Séance du vendredi 23 mai 2025 à 14h
3e législature - 3e année - 1re session - 3e séance

M 2986-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la proposition de motion de Jennifer Conti, Pierre Nicollier, Murat-Julian Alder, Grégoire Carasso, Jean-Pierre Tombola, Thierry Oppikofer, Pascal Uehlinger, Marc Saudan, Marjorie de Chastonay, Jacques Jeannerat, Jean-Marc Guinchard, Lara Atassi, Nicole Valiquer Grecuccio, Sophie Demaurex, Jean-Charles Rielle, Oriana Brücker, Jacques Blondin, Véronique Kämpfen, Julien Nicolet-dit-Félix, Thomas Wenger, Florian Dugerdil : Dossier électronique du patient
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 22 et 23 mai 2025.
Rapport de Mme Jennifer Conti (S)

Débat

La présidente. J'ouvre le débat sur la M 2986-A (catégorie III) et passe la parole à Mme Jennifer Conti.

Mme Jennifer Conti (S), rapporteuse. Merci beaucoup, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les dépités... Députés, pardon ! (L'oratrice rit.) Le dossier électronique du patient est un outil fondamental pour améliorer la qualité et la coordination des soins. En Suisse, il existe actuellement huit dossiers électroniques du patient différents. L'un d'eux nous concerne vu qu'il regroupe les cantons de Vaud, du Valais, de Fribourg, du Jura et de Genève. Il est géré par l'association CARA. Depuis sa création, ce projet de dossier électronique du patient a fait l'objet de nombreuses évaluations externes, qui ont toutes mis en évidence des difficultés importantes. Une d'entre elles est le manque d'adhésion: à ce jour, il n'y a que 30 000 dossiers ouverts avec CARA, pour un budget annuel de 12 millions de francs. Une autre difficulté est liée à la complexité de la plateforme, et la gestion de l'association elle-même est à améliorer.

La commission de la santé a consacré huit séances au traitement de cet objet complexe, qui s'inscrit dans un contexte mouvant. Il y a l'enjeu de la protection des données, et la loi fédérale sur le dossier électronique du patient elle-même est en cours de révision pour tenter de sortir ce projet de l'impasse dans laquelle il se trouve. Je rappelle qu'au niveau suisse, c'est à peine 0,8% des patients qui ont un dossier électronique. En parallèle, on vient d'apprendre que La Poste a annoncé la résiliation de son contrat: dès février 2026, elle ne fournira plus l'infrastructure technique du dossier électronique du patient de l'association CARA.

Ce qui ressort des auditions, c'est que la principale source de blocage est le cadre lui-même, qui date d'il y a une dizaine d'années et qui prévoit une organisation totalement décentralisée du dossier électronique du patient. En synthèse, au lieu des huit dossiers que nous avons actuellement, on ne devrait en avoir qu'un seul pour toute la Suisse.

Face à ces difficultés, la commission de la santé a posé la question du retrait de CARA, mais aucun auditionné ne l'a recommandé, faute d'alternative viable. Nous avons donc formulé un amendement dans ce sens. Il est ressorti de nos auditions qu'en attendant une refonte complète de la loi fédérale sur le dossier électronique du patient allant vers une gestion centralisée, il existe plusieurs pistes d'amélioration: renforcer l'interopérabilité, simplifier les interfaces, associer les usagers au développement du dossier électronique du patient lui-même et, bien évidemment, améliorer la gouvernance de l'association.

Pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, la motion amendée à l'unanimité demande un plan d'actions clair et structuré ainsi qu'une stratégie de sortie à prévoir en cas de besoin, pour que le dossier électronique du patient ne reste pas un projet bloqué par ses défauts d'origine, mais devienne enfin un outil utile aux patients et aux professionnels.

Le traitement de cette motion aujourd'hui était extrêmement important, car dès septembre 2025, la commission interparlementaire de contrôle du dossier électronique du patient va débuter ses travaux. L'unanimité de la commission de la santé vous demande donc de voter la motion telle qu'amendée. Je vous remercie.

M. Léo Peterschmitt (Ve). Je vais très rapidement compléter les propos de ma préopinante. Ce qui est ressorti des auditions de la commission, c'est vraiment que le système est désordonné, que la direction part dans tous les sens, ce qui donne l'impression que la situation change toutes les semaines et qu'on navigue dans le brouillard - ce fut aussi bien le cas pour la commission, qui était confrontée lors de chaque audition à une situation différente, que ça l'est pour CARA et le Conseil d'Etat eux-mêmes.

On espère que le rapport de commission, rédigé par Mme Conti, sera lu par les médias, car y figurent de nombreux éléments relatifs à l'historique et à l'avancement du projet CARA. Cela permettra de transmettre à la population les informations nécessaires pour qu'elle soit tenue au courant de ce dossier, qui est quand même relativement complexe et mérite d'être bien compris. Merci.

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, la démarche est longue et ardue concernant le dossier électronique du patient, mais il faut bien rappeler que l'enjeu est extrêmement important. Le but est effectivement d'avoir un système de communication partagé dans lequel l'ensemble de nos données de patients puissent être rassemblées au même endroit et accessibles à la fois par les médecins qui nous suivent - les médecins de famille - et par les spécialistes chez qui nous serons orientés pour des consultations.

Le but est d'assurer une bonne coordination des soins et de faire en sorte qu'en tant que patients, nous soyons pris en charge en temps et en heure de manière adéquate, et en évitant ce que nous connaissons aujourd'hui, à savoir des fragmentations de la prise en charge et des redondances, ce qui malheureusement impacte négativement la qualité des soins et engendre des coûts importants.

L'enjeu est donc majeur. Mais aujourd'hui, nous partons d'une situation qui est, passez-moi l'expression, un peu comparable à l'âge de la pierre. Pourquoi ? Parce que tous les hôpitaux et tous les médecins ont des dossiers électroniques pour leur pratique, qui ont été développés avec des logiciels différents et qui ne parlent pas forcément entre eux. Pour faire communiquer tous ces différents outils, qui sont très utiles, voire indispensables au travail des médecins, il faut mettre en place ce qu'on appelle l'interopérabilité - un terme un peu barbare qui signifie que ces systèmes d'information parlent entre eux et que n'importe quelle personne qui a des accès au système dans l'intérêt des patients peut le consulter et y ajouter des informations.

La démarche en cours au niveau de la législation fédérale vise à travailler dans le sens de l'interopérabilité. C'est là tout l'intérêt de cette communauté informatique regroupant différents cantons. Cependant, on part d'une situation très éloignée de l'objectif final.

Il y a bien entendu des problèmes de gouvernance qui ne sont pas du tout évidents, et c'est précisément cet élément des difficultés et des failles relatives à la gouvernance que le SAI avait pointé. Cette motion a été adoptée à l'unanimité au sein de la commission de la santé, et le PLR la soutiendra aujourd'hui. Elle a effectivement pour but, comme cela a été dit par la rapporteure de majorité, non seulement de recevoir de la part du Conseil d'Etat un état des lieux de l'existant sur les différents points que j'ai rappelés, notamment par rapport à l'objectif final, mais également de permettre l'adoption des meilleures stratégies possibles pour poursuivre la mise en place de ce projet dans des délais qui, on l'espère, seront raisonnables, tout en garantissant évidemment une maîtrise de la charge financière pour l'ensemble du projet. Pour toutes ces raisons, je me répète, votons cette motion ! Je vous remercie.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Puisqu'il n'y a pas d'autre prise de parole, je lance la procédure de vote.

Mise aux voix, la motion 2986 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 80 oui (unanimité des votants).

Motion 2986