Séance du
jeudi 14 janvier 1993 à
17h
52e
législature -
4e
année -
1re
session -
2e
séance
PL 6935
Préconsultation
M. Jean-Pierre Rigotti (T). La pénalisation des usagers qui auraient oublié leur titre de transport me choque. Qui n'oublie pas un jour quelque chose? L'Etat est plutôt mal placé pour donner des leçons puisque lui-même oublie souvent des prestations bien plus importantes, telles celles de l'OAPA et l'aide aux plus démunis.
Je demande aux députés qui siégeront dans cette commission de revoir cette pénalisation des passagers qui pourraient, une fois, oublier leur titre de transport. Beaucoup de personnes âgées ont leur abonnement, les bénéficiaires de l'OAPA reçoivent une carte annuelle. En changeant de veste, de sac, il peut leur arriver d'oublier leur titre de transport et il est inacceptable qu'on les amende. En venant présenter leur titre deux jours après leur interpellation, ces personnes prouvent qu'elles ne sont pas des tricheuses. De grâce, n'allons pas encore pénaliser ces personnes. Il ne faut quand même pas trop «fliquer» la République.
M. Robert Cramer (Ve). C'est avec intérêt que nous avons pris connaissance de ce projet de loi présenté par le Conseil d'Etat. Nous ne contestons pas la motivation de ce dernier qui veut que les contrôles d'identité dans les transports publics se fassent sur une base légale adoptée par notre parlement.
L'exposé des motifs est très clair à cet égard. Il indique, de façon convaincante, la nécessité d'une base légale pour justifier ce qui pourrait être considéré comme une atteinte aux droits de la personnalité et permettre aux contrôleurs de s'assurer de l'identité des personnes qui voyagent sans titre de transport valable.
En revanche, le même exposé est totalement muet sur ce qui forme le noyau de ce projet et qui se trouve à l'alinéa 3. Cet alinéa indique que les
contrôleurs pourront procéder, dans le véhicule ou dans un local des TPG, à des contrôles d'identité. Que signifie «ou dans un local des TPG»? Si les mots veulent dire quelque chose, cela signifie que les contrôleurs des transports publics pourront inviter des personnes, qui n'ont pas leur titre de transport sur elles, à les suivre dans un local des TPG où ils les retiendront le temps d'établir leur identité. En d'autres termes, on entend donner la possibilité aux contrôleurs des TPG d'exercer une garde à vue.
Quelle va être cette garde à vue? Combien de temps durera-t-elle? Et toujours en référence à l'alinéa 3, combien de temps faudra-t-il aux contrôleurs des TPG pour remettre ensuite le contrevenant à une autorité policière en vue d'une enquête plus approfondie? Tout cela n'est pas dit. En revanche, nous pouvons facilement imaginer le type de personnes qui feront l'objet de ces contrôles puisqu'elles en subissent déjà maintenant. Rassurez-vous, ce n'est pas vous, ce n'est pas moi qui serons contrôlés ou gardés à vue. Ce sont les jeunes plus ou moins boutonneux, les jeunes plus ou moins basanés, qui, aujourd'hui, sont régulièrement encadrés par ces trois contrôleurs que nous voyons prendre d'assaut les transports publics pour procéder aux contrôles des titres de transport.
Je vous dis que ce projet de loi, si nous n'y prenons garde, risque de légaliser une sorte de racisme anti-jeunes. C'est la raison pour laquelle je demande à ceux qui étudieront ce projet de loi en commission d'être particulièrement attentifs aux dispositions préconisées dans l'alinéa 3 quant aux modalités de contrôle proposées par ce projet de loi.
M. Bernard Ziegler, conseiller d'Etat. Quand M. Cramer se laisse emporter par son élan, il peut parfois dérouler un tissu d'âneries! Les bras m'en tombent...
Le but de ce projet de loi n'est pas de pénaliser, mais de dépénaliser. Voyager sans titre de transport est une obtention frauduleuse d'une prestation, laquelle relève du code pénal. S'agissant d'un flagrant délit, le contrôleur ou tout autre citoyen a le droit de retenir le contrevenant et de le remettre aux forces de police. Cela en vertu d'un adage bien connu de M. Cramer: «OChacun devient sergent en cas de commission d'un flagrant délit». Dans ce cas, chaque citoyen a le droit de retenir un autre citoyen et de le remettre aux forces de l'ordre.
J'ai rencontré le procureur général au début de son mandat pour éloigner de la voie des tribunaux toute une série d'infractions mineures, qui sont des délits au sens du code pénal. Chaque année, il s'en commet non pas des centaines, mais des milliers! Nous avons donc recherché les moyens de les traiter par la voie administrative plutôt que par la voie pénale.
Le simple fait de les traiter par la voie administrative nous oblige de préciser les bases légales nécessaires, les règles classiques de la procédure pénale n'étant plus applicables. Dès lors, s'agissant d'infractions devenues administratives, nous les traitons sous la forme de surtaxes et, pour ce faire, nous avons tenu à préciser les bases légales.
Il suffit de vouloir dépénaliser pour qu'on vous le reproche! Vraiment, c'est à vous décourager de chercher à simplifier les choses. Si M. Cramer le souhaite, nous en resterons au statu quo et nous continuerons d'arrêter les gens qui n'ont pas leur billet de tram. Si c'est cela que vous voulez, Monsieur Cramer, dites-le nous! Sinon, je vous réexpliquerai tout en commission. Mais vous m'avez fort bien compris, votre sourire le prouve. Vous étiez vous-même si peu convaincu de votre intervention que vous auriez pu ne pas la faire.
Ce projet est renvoyé à la commission des transports.