Séance du
jeudi 29 avril 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
4e
session -
15e
séance
GR 14-1
M. Maurice Giromini (R), rapporteur. M. M. R., A., D., présente son deuxième recours en grâce. Né en 1940, il a donc 53 ans. Il est originaire de Dampremy en Belgique et exerce la profession de navigateur.
Divorcé, il est père de trois enfants âgés respectivement de treize, cinq et trois ans et demi, issus de l'union libre avec Mme M. F.. Il les a reconnus. Il a également une autre fille, âgée de 31 ans, née de son mariage. La situation pécuniaire de M. M. n'a pas pu être précisée.
Condamné le 5 mai 1992 pour faux dans les certificats et titres étrangers, infraction à la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers, la peine infligée est de quinze jours d'emprisonnement, dont deux déjà subis en préventive, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans. Il a également été condamné à trois ans d'expulsion du territoire suisse.
M. M. a déjà été condamné en 1984, à huit jours d'emprisonnement et à trois ans d'expulsion avec sursis de deux ans pour avoir refusé de déclarer son identité à un agent de police. Sa demande de grâce porte sur le solde de la peine d'expulsion qui prendra normalement fin en mai 1995.
Il s'agit, comme je l'ai dit, de son deuxième recours, le premier ayant été rejeté par notre Grand Conseil le 17 décembre 1992. Les raisons qui découlaient du dossier de l'époque et qui avaient été présentées par le rapporteur de la commission de grâce pour recommander le rejet du recours, donc en décembre 1992, étaient les suivantes: (Brouhaha.)
(M. Giromini s'adressant à la présidente.) Puis-je obtenir un peu de silence?
(La présidente sonne la cloche.)
M. Maurice Giromini. M. M. n'aurait reconnu ses enfants naturels qu'après avoir été condamné, et uniquement dans le but d'obtenir sa demande de grâce. Le deuxième argument pour rejeter le recours était que M. M. n'aurait jamais contribué à l'entretien de ses enfants. Enfin, le troisième argument était qu'il aurait trompé son amie sur sa véritable identité pendant quinze ans car il vivait sous un nom d'emprunt. Or, ces trois arguments sont formellement réfutés par le recourant, raison pour laquelle il présente ce deuxième recours en apportant des éléments nouveaux.
Premièrement, il apporte la preuve qu'il a demandé un passeport sous sa réelle identité, en août 1991, donc plus d'une année avant la condamnation. De plus, son amie Mme «M», qui m'a demandé une audition, m'a affirmé que cette démarche avait été faite précisément pour qu'il puisse honorer sa promesse de reconnaître ses enfants.
Par ailleurs, sa première fille a écrit au président de la commission de grâce le 20 mars 1993 pour affirmer qu'elle est toujours restée en bons termes avec son père. Dans cette lettre, elle affirme que son père s'est toujours occupé d'elle, quelles que soient les circonstances, et qu'elle a gardé jusqu'à ce jour sa place auprès de lui. Mlle M. C. m'a confirmé ces affirmations de vive voix.
Le deuxième argument prétendant que M. M. n'a jamais contribué à l'entretien de ses enfants est également démenti formellement par Mme «M» qui m'a affirmé lors de son audition que, malgré le fait qu'il était souvent absent à cause de ses occupations, il s'était toujours occupé de ses enfants et qu'il gardait des contacts constants avec sa famille.
Le troisième argument disant que M. M. aurait trompé son amie sur sa véritable identité pendant plus de quinze ans est également réfuté par Mme «M» elle-même qui m'a dit être au courant des raisons pour lesquelles son ami vivait sous une fausse identité et que cela n'avait jamais influencé les rapports de confiance qu'ils entretiennent l'un avec l'autre. (Brouhaha intense.)
(La présidente demande le silence dans la salle.)
Comme je l'ai déjà dit, j'ai rencontré Mme «M» qui est venue avec Mlle M. C., sa fille aînée âgée de treize ans, et son garçon de cinq ans. Le troisième enfant de trois ans et demi était absent. Mme «M» m'a expliqué les énormes difficultés qu'elle rencontre à cause de la séparation d'avec son ami.
En effet, elle n'a pas les moyens d'aller le voir en Belgique. Lui-même ne peut que très difficilement se déplacer pour se rapprocher de Genève. Cette situation provoque chez elle un état dépressif qui l'empêche de plus en plus souvent de travailler, ce qui aggrave la situation pécuniaire déjà très précaire de la famille.
Par ailleurs, les enfants réclament leur père et sont très perturbés par son absence; surtout l'aîné, et le garçon de cinq ans qui est devenu très difficile. Je peux affirmer avoir été très ému par l'état de désarroi dans lequel se trouve Mme «M». J'ai pu constater que le petit garçon est effectivement très perturbé et présente des troubles patents du comportement.
Je peux affirmer aussi que Mme «M» est profondément attachée à M. M.. Elle dit être prête à l'épouser, mais dans le cadre d'un acte d'amour et non pas poussée pour des raisons administratives. Je pense sincèrement que cette famille ne peut humainement pas continuer à vivre dans la situation actuelle et qu'il est indispensable de lui venir en aide.
Par ailleurs, les faits reprochés à M. M. ne sont pas très graves, de sorte que la balance entre ce qui pousse à maintenir sa peine et ce qui pousse à lui accorder la grâce me paraît très nettement pencher en faveur de cette dernière.
Pour toutes les raisons techniques et surtout humanitaires que je viens de vous expliquer, et malgré le préavis du procureur général qui reste négatif, la commission de grâce, à la majorité de ses membres, vous demande de revenir sur votre décision de décembre 1992 et d'accorder à M. M. la grâce de la peine d'expulsion.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce du solde de la peine d'expulsion) est adopté.