Séance du
vendredi 29 août 2025 à
18h15
3e
législature -
3e
année -
3e
session -
16e
séance
M 2934-A
Débat
La présidente. Nous traitons à présent la M 2934-A, en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à la rapporteure de majorité, Mme Sophie Demaurex.
Mme Sophie Demaurex (S), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, on reste dans le sujet du numérique, et je vous propose cette fois-ci de laisser votre ordinateur de côté et d'écouter la présentation du rapport de majorité. Que nous propose le motionnaire ? Il invite le Conseil d'Etat à se pencher sur la création d'une haute école numérique à Genève. Ses arguments sont les suivants: la pénurie d'experts en informatique, le fait que chaque entreprise tente d'attirer les meilleurs éléments, l'importance de ce projet pour le canton, ainsi que plus largement pour le pays, et enfin les défis qui se présentent en matière de technologie.
La commission a entendu ces arguments et a souhaité en savoir davantage sur l'offre de formation proposée. Les auditions ont été menées en présence de la conseillère d'Etat chargée du DIP, des milieux de l'enseignement supérieur et des milieux patronaux. Les propos tenus au cours des diverses auditions démontrent d'une part que les enjeux liés aux besoins actuels et futurs relatifs au numérique sont partagés, mais d'autre part que les formations actuelles intègrent le développement de compétences dans ce domaine.
Par exemple, l'HEPIA propose déjà un bachelor en informatique et systèmes de communication. Dans le cadre des programmes de formation continue du centre universitaire, cinq nouvelles microcertifications ont été créées, entraînant une augmentation des flux de personnes en emploi ou en reconversion professionnelle. Les formations courtes ont connu un succès immédiat, notamment la session sur l'IA, qui est une formation continue autofinancée, conformément à la législation fédérale.
Le codage, autrefois considéré comme compétence essentielle, peut maintenant être effectué efficacement par des outils d'IA. Genève est un leader mondial dans la communication quantique et la cybersécurité. Il est nécessaire d'avoir des chercheurs, des doctorants en physique et des apprentis pour développer l'information quantique, ce qui se fait en coordination étroite avec la HEG et l'HEPIA.
Face à la pénurie d'informaticiens et à la nécessité que les formations correspondent aux besoins du marché du travail, les auditionnés remettent en question la création d'une haute école numérique, jugeant cette dernière coûteuse, longue à mettre en place et cyclique. L'UNIGE et la HES-SO sont capables de fournir des formations adaptées aux enjeux sociétaux et aux transformations rapides du numérique.
Au sein de la HES-SO, des formations spécifiques en informatique sont dispensées à plein temps ou à temps partiel en emploi. Sur cette base, la HES-SO est proactive, autour de quatre axes: former davantage d'experts, travailler en collaboration avec le DIP pour favoriser un parcours de formation tout au long de la scolarité, mettre en place des programmes de soutien aux jeunes filles afin de renforcer leur intérêt pour ces formations et augmenter le nombre de CFC.
La création d'une haute école numérique ne semble pas être la solution pour répondre à la pénurie dans ce domaine. Encourager les apprentissages dans les métiers de l'informatique serait plus efficace. Favoriser l'accès à la maturité professionnelle augmenterait le nombre de candidats et candidates présents à la HES et à l'HEPIA; ce serait aussi une piste à développer. Le CUI, centre interfacultaire, offre déjà des formations interdisciplinaires en informatique. De plus, la création d'une haute école est le fruit de décisions intercantonales, pour lesquelles seule une impulsion peut être donnée par Genève. En outre, le chiffre de 16 000 francs, qui avait été évoqué pour la formation d'un étudiant, paraît quelque peu fantaisiste.
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
Mme Sophie Demaurex. Oui, merci. Pour rappel, la gouvernance de la HES-SO est régie par une convention intercantonale, Genève en fait partie. Il y a un processus légal à respecter; l'ouverture ou l'extension d'une filière est une décision qui ne dépend donc pas uniquement du canton de Genève et qui repose sur une analyse fine des besoins.
Les hautes écoles vont devoir s'adapter aux besoins changeants, c'est sûr, tant pour la formation continue que pour la formation de base. Par conséquent, l'opportunité d'acquérir des compétences numériques paraît nécessaire, et ce quelle que soit la filière. Un nombre important d'initiatives ont été prises pour renforcer l'intérêt des jeunes pour l'informatique, comme le programme «Bootstrap», destiné aux collégiens, le «Coding Dojo», réalisé par la HEG et la HES-SO, ou encore «Infoscope» et «Scienscope», mis en place par la faculté des sciences. Les statistiques sont encourageantes quant à l'augmentation des inscriptions et à la participation féminine dans les filières informatiques. On peut également citer le bachelor en sciences computationnelles et la plateforme «Make IT Easy», qui aide les étudiants.
En conclusion, les auditionnés partagent les considérants de la proposition de motion, mais sont opposés à la création d'une haute école du numérique, qui isolerait ce domaine. Ils préfèrent renforcer l'approche transversale intégrée qui existe actuellement. L'ensemble de la commission a relevé l'intérêt du sujet soulevé par l'auteur de la motion, à savoir la nécessité d'assurer qu'il y ait suffisamment de main-d'oeuvre formée et compétente dans le domaine numérique, pouvant répondre aux besoins actuels et futurs. Pour la majorité, la solution ne réside pas dans la création d'une HES numérique. Elle rappelle que cette prérogative est intercantonale. Pour les raisons qui précèdent, elle vous enjoint de refuser cette motion. Je laisserai la minorité présenter son amendement. Je vous remercie.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de première minorité. A mes yeux, vu les catastrophes, les nuages noirs qui s'amoncellent au-dessus de notre canton, Genève a besoin d'un enseignement extraordinaire par rapport à toutes les matières vétustes, anciennes ou que l'on n'enseigne pas ailleurs. Or, ce que j'ai compris lors des différentes auditions sur cet objet, c'est qu'aussi bien l'Université de Genève que la HES-SO ont des programmes d'informatique en lien avec les matières enseignées.
Cela signifie que des milliers de jeunes qui adorent l'informatique et sont capables de faire des tas de choses ne reçoivent pas un enseignement de base. On peut imaginer une comparaison: cela correspond à un enfant qui n'apprendrait à nager qu'en brasse, sans s'initier au crawl, à la nage sur le dos ou encore à d'autres pratiques.
Il faut un enseignement généralisé, global. Si vous voulez, on peut amender le texte pour prévoir que ce ne soit pas une HES, mais une école pour laquelle on trouvera un meilleur nom, mais qui fasse quand même partie de l'enseignement public genevois. Il est important que l'informatique soit enseignée en général, et pas soit pour la finance, soit pour la biologie, soit pour Dieu sait quoi ! Il faut que notre population puisse donner à ses enfants un enseignement de l'informatique généralisé, et non pas des petits bouts par-ci par-là.
J'ai aussi souligné qu'il n'est pas forcément facile d'entrer à l'université. Pour être admis à l'UNIGE, une formation gymnasiale est requise, il faut avoir obtenu une matu. (L'oratrice tousse.) J'aurais besoin d'un verre d'eau ! Si on s'inscrit sur la base d'un diplôme étranger, par exemple si on a suivi un baccalauréat français, on doit avoir au moins... Je crois que maintenant, on est passé de 12 à 14 sur 20. (On amène un verre d'eau à l'oratrice.) Merci, tu es super gentil ! (Remarque.) Ce n'est pas forcément évident d'atteindre de telles notes dans un domaine particulier.
Il me semble qu'il faudrait... Tenez, il me vient un exemple: lorsque j'étais au collège, on ne recevait aucun enseignement en dactylographie. Durant mon année de matu - j'ai fait une matu latine -, je me suis payé deux fois une semaine de dactylographie dans une école de secrétariat, parce que ça me semblait indispensable. Ça m'a été utile toute la vie ! Je pense que nous devons donner à nos jeunes la possibilité de suivre une formation étendue en matière d'informatique. Je vous remercie.
M. Djawed Sangdel (LJS), rapporteur de deuxième minorité. Chers collègues, la M 2934 pose une question majeure, non seulement pour notre canton, mais également pour l'ensemble du pays. Je suis sûr que la plupart d'entre nous sait qu'aujourd'hui, les compétences techniques de même que le PIB ne dépendent pas seulement du capital humain, mais aussi de l'investissement dans les technologies.
Prenons quelques pays comme exemples. On peut citer notre voisin, la France, qui vient d'annoncer qu'elle allait investir 200 milliards dans les domaines de la technologie et de l'IA. D'après la science, l'ensemble des problématiques dans notre vie quotidienne dépendra de la technologie. J'ajouterai qu'en plus de la technologie, l'ensemble des problématiques dans divers domaines dépendra aussi du courage des politiciens d'investir.
Pour trouver une solution dans le domaine de la technologie, je pense que Genève mérite d'avoir une école spécialisée. Pendant les séances de la commission de l'enseignement supérieur consacrées à ce texte, la majorité des commissaires et des auditionnés ont confirmé qu'il y avait un vrai besoin. Il faut donc avoir le courage d'investir.
Mais deux problèmes majeurs ont bloqué cette motion et l'ont empêchée d'être soutenue par la majorité de la commission. Le premier, c'est le manque de courage face aux investissements. «C'est trop cher !» Ok, chers collègues, si c'est trop cher, quelle est la solution ? Comment la trouver ? Si on n'investit pas aujourd'hui, demain, ce sera encore plus cher !
A l'échelle européenne, les pays essaient de plus en plus d'investir dans les domaines de l'IA et de la technologie. Un autre exemple est celui des Etats-Unis, qui vont investir plus de 470 milliards. Je pense que la Genève internationale et les compétences dont elle a besoin mériteraient qu'on y consacre quelques centaines de millions, voire des milliards.
Que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, les pays sont de plus en plus à la recherche d'experts dans le domaine de la technologie; c'est ce qu'on appelle la guerre des talents. Je prends un exemple récent, vous l'avez vu dans les journaux et à la télé: notre Poste a ouvert un bureau à Lisbonne. Pourquoi ? Parce qu'elle dit qu'elle manque de compétences. Elle a même engagé 150 personnes là-bas pour avoir du personnel qualifié.
Nous ne sommes pas simplement à la recherche d'informaticiens pour faire du codage ou d'autres tâches bureautiques. Nous cherchons vraiment des spécialistes, des personnes capables de créer de la valeur pour aujourd'hui, demain et après-demain.
Le deuxième problème concernait la complexité intercantonale. Cette motion s'inscrit dans la continuité des six hautes écoles spécialisées déjà présentes à Genève. Pourquoi ne pas avoir aussi une haute école spécialisée dédiée à 100% à la technologie ?
La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Djawed Sangdel. Je vous remercie, Madame la présidente. Malheureusement, à l'heure actuelle, la technologie n'est pas considérée comme une discipline fondamentale. Elle est traitée comme une sous-branche, à savoir qu'elle est enseignée dans des formations en gestion ou en relations internationales. Non, les besoins exigent d'avoir une école spécialisée dans ce domaine.
J'ai quelques chiffres à disposition; j'avais envoyé des questionnaires à l'Université de Genève pour savoir ce qui est en place actuellement. Je vous donne ces données, que vous pouvez aussi trouver sur son site. En 2023, nous avons formé 469 étudiants et étudiantes dans les domaines de l'informatique et de la technique, soit 261 bachelors, 102 masters, 39 masters of advanced studies, 12 certificats complémentaires et 55 doctorats.
Ce nombre n'est pas du tout suffisant, ni pour Genève, ni même pour la Suisse. Les journaux indépendants, surtout «Digital Switzerland», ont bien exposé que la Suisse a besoin d'environ quarante mille spécialistes dans ce domaine d'ici 2030. Si nous n'agissons pas sur cet aspect avant cette échéance, nous allons perdre près de 31 milliards de francs suisses. Je pense qu'investir quelques millions est justifié si cela nous permet d'éviter de perdre plus de 30 milliards.
A la suite des travaux de commission, LJS a déposé un amendement général qui vise à donner la possibilité au département d'étudier la faisabilité de la création d'une haute école numérique à Genève, alors que le texte de base invite le Conseil d'Etat à soutenir la réalisation d'une telle école. Avec cet amendement, on donne la possibilité au département genevois de l'instruction publique d'échanger avec les autres cantons sur la création d'une haute école numérique.
J'estime que nous avons la responsabilité politique vis-à-vis de nos entreprises et de notre canton - et même à l'échelle nationale ! - de créer une haute école numérique à Genève, afin d'attirer ici les meilleurs profils. Cela a aussi pour but de faire en sorte que les meilleures entreprises s'installent chez nous, reconnaissant que Genève dispose de compétences et de talents. Je vous invite tous à adopter cet amendement général, qui demande uniquement que soit étudiée la faisabilité de la création d'une haute école numérique. Je vous remercie.
M. Thierry Arn (LC). La M 2934 propose la création d'une haute école du numérique en complément des six autres hautes écoles déjà présentes. En préambule, la décision relative à la création d'un tel établissement ne relève pas de la compétence du canton de Genève, comme cela a déjà été évoqué, c'est une décision intercantonale. Notre canton ne peut que donner un input.
Selon ce qui est ressorti des différentes auditions menées par la commission, la création de cette haute école spécialisée serait coûteuse et longue. Surtout, ce serait très difficile pour cette école de s'adapter aux réalités du numérique. Comme on l'a déjà évoqué, cette discipline va très vite, elle évolue très rapidement; par exemple, Chat GPT est déjà dépassé, et on ne sait pas ce qui nous attend dans les prochaines années.
C'est une discipline transversale qui touche toutes les hautes écoles, raison pour laquelle nous pensons qu'en créer une spécifiquement pour le numérique n'est pas une solution adéquate. Le Centre plaide plutôt pour l'agilité et préfère que le Conseil d'Etat et le Grand Conseil débloquent des fonds afin de faire évoluer à satisfaction ce qui existe déjà. Comme je l'ai dit, compte tenu des évolutions rapides, il est possible que des ajustements soient nécessaires dans chaque haute école spécialisée. Nous estimons qu'il vaut mieux se concentrer sur ces améliorations avant de décider de créer une école spécifiquement pour ce domaine.
Les auditions montrent également que le travail doit être fait plus tôt. Je me tourne ici vers la conseillère d'Etat. A la commission de l'enseignement, nous réfléchissons au futur du cycle d'orientation; il y a peut-être une piste à explorer dans cette direction, pour que les jeunes soient plus rapidement orientés en direction du numérique, dans le cadre des apprentissages (on en a parlé) ainsi que pour les autres écoles. On pourrait imaginer une filière du numérique, qui attirerait plus de jeunes, et surtout plus de femmes - elles sont largement minoritaires dans ce domaine.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Centre vous demande de refuser cette motion. Quant à l'amendement, nous préférons également que le Conseil d'Etat se focalise sur la réforme du cycle et trouve des solutions adéquates par rapport aux contraintes actuelles. Notre groupe vous propose donc de rejeter également cet amendement général. Merci.
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Le traitement de cette motion a mis au jour une certaine confusion dans la compréhension de ce que comprendrait au juste une école dédiée au numérique. Deux hypothèses ont été débattues. Premièrement, l'acquisition de compétences spécifiques en lien avec les systèmes d'information. On peut penser au développement informatique, à l'intelligence artificielle, au codage ainsi qu'aux supports informatiques. Deuxièmement, l'acquisition de compétences numériques dans des domaines d'études qui ne sont pas en lien direct avec les systèmes d'information, comme l'utilisation de l'intelligence artificielle pour faciliter les diagnostics en médecine ou pour analyser des textes légaux.
Pour chacune des hypothèses, des formations existent déjà. Dans le premier cas de figure, l'offre débute par des apprentissages en informatique, qui mènent au CFC. Il n'y a donc pas que des formations tertiaires pour travailler dans les métiers de l'informatique - je tiens à rassurer Mme Magnin sur ce point, vous lui transmettrez, Madame la présidente.
Genève a aussi une école supérieure d'informatique de gestion, l'ESIG, et une HES qui offre des formations en informatique de gestion, en informatique et systèmes de communication, etc. L'université dispose d'un département d'informatique, qui comprend une nouvelle orientation en sciences computationnelles. Au niveau académique toujours, je rappelle que les écoles polytechniques fédérales proposent aussi des formations dans ce domaine.
Pour ce qui est du deuxième cas de figure, les auditions de la HES et de l'université ont rassuré la majorité de la commission de l'enseignement supérieur quant au fait que les études dans d'autres domaines que l'informatique englobent les avancées technologiques, au premier rang desquelles se trouve la numérisation des professions et des métiers.
Dans tous les cas, on se rend compte que la création d'une école du numérique ne répond pas à un manque d'offre de formation dans ce domaine. Quant à savoir si elle résoudrait l'épineux problème de la pénurie de main-d'oeuvre dans les métiers du numérique, la réponse est malheureusement négative. Les filières précitées ne sont déjà pas remplies à l'heure actuelle. Il faudrait donc d'abord travailler à renforcer l'attractivité de ces métiers, notamment auprès des femmes, avant de créer ex nihilo une nouvelle école.
Enfin, d'un point de vue formel, créer une nouvelle haute école ne dépend pas du canton - cela a été rappelé par mes préopinants -, il s'agit d'un système intercantonal. Les cantons de Suisse occidentale s'entendent sur les besoins et décident ensemble des lieux où doivent se situer les hautes écoles. Les décisions se prennent à l'unanimité des cantons concernés; Genève ne peut donc pas choisir seule de créer une telle école, mais uniquement donner une impulsion.
Pour l'ensemble de ces raisons, le PLR vous propose de refuser cette motion ainsi que l'amendement présenté ce jour. Je vous remercie, Madame la présidente.
Mme Lara Atassi (Ve). Ce parlement reçoit régulièrement des textes sur le numérique - comme les propositions de motions dont nous avons débattu plus tôt aujourd'hui -, la souveraineté numérique et les enjeux liés à l'IA ainsi qu'aux logiciels que nous utilisons au sein des institutions. Ce sont des questions préoccupantes, importantes et particulièrement d'actualité.
Le numérique fait partie de tous les aspects de la vie. C'est un domaine qui se spécialise de plus en plus. Rien que dans l'intelligence artificielle, il y a des milliers de compétences à acquérir et des spécialités à développer. Les formations générales ou spécifiquement liées à un domaine autre que le numérique ne permettent pas d'obtenir un niveau d'expertise suffisant pour répondre à tous les enjeux que représentent le numérique et l'informatique de façon générale.
Nous pensons donc que créer un centre de formation d'experts pratiques à Genève ou en Suisse romande est une proposition qui peut avoir du sens, raison pour laquelle nous soutenons cette motion, qui invite à étudier ces solutions. Je rappelle également que les hautes écoles ne sont pas des centres uniquement de formation, mais aussi de recherche. A l'heure où les solutions informatiques proviennent quasi uniquement d'outre-Atlantique, développer une recherche capable de créer des outils locaux, pratiques, adaptés à nos contraintes et respectueux de nos valeurs et de notre souveraineté peut être un élément très avantageux pour notre société.
Bien sûr, compte tenu du système intercantonal, on ne va pas décider tout de suite de créer une école et d'y investir des millions et des millions pour que cela se fasse immédiatement, mais c'est une piste qui vaut la peine d'être étudiée. On a besoin de professionnels qui soient vraiment experts dans ce domaine ! Merci. (Applaudissements.)
M. Arber Jahija (MCG). Chers collègues, la motion pose un problème quant à sa clarté difficile à résoudre. Créer une nouvelle haute école spécifiquement dédiée au numérique est la solution la plus coûteuse et cette approche dépasse largement le spectre d'action de notre parlement. Nous considérons qu'il est préférable d'améliorer l'existant et de renforcer les formations spécialisées dans ce domaine, afin de les faire davantage correspondre aux besoins réels de notre économie.
La motion ainsi que son amendement ne sont pas totalement dépourvus d'intérêt, mais sont mal formulés, raison pour laquelle le MCG laissera la liberté de vote sur cet objet. Merci de votre attention.
M. Jacques Jeannerat (LJS). Les chaussettes m'en tombent; heureusement, je les porte courtes, donc elles ne tomberont pas de très haut ! Le monde informatique évolue à la vitesse grand V... J'ai peu de temps à disposition.
La présidente. Dix-sept secondes.
M. Jacques Jeannerat. Quel esprit conservateur nous avons dans ce parlement ! Il faudrait absolument se greffer à une école déjà existante, mais soyons ambitieux, Mesdames et Messieurs ! Genève doit être à la pointe, Genève est une capitale internationale, elle doit disposer d'une école informatique de haut niveau. On s'en fout d'être reliés à la HES ou non, il faut aller de l'avant ! Je suis choqué par les propos que j'ai entendus ! Je vous invite à voter cette motion ainsi que l'amendement.
Mme Sophie Demaurex (S), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je reprends la parole, car s'il est vrai que tout le monde reconnaît l'importance du numérique, je tiens à souligner que grâce au dépôt de cette motion, nous avons pu constater que les écoles ne nous ont pas attendus pour avancer.
Le refus de cette proposition de motion vient du fait qu'elle demande la création d'une HES alors que cela ne relève pas de notre compétence. Déposez un nouvel objet afin de faire une demande autre que la création d'une HES, car nous ne sommes pas compétents !
Madame la présidente, vous transmettrez au député Jeannerat que nous ne sommes pas opposés au développement de l'informatique, je tenais à le rectifier. La réalité est qu'il ne nous appartient pas de créer une HES à Genève. Merci.
Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de première minorité. Je vais simplement présenter mon amendement, sauf si vous voulez le faire à un autre moment, Madame la présidente. (Remarque.) Non ? Alors, j'ai simplement rédigé un peu différemment ce qui est demandé dans la motion, à savoir non pas une haute école, mais une école ou des filières à l'intérieur des cycles d'orientation, voire même des écoles primaires, pour que les enfants soient directement imbibés par le numérique, et qu'ils le soient tous. (Commentaires.)
Je demande donc que l'on crée une école numérique, mais pas une haute école, puisque cela relève du droit fédéral et que nous ne pouvons pas le faire tout seuls. Merci de soutenir mon amendement !
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Sangdel pour vingt-trois secondes.
M. Djawed Sangdel (LJS), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Madame la présidente. En réalité, la motion ne vise pas seulement les jeunes. Son objectif est d'avoir une école comprenant plusieurs niveaux. Il ne faut pas uniquement viser les jeunes. Je pense que si on ne soutient pas ce texte, on ne soutient pas la Genève internationale. On a souvent parlé de la Genève internationale: pour que les talents et les entreprises viennent dans notre canton... Mon amendement ne demande que d'étudier la faisabilité d'une école intercantonale. Je vous remercie. (Applaudissements. Commentaires.)
Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, à entendre certains d'entre vous, c'est comme si ni l'université, ni la HES-SO et son rectorat, ni la HES-SO Genève et ses écoles ne réalisaient que nous sommes à un tournant et que nous allons vivre dans un monde de plus en plus numérique et avec de l'intelligence artificielle, comme si personne n'avait conscience de cette problématique et de la pénurie qui nous attend, notamment en ce qui concerne les informaticiens.
Ce que nous avons pu exprimer en commission, et qui n'est malheureusement pas entendu, c'est qu'il ne suffit pas de changer le nom d'une école ou d'en créer une nouvelle pour que la situation soit réglée. Une pénurie est en effet annoncée, cette problématique est très importante, et je crois qu'elle n'a été remise en cause par aucun député, aucune députée, aucune des entités qui ont été auditionnées, ni par le département.
Nous faisons face à des pénuries dans d'autres métiers, notamment dans le travail social. D'ailleurs, nous renforçons aussi ces moyens, parce que nous allons vivre dans une société formée de personnes de plus en plus âgées et que nous aurons besoin de personnel formé. D'autres domaines, d'autres professions sont confrontés à des pénuries. Nous devons agir pour savoir comment gérer ces manques, comment donner envie à des jeunes de s'intéresser à ce domaine, de devenir informaticiens ou de travailler dans le numérique.
D'ailleurs, qu'est-ce qu'on met dans ce terme, «numérique» ? Cette question a été relevée plus tôt. Aujourd'hui, comme cela a également été souligné, nous devons travailler sur l'orientation, sur le fait de donner envie, nous devons également comprendre et savoir de quoi on parle. C'est ce que nous faisons et ce que nous allons continuer à faire.
Nous avons aussi évoqué le problème du nombre de places d'apprentissage dans ces métiers. Il y a des formations en informatique dans des centres de formation professionnelle, mais aussi dans les entreprises. Il faut également que celles qui cherchent du personnel forment et recrutent des jeunes en offrant des places d'apprentissage. Nous travaillons sur tous ces points.
Nous sommes bien conscients de cette problématique, mais ce n'est pas en nous demandant d'étudier la faisabilité d'un dialogue avec les autres cantons romands que l'on va régler le problème de la pénurie. Pour toutes ces raisons, le Conseil d'Etat et le département ne soutiennent malheureusement pas cette motion. Merci beaucoup.
La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis de deux amendements. Nous votons en premier sur le plus éloigné, à savoir l'amendement général déposé par M. Djawed Sangdel, qui propose de remplacer l'invite d'origine par l'invite suivante:
«à étudier la faisabilité de la création d'une haute école numérique à Genève.»
Mis aux voix, cet amendement général est rejeté par 42 non contre 32 oui et 1 abstention.
La présidente. Nous votons à présent sur l'amendement déposé par Mme Danièle Magnin, qui se présente comme suit:
«à encourager l'enseignement des nouvelles technologies de l'information et de la communication numérique en soutenant la réalisation d'une école spécialisée numérique.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 11 oui et 2 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de motion 2934 est rejetée par 58 non contre 18 oui et 1 abstention (vote nominal).