Séance du jeudi 30 octobre 2025 à 20h45
3e législature - 3e année - 5e session - 27e séance

PL 13445-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Véronique Kämpfen, Jean-Marc Guinchard, Michael Andersen, Jacques Béné, Sébastien Desfayes, Stéphane Florey, Alexandre de Senarclens, Yvan Zweifel, Murat-Julian Alder, Darius Azarpey, Natacha Buffet-Desfayes, François Erard, Thierry Arn, Jean-Pierre Pasquier, Thierry Oppikofer, Pierre Nicollier, Vincent Canonica, Charles Poncet, Florian Dugerdil, Céline Zuber-Roy, Fabienne Monbaron, Philippe Meyer, Patricia Bidaux, Jacques Blondin, Christina Meissner, Pascal Uehlinger, Alexis Barbey, François Wolfisberg, Diane Barbier-Mueller, Francisco Taboada modifiant la loi sur l'inspection et les relations du travail (LIRT) (J 1 05) (Pour que les jobs d'été continuent à exister à Genève)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 30 et 31 octobre 2025.
Rapport de majorité de M. Jacques Béné (PLR)
Rapport de première minorité de M. Pierre Eckert (Ve)
Rapport de deuxième minorité de M. Romain de Sainte Marie (S)

Premier débat

La présidente. Nous entamons nos urgences avec le PL 13445-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule. M. Jacques Béné s'installe à la table des rapporteurs.) Je passe la parole à M. Béné.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Excusez-moi pour ces quelques instants durant lesquels j'étais dissipé ! Mesdames et Messieurs les députés, depuis son introduction à Genève, le salaire minimum a malheureusement engendré un effet collatéral regrettable, qui s'est bien installé: la disparition progressive des jobs d'été. Ces emplois, qui font souvent office de première expérience professionnelle pour les jeunes, sont devenus inaccessibles pour de nombreuses entreprises, notamment celles non couvertes par une convention collective, qui peut prévoir des exceptions précisément pour les jobs d'été.

Ce projet de loi ne remet pas en cause le principe du salaire minimum - on n'oserait surtout pas ! -, il propose un ajustement, un ajustement ciblé, temporaire, encadré: permettre aux étudiants immatriculés de travailler pendant les vacances scolaires ou universitaires pour une durée maximale de soixante jours par an avec une rémunération qui serait fixée à 75% du salaire minimum, ce dernier étant aujourd'hui, sauf erreur, de 24,40 francs par heure. On aurait donc un salaire minimum pour les étudiants, dans le cadre d'un job d'été, de 18,75 francs, hors indemnité vacances.

Il ne s'agit pas d'une régression sociale, contrairement à ce que vous dira dans quelques instants la majorité... la minorité, pardon, la minorité syndiquée ou syndicale - je ne sais plus trop. C'est un compromis pragmatique, soutenu par le Conseil d'Etat - que je remercie d'avoir demandé l'urgence sur cet objet -, qui vise à réconcilier deux objectifs d'intérêt public: premièrement, préserver la dignité salariale tout en favorisant - c'est le second objectif - l'insertion professionnelle des jeunes. (Remarque.) 

Une voix. Chut !

M. Jacques Béné. Les chiffres sont assez clairs: selon une enquête menée par la FER - on va nous dire qu'elle n'est pas représentative, mais enfin, ce sondage a été effectué et a quand même donné lieu à un certain nombre de réponses -, 60% des entreprises qui ont cessé d'offrir des jobs d'été invoquent le salaire minimum comme principal obstacle. En outre, dans les communes, les offres sont devenues rares, limitées, voire carrément inexistantes.

Ce texte ne crée pas une nouvelle catégorie de travailleurs précaires, comme on l'a entendu en commission, mais il s'agit simplement de reconnaître une spécificité, celle des jobs d'été: ce sont des emplois à la durée brève, non qualifiés, souvent à visée pédagogique, qui ne remplacent pas des postes fixes, mais qui offrent une première immersion dans le monde du travail.

Enfin, cet objet rétablit une équité entre les secteurs conventionnés, qui bénéficient déjà de dérogations, et les autres, qui en sont exclus. Pour exemple, dans les métiers techniques du bâtiment, le tarif est de 18,25 francs de l'heure pour les plus de 18 ans, dans le second oeuvre, il est de 17,25 francs; en ce qui concerne les gens travaillant dans le domaine du jardin, on se situe à 15 francs de l'heure, voire 17,25 francs dès le deuxième mois. Chez les architectes, un étudiant en deuxième année n'est payé que 1600 francs par mois. On voit donc bien qu'avec ce salaire minimum, fixé à 75% du salaire minimum officiel, disons, on se situe au-delà de ces montants, soit à 18,75 francs.

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Jacques Béné. Je termine assez rapidement avec une proposition d'amendement signée par les différents groupes qui ont accepté cet objet en commission. Cet amendement vise à ce que ce projet de loi soit obligatoirement soumis au corps électoral, qu'il y ait donc un référendum, pour la simple et bonne raison que si un référendum obligatoire est accepté ce soir, on pourra voter le 8 mars. Si ce n'est pas le cas, on nous a annoncé du côté des syndicats - qui ne veulent surtout aucune... (L'orateur insiste sur le mot «aucune».) ...faille dans le salaire minimum, même si c'est pour le bien des étudiants et des jeunes - qu'un référendum serait de toute façon lancé. Dans ce cas-là, la votation ne pourra avoir lieu qu'en juin 2026, ce qui privera à nouveau les étudiants d'une bonne partie des jobs d'été l'année prochaine. C'est pourquoi je vous invite à accepter cet amendement.

Mesdames et Messieurs, il ne s'agit pas de choisir entre salaire et emploi, mais simplement de donner une chance à notre jeunesse; il faut lui offrir des opportunités et non des obstacles. Pour ces raisons, je vous recommande de soutenir ce projet de loi. (Applaudissements.) 

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je commence une fois de plus par évoquer le préambule de la Constitution fédérale: «la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres». Non, ce projet de loi ne touchera pas que de façon marginale les étudiantes et les étudiants qui exercent des jobs l'été pour «de l'argent de poche ou un projet de voyage par exemple» - ce sont les propos de l'auteure du texte. Non, toutes les étudiantes et tous les étudiants ne sont de loin pas dans cette situation favorable: on estime qu'un bon tiers du corps estudiantin à Genève se trouve dans une situation de précarité, et ce n'est pas mieux à la HES-SO, comme on le voit dans le rapport sur la M 3086, dont nous parlerons peut-être un peu plus tard. Les étudiantes et les étudiants qui se trouvent dans une situation difficile utilisent régulièrement les vacances d'été afin de se créer un bas de laine qui leur permet de vivre, voire de survivre, le restant de l'année. Aussi, amputer ce salaire estival d'un quart est pour le moins malvenu, et je reste mesuré dans mes propos.

J'aimerais revenir sur deux autres éléments. Le premier est le sondage évoqué tout à l'heure, le sondage de la FER. On a demandé à un certain nombre d'entreprises si elles proposaient encore des jobs d'été. Une partie significative d'entre elles ont répondu qu'elles en proposent moins, voire ne le font plus. Quand on leur a demandé pourquoi, qu'ont-elles majoritairement - à 60% - répondu ? Que c'est à cause du salaire minimum, bien entendu. Il n'y a pas de raison non plus... Evidemment, il s'agit des mêmes entreprises qui étaient opposées au salaire minimum lors du vote, et, bien sûr, elles n'ont jamais invoqué une autre raison, par exemple l'effet du covid, la guerre en Ukraine, le contexte international ou la vente en ligne. C'est ce que, dans un sondage, on appelle un biais de confirmation.

Voici le second élément: les jeunes engagés dans un job d'été n'apportent que peu de compétences - ça figure dans le rapport de majorité. Cet argument est déjà discutable en soi, parce que les étudiants amènent souvent des compétences issues de leurs études, et même si c'était le cas, ça ne justifierait pas de fixer le salaire au-dessous du salaire minimum. Or, le salaire minimum est justement défini comme étant la limite inférieure destinée aux travaux les moins qualifiés, même ceux des jobs d'été. Si un étudiant ou une étudiante se présentait avec une compétence avérée pour le poste, il ou elle devrait donc être rétribué bien au-dessus du salaire minimal, et non au salaire minimal.

A cela s'ajoute le fait que ces jobs d'été impliquent assez souvent des travaux pénibles, comme je l'ai illustré dans mon rapport de minorité. Il existe déjà de nombreuses exceptions au salaire minimal, qui ont été négociées entre les partenaires sociaux. Or, celle-ci n'a pas été incluse dans cet accord et doit donc être rejetée.

Afin de ne pas mettre un bon tiers des étudiantes et étudiants sur la paille, nous vous encourageons vivement à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.) 

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je suis quand même un peu étonné lorsque j'entends le rapporteur de majorité parler du «bien des étudiants et des jeunes». Qu'est-ce qui est proposé pour le bien des étudiants et des jeunes ? Diminuer de 25% leur revenu. Je dois l'avouer, je reste, euh... bouche bée devant une telle déclaration et l'idée que cette mesure puisse aider des étudiants et des jeunes. Depuis la crise du covid, on voit très bien dans quelle situation se trouve... (M. Vincent Subilia va parler à M. Jacques Béné.) Je vois la Chambre de commerce qui vient souffler à la FER pour répondre après. (Rires.) Pardon ! On a très bien vu lors de la crise du covid dans quelle situation se trouvaient un grand nombre de jeunes en études: ils vivaient dans des situations de précarité, après s'être retrouvés sans job du jour au lendemain en raison des mesures sanitaires; on a très bien vu leur dépendance à ces jobs étudiants.

Pierre Eckert l'a très bien montré, l'été, c'est la période où tous ces jeunes travaillent le plus possible pour financer leurs études et leur vie durant le reste de l'année. Couper de 25% leur revenu à cette période-là précisément, c'est la pire des solutions pour eux ! C'est la pire, parce que leur budget atteint tout juste l'équilibre alors que certains étudiants vivent même dans une situation de précarité. Cette mesure va donc davantage les précariser.

On nous dit qu'il est attractif pour les entreprises de diminuer le salaire minimum - une attaque, une énième attaque contre le salaire minimum - parce que les entreprises ne proposeraient plus ces jobs étudiants. On n'a aucune véritable étude sur ce point, je suis désolé, on n'a réellement aucun chiffre par rapport à cela. On entend même un argument pire: les communes - les communes ! - n'engagent plus non plus pour des jobs d'été à cause du salaire minimum. Je vais avoir du mal à plaindre les communes genevoises ! On sait - et notre ministre des finances est bien placée pour le savoir elle aussi - qu'elles ont certainement quelques moyens à disposition pour payer tout de même des jeunes au salaire minimum durant l'été.

Il n'y a donc aucune - aucune ! - raison de s'attaquer au salaire minimum, de diminuer un revenu essentiel aujourd'hui pour un grand nombre d'étudiants dans notre canton et de les précariser davantage. Aussi, la minorité vous invite à refuser ce projet de loi et à soutenir un référendum automatique, puisque en effet, si la loi est acceptée ce soir, un référendum sera lancé.

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Je remercie le rapporteur de majorité et les rapporteurs de minorité pour leurs explications. Je crois qu'ils ont bien fait la distinction entre les jobs d'été, qui se passent pendant l'été, comme leur nom l'indique, et les jobs acceptés par des étudiants tout au long de l'année pour arrondir leurs revenus et s'assurer une certaine indépendance financière, notamment vis-à-vis de leurs parents.

J'aimerais corriger un point évoqué par les deux rapporteurs de minorité: on ne diminue pas les salaires de ces étudiants dans les jobs d'été, puisque jusqu'ici ils n'ont jamais touché le salaire minimum. Ils ont en effet touché des salaires beaucoup plus bas. On ne les diminue donc pas, ce n'est pas le but de ce projet de loi. Il ne faut pas non plus considérer que les stages sont concernés, car ils font l'objet d'autres dispositions.

Il est vrai que le peuple a accepté l'instauration d'un salaire minimum à Genève, et cette décision doit être respectée, mais je crois que ses conséquences n'ont pas toujours été très bien évaluées par les auteurs de cette initiative. On ne saurait demander à un employeur de payer au salaire minimum un étudiant inexpérimenté qui remplace un employé souvent qualifié ou ayant du moins de meilleures qualifications que celles que l'étudiant peut avoir. Je pense aussi à certains employeurs qui offrent des jobs d'été aux enfants de leurs collaborateurs pour simplifier les choses et leur amener un certain pécule nécessaire.

Le compromis intelligent qui vous est proposé ce soir avec ce texte et par le département n'a malheureusement pas été accepté par les syndicats, qui, à mon avis, ont fait montre d'une position un peu butée et hautement préjudiciable pour nos étudiants: de ce fait, ces derniers se voient, et se verront, privés d'un revenu appréciable. Je vous recommande donc un oui sans équivoque à ce projet de loi ainsi qu'un soutien à l'amendement déposé par notre collègue Béné et consorts. Je vous remercie.

M. Vincent Canonica (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, comme il a été dit, depuis l'introduction du salaire minimum, un dommage collatéral s'est installé en silence: les jobs d'été disparaissent à Genève, c'est un fait. Des jeunes motivés et prêts à travailler ne trouvent plus rien. Or, ces emplois temporaires ne sont pas de simples petits boulots. Ils représentent en effet souvent la première expérience professionnelle de nos jeunes, un pont entre la formation et la vie active et un espace d'apprentissage de la responsabilité, de la ponctualité et du travail en équipe.

Aujourd'hui, nombre d'entreprises, notamment les PME non couvertes par une CCT, renoncent à engager nos jeunes - encore une fois, c'est un fait -, car payer plus de 24 francs de l'heure pour un emploi de courte durée, souvent à faible productivité, n'est tout simplement pas viable économiquement.

Ce projet de loi ne touche pas au principe du salaire minimum, contrairement à ce qui a été dit. Il le protège et corrige une absurdité. Il crée une exception encadrée: pour les étudiants en formation, pendant les vacances et pour une durée maximale de soixante jours, le salaire sera fixé à 75% du minimum légal. Il n'y a donc pas d'abus possible ni de précarité organisée, c'est juste un retour au bon sens !

Qu'on soit clair: les jobs d'été ne sont ni des emplois réguliers ni des stages, comme mon préopinant l'a dit. Ça ne constitue pas une période d'apprentissage prescrite par une école, mais un travail ponctuel rémunéré qui permet à un jeune de découvrir un métier, de gagner un peu d'argent et d'apprendre la réalité du monde professionnel. Ces emplois estivaux ne remplacent pas non plus les jobs des étudiants qui travaillent toute l'année en vue de financer leurs études, car ils concernent une autre réalité, celle d'une première expérience, souvent celle de la première responsabilité.

Ce projet de loi se veut un compromis équilibré, négocié avec le Conseil d'Etat et inspiré du modèle neuchâtelois, un compromis qui redonne de l'air à nos entreprises et surtout une première chance à nos jeunes. Le job d'été, c'est plus qu'un salaire, c'est une école de vie, une première ligne sur un CV, une porte ouverte sur l'avenir. Rendons à nouveau possibles les jobs d'été à Genève, votons oui à ce projet de loi ainsi qu'à l'amendement de M. Béné qui vise à soumettre ce texte au corps électoral le 8 mars 2026.

La présidente. Merci bien. La parole échoit à M. Subilia pour une minute quarante.

M. Vincent Subilia (PLR). Merci, Madame la présidente. Ce sera plus court que ça ! J'interviens très brièvement, parce que le rapporteur de minorité de Sainte Marie disait de la Chambre qu'elle susurrait à l'oreille de la FER. Probablement que dans nos fonctions professionnelles, on est à l'écoute de la réalité économique. Il est assez piquant de constater la cécité du rapporteur de minorité, dont je rappelle que lui-même s'occupe, au sein de l'université comme fonctionnaire, de la formation des jeunes. (Remarque.)

Nous proposons un projet extrêmement pragmatique, qui est le fruit d'un compromis. (Commentaires.) Nier la réalité du terrain, qui est celle des entreprises que nous écoutons au quotidien, et alors que vous êtes au contact des étudiants qui se plaignent eux-mêmes de ne plus trouver de jobs d'été, est assez effarant et même désolant ! Merci.

Mme Angèle-Marie Habiyakare (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, créer une exception au salaire minimum pour les jobs d'été, c'est affaiblir ce principe. Les jobs d'été ne sont pas une option, mais une nécessité pour de nombreux jeunes: ceux-ci travaillent pour payer leur loyer, leurs repas, leurs assurances qui ne font qu'augmenter chaque année. Je tiens également à rappeler l'annonce faite l'an passé de la hausse des taxes en Haute école spécialisée: +40% pour les Suisses et +110% pour les étrangers, alors que les HES ont les étudiants parmi les plus précaires. Sans compter l'ensemble des coupes budgétaires prévues par Berne pour les universités et les Ecoles polytechniques, avec la recommandation d'augmenter les taxes estudiantines.

La plupart des familles en dehors de ces murs ne se trouvent certainement pas dans une situation favorable à un soutien financier à leurs enfants pendant leurs études. Ces jeunes ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Or, alors qu'ils font face au stress des charges de la vie étudiante, on leur propose un salaire amoindri durant la seule période où ils peuvent faire de très modestes réserves en complément des bourses d'études tardives et insuffisantes.

Et l'endettement, parlons-en un petit peu ! Lors des promotions citoyennes de 2019, les jeunes qui entraient dans l'année de leurs 18 ans, dont je faisais partie, ont été accueillis par la conseillère d'Etat Fontanet: je me souviens que Mme Fontanet a rappelé que la tranche d'âge des 18-25 ans est la plus endettée, ce qui est encore le cas. Cela constitue une raison de plus pour voter contre ce projet de loi. Pendant que certains partis dénoncent le poids des charges sociales, qui reflète en réalité les difficultés de beaucoup de gens à subvenir à leurs besoins vitaux, on demande à ces mêmes jeunes qui travaillent de renoncer à un salaire minimum ! Où est la cohérence dans tout ça ?

Ce texte n'est pas un pas en avant, mais un recul social. Le salaire minimum ne doit pas devenir une variable d'ajustement en fonction du statut et de la saison; il est un socle et doit le rester. Pour ces motifs, je vous invite à refuser cet objet. Merci. (Applaudissements.) 

Mme Léna Strasser (S). Ce projet de loi est en fait une annonce à celles et ceux qui sont en études: si vous nous écoutez, Mesdames et Messieurs les étudiants, sachez que votre travail à côté de vos études vaudra 25% de moins que le salaire minimum si cette loi est adoptée. Un compromis pragmatique, a dit le rapporteur de majorité ! Non, ce n'est pas le cas ! En fait, juste parce que vous êtes étudiants, la majorité de droite de ce parlement sous-entend que vous êtes jeunes - ce qui n'est pas précisé dans ce texte - et que jeunesse rime avec inexpérience, ce qui est faux ! Mais, vous l'avez entendu de la bouche de la majorité, c'est pour votre bien ! (Exclamations.) Pourtant, vous êtes nombreuses et nombreux à travailler: vous travaillez dans des domaines très variés, à des postes divers, et vous avez été engagés car votre employeur estime que vous pouviez faire le job, sinon il ne vous aurait pas engagés. Or, avec cette loi, il pourra tout de même vous payer moins.

La droite de ce parlement sous-entend aussi que, comme vous êtes étudiants, travailler ne vous sert qu'à vous payer des vacances, un nouveau téléphone ou les chaussures dernier cri. Bien entendu, c'est la réalité de la droite ! La droite de ce parlement ne semble en effet pas vivre dans le monde réel, où une grande proportion d'étudiants travaillent pour payer en partie ou complètement leur logement, leur pain, leurs légumes et l'accès à la santé. La précarité des personnes en études est une réalité, et la solution de la droite est: baisser le salaire minimum pour cette population. C'est un vrai non-sens !

Au final, que vise cette loi ? Les 18-25 ans ? Eh bien non, Mesdames et Messieurs les députés, elle vise tous les étudiants immatriculés ou en formation. Tous sont touchés, parce que dans la loi, il n'y a rien sur l'âge, quel que soit l'âge. Par ailleurs, on parle de jobs d'été, mais en fait, toutes les vacances scolaires, bien entendu dans la limite des soixante jours, sont concernées. On a aussi parlé de tout et de n'importe quoi en commission: de stages, d'essais, d'occupation, de formation (il faut en effet les former), de jobs d'été. On arrive donc avec une loi un peu fourre-tout, qui touche les vacances scolaires, mais toutes les vacances scolaires. Ne soyons pas dupes: il ne s'agit de rien de moins que la remise en cause du principe même du salaire minimum, un outil fondamental de lutte contre la pauvreté. C'est tout ! (Applaudissements.) 

Une voix. Bravo !

M. François Baertschi (MCG). En effet, je pense qu'on ne vit pas dans la même réalité que la préopinante: la question est de choisir entre un salaire à 0% et un salaire à 75%. En raison de la concurrence de millions de travailleurs de toute l'Europe, l'emploi est devenu très rare à Genève. (Commentaires.) Les emplois d'été, pour une politique que vous soutenez aussi d'ouverture sur l'étranger, d'ouverture sans aucun contrôle sur l'emploi de travailleurs étrangers... Il n'y a plus de place pour les étudiants genevois. Il n'y a plus de place ! Il n'y a plus de travail ! C'est la réalité ! La question n'est pas de perdre 25%, mais 100% du salaire. 100% ! Parce qu'on se trouve face à ces masses considérables de travailleurs - on ne peut du reste pas leur reprocher de venir, c'est un effet d'aubaine. Ces frontaliers... (Exclamations.) ...qui viennent de l'autre côté de la frontière, eh bien, ils exercent une pression gigantesque.

Le MCG soutient totalement ce projet de loi, parce que ça donne une chance aux étudiants, aux personnes en formation dans le canton de Genève, qui peuvent ainsi compléter leur revenu pendant l'été. Cette solution donne quelque chose: 75% en plus. Il n'est pas question de 25% en moins, mais de 75% en plus !

Je vous vois réagir sur le scandale de salaires qui ne sont pas au niveau du salaire minimum, mais vous oubliez qu'à Genève, la rémunération de certaines personnes en formation se situe au-dessous de celui-ci. Prenons l'exemple des avocats stagiaires, dont la rétribution ne respecte parfois pas les minimums conseillés et qui reçoivent des salaires de misère: vous ne dites rien. Votre indignation est à géométrie variable, une géométrie orientée vers un dogme, le salaire minimum, alors que ce qu'il faut, c'est faire preuve de pragmatisme. Il est nécessaire de songer à ce que l'on peut faire pour aider, même si cela consiste simplement à aider quelques jeunes à trouver un job pour qu'ils mettent un peu de beurre dans les épinards pendant l'été. Si l'on arrive à le faire, c'est déjà bien; il s'agit d'un plus, non d'une diminution. Pour ces raisons, le MCG soutient ce projet de loi et vous demande de faire de même.

M. Florian Dugerdil (UDC). Je prends la parole pour défendre un projet de loi qui, contrairement à ce que prétend ma préopinante socialiste, est loin de remettre en cause le principe du salaire minimum, mais cherche à répondre à une problématique concrète, celle de la raréfaction des jobs d'été à Genève depuis l'introduction de ce salaire plancher, contrairement aux absurdités balbutiées par les rangs d'en face. Ce texte vise donc à réintroduire une dynamique dans les emplois saisonniers pour les jeunes en formation en leur permettant d'accéder à une première expérience professionnelle dans un cadre légal, strict et contrôlé.

Pourquoi ce projet de loi est-il nécessaire ? Parce que 60% des entreprises ayant cessé d'offrir des jobs d'été invoquent le salaire minimum comme principal obstacle, parce que 50% des entreprises genevoises ne sont pas couvertes par une convention collective et ne peuvent par conséquent pas bénéficier de dérogations existantes, et parce que les jeunes sont souvent sans expérience et sont aujourd'hui écartés du marché du travail estival, alors même que ces emplois leur sont essentiels pour financer leurs études ou gagner en autonomie.

Ce projet de loi propose une solution équilibrée: un salaire dérogatoire fixé à 75% du minimum légal, une limitation stricte à soixante jours par année civile pendant les vacances scolaires et universitaires, une cible claire, à savoir les étudiants immatriculés dans un établissement suisse. Il ne représente donc pas une porte ouverte à la précarisation, mais une réponse pragmatique à une situation qui prive des centaines de jeunes d'une opportunité de travail et en pousse certains vers le travail au noir.

Je comprends les inquiétudes, mais je rappelle que le salaire minimum reste pleinement applicable en dehors de ce cadre, que les contrôles seront renforcés pour éviter les abus et, surtout, que ce compromis est déjà mis en oeuvre dans d'autres cantons, comme celui de Neuchâtel.

En conclusion, ce texte ne vise pas à affaiblir un droit, mais à réconcilier deux objectifs d'intérêt public: la dignité salariale et l'insertion professionnelle des jeunes. Le groupe UDC, comme la majorité de la commission, je le rappelle, vous invite à soutenir cet objet, dans l'intérêt de notre jeunesse et de notre économie locale. Je vous remercie. (Applaudissements.) 

Des voix. Bravo !

La présidente. Merci bien. Monsieur de Sainte Marie, c'est à vous, mais il vous reste quarante secondes.

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. Je reste toujours bouche bée devant le fait que pour l'intérêt de la jeunesse, il faille baisser de 25% le revenu de ces jobs d'été. Je rappelle encore une fois que les jobs d'été représentent la première source de revenus pour bon nombre de jeunes en formation. Enfin, pour mémoire, aujourd'hui, aucune étude n'a montré une diminution du nombre de jobs d'été. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Malgré tout ce qui est évoqué, nous n'avons aucune étude ni de chiffres établis par un organisme indépendant, des chiffres donc sérieux, ni même par l'Etat, qui pourraient prouver cette diminution. Je le redis, la jeunesse connaît toujours davantage la précarité, voilà sa situation.

La présidente. Il vous faut conclure.

M. Romain de Sainte Marie. Je conclus. Pour toutes ces raisons, il est essentiel de refuser de s'attaquer au salaire minimum, il est au contraire essentiel de le préserver pour le bien de notre jeunesse. (Applaudissements.) 

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Eckert pour une minute.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de première minorité. Merci, Madame la présidente. Je relève trois éléments qui sont ressortis de la discussion. Tout d'abord, même s'il y avait moins de jobs d'été, il est loin d'être prouvé que le salaire minimum en soit la cause. Je l'ai dit tout à l'heure, ce n'est sûrement pas vrai, de nombreux autres paramètres économiques influent certainement sur ces jobs d'été, sur la rentabilité d'une entreprise. Je le répète: c'est loin d'être prouvé. Lors de la votation, il faudra quand même venir avec des arguments un peu plus solides que ça.

J'ai aussi entendu que le salaire minimum était la cause d'une précarité organisée. Ce n'est pas vrai ! Ce que je veux dire, c'est que si la précarité existe parmi les étudiants, ce n'est pas à cause du salaire minimum. La précarité est là, elle existe; à peu près un tiers des étudiants est concerné, ça a d'ailleurs été démontré. Ma collègue Habiyakare ne l'a pas dit, nous sommes tous allés au Dies academicus récemment: la Farce, qui distribue de l'alimentation gratuite à passablement d'étudiants, y a reçu un prix. On pense qu'un tiers des étudiants sont en situation de précarité. Cette précarité existe, mais elle n'est pas due au salaire minimum.

Nous soutiendrons mollement le référendum obligatoire...

La présidente. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Pierre Eckert. Nous continuons à critiquer le fait que les minoritaires ne puissent pas s'exprimer dans la brochure de votation...

La présidente. Merci.

M. Pierre Eckert. ...mais nous soutiendrons tout de même cet amendement.

La présidente. Je vous remercie. Je cède le micro à M. Béné, qui dispose de cinquante-six secondes.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je suis très surpris: si j'écoute M. de Sainte Marie, il faut dénoncer toutes les conventions collectives de travail qui prévoient déjà un salaire minimum beaucoup plus bas que les 75% du salaire minimum que nous proposons ce soir pour les étudiants. Je vous les ai citées tout à l'heure: si l'on prend l'exemple des architectes, la fourchette va de 5 à 10 francs pour quelqu'un en bachelor. Or, les concernant, je ne vous ai jamais entendus parler de précarité.

Non, Mesdames et Messieurs, je crois qu'en fait, la gauche ne défend absolument plus l'emploi, depuis très longtemps. Regardez le PL 11501 dont on a débattu en 2017. M. de Sainte Marie a été coprésident avec une autre députée qui avait très clairement dit: «Dans notre monde, le travail est très valorisé par rapport à l'aide sociale.» La gauche veut des assistés, la droite de l'emploi ! Je vous remercie. (Applaudissements.) 

Une voix. Bravo !

Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je rappelle quelques faits. Depuis son entrée en vigueur en 2020, le salaire minimum et son dispositif légal ont effectivement rencontré l'épreuve de la rigidité, puisque aucune exemption n'était prévue. Elles ont dû être accordées aux stages d'insertion, aux stages de formation préqualifiante et aux stages de formation qualifiante, et l'ensemble de ces exemptions au salaire minimum, bien cadrées, a été adopté par le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, qui, je le rappelle, est tripartite et rassemble notamment les patrons et les syndicats.

Aujourd'hui déjà, dans le cadre de conventions collectives de travail, il est possible de déroger au salaire minimum pour des jobs d'été. En revanche, ce n'est pas le cas des secteurs qui ne sont pas conventionnés. Or, Mesdames et Messieurs, force est de constater que oui, il y a moins de jobs d'été qu'avant. Vous allez me dire que mes rencontres de terrain ne sont certainement pas aussi exhaustives que l'intégralité des études scientifiques, mais depuis que je suis entrée en fonction, la totalité des entreprises que je rencontre - et pas plus tard que cet après-midi, j'ai vu deux patrons d'entreprises importantes à Genève - le dit: à ce tarif-là, elles ne proposent plus de jobs d'été ! (Remarque.) La discussion ici ne vise pas à annoncer qu'on va amputer le salaire d'un job, parce que ces jobs n'existent plus. Donc, on ne peut pas amputer le quart du salaire d'un travail qui n'existe pas.

Je rappelle que lorsque je suis entrée en fonction, j'ai eu la volonté de réunir les parties autour de la table pour discuter précisément de cette question. Mesdames et Messieurs, les syndicats - de manière prépondérante du point de vue du temps de travail - et les patrons se sont mis autour de la table. On a été jusqu'à proposer des contrôles systématiques, une obligation d'annonce. Dix-huit mois de négociation pour qu'in fine, la base syndicale refuse le compromis ! (Commentaires.) Alors, Mesdames et Messieurs, je m'excuse, mais je crois qu'on a fait tout ce qu'on pouvait pour essayer de trouver une solution qui permette à la fois aux entreprises de continuer à proposer ce type de jobs... Je le rappelle, on parle de soixante jours par année civile pour des jeunes en études, ce qui leur permet d'acquérir une première expérience professionnelle; en outre, ils seraient tout de même payés 3341 francs par mois en 2025. On est bien loin de ce que l'on pouvait connaître il y a dix ou quinze ans ou d'ailleurs de ce que l'on trouve actuellement dans certaines CCT, le rapporteur de majorité l'a rappelé.

Je pense qu'on mélange les débats: la précarité estudiantine est réelle, mais ce n'est pas ce projet de loi qui s'y attaquera, il existe des moyens d'y répondre. Les étudiants qui n'ont pas les ressources pour subvenir à leurs besoins doivent être soutenus, mais celles et ceux qui souhaitent travailler... Il s'agit surtout de permettre aux entreprises de proposer ces emplois qui, je le rappelle, font office de première expérience, facilitant ainsi l'entrée en emploi. Aujourd'hui, les statistiques montrent que chez les 18-25 ans qui n'ont pas d'expérience professionnelle, le taux de chômage est particulièrement élevé. Il ne s'agit donc ni de mener une attaque systématique ni de précariser les étudiants, mais bel et bien de permettre aux entreprises de reproposer des jobs qui actuellement ne le sont pas.

Je rappelle également que les étudiants qui travaillent tout au long de l'année continueront à être rémunérés au salaire minimum. En fait, ce projet de loi prend en compte le principe de réalité du marché du travail d'aujourd'hui. C'est aussi opter pour le pragmatisme face à, excusez-moi, une posture syndicale extrêmement dure: on a donné dix-huit mois aux syndicats - dix-huit mois ! - pour discuter, on est allé vers eux avec un compromis plus que large et, je m'excuse, ils ne sont pas entrés en matière. Comme pour la loi portant sur l'ouverture les dimanches, force est de constater que quand on dialogue davantage, à la fin on aboutit à zéro compromis... (Commentaires.) ...et les choses traînent.

Mesdames et Messieurs, pour toutes ces raisons, le Conseil d'Etat est favorable à ce projet de loi. L'objet passera finalement devant le peuple. Nous sommes favorables au référendum obligatoire: la question pourra ainsi être tranchée en votation populaire suffisamment tôt pour permettre le cas échéant à quelques étudiants supplémentaires de trouver un job d'été en 2026. Je vous remercie. (Applaudissements.) 

Une voix. Bravo !

La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. J'ouvre le vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 13445 est adopté en premier débat par 63 oui contre 30 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 et 2 soulignés.

La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Béné, dont voici la teneur:

«Art. 3 (souligné) Référendum (nouveau)

En application de l'article 67, alinéa 3, de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012, la présente loi est soumise au corps électoral.»

Je rappelle que selon l'article 134, alinéa 5, de la LRGC, pour que le référendum obligatoire soit accepté, un vote à majorité qualifiée est nécessaire: la majorité des deux tiers est requise, moins les abstentions, mais avec au moins 51 voix positives.

Mis aux voix, cet amendement (nouvel article 3 souligné) est adopté par 69 oui contre 13 non et 7 abstentions (majorité des deux tiers atteinte).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 13445 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 64 oui contre 30 non (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 13445 Vote nominal

Modification apportée par la loi 13709: séance du vendredi 31 octobre 2025 à 18h20