Séance du vendredi 23 mai 2025 à 14h
3e législature - 3e année - 1re session - 3e séance

P 2210-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition : Inciter nos enfants à douter de leur identité sexuelle n'est pas le rôle de l'école
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 22 et 23 mai 2025.

Débat

La présidente. Nous nous penchons maintenant sur la P 2210-B (catégorie III). Je donne la parole à M. Nidegger.

M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Madame la présidente. A propos de la M 3046-A, mon préopinant disait que la qualité du rapport du Conseil d'Etat était quelque peu insuffisante ou légère. Je ne voudrais pas le plagier pour ce point, soit la pétition signée par plus de sept mille parents sous le titre: «Inciter nos enfants à douter de leur identité sexuelle n'est pas le rôle de l'école», mais le rapport qui nous est servi en réponse est une insulte aux pétitionnaires. Il s'agit d'y citer la théorie, c'est-à-dire que seulement si un élève pose une question intime, alors il en est question dans les classes. La pétition a été envoyée au Grand Conseil par des parents outrés par milliers de ce que, en vérité, tout est bon pour arriver à expliquer aux gosses que le mariage se fait entre personnes de même sexe, les enfants aussi, à leur expliquer comment ça se fait, comment ça ne se fait pas et par quel autre moyen et à leur demander si quelqu'un dans la classe serait plus heureux en garçon s'il est une fille ou l'inverse, s'il est un garçon.

La réponse de type «Pravda» consistant à dire: «La vérité officielle, la voici; circulez pour le reste, il n'y a rien à voir» contenue dans ces quelques pages - ce rapport contient cinq pages et demie, même pas: trois pages et demie si l'on prend le rapport lui-même - constitue véritablement une insulte. Je vous demande, avant que ça ne soit la guerre civile... Toucher aux enfants - je ne sais pas si vous êtes au courant, mais ceux qui en ont le savent -, ça ne se fait pas. Le Conseil d'Etat ne met pas ses gros pieds dans l'éducation des enfants pour les inciter à douter de leur identité sur un point aussi fondamental et essentiel pour leur construction qu'est leur identité sexuelle. «Je suis un petit garçon, parce que je suis comme mon papa.» «Je suis une petite fille, parce que je suis comme ma maman.» «Voilà ce que je serai, quand je serai grand»: il s'agit d'éléments fondamentaux, et lorsqu'on dit aux gosses que leurs parents leur ont menti sur un point aussi fondamental que leur identité intime, on se fout de la gueule du monde. On est en Union soviétique ! Je vous demande donc, chers collègues, de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat en exigeant un rapport un tant soit peu sérieux compte tenu de la gravité de la situation.

Mme Lara Atassi (Ve). Madame la présidente, en premier lieu, j'aimerais me joindre aux félicitations pour votre élection. Je n'ai pas encore eu l'occasion de le faire.

J'aimerais ensuite répondre à M. Nidegger qui, dès que quelque chose ne lui plaît pas, évoque l'Union soviétique. Peut-être est-il nostalgique de cette époque. Je tiens à rappeler que les cours d'éducation à la vie affective et sexuelle représentent un droit des élèves et qu'ils ont le droit de recevoir une éducation. Oui, le Conseil d'Etat s'occupe d'éducation, un département entier est même dédié à cette question. L'éducation comporte l'apprentissage du vivre ensemble, et le vivre ensemble, l'apprentissage de l'interaction avec les autres: ça comprend les notions de consentement, de bonnes relations avec les autres sexes, le fait d'éviter les injures et comportements sexistes ainsi que de tolérer les identités et attirances sexuelles différentes des siennes. Il s'agit d'un enseignement complémentaire à celui des parents; les parents enseignent quelque chose, qui peut être très varié selon les familles, et l'école rappelle qu'il faut tolérer tout le monde, c'est tout à fait normal. Je remercie le Conseil d'Etat d'avoir rappelé ceci dans sa réponse. Merci. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Le groupe PLR ne pensait pas devoir prendre la parole sur ce sujet, d'autant plus que ça fera l'objet du point 30 de l'ordre du jour, où l'on aura à traiter d'un projet de loi et d'une motion. Le discours de M. Nidegger contient beaucoup de fantasmes, qui ne sont pas en lien avec la réalité. A la commission de l'enseignement, nous avons pu nous pencher sur ce sujet; nous avons auditionné les personnes chargées de la politique de la promotion de la santé, de la prévention et de l'éducation à la vie affective au sein de l'Etat, et je dois avouer que nous avons été très convaincus par le travail qu'elles effectuent pour nos enfants, notamment sur les questions de prévention d'infections sexuellement transmissibles, sur celles de la pornographie et des réseaux sociaux. Des gens nous ont convaincus par leur message nuancé d'à quel point nos enfants ont besoin de cet accompagnement au cours de leur vie, que celui-ci les structure et leur permet d'éviter les dangers que l'on peut trouver en particulier sur les réseaux sociaux, mais plus généralement dans la vie. A ce titre, nous approuvons le rapport du Conseil d'Etat qui, à mon sens, a parfaitement répondu aux craintes des pétitionnaires. Je vous remercie, Madame la présidente.

M. Matthieu Jotterand (S). Le groupe socialiste ne pensait pas non plus prendre la parole sur cet objet, mais il souhaite saluer la posture de responsabilité dont fait preuve le PLR à la réception de ce rapport. Attitude qu'il n'a pas toujours eue ces derniers temps par rapport à ces sujets qui suscitent en effet, comme on l'a souligné, le fantasme total de prétendus lobbys qui voudraient attaquer les enfants. Les propos de M. Nidegger à ce titre-là sont assez déplorables, dans le sens où ils essaient de monter en épingle les craintes d'une partie de la société pour le développement des enfants. Ces craintes sont légitimes, mais elles doivent être calmées et dissipées par l'éducation, par l'explication, par la science, et non par l'obscurantisme prôné par l'UDC dans son intervention.

Je rappelle que la suppression de l'éducation affective et/ou sexuelle veut dire très clairement une augmentation des infections sexuellement transmissibles et des violences sexuelles. Il est aussi question d'établir les notions du consentement, de tout ce genre de chose là. Ce fantasme permanent exprimé par M. Nidegger et l'UDC est vraiment susceptible de mettre à mal nos enfants, et il y a là un risque. C'est pour ça qu'aujourd'hui il ne sera heureusement pas suivi, et nous nous en réjouissons.

Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat. J'interviens brièvement, car je constate que l'on pourra vous donner toutes les réponses que l'on veut, tenter de vous rassurer comme on peut, vous continuerez à croire ce que l'on vous a dit, à savoir que l'Etat serait en train d'instiller le doute chez les enfants en leur demandant de se questionner. C'est faux, ce n'est pas du tout ce qui est écrit dans le rapport. On vous explique ce que l'on fait, mais je crois que finalement, on n'arrivera jamais à vous rassurer. Nous avons besoin de prendre soin de ces enfants, nous avons besoin d'intervenir pour... Il s'agit de cours d'éducation en vie et santé sexuelles et affectives, nous ne sommes pas du tout en train d'instiller le doute.

J'aimerais aussi dire que nous présentons à nos élèves un programme très important, la lutte contre les «fake news», et je pense que vous pourriez vous en inspirer, parce que vous vous fondez sur des éléments qui n'ont jamais été démontrés. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 2210 est rejeté par 70 non contre 14 oui.

Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 2210.