Séance du
vendredi 23 mai 2025 à
14h
3e
législature -
3e
année -
1re
session -
3e
séance
M 3046-A
Débat
La présidente. Nous enchaînons avec la M 3046-A (catégorie III). Je donne la parole à M. Esteban.
M. Diego Esteban (S). Merci, Madame la présidente. J'ai pris connaissance de la réponse du Conseil d'Etat à cette motion, et je vais souligner l'aspect positif: le Conseil d'Etat a l'air d'avoir bien pris conscience des risques, de clarifier les efforts effectués afin de sensibiliser les comités chargés des récoltes de signatures et d'annoncer un peu plus en détail les projets actuellement sur la table visant à mettre en place un test pour un outil de récolte de signatures par voie électronique, ce qui permettrait de contourner le risque que représentent ces sociétés de récolte de signatures.
Les compliments s'arrêtent là. La frustration prend maintenant le dessus, parce que si les enjeux semblent avoir été pris au sérieux, la motion elle-même ne semble pas l'avoir été. Pour entrer dans les détails, le rapport du Conseil d'Etat ne répond pas à deux invites. Il était en effet demandé que l'on vérifie que le salaire minimum soit respecté au sein de ces sociétés, mais rien n'est mentionné à cet égard. C'est également le cas de l'obligation du signalement du recours à ces sociétés: aucune mention dans le rapport du Conseil d'Etat. Une autre piste avait été évoquée dans la motion, à savoir la création d'une base de données des signatures afin d'améliorer les contrôles par la chancellerie. On nous explique pourquoi les dernières réflexions à ce sujet n'ont pas abouti. Comme si, finalement, les avis ne pouvaient pas évoluer - et l'actualité semble l'indiquer -, et que, pour le gouvernement, une décision prise dans le passé devait rester permanente. C'est particulièrement surprenant; pour les membres de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, qui ont bénéficié cette semaine d'une visite des locaux du service des votations et élections, le Conseil d'Etat savait que des pistes techniques étaient envisagées dans le but de renforcer les contrôles dans le domaine, mais aucune mention n'en est faite dans le rapport - c'est bien dommage !
Enfin, en ce qui concerne la prise en considération des signatures récoltées par divers moyens considérés comme frauduleux, outre les enjeux pénaux, donc le fait d'usurper les signatures, on peut évoquer les récoltes sans mandat. Ces sociétés récoltent des signatures sans avoir été mandatées pour le faire et approchent des comités de récolte en leur disant: «Si vous voulez les signatures, il faut nous mandater. Sinon, tant pis pour vous ! On les garde pour nous et les personnes que vous démarcherez feront savoir qu'elles ont déjà signé.» Il existe diverses techniques de recours à des arguments tout à fait fallacieux dans le seul but d'obtenir la signature, mais le Conseil d'Etat nous dit que les signatures récoltées par ce moyen ne seraient pas forcément illégitimes. La distinction me semble un peu compliquée à faire.
Si certains députés - c'était du moins mon cas en tant que premier signataire - ont recours à une motion plutôt qu'à un projet de loi, c'est parce qu'ils font confiance à l'exécutif pour concrétiser mieux que ce qu'eux-mêmes l'auraient fait dans un projet de loi l'intention exprimée dans cet objet et adoptée - en l'occurrence - par une large majorité du Grand Conseil. Je constate qu'on a perdu six mois et qu'il faudra revenir avec un projet de loi; peut-être aurait-il fallu commencer avec ce type de texte. Ça ne sert à rien de continuer à jouer au ping-pong avec ce rapport, mais je tenais quand même à dire que sa qualité est particulièrement faible. Je pense du reste que c'est une tendance qu'on observe dans d'autres rapports que l'on reçoit sur des motions adoptées parfois par de larges majorités du Grand Conseil. Je remercie d'avance le nouveau Bureau élu de mentionner cet aspect lors de la rencontre à venir avec le Conseil d'Etat. Je vous remercie.
M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Je vais compléter les propos de notre collègue Diego Esteban. Nous avons lu avec attention le rapport du Conseil d'Etat sur cette motion dont les invites sont à la fois techniques et, on va dire, relationnelles et sociales, considérant la situation particulière des gens employés par ces sociétés, souvent sans trop de scrupules, pour partir à la récolte de signatures. Ce texte demandait que l'OCIRT engage une enquête afin de déterminer dans quelle mesure les conditions de travail de ces gens sont conformes au droit; nous avons en effet l'intuition, tout à fait fondée, qu'elles ne le sont pas, ne serait-ce que par la nature de la tâche qui leur est confiée, c'est-à-dire récolter des signatures. On sait très bien que ces gens-là sont peu ou prou rémunérés à la signature, quand bien même cela peut être maquillé dans certains contrats de travail.
Si, comme cela a été dit, le rapport du Conseil d'Etat reprend - et encore, de manière lacunaire effectivement - les éléments dont nous avons pu discuter durant cette très intéressante visite du service des votations et élections, avant-hier, il n'évoque absolument pas les enjeux sociaux, les enjeux relatifs au droit du travail auquel sont soumises les personnes dans la rue qui constituent l'intermédiaire entre ces textes et le corps électoral appelé à signer, appelé parfois avec insistance, parfois avec des arguments trompeurs. Voilà pourquoi l'Etat doit intervenir: pour garantir que ces gens bénéficient de conditions de travail régulières et que le corps électoral ne soit ni importuné ni trompé dans le cadre de ces récoltes de signatures.
Nous avons déposé il y a quelques semaines un référendum, et le résultat vient de tomber: à peine 6,7% de signatures non valables. C'est un taux un peu incompressible du fait des gens qui signent à deux reprises ou qui ne disposent pas des droits politiques. Or, nous avons appris l'autre soir qu'en ce qui concerne les textes fédéraux, il se monte à plusieurs dizaines de pour cent, voire qu'il avoisine parfois les 50% de signatures non valables dans les lots remis par des sociétés inconnues - il n'y a pas de mandataire sur ce genre de texte. Ces taux alimentent évidemment le soupçon, ils constituent une preuve quasi certaine qu'il existe des pratiques frauduleuses en la matière. On ne peut par conséquent pas se satisfaire de la réponse du Conseil d'Etat, et nous allons travailler de concert avec nos collègues sur des projets législatifs pour que la situation s'améliore. Je vous remercie.
La présidente. Merci bien. La parole n'est plus demandée.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 3046.