est temps de réaliser qu'en paralysant des pans entiers de nos industries, de nos commerces, de nos entreprises, nous aggravons la crise et rendons improbable la reprise.
En poursuivant une pareille politique, nous n'allons pas tarder à redevenir le pays pauvre que nous étions avant la guerre. Lorsqu'on parlera de droits acquis, cela ne fera plus sourire, mais pleurer. Cette responsabilité, en ce qui concerne la circulation, Monsieur le président, vous la portez personnellement, car vous prenez ces mesures par arrêtés de votre département et non collégialement avec le Conseil d'Etat. Ces mesures auraient dû être précédées par une étude d'impact économique du département de M. Maitre, selon l'article 5 de la loi d'application de la LCR votée par ce parlement le 18 décembre 1987. Cette étude n'existe pas.
Aujourd'hui, la situation est sérieuse. Il faut d'urgence stopper cette politique malthusienne et dogmatique dont les conséquences ne sont même pas étudiées. Il faut mettre fin au démantèlement du réseau que les Genevois ont péniblement construit pendant quarante ans et qu'en une législature on a entrepris de rendre inadéquat.
Prenons le temps de promulguer une loi sur la circulation à Genève fixant les buts, les moyens et les options choisis. C'est l'objet du projet de loi 6949 qui est étudié en commission. Prenons le temps de choisir ces options démocratiquement. Cessons de mettre la charrue avant les boeufs en prenant des mesures avant de les avoir véritablement décidées.
La motion 860 qui vous est proposée est bien modeste au vu de la gravité de la situation. Elle est simple et logique. Elle porte la signature des représentants de quatre partis. Elle est urgente. Je vous demande de la voter sans renvoi en commission.
M. David Lachat (S). Je n'entends pas me prononcer sur les mérites, selon les uns, ou les tares, selon les autres, du plan de «Circulation 2000». Le député qui m'a précédé l'a fait pour moi; il connait bien mieux le dossier. (Gloussements.) J'aimerais seulement vous donner mon sentiment sur les motivations qui animent le parti libéral dans cette affaire et sur leurs conséquences pour la ville et la Cité.
J'aimerais essayer de répondre à la question suivante: pourquoi donc les libéraux, séance après séance, jusqu'aux prochaines élections, vont-ils se lamenter sur le cataclysme que représentent pour eux les quelques mesures de modération du trafic au centre de la ville?
Une voix. L'ozone les fait pleurer. C'est pour cela! (Rires.)
M. David Lachat. J'ai pour habitude de considérer mes adversaires comme des gens intelligents et je n'entends pas, jamais, me départir de cet a priori. Par conséquent, pour répondre à ma question, j'ai acquis la conviction que les libéraux ne sont à aucun instant et en aucune manière convaincus de l'analyse qu'ils essaient péniblement de développer sur le sujet.
Je sais que les libéraux ont tous voyagé. Ils connaissent les plans de modération du trafic d'un certain nombre de centres-villes: Montpellier ou, plus près de chez nous, Lucerne, Bâle et d'autres villes suisses alémaniques. Ils savent que les commerçants de ces cités s'en portent bien, s'en portent mieux. Ils savent également que le plan de «Circulation 2000» a été approuvé par des experts qui ont étudié cette mesure et l'ont trouvée bonne.
D'ailleurs, je note que les libéraux ne sont pas vraiment convaincus de leur argumentation. Si ce plan de «Circulation 2000» était si mauvais, ils nous demanderaient purement et simplement de l'annuler. Or ils ne vont pas au bout de leur démarche et ne proposent qu'un moratoire.
D'autre part, j'ai appris que, dans des cercles privés, M. Balestra se répand pour expliquer qu'en définitive la démarche libérale n'a pour but que d'occuper le terrain. Je crois que la réalité dans toute cette affaire, c'est que les libéraux ne font de leur combat contre le plan de «Circulation 2000» qu'une opération électorale dans le seul et unique espoir de «squatter» les voix des automobilistes de l'extrême-droite.
Cette opération est purement populiste, exclusivement poujadiste. Je ne suis pas étonné que le parti libéral donne dans le racolage électoral. Hier, j'aurais été surpris d'une telle démarche. A l'époque, vos rangs comportaient, Mesdames et Messieurs les libéraux, un certain nombre d'humanistes. Il y en a encore aujourd'hui, mais ils ne se manifestent malheureusement pas.
Mais, depuis quelques années, en tout cas depuis le début de la présente législature, les libéraux excellent dans le genre populiste. Il y a quatre ans, Mesdames et Messieurs, c'était le bonus-loyer; maintenant, on nous prépare le bonus-bagnole. (Rires.)
Le malheur dans toute cette affaire, c'est que les autres partis de la majorité suivent servilement les libéraux dans cet exercice. Que M. Jenni et son mouvement patriotique se fassent le porte-voix des libéraux n'est pas pour m'étonner. Il ne se rend pas compte, le malheureux, que la bouée que lui lancent les libéraux est en béton armé et n'a pour but que de le faire couler le plus profondément possible. (Hilarité.)
Mais je suis navré de constater que, ces temps-ci, les démocrates-chrétiens et les radicaux se comportent dans cette affaire, ainsi que dans plusieurs autres malheureusement, comme les porteurs d'eau des libéraux. J'allais demander à M. Joye, malheureusement absent, s'il était vraiment aussi «libéral-déguisé» que son collègue Maitre. J'allais lui demander s'il se rendait compte que sa voisine était en train de s'asseoir sur le siège qu'il convoite. (Rires. L'orateur s'adresse à Mme Brunschwig Graf.) Asseyez-vous, Madame!
Et vous, Mesdames et Messieurs les radicaux, (Rumeurs.) où avez-vous laissé votre cran? Où est donc parti votre coeur?
Chers collègues radicaux, chers collègues démocrates-chrétiens, ne vous laissez pas entraîner par le populisme des libéraux. Ne vous laissez pas emballer par l'arrogance actuelle de ce parti, car la Cité a besoin de vous. Sur ce dossier comme sur d'autres, Mesdames et Messieurs, nous devons travailler ensemble contre la droite populiste. (Vifs applaudissements des bancs de gauche.)
M. Michel Balestra (L). Vous pouvez imaginer que parce que j'ai été désigné comme président de la nouvelle droite populiste j'ai eu énormément de plaisir à entendre la plaidoirie de Me Lachat, enfin du député Lachat.
Voyez-vous, être populiste, c'est représenter le peuple! (Rires. Huées.)
Des voix. C'est pas vrai! N'importe quoi! Ouhh...
M. Michel Balestra. Les libéraux représentent effectivement une grande partie de la population genevoise qui est, jusqu'à preuve du contraire, le peuple souverain surtout lorsqu'elle s'exprime majoritairement. Eh bien, je suis très fier, Monsieur Lachat, de présider à leur destinée!
Lorsque nous parlions, hier soir, des transports aériens, M. Rouiller, présent ce soir pour discuter circulation, nous disait à quel point il était important que, pour chaque nouvel aménagement de l'aéroport nous votions un projet de loi, car, si nous ne le faisions pas, ce serait complètement antidémocratique. Nous lui avions répondu que la comparaison ne tenait pas avec les TPG, puisque l'aéroport était une zone limitée au niveau de la surface et que nous parlions hier soir de faire des aménagements dans cet aéroport et non pas de définir des réseaux qui pourraient être étendus à l'infini.
Or ce soir, Monsieur Rouiller, la comparaison tient parfaitement. Nous allons parler d'une nouvelle organisation du trafic sur un réseau routier. Cette comparaison avec ce que vous nous demandiez de faire hier soir tient parfaitement. Alors, je vous demande d'être cohérent et de permettre à ce Grand Conseil de s'exprimer sur ce qu'il souhaite pour la circulation de demain dans la ville. Il serait absolument insupportable qu'on change complètement le visage de la circulation à Genève sur arrêtés départementaux.
Nous sommes, comme l'a répété mon collègue, l'excellent député Du Pasquier, (Eclats de rire.) en période de crise grave. Tous ceux qui ont de la peine à «joindre les deux bouts» dans le développement de leurs affaires et, par conséquent, pour payer leur personnel doivent être sûrs que ce Grand Conseil s'intéresse à leurs problèmes et leur redonne enfin confiance.
Il n'est pas satisfaisant de voir se développer des centres commerciaux importants à Chavannes, Etoy, Aubonne, ni pour les ouvriers que vous défendez et qui perdent leurs postes de travail, ni pour les prestations de l'Etat que vous défendez et qui dépend des revenus fiscaux qui vont dans d'autres cantons.
C'est pourquoi, si vous êtes un tant soi peu raisonnable, Monsieur Lachat, vous voterez cette motion avec nous et vous nous suivrez dans le cadre du projet de loi qu'elle vise. Quant aux problèmes internes du parti libéral, balayez devant votre porte car ça ne va pas si bien dans le vôtre! (Rires.)
M. Hermann Jenni (MPG). Je trouve que ce débat a pris d'emblée un ton assez détestable. (Rumeur.) L'invective n'a jamais tenu lieu d'argument. J'ai été tout spécialement surpris d'entendre notre collègue Lachat m'attaquer, alors que je n'avais pas encore ouvert la bouche. Cela ne fait pas honneur à son intelligence pourtant reconnue. Nous allons tenter de ramener la discussion sur le fond du sujet... (La rumeur s'amplifie.) ...en évitant de faire des procès d'intention.
Dans cet esprit, nous admettrons que les experts qui ont élaboré ces plans de circulation sont de bons théoriciens et qu'ils ont sincèrement pensé être capables d'améliorer la circulation. Il se trouve que leur opinion en la matière ne s'accorde ni avec le praticien que je suis ni avec les hommes de terrain que sont leurs subalternes. Certains de ces subalternes ne sont pas d'accord avec leur chef mais ne sont pas en situation de le faire savoir. J'en connais plusieurs; cela m'a été confirmé.
En théorie, les systèmes sophistiqués que nous ont élaborés ces théoriciens devraient améliorer les choses. Nous sommes dans une ville où quelque 30% des usagers de la route, sinon plus, ne connaissent pas la topographie des lieux. Environ 30% des usagers de la route ne viennent qu'occasionnellement à Genève. Il y a beaucoup d'étrangers. Même les gens du cru -- j'ai eu l'occasion de m'en convaincre en circulant avec des natifs de Genève qui y habitent depuis toujours -- prennent des itinéraires complètement farfelus. Une bonne partie des gens qui utilisent notre réseau ne connaît pas bien la topographie des lieux.
En détournant le système radioconcentrique naturel d'une ville comme Genève, centrée autour du lac qui prend déjà une «bonne tranche du gâteau», on complique la circulation.
Or, dans la circulation, si un seul automobiliste ne comprend pas ce qui se passe, s'il hésite, freine, ne sait pas où aller dans une voie de circulation, s'il perd du temps, c'est tout le réseau qui se trouve encombré. Alors, imaginez avec quelque 30% de personnes qui ne maîtrisent pas ce réseau! En le rendant encore plus compliqué, artificiellement inopérant, on obtient un résultat désastreux. Je pense que les théoriciens devraient faire preuve d'un peu plus de modestie et écouter les praticiens.
En vous disant cela, je ne prêche pas pour ma paroisse. Je reconnais que, dans les dispositions prises, un certain nombre d'exceptions ont été
prévues pour certains véhicules. Pour une fois, les véhicules de ma corporation sont particulièrement favorisés. Si les spécialistes ont cru devoir favoriser les taxis, c'est que vraiment on ne peut pas empêcher tout le monde d'y aller. Mais alors, pourquoi cette sélection?
Je ne défends pas d'intérêts corporatistes. J'essaie de me mettre à la place de tout le monde. Je suis député pour la population entière et non pas pour une corporation. Mon expérience pratique -- j'ai environ 1,5 million de km derrière moi dans cette ville -- me dit que les plans qui nous sont présentés, même si ceux qui les ont élaborés y croient sincèrement, sont de mauvais plans. Ils n'arriveront pas aux fins que l'on se propose ouvertement d'obtenir. Ils iront exactement à fin contraire, ce sera le «petchi» complet. Nous aurons, du point de vue économique, une situation encore plus catastrophique que celle d'aujourd'hui.
Je demande, au moins jusqu'à ce que l'on ait comblé le hiatus que constitue la traversée de la rade, que l'on veuille bien surseoir à ce genre d'expériences désastreuses. Attendons d'avoir au moins une bouffée d'oxygène du côté de la traversée de la rade avant d'introduire au centre-ville des restrictions qui sont beaucoup trop draconiennes et iront à l'opposé de ce qu'on se propose de réaliser.
M. Philippe Joye (PDC). En ce qui concerne les places occupées sur ce banc, il y a deux secteurs parfaitement délimités que je tiens à redéfinir. A ma gauche, celui de Mme Martine Brunschwig Graf, ancien petit rat de l'opéra (Rires.) et, à sa droite, le mien.
Nous sommes en parfaite démocratie et pratiquons amicalement le «chacun pour soi», ce qui n'exclut pas des superpositions occasionnelles, mais on n'en parlera pas ici. (L'assemblée s'écroule de rire.) Pour des raisons statiques évidentes, vous pouvez penser que je jouerai le rôle porteur!
En ce qui concerne les porteurs d'eau du parti libéral, je tiens à rassurer tous ceux et celles d'entre vous qui pensent que nous pourrions être porteurs d'eau de quiconque. Nous sommes des personnes tout à fait adultes et avons l'habitude de prendre nos décisions en réfléchissant bien. Je crois que nous sommes encore capables d'avoir des positions indépendantes.
On peut ajouter une autre chose: ces temps, l'Entente marche plutôt bien. Comme par hasard, elle marche même beaucoup mieux que les rangs d'en face. En effet, certaines coalitions un peu éparses ont de la peine à se retrouver. Alors, je vous souhaite de retrouver cette unité qui vous manque. Nous, nous sommes en route vers celle-là même.
La troisième chose à dire est que nous avions déposé une résolution. J'avais proposé à M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat, de nous faire une contreproposition! Or nous n'avons strictement rien vu. J'avais parlé de six mois, et j'attendais que M. Ziegler s'adresse à nous. Alors, Monsieur le conseiller d'Etat, faites-nous une proposition! Montrez-nous que vous tenez compte de nos problèmes et, s'il vous plaît, procurez-nous enfin cette étude économique du professeur Perret, dont on parle tellement et qui ne figure nulle part dans les livres.
Mme Vesca Olsommer (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés...
La présidente. Je m'excuse, mais je ne suis pas un monsieur!
Mme Vesca Olsommer. Oh pardon! Excusez-moi! C'est pourtant visible. (Brouhaha.) Madame la présidente, en fait je ne pensais pas à vous... (Hurlement de rire.) ...en levant la main pour faire mon interpellation, mais déjà à mon interlocuteur, M. Balestra. Voilà! (Cascade de rires.)
La présidente. Dans ce cas, vous êtes pardonnée!
Mme Vesca Olsommer. J'ai un reproche à faire à M. Balestra. Monsieur Balestra, vous pensez ce que vous voulez de la circulation à Genève, mais en tout cas je vous dénie complètement le droit de parler d'une manière globale au nom de ceux qui ont peur de perdre leurs clients: les commerçants.
Je vous rappele que, voici deux ans, nous avions voté une loi sur les heures de fermeture des magasins. A l'époque, la FAC, les moyens et petits commerçants, craignait beaucoup cette loi. Nous avions proposé un amendement afin de restreindre les heures d'ouverture des magasins. Vous n'en aviez pas voulu.
Aujourd'hui, nombre de petits commerçants se plaignent non de la circulation, mais de la déréglementation des heures d'ouverture des magasins. (Brouhaha.) Je vous prie donc, lorsque vous parlerez, de parler seulement au nom des gens que vous représentez réellement.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je n'aurai pas la même prétention que David Lachat, celle de poser les questions et de faire tout de suite les réponses. Je me bornerai à trois questions.
En relisant ce document, «Circulation 2000» et les mesures qui lui sont conjointes pour ce mois de juin, que peut-on constater? D'un côté, on constate une augmentation du nombre de places de parc en ville par une amélioration du tournus, une suppression de bandes cyclables à certains endroits, aucune rue totalement laissée aux piétons, contrairement à ce qui a été dit, une augmentation du nombre de places visiteurs au centre de la ville et aucune amélioration de la qualité de l'air. Les milieux de protection de l'environnement qui défendent les piétons et les cyclistes devraient pleurer en voyant ce projet.
D'un autre côté, on voit cette facilitation des mouvements en ville qui améliorera la possibilité de faire des achats de courte durée, un accès plus aisé pour les livraisons, une possibilité de trouver des places dans certaines zones devant les commerces ainsi qu'une amélioration pour les cars touristiques au niveau de leurs déplacements et du dépôt de leurs passagers. Ces milieux de l'économie, de commerçants devraient applaudir, rire et chanter à ce plan.
Or il se passe exactement le contraire et il est décevant, comme l'a dit M. Lachat, que l'on politise ces mesures de manière à récupérer un certain nombre de voix et à descendre en flamme un conseiller d'Etat socialiste. (Rouspétances dans la salle.)
Comment en est-on arrivé là? J'ai essayé de poser des questions en commission consultative de la circulation, en commission des transports. J'ai demandé que l'on m'explique pourquoi les commerçants ont peur de perdre des clients alors que la fluidité du trafic sera améliorée. M. Balestra a parlé des grands centres extérieurs. Mais si je vais à l'extérieur pour l'instant, Monsieur Balestra, c'est justement parce que la circulation en ville est impossible. Je désire que les commerçants m'expliquent pourquoi dès lors, si on améliore la fluidité du trafic, si, dans certains cas on donne la possibilité à leur clientèle de parquer devant chez eux, ils se sentent perdants? Je n'ai toujours pas eu de réponse à cette question et j'aimerais que l'on m'en fournisse une.
D'ailleurs, il est intéressant de constater que lorsqu'on interroge ces commerçants en particulier, ils sont assez favorables, dans le fond, à ces mesures. Ils n'osent simplement pas, ou plus, le dire parce qu'ils sont pris par leurs organisations faîtières et se joignent à la pétition mensongère qui circule actuellement.
Il est également intéressant de constater que depuis hier un certain nombre de commerçants se sont exprimés dans la presse, osant tout de même exprimer leur accord à ce plan. En date du 25 juin, on les verra organiser une fête à la rue des Etuves pour célébrer l'entrée en vigueur de ces mesures parce qu'ils y sont favorables. Alors, je ne pense pas qu'il faut croire que tous les commerçants y soient opposés. Au contraire, beaucoup y sont extrêmement favorables.
Un exemple: la zone piétonne du Mont-Blanc; j'aimerais bien savoir quel commerçant voudrait qu'on autorise à nouveau la circulation devant chez eux: aucun. J'en mets ma main au feu! (Brouhaha.)
Ma deuxième question est la suivante. Dans toutes les villes où l'on a créé de nouvelles ouvertures d'axes de circulation, on a toujours constaté qu'il fallait en même temps faire entrer en vigueur des mesures d'accompagnement ailleurs. En effet, si on met en place une nouvelle mesure, il y a un vide pendant un mois ou deux. Ensuite, l'appel d'air fait qu'il est rapidement compensé.
Voici donc ma question pour les motionnaires. Sur quels éléments vous basez-vous pour passer sur l'expérience de nombreuses autres villes et sur le savoir -- j'estime qu'ils en ont tout de même une certaine quantité -- des ingénieurs de l'EPFL, entre autres, celui de M. Bovy?
Ma dernière question consiste à vous demander pourquoi vous mettez la République à feu et à sang avec un projet de loi, une motion, une résolution, une pétition, une conférence de presse? Sur quoi exactement vous battez-vous? Quatre rues de connexion, dont une ne sera à connexion que dans un sens et sera libre dans l'autre. Quatre rues qui totalisent 970 mètres. Le statut particulier d'un bout du quai des Bergues, 140 mètres, où les acheteurs pourront venir se garer devant les commerces, ce qui n'est pas le cas à l'heure
actuelle. Et ensuite, la toute petite et unique zone piétonne de tout ce plan, 50 mètres, devant l'hôtel des Bergues. Au total, c'est 1160 mètres sur tout le réseau routier de Genève qui sont en jeu et pour lesquels vous faites un pareil cinéma! J'aimerais que vous me répondiez à ce sujet. (Brouhaha.)
M. Charles Bosson (R). Je reprends les propos de Mme Reusse-Decrey sur le cinéma que soi-disant nous faisons. Nous sommes encore de pâles élèves par rapport au cinéma. En effet, celui que vous nous faites en d'autres circonstances est largement plus démagogique que notre prétendu cinéma d'aujourd'hui. (Applaudissements.)
Pour répondre à la question de Mme Reusse-Decrey par rapport aux mesures prises dans les autres villes, je vous dirai que je me suis rendu dans d'autres villes européennes. J'y ai constaté la présence de zones piétonnes. Mais, renseignements pris auprès des autorités -- car je parle avec ces gens-là de temps en temps -- eh bien, les mesures de substitution ont toujours été mises en place préalablement aux mesures de restriction de trafic! Allez voir le tram de Grenoble. Voyez la concertation et toutes les mesures de substitution qui ont été prises avant que les travaux de la mise en place de cette ligne de tram ne commencent. Nous ne demandons qu'une chose, c'est d'agir logiquement.
Je ne voudrais pas non plus que ce débat s'éternise. Nous espérons qu'une véritable concertation -- comme celle demandée voici plus de trois ans par une motion de Mme Braun-Roth et de M. Genecand et votée à l'unanimité par le Grand Conseil -- se concrétise entre l'administration et la population pour toutes les questions de circulation et de transport public. Nous l'attendons toujours.
Le département de justice et police nous dit qu'il y a peu ou pas d'oppositions à ces mesures. Je dis que c'est faux, car il faut tenir compte du contexte dans lequel cette enquête est faite.
Les commerçants savent très bien que la décision du département de justice et police peut être rendue exécutoire lorsqu'il le voudra. C'est une voie réglementaire. Il est donc logique que ces gens-là essaient de négocier au mieux certains avantages qu'ils pourraient retirer et limiter au maximum leurs inconvénients.
Le département prend cette façon de faire des commerçants comme un appui alors qu'en définitive c'est simplement une défense.
Je voudrais encore vous dire notre accord avec le plan de «Circulation 2000». Nous soutiendrons ce plan comme nous avons soutenu «Transport collectif 2000». Mais nous voulons que ces deux éléments se mettent en place de façon coordonnée. Le rapport du professeur Bovy le relève aussi, disant que le plan est bon, mais qu'il faut en échelonner les mesures. Elles doivent être prises et appliquées à la suite d'autres mesures de substitution. Nous attendons également un rapport économique.
Il n'est absolument pas admissible que le département de justice et police envisage de fermer ces rues le lendemain de l'ouverture de l'autoroute, alors que le département de l'économie publique n'a pas encore pu donner son préavis puisqu'il n'a pas tous les éléments en main.
Nous espérons aussi que le préavis du département de l'économie publique sera pris en compte dans la décision du département de justice et police. Je dois dire que c'est avec un certain regret que j'ai cosigné cette motion, mais je me suis rendu compte que les mauvais génies «sectaristes» du département de justice et police conseillaient tellement mal leur président qu'il était absolument nécessaire d'intervenir par le biais de cette motion.
Je crois que nous ne pouvons pas prendre de telles mesures sans avoir fini de discuter le projet de loi sur la circulation qui est actuellement devant la commission des transports. De même, il aurait été anormal de mettre en place des mesures visant les transports collectifs avant d'avoir voté la loi devant ce Grand Conseil.
Par ce moratoire, nous attendons que la concertation se fasse réellement, que les milieux économiques puissent clairement donner leur avis et que l'on tienne compte de tous ces éléments. Cette motion ne cherche pas à imposer un ukase, nous ne voulons pas subir de diktat de la part du département.
Pour répondre à M. Lachat, je dirai que les radicaux ne font pas de démarches populistes ou électoralistes. Nous avons soutenu la résolution. Nous en étions aussi les auteurs. Mais nous voulons simplement être réalistes face à certains besoins. Nous voulons avoir du cran vis-à-vis de la population afin de tenir compte des besoins d'une partie de celle-ci, pour son bien-être et pour le bien-être de notre économie. Je vous invite donc à voter cette motion et à demander au Conseil d'Etat qu'il y réponde rapidement.
M. Jean-Claude Genecand (PDC). En préambule, j'aimerais remercier mon groupe qui a accepté que je défende un autre point de vue que le sien. (Aahh! Applaudissements.) J'ai la conviction que la majorité des commerçants artisans sont très éloignés de nos débats politiques. Ils désirent avant tout un coup de pouce pour la marche de leurs affaires.
Dans le plan de «Circulation 2000», il y a deux mesures qu'il faut rapidement appliquer et même développer, pour l'une d'elle. C'est d'une part la délivrance d'une vignette permettant à chaque habitant et à chaque commerçant d'aller et venir indépendamment d'une réglementation, par exemple charger et décharger des marchandises même s'il doit se mettre en deuxième position.
D'autre part, la seconde mesure permet de transformer les stationnements de longue durée en courte durée, ce qui offrirait une meilleure disponibilité des places pour les visiteurs clients. Pour améliorer la gestion du stationnement, je propose l'installation de bornes amovibles télécommandées devant les commerces. Il faut bien le reconnaître, la grande difficulté d'utilisation pour les cases de livraison, c'est leur contrôle. Par expérience, je sais que ces cases sont toujours squattées. Comme la Ville l'a déjà entrepris pour la BCG en l'Ile, il faudrait construire de telles bornes. Ces mesures apportent davantage d'eau au moulin des commerces que d'hypothétiques clients qui transitent.
Comme je l'ai dit à M. Aeschbach en commission, 55 000 véhicules passent devant chez moi, mais cela ne fait pas un client de plus dans mon magasin. Croyez-moi, je suis président des boulangers de Genève depuis dix ans et je vous défie de trouver un collègue pouvant me dire que j'ai travaillé contre leurs intérêts et, pourtant, nous sommes une association dynamique.
Si je me vante, c'est pour vous dire que j'ai la conviction que le plan de «Circulation 2000» sera largement plébiscité par les commerçants dans quelques mois. Il va permettre de décongestionner le centre tout en laissant les vrais clients faire leurs achats et prendre livraison d'un objet encombrant avec leur voiture. Il créera davantage de stationnements par une rotation accélérée et recréera cette ambiance «marché» où il fait bon flâner et faire du lèche-vitrines. Il permettra aux transports collectifs d'être plus performants.
En un mot, il répond à l'organisation d'une ville moderne comme l'ont compris tant d'autres villes en Europe. Quant au report de la circulation, nous avons pu nous rentre compte, en visionnant le schéma informatique de l'OTC, que l'autoroute et le «U» de la rade allaient absorber le surplus de l'interdiction du transit au centre-ville.
Bien sûr, si la traversée de la rade était réalisée, les choses seraient plus simples. Même sans cela, la densité à l'heure est augmentée avec une fluidité plus grande autour de la rade grâce à la suppression d'un passage en direction du quai des Bergues.
A propos de la traversée de la rade, je m'engage, si je suis réélu, à soutenir la construction d'un pont avec la même détermination que celle que j'ai mise à soutenir le plan de «Circulation 2000».
En conclusion, j'aime bien prendre cette image des trois piliers. En mars 1991, le Conseil d'Etat a accepté les mesures OPair. En février de cette année, notre Grand Conseil a plébiscité «Transport 2000». Aujourd'hui, je souhaite de tous mes voeux que la sagesse populaire influe favorablement les décideurs pour réaliser «Circulation 2000». Ainsi, on aura retrouvé un équilibre dans le système de circulation à Genève.
Je crois que, si notre Grand Conseil fait ce choix, il ne le regrettera pas et accroîtra sa crédibilité.
M. Nicolas Brunschwig (L). Lorsque j'écoute M. Lachat ou des collègues socialistes, il me semble que leur connaissance de l'économie est extrêmement limitée. Qu'est-ce que l'économie? (Rouspétance.) L'économie est un ensemble d'entreprises. Je pense que les responsabilités de chef d'entreprise, qu'elles soient petites moyennes ou grandes ont quelque chose que vous ne connaissez pas. Ils ont la certitude de supporter des charges. Ils ont des incertitudes quant aux recettes. C'est justement sur cet aspect que «Circulation 2000» fait peur à la majorité des milieux économiques. Ce n'est pas du tout, Monsieur Lachat, sur un plan politique. Pensez-vous qu'une pétition signée par des milliers de personnes -- vous le saurez bientôt officiellement -- le serait sur des bases exclusivement politiques et non pas sur des bases à la fois d'économie et de qualité de vie.
Dès lors, quels que soient la qualité, le mérite et le travail des ingénieurs en circulation ou autres employés de l'office de la circulation, ils
sont incapables d'apprécier un certain nombre d'éléments de ce type. Vous aussi, Monsieur Ziegler, vous êtes incapable d'apprécier ces éléments. (Rumeur de mécontentement.) Vous êtes incapable! Je n'irai pas vous donner des leçons de droit, Monsieur Ziegler! Je crois que vous avez tort de dire aux commerçants ce qui est bon ou pas à ce sujet.
Je ne comprends pas quelle est l'urgence ni quel besoin impératif il peut y avoir à fermer la circulation au quai des Bergues parce qu'en fait c'est une fermeture... (Ronchonnements.) ...en termes économiques et commerciaux, Monsieur Ziegler! Qu'elle soit ouverte la nuit n'a aucun intérêt et vous le savez bien! Allons-nous mourir asphyxiés dans les trois mois? Nos enfants ne vont-ils plus pouvoir jouer dans les préaux d'école?
Expliquez-moi ceci! Un autre élément n'est limpide que pour M. Ziegler et quelques-uns de ses fidèles supporters. En quel sens l'autoroute de contournement représente-t-elle une alternative aux trois rues qui risquent de se fermer?
Les commerçants sont en très grande majorité opposés à ces mesures, actuellement en tout cas, car il n'y a pas de traversée de la rade. Il est clair que si nous en avions une, nous ne discuterions sans doute pas aussi férocement. D'ailleurs, les simulations qui nous été faites mardi dernier à l'office de la circulation ont été tout à fait déterminantes et frappantes à cet égard.
Dès lors, le vrai outil qui permettra d'empêcher la circulation de transit, c'est la traversée de la rade. Comment voulez-vous que nous fassions confiance à des magistrats qui appartiennent au même parti que celui des opposants à cette infrastructure?
Une voix. Y s'causent plus maintenant!
M. Nicolas Brunschwig. Comment peut-on abonder dans ce sens?
Les commerçants sont donc opposés à ces mesures. Cela ne les empêchent pas de discuter avec l'administration pour avoir les meilleurs aménagements possibles car ils savent bien que M. Ziegler s'entête dans sa vision. Celle-là même qui est tentée actuellement à Strasbourg pour le plus grand malheur des commerçants locaux, et pour le plus grand bonheur des commerçants allemands voisins qui louent tous les jours les mérites de la maire socialiste, Mme Truttman.
M. Andreas Saurer (Ve). Je voudrais proposer à cette illustre assemblée de faire une collecte pour offrir un «Petit Robert» aux éminents députés libéraux. (Aahhhh!) En effet, M. Balestra fait un doux mélange entre le mot populaire et le mot populiste. Je vous rappelle qu'il y a quelques mois, votre éminent collègue, M. Du Pasquier, faisait la même erreur entre morale et moraliste. Je crois qu'il serait assez utile que le parti libéral s'offre ou, s'il n'en a pas les moyens, les autres députés pourraient lui offrir un «Petit Robert». (Mouvement d'indignation sur les bancs de la droite. M. Balestra se lève pour aller chercher le Larousse.)
M. Michel Balestra. Monsieur Andreas Saurer, vos désirs sont des ordres... sauf en matière de circulation!
M. Andreas Saurer. Je vous félicite, Monsieur Balestra, mais il aurait été préférable de l'avoir consulté avant! Nous avons l'habitude, il est vrai, que le parti libéral tire d'abord pour réfléchir ensuite! (Mouvements d'humeur sur les bancs de la droite.)
Je voudrais revenir sur un aspect particulier des interventions: le caractère électoraliste de vos propositions.
La présidente. Mesdames et Messieurs, il y a encore sept intervenants inscrits alors, si vous souhaitez finir avant 19 heures, laissez parler les orateurs!
M. Andreas Saurer. J'aimerais revenir sur le caractère de ce projet de loi et la proposition du département en matière de circulation. Fondamentalement, les propositions du département essaient d'accroître l'accessibilité du centre de la ville. On veut favoriser le commerce du centre de la ville.
Toutefois, il est clair que du point de vue électoral il est infiniment plus payant de caresser les automobilistes dans le sens du poil. Mais je vous prédis qu'après les élections vous serez les défenseurs les plus acharnés du plan de circulation parce que c'est le moyen le plus efficace d'accroître l'accessibilité du centre de la ville et de favoriser le commerce.
Pour clore, vous me faites étrangement penser à la politique qui fut menée il y a quelques années par la direction du FC Servette. La politique du FC Servette consistait à acheter des joueurs prestigieux à des prix absolument fabuleux. Je pense à Rumenigge et Sinval, des joueurs tout à fait capables, mais le FC Servette n'avait aucun plan tactique, aucun jeu d'équipe. Ce fut le désastre pour le FC Servette. Ainsi, votre attitude face à la circulation me fait penser à celle de la direction du FC Servette. Elle a amené un résultat désastreux sur le plan du football, sans parler de la situation financière. Vous êtes pareils. Vous êtes tout simplement contre parce que, dans l'immédiat, c'est payant électoralement. Mais au fond, au niveau économique, vous provoquez un désastre avec votre politique de blocage. Essayez de comprendre ce qui est dans l'intérêt de l'économie et retirez votre motion.
M. Michel Balestra (L). Je remercie infiniment M. Saurer de me tendre les verges pour le fouetter. Je cite le Larousse: «Populiste: nom masculin; tendance littéraire et artistique qui s'attache à l'expression de la vie et des sentiments des milieux populaires».
Eh bien, Monsieur Saurer, c'est exactement ce que je revendique! Et il y a mieux! «En Russie: mouvement idéologique qui avait pour but de lutter contre le tsarisme en s'appuyant sur le peuple». (Hurlements de rire. Vifs applaudissements de la droite.) Eh bien, voyez-vous, c'est exactement ce que j'ai envie de faire!
(M. Balestra remet le Larousse à M. Saurer.) Je vous fais un cadeau, Monsieur Saurer, vous en avez plus besoin que moi!
M. Jean Spielmann (T). Il est... (Brouhaha.)
La présidente. M. Balestra, s'il vous plaît, rejoignez votre place!
M. Jean Spielmann. Il est difficile d'analyser certains débats et d'argumenter de manière objective. En effet, les dérapages des uns et des autres provoquent des situations de blocage qui rendent la réalité de notre environnement, et la circulation en particulier, difficile à modifier de manière raisonnable.
Il me semble utile de rappeler qu'un certain nombre de décisions ont été prises pour des réalisations en cours ou en voie d'achèvement et pour lesquelles nous aurons encore à payer les frais pendant de nombreuses
années. Il s'agit bien sûr de la décision la plus importante de ces dernières années prise au niveau de l'urbanisme, celle de l'autoroute de contournement.
En effet, celle-ci ne serait pas réalisée si dans ce parlement tout le monde s'était amusé à faire du populisme et à ne penser qu'à son intérêt immédiat, bassement électoral. Mais des gens ont pris leurs responsabilités et ont permis que cette réalisation puisse bientôt être inaugurée avec la vertu principale d'extraire le trafic de transit de l'agglomération urbaine.
Rappelons simplement que ceux qui aujourd'hui refusent ces motions concernant la circulation dans le centre-ville, proposaient à l'époque, ni plus ni moins, de faire passer l'autoroute dans le centre-ville dans la rade, par exemple, avec sortie dans les parcs de chaque côté!
Heureusement, cela n'a pas été réalisé et le trafic passera à l'extérieur de l'agglomération avec, bien sûr, des coûts importants et des réalisations modernes qui permettent de limiter l'impact des nuisances sur notre agglomération, mais qui méritent aussi, eu égard aux investissements réalisés pour construire ce contournement, qu'on l'utilise le plus intelligemment possible.
Dans notre esprit, la réalisation de l'autoroute de contournement permet de répondre à cette première exigence: extraire le trafic du centre-ville lorsqu'il n'a rien à y faire, l'extraire des agglomérations et permettre la liaison des différentes zones industrielles de notre canton pour le trafic court et pour le trafic automobile en limitant la circulation au centre-ville. C'est une vertu essentielle qui nous permettra de modeler ensuite la circulation dans le centre-ville.
Nous avons toujours dit et répété, lorsque nous avons pris cette position, qu'il fallait examiner, jusque dans le détail, l'impact qu'aura cette réalisation sur l'ensemble du réseau de circulation. Nous savons très bien que d'autres habitudes se prendront et qu'il n'est pas inutile de voir quelles en seront les conséquences sur notre agglomération pour continuer ensuite les différentes mises en place, soit du régime de circulation au centre-ville, soit de la traversée de la rade.
Nous avons répété dans cette enceinte que cette traversée de la rade sera utile dans un deuxième temps, lorsque nous aurons réalisé le trafic de transit et les différents schémas de circulation que nous avons vus à l'OTC la semaine passée ou cette semaine encore. Cette réalité est incontournable et il faudra y venir un jour ou l'autre en mesurant son poids financier et son impact sur l'environnement.
Qu'allons-nous faire dans l'immédiat? Il y a deux possibilités, soit attendre pour voir ce que donnera l'autoroute de contournement pour ensuite modeler la circulation dans le centre-ville, soit accompagner l'ouverture de l'autoroute par une série de dispositions permettant de prendre de bonnes habitudes, c'est-à-dire ne pas utiliser la voiture dans les quartiers ni dans le centre urbain où ce serait simplement impossible.
J'en appelle aux tenants du libéralisme -- je l'ai dit maintes fois à M. Jenni -- si vous voulez suivre votre théorie jusqu'au bout, supprimez tous les feux rouges, les interdictions, les panneaux de stationnement et les sens interdits. Laissez la liberté totale et on arrivera à une impossibilité complète de se déplacer. Il faut donc prendre une série de mesures intelligentes pour permettre à notre agglomération de résoudre son problème de circulation, ne serait-ce que pour donner les conditions-cadres favorables au développement de notre économie.
Aujourd'hui, nous allons prendre des mesures. Quelles sont-elles? Ce n'est pas en travestissant les propositions qui ont été faites ou en écrivant des lettres incendiaires -- comme celle que nous avons reçue hier sur notre table -- qui ont été publiées dans la presse que nous aboutirons. Visiblement les gens ne savent même pas qu'il y a des procédures de consultation ni qu'on débat de ces problèmes. Pourtant certains parlent de diktat ou s'expriment en disant: «On interdit complètement la circulation» ou écrivent dans la motion: «On ferme totalement le quai des Bergues à la circulation». Il faut savoir que cela est mensonger.
On tente de trouver un réseau de circulation intelligent qui permette de dériver le trafic de transit le plus rapidement possible par les transversales en direction de l'autoroute et d'empêcher qu'il passe par les zones à forte densité d'habitation. Cela me semble tellement élémentaire que je ne comprends pas pourquoi vous n'arrivez pas à comprendre ce processus et que vous n'aidez à le mettre en place.
Par votre façon de présenter les problèmes et par les propositions que vous faites, vous essayez d'asphyxier le centre-ville au lieu d'aider à développer un schéma de circulation intelligent.
En l'occurrence, il s'agit de limiter le transit et de créer des dispositifs qui permettent d'en améliorer l'accès et la fluidité. Il faut disposer d'un réseau de circulation afin de dériver le transit qui paralyse les voies de circulation, qui pollue et empêche les gens d'aller où ils veulent dans le centre-ville. Comment voulez-vous argumenter sérieusement en laissant une totale liberté de circulation, en empêchant la mise en place de «TC 2000» ou celle d'un plan de circulation dans les villes?
Prenons l'exemple du quai des Bergues. Il est faux de dire que la circulation sera totalement interdite. C'est le transit qui sera interdit. Ainsi, les files de voitures ne bouchonneront plus sur le quai des Bergues, mais elles auront la possibilité réelle d'y accéder et d'en repartir sans perdre de temps dans d'interminables bouchons. Cela est favorable à l'environnement, au centre-ville et aux commerçants.
Par conséquent, il nous faut analyser quel sera le résultat de ce projet. Quelles sont les mesures opposées? Plutôt que de le prendre à rebrousse-poil en disant n'importe quoi, avec des vues bassement électoralistes comme celles des gens sur les bancs d'en face, examinons ce projet sérieusement. Pourquoi ne pas accepter cette motion? Des motions sont déposées depuis cinq ou six ans et n'ont pas eu de réponse. Je ne vois pas pourquoi celle-là ne suivrait pas la même voie. Elle permettrait de pousser la réflexion. Il ne s'agit pas de créer des «no man's land». Comme argumentation supplémentaire, toutes ces mesures sont mises en place avec efficacité et à la satisfaction de tous dans de nombreuses villes. Voyez Berne, et comparez avec d'autres grandes agglomérations suisses ou étrangères. Il y a la place pour une politique de circulation intelligente et favorable au trafic.
J'appelle dans ce Grand Conseil les gens qui ne sont pas aux extrêmes, qui ne proposent pas n'importe quoi, qui ne font pas des tracts mensongers pour se faire valoir en essayant de noircir le tableau et qui ne sont pas opposés de manière dogmatique et imbécile à tout trafic de voitures alors que c'est un moyen de déplacement moderne qui, s'il est utilisé intelligemment, permet de résoudre de nombreux problèmes.
Dans ce Grand Conseil, une majorité intelligente permettra de mettre en place un schéma de circulation, cela au-delà des passions partisanes et des promesses démagogiques. Je rappelle ce qui a déjà été dit: «Vous savez que de l'autre côté on a fait tellement de propositions mirobolantes lors des
élections pour allécher la population dont on n'a pas vu l'ombre d'une réalisation». Il faut donc faire attention de ne pas les suivre sur ce terrain!
Mais il faut trouver une majorité intelligente, celle qui a permis la réalisation du contournement par l'autoroute, celle qui permettra l'utilisation du centre-ville, redonnera vie aux commerces et à la population du centre en extrayant le trafic de transit et en mettant en place un schéma de circulation qui, en définitive, sera profitable à tous.
M. Hervé Dessimoz (R). J'ai entendu beaucoup de termes vigoureux ce soir, en tout cas très symboliques de la qualité du débat tels notamment le populisme et l'opportunisme politique. Monsieur Spielmann, je voudrais vous dire que les radicaux ne revendiquent ni le populisme, ni l'opportunisme politique dans ce débat, mais la cohérence et le respect des engagements pris. Ecoutez ce que je vais vous dire et, après, nous parlerons.
Bien souvent, vous nous reprochez le manque de dialogue. Hier encore, au sujet de l'aéroport, M. Rouiller l'a fait avec vigueur. Ce soir, c'est vous qui démontrez l'absence totale de dialogue...
M. Jean Spielmann. Pas du tout!
M. Hervé Dessimoz. ...notamment en étant partisan de l'autorité qui essaie d'imposer une marche forcée pour la réalisation d'un projet sensible. Je crois que l'on ne fait pas le bonheur des gens... Mais laissez-moi terminer, ensuite vous vous prononcerez...
La présidente. Monsieur Spielmann, s'il vous plaît, laissez parler M. Dessimoz.
M. Hervé Dessimoz. Madame la présidente, on ne fait pas le bonheur des gens contre leur gré. En matière d'aménagement du territoire, il n'y a pas de succès possible sans l'adhésion du plus grand nombre au projet et surtout des premières personnes concernées, en l'occurrence les commerçants. Or, si ces derniers se manifestent avec autant de vigueur, ce n'est pas par opportunisme politique, mais parce qu'ils ont peur ou peut-être par mauvaise compréhension du projet également. Mais non par mauvaise foi.
La mauvaise foi, c'est celle qui consiste à accuser les opposants au projet plutôt que de penser que les mesures proposées sont trop importantes ou encore que l'information a été insuffisante.
Monsieur Ziegler, je voudrais vous rappeler la motion qui accompagnait la loi sur les transports publics et qui provenait de la commission des transports. Dans les considérants, elle disait que les projets «Transports publics 2000», «Transports collectifs 2000» et «Circulation 2000» sont complémentaires, que la mise en place de l'un ne saurait se faire au détriment de l'autre et qu'il n'est pas possible que des restrictions de circulation ou de parcages supplémentaires soient ordonnées sans que des mesures de substitution préalables soient prises dans les périmètres concernés par ces projets.
Cette motion invitait le Conseil d'Etat à présenter le plan de la coordination des étapes de réalisation de ces deux projets et à différer toute réalisation et tout aménagement prévus de ces deux projets avant la présentation de ce plan, sauf en ce qui concerne l'intégration de l'autoroute dans les schémas de circulation.
Je conclus, Monsieur le président, en citant votre déclaration au nom du Conseil d'Etat: «Je vous engage à accepter les motions qui accompagnent le rapport de la commission. Le professeur Bovy me livrera son rapport le mois prochain et je suis certain que le Conseil d'Etat pourra rapidement donner suite à la motion y relative». Nous l'attendons toujours, Monsieur le président!
Monsieur Spielmann, vous disiez tout à l'heure qu'on pouvait adopter les motions ou s'en «balancer». Malheureusement, j'estime que nous avons été trahis parce que c'était une des conditions que nous avions fixées -- et qui est clairement formulée dans les procès-verbaux de la commission des transports publics -- celle nécessaire pour que les radicaux votent la loi sur les transports publics. Notre exigence est que cette motion ne soit pas rangée dans un tiroir, mais qu'elle soit respectée et trouve une réponse.
M. Max Schneider (Ve). Je m'étonne que M. Brunschwig entende représenter les milieux économiques. Mais les milieux économiques, Monsieur Brunschwig, sont aussi vos employés. Nous sommes tous dans le milieu économique. Je pense que les grandes entreprises ne sont pas les seules à pouvoir se targuer de représenter l'économie à Genève.
Il me semble que vous ne vendez pas des choses énormes, Monsieur Brunschwig! Vous parlez comme si vous deviez transporter des lits, des armoires. Mais, pour aller faire des emplettes dans votre commerce, pour acheter une cravate ou une belle robe, on n'a pas besoin de mobiliser un véhicule d'une ou deux tonnes. En plus, elles sont très belles vos cravates, Monsieur Brunschwig! Mais on peut tout à fait accéder à votre magasin en tram puisqu'il s'arrête devant. Alors de quoi vous plaignez-vous?
J'espère que M. Ziegler défendra ce plan jusqu'au bout, comme Mme Truttman à Strasbourg d'ailleurs. Il me semble que ce sera beaucoup plus facile pour vos acheteurs.
Je pense que Genève gagnera en harmonie grâce à ce plan. Le tourisme sera certainement favorisé puisqu'on pourra se promener dans une ville un peu moins polluée. Personnellement, je suis tout à fait d'accord, étant dans la même fédération d'artisans que M. Genecand, puisqu'on fait aussi partie de ce milieux économique que vous prétendez représenter, Monsieur Brunschwig. Nous souhaitons vraiment que M. Ziegler mène son projet à terme avec la même fermeté dont il a fait preuve jusqu'à présent.
M. Thierry Du Pasquier (L). Depuis une heure environ, le débat dépasse le projet de motion que nous vous avons présenté. Il porte sur le problème de la circulation d'une façon générale, de «TC 2000», de «Circulation 2000».
J'en porte une certaine responsabilité, je l'admets, car en présentant ce projet je me suis exprimé sur ce que je pense de la politique de la circulation pratiquée actuellement. On nous a reproché tout à l'heure de faire de l'électoralisme. Permettez-moi de dire que je ne pensais pas situer le débat sur ce plan. J'aimerais dire aussi qu'il ne nous paraît pas absolument exclu que dans la position prise par la gauche, ou peut-être par M. le président du département de justice et police, il y ait aussi quelque allégeance à l'égard d'une certaine «Alternative». Cela ne me paraît pas être le problème ce soir, pas plus que de savoir si nous sommes pour ou contre «TC 2000» ou «Circulation 2000».
La question est de savoir s'il se justifie ou non d'interrompre des mesures néfastes à l'économie de notre canton, susceptibles d'aggraver le chômage et les difficultés dans lesquelles nous sommes, alors que nous n'avons pas encore pris d'option politique sur la circulation.
Nous parlons de quelque chose de complètement absurde. On n'a pas encore de loi sur la circulation et on veut déjà bloquer un certain nombre de rues. C'est absolument aberrant! On essaie de nous donner des leçons du côté de la gauche, et même du côté des communistes, sur la gestion des affaires économiques. Mais écoutez, ça nous fait rigoler...
Une voix. Hé, hé, ouais alors...
M. Thierry Du Pasquier. Cela nous fait vraiment rire!
La présidente. Monsieur Spielmann, s'il vous plaît!
M. Thierry Du Pasquier. Monsieur Ziegler, votre dossier contient un certain nombre de documents émanant de la Chambre de commerce, du Groupement des Transports et Economies, du groupe Défi, du Touring Club Suisse qui tous, vont dans le même sens. Selon le Touring Club Suisse, qui n'ose jamais prendre position contre les décisions du gouvernement, «Le département de justice et police persiste à vouloir imposer, non pas un plan de mesures, mais bien une idéologie consistant à dégrader l'accessibilité au centre-ville par une fermeture progressive, mais toujours plus étendue, des axes et des espaces à la circulation».
Cela ne va plus et c'est pourquoi aujourd'hui nous nous occupons de cela. Monsieur le chef du département de justice et police, c'est à vous que je m'adresse. Depuis le début de cette législature, vous avez pris sur vous de façon autoritaire d'ordonner un certain nombre de mesures qui ont déjà des effets catastrophiques.
Monsieur le président, lorsque l'on prend des mesures de cette importance, elles portent leurs fruits. Vous avez diminué l'accessibilité à la ville en réduisant tous les accès radiaux au centre de trois ou de quatre pistes à une seule piste utile. Ne venez pas dire que c'est pour faciliter l'accessibilité à la ville!
Il faut procéder d'une façon raisonnable. Avant de prendre des mesures aussi absurdes et contestables, dont on n'a même pas étudié l'impact économique, il faut promulguer démocratiquement une loi. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi est actuellement pendant devant la commission de la circulation.
Cette motion n'a pas d'autre objet, ni d'autre but que de vous contraindre à suspendre ces mesures. Elle ne vise pas à annuler les mesures dramatiques que vous avez déjà prises, mais de les suspendre jusqu'à ce que le Grand Conseil ait pris démocratiquement une position sur la circulation routière.
M. Claude Blanc (PDC). Une fois de plus, nous nous trouvons dans un débat entre intégristes de tous bords, et je ne pense pas que nous arriverons à trouver une solution si nous continuons à nous envoyer de tels arguments à la figure.
Il est vrai que les commerçants du centre-ville ont des raisons d'avoir peur, car ils constatent qu'un certain nombre de mesures, qui ne datent pas d'aujourd'hui, vont toujours dans le même sens, tenter de diminuer, d'empêcher l'accès au centre-ville.
En face, il y a des gens qui donnent à ces commerçants des raisons d'avoir peur en radicalisant toutes les positions. Monsieur le président du département de justice et police, vous avez deux catégories de conseillers, vous avez des conseillers techniques qui font un excellent travail et vous préparent de bons projets, et je pense que vous pouvez les écouter. Mais vous avez aussi des conseillers idéologiques dangereux qui font peur à ceux d'en face.
Vous entretenez la peur parce que nous avons le sentiment que vous cédez à des intégristes qui ont décidé une fois pour toute de bannir la circulation automobile à Genève. (Ronchonnements.) Vous nous dites que le plan de «Circulation 2000» est un complément à la mise en service de la traversée de la rade...
Une voix. Lapsus...
M. Claude Blanc. Euh pardon! Vous voyez comme ma langue fourche! Mais elle fourche précisément à bon escient, puisque vous dites que ce plan est un complément à la mise en service de l'autoroute de contournement, mais qu'il sera aussi un complément à la traversée de la rade.
On a déjà beaucoup discuté de la traversée de la rade, la manière de la faire, de la payer, quand on la fera et comment on la fera. Personnellement, je continue à penser qu'il faut trouver le moyen de la faire, mais je suis
convaincu que, précisément, Monsieur le président, vos conseillers idéologues sont décidés à faire tout ce qu'ils pourront pour faire avorter la traversée de la rade, et c'est pour cela que nous ne pouvons pas avoir confiance.
Alors, la seule personne en qui nous pouvons encore avoir confiance, Monsieur le président, parce que nous vous savons assez indépendant d'esprit et assez honnête pour essayer de dégager une voie praticable parmi tous ces intégristes, c'est vous.
Je vous demande aujourd'hui, Monsieur le président, de faire un geste d'apaisement en acceptant de différer quelque peu les mesures draconiennes que vous avez projetées et, dans l'intervalle, de faire établir enfin cette étude d'impact économique qui, j'en suis convaincu, sera de nature à rassurer ceux qui ont peur des mesures que vous allez prendre et peur des gens qui vous conseillent.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Je dois sans doute remercier les adversaires des mesures destinées à accompagner la mise en service de l'autoroute de contournement, mesures certes significatives mais pourtant modestes, des occasions à répétition qu'ils me donnent de tenter de mieux faire passer le message. Après le projet de loi tendant à faire régler la circulation par le Grand Conseil lui-même, il y a eu l'oukase de la résolution «Khasboulatov» que j'ai comparée au travail de sape du Congrès russe pour tenter de s'opposer aux réformes démocratiques d'Eltsine. Pour rester dans les métaphores russes, qui sont à l'honneur dans ce débat, le pilonnage d'aujourd'hui n'est pas sans évoquer les «orgues de Staline». (Rires et applaudissements.)
Il est une autre raison pour laquelle j'entends remercier les motionnaires. Par l'excès même de leur propos, ils contribuent à faire réfléchir les citoyens sur l'arrogance des puissants: de ceux qui ont le pouvoir, de l'argent et le volant (Rires.) et qui méprisent les valeurs de solidarité, de justice, de responsabilité et d'ouverture. La force des idées trop simples, ça rassure les machos, mais cela ne répond pas aux attentes d'une société complexe qui recherche l'épanouissement de chacun, pas seulement de certains.
Il y a beaucoup à dire, mais j'entends ramener mon propos à trois volets:
-- je réfuterai d'abord la caricature malhonnête que vous faites du travail de mes services et des mesures qui ont été mises à l'enquête;
-- j'en viendrai ensuite à la problématique politique, forte et juste, du contrôle démocratique sur la politique des transports;
-- et je terminerai surtout par quelques perspectives d'avenir.
S'il est un usage généralement respecté dans ce parlement, c'est bien de parler politique, de s'en prendre au gouvernement et à ses membres, mais pas à des fonctionnaires qui ne peuvent répondre. Emportés par votre ardeur, vous avez même franchi ce Rubicon: l'exposé des motifs de la motion comme le tableau dantesque dressé par M. Du Pasquier ce soir de la circulation à Genève sont un tissu de calomnies qui a écoeuré les collaborateurs de l'office des transports et de la circulation ou de la police qui sont mis en cause. Parler d'ondes rouges, de volonté d'engorger le trafic, de manipulations de mandataires ou de commerçants, c'est insulter le travail de ces professionnels qui, jour après jour, renouvellent le miracle de faire permettre toujours plus de déplacements sur un territoire qui, lui, n'est pas en expansion.
Sur les mesures d'accompagnement de l'autoroute prévues au centre-ville, il y a nombre de personnes de bonne foi qui expriment leur anxiété: c'est qu'elles ne se réfèrent pas aux propositions faites, mais aux rumeurs entretenues, à la désinformation répandue par des personnes ou des associations qui, pourtant, savent: ils savent parce qu'ils ont collaboré au plan de mesures «Assainissement de l'air» à Genève; ils savent parce qu'ils ont participé à la consultation sur la conception globale «Circulation 2000»; ils savent parce qu'ils ont été étroitement associés à l'élaboration des mesures avant même leur mise à l'enquête; ils savent parce qu'ils sont membres de la commission consultative de la circulation, voire parce qu'ils sont députés, en tout cas parce qu'ils disposent de tous les documents et savent les lire -- et je persiste à penser que ce n'est pas trop demander: la démocratie est après tout un pari sur l'intelligence!
Oui, le Groupement Transport et Economie et ceux qui le composent, la Chambre de commerce et d'industrie qui est d'habitude plus constructive, certaines associations de commerçants ou d'automobilistes, que savent-ils qu'ils taisent et déforment?
Que c'est seulement une modification des itinéraires de transit au centre-ville qui est proposée.
Que l'accès aux places de parc, la prise en charge d'objets encombrants ou de personnes, les livraisons et le trafic professionnel seront non seulement possibles mais facilités.
Que tous les commerçants et les habitants des rues de connexion pourront bénéficier d'un macaron pour leur véhicule facilitant leurs déplacements.
Que la circulation au quai des Bergues, à la rue du Rhône, à la Corraterie, à Coutance et à Cornavin sera certes réduite, débarrassée d'un trafic parasite -- ce qui facilitera d'autant les déplacements de ceux qui y auront accès -- mais nullement supprimée comme on veut le faire croire.
Les commerçants qui craignent une baisse de leur chiffre d'affaires parce qu'il n'y aura plus de trafic de transit devant leur porte font un cauchemar surréaliste. Il faut imaginer des vaches menaçant de faire la grève du lait si elles n'ont plus de train à regarder passer... (Rires et applaudissements.)
C'est dire qu'il est tout simplement faux de prétendre que ces mesures nécessitent d'abord la création de parkings de substitution. Substitution à quoi? Aux places supprimées, à l'accessibilité diminuée? Il n'y a pas suppression mais, au contraire, augmentation du nombre de places, et l'accessibilité est partout garantie; pas une seule des plus de soixante lettres reçues dans l'enquête publique ne démontre le contraire. Attendre l'évitement de Plan-les-Ouates, la traversée de la rade? Et pourquoi pas Swissmétro, pendant que vous y êtes? Non, ces futures infrastructures appelleront elles aussi des mesures d'accompagnement en temps utile, mais celles dont nous parlons aujourd'hui sont strictement limitées aux modifications de comportement qu'induit l'ouverture, le 27 juin, du tronçon 8 de la route nationale 1a.
Certains font semblant de croire que ces mesures sont le fruit d'une politique personnelle que j'ai imaginée dans mon bain et qui échappe à toute orientation politique et à tout contrôle. (Rires épars.) Oui, comme Archimède! Et ils réagissent en proposant une ou plusieurs lois, des contraintes supplémentaires, des procédures plus tatillonnes, tous ces instruments chers à la dérégulation, à l'esprit d'entreprise, à la marche en avant d'un projet mobilisateur pour Genève...
Il me faut donc remettre l'église au milieu du village et resituer les mesures d'accompagnement de l'autoroute dans la cohérence et la continuité de l'action du Conseil d'Etat:
1. Le plan de mesures «Assainissement de l'air» à Genève adopté, le 27 mars 1991, par le Conseil d'Etat à l'issue de plusieurs mois de collaboration interdépartementale décrit déjà en détail les mesures qu'il charge formellement le département de justice et police de mettre en oeuvre:
-- page 48, mesure TI (transport individuel) n°3: «Un nouveau plan de circulation sera mis en place pour 1993, date de l'ouverture de l'autoroute de contournement...»;
-- page 50, mesure TI 5: «Les premières mesures seront prises sur les axes de transit de l'hyper-centre (rue du Rhône, Corraterie-Coutance)... Cette évolution sera précisée dans un premier rapport «Circulation 2000»...»;
-- page 89-90, dans la partie relative aux modalités de mise en oeuvre de ces mesures, le mandat en est expressément donné à l'«OTC», le début de réalisation fixé à «1993» et les modalités d'exécution désignées: «Réglementations locales du trafic (LCR)».
2. Avant d'ouvrir ce qui n'était qu'une consultation sur un projet de conception globale «Circulation 2000», en août 1992, j'ai porté à l'ordre du jour du Conseil d'Etat ce point avec l'audition du directeur de l'OTC, mais le Conseil d'Etat y a renoncé.
3. Fin 1992, le plan de «Circulation 2000» a pu être présenté et discuté à la commission technique cantonale en matière économique. L'accueil a été excellent et le département de l'économie publique, par une lettre de son secrétaire général, s'en réjouissait et promettait sa collaboration active.
4. Le Conseil d'Etat a eu une discussion approfondie en mars 1993, presque une après-midi entière. Le directeur de l'OTC a pu ainsi détailler les éléments du concept «Circulation 2000» connu des membres du gouvernement depuis août 1992, et le professeur Philippe Bovy, l'expertise de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne portant à la fois sur cette conception et sur la consultation à laquelle elle a donné lieu. Le Conseil d'Etat a en particulier traité des mesures d'accompagnement de l'autoroute, car c'est la principale conclusion de l'expertise de l'EPFL.
Tels sont les faits, et ils sont têtus, comme disait ce soir M. Du Pasquier, mais, bien avant lui, Lénine, puisque nous en sommes aux citations russes.
Cela dit, c'est avec intérêt que j'observe les libéraux -- qui se sont toujours opposés aux combats de la gauche et des écologistes pour le contrôle démocratique du nucléaire, de l'aménagement du territoire ou de l'aéroport -- en venir enfin à cette problématique.
Je constate simplement que cette demande intervient au moment où, comme jamais auparavant, une politique a été déterminée dans la concertation et la transparence. Par comparaison, la politique suivie pendant trente ans de démantèlement des lignes de tram, de mise en place de la petite ceinture et de la moyenne ceinture, a été un chef-d'oeuvre de vrai pouvoir technocratique, c'est-à-dire occulte et échappant au débat politique. M. Balestra, qui connaît ses classiques du libéralisme, a certainement lu l'Ancien Régime et la Révolution, d'Alexis de Tocqueville. Il y présente cette loi sociologique selon laquelle l'absence d'espoir ne produit pas la révolte mais l'apathie, alors que le début des réformes est la période dangereuse car propice à tous les débordements et les emballements. Tocqueville n'imaginait sûrement pas que ce type d'égarement s'appliquerait un jour à des libéraux...
J'observe aussi que la politique de circulation en roue libre, qui est prônée par certains, fait bon marché des décisions démocratiques touchant, par exemple, les transports publics ou le réseau cyclable; dans les deux cas, ce qui vous semble déjà excessif est encore loin de réaliser pleinement le mandat populaire.
Et maintenant? Que va-t-il se passer? Dans la conférence de presse qui a ouvert l'enquête publique, loin d'imaginer ces déchaînements, compte tenu de tout le travail préalable effectué, j'ai évoqué l'idée d'un rassemblement des bonnes volontés autour de la paix des transports qu'incarnent le plan de mesures et «Circulation 2000», car c'est la convergence des intérêts et non la confrontation qui a été recherchée. J'y crois toujours, même si je regrette que certains milieux d'automobilistes et de commerçants qui ont, pendant trois ans, collaboré à l'oeuvre commune rompent cet accord moral au moment de conclure, et tentent de rafler toute la mise.
Dans ces conditions, le rôle de l'exécutif est évidemment de maintenir le cap dans la tempête et de faire preuve d'autorité: je n'y faillirai pas. Cela ne m'empêche pas de rester disponible pour le dialogue lorsque les tenants de la rupture auront compris que cela ne marche pas, et je suis prêt à faire les gestes qu'il faut pour faciliter ce retour à la raison.
Je constate que l'enchaînement chronologique entre la mise en service de l'autoroute et les mesures au centre-ville a été mal perçu. Cela est évidemment dû au fait que l'autoroute reste une réalité virtuelle, alors que les habitudes qui seront inévitablement dérangées au centre-ville sont, elles, bien tangibles. Aurait-il fallu, de manière plus didactique, mettre à l'enquête les mesures d'accompagnement le jour de l'ouverture de l'autoroute? Poser la question c'est y répondre: que n'aurais-je entendu sur le mauvais coup perpétré au début des vacances en lançant l'enquête publique le lundi 28 juin...
Je tiens donc à confirmer qu'aucune mesure d'accompagnement ne sera prise avant l'ouverture de l'autoroute. J'ai d'ailleurs répondu favorablement à une demande du département de l'économie publique d'attendre son préavis jusqu'au 30 juin, car autant l'expertise de l'EPFL démontre qu'il faut faire le lien entre la nouvelle infrastructure et ses effets positifs au centre-ville -- ce qui exclut tout report à six mois ou à un an -- autant ce n'est pas une question de jours ou de semaines. Il faut savoir que de telles mesures ne se mettent pas en place toutes seules et la mise en service de l'autoroute seule implique déjà un travail intense qui déborde la date de son ouverture. Je suis donc tout à fait disposé à faciliter la digestion du changement en procédant par étapes, ce qui est une réponse, Monsieur Joye, à votre résolution du mois dernier.
Ensuite, je constate qu'il y a, pour le quai des Bergues et Coutance - Cornavin, un large accord refusé seulement par quelques mauvais coucheurs. Je tiens ici à saluer la collaboration qui a été très intense et fructueuse avec l'Association Faubourg - Saint-Gervais qui regroupe les commerçants de ce secteur, comme avec l'Association des habitants, La Placette ou l'Hôtel des Bergues. C'est cette démarche pragmatique et non idéologique qui a permis que des solutions harmonieuses soient trouvées et comprises de toute part.
A l'inverse, je ne me résigne pas au blocage du dialogue concernant la rue du Rhône et le quai Général-Guisan. Le président de l'Association des commerçants Rhône - Bel-Air - Fusterie a, par exemple, refusé purement et simplement de tenir une séance avec l'OTC dans la phase préparatoire. J'entends donc disjoindre ce dossier, ce qui permettra de l'approfondir pour pallier le retard pris dans la concertation par cette politique de la chaise vide, et peut-être y a-t-il encore des améliorations à apporter au projet. Ce report dans le temps permettra à chacun de constater l'effet positif des mesures là où elles auront déjà été mises en place; si cela peut faire enfin tomber les préventions infondées de certains commerçants de la rue du Rhône, c'est un avantage qui vaut bien un peu de retard par rapport au programme.
Ensuite, conformément au rapport d'expertise de l'EPFL et aussi à la motion que vous aviez votée sur la coordination de «Transports collectifs 2000» et de «Circulation 2000», nous présenterons à ce Grand Conseil l'ensemble des mesures qui pourront être prises d'ici 1995, incluant les mesures d'accompagnement de la ligne de tram 13 et du parking de Saint-Antoine, par exemple. Le Conseil d'Etat fait sienne la démarche préconisée par le professeur Bovy de procéder par étapes de trois à cinq années, faisant à chaque fois l'objet d'une évaluation serrée permettant de reformuler les objectifs et le contenu de l'étape suivante.
Mesdames et Messieurs les députés, la situation économique difficile dans laquelle nous nous trouvons provoque l'inquiétude. Sachons ne pas demeurer tétanisés par elle, car ce n'est pas une solution, mais trouvons en nous les ressources qui nous sont nécessaires pour que Genève reparte du bon pied. (Applaudissements de la gauche.)
M. René Koechlin (L). Je voulais simplement ajouter une remarque à ce long débat et à l'intervention du président Ziegler.
Probablement, toutes les mesures que vous prenez sont excellentes, Monsieur Ziegler, je vous l'accorde. J'admets a priori qu'elles sont adéquates et parfaitement justifiées, car je vous fais confiance. S'il n'y a rien à redire sur la pertinence de ces mesures, on peut en revanche s'étonner de la manière dont vous les prenez.
Avant d'avoir essayé et testé les résultats, vous traitez déjà les opposants de «mauvais coucheurs». Or la gestion de la ville relève d'une science que l'on appelle la systémique, qui est l'art de gérer les systèmes complexes. Peu de choses sont aussi complexes que la société des hommes.
Une voix. Et les femmes?
M. René Koechlin. Or je vais vous dire comment l'on procède en matière de systémique. D'abord, on agit puis on attend et on observe les rétroactions. Ce n'est qu'après les avoir analysées que l'on peut procéder à la conclusion qui, elle, peut être définitive.
Or, en matière de circulation précisément, il n'est pas difficile de faire une expérience, c'est-à-dire d'agir, de tenter une expérience par des mesures pouvant être provisoires, de récolter ensuite les rétroactions suivant ces mesures et enfin de conclure.
Mais vous, vous voulez conclure avant d'avoir obtenu les rétroactions, c'est-à-dire avant d'avoir fait l'expérience. Dites-moi à quel moment ces rues ont été fermées? Vous diriez: «Nous procédons à ces mesures à titre provisoire ou expérimental, pendant six mois par exemple». C'est ainsi que l'on procède en matière de circulation.Toute la gestion de la ville devrait d'ailleurs être conçue de cette manière.
En politique, c'est la même chose. Nous procédons par approches successives. Nous provoquons des réactions pour enfin conclure.
Monsieur Ziegler, vous procédez comme Lénine -- que vous citiez tout à l'heure -- qui employait la manière forte. Vous privez le citoyen automobiliste de la liberté de choisir son parcours avant même que l'autoroute de contournement ne soit ouverte. Vous imposez une solution au lieu de la faire surgir spontanément. Vous pratiquez ainsi l'autoritarisme d'Etat.
M. Thierry Du Pasquier (L). (Ronchonnements.) Madame la présidente, avec votre permission, je voudrais poser à M. le président du département une question que j'avais déjà posée, mais à laquelle soit il n'a pas répondu, soit je n'ai pas complètement compris la réponse.
Monsieur le président, l'article 5 de la loi du 18 décembre 1987, que j'ai déjà mentionné, stipule que les interdictions ou restrictions importantes de circuler et de parquer dans des zones d'activités commerciales intenses font l'objet d'un préavis du département de l'économie publique. Jusqu'à aujourd'hui, vous n'aviez jamais parlé de ce préavis. Tout à l'heure, nous avons compris que l'autoroute sera ouverte le 27 juin et que vous recevrez ce préavis le 30 juin.
Je vous pose la question suivante, Monsieur le président. Quel délai donnerez-vous à ce parlement pour se prononcer sur ce préavis avant de prendre les mesures que vous entendez appliquer?
M. Jean Spielmann (T). Le débat qui vient de s'instaurer et les réponses du parti libéral amènent tout de même quelques réflexions. Je voudrais relever l'extraordinaire contradiction de la démarche des élus libéraux de ce parlement.
Ces élus libéraux constatent, ayant entendu comme tous les députés de cette salle -- d'ailleurs, ils le savaient déjà, on l'a répété en commission, mais il n'est pas inutile de le leur redire -- qu'un travail de concertation a eu lieu pendant plusieurs années. Certains milieux le dénient aujourd'hui pour se mettre à leur diapason.
On a dit que s'il y avait opposition, si les gens n'étaient pas d'accord avec les mesures prises ou encore si les procédures de concertation, de consultation, de dialogue n'avaient pas pu porter leurs fruits -- et même lorsque c'est dans vos milieux que l'on pratique la politique de la chaise vide -- on n'appliquerait pas ce projet immédiatement.
Deuxième contradiction: on a répété que ce sont des mesures qui vont essayer d'influer sur le comportement des personnes dans le domaine de la circulation. Il faudra examiner ces comportements afin d'ajuster la politique des transports et prendre des mesures qu'on ne connaît pas aujourd'hui, puisqu'on ne connaît pas encore ces comportements.
Il faut donc un instrument souple et, comme vous l'avez dit: «Faisons des essais, ensuite on verra!». C'est bel et bien ce que l'on vous propose. De plus, les essais sont faits en parfaite concertation.
Qui, dans ce parlement, propose de légiférer en matière de circulation, de faire un projet de loi pour réglementer le tout, de faire voter «au pas de charge» sans aucune consultation ni discussion des mesures autoritaires sans essai, sans concertation, sans dialogue politique? C'est une mise en place d'un diktat sur la circulation qui émerge de l'esprit de gens qui -- on l'a vu -- trompent la population sur ce qui s'est dit, sur ce qui s'est fait, sur les mesures proposées.
Vous réalisez ici une vraie malhonnêteté politique. Sinon, répondez concrètement aux questions posées. Qui propose des mesures avec concertation et discussion et qui propose des diktats avec un projet de loi sur la circulation?
Vous avez dit tout à l'heure que c'était stupide et faux de légiférer, de réglementer sans qu'il y ait rien en retour. C'est vous-même qui proposez une loi en matière de circulation! Alors, soyez cohérents -- si ce n'est pas trop vous demander -- avec la position que vous avez prise jusqu'à présent. Je pense que ces positions méritent d'être démasquées et dénoncées dans ce parlement.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il y a encore un certain nombre de députés inscrits. Puis-je vous faire savoir humblement que j'ai l'intention de finir l'ordre du jour ce soir.
M. Hermann Jenni (MPG). Je poserai une simple question au président Ziegler. Tout à l'heure, dans son long discours -- où d'ailleurs il s'est livré à certains excès, et tout ce qui est excessif est insignifiant -- il a constamment prétendu parler au nom du Conseil d'Etat. J'aimerais qu'il m'explique une chose. En effet, comment se fait-il que dans ce Conseil d'Etat, où les décisions ont été analysées, approuvées et tout ce qui s'ensuit, on n'ait pas moins de trois conseillers d'Etat, trois membres de ce Conseil d'Etat qui, dans une assemblée publique, ont appelé à la révolte contre les mesures que l'on veut nous imposer?
M. Jean Spielmann. Ben, tu t'y connais!
M. Michel Balestra (L). Puisqu'il a été dit tellement d'horreurs au sujet de la loi que nous proposons, je dirai quelques mots.
En fait, cette loi ne fait que reprendre les mesures prévues dans le plan de «Circulation 2000»; mais elle subordonne ces mesures à l'acceptation de ces dernières par les commerçants concernés, donc aux conditions-cadres économiques des zones dans lesquelles on modère.
Je répondrai que ça ne me fait pas très plaisir de me faire donner des cours de gestion de la Cité, ce soir, par des gens, comme M. Spielmann, qui ont soutenu le parti communiste russe pendant cinquante ans. (Chahut. L'assemblée est déchaînée. M. Balestra hausse le ton pour se faire entendre.) Donc, je ne prendrai même pas la peine de vous répondre, Monsieur Spielmann. On devrait vraiment vous rappeler vos erreurs plus souvent, car vous reconnaîtrez qu'elles valent bien quatorze bonus-loyer; nous pourrons donc en faire encore treize!
Mais j'aimerais dire au président Ziegler qui est beaucoup plus raisonnable: «Faites attention de ne pas tuer la vache à lait parce que vous n'avez pas de congélateur pour garder la viande, et cette vache a l'énorme avantage de vous donner du lait quotidiennement».
M. Jean Spielmann (T). On vient d'entendre...
La présidente. Mme Roth-Bernasconi demande une motion d'ordre. Elle l'a demandée avant que vous ne vous leviez, Monsieur Spielmann.
(Brouhaha indescriptible.)
Mme Maria Roth-Bernasconi (S). Alors qu'il y a des problèmes très graves dans le monde, nous nous amusons, pour la troisième fois, à discuter pendant deux heures de problèmes de bagnoles. Je propose que l'on arrête de discuter et que l'on vote parce que les dés sont jetés. Personne ne perçoit personne. Je propose formellement qu'on vote tout de suite. (Applaudissements).
M. Jean Spielmann. Je conteste, Madame la présidente, vous m'aviez donné la parole. C'est scandaleux! C'est dégueulasse! C'est cela la liberté de parole?
Mise aux voix, la motion d'ordre est adoptée.
Mise aux voix, la motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue:
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). (Mme Reusse-Decrey tente de s'exprimer. Elle est interrompue par un brouhaha indescriptible!)
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, laissez parler Mme Reusse-Decrey! Si vous ne voulez pas l'entendre, allez à la buvette!
(Le brouhaha continue, les députés semblent ignorer les exhortations au silence de la présidente.)
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. J'attends, je n'ai pas envie de parler dans le vide!
La présidente. S'il vous plaît!
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Madame la présidente, j'attends que les personnes qui ne sont pas intéressées s'en aillent. Ce sera plus simple.
La présidente. Allez-y, Madame Reusse-Decrey s'il vous plaît, allez-y!
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Je vais essayer de me faire entendre, particulièrement du chef du département, puisque c'est à lui que s'adresse cette interpellation.
Le gouvernement genevois et le Grand Conseil ont toujours voulu éviter dans la mesure du possible que les procédures d'asile se passent et se fassent en vase clos et nous ne pouvons que lui en savoir gré.
L'année dernière encore, lors de l'ouverture du centre d'enregistrement de La Praille, le Conseil d'Etat n'a pas craint de dire tout haut son désaccord et il a même refusé de se joindre à l'inauguration dudit centre. (Chahut.) Cette ferme prise de position, malgré qu'elle n'ait pas été entendue, la mise en place d'un nouveau mobilehome devant le centre et la générosité d'un grand nombre de bénévoles ont tout de même permis d'assurer un minimum de transparence dans ce centre d'enregistrement, de préserver un accueil humain pour les requérants et de faciliter l'accès aux mandataires.
De récents exemples ont démontré que cette transparence et ces garanties minimales n'existent malheureusement pas dans les cas de demandes d'asile déposées à l'aéroport. Cela est d'autant plus regrettable que, justement en ce lieu, tout l'accès à la procédure dépend, dans un premier temps, des autorités genevoises et uniquement des autorités genevoises.
Je rappelle très brièvement les règles qui régissent une demande d'asile: il s'agit bien de l'expression de la volonté de rechercher protection et cela peut se faire même par gestes, si nécessaire.
A l'aéroport, le requérant est entendu par la police genevoise qui a l'obligation de communiquer les premières données à l'Office fédéral des réfugiés. Alors, la procédure suit son cours avec soit l'autorisation d'entrer en Suisse, soit le refus immédiat et le renvoi.
Cette dernière décision de renvoi immédiat est donc très lourde de responsabilité. On ne doit laisser aucune place à l'erreur, parce que les conséquences en seraient trop graves. Il faut se donner le maximum de moyens pour ne pas commettre d'appréciation hasardeuse et garantir une audition menée de manière irréprochable pour le requérant.
Depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté fédéral urgent sur l'asile, la procédure à l'aéroport n'échappe plus à la loi sur la procédure administrative et M. Kohler le dit lui-même dans un rapport du département fédéral: «Du point de vue de la procédure, la nouvelle réglementation apporte effectivement une amélioration pour le traitement des cas présentés aux aéroports dans la mesure où la procédure ne se déroule plus en dehors de la LPA».
Il ressort bien que, dès qu'un arrivant manifeste son désir de demander l'asile, il doit pouvoir être assisté d'un mandataire. Pour cela, il faut bien sûr lui en donner les moyens: l'information et les moyens de communiquer.
Je cite l'exemple tout récent qui a défrayé la chronique. Il s'agit d'un couple de Tunisiens avec un enfant en bas âge qui ont dû fuir leur pays. Ils ont décidé de se séparer pour des questions de sécurité. Lui est entré illégalement en Suisse, s'est présenté au centre d'enregistrement de La Praille à Carouge et sa demande a été enregistrée. La procédure suit son cours.
Elle et son fils choisissent la voie d'entrée légale. Avec un enfant n'est-ce pas le moyen le plus sûr? Aujourd'hui, elle se retrouve dans une situation précaire, expulsée en Algérie, séparée de son mari depuis plusieurs semaines. Elle a été renvoyée de l'aéroport de Cointrin par la police genevoise après avoir pourtant explicitement demandé l'asile.
Dans ce cas, la police a outrepassé ses droits puisqu'elle n'a pas averti les autorités fédérales comme la loi l'y oblige, et qu'elle a pris seule cette décision de renvoi.
Pour moi, cet exemple est très révélateur. D'un côté on pleure sur les entrées illégales des requérants, les passeurs, l'échec de la loi, l'asile et, d'un autre côté, on pratique une manière de faire qui ne peut qu'encourager les requérants d'asile à éviter les filières officielles, celles-ci ne leur accordant pas toutes les conditions de sécurité nécessaires.
Faute d'avoir une réelle possibilité de demander l'asile à l'aéroport, les requérants sont en fait contraints de choisir d'autres voies, illégales. Les chiffres qui nous ont été donnés lors de la visite au centre d'enregistrement à Cointrin sont assez révélateurs. Quatorze demandes d'asile présentées à l'aéroport depuis le début de l'année. Visiblement ce passage n'attire pas beaucoup les requérants parce qu'ils ont peur de se faire renvoyer. Trois cas sont connus des oeuvres d'entraide, mais combien ont été renvoyés dans l'anonymat le plus parfait puisque nous n'avons aucun contrôle sur ce lieu.
A ce propos, j'aimerais rappeler au département que M. Jacques-André Schneider avait déposé une question écrite sur ce point, il y a plus d'un an et qu'il n'y a toujours pas de réponse à cette question.
Une fois de plus, je redis dans ce parlement que la transparence serait bénéfique à toutes les parties concernées et éviterait des dérapages, des bruits qui courent et des plaintes administratives, comme celle qu'a reçue le Conseil d'Etat.
Le département pourrait-il nous dire s'il accepte à l'avenir trois choses?
Premièrement que l'étranger qui demande l'asile dans notre pays soit immédiatement informé de ses droits et devoirs. Actuellement ce n'est pas le cas et une simple feuille en plusieurs langues serait suffisante.
Deuxièmement que, préalablement à toute formalité, le requérant ait la possibilité, s'il le désire, de communiquer avec un conseil et d'accéder à un mandataire. M. Walpen nous a précisé l'autre jour qu'il craignait les risques de collusion. On pourrait très bien mettre un numéro de téléphone à disposition des requérants qui feraient leur demande sur un disque. Cette demande serait donc enregistrée et on éviterait ainsi tout risque de collusion.
Troisièmement que le mandataire constitué soit convoqué à temps aux auditions et puisse effectivement y participer et qu'en cas de décision de refus un délai suffisant soit accordé pour permettre un recours effectif avant le départ. On a vu des mandataires être convoqués dix minutes avant le départ de l'avion. Il est évident que c'est un peu court pour se rendre à Cointrin!
Ces mesures sont simples, faciles à mettre en place et ne chargeraient pas de manière trop importante la police de l'aéroport. Ce n'est que l'application de la loi voulue par Berne. Ces mesures permettraient en même temps d'éviter les soupçons qui pèsent sur les conditions de détention dans ces locaux de l'aéroport. On a reçu plusieurs témoignages décalés dans le temps et provenant de personnes d'origines tout à fait différentes qui attestent de conditions identiques: refus du droit de se doucher, de se changer, pas de nourriture, etc.
Depuis quelques semaines, le département semble abonder dans le sens d'une plus grande transparence dans les divers lieux de détention du canton et autoriser, entre autres, la commission des visiteurs officiels à faire un travail plus poussé. Je tiens à le remercier et je souhaite que ce dernier point noir, c'est-à-dire, le centre d'enregistrement de Cointrin, particulier, c'est vrai, par sa situation géographique puisque situé en zone internationale, puisse aussi faire l'objet d'un accord et d'une volonté accrue de transparence.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. L'interpellation de Mme Reusse-Decrey pose un problème général à partir d'un cas particulier. Je répondrai à l'un comme à l'autre.
En ce qui concerne le problème particulier, je vais vous dire ceci, Madame la députée. La police a commis une erreur qui doit être sanctionnée et il faut en tirer la leçon pour que cette erreur ne se reproduise plus; mais il ne faut pas non plus exagérer les conséquences de cette erreur et voici pourquoi.
Le 26 mars, une femme tunisienne et son enfant, les journaux l'ont appelée Leila, arrive à l'aéroport à 12 h 25 et se présente au contrôle des passeports à 21 heures, c'est-à-dire 8 heures plus tard. Leila arrive d'Alger et déclare d'emblée qu'elle a déchiré son passeport et son billet d'avion, qu'elle demande l'asile et qu'elle vient rejoindre son mari qui se trouve, précise-t-elle, en France ou en Italie. Leila, de nationalité tunisienne, exhibe une attestation du Haut Commissariat aux Réfugiés suivant laquelle elle est reconnue réfugiée sous le mandat du HCR en Algérie. Cette attestation datée du 22 décembre 1992 est valable pour l'Algérie jusqu'au 20 novembre 1993.
Sachant qu'elle venait rejoindre son mari dont elle n'a jamais dit qu'il était en Suisse, mais en France ou en Italie, qu'elle ne disposait d'aucune pièce d'identité ni d'aucun billet d'avion, qu'elle était porteuse d'une attestation qui la plaçait sous la protection du HCR en Algérie et valable jusqu'au 20 novembre 1993, les policiers ont décidé de la refouler sur l'Algérie par le vol de la compagnie algérienne qui l'avait amenée.
Cette décision, nos fonctionnaires de police n'avaient pas le droit de la prendre, parce qu'ils n'en ont pas la compétence, qui appartient à l'Office fédéral des réfugiés. Conformément à l'ordre de service, ils auraient préalablement dû soumettre le cas à l'Office fédéral des réfugiés qui tranche de l'admission ou du renvoi. L'Office fédéral des réfugiés nous a confirmé qu'il n'aurait pas pris une décision différente. Il aurait ordonné le renvoi de cette femme et de son enfant sur Alger; mais ce n'était pas aux fonctionnaires genevois de prendre cette décision. Ils n'auraient dû que l'exécuter. Le résultat aurait été le même, mais les policiers ont pris un raccourci de procédure qu'ils n'avaient pas le droit de prendre. Pour la sécurité du droit, il importe que les ordres de service soient scrupuleusement respectés. Ce raccourci est inadmissible, et c'est pourquoi il y a eu sanction.
Il faut maintenant tirer la leçon de cette erreur. Les règles ont été réaffirmées. Des contacts ont été pris avec l'Office fédéral des réfugiés pour améliorer la collaboration entre les fonctionnaires de police de l'aéroport et l'Office fédéral des réfugiés.
En l'espèce, la conséquence du manquement n'est pas grave puisque, le HCR nous l'a confirmé, Leila n'est pas en danger en Algérie où elle est placée sous sa protection et où elle a pu déposer une demande d'asile auprès de la représentation suisse avec l'aide efficace du réseau «ELISA».
Berne a décidé qu'elle doit attendre en Algérie l'issue de la procédure. Soit son mari, qui de fait se trouvait en Suisse et non en France ou en Italie, obtient l'asile et Leila sera autorisée à rejoindre son mari, soit son mari n'obtient pas l'asile et il sera renvoyé en Algérie et cette famille sera réunie. Dans tous les cas, une décision rapide est souhaitée.
Notre canton doit-il aujourd'hui demander à Berne l'autorisation d'entrer en Suisse, alors que l'issue de la procédure est imminente à en croire le «Journal de Genève» d'hier? Je ne le crois pas, d'autant que cette mesure aboutirait à un traitement plus favorable que si la procédure avait été normalement respectée.
Il n'y a pas de réparation à faire, car j'ai reçu l'assurance que Leila a été correctement traitée et hébergée, qu'elle a eu tout loisir de boire et de manger dans la zone de transit avec les 150 F suisses dont elle disposait et que le dortoir dans lequel elle a dormi est équipé d'un lavabo avec eau courante.
En l'espèce, le manquement de nos fonctionnaires n'a pas eu de conséquences graves heureusement, mais ce manquement, dans son principe, est grave et c'est pourquoi nous l'avons sanctionné. Il ne doit plus se répéter, d'où la réaffirmation des ordres de service et l'amélioration nécessaire des communications entre l'Office fédéral des réfugiés et les policiers de l'aéroport, à l'instar de la collaboration entre ces fonctionnaires et les représentants du HCR à Genève qui a déjà été améliorée.
Voilà donc pour le problème particulier. En ce qui concerne le problème général, Madame la députée, vous avez raison de constater qu'il n'est pas normal que les requérants préfèrent entrer illégalement en Suisse dans plus de 98% des cas en 1992 -- 300 cas sur 17 960 -- plutôt que de déposer une demande à un poste frontière, ce qui représente moins de 1,7% des cas, bien que, selon la loi et dans tous les cas, les requérants doivent déposer leur demande à un poste frontière.
C'est un problème très complexe. Il est vrai aussi que les aéroports sont des postes frontières d'un type particulier et qu'une plus grande transparence est souhaitable. Je ne suis pas sûr que toutes les mesures que vous proposez
soient acceptables ni même praticables. Je suis sûr en revanche qu'elles peuvent être discutées avec l'Office fédéral des réfugiés et, pour ma part, je suis prêt à en discuter et j'en discuterai avec les représentants des oeuvres d'entraide que je recevrai avec mon collègue, M. Segond, au tout début de ce mois de juillet.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). J'aimerais juste donner un exemple à partir de ce que vient de dire M. Ziegler sur l'importance de la transparence qui éviterait tous les quiproquos.
La personne dont vous avez raconté l'histoire s'est plainte de ne pas avoir pu boire pendant tout son séjour. Et vous nous répondez que, dans la cellule où elle a dormi, il y avait un lavabo. Eh bien, les quiproquos viennent de là! Elle arrive d'un pays où on ne boit jamais l'eau du robinet et c'est vrai qu'elle s'est évertuée à demander à boire et que les gardes lui ont répondu négativement. Voilà à quoi on arrive lorsqu'il n'y a pas de transparence et personne pour discuter avec les requérants.
D'où la nécessité d'une ouverture, qui encore une fois, servirait la cause de tout un chacun
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. J'ai précisé, Madame la députée, que pendant son séjour à l'aéroport, elle avait tout loisir d'aller dans la zone de transit. Elle a eu tout loisir d'aller s'alimenter et consommer des boissons dans la zone de transit.
L'interpellation est close.
La séance est levée à 19 h 10.