Séance du
jeudi 22 mai 2025 à
17h
3e
législature -
3e
année -
1re
session -
1re
séance
Discours du président sortant
Discours de M. Alberto Velasco, président sortant
Le président. Mesdames et Messieurs, comme vous le savez, c'est ma dernière séance, or il est de coutume que le président sortant prononce un petit discours.
Mesdames et Messieurs les députés, Madame la présidente du Conseil d'Etat, Mesdames les conseillères d'Etat et Monsieur le conseiller d'Etat, Mesdames et Messieurs, je tiens tout d'abord à saluer et à remercier le secrétariat général du Grand Conseil pour son travail; grâce à son engagement, il permet que nos travaux se déroulent dans de bonnes conditions et assure le bon fonctionnement de nos institutions républicaines. Je remercie de même le Conseil d'Etat et tout particulièrement sa présidente, Mme Nathalie Fontanet, pour son assiduité, le suivi de nos débats et ses interventions. Je remercie aussi l'ensemble de la fonction publique qui, par son investissement, garantit la délivrance des prestations publiques.
Permettez-moi d'insister, tout comme je l'ai fait pendant mon allocution inaugurale, sur les trois prestations qui, par les temps qui courent, doivent être assurées à la population genevoise par tous les partis: un logement pour tous les citoyens et citoyennes et habitants et habitantes de ce canton, une école primaire de grande qualité et des prestations de santé accessibles à toute la population - à mon sens, nous, les groupes siégeant au sein de ce parlement, devons tous accepter ces points comme base républicaine. Cela est d'autant plus important à notre époque pleine d'incertitudes. Je profite de l'occasion pour rendre un grand hommage à ces maîtres et maîtresses de l'école primaire et des institutions pré-primaires.
Permettez-moi à présent de formuler à votre intention quelques constats ou remarques, après cette année de présidence, et ce sans aucune prétention si ce n'est celle d'améliorer notre fonctionnement.
Tout d'abord, j'observe que notre ordre du jour s'est réduit, ce qui permet à notre parlement de traiter les objets que vous avez déposés avant qu'ils ne deviennent caducs ou désuets. Cette dynamique a déjà pris place lors de la présidence de notre collègue Mme Céline Zuber-Roy, qui m'a transmis un ordre du jour bien allégé, et grâce à vous, cette évolution favorable s'est poursuivie cette année. Pour preuve, le nombre d'objets non traités lors de notre dernière session s'élevait à 33 points. Parmi ceux-ci, 28 ont été refusés en commission, ce qui revient à dire que notre retard ne concerne que quatre ou cinq objets qui doivent être approuvés ! Cela donne à réfléchir. Ce constat devrait nous amener à rechercher davantage le consensus ou le compromis, en étant prêts à retirer des objets qui n'ont pas trouvé de majorité en commission.
Voici ensuite une remarque sur la dynamique de nos débats. L'apparition des ordinateurs a transformé parfois notre Grand Conseil en un lieu de lecture à l'écran de prises de position ou de rapports de commission, effaçant ainsi la spontanéité des échanges et du débat en plénière. Vous comprendrez qu'avec l'intelligence artificielle, on ne sait plus ou on ne saura plus qui a écrit le texte lu ! Je ne peux que vous conseiller, humblement, de ne pas avoir recours à cette intelligence dite artificielle en gardant votre spontanéité et le sens de l'improvisation dans vos interventions. Mes plus beaux souvenirs remontent à la fin des années 90, quand les députés du parti du Travail, des ouvriers, intervenaient avec conviction, sans notes, en se fondant sur leur expérience. Toute la salle les écoutait, en silence et avec respect ! Il n'y avait pas d'ordinateurs, mais des ouvriers qui siégeaient et qui s'exprimaient avec leur coeur.
Je tiens à rendre hommage à celles et ceux qui manient encore l'art du débat; je pense à l'un de nos collègues dont la prononciation du nom m'a créé bien des difficultés. (Exclamations.) Vous l'avez compris, il s'agit de mon, entre guillemets, «camarade» M. Zweifel ! (Exclamations. Applaudissements. Rires.)
Une voix. Bravo !
Le président. Il fallait que j'y arrive, avant de partir.
Une voix. Oui, vous y êtes arrivé !
Le président. Je le salue ici, car il s'exprime sans lire, certainement sans aide de l'IA, et ses interventions animent nos séances. Il y en a d'autres comme lui mais je ne peux pas les citer toutes et tous. Ces interventions dynamiques, avec des intonations, une gestuelle, un regard, enrichissent nos échanges, les rendent plus humains, me rappellent le parlement de mes débuts et me permettent dans ces derniers moments de présidence de faire l'éloge d'un libéral - de sa diction, s'entend !
Enfin, permettez-moi de faire référence au monde dans lequel nous vivons. Je tiens en premier lieu à vous dire que notre démocratie n'est pas parfaite, puisque en tant qu'êtres humains, nous ne le sommes pas ! Notre démocratie directe, avec cette base populaire aux origines séculaires, est unique. Nous devons la préserver pour les jeunes et les générations futures. Pour que chacune et chacun soit respecté au sein de notre république.
Pour conclure, je vous fais part d'une préoccupation qui porte sur nos jeunes et qui doit nous interpeller en tant qu'élus. D'après les informations publiées, les jeunes générations n'arrivent pas à se projeter ou à se rêver un avenir dans le monde dans lequel nous vivons, ce qui provoque désespoir et détresse. Comment leur donner tort lorsque nous voyons ce qui se passe aujourd'hui, avec les conflits qui ne se résolvent pas, ces milliers d'enfants affamés à Gaza, les objectifs climatiques qui paraissent de plus en plus inatteignables à l'échelle de notre planète ? Je forme le voeu que notre parlement, dans le cadre de ses compétences et à son échelle cantonale, garde à l'esprit la nécessité d'offrir à ces jeunes générations un cadre de vie et des opportunités qui permettent une vie épanouie.
Vive Genève, vive la république, vive la Suisse ! (Longs applaudissements. L'assemblée se lève. M. Thierry Cerutti embrasse M. Alberto Velasco et lui remet un bouquet de fleurs.)
Je suis très ému par vos applaudissements et vous en remercie beaucoup. Je passe la parole à M. Jotterand.
M. Matthieu Jotterand (S). Merci, Monsieur le président. Merci, cher Alberto. Je vais dire quelques mots, garantis sans intelligence artificielle. En revanche, je me suis remémoré quelques anciens discours pour m'en inspirer, avec mon intelligence humaine. J'ai vu que le dernier discours en hommage à une présidence socialiste, celle de Diego Esteban, avait été prononcé par Caroline Marti, qui s'était essayée à quelques chants. Je ne me risquerai pas à cela, mais je rebondirai sur un autre point. Elle avait insisté sur le fait que nous avions alors un président jeune. Aujourd'hui, nous avons à l'inverse un président senior, et je souhaite moi aussi appuyer sur cet élément, parce que trop souvent, en politique, les seniors sont vus parfois comme un facteur de coûts, parfois comme des obstacles, ou alors uniquement sous l'angle de la fin de vie. (Rires.) Eh bien, cher Alberto, tu as prouvé qu'on peut être à la fois senior et au sommet de son art à la présidence du Grand Conseil. Je tenais à le souligner.
Tu es aussi devenu ces jours le doyen du Grand Conseil. En effet, un notable genevois avait tout pour changer les choses, mais a décrété qu'il s'ennuyait et a démissionné. Toi, Alberto, tu es arrivé en tant qu'immigré sans papiers, tu as gravi tous les échelons, tu t'es battu, tu te bats et tu te battras encore pour l'ensemble de la société, et c'est beau. Dans une période difficile, comme tu l'as relevé, c'est un symbole fort, qui doit nous rappeler notre tradition d'accueil à Genève.
Nous avons par ailleurs un point commun, toi et moi: un certain esprit critique. Tu l'as dit pendant ton allocution, pas mal de discours sont écrits à l'avance, puis lus sur ordinateur. Ça m'a mis un peu la pression: aujourd'hui, je n'avais en effet pas le droit de lire mon discours, je n'aurais pas pu allumer mon ordinateur ! D'autant qu'il porte de nombreux stickers - tu nous l'as rappelé tout au long de l'année... (Exclamations.) Mais ils ont survécu ! Cela dit, tu as aussi parfois critiqué la qualité de nos textes; nous nous réjouissons donc de te retrouver sur nos bancs pour avoir de meilleurs textes et entendre d'excellentes interventions spontanées !
Je finirai avec un petit mot sur l'impartialité, qui est certainement très importante pour bien présider. Etre un bon président, c'est être impartial, et peut-être se montrer parfois un peu plus dur avec les siens. En cela et en plein d'autres points, tu as été un excellent président, cher Alberto ! (Rires.) Au nom du groupe socialiste, je t'adresse mes sincères remerciements, toutes mes félicitations, et je viens t'amener ces quelques fleurs. Merci ! (Applaudissements. M. Matthieu Jotterand offre un bouquet de fleurs à M. Alberto Velasco.)
Des voix. Le bisou ! (M. Matthieu Jotterand embrasse M. Alberto Velasco. Applaudissements.)