Séance du vendredi 15 janvier 1993 à 17h
52e législature - 4e année - 1re session - 4e séance

M 432-A
12. Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier la proposition de motion de M. Jean-Claude Genecand concernant le compostage communal. ( -)M432 Mémorial 1987 : Annoncée, 1268. Développée, 1366. Commission, 1367.
Rapport de M. Yves Meylan (E), commission des travaux

Débat

M. Jean-Claude Genecand (PDC). Tout vient à point pour qui sait attendre. Le mûrissement de cette motion a pris du temps, mais doit-on s'en étonner puisqu'il s'agit de valoriser un procédé naturel? Lorsqu'on parlait, en 1987, de récupération de déchets organiques, il n'était pas évident de proposer le soutien d'initiatives privées. En effet, l'idée du compostage était combattue par certains et, dès lors, l'octroi d'une subvention à des collectivités communales ou privées paraissait suspect.

 De fait, il y a eu une foison de méthodes de compostage ou d'utilisations des déchets qui, faute de moyens ou par manque d'études techniques ou encore de marchés, ont fait long feu. Je pense que notre Grand Conseil a bien fait de voter un crédit en 1987 pour la construction de la station du Nant de Châtillon. Même si l'on peut déplorer que la généralisation du tri à la source prenne du temps, on peut remarquer que cette expérience s'est affinée et que le compost est maintenant de bonne qualité.

 Le but de ma motion était, à l'origine, de faire allouer un crédit de fonctionnement aux communes qui se lanceraient dans une expérience de compostage. La commission des travaux vise un objectif plus limité, comme le dit notre collègue Yves Meylan, compte tenu des finances de l'Etat, et je souscris à ce choix. Cependant, je pense que l'invite au soutien du Conseil d'Etat pour la recherche d'un terrain devrait être plus contraignante, car je ne suis pas sûr que le président Grobet soit vraiment acquis à une décentralisation du compostage. L'on m'a dit que, du côté de Meyrin, l'on est à la recherche d'un terrain, mais il semble qu'aucune solution valable ne se présente.

 A qui la faute? Il n'est pourtant pas besoin de procéder à l'inventaire des avantages de la décentralisation. Des embryons d'expériences communales ont démontré, par exemple dans le quartier de Pont-Bochet à Thônex, que la motivation d'une population est extrêmement vive. Il est évident que si trois ou quatre communes s'unissent elles peuvent prétendre à un large succès auprès de la population, mais aussi faire des choix d'exploitation moins dispendieux. Sans entrer dans le détail des méthodes de compostage, je dois tout de même m'arrêter sur la méthode préconisée par

M. Armand Cotton dont l'expérience, dans ce domaine, est longue et fructueuse. N'a-t-il pas été appelé à la Chaux-de-Fonds pour mettre son système en place et, prochainement, l'agrandir? Il faut relever que l'aire du compostage est restreinte, qu'elle n'est pas bétonnée, qu'elle est extensible, que les bioréacteurs fabriquent un produit stérilisé, inodore et sans émanation de spores pathogènes, que le coût de fonctionnement est bon marché car il n'est pas nécessaire de remuer les andains à l'aide de moyens mécaniques, puisque ceux-ci mûrissent à l'abri des intempéries.

 On parle beaucoup de l'autonomie des communes, mais, lorsqu'il s'agit de passer aux actes, on élève de nombreuses objections. Il est temps de responsabiliser les communes dans un domaine où il est facile de démontrer aux citoyens consommateurs que le tri à la source des déchets organiques, opéré correctement et consciencieusement, est le seul garant d'un compost de qualité.

 En conclusion, je demande au président Grobet de prendre l'engagement devant ce Grand Conseil de faire tout son possible pour appuyer les initiatives des communes et je vous remercie, Mesdames et Messieurs, de soutenir cette motion.

M. Pierre Meyll (T). Je voudrais expliquer les raisons de mon opposition à cette motion. Il règne un climat désagréable à la commission des travaux où tous les projets proposés par le département des travaux publics sont systématiquement boycottés. Cela est dû à une situation politique si détestable que l'on en arrive à voter «contre» simplement pour des raisons politiciennes.

 Nous ne pouvons pas être opposés au compostage et sommes d'avis que l'on peut responsabiliser la population en la conviant à participer à la gestion des déchets. Mais il faut bien admettre que, pour remplir les critères de qualité conformes au normes fédérales, on ne peut plus composter «à la papa». Il est bien clair également, et M. Spörli du DTP l'a longuement expliqué, que toutes les méthodes de compostage proposées, qu'il s'agisse du procédé Cotton ou d'autres, susciteraient certains problèmes difficiles à résoudre. Et il me semblait que chacun en était convaincu.

 Quand on parle de compost, il faut savoir qu'il doit être fait d'un tiers de déchets de jardin, d'un tiers de détritus ménagers, et d'un tiers de

ligneux. Il n'y a pas de place pour le quatrième tiers! Cependant, vu notre densité urbaine, une telle composition n'est pas réalisable. Les déchets doivent être centralisés pour l'obtenir. Raison pour laquelle le département ne peut pas céder des terrains à tout va dans des régions destinées à recevoir le compost de la ville. Personne, semble-t-il, du moins du côté de la droite, ne veut le comprendre. C'est regrettable. Je le répète, nous ne pouvons pas nous opposer au compostage, mais nous pouvons faire valoir que, sous certaines conditions, la centralisation préconisée par le département des travaux publics, avec des dépôts sur les rives gauche et droite, constitue une judicieuse affectation du compost.

 Le transport par camions n'est certes pas écologique, mais qu'adviendrait-il d'un compost inutilisable ou d'un usage très restreint? Je crois que nos visites à Châtillon, les explications que nous y avons reçues, sont suffisantes pour nous enjoindre, non pas à refuser cette motion, mais à comprendre la position du département qui cherche, par-là même, à réaliser des économies. Le fait que l'on parle de certaines centralisations ou de certains regroupements de communes de la rive droite m'amène à préciser que la commune de Versoix, qui aurait dû participer en grande partie, n'est toujours pas convaincue de la nécessité de faire du compost, même si M. Maréchal a proposé de le faire en France. Ce compost ne correspond pas à nos critères. Un compost, pour être valable, doit être utilisable. Je vous en remercie.

M. Albert Maréchal (PDC). Il est évident que j'attendais cette réaction de la part de M. Meyll. Il faut remettre l'église au milieu du village. Il ne s'agit pas d'une opposition au projet du Conseil d'Etat. En l'occurrence, il s'agit d'une motion de M. Genecand qui demande de favoriser le compostage communal et intercommunal pour éviter précisément les transports, au maximum, et rester le plus près possible des sources d'utilisation pour éviter des frais inutiles.

 Toutes les théories concernant la confection du compost, même si certains ont pris des grands airs pour dire qu'ils avaient inventé la poudre, sont connues depuis longtemps. Il y a des proportions à respecter dans les mélanges, il doit y avoir un apport d'oxygène, il faut veiller à l'équilibre carbone-azote, et vous obtenez un bon compost! Seulement des Herrn Doktor sont arrivés. Ils ont pris les choses de très haut et voudraient nous faire accroire l'obligation de tout centraliser. Mais comme ils avaient affaire à une société où le président du département souhaitait, de par ses options, pouvoir centraliser, on a tenté nous empêcher de trouver un terrain pour réaliser un compostage intercommunal.

 Personnellement, je le regrette infiniment et je ne suis pas le seul. Toutes les communes de la rive droite concernées sont avec nous, y compris Versoix...

 Des voix. Non, non.

 M. Albert Maréchal. Par la bouche de son conseiller administratif, M. Jauslin, la commune de Versoix s'était engagée avec les autres communes de la rive droite. Il est vrai que par la suite M. Jauslin a fait une pirouette et s'est retiré. Actuellement la commune de Versoix ne dit ni oui ni non. On attend pour voir.

 Il faudrait vous renseigner, Monsieur Meyll, avant d'affirmer que M. Maréchal a proposé d'aller en France. C'est une entreprise française qui s'est adressée à M. Mermoud, maire de Pregny-Chambésy, lequel a transmis le dossier à M. Bouvier, président de l'Association des communes de la rive droite, qui, à son tour, l'a «renvoyé» à celui qui vous parle, puisque c'est moi qui ai eu la responsabilité de ce compostage intercommunal, l'ayant malheureusement héritée d'un prédécesseur qui a quitté le Conseil administratif du Grand-Saconnex. Voilà comment les faits se sont déroulés.

 A partir de là, les communes aimeraient avancer -- la motion encourageant le département à nous soutenir -- et qu'a-t-on vu? Exactement l'inverse! Voilà la difficulté. Ce n'est pas une affaire de gauche ou de droite. La vraie question est la centralisation ou la décentralisation.

 Je vous invite, bien entendu, à soutenir la motion avec ses conclusions et je demande instamment au département de suivre la voie préconisée dans cette motion. Je vous en remercie.

M. Thierry Du Pasquier (L). Il m'a été donné, en tant que magistrat de la commune sur laquelle a été réalisé l'équipement de compostage pilote, de suivre d'assez près, à titre presque personnel, si je puisdire, cette expérience conduite par le chef du département. Je reconnais le travail considérable qui a été accompli et qui devrait permettre de développer le compostage sur une échelle importante à Genève.

 Il faut cependant admettre, et l'on y reviendra certainement dans cette enceinte, que les observations et les critiques vont toutes dans le même sens: si l'expérience de compostage pèche d'une manière ou d'une autre, c'est plutôt par perfectionnisme et par des coûts élevés. Dans cette perspective, et sans remettre en question la politique mise en place pour le compostage par le président du département, il me semble que l'on devrait, dans ce canton, permettre quelques modestes expériences communales. En acceptant le texte de la proposition de motion, notamment celui du chiffre 3 qui dit que les subventions éventuelles seraient subordonnées à un contrôle méthodique des services du département des travaux publics, nous ne prenons pas de risques excessifs. J'ai le sentiment que c'est faire un mauvais procès au président Grobet que d'imaginer qu'il est forcément contre toute tentative de décentralisation ou d'expérience communale.

 Voilà les raisons pour lesquelles je crois que, sans prendre des risques excessifs, nous pouvons approuver cette proposition de motion.

M. Alain Rouiller (S). Avant que le chef du département ne s'exprime, je dirai, pour notre groupe, que nous sommes prêts à soutenir la motion de Jean-Claude Genecand. Nous sommes favorables à la décentralisation de petites unités de compostage. En revanche, je tiens à dire clairement que nous regrettons, comme l'a souligné Pierre Meyll, que l'on utilise cette motion pour critiquer l'excellent travail fourni par le département des travaux publics.

 Je peux dire à propos de la commune de Bernex, comme M. Du Pasquier l'a dit, qu'elle fait partie des communes pilotes qui profitent de cette expérience depuis plusieurs années. Je témoigne de l'excellence de ce qui a été fait, de ce qui se fait toujours. Cela fonctionne bien.

 Pour nous, il est clair que la décentralisation n'est pas possible pour la Ville de Genève, pour Onex, Meyrin et les autres grandes agglomérations. Par contre, pour des petites communes comme Collex-Bossy, il est tout à fait souhaitable de le faire.

 Pour conclure, nous pouvons accepter la motion de Jean-Claude Genecand, mais il ne faudrait pas s'en servir pour critiquer le bon travail du département des travaux publics.

M. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat. J'aimerais remercier MM. Du Pasquier, Rouiller et Meyll de leurs interventions parce que, dans cette affaire, certains cherchent à faire un mauvais procès, non seulement au département des travaux publics, mais aussi au département de l'intérieur, de l'agriculture et des affaires régionales. Les deux départements travaillent ensemble sur ce dossier et l'un des buts essentiels de cette politique de compostage est que nous puissions fabriquer un produit de qualité. En effet, un compost non conforme est inutilisable et c'est pourquoi je tiens à souligner le travail extrêmement important de contrôle et de conseil fourni par le département de l'intérieur qui s'occupe aussi, et c'est important, de l'écoulement de ce compost. Ceci est le premier point.

 Deuxièmement, Monsieur Genecand, je vous estime beaucoup, vous le savez. Mais permettez-moi de vous dire qu'en ce qui concerne cette affaire de compostage nous sommes allés de l'avant il y a déjà des années de cela, comme l'a rappelé M. Rouiller. Dans ce domaine, comme dans d'autres, certains milieux représentés dans ce Grand Conseil se sont montrés réticents. Il a fallu convaincre des députés et maintenant nous avons l'impression que d'aucuns veulent être plus royalistes que le roi. Cela me fait sourire quand je pense aux difficultés que nous avons eues pour faire démarrer cette opération.

 Ceci dit, j'affirme qu'il n'y a aucune tentative de centralisation. J'ignore ce que l'on raconte. Nous avons discuté d'un concept avec l'Association des communes genevoises. En novembre, ou était-ce début septembre, j'ai revu le comité de l'Association des communes genevoises à Hermance pour m'assurer qu'on était toujours d'accord avec ce concept qui est un concept de décentralisation. Nous nous étions d'ailleurs demandé s'il ne fallait pas avoir cinq unités de production de compost et finalement, pour des questions de rentabilité et de rendement, nous sommes parvenus à la conclusion que le nombre de trois unités décentralisées était le plus approprié avec éventuellement d'autres emplacements pour le broyage. Nonobstant le fait que plus la station est petite, plus il est difficile d'obtenir un compost de qualité, je répète que nous sommes parfaitement d'accord que des communes réalisent leur propre centre de compostage. Nous n'avons aucune objection à cela, nous savons simplement qu'il y aura des difficultés à surmonter parce qu'il n'est pas évident de trouver des sites, M. Maréchal en a fait l'expérience. D'autre part, les exigences fédérales sont devenues telles que les petites stations seront extrêmement coûteuses. Mais, si des communes veulent les construire, qu'elles le fassent!

 Notre souci est tout autre. Nous devons assurer le compostage des déchets organiques à l'échelle du canton. S'il est vrai que nous avons procédé à des essais pilotes dans certaines communes, nous passons actuellement à la deuxième phase, une phase d'ailleurs voulue par ce Grand Conseil à travers les motions réclamant un recyclage maximum. Eh bien, maintenant, nous voulons la généralisation du compostage! Le problème n'est pas que de petites communes compostent elles-mêmes, il est d'assurer le compostage des déchets organiques de la ville et de tous les quartiers suburbains.

 C'est le défi auquel nous sommes confrontés. Je suis persuadé, Monsieur Du Pasquier, que vous viendrez, fin février, à l'inauguration présidée par M. Haegi et moi-même de la station définitive -- et non plus de la station pilote -- qui répondra désormais au tiers de la demande des ménages du canton. Ainsi, nous avançons. Toujours au nom de mon collègue, dans l'harmonie parfaite que vous nous reconnaissez dans ce domaine et dans d'autres, celui du logement par exemple, nous vous convions à visiter notre stand commun, je le souligne, commun, à l'exposition du recyclage qui se tiendra de mardi à samedi à Palexpo. Allez tous au Salon du recyclage à Palexpo boire un verre à notre stand. (Applaudissements.)

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue:

(Annexe M 432-A -- motion)