Séance du
vendredi 15 janvier 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
1re
session -
3e
séance
I 1844
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Les classes de ski à Genève pourraient être comparées à un serpent... de mer!
Des décisions de suppression avait déjà été prises en 1991, puis le département était revenu en arrière. En 1992, la nouvelle a circulé à nouveau que les classes de neige allaient être supprimées. Je fais partie des personnes estimant que ces camps de ski auraient pu être maintenus pour les enfants les plus défavorisés afin qu'ils aient la possibilité de faire un peu de ski. Je rappelle au passage que ces classes de neige avaient pour but de compenser le fait que Genève n'offre que deux heures de gymnastique hebdomadaires aux enfants, alors que l'ordonnance fédérale en préconise trois. Aujourd'hui, au vu de l'évolution du dossier, j'aimerais poser une ou deux questions au chef du département.
Au printemps dernier, le conseil de direction des cycles d'orientation adoptait un texte comportant un certain nombre de points.
Premier point: l'allègement des charges de l'Etat en supprimant l'appui financier aux classes de neige, suppression qui risquait de charger financièrement les parents. Il fallait donc supprimer les classes de neige telles qu'elles existaient.
Je cite un autre point: «Le cycle d'orientation doit renoncer à cette formule, mais il doit soutenir les activités de groupe à but culturel ou sportif notamment. Celles-ci favorisent les contacts entre maîtres et élèves et permettent de développer toute une série d'aspects formateurs et éducatifs. Elles gardent donc toute leur valeur et méritent d'être soutenues». Forts de cette déclaration, les enseignants font travailler leur imagination dans plusieurs cycles. Pour certains maîtres, en effet, il est très dommage de supprimer les classes de neige. Il est vrai que dans ces camps les élèves et les enseignants apprennent à mieux se connaître; c'est l'apprentissage de la vie communautaire, une occasion d'intégration rêvée pour les enfants non-francophones et, enfin, une chance pour les enfants défavorisés.
Certaines initiatives sont ainsi prises. Un cycle décide, pour ne pas créer d'inégalités, de faire partir toutes les classes de 8e non pas une semaine comme prévu, mais seulement trois jours dans le but de décharger financièrement les familles. Un autre cycle propose d'autres solutions après avoir contacté tous les parents. Certains s'engagent à procurer des «petits boulots» aux enfants et des ventes de pâtisserie sont mises sur pied. Les enfants participent ainsi au financement de leur camp. Des parents qui en ont les moyens se montrent solidaires en versant une certaine somme dans une caisse commune pour aider les familles qui rencontrent des problèmes financiers. Un père a été jusqu'à déclarer, conscient de ses privilèges financiers, qu'il était prêt à assumer le camp d'un deuxième enfant, outre celui de son fils.
Quelques pensions de montagne baissent considérablement leurs prix car elles sont inquiètes à l'idée de ne plus pouvoir compter sur les classes genevoises pour remplir leur saison. Bref, en un mot, on se rend compte que ces camps sont devenus accessibles à tous, qu'ils sont devenus l'affaire de toutes et de tous et que chacun y participe à sa manière. L'école mobilise, invente, crée des contacts entre les parents faisant naître la solidarité; c'est une école qui fait rêver.
Mais le rêve ne dure pas. En octobre 1992, le directeur général du cycle d'orientation envoie une lettre à tous les collèges précisant qu'il a appris le projet de départ en camp de ski d'un certain nombre de classes et qu'il ne peut accepter aucun départ en classe de neige. L'argument avancé est que le DIP ne peut assumer de subventions et qu'il ne faut pas charger les parents financièrement. Plusieurs enseignants s'affolent et n'y croient pas. En mai, on leur dit qu'ils pourront partir, au début du mois d'octobre, on le leur dit encore par l'intermédiaire du «Journal de l'école publique genevoise N°1». Celui-ci spécifie en effet que les classes de neige disparaissent sous leur forme généralisée de départ simultané de toutes les 8es, mais qu'elles pourront être organisées si les parents sont d'accord de les soutenir et si des aides ponctuelles sont apportées aux familles en difficulté.
Et voilà qu'à mi-octobre, alors que les projets sont déjà mis sur pied, que des arrhes ont été versées et que les enfants ont déjà récolté de l'argent, tombe une décision négative. Les maîtres vous écrivent, Monsieur Föllmi, et vous leur répondez notamment ceci: «Comment peut-on déclarer la disparition des classes de neige dans leur forme passée et, quelles qu'aient pu être les modalités nouvelles, les recréer aussitôt?».
Ne pensez-vous pas qu'en cette période de restrictions budgétaires, Monsieur Föllmi, il importe peu que ces projets ressemblent aux activités que le département a décidé de supprimer puisqu'on parvient à les maintenir sans frais supplémentaires?
Vous dites ensuite qu'il n'est pas possible de faire supporter les frais aux familles, que les accords donnés par les parents cachent probablement une autre réalité et qu'en période de chômage ils ont d'autres priorités. De plus, ces classes de neige -- dites-vous -- renforcent gravement les inégalités que l'école tente précisément de combattre. Je crois savoir que certains enseignants vous ont signalé que les parents les plus déçus par la suppression de ces camps étaient justement les chômeurs et les personnes les plus défavorisées, car les autres parents emmènent de toute façon leurs enfants skier. Ces camps financés par l'effort et la solidarité de tous étaient la seule occasion pour certains enfants de pouvoir partir skier cet hiver. Votre inquiétude de charger les familles ne semble donc pas correspondre à la réalité. C'est le contraire qui s'est passé. Les inégalités existent malheureusement, comme vous le dites, dans notre société, mais justement, permettre à des enfants qui ne le pourraient pas d'avoir accès à des activités trop onéreuses pour eux contribue à réduire ces inégalités.
Je souhaiterais donc connaître les raisons de vos tergiversations. En outre, ne pensez-vous pas qu'une telle attitude démotive les enseignants qui s'étaient pourtant largement engagés pour concrétiser ces projets, non seulement en donnant de leur temps, mais encore de leur argent? Enfin, est-il exact que le département remboursera ou a remboursé les arrhes déjà versées?
M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. Le titre de la motion ne laissait pas prévoir le sujet, mais j'ai subodoré qu'il s'agissait des classes de neige.
Pour gagner du temps, et bien que j'aie tous les documents avec moi, je suggère de vous donner une réponse écrite à laquelle vous pourrez répliquer si vous le souhaitez. Le Conseil d'Etat vous donnera une information globale, complète, avec des dates, et fera ainsi le bilan de la situation en ce qui concerne les classes de neige. En outre, il vous donnera des explications quant aux hésitations que vous avez mentionnées; tout ceci par écrit, si vous acceptez ce mode de faire.
La présidente. Madame Reusse-Decrey, nous avions accepté de traiter le point 27 avec le point 29 croyant, d'après le titre, qu'il s'agissait du même sujet. La prochaine fois, on les traitera séparément! Vous nous expliquerez de façon plus détaillée de quoi il s'agit!
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Excusez-moi, Madame la présidente, je n'ai pas demandé à ce qu'on traite l'interpellation 1844 et la motion 837 en même temps, mais simplement de les inverser parce que la motion se réfère à ce que je viens d'évoquer et il me semblait plus judicieux de la développer après mon interpellation.
La présidente. Alors, on vous a mal comprise!
Nous prenons acte que le Conseil d'Etat répondra par écrit à cette interpellation.