Séance du jeudi 22 mai 2025 à 20h30
3e législature - 3e année - 1re session - 2e séance

M 3127
Proposition de motion de Léo Peterschmitt, Emilie Fernandez, Sophie Bobillier, Cédric Jeanneret, Louise Trottet, Céline Bartolomucci, David Martin, Dilara Bayrak, Julien Nicolet-dit-Félix, Marc Falquet, Angèle-Marie Habiyakare, Alia Chaker Mangeat, Uzma Khamis Vannini, Pierre Eckert, Jacques Blondin, Yves de Matteis, Marjorie de Chastonay, Masha Alimi, Jean-Marie Voumard, Laura Mach, Xhevrie Osmani, Jean-Marc Guinchard, Grégoire Carasso, Jean-Charles Rielle, Sophie Demaurex, Nicole Valiquer Grecuccio, Léna Strasser, Francisco Taboada, Thomas Wenger, Christo Ivanov, Jean-Pierre Tombola pour un plan d'action dans le domaine de l'accueil et du placement d'enfants hors du milieu familial
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 22 et 23 mai 2025.

Débat

La présidente. Nous abordons la prochaine urgence, classée en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro à son auteur, M. Léo Peterschmitt.

M. Léo Peterschmitt (Ve). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, cela fait maintenant plusieurs années que le manque de places d'accueil pour mineurs est connu, documenté et dénoncé. Ce Grand Conseil s'est d'ailleurs prononcé à plusieurs reprises sur cette question. Pourtant, les hospitalisations sociales persistent: nous pouvons lire dans la «Tribune de Genève» qu'en ce mois de mai 2025, 17 enfants occupaient des lits hospitaliers, faute de solutions d'accueil adéquates, repoussant des soins électifs et ajoutant une pression supplémentaire sur des équipes soignantes épuisées et non formées à veiller sur les enfants placés.

Face à ce constat et compte tenu de l'historique de cette question au sein du Grand Conseil, nous devons donner les moyens pour concrétiser les promesses formulées en matière de protection de l'enfant. Parce que ce dont il s'agit ici, c'est de l'intérêt supérieur de ce dernier, qui doit représenter une considération primordiale. Les besoins de développement et de protection propres aux enfants et aux jeunes doivent être garantis. Or, qu'on se le dise, l'hôpital n'est ni un lieu approprié pour leur développement ni un lieu de vie pour une ou un enfant non malade, mais bien un espace de soin pour les enfants qui nécessitent une attention médicale.

La convention relative aux droits de l'enfant exige que les placements soient prévus dans une famille d'accueil ou dans un établissement adapté. Le placement n'est pas une décision simple et s'accompagne d'enjeux éthiques forts. Or, le manque de places adéquates rajoute une pression éthique supplémentaire sur une des décisions les plus lourdes de conséquences. Anticiper les moyens suffisants pour éviter un tel manque de places, c'est aussi renforcer la sécurité et l'éthique de ces décisions. Il ne suffit pas de qualifier une pratique comme étant de dernier recours pour qu'elle diminue, il faut créer les conditions concrètes permettant le développement d'alternatives.

C'est pourquoi cette motion demande la mise en oeuvre d'un plan d'action ambitieux dans le domaine de l'accueil et du placement d'enfants hors du milieu familial, ainsi que les ressources nécessaires pour garantir une prise en charge digne, stable et conforme aux besoins spécifiques de ces enfants. Elle s'inscrit dans la continuité des décisions législatives antérieures et vise à fournir les moyens pour développer des alternatives au placement social à l'hôpital. Nous sommes en présence de situations inacceptables qui compromettent notre responsabilité collective envers les enfants les plus vulnérables de notre canton. Pour ces raisons, je vous encourage à soutenir ce texte ainsi que l'amendement déposé par Le Centre. Merci.

M. Pierre Nicollier (PLR). Je souhaite tout d'abord vous féliciter pour votre brillante élection, Madame la présidente !

Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui encore, à Genève, des enfants en bonne santé passent leurs nuits à l'hôpital, non pour y recevoir des soins, mais simplement faute de place dans des foyers ou des familles d'accueil. Ces hospitalisations sont le résultat soit de décisions prises au moment de la naissance, ce qui explique pourquoi la loi autorise des exceptions à l'interdiction de placements hospitaliers, soit de la décision du TPAE d'extraire des enfants de leur milieu familial, car ils y sont en danger. Cette situation n'est pas nouvelle, mais malgré plusieurs interpellations et un changement de loi, elle perdure depuis des années.

Contrairement à ce que la motion laisse entendre, ces hospitalisations coûtent plus cher qu'un placement en foyer ou en famille. En 2019 (les tarifs aux HUG ont augmenté depuis), le SPMi dépensait 1077 francs par nuit pour des hospitalisations sociales et 626 pour une nuit dans une institution d'accueil d'urgence. Un placement en famille d'accueil s'élevait à un montant situé entre 65 et 75 francs par nuit.

Pour rappel, le PLR a déposé un projet de loi, qui a été adopté dans cette enceinte, afin d'interdire les hospitalisations sociales et d'offrir des alternatives conformes aux besoins des enfants. Le département nous avait par ailleurs présenté un plan d'action qui contenait un renforcement du dispositif avec l'ouverture de plusieurs places en foyer, un renforcement de l'AEMO et une augmentation des intervenants en protection de l'enfance.

Le PLR souhaite traiter rapidement cet objet et vous suggère, à la place d'attendre six mois avant de recevoir une réponse, de le renvoyer en commission pour entendre au plus vite le SPMi. En cas de refus du renvoi à la commission de l'enseignement, le PLR soutiendra la voie longue, à savoir le renvoi de la motion au Conseil d'Etat. Merci.

M. Francisco Taboada (LJS). Je me joins bien sûr aux nombreuses félicitations pour votre élection, Madame la présidente, ainsi que pour celle du Bureau !

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la motion que nous examinons aujourd'hui interpelle notre conscience collective. Elle traite d'une réalité que nous ne pouvons plus ignorer: des enfants sont encore hospitalisés aux HUG non pas parce qu'ils sont malades, mais parce qu'il n'existe pas de solution d'accueil adaptée à leur situation. Ces hospitalisations dites sociales sont à mes yeux symptomatiques d'un système à bout de souffle.

Malheureusement, je sais de quoi je parle. J'ai moi-même passé une grande partie de mon enfance à l'hôpital, de l'âge de 5 ans à l'âge de 13 ans. Je suis donc bien conscient de ce que signifient la solitude, l'angoisse, l'absence d'un cadre de vie normal, d'un rythme scolaire et d'un foyer affectif et structurant. Même avec un personnel extrêmement bienveillant - ce que je tiens à souligner -, un hôpital n'est pas un lieu de vie pour un enfant: ce n'est ni sa mission ni sa vocation.

Ce personnel, parlons-en ! Ces collaboratrices et collaborateurs se retrouvent face à des situations qui sortent de leur cadre de formation. Ils font preuve de dévouement, mais ils sont déjà sous pression. On leur demande de combler des lacunes structurelles du système, ce qui n'est juste ni pour eux ni pour les enfants. Je soutiens donc cette motion avec conviction, et le groupe LJS aussi.

On peut se poser des questions. Pourquoi cette pratique persiste-t-elle, alors qu'elle est interdite par la loi depuis 2022 ? Pourquoi, malgré nos textes, nos engagements et nos votes, 17 enfants sont-ils encore hospitalisés sans raison médicale en mai ?

Il est temps que le Conseil d'Etat nous donne des réponses concrètes. Il ne suffit pas de se contenter de déclarer des principes ! Encore faut-il que ceux-ci soient incarnés dans des moyens réels et des actes. Chaque jour passé dans ce contexte est un jour perdu pour un enfant, un jour de trop pour un personnel hospitalier déjà saturé, et un jour de trop pour notre responsabilité politique ! Je vous remercie, chers collègues, d'accepter ce texte sur le siège. Merci, Madame la présidente. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Cette motion ne changera fondamentalement rien au problème actuel. Ce n'est pas en demandant de multiplier les moyens à disposition que la situation évoluera. On l'a dit et c'est reconnu par les auteurs, ce fameux plan d'action n'a absolument rien modifié aujourd'hui. Ajouter de l'argent pour un plan qui ne fonctionne pas ne sert par conséquent à rien.

Les contraintes actuelles pour inciter les familles, quelles qu'elles soient, à accueillir des enfants qui devraient être placés en famille d'accueil sont tellement - comment dire ? - fortes qu'aujourd'hui, plus aucune famille d'accueil à Genève ne consent à héberger des enfants placés par la justice. Des services viennent chez vous, mènent une enquête, vous demandent un certain nombre de choses parfois choquantes. On demande par exemple à des familles: «Est-ce que vous êtes bien vaccinés contre la tuberculose ?» Certes, on peut répondre: «Oui, on est vaccinés, il n'y a pas de souci.» Pourtant, quand on pose la question inverse: «Est-ce qu'on a la garantie que les enfants que l'on va abriter sont vaccinés ?», on nous répond: «Ça ne vous regarde pas !» C'est à cause de cette multitude de petites choses, en plus des contraintes d'accueil, que les familles d'accueil ne sont plus intéressées par l'idée d'accueillir des enfants qui devraient être placés chez elles. A cet égard déjà, il faudra donc assouplir la loi sur les familles d'accueil.

Oui, c'est une évidence, le placement d'enfants en milieu hospitalier n'est pas la solution. Ce n'est cependant pas avec cette motion que vous arriverez à changer quoi que ce soit. Certes, ce texte sonne en quelque sorte juste, mais les moyens proposés sonnent faux. C'est pourquoi il est nécessaire de le renvoyer en commission et d'imaginer à la place d'une motion un projet de loi (on a parlé de la loi votée contre le placement en milieu hospitalier: on pourrait la modifier), mais ce n'est pas grâce à cette motion que l'on y parviendra. Donc oui, il faut renvoyer cet objet en commission afin de trouver et de proposer les bonnes solutions. Je vous remercie.

Mme Danièle Magnin (MCG). Ça fait bientôt cinquante ans que je m'occupe de droit de la famille et que je vois des enfants retirés à leurs parents pour des prétextes fondés sur une vision qui ne correspond pas à celle de la famille en question; à Genève, en effet, la psychologie de la pédagogie relève d'une chapelle. De nombreuses familles sont au désespoir parce qu'une évaluation, une expertise qui va dans le sens de cette chapelle a été réalisée, alors que d'autres experts ont détecté d'autres problèmes qui ne sont pas de l'ordre de la maltraitance, mais tout simplement d'un fait comme une maladie, peut-être génétique, ou une autre difficulté. Il y a même eu des députés... Vous savez également que presque à chaque séance, des hommes à qui l'on interdit de voir leurs enfants font la queue derrière la porte.

Je ne souhaite pas vous parler de cet objet en particulier, mais de la raison pour laquelle on doit placer des enfants - on les retire beaucoup trop facilement à leurs parents. Bien entendu, pour des enfants maltraités physiquement ou abusés, la question ne se pose pas, mais l'ensemble... Vouloir une espèce de perfection inatteignable, comme le fait de demander ce que vient de dire notre collègue Falquet... Pardon, ce n'était pas M. Falquet...

Une voix. Florey !

Mme Danièle Magnin. Florey, pardon. Je confonds toujours vos noms, pas vos personnalités. Excusez-moi ! Je voudrais attirer l'attention de ce Grand Conseil sur la nécessité qu'il y a à chercher un petit peu en amont la raison pour laquelle tant d'enfants doivent être placés ! Bien sûr, le MCG soutiendra le renvoi en commission. Merci.

Mme Léna Strasser (S). Félicitations de ma part également pour votre brillante élection, Madame la présidente !

J'aimerais remercier M. Peterschmitt pour le dépôt de ce texte. Les hospitalisations sociales, aujourd'hui on le sait, ne sont pas une solution et doivent cesser: elles mettent à mal les HUG (cet aspect est ressorti dans la presse) et représentent une situation catastrophique pour les enfants qui les subissent et pour le personnel qui doit s'en occuper dans un cadre inadéquat à un accueil éducatif.

Cette thématique revient très régulièrement dans notre parlement, nous la connaissons toutes et tous. L'hôpital est surchargé, l'ensemble du dispositif d'accueil aussi. Dans ce Grand Conseil, nous avons tenté de renforcer le système de familles d'accueil et d'en trouver de nouvelles, puis nous avons accepté un projet de loi pour interdire la pratique des hospitalisations sociales. Pourtant, proscrire cette pratique sans donner les moyens d'augmenter les places en foyer n'est pas une solution - on le voit, ça n'a pas fonctionné. Nous avons essayé d'obtenir des ressources dans le cadre du dernier budget que nous avons voté, mais le PLR, qui avait proposé le projet de loi évoqué, a refusé d'allouer des ressources supplémentaires dans ce domaine.

Les hospitalisations sociales doivent aujourd'hui cesser. Certes, ce texte ne propose pas de pistes concrètes - il laisse ce travail aux professionnels concernés -, mais il demande des réponses et surtout des moyens. Nous le soutiendrons et espérons que le Conseil d'Etat mettra rapidement en oeuvre des solutions concrètes pour répondre à cette problématique. Merci.

Mme Patricia Bidaux (LC). Félicitations, Madame la présidente, pour votre brillante élection !

Mesdames les députées, Messieurs les députés, il existe deux mots que nous ne devrions jamais associer: hospitalisation et social. Le premier renvoie à des soins médicaux, le second aux relations, à l'inclusion dans la société. Leur rapprochement révèle une défaillance grave de notre système de protection de l'enfance. Durant la précédente législature, et cela a été rappelé, nous avons débattu d'un projet de loi porté par le PLR qui visait à prohiber formellement les hospitalisations dites sociales. Or, la réalité du terrain avait conduit ce parlement à amender ce texte pendant le travail en commission pour que l'on ne décrète pas une interdiction sans donner de solutions, comme cela a été relevé; un alinéa 2 qui stipule que «les hospitalisations sociales d'enfants ne doivent être permises qu'en dernier recours et si aucune alternative n'a pu être trouvée» a été ajouté à l'article 32 de la loi sur la jeunesse.

Ce texte - vous transmettrez au député Florey, Madame la présidente - va bel et bien apporter un changement (je le crois fortement et Le Centre aussi), parce qu'organiser un plan signifie amener des solutions, des projets qui permettent de changer la situation. C'est faux de dire que cette motion n'amènera rien: elle apporte une réponse à une situation que nous ne pouvons plus tolérer. Aujourd'hui, précisément par faute de moyens, ces hospitalisations sociales explosent. En tant qu'infirmière en milieu carcéral, je me rappelle avoir promené des enfants qui pouvaient rester en prison avec leur mère, mais qui ne voyaient pas la lumière du jour, ce qui n'est pas supportable ! Ce parlement doit faire cesser ce genre de pratique.

Ils sont hospitalisés, un enfant est d'ailleurs actuellement hospitalisé pour cette raison-là. Alors s'il vous plaît, n'en restons pas là et ne baissons pas les bras !

Au vu de ce qui précède, Le Centre a déposé un amendement - qui vous a été transmis avec beaucoup de retard, j'en suis désolée. Du reste, il répond à la demande de la députée MCG, qui souhaitait que l'on sache pourquoi les enfants sont retirés de leur famille. Pour ma part, je suggère que dans ce plan d'action, on réfléchisse à la manière de mieux placer les enfants, mais aussi de prévenir les placements d'enfants, car sans cela, le système va se nourrir lui-même.

Je propose d'ajouter à la fin de l'invite «à veiller à une implication coordonnée de tous les services de l'Etat concernés et du réseau associatif» le texte suivant: «des communes» - car si l'on ne travaille pas avec les communes, cette motion ne pourra pas prendre corps - «y compris la mise en place d'un programme ambitieux d'actions préventives en milieu familial (APFM)». Prévenir, c'est éviter le placement, accompagner, c'est protéger durablement et agir en amont... (Commentaires.) ...c'est notre responsabilité politique. Je présente un amendement, si vous permettez ! Acceptez ce texte et soutenez l'amendement proposé pour un ambitieux plan d'action et pour une ambitieuse ambition... Enfin, non ! (L'oratrice rit.)

Une voix. C'est tard !

Mme Patricia Bidaux. ...pour un ambitieux travail de prévention. Je suis désolée, c'est un thème qui me touche tellement ! (Applaudissements.)

Mme Sophie Bobillier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion contient une demande simple mais essentielle: que l'on donne les moyens nécessaires pour que les bébés et les enfants puissent rester auprès de leurs parents aussi souvent que possible et que, en cas de véritable impossibilité, l'on puisse leur offrir un lieu adapté, humain et chaleureux, et non un lit d'hôpital.

Le Grand Conseil l'a dit et répété, on ne doit pas placer des enfants à l'hôpital quand ils ne sont pas malades. Les y placer juste parce qu'il n'y a pas de place ailleurs, c'est insoutenable et inacceptable, et c'est mépriser les ressources institutionnelles. Même la loi dont il a été question stipule que ces hospitalisations sociales doivent rester absolument exceptionnelles.

Et pourtant ! Aujourd'hui encore, des enfants se retrouvent seuls à l'hôpital, non parce qu'ils ont besoin de soins médicaux, mais parce qu'il n'y a pas de places disponibles en foyer. Ce sont les médias - nous les remercions chaleureusement - qui nous montrent cette réalité invisible: des bébés seuls, des tout-petits sans personne à leurs côtés. Ces enfants passent des jours, des semaines, parfois de nombreux mois dans une chambre d'hôpital, sans parents ni éducateurs, mais uniquement avec le personnel soignant. Celui-ci fait ce qu'il peut, mais il ne peut pas tout faire. Certains enfants finissent par ne plus pleurer et ne tendent plus les bras, car ils comprennent à leur façon que personne ne viendra.

Oui, le personnel soignant accomplit un travail remarquable, mais ce n'est pas à lui d'élever ces enfants. L'hôpital ne doit pas être leur maison, comme l'a justement dit Francisco Taboada. Nous demandons donc que les services de protection de l'enfance aient les moyens d'effectuer leur travail, qu'ils puissent mettre en place des solutions dans le but d'éviter de séparer un enfant de ses parents. Si ce n'est vraiment pas possible, nous demandons que l'enfant soit accueilli dans un endroit adapté, comme un foyer parent-enfant (par exemple, la Maison Dora ou l'OBB) ou un foyer pour bébés (Piccolo par exemple, ou d'autres) et que ces foyers aient les places disponibles pour pallier ces situations dramatiques. Nous ne pouvons accepter que l'hôpital représente la solution par défaut: un enfant n'a rien à faire là-bas quand il n'est pas malade. On parle ici de dignité et d'humanité, et surtout de ce que l'on veut offrir à ces enfants, qui sont les plus fragiles d'entre nous et dont le cadre de vie est déterminant et essentiel pour l'avenir. Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Bravo pour votre élection, Madame la présidente ! J'ai oublié de vous le dire - nous sommes deux.

Je vous rappelle que j'ai siégé dix ans à la FOJ, la Fondation officielle de la jeunesse, et que celle-ci avait déjà des problèmes s'agissant des familles d'accueil. Je trouve que ce texte est de bon augure, parce qu'il est nécessaire de lutter là contre. Les hôpitaux sont évidemment nécessaires, mais pas dans ces cas-là, ou alors en dernier recours. Cette motion a mon appui, je l'ai même signée, et je pense qu'il faut aller de l'avant et la défendre. Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)

Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, en tant que suppléante de la conseillère d'Etat chargée du DIP, retenue par une conférence intercantonale, je porte la voix de l'exécutif et de l'administration cantonale au sujet de cette question. Celle-ci, comme la plupart des gens l'ont relevé, préoccupe beaucoup le gouvernement et les services en milieu hospitalier ou éducatif qui s'occupent de ces enfants, et je vous assure que le Conseil d'Etat met en place de nombreuses mesures pour atteindre les objectifs de la loi: ne procéder à des hospitalisations sociales qu'en dernier recours et les faire durer le moins longtemps possible.

Cependant, Mesdames et Messieurs, je tiens à vous présenter très succinctement les actions menées par l'administration cantonale pour vous donner peut-être envie d'en apprendre plus en commission. Pour reprendre la formule consacrée, supprimer les hospitalisations sociales, Mesdames et Messieurs les députés, ça ne se décrète pas, ça se construit. Afin de rendre honneur au travail de toutes les équipes qui essaient effectivement de les supprimer, et parce que vous avez l'impression que c'est davantage la presse qui vous informe que le Conseil d'Etat lui-même - je le regrette -, j'aimerais vous dire ce qu'entreprend le gouvernement.

Un texte, une motion de la commission de contrôle de gestion intitulée «Pour que les hospitalisations sociales cessent», demandait la mise en place d'un plan d'action - son renvoi en commission date, sauf erreur de ma part, de 2017 et son vote de 2019. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat - mes prédécesseurs - a bel et bien mis en place un plan d'action, et ce depuis 2017, époque où le nombre d'hospitalisations sociales était encore plus élevé qu'aujourd'hui. Je vous cite ces actions:

- ouverture de places dans le foyer OBB, à la FOJ justement (M. Voumard évoquait son expérience là-bas, ce foyer se trouve dans la commune que j'ai eu l'honneur d'administrer, je le connais donc bien), pour un coût annuel de 1,5 million;

- lancement en 2018 de l'AEMO petite enfance, c'est-à-dire l'assistance parentale en milieu ouvert, donc de l'accompagnement à domicile, avec pour mandataire AGAPÉ, pour 705 000 francs par an;

- lancement de l'AEMO de crise, pour les adolescents, avec 36 places simultanées en permanence en 2024, pour 1,78 million de francs;

- lancement en 2022 de l'accompagnement et soutien parental à domicile, pour des parents d'enfants de 6 à 18 ans, avec pour mandataire Astural, pour 1,19 million de francs;

- ouverture en 2019 du foyer Yamba, toujours à la FOJ, mais, sauf erreur de ma part, cette fois pas à Onex, avec 14 places pour les 0-5 ans, pour 4,81 millions de francs annuels;

- reprise du foyer de l'Aubépine par la FOJ en 2020, pour 2,32 millions de francs, avant tout pour des enfants de 12 à 18 ans avec troubles psychiatriques;

- lancement de la section protection et accompagnement judiciaire, AEMO judiciaire délivrée par le SPMi, avec 63 places pour des familles, tous âges, pour 1,05 million de francs;

- renforcement de l'équipe mobile OEJ-HUG - vous l'avez dit, le personnel soignant ne peut pas forcément effectuer un travail éducatif auprès de ces enfants -, pour un peu moins de 1 million de francs annuels;

- ouverture en 2022 de places au sein de l'association MAETIS pour les adolescents, pour 3,22 millions de francs;

- ouverture en 2023 de la maison Dora-foyer parents-enfant avec présence thérapeutique, pour 1,69 million de francs, avec la FOJ pour mandataire;

- dispositif transitoire de prise en charge en pédagogie spécialisée en 2023, pour 1,5 million de francs;

- placements à domicile (4 familles concomitantes) avec le soutien du TPAE en 2024, pour 2,08 millions de francs, avec AGAPÉ comme mandataire.

Mesdames et Messieurs les députés, vous pouvez considérer que ce n'est pas encore assez, mais vous ne pouvez pas dire que l'administration ne fait rien, car c'est injuste et déloyal, d'autant que vous n'avez pas été aussi curieux que vous auriez dû l'être, sachant que ce sujet, comme vous l'avez dit, est d'une grande importance.

Je dois aussi rappeler certains éléments. Comment en arrive-t-on à être placé en hospitalisation sociale ? Madame Magnin - vous transmettrez, Madame la présidente -, un enfant n'y arrive pas parce qu'il a été retiré à sa famille. L'hospitalisation sociale se produit dans deux cas. Premièrement, si, à la naissance, le personnel soignant est préoccupé par la situation et a besoin de l'évaluer avec la mère, la plupart du temps, ou le père, s'il est là, avant de permettre un retour à domicile avec des mesures adéquates. Voilà la première porte d'entrée.

Deuxièmement, l'hospitalisation sociale peut faire suite à des clauses péril. En tant que magistrate chargée de la police, je les vois passer. Lorsque des policiers arrivent au domicile de petits enfants dont les parents ne s'occupent pas parce qu'ils n'arrivent plus à prendre soin d'eux-mêmes, et donc de leur progéniture, que peuvent-ils faire face à cela ? Ils ne vont pas se substituer aux parents, ils confient par conséquent les enfants à l'UMUS, qui les place en hospitalisation sociale. Il s'agit d'une clause péril, qui vise à protéger ces enfants.

Bien sûr, ça ne devrait durer peut-être que vingt-quatre ou quarante-huit heures; malheureusement, par manque de places, vous l'avez relevé, le placement dure parfois plus longtemps. D'ailleurs, je peux vous donner les chiffres pour 2024, car je les ai: en moyenne, les hospitalisations sociales ont duré environ un mois, toutes catégories confondues, que ce soit les enfants qui restent plus longtemps suite à une prise en charge hospitalière au moment de la naissance ou ceux conduits à l'hôpital en raison de situations qui représentent un danger pour eux et qui exigent une protection et une mise à l'abri.

Il faut savoir que certaines vont durer quarante-huit heures, septante-deux heures; ça ne devrait jamais excéder cette durée, mais évidemment, certaines situations sont plus complexes et nécessitent plus de temps. Ce n'est pas forcément en désaccord avec les parents: pour de nombreuses hospitalisations, les parents ne sont pas écartés du processus. Eux-mêmes sont conscients qu'ils ne peuvent pas offrir un cadre sécurisant à leurs enfants, à leurs tout petits enfants, et qu'il est essentiel de trouver pour ceux-ci une place à l'abri où ils pourront maintenir les relations. Les équipes travaillent aussi à ce que ce lien-là soit conservé.

Bien sûr, chaque cas est un cas de trop, et il ne devrait pas y en avoir. Il faut cependant être pragmatique, Mesdames et Messieurs les députés: nous n'arriverons jamais à trouver une réponse en foyer dans la minute, et un laps de temps sera toujours nécessaire (en espérant qu'il soit le moins long possible) pour que l'on puisse prendre en charge ces enfants et les mettre à l'abri.

En conclusion, je ne peux que vous inviter à traiter ce sujet avec l'importance qu'il mérite en le renvoyant en commission. Il s'agit non pas de décréter, mais de considérer le travail accompli par les éducateurs, le DIP et les HUG, afin de véritablement renforcer le dispositif, en donnant les moyens aux équipes, en trouvant des solutions innovantes et en soutenant l'administration, qui fait tout son possible pour que les hospitalisations sociales se produisent en dernier recours, en cas d'urgence, et durent le moins longtemps possible. Merci.

La présidente. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous votons sur le renvoi à la commission de l'enseignement.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3127 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 46 non contre 43 oui.

La présidente. Le renvoi ayant été refusé, je vous invite, Mesdames et Messieurs, à voter sur l'amendement de Mme Bidaux et cosignataires, dont je vous donne lecture:

«2e invite (nouvelle teneur)

- à veiller à une implication coordonnée de tous les services de l'Etat concernés et du réseau associatif, des communes y compris la mise en place d'un programme ambitieux d'actions préventives en milieu familial (APFM);»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 87 oui contre 1 non.

Mise aux voix, la motion 3127 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 85 oui et 1 abstention (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 3127 Vote nominal