Séance du
jeudi 28 août 2025 à
17h
3e
législature -
3e
année -
3e
session -
12e
séance
PL 13529-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
La présidente. Nous traitons maintenant les objets liés PL 13529-A et M 3041-A en catégorie II, trente minutes. Monsieur Jahija, vous avez la parole.
M. Arber Jahija (MCG), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, le PL 13529 et la M 3041 ont été traités conjointement en une seule séance à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport. Les auteurs entendent, à juste titre, légiférer pour remédier à la carence de places d'accueil de la petite enfance dans le canton de Genève. En effet, selon les estimations, il manque actuellement plus de trois mille places en crèche pour couvrir la demande des parents.
Néanmoins, on peine à comprendre comment la modification proposée dans le projet de loi, consistant à ajouter quatre mots dans la loi sur l'accueil préscolaire, pourra concrètement résoudre la question ou même faire diminuer la pénurie de places en crèche.
Le véritable problème de l'accueil des enfants à Genève, c'est que celui-ci est exclusivement de compétence communale. L'offre privée est hors de portée pour de nombreuses familles en raison de sa cherté. Les entreprises contribuent, mais seulement à hauteur de moins de 0,1% de la masse salariale des employés.
Auditionnée en commission, la conseillère d'Etat Anne Hiltpold a évoqué une autre possibilité intéressante, qui serait de rendre obligatoire la création de crèches, comme pour les écoles publiques, en précisant toutefois qu'elle ne fera pas cette proposition, ce qui est bien dommage.
En conclusion, le PL 13529 ainsi que la M 3041 n'ont été soutenus que par une seule voix en commission. La majorité vous invite donc à rejeter ces deux objets. Je vous remercie de votre attention.
Mme Masha Alimi (LJS), rapporteuse de minorité. Pour mémoire, le projet de loi a été déposé afin de légiférer sur une pratique existante, donc de la légitimer. La motion, quant à elle, vise à ce que le Conseil d'Etat promeuve la collaboration entre communes et entités privées afin d'aboutir plus rapidement à une offre suffisante en matière d'accueil de la petite enfance.
Ainsi, les communes qui le souhaitent pourraient mettre en place des crèches publiques de manière progressive, cohérente et sans nécessairement engager immédiatement des crédits d'investissement importants qui généreraient une hausse incompressible du budget de fonctionnement et présenteraient l'inconvénient de faire soit augmenter la dette municipale, soit diminuer d'autres prestations à la population.
Oui, ce qui est demandé dans ces deux textes est déjà mis en oeuvre par le DIP. Cependant, pourquoi ne pas formaliser le procédé ? S'il est clairement stipulé que le taux d'offre prend en compte les places subventionnées, les communes seraient encouragées à augmenter leur nombre de places d'accueil préscolaire dans des délais très courts, ce qui leur permettrait de réaliser l'objectif fixé par le Conseil d'Etat, à savoir d'atteindre un taux de 44% d'ici 2029.
Lors de l'audition, il nous a été spécifié que les montants versés par la Fondation pour le développement de l'accueil préscolaire sont d'ordre incitatif, il s'agit d'un fonds destiné à soutenir les communes. Pourquoi ne pas poursuivre sur cette voie en les encourageant expressément à développer la collaboration public-privé ?
Le but n'est pas de modifier la situation actuelle, mais respectivement d'ancrer dans la loi une pratique existante et de continuer à inciter les communes à coopérer avec des structures privées pour accélérer le processus qui débouchera sur une offre d'accueil suffisante.
Nous rappelons que l'accès à une place en crèche ne doit pas constituer un parcours du combattant pour les familles. Trop de parents se trouvent dans une impasse, incapables de concilier vie privée et professionnelle, faute de solution adaptée. Le Conseil d'Etat doit agir sans attendre pour garantir un accueil préscolaire suffisant et accessible. C'est une nécessité pour l'équilibre des familles, l'égalité des chances et le dynamisme de notre économie.
Si des solutions existent, mettons-les en oeuvre ! Je propose une option modeste qui, certes, ne résoudra pas totalement la pénurie de places, mais qui contribue au moins à améliorer l'existant. Ne soyons pas avares et utilisons toutes les possibilités qui s'offrent à nous pour assurer un nombre de places suffisant aux familles, votons en faveur de ce projet de loi et de cette motion ! Merci, Madame la présidente.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, l'objectif de ces deux textes est de favoriser le développement des places d'accueil de la petite enfance. Je rappelle que l'article 200 de la constitution garantit que l'offre est adaptée aux besoins des familles, le financement reposant sur une collaboration entre les communes, le canton et les employeurs.
Les auteurs du projet de loi et de la motion - qui concernent tous deux l'article 3, lettre d, de la LAPr - veulent imposer un quota en élargissant le taux d'offre à toutes les structures, qu'elles soient publiques ou privées.
La Fondation pour le développement de l'accueil préscolaire (FDAP) se base sur un mécanisme complexe, toutes les places subventionnées ou exploitées par les communes sont prises en compte. Il s'agit d'une méthode incitative avec un système de bonus-malus: plus une commune approche, voire dépasse, la moyenne cantonale en matière d'accueil, plus elle reçoit d'argent issu du fonds de la FDAP; à l'inverse, si son taux est bas, les montants diminuent. La solution proposée dans ces objets est donc déjà appliquée, le DIP tout comme les communes s'y emploient déjà. L'objectif est de parvenir à un taux d'accueil préscolaire supérieur à 44%.
Les entreprises privées bénéficient de moyens financiers importants qui leur permettent de mettre ce service à disposition de leurs collaborateurs et, dans le même temps, d'offrir des places en crèche à des communes dans le besoin, puisque tout le monde recherche des places dans toutes les communes. S'il y en a peu dans le privé, c'est que les entités renoncent pour des raisons de coûts élevés liés à la construction et à l'exploitation des infrastructures.
La FDAP prévoit un ratio entre le nombre d'enfants en âge préscolaire et celui des places financées par les communes. Si l'une d'entre elles dépasse le taux cantonal, elle profite d'un versement plus élevé. Ainsi, le système incitatif mis en place encourage déjà les communes à approcher ou dépasser la moyenne cantonale grâce à des fonds supplémentaires.
Pour toutes ces raisons, ce projet de loi et cette proposition de motion sont une fausse bonne idée. Il convient de refuser l'entrée en matière sur le PL 13529 et de rejeter la M 3041. Je vous remercie.
M. Thierry Arn (LC). Le PL 13529 et la M 3041 proposent d'inscrire dans la loi que le taux d'accueil préscolaire inclut le nombre de places au sein d'entités privées subventionnées par les communes.
Le Centre est sensible à tout ce qui peut encourager la création de places en crèche. La Fondation pour le développement de l'accueil préscolaire en est un bon exemple: elle aide les communes à financer de nouvelles places d'accueil en fonction du taux d'offre, car il s'agit d'un poste de dépense important dans les budgets de fonctionnement municipaux, cette aide est très appréciée des communes.
Toutefois, comme cela a été relevé par mes préopinants, ces deux objets enfoncent des portes ouvertes. Lors de son audition, le DIP nous a indiqué que tout ce qui y est inscrit est déjà mis en oeuvre. En outre, comme la rapporteuse de minorité le concède, tout a été fait. C'est à se demander pourquoi les textes n'ont pas été retirés. Pour toutes ces raisons, Le Centre vous demande de les refuser.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste est naturellement en faveur de davantage de places en crèche, il se bat depuis longtemps dans ce but. Malheureusement, ce projet de loi et cette proposition de motion, bien que leur intitulé puisse faire croire qu'ils vont dans le même sens, ne servent en réalité à rien. Mme la conseillère d'Etat l'a affirmé, ce n'est pas en ajoutant quelques mots qui n'ont aucun impact sur le calcul statistique que l'on va augmenter l'offre en matière d'accueil préscolaire.
Autant, sur le plan du contenu, on voit qu'il n'y a aucune plus-value en ce qui concerne le calcul actuel du taux d'accueil de la petite enfance, autant, sur le fond, Mesdames et Messieurs, si on veut créer de nouvelles places, ce n'est pas en modifiant les statistiques qu'on y parviendra ! De la même manière, ce n'est pas en changeant des chiffres qu'on luttera contre le chômage ! Non, c'est en proposant des programmes de réinsertion ou d'insertion professionnelle.
Mesdames et Messieurs, si vous voulez agir aujourd'hui pour que les familles aient accès à des places pour leurs enfants à un prix abordable, pour que les femmes, au lieu de renoncer à toute carrière professionnelle, puissent faire garder leurs enfants, réussir à travailler et enfin aspirer à un peu d'égalité, vous n'y arriverez pas en ajoutant quelques mots dans une loi pour modifier le taux, on ne créera pas la moindre place d'accueil supplémentaire ainsi ! Ce projet de loi et cette proposition de motion ne sont que poudre aux yeux.
Nous, parti socialiste, voulons offrir de nouvelles places en crèche sur la base de projets de lois concrets, pas avec ce genre de textes qui ne sont que mirage, qui n'impliquent qu'un changement statistique, mais en intervenant réellement pour la petite enfance. Nous nous réjouissons de la volonté exprimée par le Conseil d'Etat d'atteindre un taux de 44% d'ici 2029, mais nous ne succomberons pas au mirage consistant à développer des places dans les structures privées.
En effet, le coût de l'accueil constitue un enjeu crucial pour les Genevoises et les Genevois. On le sait, de nombreuses familles peinent à boucler les fins de mois. Actuellement, les places dans le secteur privé coûtent 3500 francs par mois ! J'aimerais savoir qui, si on développe le domaine privé, pourra payer 3500 francs par mois pour une place en crèche ! C'est impossible.
Il faut agir pour offrir des places à un prix abordable, et cela passe par le secteur public subventionné. Voilà le sens dans lequel nous devons aller: créer davantage de places subventionnées afin qu'elles soient accessibles à toutes et à tous. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Thierry Oppikofer (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, il arrive parfois - même assez souvent - que des projets de lois ou des propositions de motions soient examinés en commission et que malgré les efforts de leur premier ou première signataire pour les défendre, chacun se demande quelle a bien pu être leur inspiration; eh bien avec toute l'estime et l'amitié que nous portons à nos collègues du groupe LJS, c'est exactement le cas du PL 13529 et de la M 3041.
Développer des places pour la petite enfance en modifiant, dans un souci de précision, un article de loi que personne, ni dans les communes ni à l'échelon cantonal, n'avait jamais trouvé flou, voilà qui, selon certains, méritait non pas un, mais deux textes parlementaires différents !
A la commission de l'enseignement - mes excellents préopinants l'ont relevé -, la conseillère d'Etat Anne Hiltpold et sa collaboratrice du secrétariat général ont expliqué la parfaite inutilité de ce changement. Bien sûr, il manque des places - personne ne le nie et tout le monde souhaite en créer -, mais le système de collaboration entre les différentes entités publiques et privées fonctionne plutôt bien et l'application de la mesure proposée ne permettrait pas de créer une seule place supplémentaire. De la gauche à la droite, en passant par le centre, ces deux textes ont fait l'unanimité, mais contre eux - à une voix LJS près.
A la question contenue dans le rapport de minorité de notre excellente collègue Masha Alimi, à savoir: «Oui, ce qui est demandé dans ce projet de loi et cette motion est déjà mis en pratique [...]. Cependant, pourquoi ne pas légiférer en la matière ?», le groupe PLR a une réponse: pour ne pas perdre de temps, de l'argent et accroître encore le mille-feuille normatif genevois. Le groupe PLR vous invite, Mesdames et Messieurs, à refuser tant le projet de loi que la motion, ce sera une bonne chose de faite. Merci, Madame la présidente.
Mme Laura Mach (Ve). Chers collègues, je suis un petit peu d'accord avec tout le monde: inciter les communes à augmenter leur nombre de places en crèche est une bonne chose - il faut dire que certaines d'entre elles présentent un taux encore si bas qu'on peine à y croire -, mais la méthode proposée pour y parvenir pose problème.
Comme l'a confirmé le DIP, ce que demandent ces deux textes est déjà appliqué sur le terrain, les places privées subventionnées sont en effet comptabilisées dans le taux d'offre et donnent droit à des financements. On légiférerait donc pour formaliser ce qui existe déjà ! Il s'agit d'un coup d'épée dans l'eau que nous ne pouvons pas cautionner. Malgré notre plein soutien, bien sûr, au développement de l'accueil préscolaire, nous n'accepterons pas ces objets. Merci.
Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, tout ou presque a déjà été dit. J'aimerais néanmoins remercier les auteurs de ce projet de loi et de cette proposition de motion de nous avoir permis de débattre en commission sur l'intérêt de l'accueil préscolaire, sur ce que le département et le canton peuvent entreprendre de plus dans le cadre d'une politique qui, je le rappelle, est de compétence communale. Les deux textes ont le mérite d'avoir mis pratiquement tout le monde d'accord sur le fait que, oui, nous avons besoin de davantage de places en crèche.
C'est dans ce contexte que, lorsque la question m'a été posée, j'ai répondu - cela a été rapporté - que si vraiment nous voulions que toutes les communes fassent leur part et atteignent le fameux taux de 44% fixé non pas le Conseil d'Etat, mais conjointement par le Conseil d'Etat et les communes via la FDAP, alors il fallait modifier la loi et les obliger à créer des places.
Or ce n'est pas moi qui vais suggérer cela, Mesdames et Messieurs, parce que je pense que les communes sont pleinement conscientes de ce qu'elles doivent faire, du nombre de places qu'elles sont censées offrir; il se trouve qu'il n'est pas simple d'ouvrir une structure de la petite enfance compte tenu du coût, mais elles sont conscientes de leur responsabilité.
Le PL 13529 et la M 3041 ont donc eu ce mérite. Cela étant, ils ne sont pas utiles, puisque le règlement prévoit déjà que lorsque des places au sein d'entités privées existent, elles sont comptabilisées dans le calcul qui permet ensuite de déterminer si le ratio est atteint ou non.
La motion est encore moins utile pour susciter des envies de partenariat entre communes et crèches privées, car de telles collaborations existent déjà, ne changent pas la donne en ce qui concerne la redistribution des fonds de la FDAP et ne créent pas plus de places. Pour ces raisons, le Conseil d'Etat vous propose également de refuser les deux objets. Merci beaucoup.
La présidente. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote sur les deux textes.
Mis aux voix, le projet de loi 13529 est rejeté en premier débat par 80 non contre 8 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 3041 est rejetée par 82 non contre 8 oui (vote nominal).