Séance du
vendredi 15 janvier 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
1re
session -
4e
séance
I 1845
M. André November (Ve). Connaissant les goûts éclectiques du Conseil d'Etat et en particulier ceux du conseiller chargé du DIP, j'imagine qu'ils connaissent la chanson de Stéphanie de Monaco «Ouragan». Cette chanson m'est venue à l'esprit quand j'ai contemplé le nouveau bâtiment de l'université UNI Mail de l'arrêt des TPG sis en face. A ma gauche, gisaient les ruines de l'ancien palais des expositions, à ma droite s'élevait la façade inachevée du bâtiment que l'on vient d'inaugurer, le tout évoquant les effets d'un ouragan. Suspendues dans le vide, les dalles sont soigneusement emballées d'aluminium pour résister aux intempéries. Cela laisse augurer qu'elles vont rester en l'état pendant un certain temps.
Ce bâtiment, qui est une réussite architecturale, se présente comme un oiseau auquel on aurait coupé les ailes. Non seulement ce bâtiment est inachevé, mais il ne se trouve pas dans le contexte urbanistique planifié. Si je ne fais erreur, une voie centrale devait relier le bâtiment à son environnement et au parc qui devait se trouver derrière.
Cette situation, Madame la présidente, n'est pas digne de Genève. Elle est invivable pour l'université, coûteuse sur les plans économique et écologique. Le panneau qui ferme l'immense espace -- cette fameuse voie centrale qui passe au milieu du bâtiment -- est inesthétique et antiécologique. Mme Martine Wenker qui fréquente les lieux dit y avoir froid, et probablement Mme Bernasconi aussi. Je le comprends fort bien, car il y a déperdition d'énergie.
En cette période de crise, nous découvrons rapidement que le développement de l'université, ainsi que celui des organisations nationales et internationales, devrait être une priorité de notre ville. Or aujourd'hui, tout le programme de construction de l'université est arrêté et, dans ce domaine, nous ne savons rien de la prochaine étape prévue pour UNI Mail.
Je ne vous inonderai pas de statistiques, mais, selon une étude prospective sur les constructions universitaires à Genève, il manque actuellement les 40 000 m2 nécessaires aux étudiants inscrits à l'université. Ce qui signifie qu'il faudra augmenter d'un tiers les surfaces existantes. Il y a également un manque important de salles d'enseignement. Selon les calculs qui m'ont été communiqués, il en faut trente-neuf ou quarante. Si jamais on les construisait, on pourrait établir une synergie et soulager d'autres facultés logées à l'UNI Bastion, comme celles des lettres, de psychologie, ou encore la faculté des sciences.
Pour ce qui est d'UNI Mail, je voudrais demander au Conseil d'Etat s'il pense que la situation actuelle, c'est-à-dire provisoire, peut encore être
maintenue longtemps, s'il la trouve tolérable. Le Conseil d'Etat a-t-il l'intention de présenter rapidement un crédit de construction qui, selon mes calculs, devrait se monter à environ 40 millions de francs? Pour établir ce montant, j'ai pris en compte le fait que les plans étaient faits, que les fondations étaient en grande partie terminées et que l'on pouvait obtenir une subvention de 35% de la Confédération.
Il serait erroné de parler de deuxième étape, puisqu'il s'agit toujours de la même étape dont un tiers est à terminer, selon les plans déjà existants.
La présidente. Avant de donner la parole à M. Christian Grobet, j'ai le plaisir de saluer à la tribune la présence de M. François Grosjean, notre ancien collègue. (Applaudissements.)
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Monsieur November, en dépit de l'amitié que je vous porte, permettez-moi de vous dire que vous m'avez profondément déçu ce soir. Il est vrai que nous vivons dans la République des enfants gâtés et plus on se montre généreux, et plus ils sont exigeants. J'en ai fait une philosophie. On a remis au DIP, respectivement à l'université, un bâtiment absolument superbe. Il est vrai que, d'après tout ce que l'on entend, il semble que les gens se creusent la tête pour savoir ce qui ne va pas. On a lu dans la presse, quelques jours avant l'inauguration, tout ce qu'on supposait de défectueux dans ce bâtiment. Je dois dire que tout cela était assez pitoyable. On ne sait décidément plus quoi faire... Vous projetez une chose superbe et celle-ci n'est même pas terminée que déjà on vous réclame la suite.
Quand vous dites que le Conseil d'Etat semble avoir négligé l'université, j'aimerais simplement vous rappeler que, ces dix dernières années, nous avons réalisé les troisième et quatrième étapes du centre médical universitaire dont je vous rappelle le coût, c'est un saladier, comme on dit. Il y a eu la première étape de Sciences III, puis d'UNI III. Des constructions considérables ont donc été faites pour l'université.
Certes, il y en a encore à faire, mais c'est toujours la même chose! Chacun considère que son projet est le plus urgent. Pour l'un, c'est l'aéroport,
pour l'autre, c'est l'université, pour les suivants, c'est l'hôpital, la maternité, l'autoroute, la traversée de la rade, les transports publics, etc. C'est matériellement impossible de tout réaliser simultanément. Nous avons mené une politique raisonnable qui tend à satisfaire au mieux les besoins les plus urgents et à répartir les efforts. En effet, si nous nous concentrions sur deux ou trois projets seulement, le reste ne se ferait pas.
La suite de l'opération ne se résume pas à la construction du dernier tiers et à une petite affaire de 40 millions de francs. Nous avons réalisé à peu près le 45% de l'ouvrage, donc un peu moins de la moitié. Le reste correspond à deux étapes qui totalisent, non pas 40 millions, mais environ 130 millions de francs. Le Conseil d'Etat jugera du moment opportun pour continuer cet ouvrage.
Effectivement, c'est une oeuvre inachevée comme la cathédrale de Barcelone et j'en suis navré. Personnellement, j'aurais souhaité pouvoir faire le tout, en temps voulu et en fonction des disponibilités financières. Il me semble bon de vous rappeler que le Conseil d'Etat a dû annoncer des diminutions dans le cadre de ses futurs investissements. Cela sera douloureux pour tout le monde. Dans l'immédiat, j'ai cru comprendre de la part de personnes qui m'étaient proches que ce bâtiment était hautement apprécié. Je serais donc désolé si vous ne l'appréciiez pas.
M. André November (Ve). M. Grobet ne m'a sans doute pas écouté ou ne m'a pas compris. J'ai reconnu et je reconnais la qualité extérieure et intérieure du bâtiment. En revanche, je déplore qu'il ne soit pas fini. Vous savez d'ailleurs que ce bâtiment est déjà fréquenté par 37% des étudiants de l'université. La planification des locaux a été faite pour dix mille étudiants. Actuellement, il y en a déjà treize mille. J'estime que les dépenses pour les bâtiments universitaires devraient passer avant d'autres. Je prends pour exemple l'aéroport dont on apprend que c'est un gouffre, puisqu'aujourd'hui, avec les amortissements, il pèse 1,5 milliard de francs dans le bilan de l'Etat. Peut-être le Conseil d'Etat juge-t-il cette option plus importante? Pour ma part, je considère, pour l'avenir de Genève, que l'université est cent fois plus importante que d'autres bâtiments, comme celui de la police que vous êtes en train de réaliser.
Depuis que je siège sur ces bancs, le Conseil d'Etat a dépensé des milliards de francs en investissements. Aujourd'hui encore, je me demande si ces milliards faisaient partie des priorités. Je n'en suis pas certain. Maintenant, vous avez une priorité et vous vous retrouvez sans argent, avec un bâtiment inachevé.
M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. Que vous considériez les bâtiments universitaires prioritaires, c'est votre avis, Monsieur, et je le respecte. Je vous réponds simplement que chacun, selon ses intérêts, considère qu'un domaine particulier est prioritaire. Je ne cesse d'entendre des citoyens qui jugent que ce qui leur est proche est indispensable. Discutez avec le pouvoir judiciaire et l'on vous dira que le palais de justice est indispensable; avec les milieux économiques et vous entendrez que l'aéroport est indispensable. On vous dira aussi que Palexo est indispensable, que -- et je me répète -- la traversée de la rade, les transports publics le sont aussi. La liste des ouvrages indispensables est fort longue dans cette République.
Finalement, c'est vous, Mesdames et Messieurs, qui déterminez lors de la présentation des crédits si ces derniers sont nécessaires, prioritaires ou urgents. Je vous dirai une chose, Monsieur November, (M. Christian Grobet hausse le ton.) j'apprécie d'autant moins les critiques que vous m'adressez personnellement que ce Grand Conseil a considéré que la cinquième étape du CMU n'était absolument pas prioritaire et qu'il fallait la laisser tomber et qu'il a voté le bâtiment UNI Mail non sans peine. Peut-être que votre parti l'avait voté à l'unanimité, je m'en félicite, mais tout ce que je sais c'est qu'à l'époque j'ai eu beaucoup de difficulté à faire passer cette première étape. Adressez vos reproches à d'autres personnes, je vous prie.
L'interpellation est close.