Séance du jeudi 30 octobre 2025 à 20h45
3e législature - 3e année - 5e session - 27e séance

IN 200
Initiative populaire cantonale 200 « Crèches à Genève : pour des solutions de garde efficaces et abordables maintenant ! »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 30 et 31 octobre 2025.
IN 200-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 200 « Crèches à Genève : pour des solutions de garde efficaces et abordables maintenant ! »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 30 et 31 octobre 2025.

Débat

La présidente. Nous passons au point fixe de l'ordre du jour... (Brouhaha.) Si on pouvait fermer la porte, ce serait sympa ! Voilà, merci. Il s'agit de l'initiative 200, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro à M. Thierry Arn.

M. Thierry Arn (LC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative, déposée conjointement par les Vert'libéraux et Le Centre, propose une réponse concrète et pragmatique à un problème que toutes les familles genevoises connaissent: le manque criant de places de crèche et le coût trop élevé de la garde des enfants.

Aujourd'hui, il manque plus de trois mille places de crèche dans le canton. En outre, dans certaines communes, une place peut coûter aux parents jusqu'à 2000 francs par mois ! Ce n'est pas soutenable pour la classe moyenne. C'est pourquoi l'initiative fixe un plafond clair: pas plus de 10% du RDU pour les frais de garde. Cela redonne du pouvoir d'achat, permet à tous les parents de travailler s'ils le souhaitent et favorise une réelle égalité entre les femmes et les hommes.

L'autre volet fondamental du texte, c'est le nouveau financement tripartite: le canton participera à hauteur d'un tiers des coûts, contre à peine 2,6% aujourd'hui. Ce rééquilibrage permettra enfin de développer rapidement les capacités d'accueil, notamment grâce à la Fondation pour le développement de l'accueil préscolaire. Les communes, quant à elles, seront encouragées à développer l'intercommunalité, et les fonds inutilisés par certaines pourront être redistribués à d'autres. Ce système incite à l'action, pas à l'attente et au blocage, comme c'est trop souvent le cas dans cet hémicycle.

Le Centre soutient aussi la diversité des solutions: l'initiative ne se limite pas aux crèches municipales. Elle ouvre le financement à toutes les formes de garde: crèches associatives, privées, d'entreprise, accueil de jour ou à domicile. Opposer ces modèles n'a aucun sens; tous sont soumis aux mêmes normes strictes et tous répondent à un besoin réel. Ce partenariat public-privé, qui fonctionne déjà très bien dans d'autres cantons, permettra à Genève de rattraper son retard.

Enfin, cette initiative apporte plus de transparence et de visibilité. Un guichet cantonal centralisera les inscriptions et informera les parents quant aux places disponibles et aux délais d'attente, ce qui simplifiera la vie des familles et rendra le système plus efficace.

Le Conseil d'Etat évoque des coûts élevés, mais rappelons-le, chaque franc investi dans la petite enfance en rapporte trois à l'économie. Les parents qui peuvent travailler paient des impôts, contribuent à la sécurité sociale et répondent à la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Ce n'est donc pas une dépense, c'est un investissement rentable et durable.

Pour toutes ces raisons, le groupe du Centre se réjouit de débattre de cette initiative lors des futurs travaux de commission ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Masha Alimi (LJS). Je souhaite saluer cette initiative qui s'attaque à un enjeu crucial pour nos familles, nos communes et notre économie, celui de l'accueil de la petite enfance. Elle propose un véritable plan d'action pour renforcer l'offre de crèches et accélérer la création de nouvelles places, en revoyant notamment le modèle de financement actuel. Elle prévoit un rôle accru des communes, encouragées à investir dans de nouvelles structures, tout en introduisant une participation financière significative du canton. Elle ouvre aussi la voie à des solutions plus diversifiées: garde à domicile, crèches d'entreprise, structures privées ou associatives qui assurent un service d'accueil préscolaire.

En somme, cette initiative donne au Conseil d'Etat un mode d'emploi pour atteindre un objectif ambitieux: porter le taux d'offre à 50%, contre 44% aujourd'hui. Elle fixe également les bases d'une répartition plus équilibrée du financement entre les communes, le canton et la Fondation pour le développement de l'accueil préscolaire, garantissant une cohérence d'ensemble.

Je souhaite toutefois rappeler que j'ai moi-même déposé une motion sur ce sujet, avec un objectif complémentaire: promouvoir la collaboration entre les communes et les entités privées, afin d'accélérer la mise à disposition d'une offre suffisante. Cette approche visait à permettre aux communes qui le souhaitent de développer progressivement des crèches publiques sans devoir immédiatement engager des crédits d'investissement importants ni alourdir durablement leur budget de fonctionnement.

Or, chers collègues, vous avez alors refusé ma motion, estimant que le Conseil d'Etat faisait déjà le nécessaire et que ma proposition était, je cite, inutile. Je prends donc acte avec satisfaction du fait que quelques mois plus tard, cette initiative reconnaît à son tour qu'il est indispensable d'agir davantage et plus vite pour renforcer notre politique d'accueil de la petite enfance.

Le Conseil d'Etat a d'ailleurs adopté au sujet de cette initiative une position similaire à celle qu'il avait retenue concernant ma motion, en estimant que le dispositif actuel suffit déjà à promouvoir la création de places d'accueil. Mais les besoins, eux, ne cessent d'augmenter, et il nous appartient en tant que Grand Conseil d'examiner sans a priori toutes les pistes qui permettraient de répondre efficacement aux attentes des familles.

Nous avons aujourd'hui une occasion concrète de faire converger nos efforts. Le groupe Libertés et Justice sociale vous invite donc à renvoyer cet objet en commission afin qu'il puisse être étudié en profondeur et contribuer à bâtir une politique d'accueil de la petite enfance à la hauteur des besoins de notre canton. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Pierre Nicollier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, je voudrais souligner le timing de cette initiative, qui était aligné sur les échéances électorales du printemps - fruit du hasard, sans aucun doute ! (Commentaires.) Non ? (Remarque.) Mauvais joueur ! (L'orateur rit.) J'aimerais également relever que le PLR partage la préoccupation des initiants de renforcer l'accueil préscolaire afin de permettre aux parents de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale.

Pour rappel, à l'heure actuelle, un système de financement existe. Il s'agit d'un système incitatif; la Fondation pour le développement de l'accueil préscolaire dispose d'un fonds financé par le canton et les entreprises. C'est un effet secondaire de la RFFA. Les montants versés par les communes à la FDAP représentent plus de 24 millions par an. La péréquation intercommunale finance en sus 10 000 francs par place d'accueil à travers l'ACG.

Selon les conclusions de la FDAP, la pression sur l'accueil préscolaire devrait se réduire dès que nous atteindrons un taux d'offre de 44%. Pour information, nous sommes passés d'un taux de 31% en 2019 à 38% en 2024. La situation est donc tendue, mais elle s'améliore, ce dont on peut être satisfait.

Maintenant, si on prend en compte la situation actuelle, cette initiative soulève deux inquiétudes au sein de notre groupe. Tout d'abord, elle crée pour le canton une nouvelle charge contrainte de plus de 100 millions. Vu qu'il s'agit d'une charge contrainte, elle ne pourra pas être travaillée dans le cadre du budget. La seconde inquiétude est qu'il n'y a finalement pas de transfert de responsabilité: il y a bien un transfert de charges, mais en effet aucun transfert de responsabilité. Par conséquent, le canton va simplement devoir payer sans avoir d'influence sur le terrain.

Compte tenu des équilibres financiers actuels, les discussions en commission seront sans aucun doute très engagées, et nous nous réjouissons d'y traiter ce texte. Merci.

Mme Céline Bartolomucci (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, l'initiative que nous abordons ici nous invite à poser une question essentielle: notre système de garde est-il encore adapté aux réalités sociales, économiques et familiales actuelles ? Pour amorcer une réponse, il faut commencer par prendre en compte le fait qu'à Genève, le nombre de naissances s'effondre. Nous sommes ainsi passés de 5080 naissances en 2022 à 4750 en 2023, puis à 4630 en 2024. Cela représente une baisse de près de 9% en seulement deux ans, soit la plus forte observée depuis plus d'une décennie.

Je dirais qu'il ne s'agit pas d'un seul hasard démographique, mais que c'est plutôt le symptôme d'un système dépassé qui décourage la parentalité, enferme les parents (et bien souvent les femmes) dans des choix difficiles et ne répond plus aux besoins des familles. Les frais de garde en Suisse se situent parmi les plus élevés d'Europe. A Genève, comme nous le savons bien ici, trouver une place dans une structure relève aujourd'hui du calcul savant - au mieux - voire de la loterie.

Le coût de la garde reste souvent prohibitif, poussant nombre de familles et de mères à réduire leur activité ou à renoncer à travailler. Ce système fragilise non seulement l'égalité entre hommes et femmes, mais aussi l'équilibre économique et démographique du canton, car comment espérer maintenir une société dynamique si fonder une famille devient un véritable parcours du combattant ?

J'aimerais signaler que cette réalité est encore plus dure pour les familles monoparentales. Pour rappel, près de quinze mille parents élèvent seuls leurs enfants. Un quart de ces familles vivent en situation de précarité. L'initiative propose de repenser le système en profondeur; elle fixe des objectifs contraignants sur le taux d'offre d'accueil et demande la création d'un service cantonal de la petite enfance pour planifier, coordonner et rendre transparente l'offre de garde. Elle introduit également un plafond pour la participation parentale et une implication financière du canton, afin que la garde des enfants redevienne un droit et non pas un luxe.

Le système actuel repose sur la bonne volonté des communes, des barèmes variables et un financement complexe. Même s'il a permis des progrès, il reste aujourd'hui inégalitaire et insuffisant. L'accueil préscolaire devrait être un service public essentiel, au même titre que l'école, avec une politique publique ambitieuse, équitable et portée par le canton.

Cette initiative a le mérite de bousculer un statu quo qui ne fonctionne plus. Les Vertes et les Verts lui font bon accueil et se réjouissent de travailler sur ce texte en commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Sophie Demaurex (S). Mesdames et Messieurs, pour compléter ce qui a été dit, j'ajouterai qu'on ne peut pas être insensible à une telle initiative: il s'agit d'une problématique et d'une politique publique qui doivent nous mobiliser. Cela étant, en dehors du fait qu'il s'agit de dupliquer un système déjà en vigueur et proposé par la FDAP et la LRPFI, l'idée d'une liste centralisée des places disponibles semble plus qu'ambitieuse, elle paraît même irréaliste.

Demander à un service cantonal de la petite enfance de centraliser les demandes est quelque chose de certainement très complexe. Pouvoir être orienté quant à la question de savoir où s'adresser, ce serait déjà un objectif idéal, mais il est loin d'être réalisable. Disposer d'une telle liste centralisée semble un objectif très compliqué à atteindre, sachant que chaque commune a son système d'organisation.

S'agissant de la participation financière des parents, c'est pareil: il est certes très intéressant de se baser sur le RDU, mais il se calcule selon la méthode n moins 2. Or, en principe, durant la petite enfance, il se passe beaucoup de choses en deux ans. La plupart des institutions de petite enfance qui avaient pensé utiliser le système se basant sur le RDU l'ont abandonné, car il ne reflétait pas la réalité des parents dans ces situations d'accueil. Le parti socialiste est bien entendu en faveur de la mesure consistant à plafonner à 10%, mais si l'idée est faire cela en prenant comme base le RDU, il faut souligner que pour les parents, cela sera en réalité certainement plus élevé que 10%, vu qu'on sait que durant cette période, les revenus souvent baissent, et si l'arrivée d'un enfant permet de diminuer l'imposition, cela n'est pas visible dans le RDU.

Quant à la problématique de l'ouverture de crèches, elle n'est pas que financière, elle est aussi liée à la pénurie de personnel. Celle-ci constitue un enjeu très important. Dès lors, il faut aller de l'avant sur le financement de bourses, la valorisation des métiers de l'enfance, la création de passerelles professionnelles, l'amélioration des conditions de travail et la valorisation de cette activité.

Pour finir, je dirais aussi que dans cette initiative, le fait d'associer la garde à domicile, pour laquelle il n'y a aucune surveillance - je ne parle pas ici de l'accueil familial de jour, qui est surveillé... Imaginer une situation où une personne va au domicile d'une autre qui met son appartement à disposition en tant que parent et se voit autorisée et surveillée, cela paraît également peu réaliste.

En dehors de ces éléments, je pense que la thématique mérite d'être largement traitée et discutée. Nous nous réjouissons des futurs débats sur ce sujet, mais en l'état nous ne pouvons soutenir cette initiative, qui se confronte aussi à des débats au niveau fédéral.

La présidente. Il vous faut conclure.

Mme Sophie Demaurex. Je finirai avec ça: ces débats risquent de changer la donne, proposition vous est donc faite d'attendre de savoir ce qui se passe au niveau fédéral, puisque sur cette thématique-là, les choses bougent. Merci.

La présidente. Merci, Madame la députée. Je constate que la parole n'est plus demandée.

L'initiative 200 et le rapport du Conseil d'Etat IN 200-A sont renvoyés à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.