Séance du vendredi 11 avril 2025 à 18h25
3e législature - 2e année - 12e session - 68e séance

La séance est ouverte à 18h25, sous la présidence de M. Alberto Velasco, président.

Assistent à la séance: Mmes et M. Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat, Thierry Apothéloz et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Antonio Hodgers, Anne Hiltpold, Carole-Anne Kast et Pierre Maudet, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Béné, Natacha Buffet-Desfayes, Vincent Canonica, Thierry Cerutti, Patrick Dimier, David Martin, Yves Nidegger, André Pfeffer, Charles Poncet, Caroline Renold, Philippe de Rougemont, Skender Salihi, Vincent Subilia et François Wolfisberg, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Sebastian Aeschbach, Darius Azarpey, Céline Bartolomucci, Thomas Bruchez, Rémy Burri, Uzma Khamis Vannini, Patrick Lussi, Daniel Noël et Frédéric Saenger.

Annonces et dépôts

Néant.

M 3009-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier la proposition de motion de Julien Nicolet-dit-Félix, Marjorie de Chastonay, Emilie Fernandez, Uzma Khamis Vannini, Léo Peterschmitt, Dilara Bayrak, Angèle-Marie Habiyakare, Pierre Eckert, David Martin, Sophie Bobillier, Lara Atassi, Louise Trottet pour une estimation plus fiable des recettes de l'Etat
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 29 et 30 août 2024.
Rapport de majorité de M. Pierre Nicollier (PLR)
Rapport de minorité de Mme Emilie Fernandez (Ve)

Débat

Le président. Nous poursuivons le traitement de l'ordre du jour avec la M 3009-A, qui est classée en catégorie II, trente minutes. Monsieur Nicollier, vous avez la parole.

M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur de majorité. Monsieur le président, merci beaucoup. Je suis très impressionné face à cette large audience, ça me stresse un peu ! (Rires.) Mesdames et Messieurs les députés, le traitement de cette proposition de motion tombe extrêmement bien, c'est l'occasion de donner quelques explications qui seront bien utiles lors des débats sur les lois visant à préserver les prestations publiques en maîtrisant les charges et les engagements lors de budgets déficitaires - ces fameux deux objets sur lesquels nous voterons au mois de septembre.

La présentation des travaux sur la M 3009 me permet en effet de clarifier certaines inexactitudes crasses qui fleurissent régulièrement dans notre assemblée. Les signataires dénoncent les grandes différences qui peuvent exister entre les recettes prévues dans les budgets et les résultats effectifs figurant aux comptes; ils invitent ainsi le Conseil d'Etat à étudier les méthodes d'évaluation des revenus fiscaux pratiquées dans d'autres cantons pour adapter la nôtre et à faire fi de la sincérité budgétaire lors de prévisions négatives.

Oui, vous avez bien entendu ! Je cite le texte: «à admettre a minima que les recettes projetées pour l'élaboration du budget de l'année suivante ne peuvent être inférieures aux recettes réelles figurant aux comptes de l'année précédente». On se fiche de ce qui pourrait vraiment entrer dans les caisses, on veut juste que ce ne soit pas moins que lors de l'exercice d'avant.

Mesdames et Messieurs, il faut commencer par rappeler que le budget et les comptes constituent des estimations. En particulier pour les comptes, les contribuables n'ont pas rempli leur déclaration d'impôts lors de leur établissement. Pour les budgets, eh bien c'est très logique, il n'est pas nécessaire de l'expliquer.

La méthode de l'AFC a été considérée comme excellente par la Cour des comptes et la commission de contrôle de gestion, même si elle a subi les effets des différentes crises globales traversées ces dernières années. Le canton a toujours insisté sur le caractère extraordinaire de cette période, et il est évident qu'il faut chercher en permanence à s'améliorer pour produire des estimations aussi correctes que possible.

De nombreuses démarches ont été entreprises et présentées lors des auditions en commission. Je vais en mentionner cinq. La première concerne les recettes des personnes morales. Vous savez qu'un questionnaire est envoyé aux grandes entreprises du canton; eh bien le nombre de firmes consultées a doublé, et un coefficient a été ajouté pour éliminer les biais systématiques.

Ensuite, le taux de croissance moyen est désormais calculé de manière distincte pour le commerce de gros, lequel représente la catégorie de personnes morales aux revenus fiscaux les plus hauts. Par ailleurs, le canton s'est rapproché des contribuables les plus importants ainsi que de leurs mandataires afin de mieux connaître leurs perspectives.

L'AFC a également rencontré les administrations fiscales des cantons latins ainsi que celles de Zurich et de Bâle-Ville, puis a adapté ses pratiques en s'inspirant du canton de Zurich, qui met en place des correctifs. Enfin, elle a indiqué prendre maintenant quelques dossiers connus pour définir une tendance qui est alors appliquée aux dossiers similaires.

Le canton n'a aucun intérêt à sous-estimer ou à surestimer des montants. Le principe de sincérité budgétaire est extrêmement important pour le financement de notre dette, cette dette publique nette genevoise qui est toujours la plus élevée d'entre tous les cantons, même après les baisses qu'elle a connues ces dernières années.

Concernant la seconde invite délirante proposant de ne pas prendre en compte les diminutions de recettes, je vous renvoie aux comptes 2024: les revenus de cette année étaient plus bas que ceux de 2023 à hauteur de 481 millions !

Finalement et pour rappel, l'Etat dépense annuellement pour chaque Genevois 7000 francs de plus que dans le canton de Vaud et 8500 francs de plus que dans celui de Zurich. Chaque année ! Avec un fonctionnement similaire au canton de Zurich ou de Vaud, Genève pourrait reverser annuellement à chaque citoyen la somme suivante: 8500 francs si on compare avec Zurich ou 7000 francs par rapport au canton de Vaud. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission vous invite à refuser cet objet.

Mme Emilie Fernandez (Ve), rapporteuse de minorité. Le timing politique est parfois bien adapté: cette proposition de motion, déposée en mars 2024 suite à la présentation des comptes 2023, revient aujourd'hui devant notre plénum alors que nous venons tout juste de prendre connaissance des comptes 2024, ce qui la rend très à propos.

Depuis dix ans, les comptes affichent de meilleurs résultats que ceux évalués au budget, et depuis le covid, ce delta représente quasiment 6,5 milliards. Genève est le champion des budgets hors cible, la marge d'erreur est nettement moindre dans les autres cantons.

Ce texte contient deux requêtes adressées au Conseil d'Etat. D'une part, étudier les différentes méthodes d'estimation des recettes fiscales utilisées dans les autres cantons, dont les prévisions sont plus précises que les nôtres, et s'en inspirer. D'autre part, admettre que les revenus prévus au budget ne puissent être inférieurs à ceux figurant dans les comptes précédents.

Concernant cette seconde invite, même si une telle méthode aurait permis des débats budgétaires plus réalistes ces dernières années, nous avons compris que le principe de sincérité budgétaire ainsi que le respect des normes IPSAS sont incompatibles avec celle-ci; c'est pourquoi nous avons proposé en commission de la retirer, ce que j'ai réitéré dans le rapport de minorité et que nous réitérons ici.

Alors que reste-t-il ? Eh bien simplement un objet qui dresse le constat que le système actuel ne convient pas et qui demande, pas pour le plaisir d'embêter la conseillère d'Etat, mais bel et bien pour lui permettre d'établir des budgets sur la base de données fiables, de revoir cette méthode en se renseignant sur ce qui fonctionne ailleurs.

Il faut rappeler que les erreurs d'estimation se répercutent également sur le budget des communes, où l'écart entre le budget et les comptes s'élève à 30% en moyenne.

La minorité se réjouit de la bonne santé financière du canton. Toutefois, ces inexactitudes faussent complètement le processus budgétaire. En effet, à l'automne, on se serre la ceinture pour éviter autant que possible un budget déficitaire, et on se retrouve en mars avec des comptes excédentaires mirobolants.

C'est bien là que se pose la question de la confiance et de la sincérité budgétaire. Si on limite systématiquement les dépenses destinées au fonctionnement efficace de l'Etat, au soutien de la population précaire ou du tissu associatif alors que les moyens sont en réalité disponibles, on perd en crédibilité et en confiance.

Ce d'autant plus que la majorité de droite tient un discours ambivalent à cet égard: d'un côté, elle affirme que les recettes sont conjoncturelles et peu fiables, car reposant sur un petit nombre de contribuables, de l'autre elle fait voter une baisse d'impôts qui va structurellement impacter ces résultats.

La conseillère d'Etat nous a assuré que l'AFC, consciente de la problématique, avait déjà pris un certain nombre de mesures pour revoir la méthode d'estimation, notamment rencontré les administrations fiscales de cantons comparables au nôtre et soumis notre système à un expert externe pour analyse, ce dont nous nous réjouissons.

Toutefois, nous estimons que c'est le devoir de notre parlement de demander formellement au Conseil d'Etat de continuer à travailler sur ce dispositif jusqu'à l'obtention d'estimations satisfaisantes. C'est précisément l'objectif de cette motion que nous vous invitons à soutenir. (Applaudissements.)

M. Michael Andersen (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je serai assez bref sur cette motion. Bien entendu, nous souhaiterions tous disposer d'une baguette magique afin d'estimer au mieux les rentrées fiscales dans le cadre du processus budgétaire. Bien entendu - et cela a été reconnu par Mme la conseillère d'Etat -, la méthode d'estimation est perfectible, mais elle est déjà améliorée année après année.

L'administration fiscale cantonale oeuvre précisément pour essayer de se rapprocher le plus possible des recettes effectives tout en développant une vraie méthode, il ne s'agit pas juste de dire: «On reprendra les montants des années précédentes.»

Je rappelle également qu'un panel d'entreprises est consulté, celles qui peuvent faire varier de manière importante les prévisions budgétaires, et l'Etat investit dans ce dispositif d'année en année.

Il faut encore ajouter, eu égard aux crises géopolitiques que nous traversons, que les revenus extraordinaires de ces dernières années ne sont pas forcément pérennes. Il y a certes eu des résultats exceptionnels, mais cela ne signifie pas que le processus budgétaire est biaisé, bien au contraire.

S'agissant des deux invites, tout d'abord de la première qui demande au Conseil d'Etat d'étudier les méthodes des autres cantons, Mme la conseillère d'Etat nous a indiqué, lors de son audition, qu'en 2021, quinze cantons en Suisse affichaient des écarts considérables entre les sommes budgétées et les recettes réelles tandis qu'en 2022, dix-sept cantons se trouvaient dans cette même situation: donc non, Genève ne fait pas moins bien que les autres, Genève ne doit pas forcément aller s'inspirer des pratiques des autres.

Ce d'autant plus que Genève a adopté les normes IPSAS - ce qui n'est pas le cas de tous les autres cantons -, lesquelles nécessitent une méthode fiable; il ne s'agit pas juste de dire: «On reprendra les chiffres de l'année d'avant.» Ainsi, la première invite est complètement inutile, elle ne sert fondamentalement à rien: Genève travaille d'ores et déjà avec les autres cantons, et ceux-ci ne font pas mieux.

Quant à la deuxième invite, consistant à reprendre ce qui a été effectué les années précédentes, elle ne tient pas la route en raison des normes que le canton de Genève se doit de respecter.

In fine - et la rapporteure de minorité elle-même l'a énoncé -, ce qui est visé à travers ce texte, c'est d'engranger beaucoup plus de revenus pour pouvoir dépenser plus, toujours plus. On connaît la politique de la gauche, ce n'est pas la sincérité budgétaire, mais une explosion des dépenses publiques. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à rejeter fermement cet objet. Je vous remercie, Monsieur le président.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion a été déposée en mars 2024 suite à l'annonce, ô combien surprenante, des comptes 2023 qui faisaient état de revenus extraordinaires. Ce qui est surprenant à ce stade, c'est la récurrence des mauvaises estimations, et ce qui frappe, c'est la hauteur du montant des rentrées exceptionnelles. L'extraordinaire devient ordinaire et se répète lors de chaque exercice. D'ailleurs, il vient de se reproduire il y a quelques jours encore dans le cadre de la présentation des comptes 2024.

Alors nous, les Vertes et les Verts, nous nous questionnons, soit sur la méthode de calcul, soit sur l'intention, parce que le sujet n'est pas anodin, cela peut avoir un impact réel sur la vie des gens. Oui, des prévisions fiscales erronées biaisent le processus budgétaire. Qu'est-ce que cela signifie ? Que les débats sont faussés, autrement dit que les données nous induisent en erreur.

Or quand nous, députés, menons nos discussions sur le budget, toute une série de négociations, d'amendements, d'arbitrages ont lieu. Concrètement, cela veut dire que des postes de travail nécessaires à la délivrance de prestations publiques sont en jeu, des postes pour réaliser les investissements votés par le Grand Conseil, des postes pour répondre aux besoins de la population.

Les erreurs d'estimation ont également des répercussions sur le soutien aux associations via l'octroi de subventions... (Brouhaha.)

Le président. Je vous coupe un instant, Madame la députée, excusez-moi. Ecoutez, Mesdames et Messieurs, vous avez eu droit à vingt-cinq minutes de pause tout à l'heure, alors pouvez-vous laisser notre camarade poursuivre son intervention ? Un peu de respect, s'il vous plaît !

Mme Marjorie de Chastonay. Merci, Monsieur le président. Je disais donc que des chiffres inexacts peuvent induire en erreur, notamment lorsque nous votons des subventions aux organisations reconnues d'utilité publique. Enfin, cela peut atteindre les conditions de travail de la fonction publique, car il faut savoir que le Conseil d'Etat utilise systématiquement celle-ci comme variable d'ajustement, que ce soit par l'annuité, l'indexation ou d'autres mesures encore.

Pour toutes ces raisons, pour gagner en crédibilité lors des débats budgétaires - parce qu'au final, c'est ça qui est en jeu -, parce que cette année encore, les comptes 2024 ont été bouclés sur un excédent extraordinaire alors que le budget 2025 avait été voté au rabais... A ce sujet, je rebondis sur ce qui a été soutenu tout à l'heure par M. Nicollier ou par M. Andersen - vous transmettrez, Monsieur le président - à propos de la gauche: non, notre but n'est pas de dépenser à tout-va; non, nous souhaitons simplement fournir des prestations de qualité, et il est essentiel de disposer d'estimations précises pour ce faire.

Enfin et surtout, nous ne voulons pas être bloqués par des lois dites corsets qui seront justement soumises à la population en septembre prochain, qui empêcheront le Grand Conseil et le Conseil d'Etat, en cas de budget déficitaire, de donner des moyens quand les besoins augmentent. C'est là que c'est important: en cas de budget déficitaire. Si le budget est déficitaire, on ne pourra plus octroyer de ressources, on ne pourra plus délivrer de prestations de qualité. Voilà pourquoi cette motion telle qu'amendée a toute son importance, et je vous recommande vivement de la soutenir. Merci. (Applaudissements.)

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, en ce qui me concerne, je me pose quand même quelques questions, j'ai presque un petit sourire en coin quand j'entends les représentants de la majorité politique nous parler, la bouche en coeur, de sincérité budgétaire. Quand, dans les faits, les prévisions s'avèrent sous-évaluées depuis tant d'années, je me demande comment on peut encore venir prétendre, Mesdames et Messieurs, qu'il n'y a aucun problème, que les estimations sont très bien effectuées et que c'est en réalité la gauche qui tenterait de maquiller le système pour dépenser davantage.

Comment peut-on être fondamentalement contre, Monsieur Andersen - vous transmettrez, Monsieur le président -, une comparaison avec les autres cantons pour essayer de voir de quelle façon il serait possible d'affiner quelque peu ces évaluations ?

Evidemment, s'il était juste question de chiffres, ce ne serait pas si grave, mais ces projections - et c'est là que l'on comprend les intentions véritables de la majorité politique du canton - ont un impact fondamental, parce que cette même majorité a mis en place tout un arsenal afin de limiter les dépenses précisément en fonction des prévisions, qu'il s'agisse du mécanisme de frein à l'endettement ou des lois corsets, par exemple.

Voilà pourquoi j'ai un demi-sourire, parce que ce qui intéresse la droite, ce n'est pas vraiment la sincérité budgétaire, c'est de pouvoir faire fonctionner à plein régime les dispositifs de corsetage, de pouvoir trancher à la hache dans les budgets, année après année.

Je ne sais plus quel préopinant a indiqué: «Il n'y a pas d'intérêt à sous-estimer des montants.» Mais bien sûr que si ! Il y a clairement un intérêt par rapport aux mécanismes que vous avez institués ! Ce que nous dénonçons, au groupe socialiste, c'est qu'une majorité politique dans ce canton, au sein du Conseil d'Etat et du Grand Conseil, s'accommode, exercice après exercice, de la sous-évaluation des recettes, précisément parce que cela lui permet d'effectuer des coupes à son aise. Voilà le projet politique !

Le rapporteur de majorité compare pommes et poires, comme d'habitude: on met en parallèle les dépenses à Genève avec celles des autres cantons sans même plus se préoccuper des rentrées fiscales - pour le coup, on tombe carrément les masques - et sans se préoccuper non plus des différences dans la répartition des compétences.

On voit bien là, Mesdames et Messieurs les députés, le projet politique qui est celui de la majorité de notre canton: il s'agit de trancher à la hache dans les budgets, et dans ce but, eh bien on s'accommode de sous-estimations fiscales. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Le groupe MCG pourrait-il tenir son caucus à l'extérieur ? Merci. La parole est à M. Zweifel.

M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme le rapporteur de majorité l'a indiqué, cette proposition de motion comprend deux invites. La première explique en gros que le département des finances ne sait pas évaluer les recettes fiscales dans le cadre de l'élaboration du budget et qu'il faut par conséquent procéder autrement.

Alors moi je vous renvoie, pour ceux que ça intéresse, au rapport du réviseur, c'est-à-dire de la Cour des comptes, qui écrit - je vais le lire, comme ça vous ne pourrez pas prétendre que c'est de moi, puisqu'il y a tout un paragraphe à ce sujet: «Nous avons constaté l'enregistrement de correctifs importants sur l'année 2024.» L'explication suit: «Ces éléments résultent principalement de la performance remarquable du secteur du commerce de gros en 2023, bien moins marquée qu'en 2022» - voilà l'explication. «Les estimations sont établies sur la base d'un taux de croissance moyen» - l'explication continue. «Depuis 2023 et afin d'affiner les estimations, deux taux sont calculés», l'un comprenant l'activité des entreprises de commerce de gros, l'autre sur les autres entreprises du canton - le travail a donc été réalisé.

Et voici la conclusion du réviseur, à savoir de la Cour des comptes, à moins que quelqu'un dans cette salle - M. Mizrahi, par exemple - s'estime meilleur que cette institution pour énoncer les bonnes mesures à prendre: «Sur la base de nos travaux, nous considérons que les modèles et les hypothèses sont plausibles, les bases de données utilisées sont jugées fiables.» Ça, c'était pour la première invite.

Concernant la deuxième invite, j'en reviens également à M. Mizrahi, qui déclare qu'on sous-estime les revenus fiscaux dans le but de couper à la hache dans les charges, ce que nous aurions fait, soutient-il, toutes ces dernières années. Eh bien rappelons, Mesdames et Messieurs, qu'entre 2011 et 2024, la population de ce canton a augmenté de 14% tandis que les charges, elles - coupées à la hache par la majorité de droite -, ont baissé... Ah non, pardon: elles ont progressé de 33% !

Monsieur Mizrahi, j'ignore dans quel sens on tenait la hache, mais apparemment, ça n'a pas fonctionné ! Alors n'hésitez pas non plus, en plus des cours que vous entendez nous donner sur la révision et l'estimation, à venir nous expliquer comment manipuler une hache pour trancher dans les comptes, parce qu'on n'y arrive manifestement pas. Je suis preneur, dites-le à vos collègues de la commission des finances, et je les retrouverai au prochain budget.

Mesdames et Messieurs les députés, vous l'avez compris, il s'agit ici simplement de faire preuve d'un peu de bon sens, un bon sens qui consiste à refuser le présent texte, puisque sa seconde invite vise précisément à maquiller le budget afin de disposer de davantage de moyens pour dépenser plus.

Le jour où une crise surviendra après qu'on aura dépensé plus, pour trouver davantage de recettes, on nous donnera la solution socialiste que tout le monde connaît: augmenter les impôts ! Admettez-le: vous voulez augmenter les impôts ! Eh bien ce n'est pas notre cas, nous refuserons cette motion et continuerons à oeuvrer pour baisser les impôts. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo.

M. Jacques Blondin (LC). Mesdames et Messieurs les députés, l'avantage de prendre la parole en dernier, c'est que je n'ai pas besoin de répéter ce qui a été excellemment formulé par mon préopinant.

Pour ma part, je voudrais revenir sur le principe de sincérité budgétaire. Il est très facile de remettre en cause le travail effectué à l'administration fiscale, surtout après quelques années qui sont maintenant derrière nous, qui se sont révélées exceptionnelles et qui, effectivement, ont conduit à des écarts par rapport aux prévisions.

Cependant, des correctifs ont été mis en place, et on est déjà en train de les expérimenter. Le panel des entreprises consultées a été considérablement élargi, et s'agissant de l'exercice en cours - Mme la conseillère d'Etat nous en parlera -, un correctif très significatif (de mémoire, à hauteur de 300 millions) a déjà été apporté au budget. Ces mesures vont dans le sens de ce que la gauche demande.

Il se trouve que nous discutons aujourd'hui de cette problématique, j'espère juste qu'il n'y aura pas à craindre que l'état actuel de l'économie fasse que le correctif ne soit pas tombé au meilleur des moments - j'espère que je me trompe. Mais à mes yeux, le travail a été accompli.

Effectivement, le principe de sincérité budgétaire - et la commission des finances y est très attentive - doit être appliqué. Je crois que c'est le cas, la Cour des comptes nous a dernièrement confirmé que les choses étaient effectuées correctement.

Le résultat extraordinaire que le commerce de gros a réalisé ces dernières années nous a amené une manne financière exceptionnelle; il est à redouter qu'elle disparaisse en fonction de ce qui risque de se passer, mais pour l'exercice en cours, c'est-à-dire l'année 2025, un correctif important par rapport au budget a été ajouté dans les comptes 2024 que nous présenterons sous peu.

C'est la raison pour laquelle ces deux invites n'ont absolument aucune raison d'être. Je ne reviendrai pas sur la première. Quant à la deuxième, cela revient à jouer à la roulette, parce que les chiffres ne reposent sur rien. De ce point de vue là, j'estime qu'il serait dangereux d'entrer en matière.

Patience avant de voir ce qui se passera l'année prochaine, en espérant que nous restions dans les clous et enregistrions encore un excédent par rapport au budget. Les budgets sont des prévisions ou des prédictions, certains les interprètent de manière différente, mais le travail est réalisé, donc nous vous incitons à refuser cette motion. Merci.

Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, comme l'ont souligné tant M. le rapporteur de majorité que Mme la rapporteure de minorité, l'AFC est tout à fait consciente que pendant les exercices exceptionnels qu'ont constitué les années 2021, 2022 et 2023, la méthode d'évaluation employée n'a manifestement pas tenu compte d'événements extraordinaires tels que ceux survenus.

C'est la raison pour laquelle des mesures ont été adoptées. Certaines ont déjà été citées: augmentation importante du nombre d'entreprises consultées, contacts directs pris avec une partie des contribuables, rencontres organisées avec d'autres cantons qui appliquent également les normes IPSAS. Il est évidemment important, dans le cadre des estimations, de rencontrer les... (Brouhaha.)

Le président. Excusez-moi, Madame la présidente. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, pourriez-vous faire silence ? Un peu de respect, merci !

Mme Nathalie Fontanet. Je vous remercie, Monsieur le président. Il est évidemment important de rencontrer les représentants des cantons qui appliquent les mêmes normes que Genève, qui sont tenus à des exigences similaires en matière comptable.

Nous avons aussi, Mesdames et Messieurs, procédé à des ajustements en prenant des mesures financières qui modifient les prévisions budgétaires pour prendre en considération différents éléments. Très clairement, le budget 2023 ne contenait pas de mesures financières, donc d'ajustements des estimations. Dans le budget 2024, il y en avait à hauteur de 167 millions, soit une anticipation des correctifs pour les impôts périodiques ainsi qu'un montant supplémentaire pour les impôts non périodiques.

Quant au budget 2025, Mesdames et Messieurs les députés - et nous aurons l'occasion, lors des comptes 2025, de constater si nous avons été trop optimistes ou pessimistes -, il comprend des ajustements et des modifications pour 363 millions de francs, à savoir une anticipation des correctifs d'estimation pour les impôts périodiques de 169 millions et une amplification de l'impôt des personnes morales afin de corriger les biais dans les réponses du panel.

Nous avons analysé tous les résultats des panels d'entreprises sur les dix derniers exercices pour déterminer la différence entre le moment où une société évalue le montant de son impôt pour l'année qu'elle ne connaît pas encore, c'est-à-dire l'année à venir, et celui où elle nous communique son estimation; bien sûr, c'est celle-ci que nous utilisons pour le projet de budget, parce que l'entreprise ne sait pas ce qui va se passer l'année à venir, elle procède à une projection.

Ensuite, nous avons comparé ces chiffres avec les taxations effectives, et nous nous sommes rendu compte qu'il y avait effectivement un biais négatif, ce qui est toutefois assez normal, car on ignore dans quelle situation on risque de se retrouver, il y a des incertitudes, on ne connaît pas l'avenir, les entreprises pas plus que les économètres ne sont en mesure de prédire le futur. Partant, nous avons ajusté les sommes avec une modification de 148 millions.

Nous pensons que ces différentes mesures seront efficaces. Nous avons déjà pu constater un retour à la normale des recettes des personnes morales en 2024, donc la période exceptionnelle qu'ont représentée les années 2021, 2022 - surtout 2022 - et 2023 est passée. Nous avons également observé un recul du secteur du commerce de gros, qui ne réalise déjà plus, sur la base des comptes 2024, les mêmes recettes que celles enregistrées aux comptes 2023 et 2022. Aux yeux du Conseil d'Etat, les dispositions nécessaires ont été prises.

Enfin, nous avons sollicité une expertise (qui est en cours) pour déterminer s'il reste des pistes d'amélioration dans le cadre de nos prévisions fiscales. Sur la base de l'ensemble de ces éléments, nous estimons qu'il a été plus que répondu à la présente motion et qu'elle est aujourd'hui inutile. Au nom du Conseil d'Etat, nous vous recommandons dès lors de la rejeter. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs.

Le président. Merci, Madame la présidente du Grand Conseil... du Conseil d'Etat ! (Remarque.) Mais elle l'a peut-être été aussi, je n'en sais rien. (Commentaires.) Peut-être ! (Commentaires.)

Une voix. Je vous propose d'échanger vos places, Monsieur le président, vous pouvez venir jouer à «Vis ma vie» pendant une semaine !

Le président. C'est la dernière fois que je peux dire ça, donc je profite ! Elle le méritait, de toute façon. Enfin bref... Mesdames et Messieurs, nous passons à la procédure de vote. Avant de mettre aux voix la prise en considération de cet objet, je vous invite à vous prononcer sur la demande d'amendement de la minorité visant à biffer la deuxième invite.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 40 oui. (Exclamations à l'annonce du résultat.)

Mise aux voix, la proposition de motion 3009 est rejetée par 56 non contre 28 oui (vote nominal).

Vote nominal

R 903-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier la proposition de résolution de Diego Esteban, Jean Batou, Patricia Bidaux, Cyril Mizrahi, Yves de Matteis pour les droits des personnes LGBTI+ (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 21 et 22 novembre 2024.
Rapport de majorité de Mme Christina Meissner (LC)
Rapport de première minorité de M. Matthieu Jotterand (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Yves de Matteis (Ve)

Débat

Le président. Nous abordons le point suivant, soit la R 903-A, en catégorie II, trente minutes. Madame Meissner, vous avez la parole.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, on va remonter un petit peu dans le temps - je vous prie de m'en excuser. Pour rappel, la R 903 est issue des travaux de commission sur la R 858, toutes deux traitant de l'égalité des droits des personnes LGBTI+. Ces deux résolutions ont fait l'objet d'un rapport très complet déposé le 2 décembre 2019, soit il y a près de six ans, auquel il est vivement recommandé de se référer pour bien comprendre le contexte; pour ma part, je vais me limiter à un résumé.

En 2019, donc, la commission des Droits de l'Homme a étudié la R 858 «pour l'égalité des droits des personnes LGBTI+». Celle-ci déployant de nombreuses invites très différentes, les commissaires sont convenus d'élaborer un nouveau texte de commission ciblé sur les discriminations, qui est devenu la R 903.

Voici la situation en 2024, année où le présent rapport a été déposé. Sur les trois invites de la R 903, les deux premières ont été réalisées: le droit de prendre leurs propres décisions concernant les traitements et soins médicaux est garanti pour les personnes LGBTIQ+ (j'ai l'impression qu'il y a toujours une lettre de plus) grâce à la LED-Genre entre-temps adoptée, tandis que le changement de genre à l'état civil est aujourd'hui possible sans le conditionner à une quelconque intervention.

Quant à la dernière invite demandant l'introduction d'un troisième sexe, la question a été traitée par l'Assemblée fédérale et a fait l'objet d'un rapport exhaustif daté du 21 décembre 2022. A l'issue des débats parlementaires sur le sujet, il a été décidé que le système juridique actuel de la binarité (masculin/féminin) doit être maintenu jusqu'à nouvel avis et que la renonciation à la mention du sexe demeure inadmissible.

Par la suite, le 8 juin 2023, lors de la révision de l'article du code civil consacré à l'inscription du sexe, le Tribunal fédéral ne s'est pas écarté de la volonté expresse du législateur: il s'en est tenu à la structure binaire (masculin/féminin) et a refusé que le genre soit effacé du registre des naissances et de l'état civil. Dont acte.

Compte tenu du fait que deux invites ont été mises en oeuvre et que l'Assemblée fédérale s'est déjà prononcée par la négative sur la demande contenue dans la troisième invite, il n'y aurait aucun sens à renvoyer à la même instance une proposition sur laquelle elle a déjà tranché, et le Tribunal fédéral de surcroît aussi. Partant, la majorité de la commission vous recommande de rejeter cet objet. Je vous remercie.

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de première minorité. D'abord, Mesdames et Messieurs, j'aimerais recadrer quelque peu le champ de cette résolution, puisque Mme la rapporteuse de majorité semble se perdre entre les cinq ou six lettres de l'acronyme LGBTIQ+. En l'espèce, il est vraiment question de l'identité de genre, et non de l'orientation sexuelle, je crois qu'il est très important de le souligner. Pourquoi ? Parce que nous vivons, à l'échelle mondiale - pas seulement à Genève -, des temps relativement sombres où l'identité de genre est manipulée: les personnes transgenres, ultraminoritaires, sont utilisées comme cheval de Troie par le mouvement réactionnaire international, dont Trump et Musk représentent les fers de lance, pour attaquer les minorités et monter le monde contre elles.

On observe exactement la même tendance à Genève. Sur cette même thématique de l'identité de genre, on est face à une résolution qui a déjà par trop traîné, et je pense que c'est assez symptomatique de cette mouvance. Lors de la législature précédente, en effet, la commission était prête à s'emparer du sujet et rédigeait une résolution en faveur de ces personnes qui ont souvent besoin de soutien, qui sont ultraminoritaires, qui subissent malheureusement beaucoup de transphobie. Puis, la composition du parlement a changé, ce parlement dont l'un des membres a, dans sa descendance directe, une personne si ce n'est non binaire, du moins transgenre, et qui se fait dès lors le pourfendeur de cela - j'ai nommé notre Elon Musk local. Ainsi, on se retrouve dans une situation où un droit fondamental est attaqué.

En effet, dans cette résolution on voit certes que deux invites ont déjà été traitées, respectivement refusées, mais il y a une dernière invite traitant de l'autodétermination des personnes transgenres. Or c'est précisément sur ce sujet que nous devons nous pencher. L'autodétermination, Mesdames et Messieurs, pour une personne capable de discernement, qu'elle soit mineure ou majeure, constitue un droit fondamental: quand nous sommes capables de discernement, nous disposons du droit fondamental à l'autodétermination, même si cela ne convient pas à Elon Musk, à Donald Trump ou à l'UDC genevoise. Voilà pourquoi il est essentiel de défendre ce droit fondamental. Dans cette perspective, le présent texte est loin d'être anodin.

Vous aurez remarqué que notre commission des droits humains maintient en son sein deux projets dont elle est saisie actuellement, ce qui est très révélateur du revirement complet de mentalité que j'évoquais. D'une part, un texte sur l'interdiction des thérapies de conversion visant l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, qui avait pourtant fait l'unanimité parmi nous lors de la dernière législature (il avait été voté quasiment à l'unanimité, moins une ou deux abstentions du côté de l'UDC), n'arrive désormais plus à ressortir de commission. Pour quelle raison ? Ce ne sont pas tant les thérapies de conversion contre l'orientation sexuelle qui posent problème, mais plutôt celles contre l'identité de genre: il n'est plus possible de réunir une majorité en la matière dans cette commission, et probablement dans ce Grand Conseil non plus.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Matthieu Jotterand. Cinq ans à peine se sont écoulés, mais les choses ont changé du tout au tout, et c'est la plus faible des minorités qui en paie le prix; on l'attaque parce que ses représentants sont numériquement très faibles, parce qu'ils sont souvent en proie à d'autres problèmes, ce qui est très regrettable.

D'autre part, je citerai un projet de loi inacceptable et contraire au droit fédéral dont l'objectif est dénoncé par le milieu médical lui-même, à savoir l'interdiction de toute intervention - c'est déjà mal défini - sur les personnes transgenres mineures. Bien qu'il soit contraire au droit supérieur, bien que les acteurs de la médecine nous disent de ne pas faire cela, eh bien il est toujours bloqué en commission.

D'ailleurs, la présente résolution a été bloquée, elle aussi: abordée en plénière il y a peu (c'était il y a quelques mois), elle a été renvoyée en commission parce qu'il fallait - prétendument - absolument la retravailler; elle a été traitée pendant vingt minutes, entre deux portes, et est de retour maintenant. Le délai donné pour la reddition du rapport était de plus de quatre mois, ce qui est complètement inhabituel, et en plus celui-ci a été déposé avec un net retard. Et pourquoi cela ? Eh bien aujourd'hui, Mesdames et Messieurs de la droite - vous transmettrez, Monsieur le président -, vous allez devoir vous exprimer sur le fait que vous souhaitez restreindre le droit à l'autodétermination de personnes capables de discernement ! (Applaudissements.)

M. Yves de Matteis (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Oui, on argue souvent que les résolutions genevoises sont mal reçues à Berne (j'anticipe un petit peu), où la plupart des partis présents ici sont représentés au sein des deux Chambres. Cela signifie-t-il pour autant que ces textes sont inutiles ? Si c'était le cas, eh bien ce levier n'existerait tout simplement pas.

Par ailleurs, nous avons presque toutes et tous déjà voté en faveur d'une proposition adressée à l'Assemblée fédérale; citons la R 1038, la R 1044, la R 1035, la R 1026 sur le conflit israélo-palestinien, la R 1044 relative au Haut-Karabagh, la R 1042 pour la défense des espèces menacées et la libération de Paul Watson, des résolutions qui portent toutes sur des sujets clairement en dehors du champ de nos compétences cantonales. La R 903 qui nous occupe ici, quant à elle, concerne des personnes vivant sur notre territoire, y compris dans notre canton, ce qui devrait plutôt convaincre les députés rétifs à l'exercice.

Un autre argument pour justifier le refus de cet objet consiste à déclarer - cela a été fait - que certaines de ses invites sont caduques. C'est vrai, mais ce n'est pas surprenant vu le temps perdu avec son renvoi en commission pour qu'il y soit abordé vingt minutes sans la moindre audition et vu le temps qu'il a fallu avant que le rapport nous parvienne. La résolution a été déposée en 2019, nous sommes en 2025. Bien sûr, nous n'avons pas eu le temps de discuter de possibles modifications en commission compte tenu du traitement expéditif qui lui a été réservé.

C'est la raison pour laquelle plusieurs amendements vous sont soumis aujourd'hui. Il s'agit de restituer l'esprit initial du texte tout en renouvelant sa pertinence, en le mettant davantage en cohérence avec l'actualité. En effet, beaucoup de choses se sont passées ces derniers mois: pas plus tard qu'en novembre dernier, par exemple, la Commission nationale d'éthique a communiqué une prise de position sur ce thème tandis qu'en mars, soit il y a un mois à peine, un document encore plus important, valable pour la Suisse, l'Allemagne et l'Autriche, a été publié par l'association des sociétés scientifiques et médicales en Allemagne.

N'étant pas concerné spécifiquement par ce sujet et ne possédant pas de compétences dans le domaine, j'ai pris la peine de prendre conseil auprès d'organismes spécialisés, comme l'association ÉPICÈNE ou la Fédération genevoise des associations LGBT qui avaient d'ailleurs été consultées lors de la rédaction de la LED-Genre, loi votée très largement par notre parlement. J'en profite pour remercier au passage ces organisations.

Cela m'a conduit à vous présenter trois amendements. Tout d'abord, en lieu et place de la première invite, caduque, nous pourrions adopter une disposition demandant à l'Assemblée fédérale de rappeler leurs devoirs aux caisses d'assurance-maladie, lesquelles, bien que tenues de rembourser l'intégralité des prestations médicales et chirurgicales liées à la transition de genre, renâclent souvent à le faire ou s'exécutent dans des délais trop longs.

Ensuite, la deuxième invite pourrait être avantageusement remplacée par un texte demandant aux Chambres fédérales soit d'élargir l'accès à la démarche facilitée de changement de prénom aux personnes trans ne souhaitant pas - ou pas encore - opérer une transition légale, soit de permettre l'identification à un genre neutre. Rappelons tout de même que l'Office fédéral de l'état civil, pour sa part, n'a pas encore clarifié par circulaire à quelles conditions une modification de prénom sans changement de la mention du sexe pourrait être obtenue.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Yves de Matteis. Merci, Monsieur le président. La troisième invite, à mon sens, n'a pas vraiment besoin d'être modifiée et pourrait être maintenue. Il est vrai que les instances fédérales se sont déjà prononcées à ce propos, mais on a aussi déjà constaté, par exemple avec les signes nazis, qu'elles pouvaient tout à coup entrer en matière après avoir refusé de le faire pendant des années, ce n'est pas très nouveau - seuls les imbéciles ne changent pas d'avis.

En revanche, il est un point qui ne pouvait pas encore être mentionné dans cette résolution déposée fin décembre 2019. En effet, il se trouve que six mois plus tard, soit le 1er juillet 2020, l'article 261bis du code pénal ainsi que l'article 171c du code pénal militaire, tous deux dédiés à l'interdiction des discriminations raciales, ont été élargis à la protection contre la discrimination basée sur l'orientation sexuelle, ce qui concerne donc les personnes hétérosexuelles, homosexuelles ou bisexuelles.

Or les personnes trans ont été écartées - ou à tout le moins oubliées - dans cette disposition. Il y a là clairement un manquement, il est dès lors nécessaire d'agir et de pallier celui-ci. Il est en effet totalement légitime, pour des raisons d'égalité de traitement, d'inclure l'identité de genre et l'expression de genre, au même titre que l'orientation sexuelle, dans les articles 261bis du code pénal et 171c du code pénal militaire.

Ce sont précisément ces principes d'égalité et de non-discrimination que le canton de Genève a suivis en édictant la LED-Genre, qui est en vigueur depuis juillet 2023. A son chapitre 1, article 1, alinéa 2, lettre b, elle dispose que le but est de «lutter contre les violences et les discriminations fondées sur le sexe, l'orientation affective et sexuelle, l'identité de genre, l'expression de genre et l'intersexuation». A ce titre, il est donc logique que Genève, canton pionnier en la matière, demande à la Berne fédérale d'intervenir afin que le code pénal et le code pénal militaire interdisent également les discriminations basées sur l'identité de genre et l'expression de genre, comme c'est déjà le cas pour l'orientation sexuelle.

Hier soir, Mme Fontanet, présidente du Conseil d'Etat - qui avait d'ailleurs présenté le projet de loi LED-Genre -, a rappelé que notre canton était le fer de lance (ou du moins l'un des fers de lance) de la lutte pour les droits humains. Je suis entièrement d'accord avec elle et je pense que nous pourrions effectivement inspirer la Confédération en la matière, comme nous l'avons déjà fait à d'autres reprises. Signalons que Genève avait été le premier canton suisse à disposer d'un partenariat enregistré, et ce en 2001, bien avant que ce régime soit introduit au niveau national en 2007, suivi par l'extension de l'institution du mariage pour les couples de même sexe en 2022.

Pour toutes ces raisons, chers collègues, non seulement je vous incite à adopter les trois amendements (en particulier le plus important, à mon avis, à savoir le dernier ajoutant une quatrième invite) afin de remédier à une discrimination injustifiable et injustifiée, mais pour des raisons de transparence, je sollicite le vote nominal sur chacun d'entre eux. Je vous remercie de votre attention. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Mesdames et Messieurs, je ne vais pas créer de suspense: le groupe PLR s'opposait à la résolution telle qu'issue des travaux de commission, il s'opposera également aux amendements présentés aujourd'hui, lesquels constituent une pure réécriture du texte. Il aurait été plus simple de déposer un nouvel objet - mais cela nous évitera au moins de devoir traiter le sujet une fois de plus en commission.

Pour répondre à la remarque sur les Chambres fédérales, vous savez que, de manière générale, le PLR n'est pas favorable au renvoi de résolutions genevoises à Berne. Certes, nous tolérons parfois - rarement ! - une exception quand nous estimons que l'une d'entre elles présente une vraie plus-value. En l'espèce, nous ne constatons pas de valeur ajoutée: cette problématique est connue à l'Assemblée fédérale, elle y a déjà été abordée, donc nous ne voyons pas l'intérêt de revenir à la charge avec un objet adressé aux Chambres fédérales.

Concernant l'évolution de notre position, je reconnais tout à fait qu'entre 2018, lorsque nous avons adopté la loi sur l'égalité (à l'époque, j'étais rapporteure de majorité), et aujourd'hui, c'est-à-dire sept ans plus tard, ma perspective a clairement changé; du reste, honnêtement, je ne crois pas que je revoterais cette loi telle quelle actuellement. (Exclamations.)

Cette évolution résulte aussi d'un constat que j'ai dressé: dès qu'on accorde un droit, les gens reparaissent aussitôt avec une nouvelle demande ! Les amendements présentés ici par la deuxième minorité en sont le parfait exemple: nous avons accédé à une première requête, et hop, on revient avec une deuxième ! On revendique des droits pour les personnes trans, nous les leur donnons, et on entend: «Ah, mais maintenant, il faut les attribuer aux non-binaires.» Or pour que les non-binaires en bénéficient, la majorité de la société doit adapter son langage afin de les inclure... (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs ! Pouvez-vous laisser l'oratrice s'exprimer ? Merci. Je vous en prie, Madame, reprenez.

Mme Céline Zuber-Roy. Je vous remercie, Monsieur le président. Ensuite, c'est sûr, une fois que nous aurons consacré des droits pour les représentants de la non-binarité, nous devrons tous parler en utilisant le pronom «iel» et je ne sais quelles autres expressions qu'on n'a pas encore inventées - «collaborateurice» et ainsi de suite.

Non ! A un moment donné, nous répondons: non ! Peut-être que nous l'avons formulé trop tard, mais désormais les choses sont claires: il existe une réalité biologique, il y a des hommes, il y a des femmes. (Commentaires.) Assurément, certaines personnes peuvent ne pas se sentir bien dans leur corps et, dans ce cas, elles doivent pouvoir effectuer une transition, mais l'entre-deux ne représente pas la réalité biologique. Pour finir, je demeure convaincue que nous ferions mieux... (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît ! Merci de laisser notre collègue intervenir !

Mme Céline Zuber-Roy. Je suis convaincue que nous ferions beaucoup mieux de lutter contre les stéréotypes liés au genre ou au sexe de façon à laisser les gens vivre comme ils l'entendent. Si nous avions moins d'idées préconçues sur ce que devrait être un homme, ce qu'est censée être une femme, comment un homme est censé agir ou comment une femme est supposée se comporter, il y aurait certainement moins de personnes se sentant mal dans leur corps.

Je pense que nous aurions meilleur temps d'oeuvrer sur ce plan, mais à force de tout rapporter à des questions de genre, nous n'allons pas du tout dans ce sens. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PLR rejettera tous les amendements ainsi que la résolution. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements. Commentaires.)

Des voix. Bravo !

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, peu de personnes osent prendre la parole sur ce thème, ce que je trouve dommage. Il s'agit pourtant, c'est vrai, d'un sujet de société important.

Je voudrais juste réagir aux dires de notre collègue selon lesquels, du moment que les gens possèdent la capacité de discernement, il faudrait les laisser changer de sexe s'ils le souhaitent. Mais nous avons tout de même le devoir de protéger ces jeunes ! Il convient de leur expliquer les conséquences d'une transition. Là, on n'est plus dans le registre du fantasme, on parle de transformer une réalité biologique - généralement fantasmée -, c'est différent.

Vous ne pouvez pas modifier la nature des individus. Un homme né homme ne sera jamais une femme; vous pouvez faire ce que vous voulez, il peut se conditionner comme ça lui chante, c'est comme ça. S'il se ravise, ça va, mais si vous l'aidez à changer de sexe, il sera malade à vie ! Il faut le dire, ces gens seront malades à vie: ils seront suivis par des thérapeutes, ils devront prendre des médicaments, des hormones à vie. Ces mutilations sont irréversibles ! Oui, il s'agit bien de mutilations irréversibles, voilà ce que vous leur proposez dans vos milieux.

Vos actions sont dangereuses, c'est pour ça qu'on doit protéger ces jeunes. Certes, ils se posent peut-être des questions, mais la réponse ne se trouve pas là; ils ont besoin de réponses intérieures, pas d'une transition de genre. Tout ça, c'est la conséquence d'un manque de valeurs: les jeunes ont besoin de valeurs, pas de changer de sexe. (Commentaires.) C'est tout ce que je voulais indiquer, merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Bravo, Marc !

Le président. Ecoutez, Mesdames et Messieurs, vous pouvez être d'accord ou non avec les exposés, mais laissez les orateurs parler, enfin ! (Commentaires.) Non, il y avait un bruit de fond. Chaque fois, c'est la même chose ! Laissez les intervenants s'exprimer ! Merci, Monsieur le député. La parole retourne à M. Jotterand.

Une voix. Sans surprise !

M. Matthieu Jotterand (S), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Je vais utiliser la minute vingt qu'il me reste pour dénoncer la haine qu'on vient d'entendre s'exprimer ici...

Une voix. C'est pas vrai ! (Commentaires.)

M. Matthieu Jotterand. Quand Mme Céline «Zuber-Trump»... (Exclamations. Huées. Applaudissements.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Matthieu Jotterand. ...dit: «Il y a des hommes, il y a des femmes»... (Huées.) ...eh bien c'est exactement ce que les trumpistes soutiennent, et c'est ce à quoi on assiste dans ce Grand Conseil. Nous nous battrons ! (Exclamations.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Matthieu Jotterand. Nous nous battrons ! Il y a des gens discriminés qui réclament des droits ! (Chahut.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Matthieu Jotterand. Certaines personnes ne savent pas ce que c'est que de disposer de droits... (Le micro de l'orateur est coupé. L'orateur poursuit son intervention.) ...et quand on leur en octroie un, quelle horreur, elles en demandent d'autres ! Comme si c'était un cadeau ! Mesdames et Messieurs, les droits ne sont pas un cadeau ! Les droits sont des droits ! Il s'agit ici du droit fondamental à l'autodétermination ! Mesdames et Messieurs, vous faites le jeu du trumpisme, voilà la direction dans laquelle nous nous dirigeons... (Paroles inaudibles de l'orateur, qui poursuit son intervention.)

Une voix. Le micro !

Le président. Vous n'avez plus la parole, Monsieur.

M. Matthieu Jotterand. Je me dois de le dire ici ! (Applaudissements. Huées.)

Des voix. Bravo !

Le président. Mesdames et Messieurs...

Mme Céline Zuber-Roy. Monsieur le président ? Je suis navrée, mais je n'accepte pas qu'on insulte pareillement les autres députés...

Une voix. Il n'y a pas de micro !

Mme Céline Zuber-Roy. J'ai été respectueuse...

Des voix. On n'entend rien !

Mme Céline Zuber-Roy. Il n'est pas admissible de parler de la sorte ! (Commentaires.)

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Effectivement, Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que vous formez un parlement qui a été élu par le peuple de la République et canton de Genève. A ce titre, vous devez vous exprimer convenablement. (Commentaires.) Monsieur, il semblerait que vous ayez insulté votre collègue en l'appelant...

M. Matthieu Jotterand. J'ai juste fait remarquer qu'elle tenait les mêmes propos que M. Trump ! (Commentaires.)

Mme Céline Zuber-Roy. Excusez-moi, mais surnommer quelqu'un Mme «Zuber-Trump» à l'heure actuelle, c'est...

Une voix. C'est un scandale ! (Commentaires. Exclamations.)

Le président. Monsieur le député...

Une voix. D'autres ont été sortis de la salle pour moins que ça ! (Commentaires. Brouhaha.)

Mme Céline Zuber-Roy. C'est bien pire que de montrer les prospectus d'une campagne électorale !

Une voix. Exactement ! (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! S'il vous plaît ! S'il vous plaît ! Faites silence ou sortez de la salle ! (Exclamations.) Je pense que nous devons nous respecter les uns les autres et qu'on n'est pas en droit d'utiliser, Monsieur le député, le qualificatif que vous avez employé. Il se peut que vos mots aient dépassé votre pensée, mais par respect, je vous prie de vous excuser auprès de Mme Zuber-Roy.

M. Matthieu Jotterand. Je préfère sortir, Monsieur le président. (Applaudissements. L'orateur quitte la salle.)

Une voix. C'est bien !

Des voix. Bravo !

Le président. Je donne la parole à M. Esteban.

M. Diego Esteban (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais invoquer l'article 79A «Rappel du règlement» de la LRGC. A ce titre, je me réfère en particulier à l'article 90 relatif au rappel à l'ordre: «Le président rappelle à l'ordre le député, le conseiller d'Etat ou le fonctionnaire qui, en séance» - et je cite la lettre f - «tient des propos ou adopte des comportements sexistes ou pouvant porter atteinte à la dignité de la personne.» Je ne vois pas comment il est possible de considérer que les propos tenus tout à l'heure par M. Falquet ne remplissent pas en tout point cette disposition.

Une voix. Bravo !

M. Diego Esteban. Dès lors, s'il y a des semonces à adresser quant à la teneur des différents discours, j'estime qu'une longue liste d'interventions scandaleuses prononcées ici devraient bénéficier d'un rappel à l'ordre. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Une voix. Merci !

Le président. Dans ce cas, Monsieur Falquet... (Commentaires.) S'il vous plaît ! S'il vous plaît !

Une voix. J'évoquais simplement les conséquences du changement de sexe...

Le président. Non, Monsieur Falquet... (Commentaires. Brouhaha.) Mais enfin, pouvez-vous me laisser parler et remplir mon rôle de président ? Voulez-vous bien vous taire maintenant ? (Brouhaha.) Pouvez-vous vous taire ? Taisez-vous ! Taisez-vous, enfin ! Mais taisez-vous !

Une voix. Monsieur le président, je demande une motion d'ordre...

Le président. Taisez-vous !

La même voix. ...pour qu'on vote immédiatement et qu'on mette fin à ce débat.

Une autre voix. Monsieur le président, je formule également une motion d'ordre !

Le président. Bon, quelle est votre motion d'ordre ?

M. Jacques Jeannerat (LJS). Monsieur le président, je souhaite qu'on...

Une voix. Qu'on vote immédiatement sans débat.

D'autres voix. Chut !

M. Jacques Jeannerat. Je cite le règlement du Grand Conseil, selon lequel le bureau ou un député peut en tout temps proposer par une motion d'ordre d'interrompre immédiatement le débat et, le cas échéant, de passer au vote. C'est ce que je propose, Monsieur le président: interrompre la discussion et voter séance tenante. (Commentaires.)

Le président. D'accord, Monsieur le député. Je précise que la majorité des deux tiers est requise pour une motion d'ordre. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote sur cette proposition...

Des voix. Vote nominal ! (Commentaires.)

Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, c'est le cas.

Mise aux voix, la motion d'ordre (interruption immédiate du débat et passage au vote) est rejetée par 55 oui contre 30 non (majorité des deux tiers non atteinte) (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous poursuivons les travaux, Mesdames et Messieurs, et je vous prie instamment de faire preuve de considération les uns pour les autres. A partir de maintenant, toute personne tenant des propos irrespectueux sera invitée à quitter la salle, tout simplement. Tout simplement ! La parole est à M. de Matteis... mais je ne sais pas s'il vous reste du temps, Monsieur.

M. Yves de Matteis. Je l'ignore également, Monsieur le président, c'est à vous de le spécifier.

Le président. Ah non, vous n'avez plus de temps.

M. Yves de Matteis. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous en prie. C'est au tour de Mme Meissner.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Oui, Monsieur le président, je vous remercie. Mesdames et Messieurs, la haine doit changer de camp ?! Je crois surtout que la haine doit être chassée de notre parlement et je vous remercie de vous recentrer sur le débat. Nous ne parlons pas du reste du monde aujourd'hui, mais bien de notre canton; on n'a pas à traiter quelqu'un de trumpiste, nous ne sommes pas aux Etats-Unis, nous nous trouvons à Genève.

Or à Genève, ce Grand Conseil a adopté la LED-Genre, laquelle tient effectivement compte des droits dont bénéficient les personnes qui ne se sentent pas forcément homme ou femme. Ce point est donc réglé.

A présent, quelques mots concernant les amendements - je ne m'étais pas encore exprimée à ce sujet - proposés par M. de Matteis: mais enfin, Monsieur de Matteis, vous cherchez carrément à changer tout le texte !

Une voix. C'est le but d'un amendement.

Mme Christina Meissner. Je rappelle que le premier objet date de 2019; j'invite donc cette assemblée à se prononcer enfin sur cette résolution qui n'a que trop traîné et dont les invites actuelles ne sont, pour les raisons déjà exposées, plus d'actualité, car déjà prises en considération pour certaines ou balayées par l'Assemblée fédérale pour d'autres, et ce n'est pas demain la veille que les choses changeront. Si vous entendez en modifier la teneur entière, eh bien déposez un nouveau texte ! Mais qu'on arrête de faire s'éterniser le traitement d'objets parlementaires pendant six ans !

Ma suggestion, Mesdames et Messieurs les députés, c'est de refuser ces amendements de même que la résolution pour les motifs qui ont déjà été mentionnés. Sur ce, je souhaite que le débat se termine de manière plus posée. Allez, «Hakuna matata», c'est la veille du week-end, s'il vous plaît, soyons dignes ! Merci. (Applaudissements. Commentaires.)

Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez le Conseil d'Etat extrêmement attentif et attaché à la défense des droits des personnes LGBTIQ+. Cela se reflète d'ailleurs dans la LED-Genre qui a été adoptée en mars 2023 par votre Grand Conseil. Le Conseil d'Etat souhaite que chacun et chacune puisse vivre selon comment il se sent, selon ce qu'il est, selon ce qu'il a envie d'aimer et de façon libre dans notre canton, sans jugement aucun et sans que cela donne lieu à des vociférations de part ou d'autre.

Le Conseil d'Etat estime que les amendements présentés aujourd'hui donnent une nouvelle orientation à la résolution. Pour sa part, il désirerait que ceux-ci soient examinés en commission de façon que des questions puissent être posées et des experts entendus à ce sujet.

Par conséquent, le Conseil d'Etat sollicite le renvoi du texte et des amendements en commission. Et si cette proposition devait ne pas être validée, eh bien il encouragerait effectivement l'auteur des modifications à déposer un nouvel objet de sorte que celles-ci puissent être traitées ultérieurement. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission de la part du Conseil d'Etat. Je passe la parole au rapporteur de minorité présent, puis à la rapporteuse de majorité. Monsieur de Matteis, c'est à vous.

M. Yves de Matteis (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. En ce qui me concerne, je trouve le positionnement du Conseil d'Etat tout à fait sage et posé, j'approuve donc le renvoi en commission. En cas de refus, je précise que d'autres textes seront effectivement présentés. Merci, Monsieur le président.

Mme Christina Meissner (LC), rapporteuse de majorité. Comme je l'ai indiqué précédemment, ces amendements s'éloignent vraiment beaucoup de la teneur actuelle de la résolution. J'invite mes collègues à rejeter la demande de renvoi en commission et l'auteur des modifications à déposer un nouveau texte s'il le souhaite. (Commentaires.)

Le président. Bien, merci. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de résolution 903 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 53 non contre 35 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs ! Si je le décide, la séance peut tout à fait être suspendue maintenant et reprise plus tard ! Je vous le dis très sincèrement. A présent, nous nous penchons sur les amendements de M. Yves de Matteis...

Une voix. Vote nominal !

Une autre voix. Mais tous les votes sont nominaux ! (Commentaires.)

Une autre voix. T'as pas honte ?!

Une autre voix. Bravo !

Le président. Je vais mettre aux voix les trois requêtes. D'abord, il s'agit de remplacer la première invite par celle-ci: «de veiller à ce que les assurances-maladie remboursent sans délai l'intégralité des prestations médicales et chirurgicales liées à la transition de genre (incluant les traitements et opérations permettant de prévenir ou de traiter la dysphorie de genre, conformément aux recommandations médicales établies);».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 55 non contre 31 oui et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. La proposition suivante vise à modifier ainsi la deuxième invite: «de garantir l'égalité des personnes trans* dans la loi en élargissant la facilitation du changement de prénom aux personnes trans* et non binaires ne souhaitant pas changer de genre à l'état civil;».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 54 non contre 31 oui et 3 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. La dernière modification vise à ajouter une quatrième invite, dont voici la teneur: «de modifier le code pénal (art. 261bis) et le code pénal militaire (art. 171c) afin qu'ils interdisent la discrimination et l'incitation à la haine non seulement en raison de "l'orientation sexuelle", mais également en raison de "l'identité de genre et de l'expression de genre".»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 32 oui et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Je vous remercie de vous prononcer maintenant sur la prise en considération de la R 903, Mesdames et Messieurs.

Mise aux voix, la proposition de résolution 903 est rejetée par 51 non contre 31 oui et 6 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons terminé le traitement d'un département dans son entier. Et, comme vous le savez, c'est ma dernière séance en tant que président... (Exclamations.)

Une voix. Tu offres l'apéro ?

D'autres voix. Ouais !

Le président. Je ne veux donc pas entamer un autre département, je laisserai ce plaisir au prochain président ou à la prochaine présidente. Sur ce, je vous souhaite une belle soirée ! (Longs applaudissements. L'assemblée se lève.) Merci, je suis très touché, je vous préparerai un beau discours pour mon départ ! (Rires.)

La séance est levée à 19h35.