Séance du vendredi 23 mai 2025 à 14h
3e législature - 3e année - 1re session - 3e séance

M 3076-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la proposition de motion de Jean-Marc Guinchard, François Erard, Jacques Blondin, Souheil Sayegh, Thierry Arn pour un dépistage précoce du cancer du côlon
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 22 et 23 mai 2025.
Rapport de M. Pierre Conne (PLR)

Débat

La présidente. Nous abordons à présent la M 3076-A (catégorie III). Monsieur Conne, vous avez la parole.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur. Merci, Madame la présidente. Chers collègues, la commission de la santé n'a pas souhaité que cet objet soit traité en catégorie IV, bien que l'unanimité ait été le résultat du vote final, parce que le sujet de santé publique dont il est question est important. La catégorie III a ainsi été retenue par la commission, de manière à ce que tous les groupes puissent s'exprimer en plénière sur ce sujet.

Je vais laisser les différents groupes prendre la parole, puis, éventuellement, je conclurai avec quelques mots à la suite de ces interventions. Merci.

La présidente. Monsieur Conne, comme nous sommes aux extraits, vous n'avez droit qu'à une seule prise de parole, vous ne pourrez pas vous exprimer à nouveau sur cet objet.

M. Pierre Conne. Même en tant que rapporteur ?

La présidente. Oui, même en tant que rapporteur. Voulez-vous poursuivre votre intervention ?

M. Pierre Conne. Oui, je continue, parce que je sais ce que je voulais vous dire ! (Rires.) Deux choses. La première, c'est que des questions se sont posées quant au fait qu'on dépiste le cancer, mais pas les autres maladies. La raison est qu'il y a encore beaucoup de cancers qui tuent, même si on est actuellement capable de soigner la moitié d'entre eux et que les maladies cancéreuses sont devenues des maladies chroniques avec lesquelles on vit ou dont on guérit.

Malheureusement, toutes les tumeurs ne peuvent pas être dépistées à l'échelle de la population. Il faut pour ce faire que la maladie cancéreuse que l'on veut dépister soit suffisamment prévalente, c'est-à-dire qu'elle touche suffisamment de personnes pour d'une part qu'il y ait un intérêt de santé publique à la dépister et d'autre part qu'on puisse le faire facilement. On sait que les tests de dépistage sont acceptables pour les personnes qui sont en bonne santé et qui n'ont probablement pas du tout de cancer et que ces personnes n'accepteraient évidemment pas de subir des examens de dépistage invasifs et douloureux.

Cela pose donc déjà un certain nombre de contraintes quant au choix des tumeurs qui peuvent être dépistées. Ensuite, lorsque la tumeur est dépistée, quel que soit son stade, il faut qu'un traitement soit accessible. Parce que dépister des maladies pour lesquelles on ne peut pas faire grand-chose, ça n'a pas d'intérêt, ni pour le patient ni pour la santé publique.

C'est la raison pour laquelle la communauté internationale propose un certain nombre de choix et de stratégies qui permettent d'identifier les tumeurs que l'on peut dépister ou pas. S'agissant des cancers colorectaux, cela peut se faire de façon relativement simple. Néanmoins, il y a un passage obligé pour le dépistage adéquat de cette maladie, c'est la coloscopie - je n'entre pas dans les détails -, qui nécessite bien entendu des compétences spécialisées qui, aujourd'hui, ne sont présentes que chez les gastro-entérologues.

Actuellement, nous n'avons pas suffisamment de gastro-entérologues disponibles dans le canton de Genève pour assurer un dépistage précoce sans que s'appliquent des délais qui pourraient le prétériter. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'envisager une formation, comme cela existe dans d'autres domaines de la médecine, non pas de médecins mais de techniciens spécialisés dans la réalisation de l'examen, évidemment sous la supervision de médecins spécialisés...

La présidente. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Pierre Conne. ...de manière à garantir le nombre de coloscopies suffisantes pour aboutir à ce programme de dépistage, sans gaspiller - en quelque sorte - des formations de gastro-entérologues, qui ont quant à eux des compétences beaucoup plus larges. Il est aussi important de pouvoir faire le bilan, car malheureusement, seuls 22% de la population sont dépistés à ce jour. Merci, Madame la présidente, de m'avoir accordé quelques minutes supplémentaires.

Mme Louise Trottet (Ve). Le groupe Vert tient tout d'abord à remercier le député qui est à l'origine de cette motion pour son texte qui touche un sujet absolument fondamental en médecine, à savoir le dépistage du cancer du côlon, dont on sait, comme l'a mentionné le rapporteur, qu'il est efficace lorsqu'il est réalisé et qu'il permet de sauver bon nombre de vies. On sait également que malheureusement, seuls 22% des personnes qui reçoivent une invitation pour réaliser ce dépistage y ont recours - c'est un taux extrêmement faible !

La tâche à laquelle la commission de la santé s'est attelée durant ses travaux sur cet objet visait à mieux comprendre comment renforcer le taux d'adhésion à ce programme de dépistage, qui est absolument plébiscité par l'ensemble de la communauté scientifique.

Comme indiqué par le rapporteur, un début de réponse consiste par exemple à augmenter les capacités de notre canton à réaliser des coloscopies, notamment via la création d'une filière de techniciens en endoscopie. Probablement qu'il faudra du temps pour qu'une telle filière puisse être réalisée, et il y a toujours la question de la clause du besoin pour les gastro-entérologues.

Un autre volet qui n'a pas été mentionné est celui de l'augmentation du taux d'adhésion au FIT, c'est-à-dire la recherche de sang occulte dans les selles. C'est l'autre versant de ce programme de dépistage, qui est quand même beaucoup moins onéreux, moins invasif et qui parle potentiellement à une partie de la population qui n'a pas forcément envie d'aller faire une coloscopie.

Le groupe Vert va donc évidemment voter cette motion - elle a été adoptée à l'unanimité en commission. Je tenais juste à ajouter qu'à mon sens, ce texte n'est qu'un premier pas. Des statistiques de plus en plus alarmantes pointent une augmentation des cancers du côlon chez des gens de 40 ou 45 ans, soit des personnes qui ne sont pas couvertes par ce programme de dépistage. D'autres pays que le nôtre ont déjà franchi le pas et ont baissé l'âge de dépistage du cancer du côlon à 45 ans. Nous espérons que la Suisse et Genève pourront aussi le faire prochainement. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Souheil Sayegh (LC). Chers collègues, de quoi parlons-nous dans ce texte, déposé par mon groupe ? Principalement de prévention. En médecine, la prévention est le porte-parole et l'étendard de la santé de demain. Cet objet vient nous rappeler la triste réalité, à savoir que le cancer tue toujours. En matière de prévention, rien ne sert de courir, il faut partir à point. Et aujourd'hui, à point, pour le dépistage du cancer du côlon, c'est quand on atteint l'âge de 50 ans.

Ma préopinante l'a rappelé, seuls 22% des personnes réagissent à ce questionnaire, ce qui est malheureux et triste, parce qu'il s'agit d'un cancer qu'on peut traiter facilement s'il est décelé rapidement, du moins dans la majorité de ses formes. Le message que je délivrerai aujourd'hui est le suivant: s'il vous plaît, quand vous recevez ce questionnaire... Maintenant, c'est vrai que l'examen... Le rapporteur n'a pas souhaité entrer dans le détail et je ne le ferai pas non plus ! C'est un examen relativement simple, totalement indolore, qu'il s'agisse du FIT ou de la coloscopie en tant que telle. Faites-vous dépister, répondez à ce questionnaire !

Le faible taux de réponse à ce questionnaire nous amène à un autre problème de santé publique, celui de l'accessibilité aux soins, de la clause du besoin et de l'accès aux médecins de famille, qui sont actuellement débordés et qui ont de la peine à remplir le questionnaire pour que leurs patients soient pris en charge par l'assurance et que cet examen leur soit remboursé. C'est ce problème d'accessibilité aux soins que soulève aussi ce texte, notamment en ce qui concerne l'accès à la médecine de famille, qui constitue le premier rempart, mais aussi par rapport à l'accès à la coloscopie, au dépistage, à la prévention. Parlez avec votre médecin de famille ou votre médecin traitant !

Je terminerai en vous disant ceci: répondez à ce questionnaire ! J'ai encore beaucoup beaucoup de patients qui, passé l'âge de 60 ou 65 ans, n'ont pas fait une seule coloscopie et chez qui, malheureusement, on découvre des tumeurs un peu trop tard. C'est triste de le rappeler, mais il est parfois trop tard pour faire bien. Donc faites-vous dépister ! Merci de soutenir cette motion.

M. Marc Saudan (LJS). Comme ma préopinante, je tiens à remercier l'auteur de cette motion, qui a effectivement soulevé un problème. Ce n'est pas le programme de dépistage du cancer du côlon qui est en soi un souci, et je félicite d'ailleurs toutes les personnes qui participent à son élaboration et à sa planification. C'est peut-être plutôt un problème de moyens, notamment en ce qui concerne le nombre de gastro-entérologues. Ce programme reste quand même un succès pour le canton en ce qui concerne son application.

Il y a aussi d'autres programmes qui fonctionnent bien, comme celui du dépistage du cancer du sein. Mais il y a des écueils qu'il convient de soulever, notamment celui du remboursement. Il faut savoir que les nouvelles tarifications de remboursement pour les mammographies réalisées pour un dépistage sont nettement moins importantes que celles qui s'appliquent si on fait une mammographie dans le cadre d'un examen standard.

Cela nécessitera évidemment des moyens supplémentaires de la part du canton, qu'il faudra bien sûr voter et soutenir. Par ailleurs, d'autres cancers pourraient rentrer dans des programmes de dépistage. J'espère que le soutien sera large le jour où l'on viendra devant ce parlement pour obtenir des crédits permettant la mise en place de tels programmes. Evidemment, le groupe LJS soutiendra cette motion. Merci.

La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député. Nous passons au vote.

Mise aux voix, la motion 3076 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 72 oui (unanimité des votants).

Motion 3076