Séance du vendredi 11 avril 2025 à 16h15
3e législature - 2e année - 12e session - 67e séance

M 2878-R-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la proposition de motion de Caroline Marti, Léna Strasser, Sylvain Thévoz, Xhevrie Osmani, Nicole Valiquer Grecuccio, Cyril Mizrahi, Jean-Charles Rielle, Jean-Pierre Tombola, Caroline Renold, Sophie Demaurex, Diego Esteban : Tirons les leçons de la grève aux TPG
Rapport de M. André Pfeffer (UDC)

Débat

Le président. Nous reprenons l'ordre du jour normal et passons à la M 2878-R-A, qui est classée en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. André Pfeffer, remplacé par M. Patrick Lussi. Monsieur Lussi, vous avez la parole.

M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant et rapporteur ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, rappelons que cette motion, datée du 13 octobre 2022, est en somme une réponse à la grève des salariés des TPG, avec quand même - et c'est ressorti en commission - une connotation politique trop marquée: les acteurs publics et politiques se sont érigés à une place qui n'est peut-être pas celle que doit avoir un député ou autre. Il a fallu quatre séances pour arriver à déterminer exactement ce qui s'est passé et pourquoi les choses sont allées si loin.

Les points clés de la motion sont les suivants: d'abord, la revendication d'une compensation intégrale de l'inflation pour les employés TPG et l'extension à l'ensemble du secteur public - on n'est déjà plus tellement dans un problème qui relève des TPG, mais on voit le côté très politique ou très syndicaliste de ceci. Ensuite, s'agissant du rôle du Conseil d'Etat, l'exécutif a été accusé de passivité et même de faire des déclarations provocantes, la motion exigeant qu'il agisse pour résoudre les conflits et serve d'exemple pour le secteur privé; il y a manifestement aussi ici un abus de langage. Par ailleurs, le texte demande de tirer les leçons de ces événements pour anticiper d'autres conflits similaires et de renforcer le dialogue social, comme s'il n'avait pas déjà lieu.

Parmi les arguments qui ont fait surface en commission suite à l'audition du Conseil d'Etat ainsi, il est vrai, qu'aux interventions des partis de droite, il y a les contraintes financières: les TPG, comme l'Etat, doivent respecter un équilibre budgétaire. L'indexation complète est jugée irréaliste en période de déficit - rappelons que nous étions en période post-covid. L'autonomie des TPG est par ailleurs réelle et le Conseil d'Etat ne peut interférer dans la gestion d'une entreprise publique autonome, qui dispose de ses propres statuts et instances. Il y avait aussi une critique de l'indexation automatique: cela rigidifie les dépenses publiques - 1% d'indexation, à l'époque, coûtait 64 millions de francs à l'Etat - et amplifie les déficits graves en cas de baisse de l'inflation. Ensuite, il y a la gestion des grèves: le deuxième jour de grève est contesté pour non-respect des procédures - il s'agit d'un protocole de 2018 - et cela affaiblit la légitimité.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur.

M. Patrick Lussi. Ah ! La majorité a rejeté cette motion pour les raisons suivantes, surtout. Les demandes sont irréalistes et contraires à la rigueur budgétaire. Le Conseil d'Etat et la majorité estiment que les TPG doivent gérer leurs conflits sociaux sans ingérence politique directe. Bien que l'absentéisme soit reconnu, il est attribué à des facteurs externes - rappelons qu'on sortait du covid, il y a aussi la pénibilité sectorielle - plutôt qu'à des fautes managériales. Enfin, le compromis trouvé en 2022, avec 0,6% d'indexation plus les primes, est considéré comme suffisant malgré les critiques syndicales.

En conclusion, le rejet de cette motion illustre la prédominance d'une approche qui est quand même plutôt restrictive budgétairement à Genève, face à des syndicats et, osons le dire, à une gauche qui peinent à asseoir une vision plus interventionniste de l'Etat. Il faut souligner aussi que les tensions entre autonomie des entreprises publiques et exigence de justice sociale, dans un contexte de pression inflationniste et de défiance accrue envers les institutions, ne sont pas saines. C'est pour ces raisons que la majorité de la commission vous demande de la suivre et de refuser le vote de ce texte.

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, je ne m'attarderai pas sur les détails des négociations et sur les deux jours de grève ni n'essaierai d'expliquer les raisons qui ont conduit à ces grèves. Ce que je voudrais dire, c'est que nous sommes face à un dossier dont notre Grand Conseil ne devrait pas avoir à s'occuper. Les TPG sont un établissement public autonome: ils ont une direction, ils ont un conseil d'administration et je rappelle que tous les groupes présents au parlement sont représentés dans ce conseil d'administration ! Il y a donc déjà là un certain nombre de moyens d'action.

Nous avons pas mal parlé de partenariat social cet après-midi; or, nous avons aux TPG un partenariat social qui est fort, très bien organisé et très représentatif. Qu'il y ait une grève, c'est une chose qui peut arriver. La grève doit rester l'«ultima ratio»: il faut évidemment donner la priorité à la négociation, mais parfois les négociations échouent et les syndicats ont parfaitement le droit de décider d'une grève pour obtenir la satisfaction de leurs revendications.

Sur cette base, Le Centre vous recommande de rejeter cette motion avec la même majorité que la commission. Je vous remercie.

Mme Ana Roch (MCG). Si la situation, au sein des TPG, s'est apaisée suite à la grève de 2022 et qu'un protocole d'accord a vu le jour, nous souhaitons néanmoins un renvoi en commission afin de pouvoir bénéficier d'un suivi et d'un état des lieux concernant l'application de ce protocole d'accord afin d'éviter de nouveaux problèmes et bien évidemment une nouvelle grève. Merci.

Le président. Monsieur le rapporteur, vous souhaitez intervenir sur le renvoi en commission ?

M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant et rapporteur ad interim. Oui, merci, Monsieur le président. Ecoutez, je crois qu'on... A ce que j'ai lu et de ce que j'ai pu voir des travaux de commission, tout a été exploré, le Conseil d'Etat a été entendu. Surtout, il y a eu une grande amélioration de la situation, qui perdure. C'est pourquoi nous ne jugeons pas nécessaire de renvoyer ce texte en commission.

Le président. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2878 à la commission de l'économie est rejeté par 37 non contre 34 oui.

Le président. Nous poursuivons les débats, la parole va à M. Eckert.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, très chers collègues, cette motion, on l'a dit, a été déposée en automne 2022 alors que le budget 2023 était en cours d'élaboration, dans une période où l'inflation était assez forte. A la fois dans le petit Etat et aux TPG, la question de la hauteur de l'indexation a fait l'objet de conflits sociaux. Si un consensus à 2,44% a pu être trouvé dans le petit Etat, la question est restée ouverte aux TPG. L'indexation s'est superposée à d'autres objets de conflit, comme les horaires de travail ou le travail quasiment sur appel de ceux que l'on appelle les voltigeurs. Et tout cela avec un taux d'absence de plus de 12%, plus particulièrement chez le personnel de conduite.

Ces éléments ont conduit à une grève dont le préavis a fait l'objet de discussions en commission, mais je n'y reviendrai pas ici. La direction a été critiquée à cette occasion et même un député PLR a été surpris, lors des travaux de commission, que la direction fût encore en place, comme on peut le lire dans le rapport. Depuis, de l'eau a coulé sous les bus, mais les problèmes n'ont pas tous été résolus. La problématique du taux d'absence a été traitée par un audit RH. La direction a été renouvelée, un nouveau contrat de prestations a été adopté, avec quelques hoquets - vous vous en souvenez, Mesdames et Messieurs les députés.

Bref, si nous soutenons les légitimes revendications du personnel des TPG, nous reconnaissons aussi que les TPG sont un établissement autonome sur lequel le Conseil d'Etat n'a pas à exercer de coercition comme le demande la motion. Si bien que, l'un dans l'autre, nous nous abstiendrons, tout comme nous l'avons fait en commission. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Zweifel. (Le président prononce le nom «Zweifel» à sa manière.)

M. Yvan Zweifel (PLR). Pas mal ! Mesdames et Messieurs, permettez-moi de faire un petit rappel sur le fonctionnement du partenariat social à Genève et en Suisse de manière générale. Le partenariat social consiste à trouver un accord entre les représentants patronaux et les représentants des employés; tant et aussi longtemps que ces accords sont respectés, eh bien il y a la paix du travail - c'est-à-dire que la grève ne se justifie pas. La question qui se pose ici est donc la suivante: est-ce qu'il y avait une brèche dans ces accords ?

La demande principale, et c'est ce qui ressort de l'invite n° 2, c'est d'avoir une pleine indexation de la rémunération. Or, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas ce qui est prévu, ni dans les accords ni dans les statuts en question: ce qui est prévu, c'est une annuité automatique et l'indexation si, et seulement si, la situation financière des TPG le permet. Mais en 2023, vous le savez, on sortait du covid et la situation financière des TPG ne le permettait précisément pas ! La direction ou les représentants patronaux, si vous voulez, ont donc respecté en tous points les accords et les statuts en vigueur.

Et quand bien même on considérerait que ce n'est pas le cas, Mesdames et Messieurs, quelle a été l'inflation entre 1999 et 2022 ? Le Conseil d'Etat l'a expliqué en commission: elle a été de 14,1%. Quelle a été l'indexation accordée aux employés des TPG sur la même période ? 14,6% ! Par conséquent, la pleine indexation a de toute façon déjà été versée, quand bien même elle n'était pas automatique au vu de la situation financière des TPG. On peut donc dire que la partie patronale a respecté en tous points les accords. Ce qui n'est pas le cas des syndicats puisque, on l'a expliqué, ils ont lancé une grève injustifiée au vu des explications qui ont été données.

Par ailleurs, une grève nécessite un préavis; s'il a été respecté pour le premier jour, ça n'a pas été le cas pour le deuxième. On a donc une partie patronale qui a respecté en tous points les accords, ce qui n'est pas du tout le cas de la partie syndicale. D'autres l'ont dit avant moi, nous avons qui plus est affaire à une régie autonome: cela signifie qu'en demandant au Conseil d'Etat d'intervenir, on bat en brèche ce principe d'autonomie - je ne reviens pas là-dessus, il a été largement expliqué.

Et puis la troisième invite demande au Conseil d'Etat de «se montrer en la matière exemplaire pour ne pas envoyer un signal catastrophique aux patrons du secteur privé genevois». Mesdames et Messieurs, si le signal qu'on doit envoyer aux patrons du secteur privé genevois, c'est que le Conseil d'Etat intervient dans une régie autonome pour, quoi ? céder en tous points aux demandes des syndicalistes, ça ne me semble pas être un excellent signal - il ne sera en tout cas pas perçu comme tel par les patrons du secteur privé. Car nous aurions alors une économie planifiée, chère à certains dans ce parlement, mais qui serait assurément un désastre.

Mesdames et Messieurs, parce que cette motion est désuète, délétère et déplacée, nous vous invitons évidemment à la rejeter. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Matthieu Jotterand (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai que l'événement précis qui a déclenché le dépôt de cette motion, c'est-à-dire la grève d'il y a quelques années, est passé. Il est vrai aussi que, depuis, la situation a évolué; on peut à cet égard saluer le changement du conseil d'administration des TPG, ainsi que le changement de magistrat et son intervention.

On peut également souligner le gros travail qui a été effectué par les syndicats pour alerter sur les difficiles conditions des employés des transports publics et en particulier des chauffeurs et chauffeuses de bus: des études documentées ont montré que leurs conditions étaient particulièrement difficiles, que c'est un travail pour lequel il est relativement compliqué de recruter. Là aussi, on peut se réjouir qu'une grosse campagne de recrutement ait depuis été menée et qu'elle ait plutôt porté ses fruits, mais cela démontre bien qu'il y avait un besoin d'améliorer les choses lorsque cette motion a été déposée - il y avait un gros besoin d'améliorer les choses ! Tellement gros qu'elles ont en effet été améliorées relativement vite, sinon les Transports publics genevois n'auraient plus été capables d'assurer l'offre qui leur est demandée dans le contrat de prestations.

De plus, il y a maintenant un contrat de prestations qui requiert une augmentation de l'offre de 30%. Cette augmentation ne pourra se concrétiser que si les conditions-cadres sont relativement bonnes à bonnes, et ce n'est toujours pas le cas actuellement ! Le taux d'absentéisme est toujours trop élevé, il est toujours nécessaire d'améliorer les conditions de travail. C'est pourquoi cette motion n'est pas du tout dépassée, même si l'événement qui a déclenché son dépôt a en effet pu être surmonté - je le salue à nouveau. On a parlé de partenariat social; parfois il fonctionne, mais il ne fonctionne malheureusement que quand le rapport de force est enclenché avec la grève. Du coup, je salue aujourd'hui cette grève qui a bien fonctionné puisque la droite, plusieurs années après, en est encore à essayer de dire que les conditions n'auraient pas été respectées.

Je note aussi que c'est évidemment la régie autonome des TPG qui a amélioré ces conditions. Je note également ici, parce que je connais bien le député qui a déposé un projet de loi sur le sujet, qu'il y a encore des choses à améliorer très largement dans la sous-traitance, où les conditions restent déplorables. Et pour que les Transports publics genevois puissent vraiment augmenter l'offre de 30% dans les quatre prochaines années, il nous faut absolument avoir de bonnes conditions-cadres. C'est pourquoi je demande le renvoi de cet objet à la commission de l'économie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur, vous voulez intervenir sur le renvoi ? (Remarque.) Je vous en prie. (Remarque.) Non ? (Remarque.) Alors allez-y.

M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant et rapporteur ad interim. Merci, Monsieur le président. Je maintiens ce que j'ai dit tout à l'heure au vu de tous les travaux qui ont été menés. Evidemment qu'on peut toujours discuter, il y a toujours de nouveaux détails; s'agissant de cette motion, je pense que c'est suffisant et qu'on n'a pas besoin de la renvoyer en commission. Si quelque chose d'autre doit venir, eh bien il sera bon de travailler sur des bases neuves, sur des bases plus adéquates ou plus actuelles que ce texte, qui date quand même un peu. Je refuse donc le renvoi en commission, il n'est pas nécessaire.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, j'ouvre le vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2878 à la commission de l'économie est rejeté par 51 non contre 40 oui.

Le président. Il n'y a pas d'autre demande de parole, j'invite donc l'assemblée à se prononcer sur la prise en considération de la motion.

Mise aux voix, la proposition de motion 2878 est rejetée par 51 non contre 34 oui et 8 abstentions (vote nominal).

Vote nominal