Séance du
vendredi 15 janvier 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
1re
session -
3e
séance
N° 3
MÉMORIAL
DES SÉANCES DU
GRAND CONSEIL
52e LÉGISLATURE
Vendredi 15 janvier 1993,
soir
Présidence:
Mme Micheline Calmy-Rey,présidente
La séance est ouverte à 17 h.
Assistent à la séance: MM. Claude Haegi, Dominique Föllmi, Jean-Philippe Maitre, conseillers d'Etat.
1. Exhortation.
La présidente donne lecture de l'exhortation.
2. Personnes excusées.
La La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Christian Grobet, président du Conseil d'Etat,Bernard Ziegler, Olivier Vodoz, Guy-Olivier Segond, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Claude Blanc, Nicolas Brunschwig, Anne Chevalley, Andrée Dayer, Béatrice Luscher, Yves Meylan, Paul Passer, Alain Vaissade, députés.
3. Discussion et approbation de l'ordre du jour.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey(S). Serait-il possible de développer mon interpellation figurant au point 29, juste avant la motion concernant l'instruction publique au point 27?
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
M. Jean-Philippe Maitre(PDC). Serait-il possible de développer le point 45, c'est-à-dire la résolution concernant le vote du 6 décembre, immédiatement après le projet Aéroport? Si tel ne devait pas être le cas, je
crains, en effet, que cet objet ne passe pas ce soir étant donné qu'il est le dernier point de notre ordre du jour. Je trouverais cela regrettable.
La La présidente. Monsieur le conseiller d'Etat, j'avais l'intention de finir à tout prix l'ordre du jour, quelle que soit l'heure! (Rires.) Nous siégerons jusqu'à épuisement de l'ordre du jour. Vos craintes sont donc infondées!
La présidente. Je prie notre secrétaire de lire la lettre de M. Charles Poncet, député, démissionnaire. (C 9)
La présidente. Il est pris acte de cette démission. M. Charles Poncet avait été élu député en 1989. Nous lui souhaitons plein succès dans son mandat de conseiller national et nous lui remettons le stylo-souvenir du Grand Conseil.
M. Charles Poncet (L). C'est effectivement, Madame la présidente, la dernière fois que je suis appelé à prendre la parole dans cette salle et je ne doute pas que la plupart d'entre vous en conçoivent un vif soulagement. (Rires.)
La présidente. Vous vous trompez certainement!
M. Charles Poncet. Je n'ai pas de goût pour les adieux façon «Joséphine Baker» ou pour les testaments politiques, retenant d'ailleurs avec un certain optimisme que je n'ai encore atteint l'âge ni des uns ni des autres. Je me bornerai donc, si vous le permettez, Madame la présidente, à dire que je quitte ce parlement à regret et même avec une certaine nostalgie. Ces trois années d'expérience parlementaire, qui étaient pour moi une première expérience, m'ont beaucoup appris. J'ai rencontré dans ce parlement des hommes et des femmes pour lesquels j'ai rapidement conçu de l'estime et souvent de l'amitié, y compris lorsque le hasard des débats nous amenait à défendre des idées ou des points de vue totalement opposés.
Je vous ai dit que je ne ferai pas de discours. Je tiendrai ma promesse! Je me bornerai à émettre un voeu, certain qu'il se réalisera. Je souhaite tout simplement que ce parlement demeure un endroit de débats occasionnellement vifs, mais dans lesquels chacun puisse intervenir dans une totale liberté d'expression et de pensée, dans un esprit de tolérance et dans le respect des opinions d'autrui.
Mes chers collègues, c'est la première fois, depuis trois ans, que je suis ému, vous me le pardonnerez! Je vous souhaite plein succès et une bonne fin de législature. (Vifs applaudissements.)
La présidente. Au nom du Grand Conseil, je remercie M. Poncet de ses gentilles paroles.
Mme Michèle Mascherpa est appelée à remplacer M. Charles Poncet et prêtera serment ce soir à 20 h 30.
Préconsultation
M. André November (Ve). Je ne vous cacherai pas que c'est avec un certain plaisir que je vais vous présenter ce projet de loi 6929.
Ce projet a été élaboré suite aux résultats du référendum sur le crédit de construction de l'aéroport, qui ont clairement indiqué l'attachement de la population genevoise à son aéroport. Je dirai même que l'aéroport fait partie de l'identité genevoise et nous devons en tenir compte. Je l'ai toujours dit. Je remercie mes collègues socialistes, du parti du Travail, et l'indépendant Pierre Meyll, ainsi que l'ARAG d'avoir accepté avec nous de faire le grand saut pour accorder l'autonomie à l'aéroport.
Le projet de loi que nous vous soumettons comporte trois points essentiels. Le premier est le statut de société anonyme d'économie mixte que nous préconisons et qui est défini selon l'article 762 du code des obligations. Cette forme juridique a été choisie après de longues réflexions. Après avoir examiné le statut des Services industriels et le statut des TPG, au lieu d'opter pour une régie d'Etat, nous avons préféré suivre le modèle de la Banque cantonale élaboré par le Conseil d'Etat, en nous disant que ce qui est bon pour le Conseil d'Etat peut être bon pour nous. En effet, nous avons constaté, au cours de nos travaux, que le statut de régie d'Etat est complètement dépassé. Travaillant dans la commission des transports, j'ai pu remarquer que le Conseil d'Etat lui-même essaie d'assouplir le statut de régie d'Etat.
Nous avons choisi ce statut de société anonyme d'économie mixte car l'article 762 du code des obligations permet de créer une société dont le statut est clair et précis. De plus, la nouvelle législation adoptée récemment par le Parlement fédéral -- que vous devez bien connaître, Monsieur Maitre, parce que vous avez sûrement travaillé sur ce sujet -- assure toutes les garanties en ce qui concerne le contrôle et la transparence financière. L'article 762 est une base légale appropriée pour le statut de l'aéroport parce qu'il permet, je cite: «de sauvegarder l'intérêt public dans une entreprise autonome. C'est un statut juridique où le bien public et les intérêts de l'économie sont étroitement liés». Je tiens ce texte à votre disposition, parce qu'il est extrêmement intéressant de voir à quel point ce statut va dans le sens de l'avenir.
Ce statut assure une souplesse et une rationalité de la gestion de l'aéroport adaptable à l'économie de marché. L'aéroport étant mis en société anonyme, sa gestion devrait suivre les règles de l'économie et s'adapter plus facilement au marché. Cela devrait lui permettre d'établir des priorités et des stratégies. Et surtout, les ressources ainsi dégagées devraient lui permettre de s'autofinancer. L'aéroport devra désormais voler de ses propres ailes sans la main secourable de l'Etat. Cette entreprise, telle que nous la préconisons, devra aussi tenir compte des intérêts des riverains et négocier avec eux.
Le deuxième point est l'introduction d'un organe de contrôle de l'environnement. Nous pensons que, au même titre qu'un organe de contrôle financier examine la comptabilité et le bilan d'une entreprise, il faudra instituer un organe de contrôle pour établir le bilan écologique. C'est une innovation que nous proposons dans le cadre de ce nouveau statut. Elle n'est pas révolutionnaire, car de toute façon l'aéroport est soumis aux obligations légales de protection de l'environnement. L'aéroport doit respecter les riverains en réduisant le bruit, mais il s'agit ici de rendre ses activités plus transparentes en matière de protection de l'environnement. Cet organe de contrôle permettrait d'avoir un rapport régulier dans ce domaine. Il existe un contrôle légal des finances des entreprises, il devrait exister un contrôle légal de la conformité des entreprises à la législation sur l'environnement.
Le troisième point est d'ordre financier. L'aéroport devrait rembourser l'Etat pour les sommes empruntées pour le développement de son infrastructure, s'autofinancer et payer des dividendes. A ce propos, j'aimerais vous signaler que les TPG viennent de lancer un emprunt sur le marché, précisément dans le but de rembourser l'Etat des emprunts qu'il avait contractés. L'aéroport pourrait faire la même chose. Autrement dit, en sortant «l'aéroport» du budget de l'Etat, cela devrait alléger son fardeau budgétaire et apporter des bénéfices. On nous a tellement dit que l'aéroport était rentable que le moment est venu pour lui de participer au financement de l'Etat.
Quant au projet du Conseil d'Etat, je dis: «trop tard, trop peu, trop timide». Et surtout, il me semble que le seul but poursuivi est de court-circuiter le Grand Conseil. Vous avez construit un projet de loi pour ne plus devoir, je cite: «rendre compte au Grand Conseil de chacun de ses faits et gestes». Ce n'est pas un objectif démocratique, ni un objectif économique. Vous aimeriez «pomper» l'argent de l'Etat pour l'expansion de l'aéroport sans
avoir à passer par le Grand Conseil. Face à cette manoeuvre politico-financière, nous proposons un projet clair, réalisable financièrement, économiquement transparent et soutenable écologiquement parlant.
Bien sûr, à vos yeux, rien de bon ne peut venir des écologistes, comme j'ai pu le lire il n'y a pas très longtemps dans la presse. J'aimerais faire ici une petite remarque. Que peut-on penser des convictions d'une journaliste qui, tous les deux mois, dit qu'il faut privatiser l'aéroport, qu'il existe un projet depuis très longtemps et découvre, au moment où nous sortons un projet, qu'il est impossible de le privatiser? Vous avez certainement téléguidé cette manoeuvre, ce qui n'est pas une attitude particulièrement louable.
En étudiant votre projet, il semble que vous avez probablement considéré que la meilleure défense était l'attaque. Vous avez donc essayé de dénigrer notre projet. Il est évident que les écologistes, les socialistes et le parti du Travail ne peuvent pas présenter quelque chose d'intéressant s'agissant de l'aéroport, puisque, par définition, vous pensez que nous sommes bêtes et méchants. (Rires et quolibets fusent.) Un de vos arguments consiste à avancer que, pour réaliser ce projet, il faudra renégocier la conception de l'aéroport. Nous n'y avions pas pensé, mais c'est une excellente idée! Nous ne voulons rien cacher, nous voulons donner un statut nouveau et clair à l'aéroport. Quelle est la véritable raison de votre refus? Elle est probablement ailleurs. On découvre aujourd'hui que pendant des années on a dépensé une somme colossale pour financer l'aéroport et qu'en réalité il peut dégager un bénéfice, mais l'aéroport n'est pas rentable -- c'est ce que vous avez dit, mais qu'il fallait déchiffrer -- par rapport au capital investi. Voilà la vérité!
Je vous propose d'arrêter le débat stérile et les accusations mutuelles. J'aimerais que l'on essaye d'élaborer un projet de loi en commission qui soit digne de ce parlement, et qui prenne le meilleur des deux projets de lois. Même si parfois c'est difficile, je suis prêt à travailler avec vous pour élaborer un projet de loi moderne, dynamique, qui tienne compte des réalités économiques et de la sauvegarde de l'environnement. Les termes de notre proposition sont clairs, et j'espère que la majorité du Grand Conseil et en particulier les partis de l'Entente, qui parlent tout le temps de l'économie de marché et de l'importance de l'économie, nous suivront sur ce terrain.
M. Gérard Ramseyer (R). On pourrait apparemment tirer un raccourci cinématographique: le projet de loi du Conseil d'Etat, c'est: «Sept ans de réflexion» pour «Neuf semaines et demi» de conception avec, en finalité, un projet de loi qui proclame «Je suis timide, mais je me soigne!».
Ce projet de loi ira donc se soigner en commission, mais je ne suis pas certain qu'il soit si mal fichu que cela.
La divergence première entre le projet de loi du Conseil d'Etat et le projet de loi de la gauche et des écologistes réside dans le choix entre établissement de droit public ou société d'économie mixte.
L'essentiel est que notre aéroport soit autonome sur le plan budgétaire et comptable, et donc qu'il puisse faire appel à des investissements privés. La forme de l'établissement parvient à ce résultat aussi bien que celle de la société d'économie mixte.
La seconde notion est que notre aéroport conserve sa caractéristique de service public et, dans cette approche, la forme de l'établissement public est sans doute préférable à l'autre.
En fait, les seuls avantages de la société anonyme d'économie mixte résideraient à première vue dans le dynamisme, le sens de l'offensive et la souplesse qu'elle pourrait faire valoir par comparaison à un établissement peut-être plus lourd, plus pesamment structuré.
Mais elle bute par contre sur des problèmes autrement épineux, on peut même affirmer qu'elle présente, en l'espèce, nombre de tares réellement rédhibitoires.
Le premier problème est celui de la concession fédérale. Elle est attribuée présentement à l'Etat de Genève. Quand on constate que, dans le projet de loi gauche/écologistes, la plupart des articles, dès l'article 9, traitent essentiellement de notions environnementales visant plus à museler l'aéroport qu'à le développer, on sait déjà que cette procédure d'attribution d'une concession à une société anonyme d'économie mixte ne sera qu'un long et tortueux cortège de recours et d'interminables procédures.
Le second problème est celui du patrimoine. On évoque le chiffre de 2 milliards. Quel partenaire privé voudra accepter une situation dans laquelle il sera minorisé jusqu'à la nuit des temps? Et si, pour éviter cet écueil, ce
patrimoine était ramené à des proportions très inférieures, qui accepterait de brader ainsi le patrimoine de l'Etat au bénéfice de privés?
Dernier problème pour ce soir: que restera-t-il du dynamisme d'une société anonyme d'économie mixte si c'est ce Grand Conseil qui en est l'organe de tutelle? Si je suis employé ou cadre d'un aéroport dirigé peu ou prou par une centaine de députés dont chacun sait que l'identité de vues est l'exception, le consensus l'événement, et la mise en commun d'énergies la quadrature du cercles, j'ai quelques soucis à me faire.
En fait, la société d'économie mixte est une forme valable quand il s'agit de créer une concurrence. C'est possible, par exemple, pour un hôpital, ça ne l'est pas pour un aéroport simplement parce qu'on ne créera jamais un deuxième aéroport ici à Genève pour concurrencer le premier.
En commission, on devra à n'en pas douter muscler ce projet, revoir à la hausse les limites d'autonomie en matière d'engagement de crédits et trouver une formule ingénieuse pour régler la question primordiale des investissements immobiliers, d'équipement, d'infrastructure et leur mise à disposition de l'établissement chargé de la gestion de notre aéroport. Il est à ce titre regrettable que le projet de loi n'explicite pas mieux par le biais de quelles structures s'effectuera le développement des investissements. Cette lacune devra être rapidement comblée et nous comptons sur le Conseil d'Etat pour faire diligence en la matière.
En définitive, il est réaliste de juger que ce projet de loi est une bonne base de départ, une base autrement positive que le projet gauche/écologistes. Pour autant, ce dernier ne doit pas être écarté et sa valeur ne saurait être mésestimée. Il doit à notre sens, lui aussi, être étudié en commission, ne serait-ce que pour comparer les solutions de privatisation choisies et fortifier, peut-être, le concept d'établissement avec les meilleurs apports de la solution d'une société d'économie mixte. En outre, il serait regrettable de se priver du plaisir rare d'entendre la gauche et les écologistes défendre ainsi une formule d'économie mixte, à savoir, un créneau totalement inédit pour eux, un peu comme si le député Balestra, soudainement, se mettait à soutenir le «tout à l'Etat» et les kolkhozes en fredonnant l'Internationale. (Quolibets fusent.)
Nous soutenons le renvoi en commission de ces deux projets de lois relatifs à notre aéroport et assurons le Conseil d'Etat de notre meilleure collaboration dans leur étude.
M. Jean Montessuit (PDC). Nous sommes en débat de préconsultation et il convient d'être bref. Ce sont vos recommandations en tout cas. Permettez-moi quand même quelques considérations générales.
Notre aéroport est un élément très important de notre économie. Cela a été encore très clairement démontré hier lors de la conférence de presse tenue conjointement par la Chambre de commerce et les entreprises multinationales établies à Genève, dans le cadre de la campagne «Genève gagne».
Nous devons, plus que jamais à l'heure où les incertitudes sont grandissantes quant à notre économie, nous unir pour sauvegarder cet outil de travail de premier plan.
A cet égard, le projet préparé par le département de l'économie publique, qui est -- je le souligne quand même -- la première grande restructuration d'un service de l'Etat sur laquelle nous sommes amenés à nous prononcer, et que d'aucuns jugent timide, nous paraît tout de même être de nature à maintenir, en cette période de restrictions budgétaires des dépenses publiques, deux axes essentiels à cet équipement.
D'une part, une exploitation rationnelle et efficace grâce à un système de gestion souple, performant et moderne.
D'autre part, une adaptation permanente aux besoins nouveaux, bien entendu dans les limites du développement admis par le parlement, grâce à une autonomie financière accrue et à une plus grande liberté d'action.
Il apparaît, mais nous aurons le temps de le vérifier en commission, que la réalisation de l'autonomie de l'aéroport en la forme d'un établissement de droit public s'est pratiquement révélée la seule possible, compte tenu des contraintes d'ordres économique, fiscal, juridique, au regard aussi de l'attribution de la concession fédérale d'exploitation concédée au canton. M. Ramseyer vient de développer ce point, je ne m'étendrai donc pas.
Cette solution n'exclut toutefois pas une large ouverture aux milieux intéressés à la présence de l'aéroport et nous avons apprécié l'idée d'ouvrir le conseil d'administration aux cantons voisins et aux régions françaises limitrophes. Nous avons également apprécié l'idée d'associer les communes à la gestion de cet aéroport, communes sur lesquelles il est installé et qui en subissent à la fois les nuisances et les retombées économiques.
En conclusion, sous réserve de points de détail que nous évoquerons en commission, un peu dans le même esprit que ceux qui ont été évoqués tout à l'heure par M. Ramseyer, nous sommes favorables à un examen rapide de ce projet en commission de l'économie. Nous ne pensons pas que le projet 6929 émanant des partis socialiste et écologiste soit une alternative possible. Nous ne nous opposerons toutefois pas à son renvoi en commission dans la mesure où nous souhaitons que le projet qui sortira de la commission de l'économie et qui assurera le maintien de notre aéroport, encore une fois indispensable aux activités de Genève, fasse l'objet d'un large soutien du parlement.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Face à la grave crise des finances publiques, l'ensemble de la classe politique se rallie maintenant au principe d'une réorganisation des activités de l'Etat. Il ne s'agit pas de démanteler l'organisation étatique, mais bien de confier toutes les activités d'exploitation et de production à des entreprises suffisamment autonomes pour être soumises aux règles de l'économie de marché.
Il faut maintenant passer des intentions aux actes! Le plan quadriennal de redressement des finances que nous avons accepté repose en partie sur une réduction de l'enveloppe des dépenses d'investissements, qui passeront d'environ 500 millions à 250 millions de francs par année, dès 1994. Si nous ne trouvons pas, de toute urgence, d'autres solutions de financement des investissements d'équipement lourd pour compenser le désengagement financier de l'Etat, il ne fait aucun doute que la réalisation de plusieurs investissements d'utilité publique sera gravement retardée, voire remise en cause, notamment dans le domaine des transports publics et privés, des équipements aéroportuaires, et dans le domaine du traitement des déchets. En premier lieu, la solution consiste à confier le développement, l'exploitation et la gestion de plusieurs activités d'intérêt général à des établissements distincts dotés d'une personnalité juridique.
Les deux projets de lois qui nous sont soumis concernant l'aéroport de Genève-Cointrin montrent qu'il y a plusieurs conceptions de la notiond'autonomie. La définition du «Petit Robert» me paraît claire: «Est autonome celui qui est régi par ses propres lois, qui s'administre lui-même, qui se détermine selon des règles librement consenties». A mon sens, ces établissements devront avoir la possibilité de s'administrer eux-mêmes, tant du point de vue des investissements que de l'exploitation, y compris la politique du personnel. Il serait en effet illusoire de confier à des entreprises la compétence d'investir et d'exploiter certaines activités sans que soit coupé le cordon ombilical qui les relie au statut du personnel de l'administration cantonale, y compris, par exemple, l'affiliation aux caisses de retraite publiques.
Je constate avec satisfaction que le projet de loi 6927 du Conseil d'Etat répond en grande partie à ces conditions. Je comprends les dispositions de l'article 33 sur le transfert du personnel comme pouvant garantir les droits acquis au moment du transfert seulement. Par la suite, l'établissement devra toutefois avoir pleine liberté de gérer les problèmes du personnel sur une base privée et en fonction de ses propres objectifs en la matière. En revanche, le projet de loi 6929, bien qu'ayant certaines idées attrayantes, n'accorderait, il me semble, pas à l'aéroport les éléments constitutifs essentiels d'une véritable autonomie. Le Grand Conseil demeurant l'autorité de surveillance toute-puissante, cela ne changerait rien à la situation actuelle qui a entraîné les retards que l'on connaît dans le développement de l'aéroport.
Nous serons encore souvent conduits à examiner des projets visant à accorder une plus grande autonomie à des établissements publics, comme pour le projet de loi 6891 de la station d'épuration d'Aïre modifiant la loi sur les eaux. Il me semble que ce projet ne remplit pas les conditions réalistes de base pour une véritable autonomie, n'en diminuant ni les difficultés de fonctionnement ni la simplification et la dynamique de gestion. Afin d'éviter anarchie et confusion et avant que chaque département ne crée sa propre petite loi, il m'aurait semblé utile et constructif que le Conseil d'Etat promulgue une loi-cadre contenant les principes et les critères à appliquer obligatoirement lors de chaque création d'établissement autonome.
Cette loi-cadre aurait dû contenir notamment la procédure de création de l'établissement, la description de la forme juridique la plus appropriée pour atteindre le but recherché, soit l'autonomie en matière
d'investissements et d'exploitation. Elle aurait dû contenir également la description des compétences en matière d'investissements, les principes enmatière d'exploitation, de gestion et de politique du personnel. Il me semble évident qu'en travaillant de la sorte et en adaptant ponctuellement cette loi-cadre aux particularités de chaque établissement avant qu'il soit autonome le travail de tous serait bien plus constructif, car nous aurions la certitude que le Conseil d'Etat est d'accord sur la définition de base de l'autonomie. Nous aurons donc tout loisir d'en discuter en commission en espérant que nous arriverons à des solutions constructives.
M. Alain Rouiller (S). Je prends la parole en position d'apparente faiblesse devant vous. En effet, en tant que représentant du groupe socialiste opposé à l'extension de l'aéroport, en tant que représentant du comité référendaire qui s'y est opposé également avec force, je pourrais apparaître en position de faiblesse. (Rires.) Cette position de faiblesse pourrait être renforcée si l'on en croit la lecture de certains journaux. Andreas November a déjà fait état du service de presse privé de M. Jean-Philippe Maitre.
Notre opposition visait principalement l'extension de l'aéroport. Il faut dire et redire, et répéter encore et encore, que notre groupe n'est pas opposé à la présence de l'aéroport, ni à son développement raisonnable. Ce qui est important est la taille qu'il ne doit pas dépasser ainsi que le contrôle démocratique. Autonomie est un mot dont on a souvent fait état dans les interventions précédentes. On nous dit que notre projet de loi 6929 veut restreindre l'autonomie de l'aéroport. Je ne sais pas s'il a été bien lu, mais nous pensons que nous accordons une autonomie plus grande dans notre projet que ne le fait le Conseil d'Etat dans le sien. En effet, si le Grand Conseil est bien l'organe de surveillance de l'aéroport, cela concerne uniquement les statuts et une extension éventuelle de l'aéroport. Nous pensons que le Grand Conseil doit avoir son mot à dire.
Voici quelques spécificités concernant le projet de loi des partis de l'Alternative. Tout d'abord, nous souhaitons plus de transparence financière -- ce qui ne devrait pas poser de problème vu les propos tenus lors des débats précédents -- et plus de transparence au niveau de l'environnement. La proposition de création d'un organe de contrôle de l'environnement serait un geste utile et nécessaire pour démontrer que l'aéroport peut et doit exister à Genève. Si, par hasard, on devait avoir peur de cet organe de contrôle de l'environnement, cela voudrait dire alors que cet aéroport n'est peut-être passitué au bon endroit. Comme on nous assure que cela n'est pas le cas, il n'y a rien à craindre! Le projet du Conseil d'Etat -- c'est l'analyse que j'en fais -- tente d'éviter le contrôle démocratique par le Grand Conseil.
Dernier point, qui est nouveau dans notre projet de loi, qui est nouveau par rapport à ce qui existe et par rapport à la proposition du Conseil d'Etat, c'est la concertation. Nous proposons de créer une commission consultative qui ne soit pas seulement un alibi. Nous sommes convaincus de la nécessité de discuter avec les parties concernées et que les différents acteurs de la vie politique genevoise sont impliqués, que ce soit en matière de transports publics, en matière de circulation genevoise ou en ce qui concerne l'aéroport. Je suis intimement persuadé que la concertation est une des clés pour que les projets «passent» mieux. C'est un signe au Conseil d'Etat qui, je l'espère, saura le comprendre.
Encore une petite remarque en passant. L'intervention de M. Gardiol me laisse à penser que le parti libéral est beaucoup plus étatiste que les partis de gauche ou que le parti écologiste. C'est intéressant de le constater!
Je terminerai par ceci: le groupe socialiste fait, avec ses deux partenaires, une proposition constructive pour trouver un consensus sur une meilleure gestion de notre aéroport. Aussi, nous nous réjouissons de pouvoir discuter de ces deux projets en commission de l'économie.
M. Pierre Meyll (T). J'ai été déçu par le projet présenté par le Conseil d'Etat, car en fait, il n'amène pas grand-chose! En lisant la presse et en entendant certaines remarques faites ici, je m'aperçois qu'aucune solution très novatrice n'a été trouvée. Cela n'a servi à rien d'autre que de priver le Grand Conseil de toutes ses interventions dans le domaine.
La gauche et les verts proposent une solution évidemment différente. Ce n'est pas la proposition du Conseil d'Etat, faite dans la crainte de ce fameux audit, qui donnera la possibilité à l'aéroport de se développer sans nuisances pour les riverains. On parle d'associer les communes environnantes qui ont des retombées fiscales, sans tenir compte des communes qui subissent les nuisances, comme Vernier, Versoix, Bellevue, etc. Il y a là une anomalie.
Notre projet, par contre, réserve une marge de manoeuvre à ces communes pour pouvoir effectuer certaines démarches.
Il serait piquant que la droite, qui pourrait être la droite économique et frileuse, refuse un projet comme le nôtre. En fait, il est évident qu'il est beaucoup plus novateur, et nous pensons que le développement de l'aéroport doit rester de taille humaine. La plupart des riverains de l'aéroport sont évidemment favorables à notre projet, et pour cause, puisque son application permettrait de mieux les protéger. Ces problèmes seront revus en commission où ils pourront être, je le souhaite, discutés sereinement. Je ne doute pas que de tout cela sortira quelque chose de positif pour les riverains, en étudiant les deux projets de lois en parallèle.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Aujourd'hui, quels sont les objectifs à poursuivre s'agissant de l'aéroport, et sur lesquels, me semble-t-il, nous pourrions nous mettre d'accord?
Il est tout d'abord nécessaire de rendre la gestion commerciale de l'aéroport plus flexible, plus souple, plus efficace et plus pointue encore, de façon à être mieux à l'écoute des véritables besoins des compagnies aériennes et des usagers.
Le deuxième objectif est un objectif de politique financière et structurelle de l'Etat. Il s'agit de décharger le budget de l'Etat du poids important des frais financiers et des amortissements liés aux investissements. En effet, comme vous le savez, l'établissement «aéroport», quelle que soit la nature juridique ou la forme juridique retenue, a une capacité d'autofinancement suffisante. C'est possible et cela présente le double avantage que le budget de fonctionnement de l'Etat se trouverait déchargé d'un poids de charges pouvant être assumées par une entité tierce, d'une part. D'autre part, une case serait ainsi libérée -- si vous me permettez l'expression -- du budget d'investissements, pour être utilisée autrement, notamment pour la réalisation de programmes de logements sociaux.
Le troisième objectif est donc bien de stimuler, d'accélérer -- c'est un devoir impératif -- la réalisation d'investissements pour moderniser cet outil de travail indispensable à la collectivité genevoise. Celle-ci nous l'a d'ailleurs rappelé il y a juste une année à l'occasion du vote référendaire sur le dernier crédit d'extension de l'aérogare.
Le quatrième objectif est l'ouverture. L'aéroport doit être plus ouvert à l'économie et son conseil d'administration doit être le fidèle reflet de cette ouverture. Il doit s'ouvrir à la région, car l'équipement est conçu non pour la seule Genève mais pour l'ensemble du bassin versant qu'il dessert.
J'espère bien qu'en toute bonne foi nous parviendrons à nous mettre d'accord sur ces objectifs. Quelle est la meilleure structure à mettre en place pour les atteindre? Est-ce un établissement de droit public ou une société anonyme de droit public? Je vous dis très clairement -- particulièrement aux auteurs du projet de loi 6929 -- que le modèle de la société anonyme est celui qui aurait eu ma préférence. Du reste, nous l'avons étudié, mais il s'avère malheureusement, pour des motifs techniquement assez complexes sur les plans financiers, fiscaux et juridiques dont j'aurai l'occasion de parler en commission, que c'est un modèle extrêmement difficile, voire, sur certains points, impossible à appliquer, notamment en raison de l'extraordinaire charge que représente, du point de vue structurel, la valeur patrimoniale des actifs qu'il conviendrait d'apporter à la société anonyme. Créer une société anonyme de droit public est une chose bien différente suivant que l'on crée une affaire nouvelle ou, au contraire, que l'on hérite d'une affaire qui a déjà une histoire considérable.
J'espère bien qu'en matière de transports on pourra réaliser le métro par le biais d'une société anonyme qui, elle, mettra en place une nouvelle affaire et une nouvelle structure. Nous aurons l'occasion d'évoquer tout cela en commission et je pourrai vous donner un certain nombre d'explications. Je suis convaincu moi-même que les auteurs du projet 6929 sont des gens de bonne foi, c'est pour cela qu'ils admettront qu'un certain nombre d'arguments rendent la réalisation d'une société anonyme de droit public très difficile, pour ne pas dire impossible.
Le problème de la préoccupation environnementale et de l'organe de contrôle est une idée qui ne me laisse pas du tout insensible, je la trouve même intéressante. La vraie question que nous aurons à trancher est de savoir si cette préoccupation doit faire l'objet d'une structure ad hoc dans une loi ad hoc ou si elle doit rentrer dans la loi qui va consacrer le nouvel instrument de gestion de l'aéroport. Il y a deux thèses à cet égard sur lesquelles il faudra bien réfléchir. Je suis, pour ma part, tout à fait déterminé à renforcer la structure actuelle en matière de préoccupation de l'environnement, telle que nous la connaissons dans le domaine de l'aéroport, pour la simple raison que ce dernier n'a qu'une structure relative à la préoccupation «bruit», qui était la préoccupation de l'époque. A certains égards, nous savons que cette préoccupation est devenue moins grande -- ce qui ne veut pas dire qu'elle a disparu -- et que sont nées des préoccupations nouvelles, notamment au sujet de la pollution atmosphérique. Je crois que l'on a besoin d'instruments nouveaux et mieux adaptés. Je souhaite que ce débat soit approfondi en commission de façon à adapter la structure de prise en charge de ce type de préoccupations de la manière la plus adéquate possible dans la loi qui régira l'établissement ou dans une loi ad hoc.
Quels que soient les avis des uns et des autres -- et certains étaient marqués du sceau de l'année électorale -- il est absolument décisif de nous mobiliser pour réussir ce projet. Il en va fondamentalement de l'avenir de l'aéroport. Nous devrons tous faire des concessions pour arriver à un projet, ce qui démontrerait que la classe politique genevoise a la capacité de travailler à la convergence et non pas à la dispersion sur un enjeu aussi important.
Monsieur Ramseyer, vous avez parlé de sept ans de réflexion; cela ne fait pas sept ans mais trente-cinq que l'on attend une réalisation de ce type. D'ailleurs, M. November a fait allusion au projet déposé à l'époque par une personne qui m'est proche. Il ne s'agissait pas d'un projet de société anonyme de droit privé, mais d'un projet d'établissement public autonome qui, à l'époque, a été balayé, j'aimerais quand même vous le rappeler. Néanmoins, je suis optimiste car je constate une singulière évolution des mentalités, et cela augure bien de l'efficacité des travaux que nous aurons en commission.
Aujourd'hui, face à l'enjeu représenté par un instrument tel que l'aéroport, dans le contexte économique que nous vivons, il est indispensable de se mobiliser pour réussir cette opération. Elle est nécessaire non seulement pour l'aéroport, mais encore parce qu'elle traduit une véritable volonté de moderniser l'Etat et de rendre nos structures de gestion plus proches des besoins réels de cette cité sur les plans économique, social et politique.
Ces projets sont renvoyés à la commission de l'économie.
Débat
M. Gérard Ramseyer (R). Le président Mitterand utilise parfois une jolie expression: «Il faut laisser le temps au temps». Je crois que cette maxime s'applique parfaitement en l'espèce. Nous avons tous été déçus de la décision populaire funeste du 6 décembre, encore qu'il soit téméraire de qualifier de funeste une décision du peuple souverain. Apaisé le tumulte de cette votation, nous avons accueilli avec sympathie, par exemple, la manifestation des jeunes à Berne. Nous avons lu avec gratitude une presse quasi unanime pro-européenne et nous avons surtout enregistré le travail gigantesque accompli par deux conseillers fédéraux romands, MM. Delamuraz et Felber. Mais n'avez-vous pas le sentiment que le moment est venu de laisser le temps au temps?
Première remarque. Nombre d'hommes politiques éminents, Européens convaincus, ont jugé habile d'attacher d'emblée le wagon de la Communauté européenne à la locomotive de l'Espace économique européen. A mon sens, ils ont commis une faute politique, ou du moins ont-ils manqué de sens politique, et il serait préjudiciable à leur cause de recommencer. Je les invite à plus de doigté, à un sens des nuances mieux affiné pour le bien des objectifs qu'ensemble nous partageons.
Deuxième remarque. Le tumulte retombé, le temps de la réflexion est venu. Et surtout, que cesse cette attitude d'autoflagellation dans laquelle se complaît notre pays! Après tout, le score suisse est à un petit pourcentage près le score français ou le score danois. Si, par exemple, les Français avaient dû voter par départements, l'échec aurait été le même. Il me semble donc vraiment souhaitable que l'on cesse, à tous les niveaux de la politique de ce pays, de s'autoflageller de la sorte.
Troisième remarque au sujet de l'article 9 de la Constitution. Ne m'en veuillez pas de dire que cette référence a un côté quelque peu enfantin. Pour négocier, il faut être deux! Si je suis bien informé, jamais la France, par exemple, n'accepterait de négocier avec des cantons. Un pays négocie au minimum avec un autre pays, de sorte que la troisième invite me paraît vaine.
En conclusion de cette motion et de la résolution dont nous parlons...
La présidente. La motion n'est pas en discussion, Monsieur Ramseyer!
M. Gérard Ramseyer. La résolution a un côté positif: celui de démontrer notre volonté politique d'être européens. Mais je ne la soutiendrai pas parce qu'elle me donne l'impression d'un saut de cabri sans grande portée. Je m'abstiendrai simplement parce que le moment est venu de laisser le temps au temps. C'est une attitude qui ne s'accommode pas d'impulsions primesautières de parlementaires, aussi bien intentionnés soient-ils.
Mme Martine Brunschwig Graf (L). C'est bien parce que nous souhaitons laisser le temps au temps que cette résolution, qui au goût de certains était trop timorée, est une résolution qui finalement s'impose, particulièrement si vous songez que ce parlement, avant le vote du 6 décembre dernier, avait souhaité voter sur un rapport du Conseil d'Etat -- ce qui ne se fait pas d'habitude -- pour exprimer sa volonté par rapport à ce vote du 6 décembre.
Aujourd'hui, que fait-il? Ce même canton exprime, après le vote du 6 décembre, le soutien qu'il continue à apporter et au Conseil fédéral et aux parlementaires fédéraux qui doivent oeuvrer dans le domaine de la politique de coopération et d'intégration européenne. C'est l'intention de cette résolution. Elle n'est ni précipiter les événements, ni faire des sauts de cabris, Monsieur Ramseyer, j'en serais bien incapable pour ma part!
Une voix. Tu te sous-estimes!
Mme Martine Brunschwig Graf. On ne se refait pas! Elle vise simplement à fournir un appui parlementaire et une base politique pour ceux
qui doivent se battre au front. On nous a d'ailleurs laissé entendre que cette résolution était souhaitable, y compris pour le maintien de la demande d'ouverture de négociations, comme vous avez pu le lire dans la presse. Alors, je ne crois pas que nous soyons en péril en votant cette résolution, ni que nous soyons en retard, pas plus que nous révolutionnions quoi que ce soit. C'est un simple acte politique cohérent et semblable à celui que vous aviez fait avant la votation du 6 décembre. C'est la raison pour laquelle les six groupes qui étaient d'accord sur l'EEE, voté le 6 décembre, ont signé cette résolution par le biais de leur chef de groupe.
M. Philippe Joye (PDC). A propos de cabris, je vous informe que nous ferons à 19 heures un concours de sauts de cabris avec M. Ramseyer. Tous ceux qui s'estiment juvéniles et primesautiers dans ce Grand Conseil y sont invités! J'y serai évidemment! (Rires.)
Hier, j'ai donné les trois raisons pour lesquelles une motion de ce genre mérite d'être conservée. Premièrement, nous devons témoigner vis-à-vis de l'étranger de la vivacité de notre attachement à l'Europe. Deuxièmement, nous courons le risque de voir passer des idées exprimées publiquement en Suisse allemande et de faire ainsi renoncer notre pays à sa demande d'entrée dans la Communauté. Troisièmement, nous voulons trouver des solutions régionales adéquates.
J'en ajoute une quatrième. Avec mon collègue Torrent et le député Poncet, qui tel une étoile filante vient d'apparaître au firmament de ce Grand Conseil, j'ai déposé au mois de mars 1990 une motion: «Horizon 2000» proposant l'adoption à Genève de la directive concernant la reconnaissance des diplômes. Je pense que nous pourrions insérer cette proposition très concrète dans le deuxième volet de cette résolution. Je vous propose donc de voter cette résolution et, dans une séance ultérieure, de voter notre motion, ce qui nous permettrait d'aller de l'avant.
M. Philippe Fontaine (R). Mon collègue Ramseyer est libre de penser ce qu'il veut. Pour ma part, vous imaginez bien que je ne partage pas son avis.
Il nous paraît important, au contraire, de soutenir cette résolution, ne serait-ce que pour confirmer le résultat extraordinaire que les Genevois ont obtenu. Nous avons à Genève une vocation internationale certes, mais nous avons d'abord et avant tout une vocation européenne. Nos citoyens l'ont montré le 6 décembre dernier, raison pour laquelle je vous invite à voter résolument cette proposition.
M. Alain Rouiller (S). J'aimerais apporter le soutien du groupe socialiste à cette résolution. Il est important que les cantons favorables à l'EEE confirment clairement leur position. C'est un signal politique important de notre parlement pour permettre au Conseil d'Etat de soutenir le Conseil fédéral. C'est aussi une façon d'exprimer à la jeunesse, qui s'est mobilisée en faveur de l'EEE, que le parlement poursuit toujours le même objectif.
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat tient à dire brièvement ici qu'il adhère, dans la mesure où cela serait de sa compétence, à l'objectif de cette résolution, cela sans réserve aucune. Il faut être très clairs sur le contexte politique dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui.
Lorsqu'au soir du 6 décembre le Conseil fédéral a dit que toutes les options demeuraient ouvertes, nombreux sont ceux qui ont compris que c'était une manière diplomatique d'affirmer qu'il ne voulait pas retirer sa demande d'ouverture de négociations en vue d'une adhésion. Vous aurez observé, en prenant connaissance du résultat de la conférence d'un parti pourtant gouvernemental sur le plan fédéral, qu'en réalité, parmi les options ouvertes, il en est d'aucuns qui continuent d'affirmer que «l'Alleingang» est une option ouverte. Il est donc politiquement indispensable de maintenir ce que j'appelle un état suffisant de tension pro-européenne.
Dans le débat politique de ce pays, si l'on veut véritablement achever de creuser plus profondément encore les fossés qui ont pu être révélés entre certaines régions, entre les villes et les campagnes, entre les générations, alors il faut baisser les bras et décevoir toutes celles et ceux qui se sont mobilisés dans cette fantastique opération du 6 décembre. Nous n'avons tout simplement pas le droit -- politiquement parlant, bien entendu -- de lâcher et de se désintéresser des jeunes. Après tout -- c'est être lucides que de le reconnaître -- il n'est pas si fréquent que cela de constater un tel degré d'unisson entre la jeunesse et la classe politique dans nos cantons romands sur un sujet politique aussi fondamental. C'est un terreau fertile que nous avons le devoir politique de faire fructifier, sans démagogie mais avec un grand sens des responsabilités.
Voilà les raisons pour lesquelles il est nécessaire d'engager et d'encourager des initiatives de ce type de façon à ce que le Parlement fédéral qui sera le destinataire de cette résolution soit bien conscient qu'un certain nombre de cantons ne veulent pas baisser les bras.
A cet égard, Monsieur Ramseyer, permettez-moi de vous dire que je ne partage pas votre avis à propos de l'une de vos observations. Heureusement, le Conseil fédéral -- et c'est ce que nous souhaitions -- a déposé avant le 6 décembre, au mois de mai l'année dernière, une demande d'ouverture de négociations en vue d'une adhésion. S'il ne l'avait pas fait, il ne pourrait plus le faire maintenant, politiquement parlant. Or c'est aujourd'hui le seul point qui nous relie à la Communauté, même si, évidemment, il n'est pas utilisable à court terme. Sur ce plan, vous avez raison, il faut donner du temps au temps pour que la diplomatie helvétique pro-européenne atteigne ses objectifs.
En effet, la Commission de Bruxelles, la Communauté en tant que telle, sait que le Conseil fédéral -- il a eu raison de l'affirmer et il l'a confirmé mercredi dernier -- veut maintenir cette demande d'adhésion, même si des négociations ne peuvent de toute évidence pas s'ouvrir dans l'immédiat. Si le Conseil fédéral n'avait pas eu le courage de le faire, nous nous trouverions aujourd'hui dans un isolement encore plus fatal que celui que nous connaissons, car au moins il nous reste un lien psychologique, et ce lien a une signification politique extrêmement importante.
M. Hermann Jenni (MPG). Je pense que M. Ramseyer a parfaitement raison. (Aahh général.)
Ayons la modestie de remettre quelquefois en question ce sentiment de supériorité et cette certitude d'avoir toujours raison qui nous caractérisent nous autres Romands et plus particulièrement nous les Genevois. Quelle est la chose la plus importante pour nous, Suisses? Notre cohésion interne ou l'entrée précipitée dans un organisme européen auquel nous serons certainement intégrés un jour, mais qui doit corriger ses structures?
En donnant du temps au temps et en faisant un peu attendre le pactole helvétique qu'attendent ouvertement les partenaires avec lesquels nous négocions cette entrée dans l'Europe, nous pourrons favoriser et peut-être même accélérer ces réformes nécessaires de cette organisation européenne excessivement centralisatrice et bureaucratique. Mais, de grâce, ne prêtons pas la main à des manoeuvres qui pourraient conduire à des ligues séparatistes parce que certains cantons sont en désaccord avec la majorité. Ne créons pas un nouveau «Sonderbund»! Laissons du temps au temps!
M. Jean-Philippe Maitre, conseiller d'Etat. Monsieur Jenni, je crois que vous avez apparemment oublié, s'agissant du seul contexte genevois, que 78% de nos concitoyennes et concitoyens ont soutenu la thèse de l'adhésion à l'Espace économique européen. Il y a dès lors une certaine arrogance à gloser sur ceux qui prétendraient avoir raison. Le peuple nous a donné un mandat extrêmement clair et il est évident que les liens très profonds et sincères qui nous attachent à la Confédération nous conduisent à rechercher les formes de cohésion les meilleures possibles.
Dans ce sens, nous apprécions que la résolution ait été rédigée de manière très modérée parce qu'elle permet ainsi d'aller de l'avant avec cohérence. Je vous dis, Monsieur Jenni, que nous pourrons maintenir la cohésion à la seule condition de ne pas lâcher les personnes qui se sont mobilisées pour cette cause, qui est une belle cause. Je pense particulièrement aux jeunes auxquels nous devons rester attentifs. (Applaudissements.)
Mise aux voix, cette résolution est adoptée.
Elle est ainsi conçue:
Préconsultation
M. Roger Beer (R). Vous le savez, cette idée d'encouragement au départ à la retraite des professeurs du cycle, du secondaire, voire même du primaire, n'est pas nouvelle. Je suis déjà intervenu par le biais d'une motion -- vous devez vous en souvenir -- acceptée à l'unanimité par le Grand Conseil. Ma seule erreur à l'époque -- c'est ce que je pense -- est d'avoir accepté de la renvoyer au Conseil d'Etat, car je n'ai plus eu de nouvelles et plus le moyen d'intervenir par le biais d'une commission pour obtenir un «feedback» de la part du Conseil d'Etat et de l'administration.
Alors, j'ai retravaillé le sujet avec mon collègue Dessimoz et nous déposons un projet de loi approfondissant le sujet tout en conservant à peu près la même logique et la même réflexion. Je suis très étonné car M. Föllmi m'avait assuré que ce projet était à l'étude. Je veux bien le croire puisque j'en ai entendu parler par certains de ses collaborateurs. Il devait même penser qu'une réponse était imminente, même si elle ne devait pas être complète, vu les moyens de travail limités mis à la disposition du député par rapport à l'administration.
Aujourd'hui, j'espère engager avec le Conseil d'Etat une discussion qui débouchera sur une réponse plus complète. J'étais finalement assez heureux de ma motion, car peu de temps après -- une année -- le Conseil d'Etat venait avec son PLEND, le programme d'encouragement au départ à la retraite anticipée, qui reprenait grosso modo un certain nombre de logiques de cette proposition de motion. Il semble, d'après les échos de la presse -- je pense que le Conseil d'Etat nous donnera de plus amples informations -- que le succès escompté n'est pas aussi génial qu'on aurait pu l'espérer. En effet, le
fait que cette proposition est valable une année seulement et que, de plus, un départ à la retraite ne doit pas être remplacé pour entrer en vigueur sont peut-être des aspects négatifs qui nuisent à son succès.
Alors, quelle est l'idée générale de notre projet de loi? J'y reviens brièvement. Il comporte deux axes. Encourager les départs à la retraite des professeurs et, dans le même temps, favoriser la création d'emplois pour les jeunes. C'est une vieille idée qui, déjà à l'époque, en 1984, avait été abordée par le député Schutzlé sous forme de question écrite. Pourquoi cette préoccupation? Comme je l'ai déjà dit, parce qu'un bon nombre de ces professeurs ont été engagés dans les années 60/70 pour répondre au «baby-boom» de l'époque et, également, pour répondre à la volonté de mettre en place un enseignement de qualité, alors qu'on manquait de professeurs. Le résultat en est que cette vague de professeurs a vieilli, comme tout le monde, et on sait que la moyenne d'âge -- je me base sur des chiffres que l'on m'a communiqués, mais dont je ne suis pas très sûr -- au DIP est de plus de cinquante ans. Ce n'est pas préoccupant, mais c'est un problème à soulever. Il faut donc s'attendre prochainement à des départs massifs de professeurs. Il peut y en avoir cinquante, cent cinquante comme deux cents. Cela risque de provoquer un déséquilibre entre les différentes classes d'âge, ce que ce projet de loi voudrait éviter.
Pourquoi avoir développé cette idée, que nous trouvons bonne, bien évidemment? Tout simplement parce que nous avons abordé cette question sous l'angle salarial. Entre un professeur senior et un professeur junior, l'un en fin de carrière, l'autre en début, nous avons constaté une différence d'environ 30 à 40 000 F selon qu'il travaille dans le primaire, au cycle ou au collège. Nous proposons de diviser cette somme en deux, dont la moitié reviendrait en prime de départ à celui qui quitterait sa fonction et l'autre moitié à l'administration. Cela serait un premier gain.
Ensuite, nous avons pensé au nombre d'heures effectuées. Nous savons qu'en début de carrière un professeur enseigne vingt-quatre heures, alors qu'en fin de carrière, il enseigne encore vingt heures, vu que la moyenne est calculée sur vingt-deux heures. Cette différence horaire est extrêmement importante, parce qu'elle donne un plus qui favorise l'engagement de jeunes. Vous pouvez trouver les chiffres dans mon projet de loi. Rapidement. Si on prend dix «profs» seniors, cela donne deux cents heures d'enseignement par semaine. En les remplaçant par neuf professeurs juniors, on gagne un poste -- cela va dans le sens des objectifs de l'Etat de Genève -- et ces neuf professeurs fournissent deux cent seize heures de travail. Ce qui fait que l'Etat gagne seize heures plus un poste de professeur.
Evidemment, il est intéressant de voir comment le département de l'instruction publique a travaillé et analysé ces chiffres, quels seront les renseignements qu'il nous fournira sur la possibilité d'application, parallèlement à l'engagement du PLEND.
Une petite erreur de frappe s'est glissée dans le projet à l'article 3, alinéa 2. On a écrit «article 1» au lieu d' «alinéa 1». Je pense que vous aurez corrigé de vous-même. Je suis bien sûr prêt à apporter encore davantage de chiffres et d'éléments en commission de l'enseignement, si vous le souhaitez.
Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir accepter de renvoyer ce projet de loi en commission de l'enseignement.
M. Alain Sauvin (S). Nous aimerions remercier et féliciter M. Beer d'avoir déposé une motion il y a dix huit mois et d'avoir persévéré en déposant un projet de loi plus étayé.
Nous avons, pour notre part, réellement regretté que le Conseil d'Etat n'ait pas déjà tenu compte de cette proposition au moment du vote du budget, au mois de décembre, proposition que nous jugeons excellente. Je n'en comprends pas la raison. J'avais, en ce qui me concerne, relancé nos deux conseillers d'Etat et j'imagine que vous aviez fait de même. Peut-être que M. Föllmi pourra nous en donner l'explication, puisqu'il avait dit -- je m'en étais félicité à l'époque -- qu'il fallait creuser l'affaire car la «pierre philosophale» avait peut-être été trouvée! C'est un bien grand mot, mais cela montrait bien l'intérêt du Conseil d'Etat à l'égard de cette proposition. J'espère que c'est toujours le cas et que seules des raisons techniques sont à l'origine de ce retard.
C'est un projet plus intéressant que le projet du PLEND pour toute une série de raisons. Il voit loin et il anticipe, alors qu'on reproche, souvent et à juste titre, aux politiques que nous sommes, les députés comme les conseillers d'Etat, de ne pas savoir prévoir. Il respecte le choix des enseignants, puisqu'il n'est pas question de mise à la retraite d'office, ce qui est essentiel. C'est donc un projet tout à fait libéral dans le bon sens du terme.
Il fait également place aux jeunes ce qui est important étant donné la conjoncture et, de plus, il permet de faire des économies. Bien sûr, il faut tenir compte de tous les éléments et les étudier d'un peu plus près.
Je voudrais faire deux remarques que d'autres pourront reprendre, puisque je ne participe pas à la commission de l'enseignement.
La première est l'engagement de ne pas exercer une activité salariale pour les bénéficiaires au-delà de 6 000 F par an. Ce chiffre peut paraître arbitraire; il pourrait aussi bien être fixé à 4 000 F ou à 10 000 F, mais il ne faudrait pas qu'il soit dissuasif. Il arrive que nous ayons besoin des services de gens partis prématurément à la retraite, autant dans le secteur privé que dans le secteur public, et leur rémunération, même modeste, atteint très vite ce chiffre en une année. Le contrôle de cette opération nous paraît également à première vue quasiment impossible.
Le deuxième point à soulever en commission est que les bénéficiaires de cette proposition vont voir leur taux de pension baisser, non seulement jusqu'à l'âge légal de la retraite mais jusqu'à leur décès. Si cela ne pose pas de problème pour les gros salaires, cela risque d'en poser pour les moyens et petits salaires, puisque, dans un second temps -- ce serait justice pour les bénéficiaires potentiels et positif pour l'administration -- ce projet devrait s'appliquer non seulement aux enseignants mais encore à tous les fonctionnaires. C'est un élément qui pourrait également se révéler dissuasif.
Vous parlez de diviser en deux la différence de salaire entre un enseignant en fin de carrière et un enseignant en début de carrière. Il faut faire des calculs actuariels pour savoir s'il vaudrait mieux diviser cette somme en trois ou encore procéder autrement pour alimenter un fonds -- je ne suis pas spécialiste en la matière -- ce qui permettrait de ne pas baisser, ou qui baisserait dans une moindre mesure seulement, le taux de pension après soixante-cinq ans.
Je vous félicite à nouveau d'avoir déposé ce projet.
Mme Monique Vali (PDC). J'ai pris connaissance de ce projet de loi avec intérêt. Mon enthousiasme est un peu moins grand que celui de mes préopinants. Je crois que ce projet de loi part d'un bon sentiment mais son application me paraît quelque peu idéaliste et difficile à réaliser. D'autre
part, je ne comprends pas très bien pourquoi seuls les enseignants seraient concernés et non l'ensemble des fonctionnaires. Comme il a été déposé avant que ce Grand Conseil vote à l'unanimité le PLEND, le 18 décembre, la question se pose de savoir s'il n'est pas caduc.
M. Roger Beer. Oohh!
Mme Monique Vali. On ne va pas le balayer, Monsieur Beer! N'ayez crainte! Nous l'étudierons, mais nous vous proposons de le faire dans le cadre de la commission des finances, car il pose surtout des problèmes d'application sur les plans économique et financier. En effet, le reproche principal que je vous adresse est de proposer des économies qui ne sont pas chiffrées et qui restent encore à prouver.
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Le groupe écologiste montre également un peu de réserve vis-à-vis de ce projet de loi. En effet, si nous pouvons accepter -- comme nous l'avons fait pour le projet de loi 6852 -- l'encouragement aux départs anticipés durant cette période de restrictions budgétaires, il n'en va pas de même pour ce projet de loi qui propose l'instauration d'une mesure durable, discriminatoire ou avantageuse, cela dépend de l'interprétation que l'on veut bien lui donner. Nous acceptons son renvoi en commission de l'enseignement. Nous souhaiterions qu'il ne soit pas traité dans l'immédiat, mais plutôt lorsque nous serons en mesure de tirer un bilan provisoire du projet de loi du Conseil d'Etat sur les mesures d'encouragement aux départs anticipés. Nous aimerions surtout qu'il serve de base de discussion au partage du travail et des ressources. Ce thème cher aux écologistes ne se traduit pas forcément par une mise à la retraite anticipée. Nous aurons, à ce moment-là, des propositions à faire dans ce sens en commission.
M. Bernard Annen (L). Je crois, effectivement, qu'un projet de loi tel que celui-ci mérite pour le moins d'être étudié attentivement.
Je vais vous donner quelques informations sur le coût de ce dernier. En effet, en matière de prévoyance sociale, de deuxième pilier -- d'aucuns comprendront mieux cette expression -- il faut savoir qu'en moyenne, lorsque vous diminuez d'une seule année votre cotisation en prenant une année de retraite anticipée, cela diminue en coût réel votre rente de 8%. Autrement dit, si, par rapport à un plan financier de prévoyance professionnelle, vous prenez votre retraite cinq ans avant l'échéance, vous perdez 40% de votre rente. Mais ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, les plans de prévoyance sont différents les uns des autres et ces chiffres ne sont que des moyennes.
Ces fonctionnaires devront compenser également les 2 400 F de l'AVS, car, en attendant l'âge de la retraite, ils ne pourront pas y avoir droit. Par conséquent, il faut en tenir compte dans vos calculs. De plus, pendant ce temps, il faudra également payer les cotisations. En effet, si vous voulez que le candidat à la retraite anticipée puisse toucher sa rente AVS complète, il faudra bien qu'il cotise pendant cet intervalle de cinq ans.
Au-delà de ce qui a été dit ici, j'attire votre attention sur le fait que les coûts de cette opération peuvent se révéler énormes. Monsieur Beer, votre calcul me paraît s'arrêter à une photographie, voire à un bilan. Or vous savez qu'un bilan ne peut être qu'évolutif dans l'analyse. En effet, si vous prenez le salaire d'un jeune qui entre dans la fonction publique ou dans l'enseignement, dans les cinq à six ans, son salaire connaîtra une progression dont il semble que vous ne teniez pas compte dans votre projet.
Nous estimons donc que ce projet de loi mérite le renvoi en commission pour y être étudié. Je pense, en effet, que personne ne peut s'opposer à son principe. Les coûts de ce projet me semblent devoir être étudiés en commission des finances.
M. Roger Beer (R). Je remercie les différents intervenants pour l'accueil plutôt favorable qu'ils ont réservé à ce projet de loi. J'admets les critiques et les questions évoquées. Un projet de loi élaboré par deux députés ne peut pas être parfait, et je pense donc qu'il faut l'étudier en commission.
Je voudrais dire deux choses. Le salaire d'un enseignant en fin de carrière peut-il vraiment être considéré comme un petit salaire? Je n'en ai pas l'impression. La durée pour l'encouragement à la retraite anticipée pose-t-elle un problème? Si le Conseil d'Etat voit que la pyramide des âges s'équilibre, il aura la possibilité d'arrêter son application. Je ne vois donc pas où est le problème. La question des coûts, évoquée par Mme Vali et M. Annen, est d'importance.
Je regretterais que ce projet soit traité par la commission des finances dans la mesure où celle-ci est -- me semble-t-il -- débordée. Je préférerais qu'il le soit en commission de l'enseignement, dans les services de M. Föllmi où, dans les services financiers, il ne manque pas de gens très compétents qui pourraient largement déblayer et préparer le terrain avant que ce projet soit étudié en commission des finances.
Je souhaite donc que ce projet soit renvoyé à la commission de l'enseignement.
M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. D'abord, je voudrais préciser à l'intention de M. Beer que le Conseil d'Etat n'a pas donné à ce jour de réponse formelle à sa motion, et j'avais bien qualifié son idée de «pierre philosophale». Aujourd'hui, je dirai presque que vous avez découvert l' «oeuf de Colomb».
Il y a deux raisons à ce retard.
La première est que le Conseil d'Etat a mis en oeuvre un plan financier au cours de l'été dernier, qui a été discuté par votre Conseil lors de l'étude du projet de budget 1993. Dans cette perspective, il n'a pas été prévu de remplacer dans l'immédiat les personnes quittant l'administration, ceci pour obtenir une diminution de 1 à 2% des postes au budget 1993 et, au-delà, dans le cadre du plan financier quadriennal. Alors voyez-vous, Monsieur Beer, il n'était pas possible dans ce contexte de proposer dans l'immédiat un projet de loi prévoyant de remplacer «les candidats» au départ.
La deuxième raison est que les collaboratrices et collaborateurs de mon département ont travaillé activement sur le projet PLEND, en liaison avec le département des finances. A vrai dire, on aurait dû rendre hommage à César, car le PLEND est tout de même issu de votre proposition initiale de retraite anticipée. En bref, ce n'était pas une réponse précise à votre motion puisque son articulation était différente, mais l'idée de retraite anticipée, avec une participation financière pour le personnel partant, a bien été tirée de votre proposition. Nous nous sommes donc investis à fond dans le PLEND.
J'aimerais maintenant préciser deux ou trois choses. Le PLEND est largement ouvert, non seulement au personnel de l'administration centrale, mais également au corps enseignant. Il n'est pas exact d'affirmer, comme vous le faites dans votre exposé des motifs, que les enseignants se sentent peu concernés par le PLEND. En effet, certaines informations n'ont peut-être pas été spécialement bien perçues par le corps enseignant. Certains ont cru, en cas de départ à la retraite anticipée dans le cadre de ce projet PLEND, que les postes ainsi libérés seraient bloqués.
Or nous avons obtenu, lors des négociations et des discussions avec le département des finances, la possibilité de bloquer un poste mais pas nécessairement le poste du candidat au départ. Il est évident que si un professeur de latin désire partir nous sommes bien obligés, au niveau du département de l'instruction publique, de le remplacer par un professeur de la même discipline. Les enseignants et leur direction craignaient que ces postes restent bloqués sans possibilité de les remplacer, ce qui n'est pas envisageable. En revanche, on peut parfaitement envisager de bloquer un autre poste du département et assurer financièrement ce départ à la retraite. J'appliquerai ce projet PLEND dans cet esprit.
Une information publiée par les médias relatait que le PLEND n'avait pas de succès. Je vous rappelle que celui-ci a été voté par votre Conseil le 18 décembre dernier seulement. Un certain nombre de fonctionnaires avaient demandé des renseignements, mais nous en étions au stade de l'information en attendant le vote de ce projet de loi. Nous en sommes à la phase d'élaboration et de réflexion, et le personnel a jusqu'au 28 février prochain pour se décider. Nous ne pouvons donc pas à ce stade donner de réponse précise sur le succès ou non du PLEND. Je partage l'avis de Mme Bugnon: il faut attendre le 28 février prochain pour savoir combien de personnes auront décidé de prendre leur retraite avec le PLEND.
Le PLEND a l'avantage de s'adresser à l'ensemble de la fonction publique -- ce que Mme Vali a rappelé -- et non pas à une catégorie de fonctionnaires. Je sais que le personnel est compartimenté en catégories, mais n'augmentons pas encore ces clivages qui pourraient donner l'impression au personnel de l'administration centrale d'être désavantagé par rapport au corps enseignant. Nous devons uniformiser notre action au niveau de l'Etat.
Monsieur Beer, je vous signale que le vieillissement -- le problème de la pyramide des âges est également un de mes soucis -- des fonctionnaires n'est pas seulement un handicap, c'est aussi l'acquis d'une expérience positive
-- permettez-moi de le rappeler -- particulièrement dans l'enseignement. Les enseignants qui partent à la retraite me disent ou m'écrivent l'amour qu'ils ont porté à leur métier.
Sur le plan technique, votre projet propose la prise en considération des annuités et de la prime de fidélité. Votre calcul est basé sur les différences salariales entre un enseignant senior et un enseignant junior. Or le Conseil d'Etat a proposé à votre Conseil le blocage des annuités et de la prime de fidélité en 1993. Il aurait été malvenu, vis-à-vis du département des finances, de construire un projet ignorant ce fait.
Le blocage des mécanismes des traitements est prévu pour une année et nous ne savons pas encore s'il sera maintenu ou non. Les annuités seront-elles automatiquement et pleinement versées en 1994? Nous ne le savons pas encore. Cela dépendra des recettes fiscales et de la situation budgétaire. L'interrogation est entière en attendant les indications que nous donnera notre responsable des finances, M. Vodoz. De plus, les négociations en cours avec le cartel augmentent encore cette incertitude. Construire un projet à long terme basé sur les annuités et sur la prime de fidélité, alors qu'elles sont actuellement en discussion, me paraît un peu dangereux.
Enfin, Mme Bugnon a raison de vouloir discuter du partage de l'emploi en commission des finances ou en commission de l'enseignement. Vous savez que le cartel est entré en matière à ce sujet. Il s'agira aussi, par rapport à l'emploi, Monsieur Sauvin, de savoir si ce projet peut constituer une des réponses à ce problème qui fait l'objet d'une réflexion au niveau du Grand Conseil, au niveau du Conseil d'Etat et au niveau du Cartel intersyndical.
Je pense que ce projet de loi doit être renvoyé en commission. Merci à M. Beer de l'avoir formalisé davantage que sa motion, cela permettra d'avoir une discussion plus nourrie et plus précise. Faut-il l'envoyer à la commission des finances ou à la commission de l'enseignement? C'est à vous de le déterminer! La seule chose que je tiens à vous dire est que mes collaboratrices, mes collaborateurs et moi-même restons à la disposition de l'une ou de l'autre de ces commissions.
Mise aux voix, la proposition de renvoi à la commission de l'enseignement est adoptée.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Les classes de ski à Genève pourraient être comparées à un serpent... de mer!
Des décisions de suppression avait déjà été prises en 1991, puis le département était revenu en arrière. En 1992, la nouvelle a circulé à nouveau que les classes de neige allaient être supprimées. Je fais partie des personnes estimant que ces camps de ski auraient pu être maintenus pour les enfants les plus défavorisés afin qu'ils aient la possibilité de faire un peu de ski. Je rappelle au passage que ces classes de neige avaient pour but de compenser le fait que Genève n'offre que deux heures de gymnastique hebdomadaires aux enfants, alors que l'ordonnance fédérale en préconise trois. Aujourd'hui, au vu de l'évolution du dossier, j'aimerais poser une ou deux questions au chef du département.
Au printemps dernier, le conseil de direction des cycles d'orientation adoptait un texte comportant un certain nombre de points.
Premier point: l'allègement des charges de l'Etat en supprimant l'appui financier aux classes de neige, suppression qui risquait de charger financièrement les parents. Il fallait donc supprimer les classes de neige telles qu'elles existaient.
Je cite un autre point: «Le cycle d'orientation doit renoncer à cette formule, mais il doit soutenir les activités de groupe à but culturel ou sportif notamment. Celles-ci favorisent les contacts entre maîtres et élèves et permettent de développer toute une série d'aspects formateurs et éducatifs. Elles gardent donc toute leur valeur et méritent d'être soutenues». Forts de cette déclaration, les enseignants font travailler leur imagination dans plusieurs cycles. Pour certains maîtres, en effet, il est très dommage de supprimer les classes de neige. Il est vrai que dans ces camps les élèves et les enseignants apprennent à mieux se connaître; c'est l'apprentissage de la vie communautaire, une occasion d'intégration rêvée pour les enfants non-francophones et, enfin, une chance pour les enfants défavorisés.
Certaines initiatives sont ainsi prises. Un cycle décide, pour ne pas créer d'inégalités, de faire partir toutes les classes de 8e non pas une semaine comme prévu, mais seulement trois jours dans le but de décharger financièrement les familles. Un autre cycle propose d'autres solutions après avoir contacté tous les parents. Certains s'engagent à procurer des «petits boulots» aux enfants et des ventes de pâtisserie sont mises sur pied. Les enfants participent ainsi au financement de leur camp. Des parents qui en ont les moyens se montrent solidaires en versant une certaine somme dans une caisse commune pour aider les familles qui rencontrent des problèmes financiers. Un père a été jusqu'à déclarer, conscient de ses privilèges financiers, qu'il était prêt à assumer le camp d'un deuxième enfant, outre celui de son fils.
Quelques pensions de montagne baissent considérablement leurs prix car elles sont inquiètes à l'idée de ne plus pouvoir compter sur les classes genevoises pour remplir leur saison. Bref, en un mot, on se rend compte que ces camps sont devenus accessibles à tous, qu'ils sont devenus l'affaire de toutes et de tous et que chacun y participe à sa manière. L'école mobilise, invente, crée des contacts entre les parents faisant naître la solidarité; c'est une école qui fait rêver.
Mais le rêve ne dure pas. En octobre 1992, le directeur général du cycle d'orientation envoie une lettre à tous les collèges précisant qu'il a appris le projet de départ en camp de ski d'un certain nombre de classes et qu'il ne peut accepter aucun départ en classe de neige. L'argument avancé est que le DIP ne peut assumer de subventions et qu'il ne faut pas charger les parents financièrement. Plusieurs enseignants s'affolent et n'y croient pas. En mai, on leur dit qu'ils pourront partir, au début du mois d'octobre, on le leur dit encore par l'intermédiaire du «Journal de l'école publique genevoise N°1». Celui-ci spécifie en effet que les classes de neige disparaissent sous leur forme généralisée de départ simultané de toutes les 8es, mais qu'elles pourront être organisées si les parents sont d'accord de les soutenir et si des aides ponctuelles sont apportées aux familles en difficulté.
Et voilà qu'à mi-octobre, alors que les projets sont déjà mis sur pied, que des arrhes ont été versées et que les enfants ont déjà récolté de l'argent, tombe une décision négative. Les maîtres vous écrivent, Monsieur Föllmi, et vous leur répondez notamment ceci: «Comment peut-on déclarer la disparition des classes de neige dans leur forme passée et, quelles qu'aient pu être les modalités nouvelles, les recréer aussitôt?».
Ne pensez-vous pas qu'en cette période de restrictions budgétaires, Monsieur Föllmi, il importe peu que ces projets ressemblent aux activités que le département a décidé de supprimer puisqu'on parvient à les maintenir sans frais supplémentaires?
Vous dites ensuite qu'il n'est pas possible de faire supporter les frais aux familles, que les accords donnés par les parents cachent probablement une autre réalité et qu'en période de chômage ils ont d'autres priorités. De plus, ces classes de neige -- dites-vous -- renforcent gravement les inégalités que l'école tente précisément de combattre. Je crois savoir que certains enseignants vous ont signalé que les parents les plus déçus par la suppression de ces camps étaient justement les chômeurs et les personnes les plus défavorisées, car les autres parents emmènent de toute façon leurs enfants skier. Ces camps financés par l'effort et la solidarité de tous étaient la seule occasion pour certains enfants de pouvoir partir skier cet hiver. Votre inquiétude de charger les familles ne semble donc pas correspondre à la réalité. C'est le contraire qui s'est passé. Les inégalités existent malheureusement, comme vous le dites, dans notre société, mais justement, permettre à des enfants qui ne le pourraient pas d'avoir accès à des activités trop onéreuses pour eux contribue à réduire ces inégalités.
Je souhaiterais donc connaître les raisons de vos tergiversations. En outre, ne pensez-vous pas qu'une telle attitude démotive les enseignants qui s'étaient pourtant largement engagés pour concrétiser ces projets, non seulement en donnant de leur temps, mais encore de leur argent? Enfin, est-il exact que le département remboursera ou a remboursé les arrhes déjà versées?
M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. Le titre de la motion ne laissait pas prévoir le sujet, mais j'ai subodoré qu'il s'agissait des classes de neige.
Pour gagner du temps, et bien que j'aie tous les documents avec moi, je suggère de vous donner une réponse écrite à laquelle vous pourrez répliquer si vous le souhaitez. Le Conseil d'Etat vous donnera une information globale, complète, avec des dates, et fera ainsi le bilan de la situation en ce qui concerne les classes de neige. En outre, il vous donnera des explications quant aux hésitations que vous avez mentionnées; tout ceci par écrit, si vous acceptez ce mode de faire.
La présidente. Madame Reusse-Decrey, nous avions accepté de traiter le point 27 avec le point 29 croyant, d'après le titre, qu'il s'agissait du même sujet. La prochaine fois, on les traitera séparément! Vous nous expliquerez de façon plus détaillée de quoi il s'agit!
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Excusez-moi, Madame la présidente, je n'ai pas demandé à ce qu'on traite l'interpellation 1844 et la motion 837 en même temps, mais simplement de les inverser parce que la motion se réfère à ce que je viens d'évoquer et il me semblait plus judicieux de la développer après mon interpellation.
La présidente. Alors, on vous a mal comprise!
Nous prenons acte que le Conseil d'Etat répondra par écrit à cette interpellation.
Débat
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je m'impose donc à nouveau et j'en suis désolée, car je souhaite présenter la motion 837. Il est difficile de développer une telle motion dans le climat actuel. Je précise tout de suite que nous n'entendons pas faire porter les discussions sur les tensions qui existent entre le cartel et le Conseil d'Etat, ni sur le document fourni par le département de l'instruction publique au sujet des 10% d'économies. Cela fera peut-être l'objet d'un autre débat.
Cette motion ne tend pas non plus à défendre les enseignants, leur pouvoir d'achat, ni à dire combien il faut accepter d'élèves dans chaque classe. Ceci pour deux raisons. La première est qu'ils sont assez grands pour le faire eux-mêmes. La deuxième est que ce serait injuste vis-à-vis des autres fonctionnaires de l'Etat, comme, par exemple, les professionnels de la santé dont les conditions de travail sont certainement plus difficiles encore.
Cette motion veut exprimer une inquiétude sur l'enseignement en général et sur ce qui se passe à l'école en particulier. Nous souhaitons que le Conseil d'Etat s'engage pour redéfinir clairement ce qu'est l'école aujourd'hui face aux enjeux de la société actuelle. Pourquoi cette inquiétude particulière? Chacun aura pu constater que c'est un sujet bien placé au hit-parade de l'actualité genevoise. Les fossés se creusent.
Vous avez certainement eu l'occasion d'assister à certains débats entre parents, enseignants et le département de l'enseignement public. Les journaux comportent tous les jours des lettres de lecteurs à ce sujet. Vous avez dû constater, lors des manifestations, que des informations les plus diverses circulent, le plus souvent ce sont de vieux clichés toujours repris et véhiculés. Les réactions sont vives, divergentes et formulées sans analyse préalable. Le résultat est totalement négatif à tous les échelons.
Les enseignants ne savent plus à quel saint se vouer; pour certains ils n'en font pas assez, pour d'autres ils en font trop, parfois ils sont même accusés de défendre leur porte-monnaie. Les parents sont inquiets et ne comprennent pas ce qui se passe. Le département ne semble pas vraiment défendre l'école, mais cherche surtout à justifier ses propositions. La
population se focalise sur des prises de positions. Enfin, les jeunes sont également inquiets. Ils se réunissent dans les collèges et sont une proie facile pour les manipulateurs, comme on a pu le voir.
Cette situation risque de coûter cher à l'avenir de l'école. Rien ne sert aujourd'hui de vouloir nommer des coupables. Ceux d'aujourd'hui n'étant pas nécessairement les mêmes que ceux d'hier. Mais il faut recentrer le débat. Il faut refaire le cahier des charges de l'enseignant. Le Conseil d'Etat a le devoir en temps de crise de souder les gens entre eux pour qu'ils unissent leurs forces. La division qui est en train de se créer au sein de la population est largement alimentée par un certain nombre de déclarations politiques, entre autres lorsque celles-ci cherchent à dresser les chômeurs contre les enseignants et à accuser les uns d'être responsables du malheur des autres.
Que signifie redéfinir l'école? Combien parmi nous savent ce qu'est réellement l'école? Savent-ils que l'école qu'ils ont quittée il y a dix ou vingt ans n'est plus la même? Qu'elle a changé, à l'image de notre société? Sont-ils conscients que l'enseignant se voit confier un rôle largement supérieur au vu de la démobilisation de plus en plus marquée des familles? Connaissent-ils l'importance du rôle de l'école, sachant que l'enfant y passe bientôt plus de temps qu'à la maison?
Les derniers sondages montrent que les Genevois sont inquiets de l'avenir de l'école. Ces derniers veulent être mieux informés. Dans ces sondages, il apparaît que les chômeurs ne sont pas furieux contre les enseignants comme certains essayent de le faire croire, mais qu'au contraire ils souhaitent que le bagage de leurs enfants soit de la meilleure qualité possible afin d'éviter les mêmes drames qu'ils connaissent dans leur vie professionnelle.
En un mot, nous souhaitons que le Conseil d'Etat, tout particulièrement le DIP, donne une information claire sur ce que veut dire enseigner aujourd'hui à Genève et quelle est la responsabilité exacte de l'école.
L'instruction publique passe par une période de vives tensions qui se répercutent sur tous et surtout sur les enfants. La qualité de l'enseignement aujourd'hui est déjà touchée par ces tensions avant même de l'être par les restrictions budgétaires. Il faut remettre l'école au milieu du village. Il en va de son avenir.
Rien ne pourra se faire sans la participation de tous. Mon interpellation de tout à l'heure était claire sur ce point. Il faut susciter les collaborations, les dynamismes, les initiatives, il faut les amplifier, voire les encourager.
Pour conclure, je rappelle que l'école n'est pas seulement une structure de prise en charge physique des enfants permettant aux parents de se consacrer à d'autres activités. Elle n'est pas non plus simplement le lieu d'apprentissage du savoir. Elle est le lieu central de toute la construction de la société de demain. Dès lors, ne vaut-il pas la peine de la défendre? Je vous invite donc à nous suivre dans cette motion qui, d'ailleurs, ne fait que reprendre les soucis de l'initiative libérale d'il y a quelques années, dont l'un des quatre buts consistait à «rétablir la confiance entre les parents et l'école publique genevoise».
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Je suis désolée, Madame Reusse-Decrey, d'être la première à intervenir sur cette motion. Nous partageons souvent les mêmes préoccupations, mais cette fois-ci notre groupe ne soutiendra pas votre motion.
Elle intervient, à notre avis, dans un climat tout à fait défavorable. Si nous sommes absolument d'accord avec nos collègues socialistes que la profession d'enseignant n'est pas de tout repos, car elle s'étend bien au-delà des heures d'enseignement à proprement parler, en tout cas pour une majorité d'enseignants, il nous semble toutefois que ce n'est pas le rôle des politiciens de le dire. Chacun de nous est, ou a été, enfant ou parent et a pu se faire une idée du rôle de l'enseignant. Il en va de même pour l'ensemble de la population, et je crois pouvoir dire aux motionnaires que s'ils lisent régulièrement la presse ils verront que les enseignants savent se défendre et expliquer leurs préoccupations. Il ne paraît pas raisonnable, particulièrement en ce moment, que les politiciens s'en mêlent.
Nous sommes persuadés en ces périodes de choix financiers que nous devrons soutenir l'école et la formation qui restent à nos yeux des priorités. Nous le ferons. Nous avons déjà dit à M. Föllmi que nous n'accepterions pas n'importe quelles économies et nous le dirons encore. Mais nous ne nous associons pas aux motionnaires pour dire que la perception de la population vis-à-vis des enseignants est négative depuis longtemps déjà. En ces moments de crise, la perception de la fonction publique est négative, de même que celle de la classe politique toute entière.
Ce n'est malheureusement pas avec des motions que nous calmerons ce climat de tensions, dont nous espérons qu'il ne sera que passager, mais plutôt en équilibrant le budget et en gérant l'Etat différemment et avec efficacité.
Mme Françoise Saudan (R). Je ne sais pas si nous parlons du même texte, Mme Reusse-Decrey et moi, c'est-à-dire du texte de la motion 837. En effet, si je me réfère aux considérants, aux invites et surtout à l'exposé des motifs, il n'est question que des enseignants, Madame, et non pas de l'école.
Cela étant, nous avons été extrêmement surpris par cette motion pour deux raisons. Vous connaissez tous la première puisque l'exemple est récent et donc frais dans vos mémoires. En novembre, j'avais déposé une motion traitant de l'information. Cette motion était peut-être liminaire, Madame, et j'avais reçu une volée de bois vert de M. Lachat qui m'avait enjoint vigoureusement de la retirer. Face à vos réactions, j'avais accédé à cette demande et j'ai peine à comprendre que le groupe socialiste cautionne aujourd'hui votre démarche.
Madame Reusse-Decrey, Madame Coskun Wenker, Monsieur Champod, j'ai rarement lu un texte aussi consternant, tant par sa complaisance que par la manière dont il aborde certains problèmes et dont il flatte «dans le sens du poil» une catégorie particulière de fonctionnaires! Tous les poncifs se retrouvent dans cette motion, depuis les chères têtes blondes -- merci pour les brunes ou les rousses -- aux fonctionnaires qui sont en vacances la moitié de l'année. Ils ne sont pas en vacances la moitié de l'année, Madame, mais pendant un quart à un tiers de l'année. Avouez que, par rapport aux autres travailleurs de la fonction publique ou du secteur privé, cela vous permet de supporter une certaine charge!
Vous parlez de lourdes responsabilités, Madame, à croire qu'il n'y a que les enseignants dans cette République qui ont de lourdes responsabilités. Vous avez fait timidement allusion au personnel hospitalier, à ceux qui assument des charges de soins. Mais écoutez, Madame, aux soins intensifs une infirmière travaille treize heures d'affilée par jour, pendant cinq jours, un
médecin également, puis treize heures d'affilée de nuit. Pour récupérer cette tension ils ont droit à cinq jours suivis de congé. Alors, s'il vous plaît, Madame, c'est un appel que je vous lance -- comme M. Lachat l'avait fait -- retirez cette motion! Ce n'est pas dans mon habitude de «shooter» d'emblée une motion, mais dans ce cas je ne vois pas d'autre solution que de la refuser! (Vifs applaudissements de la droite.)
M. Philippe Schaller (PDC). Nous ne pouvons pas non plus souscrire à cette proposition de motion qui est trop ambiguë, trop proche des débats budgétaires, et auxquels parfois cette motion se superpose et se confond, même si vous avez tenté de nous rassurer dans votre préambule.
De plus -- et vous le savez bien pour être membre de la commission de l'enseignement, Madame Reusse-Decrey -- le département de l'instruction publique tente d'informer à tous les niveaux, tant les parents que les enseignants ou les associations professionnelles. Malheureusement, je vous l'accorde, l'information passe parfois difficilement, mais les raisons en sont multiples et nous ne pouvons pas les sanctionner par une motion aussi insidieuse.
Nous savons -- pour ma part j'en suis convaincu -- que la plupart des enseignants travaillent correctement, en respectant une certaine éthique dans leurs tâches, et que souvent ils ne comptent pas leur peine ou leurs efforts pour combler le vide laissé par les familles. D'ailleurs, aujourd'hui, les débats dans les écoles sont tout à fait ouverts à tous, ce qui est une bonne chose. De plus, et ne soyons pas naïfs, les 11 500 collaborateurs du département de l'instruction publique ne se gênent pas et n'ont pas attendu cette motion pour transmettre et véhiculer les informations. Les associations professionnelles ont également trouvé toutes seules les moyens de se faire entendre. Vous savez bien que le message est fort complexe, voire trop complexe, pour être transmis de manière unilatérale et simpliste.
La deuxième impression que me donne votre motion est de vouloir lancer, par un autre biais, un débat pour redéfinir le rôle de l'école en tant que service public. Mais ce débat est ou devrait, avec la bonne volonté de chacun des partenaires, être lancé déjà depuis longtemps grâce aux documents publiés par M. Föllmi: «L'école genevoise: préserver l'essentiel». Malheureusement, au lieu d'accepter -- nous l'avons vu dans les médias ces
derniers temps -- le débat, on a eu l'impression que les enseignants et les associations professionnelles avaient alerté les parents, exagéré bien souvent ce document en faisant circuler des informations parfois contradictoires.
Vous avez cité «Le Petit Prince» et vous lui faites dire que «l'essentiel est invisible». C'est justement parce qu'il est invisible que l'essentiel est difficile à saisir et qu'il faut que s'instaure un véritable débat entre tous les partenaires. Je crains que votre motion -- c'est bien pour cela que nous ne pouvons pas l'accepter ni la suivre -- n'exacerbe les passions au lieu de les calmer, ce qui ne favoriserait pas le climat de confiance et de compréhension réciproques nécessaire, climat de compréhension que vous demandez par ailleurs. Une réflexion sur la politique éducative perdrait beaucoup de clarté et d'intelligence dans un débat passionnel, superposé parfois à d'autres revendications.
Le groupe démocrate-chrétien affirme donc son soutien au chef du département. Contrairement à d'autres de ses collègues, il a voulu lancer le débat réclamé par nous tous. Alors, aujourd'hui, accepter votre motion reviendrait à nier ses efforts. C'est pour cette raison que nous demandons le rejet de votre proposition de motion.
Mme Martine Brunschwig Graf (L). Je tiens à dire ici que je soutiens -- au nom du groupe libéral -- toutes les déclarations exprimées par Mme Saudan au nom du groupe radical. Je répète ici que, si cette motion n'est pas retirée, nous la rejetterons parce que son titre ne représente finalement pas du tout son contenu.
Cette motion, contrairement à l'apparence, n'est pas du tout une motion sur l'instruction publique. Elle est corporatiste, mais elle ne rend même pas service à la corporation qu'elle est censée défendre. Je suis sûre qu'un certain nombre d'enseignants y seraient opposés, parce qu'ils n'en réclament pas tant. Ils préféreraient probablement que l'on parle véritablement de l'école et non pas de ce qu'ils font à la très grande gloire de l'école.
Hier, lorsque nous avons parlé des fonctionnaires, vous avez plaidé pour l'égalité de ceux-ci. Aujourd'hui, vous défendez une catégorie de fonctionnaires en mettant leurs mérites en évidence. Je crois, pour ma part, que l'image des enseignants n'est pas si mauvaise que cela, tout du moins à lire les journaux des associations de parents d'élèves. Si elle est mauvaise,
c'est beaucoup plus vis-à-vis de l'attitude de certains enseignants que de l'ensemble de ceux-ci. Il faut laisser les enseignants enseigner à l'école et ne pas faire entrer la politique à l'école. Les parents d'élèves auraient ainsi une bien meilleure opinion de l'école et des enseignants.
Madame, ou nous votons contre cette motion, ou vous choisissez de la retirer. Je préférerais nettement la deuxième solution car je ne souhaiterais pas que l'on interprète le refus de cette motion comme un refus à toute discussion sur l'instruction publique. Ce n'est pas du tout la volonté que nous voulons exprimer en la refusant.
M. Dominique Föllmi, conseiller d'Etat. Je voudrais donner quelques appréciations sur cette motion, si vous me le permettez.
Ce texte est important, mais il est en décalage par rapport à l'intervention mesurée de Mme Reusse-Decrey. La réflexion que j'ai proposée aux enseignants et au personnel administratif et technique du département de l'instruction publique n'est pas la cause des restrictions budgétaires, ni de la situation économique préoccupante de notre canton; elle en est une conséquence. Il est vrai que les enseignants -- pas seulement eux d'ailleurs -- ressentent l'idée que l'on doit faire des économies à l'instruction publique comme une mise en cause de leur travail et des objectifs de leur mission. Le fait de dire que des mesures difficiles sont inéluctables est pris comme une trahison à leur égard, une critique de l'exercice de leur métier, un rejet de leur profession toute entière.
Certains ne voient dans ce scénario du DIP qu'un plan d'économies, alors que j'entends rouvrir un débat nécessaire en période de diminution des ressources, pour «repréciser» le rôle et l'identité de l'école publique: l'identité de l'école publique dans sa dimension éducative, civique -- vous êtes souvent intervenus sur ce point -- politique, dans sa relation avec les familles, dans son fonctionnement. Or il est trop facile de s'arc-bouter sur un slogan que j'entends de plus en plus, je cite: «Touche pas à mon école». Ma conviction est que la mission fondamentale de l'école ne se réalisera pas par la seule défense de tout ce qui existe, mais par notre capacité -- je dis notre en pensant aussi à celle des enseignants, du personnel et des responsables politiques -- d'adapter l'école aux besoins d'une collectivité et d'une économie genevoise qui, aujourd'hui, sont en profond changement.
Cette motion part donc du principe que personne ne sait rien des enseignants, que personne ne voit ce qu'ils font et que la population a une image négative de l'école. C'est une affirmation -- permettez-moi de vous le dire par expérience -- très discutable. En effet, au vu des pétitions, des lettres de soutien aux enseignants que je reçois des parents -- et ils sont nombreux -- des cinq débats organisés, qui ont permis à tous de s'exprimer, et du sondage de la «Tribune de Genève», qui montrait que l'image de marque de l'école était extrêmement positive, je crois que l'image de l'école que vous voulez donner dans votre motion ne correspond pas à la réalité. Vous pensez peut-être qu'il suffit au Conseil d'Etat de faire de la communication -- vous savez combien nous sommes particulièrement brillants en la matière -- pour que tout le monde soit rassemblé dans un large consensus. Mais c'est nous prêter un pouvoir bien extraordinaire de communication, alors que vous nous critiquez dans le même temps. Votre exposé des motifs comporte une contradiction puisque vous mettez en cause tout le Conseil d'Etat.
Par ailleurs, sous couvert de défendre les enseignants, Madame Reusse-Decrey -- et je m'adresse également aux deux autres motionnaires -- vous ne faites que les enfoncer dans un rôle de victimes. Permettez-moi de vous dire que ce n'est pas de nature à relever leur moral et à les encourager. Vous dites que les enseignants souffrent de la suspicion qu'on porte sur eux. C'est certain, mais vous en accusez le département, son président ainsi que le Conseil d'Etat. Pensez-vous, dès lors, que cette grande enquête, ce grand message, cette grande capacité bien connue de communication du Conseil d'Etat, seront très crédibles aux yeux des uns et des autres? Je ne le pense pas. Votre proposition -- comme cela a déjà été dit -- ne fera qu'envenimer la situation et entretenir encore davantage la polémique.
Il est nécessaire, après le vote du budget 1993 et après la tension qu'il a provoquée au cours de cet automne, que la sérénité revienne. Le débat a lieu au sein du DIP avec les parents, avec les élèves, avec passion et réticences bien entendu quant à la cible économique à atteindre. Beaucoup d'enseignants, contrairement aux apparences, réfléchissent actuellement au scénario, font des hypothèses, des propositions, se posent des questions, réfutent, voire s'opposent. Mais au moins une discussion fondamentale sur l'école est en cours au DIP.
Quant à vos deux dernières invites, soit: «encourager les initiatives» et «diffuser les expériences», je crois qu'il faut savoir que les enseignants
communiquent entre eux, se concertent, imaginent des solutions, s'organisent en groupes de travail, font des projets, et ceci depuis des années. L'information de leur travail est largement diffusée à travers les médias, à travers les journaux de l'enseignement primaire, à travers le «Journal de l'enseignement public», à travers le «Journal du cycle d'orientation» qui s'adresse à l'ensemble des parents du CO, et l'on sait le potentiel que cela représente au niveau de la population.
Quant à moi, je m'efforce de tout mettre en oeuvre, malgré les difficultés actuelles, pour dépasser les conflits -- et non pour les éviter -- pour les situer au niveau des idées et non des personnes, pour les rendre à terme fructueux et porteurs d'avenir. C'est en tout cas dans ce contexte et dans ce sens que j'essaie d'agir. Votre motion sur ce point n'apporte aucune aide, et je souhaite qu'elle soit rejetée ou du moins qu'elle soit retirée pour les raisons que je viens d'énoncer.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). En entendant tous les groupes, j'ai un peu l'impression que tout va bien au sein de l'école genevoise! J'ai également entendu M. Föllmi nous dire qu'il mettait tout en oeuvre pour dépasser les conflits! Vu que l'inquiétude première que nous voulions exprimer par cette motion ne semble pas avoir été perçue comme nous l'aurions souhaité, je retire cette motion avec mes deux comotionnaires.
Le Grand Conseil prend acte du retrait de cette motion.
La séance est levée à 19 h.