Séance du
jeudi 11 février 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
2e
session -
6e
séance
I 1852
M. Pierre-Alain Champod (S). L'entrée en vigueur, le 1er janvier dernier, de la nouvelle loi cantonale sur l'assurance-maladie et des arrêtés fédéraux urgents a entraîné un certain mécontentement dans la population, notamment chez les familles de condition modeste.
Ce mécontentement est lié à la fois à la hausse des cotisations de l'assurance de base, sans qu'il y ait en contrepartie une amélioration des prestations et, également, aux assurances complémentaires dont le libellé est souvent incompréhensible et qui ont été introduites par certaines caisses sans que les assurés les aient réellement demandées. L'automne dernier, le groupe socialiste a soutenu le projet de loi du Conseil d'Etat, car nous estimions qu'il comportait de nombreux progrès, notamment le fait qu'il rendait l'assurance-maladie obligatoire et qu'il réintroduisait une solidarité entre jeunes et moins jeunes.
En revanche, nous avions regretté que nos propositions visant à introduire une solidarité entre riches et pauvres aient été refusées alors qu'au niveau cantonal ou fédéral le parti socialiste a fait plusieurs propositions dans ce sens. Par rapport aux cotisations proportionnelles au revenu, j'ai constaté avec plaisir dans une publication «décoiffante» du parti radical que ce groupe partageait maintenant notre point de vue sur cette question. Je continue de penser que la loi genevoise constitue dans son esprit un progrès par rapport à la situation antérieure, mais j'ai un certain nombre de questions sur son application.
La première concerne l'attitude des caisses. A la lecture des attestations d'assurance, on constate que de nombreuses caisses ont choisi la cotisation maximale autorisée, c'est-à-dire 207 F. On constate également sur les contrats d'assurances de nombreuses assurances complémentaires pas toujours utiles et pas toujours demandées par les assurés. De plus, les attestations ne sont pas d'une grande clarté, ce qui a amené notamment le Forum-santé à proposer au Conseil d'Etat de rendre obligatoire l'usage d'un formulaire officiel pour notifier ces attestations d'assurance. Ce système a déjà fait ses preuves dans le domaine des hausses de loyer pour ce qui concerne le logement.
En d'autres termes, j'ai l'impression que certaines caisses ne jouent pas le jeu. La première question que je pose au Conseil d'Etat est de savoir si le département a les moyens de contrôler les caisses au niveau, d'une part, de la justesse du montant des cotisations et, d'autre part, sur leurs pratiques consistant quasiment à imposer aux assurés des assurances complémentaires.
La deuxième question concerne les subsides versés aux assurés. Il faut tout d'abord rappeler que ce ne sont pas les coûts de la santé qui ont explosé ces dernières années, mais les cotisations en raison notamment de la diminution des subventions fédérales et cantonales. Pour mémoire, en 1992, ce Grand Conseil, contre l'avis du groupe socialiste, a diminué de 20 millions
les subventions aux caisses-maladie. Ce transfert de charge de l'Etat vers les assurés ne peut se traduire que par des hausses de cotisations.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi du gouvernement, il était prévu de diminuer les subventions versées aux caisses et d'augmenter les subsides versés aux assurés. Jusqu'à l'année dernière, 70% de l'argent attribué par l'Etat aux caisses-maladie allaient directement aux assurances et 30% aux assurés sous forme de subsides. Avec la nouvelle loi, ce sont des proportions inverses qui sont proposées, puisque normalement 30% de la somme attribuée par l'Etat devraient aller aux caisses-maladie et 70% aux assurés sous forme de subsides.
On constate que les limites des revenus pour bénéficier des subsides, limites fixées par le Conseil d'Etat, n'ont que peu varié entre ces deux années. Cette limite a passé, pour une personne seule, d'un revenu imposable inférieur à 17 820 F en 1991, à un revenu imposable inférieur à 21 000 F pour cette année. Ce qui signifie que seules les personnes ayant un revenu imposable inférieur à 21 000 F peuvent bénéficier d'un subside. Bien sûr, pour les couples et les familles, ces montants sont augmentés.
Cette limite reste donc très basse, ce qui limite l'octroi des subsides. Je souhaiterais sur ce point que le département puisse rapidement nous renseigner sur le nombre de personnes qui bénéficieront cette année d'un subside, et si l'objectif de 30% de subventions aux caisses et 70% aux assurés va être atteint.
Il est en effet capital pour que le système fonctionne que les assurés aux revenus modestes, et notamment les familles, puissent bénéficier des subsides prévus par la loi, même si, comme je l'ai dit au début de mon intervention, un système de cotisation proportionnelle aux revenus serait plus juste et plus équitable que les subsides. Le problème de l'assurance-maladie est un sujet qui concerne l'ensemble de la population et, dans la période difficile que nous traversons, il est important que Genève gagne aussi les défis sociaux auxquels notre canton est confronté. Je remercie d'avance le Conseil d'Etat pour ses réponses.
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat répond rapidement à l'interpellation de M. Champod. Il est exact, Monsieur le député, que l'entrée en vigueur de la nouvelle législation cantonale et des arrêtés fédéraux urgents a provoqué un certain nombre de difficultés. En ce qui concerne les plaintes et les demandes de renseignements parvenues au département à la direction des assurances sociales ou au service de l'assurance-maladie, elles sont relativement peu nombreuses: sur près de quatre cents mille assurés, nous avons reçu environ trois cents plaintes et cinq cents demandes de renseignements.
Les trois cents plaintes portaient, pour cent cinquante d'entre elles, sur la hausse des cotisations, les griefs portant d'ailleurs davantage sur les hausses des assurances complémentaires que sur les hausses de l'assurance de base. Une centaine de plaintes portaient sur la manière dont les certificats ou les polices d'assurances étaient rédigés parce qu'il y avait fréquemment un mélange entre l'assurance de base, obligatoire, et les assurances complémentaires, anciennes ou nouvelles, qui sont facultatives. Enfin, une cinquantaine de plaintes portaient sur des actes tout à fait précis, c'est-à-dire des refus d'affiliation de la part de certaines caisses-maladie, ou des réserves médicales, alors que celles-ci ont été supprimées avec l'obligation d'assurance.
Par ailleurs, il y a eu cinq cents demandes de renseignements. Les trois cinquièmes portaient sur la suppression des réserves et le reste sur le montant des subsides et sur la situation des bénéficiaires de l'OAPA. Il est possible que ce nombre de plaintes augmente encore un peu. Nous avons donné pour instruction au service de faire un bilan au 30 mars, après trois mois d'application de la loi.
En ce qui concerne les subsides, je ne peux pas répondre à votre question: toutes les personnes qui ont un droit potentiel à l'octroi de subsides ne l'ont pas encore exercé. Par voie de conséquence, nous devons attendre quelques semaines, voire un ou deux mois. Mais le principe de base que vous avez adopté dans le cadre de la nouvelle législation sera respecté. Il est vrai, comme vous l'avez indiqué, que les limites de revenus ont peu augmenté, mais en revanche le montant du subside a, quant à lui, augmenté.
Nous verrons en fin d'exercice si les droits exercés par les bénéficiaires potentiels des subsides correspondent aux 70% du volume total des subventions ou s'ils correspondent aux 60%: seul l'exercice de ces droits pourra nous le dire. En général, nous avons observé que c'est environ un tiers des personnes qui ont droit aux subsides qui exerce ce droit.
L'interpellation est close.