Séance du jeudi 19 juin 2025 à 20h30
3e législature - 3e année - 2e session - 8e séance

PL 13610-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2024
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 19 et 20 juin 2025.
Rapport de majorité de M. Laurent Seydoux (LJS)
Rapport de première minorité de Mme Caroline Marti (S)
Rapport de deuxième minorité de M. François Baertschi (MCG)

Suite du deuxième débat

I - IMPÔTS ET FINANCES

La présidente. Nous reprenons nos travaux et passons à la politique publique I «Impôts et finances». Monsieur Seydoux, vous avez la parole.

M. Laurent Seydoux (LJS), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. La commission des finances a soutenu cette politique publique par 9 oui contre 5 non et 1 abstention.

L'année passée, l'Etat a remboursé l'ensemble de ses emprunts à long terme qui arrivaient à échéance en 2024. Cela représente plusieurs centaines de millions, avec des taux qui allaient de 1,5% à presque 3%. Ces emprunts avaient été conclus à des époques différentes, ce qui explique ces variations dans les taux. Il n'y a pas eu de refinancement à long terme en 2024. Pour information, le taux d'intérêt moyen de l'ensemble de l'endettement se situe légèrement en dessous des 1%.

Un nouveau terme est en train d'apparaître, d'émerger dans les questions de déductions fiscales: le QRTC, «qualified refundable tax credits». Il s'agit de crédits d'impôt remboursables qui ne correspondent pas à un abaissement du taux, mais au financement de certaines activités ou certains investissements par le canton.

A Genève, la situation est examinée par le DF et le DEE. Cette approche n'est pas encore mise en pratique, mais comme d'autres cantons sont en train de s'y mettre, notamment Zoug - comme par hasard ! -, cela peut à nouveau créer une concurrence fiscale au niveau intercantonal, il faudra donc y être attentif. D'autant que ces QRTC comportent des risques très importants. Je vous laisse lire les rapports pour plus d'informations sur ce sujet. Merci, Madame la présidente.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Pour couper court au suspense, je vous informe que le groupe des Verts refusera cette politique publique, non pas par esprit d'acharnement, mais sur la base du constat un peu désespéré que cela fait plus de dix ans, peut-être vingt ans, que systématiquement, les recettes affichées aux comptes dépassent de façon énorme celles prévues au budget.

Nous avons essayé d'agir pour que cet écart diminue, et c'est le cas - en ce sens, nous avons une modeste satisfaction. L'écart était de près de 2000 millions ces dernières années; cette fois-ci, il est de 600 millions. Il y a donc un vrai progrès.

Mais les ajustements, ce que la conseillère d'Etat a nommé tout à l'heure réductions du biais de sécurité, sont infimes par rapport à ce que l'on pourrait attendre. Ce d'autant plus que cette référence des prévisions de recettes est la clé de voûte du projet de loi «corset», qui sera soumis au vote au mois de septembre prochain. Si le Conseil d'Etat, certes, ne soutient pas ce projet, il le combat avec la fermeté d'une méduse narcoleptique. (Remarque. L'orateur rit.)

Bref, vous l'aurez compris, nous estimons que cette politique doit être menée avec beaucoup plus de rigueur, et c'est pour ça que nous la refuserons. Merci.

M. Sylvain Thévoz (S). Un premier regret concerne le caractère lapidaire de ce rapport de gestion 2024, qui passe comme chat sur braise sur les enjeux de la baisse fiscale voulue par le Conseil d'Etat en novembre 2024, dont les conséquences sont désastreuses. On le sait, depuis 2022, Genève bénéficie de recettes fiscales exceptionnelles issues du commerce de l'énergie et de matières premières, mais en raison de l'instabilité générale, elles sont fragiles, et cela aurait dû inciter le Conseil d'Etat à une certaine prudence.

Malheureusement, il a fait fi des profonds changements sociétaux et économiques actuels pour honorer sa volonté énoncée lors du discours de Saint-Pierre, à savoir baisser les impôts des plus fortunés, et cela en partie sur le dos des communes et sans aucune concertation avec elles. Nous voilà placés devant un problème institutionnel grave dans les relations entre les communes et le canton. Ces dernières ont même déposé un recours devant la Chambre administrative concernant les presque 70 millions qu'elles sont censées verser à l'administration fiscale cantonale au titre des frais de perception pour 2024.

Le Conseil d'Etat annonce d'ailleurs récidiver et souhaite maintenant que les communes contribuent au système de péréquation intercantonale. Après avoir subi une baisse d'impôts de 108 millions, elles se verraient infliger un transfert de charges aux conséquences à peu près équivalentes. Elles dénoncent le fait que le Conseil d'Etat n'ait aucune volonté de travailler en partenariat avec elles, contrairement aux propos tenus dans le discours de Saint-Pierre.

Mesdames et Messieurs, ces reports de charges sur les communes sans transfert de compétences, combinés aux baisses d'impôts, sont un cocktail explosif. Le Conseil d'Etat n'a toujours pas de boule de cristal, comme il aime à le répéter, mais il a choisi de continuer à foncer, au forceps, au risque d'une grave sortie de route. Nous ne pouvons soutenir cette politique, qui fait payer aux communes et aux plus précaires les risques d'une grande instabilité fiscale. Merci pour votre écoute. (Applaudissements.)

M. Yvan Zweifel (PLR). J'écoutais M. Thévoz expliquer qu'en réalité, le Conseil d'Etat et ce Grand Conseil avaient proposé une baisse d'impôts pour le seul plaisir de baisser les impôts, sans aucune autre réflexion. Ce n'est évidemment pas le cas: ces dernières années, on a justement constaté, non pas au budget, mais aux comptes, qu'il y avait des excédents. Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'on a trop pris dans la poche des contribuables ! Il convenait donc de leur rendre ce trop-perçu. Le peuple ne s'y est pas trompé et a effectivement voté, à une très large majorité, cette baisse d'impôts.

Alors maintenant, vous pouvez, si vous le voulez - vous transmettrez, Madame la présidente -, continuer à rabâcher le même discours que celui que vous teniez avant la votation. Ou vous pouvez prendre conscience du fait que précisément, il y a eu une votation démocratique, que le peuple s'est prononcé, en prendre acte et travailler là-dessus.

Surtout, que nous montre le passé ? Je n'ai pas besoin de le répéter, mais je le fais quand même. D'abord, qu'il y a eu d'autres baisses ces vingt-cinq dernières années. Et lorsqu'on a une baisse, celle-ci est estimée à un coût statique, c'est-à-dire la baisse maximum que l'on pourrait constater. Or, si je baisse les impôts et que le contribuable a donc par définition plus d'argent dans sa poche - puisqu'il paie moins d'impôts pour le même revenu -, eh bien cet argent, il ne disparaît pas. Le contribuable va en faire quelque chose, il va le dépenser ou le déposer à la banque, qui aura alors plus de moyens pour prêter de l'argent à des entreprises, qui vont pouvoir investir et engager davantage. Un cercle vertueux se forme - vertueux en tout cas d'un point de vue économique, probablement pas pour vous. Ce résultat fait que cette baisse n'est pas du montant qui était indiqué, elle n'est d'ailleurs pas forcément une baisse à la fin - ça, c'est le futur qui nous le dira !

Ce qui est sûr, c'est que toutes les baisses que nous avons eues par le passé ont systématiquement débouché à terme sur des hausses des recettes fiscales, proportionnellement bien plus importantes que la hausse de la population. Je n'ai pas besoin de revenir sur la baisse de 12% en 1999, entrée en vigueur en 2000, qui a débouché sur une hausse des recettes fiscales de 8%, ou, et cet exemple est encore meilleur, sur celle de 2009, qui a eu lieu lors d'une période où l'attractivité économique n'était peut-être pas aussi bonne, ce qui pourrait malheureusement nous arriver dans les années qui viennent. Alors qu'une baisse du PIB genevois était constatée, une baisse d'impôts avait été acceptée. Elle a effectivement entraîné une baisse des recettes fiscales, qui avait été estimée de manière statique à -450 millions.

Je me souviens d'ailleurs de vos collègues de l'époque, Monsieur Thévoz - vous transmettrez, Madame la présidente -, notamment M. Deneys, qui vociférait dans ce même parlement en disant: «On va perdre 450 millions, c'est une catastrophe !» Or, qu'est-ce qu'on a constaté l'année suivante ? Il y avait effectivement une perte, je ne dis pas le contraire, mais pas de 450 millions, de 150 millions. L'année d'après, il y avait encore une perte, et, par la suite, un rattrapage massif, toutes les années suivantes. Ça, c'est juste la réalité comptable.

On n'a pas non plus besoin de parler de la dernière grande baisse, qui, elle, ne concerne pas les personnes physiques, mais les personnes morales, à savoir la RFFA. On n'en parle plus du tout, y compris sur vos bancs, parce qu'évidemment, vous êtes gênés; vous l'êtes parce que vous vous êtes fermement battus contre cette baisse, qui se révèle être la poule aux oeufs d'or genevoise de ces dernières années. Alors forcément, on n'en parle plus, on la cache, on la met sous le tapis social-démocrate, si tant est qu'il en reste un, pour surtout ne pas reconnaître que oui, cette réforme fiscale était une bonne idée.

Mesdames et Messieurs, on n'a pas de boule de cristal, mais le passé nous montre que probablement, la baisse que l'on a votée n'aura pas de conséquence sur les recettes fiscales ou que si elle en a une, elle sera en réalité positive. On ne peut donc que s'en réjouir !

Je rappelle aussi que ce n'est pas une baisse pour les plus fortunés, les plus riches, puisqu'elle est précisément plus importante pour la classe moyenne que pour les plus hautes tranches de revenus. Evidemment qu'en francs, cela représente une baisse plus importante pour la personne qui paie plus d'impôts, mais proportionnellement, on a bien axé cette diminution sur la classe moyenne.

Et puis, Mesdames et Messieurs, cette baisse d'impôts est effectivement salutaire. Elle l'est pour le porte-monnaie des Genevois. Maintenant, il faut qu'elle le devienne pour l'Etat. En ce sens, il faudra effectivement en septembre voter les lois non pas «corset»... Pour rappel, un corset a pour objectif d'essayer de faire maigrir la personne qui le porte, alors que ces lois ne traitent pas du tout de ça puisqu'il s'agit, dans le cadre d'un budget déficitaire - et uniquement dans cette situation ! -, d'avoir non pas une baisse des charges, mais que celles-ci soient conditionnées à la hausse de la population. On n'est même pas ambitieux avec ce projet ! On est donc très loin d'un quelconque corset. En réalité, ce sont des lois de bon sens, et évidemment, j'espère qu'en septembre, le peuple votera ces deux lois, comme il l'a intelligemment fait en novembre de l'année passée pour la baisse d'impôts.

Cela dit, Mesdames et Messieurs, on ne peut que constater que cette politique publique est bien tenue et remercier non seulement l'administration, mais évidemment aussi celle qui est à sa tête, Mme Nathalie Fontanet, qui nous présente effectivement des excédents. M. Nicolet-dit-Félix s'en plaint, en disant qu'on fait exprès, lors du budget... Non, personne ne fait exprès. Je rappelle qu'un budget est une estimation pour le futur. Mais encore une fois, si, par hypothèse, vous êtes meilleurs que tous les experts qui fournissent des indicateurs, surtout, n'hésitez pas à vous inscrire auprès de Mme Fontanet, je suis sûr qu'elle est preneuse !

Pour le reste, il s'agit d'un budget. Et si les comptes sont meilleurs, tant mieux, Mesdames et Messieurs, tant mieux ! Ça permet effectivement de dégager des excédents, et ces derniers doivent servir à une seule et unique chose, c'est de rendre l'argent à ceux qui ont trop payé - on l'a fait l'année passée. Il s'agit maintenant de rembourser cette dette, qui reste la plus importante, ou en tout cas une des plus importantes par habitant en Suisse. La voie est tracée, on s'en félicite, et pour toutes ces raisons, le groupe PLR votera évidemment la politique publique I. (Applaudissements.)

M. Stefan Balaban (LJS). Je ne veux pas répéter ce qui a été dit par mon préopinant, mais il est important de souligner que la réforme fiscale RFFA 3 a porté ses fruits et surtout qu'elle a généré une stabilité fiscale. En ces temps où l'incertitude règne, notamment en Europe, mais également dans le reste du monde, la stabilité fiscale et politique est un élément important et impératif pour l'attractivité de notre canton. Nous ne pouvons qu'être satisfaits de cette situation fiscale, et nous continuerons à nous battre pour garder une fiscalité attractive, que ce soit pour les PME ou les grandes entreprises. Merci.

M. Sébastien Desfayes (LC). Je serai très bref. Genève n'est plus un enfer fiscal. Ces dernières années, des réformes importantes ont été menées: RFFA - cela a été dit -, la suppression de la taxe professionnelle, la diminution de l'impôt sur la fortune, la diminution de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Soit autant de succès pour Genève, qui d'ailleurs, comme cela a été relevé, n'ont pas abouti à des diminutions des recettes fiscales, mais au contraire, ont contribué à les faire augmenter.

Cela étant, la situation n'est pas parfaite, parce qu'il y a encore un point qui doit absolument être corrigé, c'est celui de l'imposition de l'outil de travail. Nous avions déposé un projet qui était peut-être trop ambitieux, mais toujours est-il que ce grave problème qui pénalise les entrepreneurs n'a pas été corrigé, et il devra l'être d'ici la fin de cette législature. Malgré cela, le groupe Le Centre soutient bien entendu cette politique publique. Merci.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, au sens de la minorité, cette politique publique I «Impôts et finances» pour l'année 2024 illustre l'orientation profondément inégalitaire de la politique fiscale menée par le Conseil d'Etat. Celui-ci a d'abord proposé une baisse d'impôts sur l'outil de travail; elle aurait pour l'essentiel bénéficié à 23 très gros contribuables qui auraient, entre guillemets, «empoché» la plus grande partie du pactole, contrairement à ce qui avait été annoncé par le Conseil d'Etat, qui avait présenté cette réforme comme une révision visant à soutenir les petites PME. Ce n'était évidemment pas le cas, ce sont véritablement les plus grosses PME qui en auraient bénéficié le plus, avec bien entendu une facture très conséquente pour l'Etat: -25 millions de recettes fiscales dans le cadre de cette proposition de baisse d'impôts. Heureusement, la population ne s'est pas laissé entraîner dans cette voie et a refusé assez nettement ce projet.

Le deuxième étage de la fusée est évidemment la proposition de baisse d'impôts sur le revenu. Là, je pense que le Conseil d'Etat a franchi un cap supplémentaire, dans la mesure où il est venu encore renforcer un projet de loi qui avait été déposé par le Grand Conseil pour finalement en alourdir la facture pour l'Etat: plus de 300 millions de pertes de recettes fiscales via cette proposition de baisse d'impôts.

Or, avec une baisse d'impôts sur le revenu, évidemment, plus vous gagnez, plus vous en profitez. Par conséquent, malgré toute la rhétorique développée par le Conseil d'Etat autour de cette baisse, précisant qu'elle était axée sur la classe moyenne (selon le gouvernement, la classe moyenne va jusqu'à des revenus de 400 000 francs imposables par année; c'est juste quatre fois plus que le salaire médian genevois !), elle était en réalité elle aussi très clairement dirigée vers les personnes qui gagnent le plus d'argent dans notre canton. Cela aura évidemment pour conséquence d'aggraver les inégalités, en contradiction avec les principes de justice sociale redistributive que nous défendons au parti socialiste.

Ces projets et cette politique fiscale menée par le Conseil d'Etat s'inscrivent dans un contexte plus global: à notre sens, l'approche consiste à organiser le déficit, à alimenter un sous-financement de l'Etat, à travers cette baisse d'impôts et la réduction des recettes qui en découle pour l'Etat. Cela aura pour conséquence de fragiliser le service public, d'en détériorer la qualité de façon à le rendre impopulaire et de faciliter sa privatisation, avec tous les impacts que ça peut avoir sur la qualité des prestations délivrées à la population.

Si on a l'habitude que ce genre de projets politiques viennent des partis de droite de ce Grand Conseil, de la part du Conseil d'Etat, on s'attendait à un peu plus de responsabilité s'agissant de la gestion des recettes publiques. C'est la raison pour laquelle la minorité vous invite à refuser cette politique publique. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Les premiers intervenants se sont exprimés sur la question des transferts de charges sans compétences du Conseil d'Etat aux communes, en traitant d'un sujet qui concerne l'année 2025 et ne figure pas dans le rapport de gestion 2024. Je me réjouis donc d'aller expliquer les raisons de ce projet de loi, mais je le ferai dans le cadre de la commission qui sera appelée à le traiter et non pas à l'occasion des comptes.

Pour le reste, je tiens à assurer à Mme Marti - je ne vais certainement pas la rassurer ! - que le Conseil d'Etat, respectivement la chargée des finances que je suis, ne tient pas à faire mourir le service public. Bien au contraire, j'y suis très attachée, et le Conseil d'Etat aussi, Madame la rapporteure de minorité. C'est bien parce que nous souhaitons remettre le canton de Genève dans une moyenne de prélèvements fiscaux et de fiscalité générale que cette baisse d'impôts avait été lancée par différents partis et soutenue par le Conseil d'Etat.

Je pense que c'est important de le rappeler, nous ne vivons pas dans une bulle, nous constatons que des entreprises qui rapportent beaucoup d'argent quittent le canton. Cet argent est nécessaire pour le financement des politiques publiques, que vous soutenez, chère Madame. C'est bien sans ces moyens financiers qui sont apportés par différents contribuables que nous ne serions en effet plus en mesure d'assumer les politiques publiques !

Et puis, j'aimerais réparer un oubli, parce que j'ai remercié beaucoup de monde lors de mon intervention au cours du premier débat, mais j'ai oublié de mentionner, et je m'en excuse, le rapporteur de majorité, qui non seulement a fait un rapport très clair, mais qui en plus, avant chaque politique publique, résume les éléments saillants. Nous le relevions tout à l'heure avec certains des collègues présents. Merci pour ce travail de qualité, Monsieur le rapporteur de majorité. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je lance la procédure de vote.

Mise aux voix, la politique publique I «Impôts et finances» est adoptée par 48 oui contre 40 non.

J - JUSTICE

La présidente. Nous traitons à présent la politique publique J «Justice». La parole revient à M. Laurent Seydoux.

M. Laurent Seydoux (LJS), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Vous transmettrez à Mme la conseillère d'Etat mes remerciements pour ses mots !

Mon intervention sera relativement courte. La commission des finances, qui a voté cette politique publique par 13 oui et 1 abstention, vous propose de l'adopter à votre tour. De manière générale et en résumé succinct, la justice continue sa course pour faire face à un volume de procédures en constante augmentation. Merci, Madame la présidente.

Mme Sophie Bobillier (Ve). La justice doit être au service des justiciables. Une victime qui s'adresse aux institutions judiciaires doit pouvoir y trouver des réponses, une reconnaissance des faits subis et la garantie d'un traitement équitable. Ce n'est malheureusement pas ce que nous pouvons garantir aujourd'hui. Les avocats et avocates accompagnant régulièrement les victimes pourront en témoigner, les délais de traitement sont toujours beaucoup trop longs, ce que nous dénonçons année après année. Dans sa politique criminelle, le procureur général concentre encore l'essentiel des ressources sur des infractions mineures, au détriment des violences contre l'intégrité physique, psychique ou sexuelle.

L'entrée en vigueur du nouveau droit pénal sexuel permet une meilleure reconnaissance de certains faits. Cependant, sans moyens supplémentaires, les juridictions restent saturées. Plus de 50% des condamnations du Tribunal de police concernent les lois sur les stupéfiants ou les étrangers, tandis que ce taux s'élève à 60% pour le Tribunal correctionnel. Moins de 10% se rapportent aux violences sexuelles ou physiques, alors qu'elles sont massives. Où sont les priorités ? Selon le rapport d'activité, le Ministère public consacre 67% de son activité à la circulation routière, aux stupéfiants et à la migration dite illégale. Ce déséquilibre met la justice sous tension et compromet l'accès à une justice équitable, notamment pour les victimes.

Le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, quant à lui, fait face à des situations de plus en plus complexes, liées à des contextes de précarité, de harcèlement, d'addiction ou de violence. Deux postes de magistrat ont été créés - c'est positif -, mais les relais sociaux du SPMi (le service de protection des mineurs) ou du service de protection de l'adulte restent encore sous-dotés.

Le Tribunal administratif voit lui aussi une hausse des procédures de contrainte, bien trop souvent contre des personnes n'ayant commis aucun crime, si ce n'est celui de ne pas avoir quitté le territoire.

Les cas de violence domestique, pour leur part, ont augmenté de 41% en 2024. Pour répondre à ces défis, il faut davantage de moyens, notamment pour les associations comme VIRES, AVVEC ou la LAVI, qui agissent en amont afin de prévenir les violences.

Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts, bien conscient des lacunes persistantes de notre système judiciaire, refusera cette politique publique. (Applaudissements.)

M. Sandro Pistis (MCG). Le groupe MCG est un peu surpris de l'intervention des Verts. Je voudrais quand même vous rappeler que, lorsque nous avions étudié le budget en 2024, le MCG avait déposé un amendement reprenant tout simplement la proposition du Ministère public qui prévoyait une dotation supplémentaire pour que les diverses juridictions puissent fonctionner, sachant que le Conseil d'Etat s'était opposé au budget que le Ministère public avait suggéré.

Aujourd'hui, on entend le contraire: le groupe des Verts se plaint en disant que la justice n'en fait pas assez et que trop de dossiers sont en attente, alors qu'ils avaient tout le loisir de voter, lors du traitement du budget, les montants que le Ministère public demandait. 

L'autre surprise concerne les procureurs. Le MCG avait demandé une dotation supplémentaire pour qu'il y ait de manière générale davantage de procureurs au pénal mais, de mémoire, même les Verts s'y étaient opposés ! Nous sommes donc face à une certaine contradiction, Mesdames et Messieurs. Des groupes de gauche vous disent qu'il faut doter la justice de plus de moyens, or quand il s'agit de voter un budget, ces mêmes groupes soutiennent une autre théorie.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. En ce qui concerne cette politique publique, je dirai un mot sur une affaire qui a passablement interpellé la minorité que je représente ce soir. Cette affaire, mentionnée dans un article du «Temps» paru au début de cette année, a été instruite par le Ministère public contre des militants du climat qui avaient eu l'outrecuidance de mettre quelques coups de peinture jaune pour créer une fausse piste cyclable de manière à démontrer la nécessité d'équiper le réseau routier d'infrastructures favorables à la mobilité douce.

Ces personnes ont fait l'objet de la part du Ministère public d'une enquête qui, je dirais, pour le moins laisse songeur, au plus interloque: surveillance rétroactive de leurs télécommunications pour localiser leur portable, ordre de dépôt de la documentation bancaire et des déclarations fiscales, recherche des achats réalisés dans des grands magasins avec photos des articles concernés, analyse de la vidéosurveillance d'un commerce, prise en compte des contenus des e-mails préalablement demandés à Microsoft et à Google, avec commissions rogatoires internationales à la clé, et informations requises sur toutes les réservations effectuées auprès de la compagnie easyJet - cela figure dans un article du «Temps».

Qu'est-ce qu'ils imaginaient ? Qu'ils étaient allés à Barcelone acheter leurs pots de peinture jaune pour en mettre sur la route ? Ces procédés nous paraissent absolument disproportionnés, vu l'infraction commise, et cela laisse perplexe quant à la façon dont le Pouvoir judiciaire utilise les moyens que le Grand Conseil lui met à disposition pour répondre aux objectifs tout à fait louables de la justice, à savoir la poursuite des infractions pénales.

Dans le cas d'espèce, ces méthodes me semblent complètement démesurées, et on s'interroge très sérieusement sur les choix opérés notamment par le Ministère public dans les poursuites pénales. Cela nécessitait d'être relevé dans le cadre de ce rapport de gestion. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je me fais généralement le relais des préoccupations du parlement auprès du Pouvoir judiciaire, comme ma fonction le demande. Cependant, compte tenu de ce que j'ai entendu ce soir, je vais épargner au Ministère public et au Pouvoir judiciaire ce relais. Je n'ai en effet pas eu l'impression d'écouter un débat sur un rapport de gestion; il s'agissait plutôt de remarques ou de questions au gouvernement, à la manière française, ce qui m'étonne un peu.

Je dois dire que ce qui me surprend également, c'est d'entendre votre parlement commenter des affaires de justice: cela me paraît totalement déplacé eu égard à la séparation des pouvoirs. Comme je n'ai pas entendu de remarques sur la gestion du Pouvoir judiciaire, j'en resterai là, si vous le permettez. (Applaudissements.) 

Des voix. Bravo !

La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. J'ouvre la procédure de vote sur cette politique publique, Mesdames et Messieurs.

Mise aux voix, la politique publique J «Justice» est adoptée par 47 oui contre 35 non et 1 abstention.

K - SANTÉ

La présidente. Nous enchaînons avec la politique publique K «Santé». (Brouhaha.) Un peu de silence, s'il vous plaît ! Merci. Je passe la parole à M. Seydoux.

M. Laurent Seydoux (LJS), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. C'est à l'unanimité que la commission des finances vous recommande de voter cette politique publique. Une grande partie de celle-ci est tributaire des HUG et de l'IMAD, mais aussi et surtout de lois fédérales, s'agissant des subsides, qui tutoieront le milliard de francs d'ici la fin de la législature. Cela est dû d'une part au fait que le périmètre des personnes concernées s'élargit et d'autre part à la situation économique des ménages.

Un effort substantiel peut et doit être consenti en matière de prévention, mais la Confédération coupe la plupart des dépenses dans ce domaine dans le cadre de ses mesures d'allégement, pour s'en remettre... (Panne de micro. Les propos de l'orateur sont inaudibles.) Avoir davantage recours au numérique, par exemple, devrait permettre de diminuer les actes répétés par manque de coordination, mais tout cela prend beaucoup de temps. Aujourd'hui, sept communautés différentes sur l'ensemble du pays développent leur propre projet de dossier électronique du patient.

Actuellement, les conventions ne permettent pas d'accueillir la patientèle française à Genève, alors que ce serait un atout du point de vue de la masse critique des cas. L'Ain est un désert médical total, ce qui est aussi dû au manque de personnel, aspiré par la Suisse. 60% du personnel infirmier de Haute-Savoie travaille en Suisse. Dans ce département, il existe deux centres hospitaliers, qui ne sont pas de niveau universitaire mais qui offrent une bonne qualité de soins. Ils connaissent toutefois des problèmes de pénurie de soignants. L'obstacle principal dans la collaboration franco-suisse ne vient pas de la Suisse, mais des différences majeures entre les systèmes d'assurance-maladie. C'est pour cela qu'il faudra réussir à développer avec Paris des conventions ciblées sur certaines pathologies.

Dans le cadre de cette politique publique, nous avons également auditionné les Hôpitaux universitaires de Genève, pour qui l'année 2024 marque un tournant décisif, puisque sur un plan budgétaire et financier, elle est caractérisée par un retour à l'équilibre financier. En effet, les comptes 2024 des HUG se clôturent avec un solde positif de 30 millions. L'activité représente 2,5 milliards de recettes, dont 70% sont liés au stationnaire. Ces chiffres confirment que l'année 2024 aura été une année record en matière d'interventions chirurgicales. A noter que le taux d'occupation est élevé et avoisine les 87,6%.

Nous avons aussi auditionné l'IMAD, l'Institution genevoise de maintien à domicile. Le nombre d'heures de soins augmente plus que le nombre de patients et 8,6% des patients génèrent la moitié des heures de soins, ce qui est dû à la complexité des cas devant être pris en charge (hospitalisation à domicile, traitement ambulatoire complexe ou non, suivi oncologique, maladies chroniques et dégénérescence). Merci, Madame la présidente.

M. Marc Saudan (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, c'est toujours agréable de parler d'une politique publique pour laquelle tout le monde est d'accord de dépenser de l'argent et vote l'ensemble des budgets. Il est clair que nous sommes face à un défi, le budget de cette politique publique va augmenter. On l'a dit, les assurances-maladie pèsent lourd, les subsides aussi, et l'hôpital cantonal a effectivement terminé l'année avec des chiffres noirs, et non pas rouges, ce qui l'aurait obligé à demander une rallonge - je m'en réjouis.

Il faut quand même considérer que sur ces 2,5 milliards, l'hôpital reçoit 700 millions de subventions. Il y a donc encore du travail à mener pour rentabiliser cette institution. D'autre part, comme nous le verrons demain en débattant de la modification de la loi de la santé en lien avec la clause du besoin, les HUG seront confrontés à un défi structurel. En effet, l'hôpital ne pouvant plus former les médecins de la même manière que par le passé, sa taille va poser un problème par rapport à son fonctionnement.

Il faut aussi souligner que l'IMAD va nous coûter de plus en plus cher. Effectivement, nous l'avons vu dans le rapport de gestion, ses prestations ont augmenté de près de 2%. Simplement, dans le même temps, pour chaque patient, les soins ont quant à eux augmenté de 7%. L'évolution est donc exponentielle et il faudra prévoir de l'argent pour qu'on puisse garder nos aînés à domicile.

A l'avenir, il conviendrait peut-être de réfléchir à l'opportunité de réunir toutes les institutions intervenant dans le trajet de la vie du patient, notamment les EMS, qui pourraient avoir ainsi un budget global correspondant au coût que représentent les personnes dans la deuxième partie de leur vie. Le groupe LJS acceptera bien entendu cette politique publique. Merci.

Mme Jennifer Conti (S). Mesdames et Messieurs les députés, les comptes 2024 de l'Etat de Genève affichent un excédent supérieur à un demi-milliard de francs alors que plus de 20% de la population en Suisse renonce à des soins, car ceux-ci sont trop chers. Nous parlons de système de santé, mais ce que nous avons en Suisse, c'est un système de soins, centré sur les actes et les factures. La prévention représente moins de 3% des dépenses de santé. Nous devons passer à un véritable système de santé publique transparent, dans lequel la population sait à quoi servent ses primes - surtout quand on apprend qu'un directeur d'assurance-maladie peut gagner jusqu'à un million de francs par année !

Cette opacité alimente la méfiance. Un système de santé digne de ce nom doit nous permettre d'être actrices et acteurs de notre santé, valoriser l'autonomie ainsi que l'accès à l'information et renforcer la participation des usagers et usagères dans les décisions. C'est aussi tout l'enjeu du dossier électronique du patient, dont le déploiement en Suisse romande n'a toujours pas atteint un seuil significatif, alors même qu'il mobilise plusieurs millions d'argent public.

Le conflit actuel entre certaines cliniques privées genevoises et les assureurs nous le rappelle, les assurés ne pèsent rien dans la balance, alors qu'ils sont les premiers concernés. Ce déséquilibre profond est le symptôme d'un système qui ne sert pas l'intérêt général. Ce que nous disent les comptes 2024, c'est que Genève a l'argent et donc la responsabilité de bâtir un système de santé fondé sur la prévention, la promotion de la santé et la participation active des patients aux décisions qui les concernent. Il est temps de rééquilibrer les forces et d'envisager dès 2026 la création d'un guichet cantonal des droits des patients. C'est dans cette vision que le PS s'inscrit et qu'il votera cette politique publique. Je vous remercie.

Mme Louise Trottet (Ve). Le groupe Vert remercie tout d'abord chaleureusement tous les professionnels de la santé ainsi que les fonctionnaires qui, encore une fois en 2024, ont oeuvré pour la santé des citoyennes et citoyens de ce canton. La santé est par définition un secteur en perpétuelle mutation, avec des défis de plus en plus importants. On parle très souvent du vieillissement de la population, mais il y a aussi la crise climatique, la flambée des inégalités sociales, qui, par ricochet, a des impacts considérables, également sur les problèmes de santé multiples et variés.

J'en viens à quelques points positifs et négatifs que notre groupe a relevés lors de sa lecture de cette politique publique. Parmi les points positifs, il y a l'essor des maisons de santé: l'investissement dans ce type de structures est vraiment très important pour favoriser la multidisciplinarité, la prévention, mais également la diminution des hospitalisations. C'est une approche que nous saluons.

Nous nous réjouissons également du plan cantonal de promotion de la santé et de prévention, qui pose certaines grandes lignes intéressantes et louables à nos yeux. Néanmoins, nous estimons que ce plan manque de moyens. Nous regrettons également un manque de liens entre les deux composantes du département dont le ministre a la charge, à savoir la mobilité et la santé. A notre sens, la mobilité douce n'est toujours pas suffisamment encouragée pour que l'on atteigne le but recherché, à savoir la diminution des émissions de particules fines et des nuisances sonores. Il serait temps de faire un lien entre ces deux domaines.

Nous sommes également préoccupés par le taux de renouvellement très élevé au sein de l'office cantonal de la santé, qui pose des questions quant à la qualité de l'ambiance au travail et à la continuité des connaissances dans cette structure absolument clé.

Pour toutes ces raisons, le groupe Vert était très partagé et a finalement décidé de s'abstenir sur cette politique publique. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Le groupe du Centre soutiendra cette politique publique. L'année passée, je m'étais inquiété des divers licenciements ou départs plus ou moins consentis qui étaient intervenus à l'office cantonal de la santé. Deux de mes collègues ont également abordé le problème ce soir, je n'y reviendrai pas, même si cette situation a laissé pour certains des traces assez douloureuses.

Je reviens par contre sur le dossier électronique du patient. Essayez, si vous le souhaitez, d'adhérer à CARA par le biais de leur site internet: vous verrez qu'il est mal fichu et n'est absolument pas convivial. Après vingt minutes, vous en aurez marre et aurez l'impression de perdre votre temps, si bien que vous n'adhérerez pas à ce système. Je trouve ça regrettable, parce que ce serait une source importante d'économie. Je trouve vraiment dommage que ça se passe aussi mal.

Troisième point, je salue l'action du département en matière de prévention: le budget a été sensiblement augmenté et à la commission de la santé, nous avons adopté le plan de promotion de la santé et de prévention.

J'ai aussi une pensée un peu émue et inquiète pour nos jeunes médecins. M. Saudan a abordé le problème de la clause du besoin. Nous avons réussi en commission à l'assouplir, notamment à la lever pour certaines spécialités dans lesquelles il y avait des manques qui ne permettaient pas aux patients d'obtenir des consultations à Genève. Nous parlerons demain d'une modification de la loi sur la santé qui nous est imposée par une révision de la législation fédérale en la matière.

Il faut savoir que pour ce qui est des droits de pratique - ce qu'on appelle communément chez les médecins le permis de chasse -, le médecin qui prend sa retraite a le droit de garder son droit de pratique; c'est une coutume reconnue. Généralement, il le garde pour faire des ordonnances pour lui-même ou pour ses proches. Le problème, c'est qu'à l'heure actuelle, en conservant son droit de pratique, un médecin empêche qu'il soit libéré pour un jeune !

Or, il existe une procédure approuvée par l'office cantonal de la santé qui prévoit qu'un médecin qui prend sa retraite doit s'annoncer en disant qu'il garde un taux d'activité de 1%. J'aimerais que l'office tape sur le clou et rappelle systématiquement aux médecins qui prennent leur retraite qu'ils ont cette possibilité, ce qui libérerait un certain nombre de droits de pratique pour des plus jeunes.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous approuverons cette politique publique. Je vous remercie.

M. Christian Steiner (MCG). Je voulais juste rectifier une inexactitude présente dans ce rapport. On parle de la structure médicale du pays de Gex: alors non, ce n'est pas une fois de plus Genève qui fait la pompe aux infirmières de cette région... (Remarque.) ...tout simplement parce qu'avant 2012, il n'y avait aucune structure, à part quelques consultations de médecins généralistes. Depuis 2012, il y a un SAMU. Avant, en cas d'urgence, il devait venir de Saint-Julien.

Par conséquent, ce qui figure dans le rapport, à savoir que Genève a pompé tous les médecins du pays de Gex, c'est simplement faux ! Il n'y avait pas de médecins ni d'infirmières, car il n'y avait pas de structure médicale. (Commentaires.) Maintenant, il y a en a une, mais elle est ouverte aux heures de bureau et n'assure donc pas un service 24 heures sur 24. Merci. (Remarque.) Vérifie !

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. J'ai écouté avec beaucoup d'attention ce qui vient d'être dit, et je dois vous avouer, Madame la présidente, que je n'ai pas encore vraiment compris, suite aux propos de M. Steiner, qui avait fait la pompe aux infirmières du pays de Gex ! (Rires.)

M. Christian Steiner. J'ai repris ce qui est écrit dans le rapport !

M. Pierre Maudet. D'accord, alors je ne sais pas de quel rapport vous parlez...

M. Christian Steiner. Le rapport PL 13610-A.

M. Pierre Maudet. ...mais pour ma part, je continuerai à me baser sur des rapports purement factuels. Mesdames et Messieurs, je vous remercie tout d'abord pour vos prises de position, qui concourent à soutenir ce rapport de gestion sur la politique de la santé. Je dois ici faire une petite précision: je remercie le député Guinchard, qui a relevé l'impact important des efforts consentis dans le domaine de la prévention, mais je tiens à lui rappeler que c'est en 2025 que le nouveau budget, soit les quelque 7 millions supplémentaires, se déploiera. Il y avait peut-être un peu d'anticipation dans son propos, mais je le remercie. Je souligne effectivement la volonté ferme du Conseil d'Etat d'investir dans la prévention, déjà en 2024, mais également avec des moyens supplémentaires en 2025.

C'est aussi l'occasion de relever que le domaine de la santé représente 12% du PIB en Suisse et de saluer le travail exceptionnel accompli par les quelque 16 000 personnes dans le secteur public, et encore beaucoup plus dans le secteur privé, qui se donnent dans le domaine des soins pour l'aide à la personne en qualité de soignante et de soignant ou de médecin. Ces personnes constituent un tissu extrêmement important dans notre canton. Comme vous l'avez dit lors de vos interventions, l'enjeu est d'arriver dans les années qui viennent, à la faveur des bases posées en 2024, à resserrer ce réseau, ce maillage.

Vous l'avez également mentionné, les dépenses vont augmenter. L'enjeu pour le Conseil d'Etat, c'est qu'elles soient allouées aux bons postes et pour les bonnes raisons. Mutualiser les responsabilités ainsi que les efforts à travers ce réseau entre l'IMAD, l'hôpital et les pharmacies - pour ne citer qu'un des acteurs privés, qui peut jouer un rôle clé dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé ainsi que dans la diminution du recours aux soins - représente évidemment un enjeu très important à nos yeux.

A deux reprises, il a été mentionné un certain tournus à l'office cantonal de la santé. Pour ma part, je m'en félicite. Ce n'est pas une saignée - on n'en est pas là ! Je dirais qu'un certain renouvellement est bénéfique, notamment dans les instances dirigeantes du domaine de la santé. Il faut amener un peu de vent frais et de nouvelles idées, et je me réjouis que vous l'ayez constaté. En tout cas, pour ce qui est de la prévention, ça produit son effet.

Voilà, Mesdames et Messieurs, je vous remercie encore une fois pour votre soutien, qu'il faut vraiment interpréter comme un encouragement au personnel actif dans la santé, dans le public comme dans le privé, à poursuivre son oeuvre nécessaire pour notre canton.

La présidente. Merci, monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote.

Mise aux voix, la politique publique K «Santé» est adoptée par 58 oui contre 6 non et 17 abstentions.

L - ÉCONOMIE ET EMPLOI

La présidente. J'appelle la politique publique L «Economie et emploi». La parole va à M. Seydoux.

M. Laurent Seydoux (LJS), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Huit députés de la commission des finances ont soutenu cette politique publique et vous demandent de les suivre; il y a eu deux non et cinq abstentions.

Une réforme est en cours s'agissant des emplois de solidarité, dont le système arrive en bout de course. La conseillère d'Etat a entamé ce projet.

La question des AIMP, également très importante, est traitée actuellement au sein de nos commissions. Il convient de privilégier de petits lots permettant à nos entreprises locales de répondre plus facilement aux appels d'offres. En effet, la tendance actuelle, qui est aux gros lots - prétendument pour faire baisser les coûts -, favorise les grandes sociétés étrangères. Merci, Madame la présidente.

M. Vincent Canonica (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant de la politique publique L «Economie et emploi», le canton de Genève peut - et doit - mieux faire pour protéger nos PME. En effet, soutenir nos PME, c'est renforcer l'attractivité économique de notre canton, c'est oeuvrer pour conserver nos multinationales et en attirer de nouvelles. Comme vous le savez - notre conseillère d'Etat vient de le rappeler -, les recettes fiscales de Genève et les bons résultats de ces dernières années proviennent principalement des multinationales. Or nous avons vu l'une d'entre elles quitter notre territoire en 2025 et nous craignons que d'autres suivent, c'est un risque qui nous préoccupe.

En ces temps de crise économique, il convient d'accorder plus d'attention aux besoins spécifiques des PME, dont la plupart sont particulièrement touchées par les conséquences de l'agression russe contre l'Ukraine, par l'inflation élevée et le prix de l'énergie ainsi que par le chaos sur le plan de la circulation qui règne au centre-ville. L'Union européenne l'a bien compris, qui a décidé d'adopter des mesures de soutien, à l'image de ce qui avait été entrepris pendant la période du covid. Il faudrait s'en inspirer afin de parvenir à une économie numérique agile, neutre pour le climat et efficace dans l'utilisation des ressources. A cet égard, l'engagement plein et entier des PME est indispensable.

Quels sont les défis auxquels sont confrontées nos entreprises ? Tout d'abord, les PME croulent sous les charges administratives et les obstacles réglementaires. Ensuite, elles font face à des retards de paiement qui impactent leur trésorerie. Troisièmement, elles ont de plus en plus de difficultés à accéder à des financements leur permettant d'investir. Enfin, les PME subissent une pénurie de main-d'oeuvre et un absentéisme croissant. Il y a lieu d'apporter de vraies solutions à court et à long terme afin de renforcer les compétences et la résilience des PME.

En ce qui concerne les AIMP, ainsi que l'a mentionné le rapporteur de majorité, il est essentiel de prévoir des mécanismes de soutien à nos PME. Il faudrait par exemple s'inspirer du modèle américain qui impose des quotas d'adjudication minimaux aux PME: la mise au concours d'un marché s'effectue par lots, dont 20% à 30% doivent revenir au marché local.

La Genève internationale, si solidaire de ses habitants, a également le devoir de protéger ses petites et moyennes entreprises. Est-ce la faute de nos PME si le coût de l'énergie explose, si l'accès à leur établissement est entravé, si les banques ne leur octroient aucune facilité de crédit ? L'Etat n'a-t-il pas la responsabilité de corriger cette situation à la fois inégale et intenable ?

Mesdames et Messieurs, LJS acceptera tout de même cette politique publique, mais en gardant un oeil attentif sur les mesures que nous espérons concrètes, efficaces et rapides - car quand il le veut, le Conseil d'Etat sait se montrer rapide, on se souvient tous de la crise covid - qui seront prises en faveur des PME. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, pour gagner du temps, je ne reviendrai pas sur les problèmes qui concernent l'office cantonal de l'emploi, mais du côté des Verts, nous sommes conscients qu'ils existent toujours.

D'habitude, nous nous intéressons davantage à la politique de promotion économique qui, pour nous, doit se fonder largement sur des critères sociaux et environnementaux. Un certain nombre d'objectifs de promotion de l'économie locale et circulaire ont été déclarés par le Conseil d'Etat; s'ils sont bien entendu louables, ils mériteraient toutefois d'être appuyés par des indicateurs plus parlants.

Par ailleurs, l'innovation est certainement une bonne chose, pour autant que les domaines couverts puissent être utiles à nos objectifs climatiques. On entend d'ailleurs trop souvent la conseillère d'Etat promouvoir la croissance alors que nous n'arrivons déjà pas à loger les nombreux travailleurs que nous attirons. A ce sujet, je reviens sur le débat que nous avons eu plus tôt à propos de la politique publique G: finalement, la discussion aurait plutôt dû être menée dans ce cadre-ci. A notre sens, on ferait mieux de mettre en avant une croissance qualitative plutôt que quantitative dans le cadre de cette politique.

Enfin, nous remarquons que les études fouillées qui avaient été entreprises à l'époque du covid quant à l'adéquation qui devrait exister entre, d'une part, les formations, les formations continues, les requalifications et, d'autre part, le marché de l'emploi - ce qu'on résume souvent par le vilain terme «employabilité» - ont été placées en sommeil paradoxal. Cette dimension avait été significativement examinée lors de la pandémie, et nous appelons vivement le Conseil d'Etat à réactiver les recherches.

L'un dans l'autre, il y a du positif et du négatif, ce qui fait que nous nous abstiendrons sur cette politique publique.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Je citerai directement l'exposé des motifs du Conseil d'Etat: «Bien que l'emploi ait augmenté de manière significative tout au long de l'année 2024, le chômage a atteint un taux moyen de 4,3% en 2024, contre 3,8% en 2023.» De manière tout à fait claire - et même le gouvernement est obligé de le reconnaître -, le nombre d'emplois augmente et le nombre de chômeurs augmente parallèlement !

Comment expliquer pareille situation ? C'est contraire à toutes les théories économiques. En effet, quand on crée de l'emploi, le chômage devrait diminuer. Quelle est la raison de ce paradoxe genevois ?

Des voix. Les frontaliers !

M. François Baertschi. C'est l'arrivée massive de personnes venant de l'autre côté de la frontière. (Exclamations.) Et je ne parlerai pas des frontaliers permis G, mais des résidents genevois qui se retrouvent en difficulté, parce que les emplois qui sont créés ne leur sont pas destinés.

Je suis conscient que le Conseil d'Etat ne possède pas de baguette magique, mais il pourrait au moins manifester sa volonté de mener une politique proactive en la matière. Or la volonté politique qu'il exprime est très timide, et c'est en raison de sa frilosité que le MCG refusera cette politique publique.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, les enjeux en matière d'économie et d'emploi sont importants à Genève. Aujourd'hui, en effet, les conditions de travail des salariés sont plus que jamais mises à mal, et ce sur plusieurs aspects.

D'abord, précisément là où nous attendons un dialogue social, à savoir dans le secteur du commerce de détail, là où la loi prévoit que l'Etat joue un rôle proactif et permette aux partenaires sociaux de se mettre d'accord pour définir une convention collective de travail étendue, cela n'a pas lieu. Malheureusement, au lieu de tenter de pousser, en quelque sorte, le partenariat social, c'est l'inverse qui se produit: le Conseil d'Etat, avec la droite, passe en force pour étendre les horaires d'ouverture des magasins au détriment des conditions de travail; il passe en force non pas pour la première fois, mais au moins pour la troisième fois au lieu de chercher à discuter avec les acteurs impliqués.

Un tel passage en force, Mesdames et Messieurs les députés, ne sauvera ni l'économie genevoise ni le commerce de détail, mais conduira à davantage de pression encore sur la flexibilité des conditions de travail des salariés dans cette branche.

L'autre offensive sur le plan des conditions de travail, c'est contre le salaire minimum, un salaire minimum attaqué de toutes parts par la droite et peu défendu par le Conseil d'Etat: celui-ci semble même aller dans le sens des critiques sur son instauration et douter des bienfaits qu'il peut produire au regard des conditions de travail des salariés de notre canton.

Or leur amélioration est absolument nécessaire aujourd'hui, car les Genevoises et les Genevois souffrent d'une diminution de leur pouvoir d'achat. Et si on s'attaque aux conditions salariales, alors on s'attaque au pouvoir d'achat.

Voilà les raisons pour lesquelles, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste vous invite à refuser le rapport de gestion sur la politique publique L «Economie et emploi» ainsi qu'à demander au Conseil d'Etat de soutenir les conditions de travail et de se montrer proactif pour promouvoir le partenariat social.

M. Christian Steiner (MCG). Mesdames et Messieurs, je lis dans ce rapport une prise de position intéressante de la magistrate, qui nous explique que les entreprises ont aujourd'hui tendance à engager des personnes avec davantage d'expérience en raison du salaire minimum. Ainsi, les perdants à l'introduction de ce dispositif sont les jeunes, dont le taux de chômage a augmenté. Elle ajoute qu'il s'agit d'une population avec laquelle il faudra travailler.

Oui, je suis d'accord, et ça valide d'ailleurs l'une de mes précédentes interventions, à savoir que si le salaire minimum n'est absolument pas à remettre en cause - des gens expérimentés peuvent travailler grâce à cette mesure -, en revanche, nos jeunes sont laissés de côté. De plus, si on veut vivre avec le salaire minimum quand on est quelqu'un d'expérimenté, en général, on n'habite pas sur le territoire genevois. Voilà, je vois qu'on est d'accord. Merci.

Une voix. Non, on n'est pas d'accord !

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, je trouve que l'on fait au Conseil d'Etat, en ce qui concerne cette politique publique, un mauvais procès. Revenons sur le partenariat social dans le secteur du commerce: la magistrate nous a démontré qu'elle avait tout essayé dans ce domaine, mais qu'elle s'est heurtée à des - passez-moi l'expression - têtes de bois, que ce soit du côté syndical ou patronal. Tous les efforts possibles ont été déployés. Malheureusement, l'Etat ne peut pas remplacer les partenaires sociaux; il peut les inciter à discuter, à négocier, mais pas plus, il ne dispose pas des moyens de coercition nécessaires pour ce faire.

Quant au salaire minimum, encore une fois, c'est un mauvais procès que l'on fait au Conseil d'Etat, dans la mesure où les dispositions actuelles sont discutées à Berne. Je n'ai jamais entendu aucun membre du Conseil d'Etat se féliciter du fait que, peut-être, l'Assemblée fédérale irait à l'encontre de la volonté populaire qui s'est exprimée à Genève à une très large majorité à l'époque. Dès lors, Le Centre votera cette politique publique avec enthousiasme. Je vous remercie.

Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez parlé de différentes choses, j'aimerais revenir sur quelques éléments. Les besoins des PME ont été évoqués, et je partage pleinement cette préoccupation, car celles-ci constituent 90% à 95% du tissu économique genevois.

Je rappelle que notre tissu économique est extrêmement diversifié et dépend d'un fin maillage entre les PME et les multinationales: aujourd'hui, 1 ETP dans une multinationale crée 1,5 ETP au sein des PME. Ainsi, c'est bien l'ensemble de ce tissu économique qu'il convient de soutenir.

Les PME méritent une attention particulière, parce qu'elles font face à d'immenses défis: la remise en question du multilatéralisme, les droits de douane, les difficultés d'exportation, le manque de visibilité quant à l'avenir de nos bilatérales. C'est la raison pour laquelle le département et le Conseil d'Etat prennent un certain nombre de mesures.

Je mentionnerai d'abord le guichet unique destiné aux entreprises, qui est opérationnel depuis le début de l'année, répond chaque mois à plusieurs dizaines de sollicitations et s'efforce d'orienter au mieux les PME dans le dispositif d'aide existant.

Un mot également sur le plan directeur de l'innovation, récemment lancé. J'espère que cela répondra à M. le député Eckert - vous transmettrez, Madame la présidente -, lequel a parlé de croissance qualitative et de l'importance de la durabilité dans les modèles d'affaires. Il se trouve que ce plan directeur de l'innovation met précisément l'accent sur des soutiens financiers non seulement aux PME et à l'industrie, mais aussi à des domaines qui, jusqu'à aujourd'hui, étaient surtout ceux de la tech, de la «deep tech»; eh bien des fonds à impact et en faveur de la durabilité ont maintenant été ajoutés. La diversification des financements étatiques est en effet essentielle pour permettre à notre tissu économique de répondre aux enjeux des grandes transitions.

S'agissant de l'employabilité, à laquelle il a été fait allusion, le Conseil d'Etat sera prochainement saisi du plan directeur de l'employabilité, mené non seulement de manière tripartite avec les partenaires sociaux - rien n'est donc en état de mort cérébrale, au contraire, le processus n'a jamais été plus à bout touchant qu'aujourd'hui -, mais aussi sans silos par le DIP, le DCS et mon département. En plus de tout ce que l'Etat accomplit d'ores et déjà en matière d'employabilité, ce plan propose un nouveau paquet de mesures afin que les compétences recherchées par les entreprises correspondent à celles disponibles sur le marché de l'emploi.

Pour revenir maintenant sur les prétendues attaques contre le partenariat social, il y a deux sujets clés. D'une part, l'ouverture des magasins deux dimanches par an, de préférence au mois de décembre - je rappelle que celui-ci est crucial pour les commerçants.

D'autre part, on a entendu que le Conseil d'Etat ne soutiendrait pas la votation populaire en faveur du salaire minimum. Pardon, mais le Conseil d'Etat s'est mobilisé à travers une large consultation. Or l'ensemble des cantons, à l'exception d'un seul, a répondu défavorablement à la modification de la LECCT proposée par le Conseil fédéral - à contrecoeur, d'ailleurs - qui vise à faire primer les conventions collectives de travail nationales sur les salaires minimums cantonaux. Nous avons eu l'occasion d'échanger à ce sujet avec la députation genevoise aux Chambres fédérales.

Toujours est-il que l'entrée en vigueur du salaire minimum sur une base légale assez rigide soulève un certain nombre de questions, dont celle des jobs d'été. En effet, nous aimerions pouvoir octroyer une dérogation en la matière qui serait fixée à 75% du salaire minimum pour les étudiants immatriculés dans un établissement de formation à Genève durant soixante jours par année, à savoir les périodes de vacances scolaires. Il me semble qu'ici, nous avons posé toutes les cautèles nécessaires afin d'encourager l'emploi des étudiants et de leur permettre de vivre une première expérience professionnelle durant leurs études.

Mesdames et Messieurs, je n'accepte pas les propos selon lesquels le Conseil d'Etat n'est pas favorable au partenariat social. Nous avons attendu des mois, des mois et des mois, tout cela pour que le dialogue social aboutisse... à rien. En effet, la partie syndicale n'est entrée en matière ni sur les dimanches, ni même sur une petite ouverture dominicale avant Noël, ni sur les jobs d'été. Les discussions ont eu lieu, et permettez-moi de vous dire qu'elles ont duré extrêmement longtemps. Par ailleurs, je précise que votre parlement, du moins la gauche de celui-ci, a refusé de voter la clause référendaire obligatoire qui aurait permis aux commerçants d'être fixés le 28 septembre de cette année, et non le 18 décembre, sur les ouvertures dominicales.

Ainsi, j'estime qu'accuser le Conseil d'Etat de ne pas favoriser le dialogue tripartite, c'est faire preuve de mauvaise foi. Il l'a bien encouragé, mais n'a pas obtenu les résultats escomptés.

C'est précisément pour cette raison que nous revenons avec des propositions qui non seulement visent à soutenir le commerce et l'économie locale, mais permettent de surcroît à nos étudiants, sur le front du salaire minimum, de se forger une première expérience professionnelle, ce qui les aidera certainement à mieux s'insérer sur le marché de l'emploi. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, de votre soutien à cette politique publique et vous souhaite d'ores et déjà une excellente soirée.

La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je lance la procédure de vote sur cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique L «Economie et emploi» est adoptée par 38 oui contre 36 non et 12 abstentions.

M - MOBILITÉ

La présidente. Pour finir, nous passons à la politique publique M «Mobilité». Je cède le micro à M. Seydoux.

M. Laurent Seydoux (LJS), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. La commission des finances a refusé cette politique publique par 8 non contre 1 oui et 6 abstentions et vous propose de faire de même.

La fréquentation des transports collectifs est en hausse: elle est supérieure à celle qui était observée avant le covid-19. On constate aussi une poursuite du succès du Léman Express, avec une utilisation record de près de 80 000 voyageurs par jour en semaine.

L'ouverture de la route des Nations a également eu lieu en 2024, au mois de mars. En décembre, le Conseil d'Etat a rendu publique sa vision stratégique ferroviaire, axée autour de trois plans. Le premier concerne les liaisons avec la Suisse, c'est-à-dire entre Genève, Lausanne et Berne. Le deuxième est celui des grandes lignes internationales, via Lyon - sur ce point, le canton est tributaire de la France (l'Etat et la région). Là aussi, un travail important doit être réalisé - et il l'est - auprès de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Quant au troisième axe, il se concentre sur la liaison Jura-Salève, avec un Léman Express 2, un projet entièrement souterrain de 22 kilomètres.

Dans le cadre de cette politique publique, la commission des finances a également auditionné les TPG. Ils présentent un résultat net qui s'établit à -3,1 millions de francs, avec une augmentation des charges de 2,5%, en partie compensée par une progression des produits de 2%, en particulier grâce aux contributions de l'Etat. Les produits proviennent pour un tiers des transports et pour deux tiers des subventions du canton, de la Confédération et des communes. La répartition des charges reste stable, avec 55% dédiées aux frais de personnel.

J'en viens aux investissements, qui se sont élevés à 275,5 millions sur la période 2020-2024, contre 399 millions prévus. Le bilan global des TPG avoisine les 1,1 milliard, avec des actifs constitués principalement de bâtiments et de véhicules. Le passif comporte pour sa part une dette significative liée au financement de ces investissements. Les capitaux propres se montent quant à eux à 36,4 millions, en baisse par rapport à 2023. Merci, Madame la présidente.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. En 2024, la situation a malheureusement empiré: les Genevois souffrent d'une détérioration de la circulation, notamment en raison du gros problème des chantiers, qui se sont multipliés un peu partout et qui péjorent la vie des habitants ainsi que l'activité économique des PME. Nous assistons à une dégradation très lente des conditions-cadres, et pour cette raison le groupe MCG refusera cette politique publique.

M. Cédric Jeanneret (Ve). Mesdames et Messieurs, je vais vous raconter une petite histoire sous forme d'allégorie pour terminer ce tour d'horizon des politiques publiques. C'est l'histoire d'un vieux prof qui a été engagé pour dispenser une formation sur la planification efficace des réseaux de transport à un groupe de dirigeants. Placé devant les membres de ce groupe d'élite, le vieux prof les regarde un par un, lentement, puis leur dit: «Nous allons réaliser une expérience.» De dessous la table qui le sépare de ses élèves, il sort alors un gros pot de verre qu'il pose délicatement en face de lui. Il prend ensuite une douzaine de cailloux à peu près de la taille de balles de tennis et les place délicatement, un par un, dans le grand pot. Lorsque celui-ci est rempli jusqu'au bord, il lève lentement les yeux vers ses élèves et leur demande: «Est-ce que ce pot est plein ?» Tous répondent: «Oui !» Il attend quelques secondes et ajoute: «Vraiment ?» Il se penche et sort un récipient contenant du gravier. Il brasse le gravier et fait en sorte qu'il s'insère entre les gros cailloux, jusqu'au fond du pot. Il demande à nouveau: «Est-ce que ce pot est plein ?» Cette fois, ses élèves commencent à comprendre son manège. L'un d'eux répond: «Probablement pas !» Le prof répond: «Bien !», et verse du sable dans le pot. De nouveau, il leur demande: «Est-ce que ce pot est plein ?» Cette fois, sans hésiter et en choeur, les brillants élèves répondent: «Non !» - «Bien !», répète le vieux prof. Et comme s'y attendaient les élèves, il prend un pichet d'eau et remplit le pot à ras bord.

Le prof demande ensuite: «Quelle est la grande vérité que nous démontre cette expérience ?» Pas fou, le plus audacieux des élèves, songeant au sujet du cours, répond: «Cela démontre que même lorsque l'on croit que notre réseau routier est complètement saturé, si on le veut vraiment, on peut y ajouter plus de véhicules, plus de trafic.» Le vieux prof répond: «Non, ce n'est pas cela. La grande vérité que nous démontre cette expérience est la suivante: si on rajoute des cailloux dans le pot, à un moment donné il n'y aura plus de place pour en mettre davantage. Dès lors, ne vaudrait-il pas mieux privilégier les grains de sable ou les gouttes d'eau plutôt que d'imaginer ajouter d'autres cailloux ? L'espace disponible ne serait-il pas mieux utilisé ?» (Commentaires.) Il poursuit: «Et lorsque ajouter un caillou s'avère nécessaire, ne s'insère-t-il pas plus facilement dans du sable et de l'eau plutôt qu'en essayant d'entrer en conflit avec d'autres cailloux ? Ce qu'il faut retenir, c'est l'idée qu'il ne faut pas trop remplir l'espace avec de gros cailloux en premier, sinon on risque de ne pas réussir à faire passer tout le monde. Si on donne la priorité aux petits, on fluidifie le trafic et il y a suffisamment de place pour tous les moyens de transport.» (Commentaires.) 

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Cédric Jeanneret. Je conclurai en disant que les Verts ont l'impression que les petits cailloux et les gouttes d'eau ne sont pas assez privilégiés à Genève. En revanche, nous saluons l'augmentation de l'offre en matière de transports publics. L'un dans l'autre, nous nous abstiendrons sur cette politique publique, moyennant quelques exceptions dans notre groupe. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). S'agissant de la mobilité, notre canton subit toujours... (Commentaires.) En réalité, le problème demeure entier concernant la LMCE. Genève est complètement sclérosée, et la LMCE n'arrange rien du tout. Ça reste le premier obstacle dans notre canton: c'est une mauvaise loi, et c'est là tout le problème.

L'année dernière, la commission des transports s'était déplacée... Très franchement, j'ai un peu l'impression qu'on nous a passé de la pommade, parce qu'on nous a montré de grands carrefours, on nous a expliqué que la gestion des feux était une affaire compliquée, qu'il fallait presque faire de l'horlogerie pour l'adaptation des carrefours. Mais une année après ces visites, on constate qu'absolument rien n'a changé. Les feux ne fonctionnent toujours pas. Au fond, ils ne fonctionneront pas tant qu'on n'aura pas remplacé l'entier des programmes informatiques censés gérer ces feux - c'est la conclusion qu'on peut en tirer.

On le voit encore aujourd'hui, de nombreux carrefours se retrouvent totalement déréglés d'un jour à l'autre. En ce qui concerne les transports publics, c'est une catastrophe; de nombreux feux censés leur donner la priorité ne le font toujours pas. Un jour, vous arrivez au feu et votre véhicule est pris en compte, ce qui vous permet de passer. Le lendemain à la même heure, vous ne passez plus parce que votre feu ne fonctionne plus. C'est la réalité du terrain.

Aujourd'hui, avec les travaux qu'il y a eu... Mais cela ne concerne pas seulement les chantiers réalisés en 2024, c'est année après année que les travaux empirent, et il y en a toujours plus ! On supprime des places de parc pour créer des voies de bus, qui ne servent à peu près à rien. On le voit notamment à la rue d'Italie, où une trentaine de places ont été supprimées en vue de créer une voie de bus qui, en plus, ne se trouve pas du bon côté de la chaussée. Pour y pénétrer, les bus doivent entrer par la voie de circulation voiture (qui est totalement engorgée), se déporter sur la droite pour parcourir 80% de la rue, puis ressortir tant bien que mal, parce qu'au bout de la rue la voie de bus n'est pas complète, sachant qu'il y a quand même une voie pour tourner à droite. De surcroît, cette voie ne fonctionne pas pour les trolleybus parce que la ligne aérienne n'a pas été déplacée, ce qui fait que si vous roulez en trolleybus sur la droite, les perches ne suivent pas.

On a donc créé une voie de bus et supprimé des places de stationnement, comme le département se plaît à le faire absolument partout, sans que cela règle aucunement le problème de la mobilité. Au contraire, aujourd'hui, comme l'année dernière et celle d'avant (au fond, c'est le cas depuis un bon moment), la situation de la mobilité à Genève ne s'améliore pas. Le fait d'avoir voté des plans directeurs dans presque tous les domaines n'arrange rien non plus. On en a adopté pour le stationnement, pour la mobilité douce, pour les transports collectifs, or on constate que finalement ça n'a pas amélioré la situation et que Genève reste sclérosée.

D'autant plus que tant que le Conseil d'Etat fera le jeu des communes, notamment de la Ville de Genève... Quand on voit le nombre de projets visant à abolir la mobilité sur certains grands axes, entre autres la rue de Carouge, on réalise qu'on va de moins en moins bien rouler en ville. En effet, il ne s'agit pas d'une diminution du trafic, mais simplement d'un report de ce trafic sur d'autres rues. Ainsi, en supprimant cette artère, qui était quand même un axe principal, vous engorgez encore plus d'autres rues, qui sont tout aussi importantes. Aux heures de pointe, quand tout le monde arrive en ville en même temps, on ne circule plus - les transports publics et les transports professionnels non plus. En fin de compte, tout le monde perd de l'argent, ce qui est également mauvais pour notre économie.

Tant que la LMCE sera en vigueur, tant que nous voterons des plans qui ne servent à rien, l'UDC refusera cette politique publique. Je vous remercie.

Une voix. Bravo, Stéphane !

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Thomas Wenger pour deux minutes cinquante-neuf.

M. Thomas Wenger (S). Merci, Madame la présidente. Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'ai dit cet après-midi en introduction que pour moi c'était un peu faire l'état de la nation que de parler des comptes, mais surtout du rapport de gestion.

Je trouve très intéressant de prendre la parole juste après l'intervention de M. Florey, mais j'espère que personne ne regarde nos débats sur Léman Bleu, parce qu'alors vraiment, en termes de négativisme et d'ambiance pesante, il n'y a pas mieux ! (Exclamations.) Il vous dit: «Bon, en fait, y a rien qui va !» (L'orateur imite M. Stéphane Florey. Rires.) «La mobilité, ça va pas, y a rien qui avance, les voitures avancent pas...» En plus - vous lui transmettrez, Madame la présidente -, alors qu'il travaille aux TPG, il réussit à nous dire: «Les voies de bus, ça sert à rien !» (Rires.) «Les vélos, ça sert à rien ! En fait, rien ne sert à rien !»

La loi que nous avons adoptée, la LMCE, a comme titre «Pour une mobilité cohérente et équilibrée».

Une voix. Ça sert à rien ! (Rires.)

M. Thomas Wenger. «La LMCE, ça sert à rien !» D'ailleurs, M. Florey, ou en tout cas quelqu'un de son groupe, avait déposé un projet de loi pour l'abroger, puisqu'elle ne sert à rien ! (Rires.) Mais en même temps, quelles sont vos propositions ? C'est ça qui est quand même hallucinant !

Il me reste quant à moi peu de temps pour vous exposer nos propositions. Celles-ci se basent sur un constat: pourquoi Genève est-elle engorgée aujourd'hui ? Parce qu'il y a trop de voitures ! C'est aussi simple que ça ! (Commentaires.) Et s'il y a trop de voitures, ce n'est pas en raison de celles des artisans ou des personnes à mobilité réduite, par exemple, qui ont effectivement besoin d'un véhicule: c'est bien parce que 80% à 90% des automobilistes n'ont pas réellement besoin de leur voiture et se déplacent seuls, alors qu'ils pourraient très bien utiliser la mobilité douce ou les transports publics.

Les transports en commun (les bus, les trams, etc., ainsi que le Léman Express) représentent une alternative considérable. S'agissant du Léman Express, l'UDC - vous transmettrez à M. Florey - et le MCG disaient: «Ça ne va pas fonctionner, c'est un aspirateur à frontaliers, c'est horrible...» (Commentaires.) Au bout de cinq ans - on vient de fêter cet anniversaire -, il devait y avoir 50 000 voyageuses et voyageurs, eh bien il y en a 80 000, comme cela a été évoqué précédemment. C'est une vraie réussite, alors soutenez ce genre d'alternatives pour désengorger le centre-ville !

Pour notre part, nous soutenons la mobilité douce et le développement des transports publics - c'est ce que fait en partie le département de M. Maudet -, car il s'agit d'arrêter de prioriser le transport individuel motorisé. Cela requiert des décisions politiques courageuses, et non pas des propos tels que: «C'est engorgé, ça sert à rien, on a rien à répondre aux Genevois, c'est la faute des frontaliers, c'est la faute de la LMCE.» Non, nous disons que ce n'est pas la faute des gens. Nous avons besoin d'une politique proactive, il faut donc l'encourager ! Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Je remercie M. Wenger, car grâce à lui, le moral de l'assemblée est remonté suite à ce petit «one-man-show». Je pars sur une note beaucoup plus positive que lui par rapport à l'intervention de l'orateur qui le précédait ! Maintenant, quant à ses propositions, il y en avait une. Je rappelle que le parti socialiste s'est abstenu en commission. C'est bien beau de dire que bannir la voiture constituerait une réelle prise de position, mais il se trouve que certaines personnes n'ont pas d'autre choix que de prendre la voiture: il y a des familles qui doivent se déplacer, des personnes qui travaillent et ont besoin de leur véhicule. Il vaut toujours la peine de reposer les choses dans leur contexte.

Si on fait le bilan de la politique menée dans le domaine de la mobilité, on constate une explosion des charges, notamment pour les TPG, de plus de 2,5%, alors qu'une baisse des recettes de 3,1 millions a été enregistrée. C'est préoccupant, puisqu'on sait que suite à la mise en place de la gratuité des TPG pour certaines catégories de personnes, leur utilisation sera à la charge de la population, ce qui entraînera une diminution des recettes encore plus accentuée. Nous espérons donc que l'explosion des charges pourra être contenue. Cela reste une préoccupation.

J'aimerais par ailleurs rappeler les échecs survenus lors de deux grosses votations en 2024, à savoir celle sur les autoroutes, mais aussi celle sur la passerelle du Mont-Blanc. Cela montre que le département souffre peut-être d'un manque de communication et de compréhension vis-à-vis de la population. Il y a en outre les travaux un peu frénétiques présents dans toute la ville, qui ont causé un ras-le-bol et forcé le Conseil d'Etat à sortir de sa coquille pour venir s'exprimer publiquement. Cela engendre vraiment une asphyxie des commerces et un agacement généralisé de la population, qui ne sait plus du tout où circuler - et ce peu importe le moyen de transport, on l'entend qu'il s'agisse des vélos, de la marche à pied, des transports publics ou des voitures. Cela crée un engorgement généralisé dans la ville de Genève, et on regrette le manque de coordination, de vision d'ensemble, voire d'implication du Conseil d'Etat - c'est ce que le PLR peut lui reprocher. Par conséquent, notre groupe lui demande de remettre véritablement la mobilité au centre de ses préoccupations.

Pour ce qui est de la mobilité douce, en l'occurrence du vélo - et là c'est une usagère qui parle -, le Conseil d'Etat dit qu'il veut se concentrer sur tous les petits tronçons. Mais moi je risque ma vie tous les jours sur des tronçons assez communs ! Je souhaiterais notamment que soit accentué tout ce qui relève de la politique de... Comment est-ce qu'on appelle ça ? Désolée, c'est le «pregnancy brain» !

Une voix. Encore ?

Mme Diane Barbier-Mueller. Oui, mais je ne suis pas enceinte, c'est le post-partum ! (Rires.) Je parle des panneaux qui montrent où aller... Les panneaux signalétiques, voilà ! La commune de Thônex a déjà très bien réglé cette question. Monsieur le conseiller d'Etat, inspirez-vous de cette commune pour indiquer quels sont les endroits où les vélos doivent passer.

Dans l'ensemble, le PLR regrette cette passivité et vous demande de vous secouer un peu ! Pour ces raisons, il refusera la politique publique M «Mobilité». (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Christian Steiner (MCG). D'abord, j'aimerais répondre à mon préopinant socialiste, qui nous parle de la LMCE. Il faut déjà savoir que cette loi a un défaut principal, c'est qu'on peut en faire ce qu'on veut. (Remarque. Rires.) La preuve, c'est que si on lit ce passage: «En dehors des zones I et II, des axes routiers sont aménagés de façon à assurer aussi bien la fluidité du transport individuel motorisé que l'efficacité des transports publics», eh bien on constate qu'on en est loin ! Et si on parle d'une gabegie... Il a été décidé par le magistrat de mettre un peu d'ordre dans les travaux, mais le danger existe que la situation décrite par ma préopinante PLR se perpétue.

On a une particularité en Ville de Genève, c'est que tout le domaine public appartient à l'échelon municipal. Si on regarde dans le détail, comme je le fais à la commission de l'aménagement du Municipal - mais c'est aussi le cas dans d'autres communes -, on observe qu'après les travaux sur les réseaux thermiques structurants, le pire nous attend ! En langage Vert, ça s'appelle de l'aménagement tactique, c'est-à-dire qu'on utilise tout ce qui n'est pas formellement interdit pour freiner le trafic motorisé et aller contre la fluidité du trafic.

J'invite donc le magistrat à analyser de près les programmes d'aménagement avant de délivrer des autorisations, car on constate des aberrations. Typiquement, un projet est en cours pour l'avenue d'Aïre. Une fois n'est pas coutume, il y aura une séparation complète des flux, deux voies de trafic avec des transports publics, des piétons, une double voie cyclable de 5 mètres de large, c'est superbe ! Mais le projet d'aménagement prévoit de limiter la vitesse à 30 km/h et d'utiliser la voirie pour créer des pistes cyclables pour les vélos rapides. C'est à ne plus rien y comprendre, et j'espère que le magistrat refusera cette demande d'autorisation !

Pour ce qui est de l'actualité, s'agissant du bus à haut niveau de service Genève-Vernier-Zimeysa, c'est à peu près la même chose, on a utilisé tout ce qu'on pouvait. On ne sait pas bien où seront compensées les 90 places de parc. Au fond, on va utiliser toute une voirie, avec des trottoirs étendus et des arrêts au centre, pour simplement aller à l'encontre de l'article 6 de la LMCE. Le bilan de la politique de mobilité que je dresse est donc le suivant: j'espère que cette disposition sera respectée et qu'on interdira aux communes - à Vernier, ce n'est guère mieux sur une partie de la route d'Aïre - d'utiliser des aménagements tactiques pour aller contre la LMCE. Merci.

Des voix. Bravo !

M. Stéphane Florey (UDC). Madame la présidente, vous transmettrez à M. Wenger mes remerciements pour son intervention, puisqu'il a finalement démontré textuellement que le parti socialiste est totalement opposé à la voiture. C'est un fait ! Il vient de prôner le «tout au vélo», le «tout à pied» et le «tout aux transports publics», alors que la réalité, c'est que des professionnels doivent se déplacer avec leur véhicule. Des milliers de travailleurs ont besoin d'une voiture ! En plus, avec l'expansion de la population, qui, je vous le rappelle, augmente quand même au minimum de 5000 à 6000 personnes par année, il faut prendre conscience qu'elle a besoin de pouvoir se déplacer comme elle l'entend. Et ce n'est pas en la forçant à aller à pied, à vélo ou en transports publics que vous allez améliorer la situation.

Si nous voulons vraiment améliorer la mobilité à Genève, nous nous devons de construire de nouveaux axes routiers. Il nous faut la traversée du lac, une traversée de la rade ainsi qu'un élargissement autoroutier. Nous devons aussi revenir sur des projets que vous avez vous-mêmes refusés, afin de ne pas freiner l'expansion de l'économie genevoise. Car encore une fois, en termes de mobilité, si on n'arrive pas à circuler, c'est au final l'économie qui en subit les conséquences. Nous devons revenir sur des projets comme L1-L2, il nous faut de nouveaux axes routiers. Voilà la réalité d'aujourd'hui ! Ce n'est pas en prônant le retour du vélo à la chinoise, comme on pouvait le voir dans les années 60, que vous allez inciter les gens à mieux se déplacer à Genève. Encore une chose... (Brouhaha.)

La présidente. S'il vous plaît !

M. Stéphane Florey. Nous sommes toujours pour l'abolition de la LMCE, qui est le vrai problème de notre canton. Pour ces raisons, tant que nous ne verrons pas la situation de la mobilité s'améliorer pour l'ensemble des modes de transport, nous ne pourrons pas accepter cette politique publique. Ce d'autant plus que nous sommes opposés au fait de supprimer des voies de circulation pour créer des pistes cyclables, parce que maintenant il se trouve qu'il y a des conflits entre... (Brouhaha.)

La présidente. Excusez-moi, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, est-ce que vous pourriez s'il vous plaît arrêter de discuter, on ne s'entend plus ! Merci.

M. Stéphane Florey. Aujourd'hui, en multipliant les pistes cyclables, qu'est-ce qu'on a fait ? On a créé des conflits entre cyclistes. Comme le disait notre collègue MCG, à l'heure actuelle, on est presque obligé de réaliser des pistes cyclables doubles, parce que les vélos électriques vont beaucoup plus vite que les vélos classiques, ce qui commence à générer des problèmes entre cyclistes; certains circulent en zigzaguant, viennent d'un coup sur la voie de circulation routière, puis retournent sur la piste cyclable. C'est dangereux ! Finalement, il n'y a pas pire pour bloquer la situation de notre canton. C'est pour toutes ces raisons que nous refuserons cette politique publique, et nous vous invitons à faire de même. Merci.

M. Souheil Sayegh (LC). Chers collègues, nous attaquons la politique publique M, M comme maudit, et je ne parle que du département ! (Rires.) A l'époque, un autre Serge en était déjà le précurseur lorsqu'il annonçait fièrement qu'il faisait des petits trous, des grands trous, toujours des petits trous, des trous de petite taille, des trous de grande taille. (L'orateur chante ces mots sur l'air du «Poinçonneur des Lilas» de Serge Gainsbourg.) C'est ce qu'on vit à Genève depuis quelque temps. Mais puisqu'on parle de 2024, on ne saluera pas l'annonce récente du département, pour laquelle on le félicite, de reprendre la coordination des travaux entre les principaux maîtres d'ouvrage; celle-ci ayant été faite tout récemment, elle ne concerne pas l'année qui nous occupe. On salue en revanche l'engagement des agents de régulation, qui ont vraiment beaucoup de travail ces derniers temps - c'est assurément un métier d'avenir dans ce canton. Qu'ils en soient remerciés !

Le rapporteur de majorité a évoqué la route des Nations. En 2024, tout allait bien. Nous apprenons qu'en 2025, des travaux ont été sous-traités, qui eux-mêmes ont été sous-traités, si bien qu'à la fin, on ne saura pas qui a fait quoi. De nouveau, de grands trous pour 2025 ou 2026 !

Nous déplorons encore l'incertitude pour ce qui est de la transition électrique. Nous restons inquiets quant au rythme de développement des bornes électriques. Nous n'avons pas été rassurés en commission sur ce point. Ce rythme suffira-t-il à la transition des véhicules ? Celle-ci demeure en dessous des ambitions annoncées.

Je termine sur une note plutôt optimiste. Le Léman Express a atteint sa vitesse de croisière et l'a même dépassée. Quant à la Fondation des parkings, elle accomplit un travail plutôt remarquable, du moins de notre point de vue. Par ailleurs, l'engagement de nouveaux collaborateurs au sein des TPG est le signe que l'entreprise est dynamique et a le vent en poupe. Nous nous réjouissons également de la gratuité pour les jeunes votée par ce parlement et de la réduction de 50% pour les aînés à l'AVS ainsi que pour les bénéficiaires de l'AI.

En revanche, nous déplorons que le vélo reste malheureusement la variable d'ajustement du trafic. En effet, on demande aux cyclistes de réguler la circulation en les mêlant au flot de véhicules. A nos yeux, cette approche ne peut être soutenue compte tenu des risques pour la sécurité des usagers des deux-roues, qu'ils soient électriques ou à... J'allais dire à pied, mais je parle ici du vélo ! (Rires.)

Des aménagements restent à réaliser. De nombreux plans ont été discutés en commission, et nous nous réjouissons de voir ces structures pousser sur nos routes. Quelques bonnes nouvelles ont été annoncées en 2025: le LEX 2, une ambition pour la fin de cette décennie, la traversée du lac, évoquée à maintes reprises, le tunnel du Furet, les «park and ride» qui, on l'espère, vont éclore ici et là, ou encore le contreprojet à l'initiative piétonne, qu'il faudra soutenir.

Pour toutes ces raisons, et finalement parce que la population n'est pas totalement satisfaite de cette mobilité - nous non plus, on ne vous le cachera pas -, nous nous abstiendrons sur cette politique publique. Je vous remercie.

M. Adrien Genecand (PLR). En matière de mobilité, tout a été largement dit, je n'évoquerai donc qu'un seul point et me bornerai à rappeler à ce parlement la séparation des pouvoirs et les rôles de chacun, puisqu'il est manifestement de bon ton pour l'exécutif de déclamer et de faire paraître des communiqués de presse le mercredi, le dernier ayant été publié hier.

Je me permets de vous lire un extrait du règlement sur l'utilisation du domaine public en vigueur, que notre magnifique Conseil d'Etat a encore corrigé cette année. Je vous en fais la lecture parce que je pense qu'il est essentiel que les gens comprennent que le vrai problème dans ce canton, ce n'est en réalité ni l'argent ni les gens, mais probablement la façon dont le tout est mis en oeuvre.

Notre règlement dit, à l'article intitulé «Coordination»: «1 Les collectivités, corporations ou établissements de droit public, planifient, coordonnent et gèrent les travaux nécessités par la pose et/ou la réfection des installations et/ou conduites souterraines, publiques ou privées. 2 Les entités mentionnées à l'alinéa 1 forment une organisation dénommée l'OGETTA (Eau, Gaz, Electricité, Télécommunications, Thermique, Assainissement).»

Cette organisation est composée très largement de fonctionnaires, et l'office cantonal des transports y est déjà présent. Or, pas plus tard qu'hier, on nous dit que l'arrivée d'un nouveau fonctionnaire au sein de cette fameuse OGETTA, qui a déjà pour mission de recevoir tous les préavis d'ouverture des routes dans le canton et de gérer ces problèmes, va tout d'un coup les régler de façon miraculeuse !

Mesdames et Messieurs, la grande maladie de ce canton, au-delà de la mobilité, c'est la façon dont l'exécutif, à travers ses fonctionnaires, met en oeuvre l'immense majorité des dossiers de cette politique publique.

M. Patrick Lussi (UDC). Je prends la parole non pas pour créer la polémique, mais pour revenir sur l'intervention de mon préopinant socialiste, M. Wenger. Selon moi, quand Jean Amadou se moquait des politiciens au théâtre des Deux Anes, c'était un mauvais chansonnier. De même, Monsieur, ce n'était pas une bonne chose de vous moquer de mon camarade.

Au fond, vous avez dit que la mobilité douce était le nec plus ultra. Permettez-moi de vous répondre que je fais partie des gens qui, que vous le vouliez ou non, deviennent majoritaires dans cette société. Je n'ose plus mettre mes pieds dans des patins à roulettes, parce que je risquerais de me casser quelque chose. La trottinette, ce n'est pas pour moi, c'est trop dangereux. Quant au vélo, ça l'est peut-être moins, mais bon nombre de mes contemporains n'ont plus les muscles pour en faire. Qu'est-ce qu'il nous reste ? Les modes de transports privés. Bien souvent, en raison de certaines lois, nous n'avons plus le droit de conduire à nos âges. Nous faisons donc appel à nos enfants, mais il leur est devenu difficile de circuler.

En définitive, il est faux de dire que la mobilité douce est la seule solution. Il faut qu'on arrive à trouver un moyen pour que tout le monde puisse se déplacer. Et surtout, quand nous, les seigneurs, deviendrons majoritaires... Les seniors, pardon ! (Rires.) Nous serons des seigneurs aussi ! Les transports en commun ne sont pas non plus la panacée, parce que parmi les gens que je fréquente - j'allais dire mes camarades - beaucoup se retrouvent empruntés à partir d'un certain âge lorsqu'ils doivent les prendre. 

Le but n'est pas de critiquer, mais il y a des efforts à faire. Quand vous dites que la mobilité douce, c'est ce qu'il nous faut, je suis désolé de vous répondre que ce n'est pas tout à fait correct pour les gens de ma génération. Merci, Madame la présidente.

La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député. Monsieur Wenger, vous avez demandé la parole, mais vous n'avez plus de temps à disposition, je suis navrée. (Exclamations.) Vous avez été un peu trop bavard ! Je cède donc le micro à M. Jeannerat.

M. Jacques Jeannerat (LJS). Merci, Madame la présidente. Vous le savez comme moi, notre canton compte 500 000 habitants, soit un demi-million, et il y a autant d'habitants que d'ingénieurs en circulation - certains sont même des ingénieurs SDO. Parmi ceux-ci, je citerai les députés Steiner ou Florey. SDO, vous savez ce que ça veut dire, Madame la présidente ? Sans diplôme officiel ! (Rires.)

Tout le monde a une théorie sur la mobilité à Genève. Je rappelle le débat sur les 30 km/h d'il y a quelques mois: à ma gauche, donc à votre droite, des gens étaient contre cette mesure, et à ma droite, donc à votre gauche, d'autres la voulaient partout. Eh bien le Conseil d'Etat a quand même réussi à rassembler les différents avis et à faire en sorte que les oppositions soient levées afin qu'un accord soit conclu avec des acteurs comme le TCS ou l'ASTAG.

Je prends pour exemple le boulevard du Pont-d'Arve, où il y a eu du chahut pendant des années. On a finalement réussi à garder le 30 km/h en mettant en place une séquence des feux qui permet d'éviter les bouchons et de garantir une fluidité. Le Conseil d'Etat a donc réussi un coup sur cet axe. Vous avez raison, Monsieur Florey, il doit le faire également à d'autres endroits.

Ce parlement a adopté le contrat de prestations. J'entends maintenant que des partis vont s'opposer à cette politique publique, d'autres s'abstenir. J'ai un peu peur d'être tout seul et que ma voix soit l'unique parmi cent à être favorable ! Or vous avez adopté ce contrat de prestations, qui est un contrat extraordinaire. On a accepté des budgets qui permettent de donner la priorité aux transports publics de façon remarquable, sans léser la circulation automobile.

La gratuité des transports publics pour certaines catégories de la population a également été votée par ce parlement, et pourtant j'entends que d'aucuns vont s'abstenir ou s'opposer à cette politique publique. On marche sur la tête, Madame la présidente, je n'y comprends rien, ou alors je suis un peu trop vieux et il faut que j'arrête la politique ! (Exclamations.)

Quant aux projets d'avenir dont certains parlent, notamment la route des Nations, qui, pour l'instant, est sous-occupée, j'aimerais dire que quand le chantier de la route de Ferney sera ouvert pour le tram, vous verrez que la route des Nations deviendra alors une infrastructure absolument magnifique.

La vision d'avenir avec la liaison Jura-Salève, ce n'est pas pour la semaine prochaine, mais pour dans vingt ans. C'est simplement une vision d'avenir, mais rien qu'à cet égard, il faut soutenir cette politique publique.

Je crois que notre canton doit reprendre les choses en main. S'agissant de l'histoire des travaux de ces deux ou trois dernières semaines, je l'ai dit à M. Maudet, qui est issu de la même formation politique que moi: l'Etat, le canton doit reprendre les choses en main. Les communes ont trop de pouvoir, c'est notamment le cas de la Ville de Genève; il faut que le canton, je le répète, reprenne les choses en main. Cela étant, LJS soutiendra cette politique publique. Merci. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Genecand pour deux minutes trente-quatre.

M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Madame la présidente. Je suis obligé de reprendre la parole, non pas pour vous dire, comme le grand maître Jeannerat le proposait, que l'annexion de la ville de Genève est une idée qui mérite étude, mais pour vous indiquer qu'il a cité l'un des axes symptomatiques du n'importe quoi auquel on assiste en matière de mobilité dans cette ville, à savoir le boulevard du Pont-d'Arve. On a du reste appris que le Conseil d'Etat - c'est probablement le seul fait d'armes de sa conférence de presse d'hier - n'allait effectivement pas l'ouvrir une deuxième fois, sachant que des travaux ont déjà été accomplis.

Ce qu'il faut comprendre - je ne l'ai peut-être pas suffisamment bien expliqué dans cette enceinte -, c'est que le Conseil d'Etat, dans le cadre de la gestion de la mobilité et donc de toutes les ouvertures de routes, est déjà à la tête des fonctionnaires dans chaque département, en plus de ceux des entités parapubliques dont le canton est propriétaire, comme les SIG - sans parler de Swisscom, dont nous sommes actionnaires à travers la Confédération. Eh bien ce Conseil d'Etat qui chapeaute tous ces fonctionnaires, lesquels se réunissent probablement une à deux fois par mois pour coordonner les éléments, nous a dit qu'il ne s'était pas rendu compte qu'ouvrir deux fois le boulevard du Pont-d'Arve... Alors que tout le monde se rappelle que, de l'université à l'hôpital, on n'avait déjà pas exactement assisté à la meilleure gestion des travaux publics qui soit ! (Commentaires.)

Pour ma part, vous le savez, si à la fin ça permet de faire travailler des ouvriers de façon extrêmement efficace et diligente, y compris la nuit, en 3x8... Alors là, si le Conseil d'Etat a obtenu cela des syndicats hier, Mesdames et Messieurs, applaudissements ! Si en revanche il a obtenu que les travaux soient repoussés, parce qu'on n'a pas décidé de ne plus installer les réseaux thermiques structurants et que tout irait bien... Mesdames et Messieurs, si on permet aux ouvriers, suite au vote des Chambres fédérales, de travailler dans le canton en 3x8, y compris la nuit, avec des horaires extrêmement étendus, eh bien vous savez quoi, la mobilité ira peut-être mieux demain ! Sinon, objectivement, le Conseil d'Etat, lequel est déjà à la tête de tous les fonctionnaires qui coordonnent ces chantiers, n'a pas correctement agi et on ne peut pas accepter cette politique publique.

Une voix. Bravo !

M. Christian Steiner (MCG). Je voulais juste répondre au député Jeannerat: je ne suis pas du tout ingénieur...

Une voix. SDO !

M. Christian Steiner. SDO ou pas ! Mais jusqu'à l'an passé, quand le magistrat s'adressait à moi par courrier, il m'appelait «Monsieur le président», car je présidais la commission de l'aménagement du Municipal. Et on apprend quand même certaines choses en une année de présidence de la commission de l'aménagement ! Donc, non, effectivement, je ne suis pas ingénieur, ni titré, ni sans titre ! (Rires.) Merci !

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Effectivement, mon collègue Wenger n'a plus de temps de parole, mais pour ma part il m'en reste... (Exclamations.)

Une voix. N'en abuse pas, Caroline !

Mme Caroline Marti. Je vais donc pouvoir répondre à M. Florey - vous voudrez bien lui transmettre, Madame la présidente - que la minorité que je représente, a fortiori le parti socialiste, n'est pas opposée par principe à l'usage de la voiture ! Au contraire, et cela ressort de la prise de parole de mon collègue Wenger, qui a très spécifiquement mentionné que pour certaines personnes il est nécessaire de se déplacer en voiture, notamment les artisans, les personnes à mobilité réduite ainsi que des gens comme vous et moi qui peuvent occasionnellement avoir quelque chose de très lourd à déplacer. Et c'est précisément pour que ces personnes-là puissent se déplacer aisément en voiture qu'il faut réduire le nombre d'individus qui, en tout temps et pour de simples raisons de confort ou autre, choisissent de prendre la voiture alors qu'ils pourraient tout aussi bien utiliser un autre mode de transport.

Si on en revient maintenant à cette politique publique dans le cadre de l'étude du rapport de gestion, il faut reconnaître, et la minorité le fait très volontiers, qu'il y a eu dans le courant de l'année 2024 de très grandes avancées dans ce domaine, en particulier dans le secteur des transports publics, avec la projection d'une augmentation substantielle de l'offre, mais également la gratuité accordée aux jeunes de moins de 25 ans. C'est une mesure que le parti socialiste et la minorité réclamaient depuis des années et qui s'est concrétisée via des décisions et des efforts déployés durant l'année 2024; c'est vraiment à saluer.

Nous saluons en outre la stratégie ferroviaire développée par les autorités cantonales, que ce soit à l'échelle du canton ou de l'agglomération, mais aussi concernant le trafic grandes lignes. Elle relève d'une vraie ambition, que nous espérons voir se réaliser le plus rapidement possible. Je soulignerai encore l'adoption par ce Grand Conseil - et on s'en réjouit - des cinq plans d'actions de la mobilité, qui permettent d'avancer de façon très concrète dans ce domaine.

Cela étant, la minorité est d'avis qu'il faut aussi reconnaître que sur certains autres aspects de la mobilité, il y a eu ce qu'elle qualifie de retours en arrière. Le premier concerne la question du 30 km/h: le Conseil d'Etat a décidé de transiger sur la mise en oeuvre de cette mesure de lutte contre le bruit, sans pour autant réussir à lever l'ensemble des oppositions - certaines ont été retirées, mais pas toutes -, de sorte qu'aujourd'hui on se retrouve au point de départ, puisque la justice a décidé d'accorder gain de cause au seul recourant qui restait et donc de bloquer la mise en oeuvre du 30 km/h.

Le deuxième retour en arrière a trait à la décision, prise lors de la précédente législature, de fermer une partie des axes de circulation sur la place Cornavin de manière à faciliter la traversée de cette place par les transports publics, mais également les déplacements en mobilité douce, que ce soit à vélo ou à pied. Le Conseil d'Etat a choisi de revenir sur cette décision, ce qui constitue évidemment une entrave au développement des mobilités alternatives, qu'il s'agisse des transports publics ou de la mobilité douce. Nous le regrettons !

Nous exprimons également des regrets face à des ambitions que nous estimons insuffisantes. Sur ce point, je rejoins le député Sayegh, qui l'a mentionné tout à l'heure lorsqu'il parlait du développement d'infrastructures permettant de favoriser et de sécuriser les déplacements par le biais des mobilités actives, que ce soit la mobilité piétonne ou, surtout, la mobilité cyclable.

Sur la base du bilan de ces différents projets et après comparaison des aspects positifs et négatifs, la minorité que je représente a décidé de s'abstenir sur cette politique publique. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Madame la présidente, vous transmettrez à Mme Marti une question que j'aimerais lui poser. J'entends bien quand elle dit: «Nous ne sommes pas contre les livraisons.» Mais alors dans ce cas, pourquoi prôner les livraisons en vélo-cargo, comme vous le faites depuis de nombreuses années en commission ? (Commentaires.) On voit donc bien que vous menez une politique anti-voiture.

Je reviendrai rapidement sur un détail. C'est un élément qu'on entend de plus en plus concernant la suppression des places de stationnement, mais c'est encore pire quand il s'agit des emplacements réservés aux livraisons. Des entreprises nous disent que, quand elles se plaignent du manque de places de stationnement, on leur répond (c'est-à-dire le département, mais entre celui de la mobilité et celui de l'économie, il faudrait déjà savoir qui gère réellement ces aspects) qu'aujourd'hui il est admis qu'un livreur puisse se garer à plus de 300 mètres du lieu de livraison avec son transpalette. Mais imaginez la situation pour un livreur qui, en ville, doit stationner à une distance située entre 300 et 500 mètres, puis rouler sur des trottoirs et éventuellement traverser des passages piétons avec un transpalette et du matériel lourd ! C'est la réalité. Et, non, je ne suis pas ingénieur, mais je suis un employé TPG qui travaille en ville, qui passe ses journées sur le réseau, qui constate un certain nombre de problèmes et qui vit tous les jours la réalité du terrain en matière de mobilité à Genève. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Maudet. (Exclamations.)

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous remercie pour vos interventions et leurs lots d'expériences concrètes. La dernière mentionnée, je la recueille avec intérêt. Pour ma part, je ne me suis jamais cassé les dents sur un transpalette qui encombrait les trottoirs... (Rires.) Je me demande si on en rencontre autant que ça ! Je ne sais pas ce qu'il en est pour vous, mais je n'ai pas l'impression de participer à la même réalité.

Ce qui est certain, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que les débats au sujet de la mobilité tournent assez vite en rond; nous avons tous notre petit exemple, à l'aune de notre rue, et il existe effectivement des raisons d'être insatisfaits. C'est vrai qu'en matière de mobilité, il y a encore beaucoup de progrès à accomplir, mais j'aimerais cependant souligner, et certains l'ont fait à leur façon, les améliorations constatées en 2024.

Je reviens d'abord sur la forme et la capacité de rassembler tous les acteurs des mobilités via des états généraux. Les derniers ont eu lieu en 2023, puis ont débouché en 2024 sur des plans largement adoptés par ce parlement. Ils n'ont toutefois pas d'effet magique, ils ne font pas disparaître les bouchons d'un claquement de doigts, mais ils ont au moins la vertu de s'accorder sur toute une série de propositions, pour certaines ambitieuses, pour d'autres sans doute pas assez. Et ces propositions ont le mérite d'être testées: nous avons lancé toute une série d'expériences pilotes et nous allons continuer à le faire.

Vous le savez, Mesdames et Messieurs, la mobilité est une affaire collective. On a un contrat social dans ce domaine, l'espace à disposition n'est pas illimité, et chacun va devoir faire des efforts. Vos témoignages divers et variés en attestent. Mettre les gens autour de la table et faire en sorte qu'on identifie des solutions pour les tester, c'était le b.a.-ba, et nous nous y sommes employés en 2024.

Au-delà de ces plans, nous avons fait voter un contrat de prestations extrêmement substantiel - le député Jeannerat l'a rappelé à juste titre. J'entends ici qu'il est critiqué sous l'angle des sommes attribuées au personnel des TPG. Je me permets, contrairement au préopinant libéral, de tirer mon chapeau à ces fonctionnaires - oui, ce sont des fonctionnaires, des agents publics. 2500 personnes travaillent aux TPG, et elles sont confrontées tous les jours dans leur tram ou leur bus à des situations de plus en plus compliquées: on pense ici aux trottinettes, aux utilisateurs d'AirPods, à celles et ceux qui traversent n'importe comment. Vous le vivez, Monsieur le député Florey, en votre qualité de chauffeur. Moi, je leur tire mon chapeau, loin de les vilipender. Je pense, et le Conseil d'Etat avec moi, que ces personnes accomplissent un travail exceptionnel, tout comme notamment les agents de la Fondation des parkings, ainsi que celles et ceux qui assurent la planification - pas toujours bien, effectivement.

Mais je rassure le député Genecand, aucun fonctionnaire supplémentaire n'est prévu dans le cadre des mesures relatives aux chantiers. En la matière, le Conseil d'Etat a simplement dit qu'il allait cheffer - ce qui n'était prévu ni par la loi ni par les habitudes -, prendre des décisions, arbitrer et déclarer politiquement si on va de l'avant ou non.

Prenons le cas du boulevard du Pont-d'Arve. C'est un mauvais exemple, parce qu'en l'occurrence c'est la Ville de Genève et pas le canton qui souhaite réouvrir, moins de deux ans après le chantier précédent. Eh bien nous avons dit non, ce ne sera pas possible, et on ne va pas le faire. (Remarque.) A l'inverse, Mesdames et Messieurs, je confirme que le Conseil d'Etat ne désire pas pratiquer de chantiers préventifs. J'ai en effet pris la décision à mon arrivée de ne pas lancer de travaux sur la place Cornavin six ans avant le début du chantier de la gare, parce que ça n'a aucun sens. Cette position, je l'assume et je la défends.

En 2024, je le disais, le contrat de prestations a été voté. Par ailleurs, le Léman Express a fait plus qu'atteindre son rythme de croisière, il a connu une explosion de la demande - le député Wenger l'a relevé. C'est la démonstration que lorsque l'offre est là et qu'elle répond à une demande, il faut pouvoir l'accompagner. On envisage, hélas à un horizon de six ou sept ans seulement, soit en 2031 ou 2032, une augmentation du nombre de rames, leur rallongement ainsi que le passage à des rames à deux étages. Parce qu'aujourd'hui, on doit malheureusement se limiter à 80 000 passagers. Et ce ne sont pas que des frontaliers, Monsieur Baertschi, on trouve également beaucoup de Genevoises et de Genevois... (Remarque.) ...ainsi que des Vaudois, effectivement. Mais ce n'est pas une tare, jusqu'à preuve du contraire ! Ces personnes traversent le canton et viennent constituer les forces vives de notre économie. Mesdames et Messieurs, 80 000 utilisateurs par jour, c'est un succès énorme; on peut l'acter en 2024.

Evidemment, on a aussi entendu tout à l'heure les mauvais perdants. Il s'agit, vous le savez, des recourants du côté du PLR qui étaient hostiles à la gratuité des transports publics pour les moins de 25 ans et à la semi-gratuité pour les seniors et qui ont utilisé tous les artifices, y compris judiciaires, pour s'opposer à ces mesures. Ce dispositif, il faut le souligner, est également à mettre au bilan de 2024, et on se félicite très largement de cette accessibilité renforcée aux transports publics - à part dans ce coin de l'hémicycle, mais quand on perd il est bien sûr difficile de le reconnaître.

Mesdames et Messieurs, l'année 2024 est à marquer d'une pierre blanche s'agissant des progrès en matière de mobilité. Ce n'est pas parfait, on peut faire encore beaucoup ensemble, et nous vous présenterons des propositions pour les trois ans à venir.

Je terminerai en disant que le Conseil d'Etat vous a démontré dans sa conférence de presse d'hier, dont visiblement le communiqué n'a été lu que partiellement, qu'il est capable de réactivité. Il y a moins d'un mois, vous avez demandé (et je salue ici la motion de Mme Monbaron, largement votée par ce Grand Conseil) que l'on adopte une série de dispositions et que l'on prenne le leadership politique; nous le faisons, et du reste nous vous annonçons ici qu'il y aura quelques heurts du côté des communes, mais sur ce point c'est à vous de changer la loi le cas échéant.

Nous assumons nos responsabilités et nous allons mettre de l'ordre dans le domaine des chantiers, sans fonctionnaire supplémentaire. J'aimerais aussi que vous puissiez nous donner quitus concernant le fait que lorsque le parlement nous mandate, nous revenons moins d'un mois après avec une série d'actes, de propositions et de visions à long terme, en concertation d'ailleurs avec les milieux économiques et syndicaux, qui ont accepté - et je le salue - de mettre de l'eau dans leur vin s'agissant des conditions dans lesquelles certains chantiers pourront se dérouler.

Mesdames et Messieurs, pour l'ensemble de ces raisons, nous pensons qu'en 2024 nous avons marqué un tournant positif plutôt qu'un retour en arrière en matière de mobilité, même si le Conseil d'Etat reconnaît humblement qu'il y a encore beaucoup à faire. Et nous rendons encore une fois hommage à celles et ceux qui, dans les bouchons, dans le trafic, mais aussi au volant de leur véhicule de transports publics, composent avec cette situation et considèrent, pour rejoindre la pensée de M. Wenger, qu'il y a quand même un espoir à Genève ! Merci.

La présidente. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je lance la procédure de vote sur cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique M «Mobilité» est rejetée par 43 non contre 10 oui et 37 abstentions.

La présidente. Nous passons au vote en deuxième débat.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement, déposé par Mme Marti et cosignataires, qui modifie l'article unique de la manière suivante: «La gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2024 est refusée.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 43 non.

Mis aux voix, l'article unique ainsi amendé est adopté.

Troisième débat

La présidente. Mesdames et Messieurs, nous passons au troisième débat, classé en catégorie II, trente minutes. La parole va à M. Jotterand.

M. Matthieu Jotterand (S). Merci, Madame la présidente. Selon ma compréhension de la chose, on passe...

La présidente. ...au troisième débat.

M. Matthieu Jotterand. Exactement, très bien, merci. J'ai eu peur qu'on vote trop rapidement, moi qui avais préparé une belle intervention - ou moins belle, selon les positions dans ce parlement !

Mesdames et Messieurs les députés, pour reprendre les propos de Mme Marti tout à l'heure, on se trouve face à des comptes...

Des voix. On n'entend rien !

Une autre voix. Parle dans le micro !

La présidente. Le micro fonctionne, il est rouge. Parlez un petit peu plus fort, Monsieur Jotterand, car on vous entend mal.

M. Matthieu Jotterand. Je vais parler le plus fort possible. (L'orateur élève la voix.)

La présidente. Voilà, c'est parfait.

M. Matthieu Jotterand. Tout ça pour dire que, une fois de plus, on se trouve face à des comptes dont le résultat purement comptable est excellent, mais qui sont alliés à un budget alarmiste, comme il a déjà été relevé. Cette année encore, la sincérité comptable n'a pas été au rendez-vous, un manque de sincérité comptable qui conduit potentiellement à une paupérisation de la population.

En effet, on assiste au vieillissement des personnes, à une augmentation des charges contraintes, à une dégradation de plusieurs facteurs - on en a évoqué quelques-uns -, que ce soit dans le cadre de la santé, des besoins spécifiques qui sont en hausse, des chantiers, de la justice, autant d'enjeux auxquels il devient de plus en plus difficile de répondre.

Au vu de l'amendement qu'on vient de voter, on se dirige probablement vers une alliance de circonstance socialiste, peut-être Verte, UDC et MCG; c'est un peu le mariage de la carpe et du lapin, qui lance un message très clair: la droite bourgeoise est en train d'assécher les ressources de la population globale du canton de Genève.

Simplement, la différence, c'est que les députés UDC et MCG, eux, préfèrent s'appuyer sur le concept de bouc émissaire, c'est-à-dire accuser soit l'étranger - citons par exemple le projet de loi au titre franchement indigne de l'UDC dont nous avons refusé l'ajout tout à l'heure -, soit les frontaliers et frontalières, sur lesquels le MCG s'amuse à taper. Voilà la différence fondamentale: l'UDC et le MCG, eux, tablent sur la logique du bouc émissaire.

Quant à nous, nous soutenons que le problème vient de la droite, une droite qui essaie clairement de protéger la colline aux pirates de Cologny, le ghetto à riches de la rive gauche. (Exclamations.) Ne nous trompons pas de cible: cette même droite veut baisser les impôts, imposer des lois corsets, racketter les communes en récupérant leur argent alors que celles-ci subissent déjà une diminution de leurs revenus à cause du canton, couper coûte que coûte dans les prestations en élaborant chaque année un budget sur des perspectives catastrophistes.

Oui, les comptes sont bons, mais malheureusement, ce n'est pas comme ça que la politique doit être menée !

Une voix. Bravo !

La présidente. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous venons de recevoir un amendement de M. Yvan Zweifel que je soumettrai à vos votes après les prises de parole, juste avant le scrutin final. Monsieur Zweifel, c'est à vous.

M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs, j'ai effectivement déposé un amendement pour revenir à la teneur initiale du texte et j'encourage bien entendu ce parlement à le soutenir.

Permettez-moi en préambule de remercier toute l'administration, l'ensemble des personnes qui sont venues en commission et en sous-commission nous donner les informations qui nous étaient nécessaires, à nous, députés de milice, pour mieux comprendre le résultat de ces comptes et la gestion du Conseil d'Etat. Je salue également Mme Nathalie Fontanet et le Conseil d'Etat dans son entier pour les explications qui nous ont été fournies.

Lorsqu'on étudie les comptes et le rapport de gestion, par extension, on s'intéresse à deux choses: d'un côté aux revenus, de l'autre aux charges. Le PLR, en ce qui concerne les revenus, est content. Sans surprise, il est content, parce que nous avons obtenu, avec le peuple, une baisse d'impôts qui était hautement nécessaire, puisque toutes ces dernières années - nous l'avons vu -, l'Etat a réalisé des excédents importants, ce qui signifie qu'il a trop pris dans la poche des contribuables. Il était dès lors juste de leur rendre cet argent.

La population l'a bien compris, n'en déplaise au parti socialiste qui, lui, ne l'a toujours pas saisi. Pourtant, dans ses rangs, il y a sûrement un paquet de ses membres qui sont très heureux d'avoir bénéficié de cette diminution fiscale.

Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, la situation se dégrade, et il faudra y faire attention à l'avenir. M. Jotterand indiquait tout à l'heure que le but de la droite est d'assécher les ressources; alors je n'ai pas bien compris comment nous entendions les assécher, étant donné que les caisses de l'Etat débordent !

C'est comme avec la hache de votre collègue Mizrahi la dernière fois: je ne sais pas comment nous assécherions quoi que ce soit, mais apparemment, nous ne savons pas nous y prendre, donc n'hésitez pas à venir nous l'expliquer, parce qu'il n'y a vraiment rien de sec dans ce canton, en tout cas pas les finances de l'Etat.

Sur le plan des charges, nous sommes évidemment un peu moins contents, puisqu'une réforme structurelle en tant que telle n'a toujours pas été mise en place, même si on voit poindre la lumière au Conseil d'Etat, qui nous a montré qu'il s'était adonné à un exercice historique consistant à constater que les charges augmentent de manière continuelle et inarrêtable et qu'il faut tenter d'agir, non pas pour les stopper complètement - il n'y a pas de corset, je le répète -, mais à tout le moins pour freiner cette hausse.

D'où l'intérêt des lois que nous voterons en septembre (maîtrise des charges et maîtrise des engagements), qui ne sont pas des lois corsets, mais des lois de bon sens, et nous sommes persuadés que le peuple le comprendra aussi.

Mesdames et Messieurs, vous l'avez compris, on parle du rapport de gestion qui concerne le passé, mais en réalité, on pense déjà à l'avenir. Gouverner, c'est prévoir, et puisque le futur s'annonce un peu moins rose, farci de difficultés, il s'agit de faire preuve d'un regard critique: nous sommes contents - ou, disons, plus ou moins contents - de cette gestion, notamment sur le plan des revenus, mais pour que nous puissions être vraiment satisfaits, il faut maintenant s'attaquer aux charges.

Encore une fois, c'est ce que nous souhaitons faire avec le vote de septembre sur des lois de bon sens; celui que tout un chacun applique, l'Etat doit en faire preuve, lui aussi. Nous voterons donc le rapport de gestion, nous voterons les comptes, mais nous ne donnons pas de blanc-seing au Conseil d'Etat, nous attendons de celui-ci qu'il engage de véritables réformes structurelles, faute de quoi nous nous y emploierons nous-mêmes. Merci. (Applaudissements.)

Mme Emilie Fernandez (Ve). Pour commencer, je remercie l'administration pour la qualité du travail et des documents fournis - cela a déjà été fait, mais je le répète - ainsi que pour la bonne tenue des comptes.

Au début de notre débat, le PLR a déclaré se réjouir de la prospérité de notre canton. Mais, Mesdames et Messieurs, comment se réjouir de la prospérité d'un canton dans lequel les inégalités sociales se creusent et une partie croissante de la population vit dans la précarité ?

Je rappelle cette phrase de la Constitution qui m'est chère: «La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres.» L'étude des comptes 2024 nous montre que le canton de Genève a encore une bonne marge de progression avant de pouvoir se vanter d'être fort.

L'exercice auquel nous nous sommes livrés ce soir n'est pas aisé. En effet, les différents groupes ont mis en exergue les éléments les plus inquiétants ou décevants à leurs yeux des politiques publiques menées par le Conseil d'Etat.

Pour les Vertes et Verts, ce sont: la lenteur des projets de rénovation énergétique, l'augmentation de la précarité, en particulier chez les jeunes, le nombre inacceptable d'hospitalisations sociales, les grandes difficultés dans le domaine de la détention et de la gestion du Pouvoir judiciaire, les estimations fiscales peu fiables ainsi que les progrès bien trop timides dans l'amélioration de la mobilité.

Cela étant, comme je le disais, l'exercice n'est pas aisé, car il permet peu de nuances. Nous n'avons pas eu l'occasion de mettre en avant tout ce qui fonctionne; depuis 14h, nous ressemblons à une belle bande de grincheux. Mais, il faut le souligner, globalement, l'administration accomplit son travail et les prestations publiques sont délivrées. Certaines initiatives sont même vraiment enthousiasmantes.

Ainsi, les critiques formulées ce soir sont surtout basées sur l'inquiétude quant aux difficultés que l'examen des comptes soulève pour la suite: précarité en hausse, vieillissement de la population, accélération des conséquences du changement climatique sur la santé et l'environnement avec, pour réponse principale, une baisse d'impôts.

Malgré le bon fonctionnement général de l'Etat - nous avons d'ailleurs soutenu certaines politiques publiques -, la direction politique proposée ne nous satisfait pas. C'est la raison pour laquelle notre groupe, en tout cas dans sa majorité, s'abstiendra aujourd'hui. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Ce que l'UDC retiendra de ces débats, c'est que Genève est le canton le plus riche de Suisse, mais également le plus mal géré. Nous faisons face à un problème non pas de recettes, mais simplement de dépenses.

On ignore quoi faire de notre argent, on ne sait plus investir là où les besoins de la population se font sentir, on gaspille les deniers en finançant tout et n'importe quoi dans ce canton juste pour se faire plaisir. Résultat, on continue à avoir une population au service de l'Etat à la place d'un Etat au service de sa population. Voilà la réalité aujourd'hui, voilà ce que nous retiendrons des discussions sur le rapport de gestion. C'est la raison pour laquelle l'UDC le refusera.

Deux mots encore sur l'amendement proposé dans le cadre du troisième débat: finalement, ça ne changera rien du tout. En effet, soit nous acceptons l'article unique stipulant officiellement que la gestion du Conseil d'Etat est refusée, soit nous rejetons le projet de loi lui-même, mais somme toute, ça revient strictement au même.

Personnellement, j'ai une préférence pour la variante avec un article unique indiquant que la gestion est purement et simplement refusée et je m'en tiendrai à cette version - et, je l'espère, mon groupe avec moi. (Rires.) Oui, parce qu'on n'en a pas discuté formellement à l'instant ! Quoi qu'il en soit, que ce soit l'une ou l'autre option qui subsiste au terme du troisième débat, en définitive, nous rejetterons bel et bien le rapport de gestion. Je vous remercie.

M. Jacques Blondin (LC). Mesdames et Messieurs, après sept heures de débat, je ne vais pas reprendre tout ce qui a été dit. (Commentaires.) Non, quand même, à moins que vous ayez le temps ? Non, pas tellement. D'abord, je voudrais m'associer - nous associer - aux remerciements adressés aux départements et aux collaborateurs pour le travail fourni.

Ensuite, je relève qu'on n'a pas énormément parlé des investissements. En règle générale, on parle de tout sauf des investissements, mais il faut malgré tout souligner les 660 millions investis tout comme le taux de réalisation record atteint l'année dernière. Un vrai travail de gestion a été mené et s'est concrétisé, c'est important.

Pour notre part, nous nous félicitons de la résilience montrée par l'économie genevoise ainsi que des résultats qui ont été les nôtres sur le plan des recettes. Comme certains l'ont exprimé lors des débats, j'espère qu'on aura la chance de rediscuter de cette problématique, pour autant que c'en soit une, ces prochaines années.

En ce qui concerne les charges, je me plais à rappeler qu'il s'agit d'opérer une distinction entre le fonctionnement de l'appareil étatique et les charges contraintes qui, elles, gonflent effectivement d'année en année et constituent un véritable problème compte tenu des besoins de la population et des critères à prendre en compte, qu'ils soient cantonaux ou fédéraux.

Maintenant, on se retrouve un petit peu coincés par rapport à ce qui est proposé. Le Centre votera l'amendement du PLR et, si celui-ci passe la rampe, adoptera le projet de loi. En revanche, s'il ne devait pas être accepté, nous refuserions le rapport de gestion. Alors oui, Monsieur Florey, vous avez raison: ça revient au même - vous transmettrez, Madame la présidente. Toute cette histoire me paraît vraiment compliquée, je ne sais pas si une chatte y retrouverait ses petits et je doute que les gens qui nous écoutent y comprennent quelque chose. In fine, nous soutiendrons la gestion du Conseil d'Etat d'une manière ou d'une autre, en votant oui ou non en fonction de ce que ce parlement décidera. Merci.

M. Jacques Jeannerat (LJS). Le groupe LJS acceptera ce projet de loi, moyennant toutefois l'amendement de M. Zweifel. Nous nous joignons aux remerciements à l'adresse de l'administration pour le travail accompli, notamment à Mme Fontanet qui, selon les informations qui m'ont été transmises par notre représentant à la commission des finances, a répondu à toutes les questions qui avaient été posées. Il faut donc saluer l'action menée.

Je m'associe également aux propos de M. Zweifel, même s'il ne m'écoute pas, trop occupé à manigancer avec le Conseil d'Etat: notre vote positif éventuel, Monsieur Zweifel... (L'orateur hausse le ton.) ...ne représente pas un blanc-seing pour l'avenir, je partage votre opinion. Vous pourriez m'écouter, quand même ! C'est sympa de faire de grandes déclarations, Monsieur Zweifel, vous êtes un bon acteur, mais je suis en train de parler de vous et de dire des choses plaisantes à votre sujet, donc ce serait bien si vous pouviez prêter l'oreille. Faites un peu la police, Madame la présidente !

La présidente. Vous ne m'en avez pas laissé le temps.

M. Jacques Jeannerat. Le vote LJS en faveur de ce rapport de gestion, pour autant que l'amendement Zweifel soit accepté, ne constitue pas un blanc-seing au gouvernement pour autant. A l'avenir, nous nous montrerons vigilants: notre collègue à la commission des finances sera très attentif à ces questions, en particulier à celles liées au budget 2026. Nous demandons ainsi à ce parlement de soutenir l'amendement de M. Zweifel, puis d'approuver le projet de loi. Merci. (L'orateur poursuit hors micro.) Excuse-moi, Yvan !

M. Marc Saudan (LJS). Juste un mot pour confirmer ce qu'a indiqué mon excellent collègue M. Jeannerat: effectivement, soit nous voterons le rapport de gestion avec l'amendement de M. Zweifel, soit nous refuserons le projet de loi. Pour nous, ça paraît logique, car moins plus moins égale plus. Merci.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Comme nous l'avons déclaré au début des débats, Genève s'enrichit, ses habitants s'appauvrissent. Nous nous trouvons dans une situation tout à fait infernale, le nombre de personnes à l'aide sociale ne cesse d'augmenter, les choses deviennent de plus en plus difficiles, en particulier pour les plus jeunes de notre société.

Or certains dans cette salle - apparemment, d'après ce que j'entends comme petits bruits - ne comprennent pas ce qui se passe ou sont déconnectés de cette réalité sociale qui génère de nombreux exclus. Malheureusement, c'est une partie du contenu humain de Genève que nous perdons et que nous ne pouvons pas mettre en valeur. Voilà le signal que le MCG veut donner aujourd'hui.

Je ne répéterai pas ce que j'ai déjà signalé au cours des discussions pour ne pas relancer la polémique, mais il est vrai que la pression venant de l'autre côté de la frontière est très forte et pèse lourdement sur le canton. Nous sommes définis par une géographie spécifique, notre canton possède une frontière avec un autre pays, et tout cela est oublié, voire un petit peu nié, par le Conseil d'Etat, ce qui est regrettable.

Hélas, il nous est impossible de mettre en avant les éléments positifs de la politique gouvernementale, que nous reconnaissons par ailleurs, parce qu'elle ne tient pas compte de cet aspect déterminant. Si celui-ci était pris en considération, pour le MCG, cela pourrait vraiment se traduire par un soutien au rapport de gestion, soutien que nous n'accorderons toutefois pas ce soir.

En effet, il est essentiel de prendre en compte la pression exercée par un système socio-économique français qui diverge totalement du fonctionnement genevois. Cette disparité cause énormément de problèmes très concrets que j'évoque, oui, ce qui énerve beaucoup de monde dans ce parlement. Il se trouve que de nombreuses personnes bénéficient d'un statut privilégié, évoluent dans des contextes protégés et ne se rendent pas compte de cette réalité vécue par les forces vives de notre canton. C'est la raison de notre refus du rapport de gestion. Merci, Madame la présidente.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, voilà maintenant six ou sept heures, je crois - M. Blondin a fait le calcul tout à l'heure -, que nous bataillons sur ce rapport de gestion. Et je parle de batailler au sens tout à fait noble du terme, c'est-à-dire que nous faisons de la politique: nous confrontons des opinions divergentes, nous argumentons, chacun avec ses positions, aboutissant ainsi à un débat démocratique, ce qui est extrêmement important.

Cela étant, je souhaitais garder un peu de temps pour me joindre aux remerciements qui ont été exprimés par mes préopinants, en particulier à Mme Fontanet et à ses services dans le cadre de l'étude des comptes, aux directions financières de l'ensemble des départements, à M. Audria, secrétaire scientifique de commission, ainsi qu'à M. Seydoux pour son rapport de qualité qui nous a permis de conduire des travaux sereins sur le rapport de gestion.

Je salue aussi le travail des membres de l'administration - je l'ai déjà fait en introduction, je réitère ces propos en conclusion - qui, dans un contexte de pression budgétaire et de très forte augmentation des besoins, ont répondu présents, assuré les services publics et délivré des prestations absolument essentielles pour la population.

Par ailleurs, j'aimerais souligner un certain nombre d'avancées initiées par le Conseil d'Etat dans le courant de l'année 2024. J'ai évoqué tout à l'heure l'élargissement de l'offre des transports publics et la mise en oeuvre de la gratuité pour les jeunes, mais on peut également citer le soutien renouvelé, parfois même renforcé, au tissu associatif, notamment dans les domaines de l'égalité, de la culture ou du social, ou encore les efforts entrepris pour lutter contre le surendettement. Ce ne sont que quelques exemples, mais qui témoignent de la vitalité de l'action publique et de son importance pour la collectivité dans son entier.

Peut-être faut-il mentionner également un projet crucial porté par le gouvernement, celui de la loi climat qui, malheureusement, est aujourd'hui encore bloqué par le Grand Conseil, comme on a pu s'en rendre compte eu égard à la mobilisation actuelle des associations, qui demandent la réouverture des travaux sur ce texte. Il s'agit en effet d'un projet de loi essentiel, salutaire pour que le Conseil d'Etat puisse agir dans le sens de ses engagements en matière climatique.

Ce que l'on constate cependant, c'est que les grandes orientations politiques prises par l'exécutif en 2024 ne répondent pas à tous les besoins sociaux ainsi qu'à l'ensemble des enjeux auxquels le canton de Genève est confronté, par exemple sur le plan environnemental ou démocratique. On a parlé des baisses fiscales, du recul s'agissant de l'école inclusive, de la dégradation des conditions de travail du personnel de l'Etat, de l'absence de réponses politiques fortes pour faire face à l'évolution des inégalités. C'est dans ce cadre-là que nous nous opposerons au rapport de gestion, que nous refuserons par conséquent l'amendement déposé par M. Zweifel. Je vous remercie.

M. Laurent Seydoux (LJS), rapporteur de majorité. Vous venez d'accepter, Mesdames et Messieurs les députés, douze politiques publiques sur treize, comme le proposaient vos représentants à la commission des finances. Aussi, faites preuve de cohérence et suivez vos commissaires pour le vote final, lesquels ont adopté ce projet de loi par 6 oui contre 3 non et 6 abstentions.

Merci donc de soutenir l'amendement Zweifel et de suivre la recommandation de votre commission des finances, ainsi que vous l'avez fait pour les treize politiques publiques. Montrez-vous un peu cohérents ! Merci.

Des voix. Bravo !

La présidente. Je vous remercie. A présent, Mesdames et Messieurs, nous procédons au vote sur l'amendement de M. Zweifel, qui revient à la teneur initiale du texte:

«Article unique    Approbation de la gestion du Conseil d'Etat (nouvelle teneur)

La gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2024 est approuvée.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 52 non contre 38 oui.

La présidente. Pour terminer, je mets aux voix l'entier du projet de loi tel qu'amendé en deuxième débat, c'est-à-dire stipulant que la gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2024 est refusée.

Mise aux voix, la loi 13610 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 41 oui contre 38 non et 12 abstentions (vote nominal).

Loi 13610 Vote nominal