Séance du
vendredi 21 mars 2025 à
18h10
3e
législature -
2e
année -
11e
session -
63e
séance
PL 13449-A
Premier débat
Le président. Nous continuons notre ordre du jour avec le PL 13449-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. J'invite les rapporteurs à gagner la table des rapporteurs. (Un instant s'écoule.) Madame de Chastonay, est-ce que vous souhaitez prendre la parole, ou c'est une erreur ? (Remarque.) C'est une anticipation pour la suite du débat ? (Remarque.) D'accord ! Monsieur le rapporteur de majorité, c'est à vous.
M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des finances a traité cet objet entre mai et septembre 2024. Le PL 13449 a pour objectif la création d'un fonds destiné à préfinancer les transitions écologique, démographique et numérique. Plus précisément, les signataires sont partis du constat que depuis plusieurs années, le canton de Genève dégage des excédents avec des recettes en hausse, constat que nous partageons, et considèrent que ces excédents doivent pouvoir alimenter un fonds pour de futurs projets. Ce mécanisme est censé se baser sur un mécanisme de préfinancement qui existe déjà dans le canton de Vaud et dont les signataires ont indiqué qu'il était conforme aux normes MCH2 tout en représentant une entorse aux règles comptables IPSAS. Les discussions ont principalement porté sur la légalité d'un tel mécanisme.
La commission a mené des auditions extrêmement intéressantes; je souhaiterais tout particulièrement remercier les collaborateurs du DF, mais également M. Pascal Rattaz, chef du service d'analyse et de gestion financières du feu département des finances et de l'agriculture du canton de Vaud.
La LGAF invite à respecter les principes et les méthodes comptables internationales pour le secteur public, à savoir les normes IPSAS. Ces normes internationales ont pour objectif d'améliorer la qualité de l'information financière des entités du secteur public de manière à permettre une décision d'allocation de ressource fondée sur des informations fiables et à assurer la responsabilité dans ce domaine. Or, elles interdisent les provisions pour un événement à venir, et ce dans un principe d'étanchéité entre les exercices. Si l'on veut comparer un exercice avec un autre, indépendamment des positions politiques de chacun, les charges et les produits d'un exercice A doivent être comptabilisés dans cet exercice-ci, tandis que les charges et produits d'un exercice B doivent l'être dans cet autre exercice. Voilà pourquoi les provisions ne sont jamais liées au futur, mais bel et bien à un engagement lié à un exercice et engendrant un coût dont le paiement peut être effectué dans le futur tant qu'il est comptabilisé dans l'exercice adéquat.
Il va de soi que si ce revenu extraordinaire était connu à l'avance, il serait comptabilisé dans les bons comptes. Or, ce texte propose, au vu d'un certain résultat positif, d'imputer une charge pour un projet indéterminé, dans un exercice inconnu, dans un futur hypothétique.
La majorité de la commission recommande de ne pas soutenir ce projet de loi. Le canton de Genève suit en effet les normes comptables IPSAS et MCH2 qui n'autorisent pas de préfinancement, et il faudrait accorder une dérogation aux normes qui ne serait pas souhaitable, compte tenu de la dette de plus de 10 milliards de francs du canton.
L'exception vaudoise a nécessité des «circonvolutions législatives et politiques [...] en dérogation de MCH2». A l'origine, le principe des préfinancements était prévu pour des amortissements dégressifs, ce qui ne se fait plus aujourd'hui, puisque MCH2 prévoit des amortissements linéaires. Par ailleurs, les préfinancements ne se faisaient pas lorsque le canton de Vaud était endetté. De manière plus philosophique, les préfinancements font peser sur les budgets actuels le poids des investissements futurs.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Pierre Nicollier. Merci beaucoup. Or, encore une fois, à Genève, la dette est très élevée et fait déjà peser un poids sur les générations à venir. On déciderait aujourd'hui d'une charge qui serait assumée par les générations ultérieures, soit notre dette plus ces préfinancements. Compte tenu de ces explications, la majorité de la commission vous invite à refuser ce projet de loi.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, à l'heure actuelle, nous avons d'un côté des excédents aux comptes qui se chiffrent année après année à des centaines de millions - ça semble d'ailleurs être de nouveau le cas cette année. Parfois, comme l'an dernier, ils dépassent le milliard de francs. De l'autre côté, nous avons des besoins sociaux, sociétaux, environnementaux qui augmentent, qui vont continuer à augmenter et auxquels nous ne répondons pas; nous n'avons pas de mécanismes qui pourtant seraient des mécanismes de bon sens et permettraient d'utiliser ces gigantesques excédents afin de répondre aux besoins actuels et de financer les projets à venir. Voilà ce que propose précisément ce texte: créer un mécanisme de pilotage des finances publiques qui, actuellement, n'existe pas à Genève, mais, comme l'a dit M. Nicollier, existe dans d'autres cantons, notamment dans le canton de Vaud, soit le mécanisme du préfinancement. Le principe est simple: il s'agit d'employer les excédents aux comptes actuels pour préfinancer des projets et des charges qui arriveront dans le futur.
Avec ce projet de loi, la minorité fait sien l'adage «gouverner, c'est prévoir». Aujourd'hui, nous savons que se dressent devant nous des défis absolument colossaux auxquels nous devrons répondre, collectivement, et qui feront immanquablement augmenter les charges de l'Etat.
Les défis consistent évidemment à répondre à la précarisation de la population, mais aussi à son vieillissement, qui conduira à une hausse des dépenses sociales et de santé, à répondre aux bouleversements liés à la révolution numérique et enfin à mener la lutte contre le dérèglement climatique, puisque aujourd'hui, si notre dette financière se réduit, la dette écologique, quant à elle, ne cesse de s'alourdir. Ce n'est donc rien de moins que l'ensemble des activités humaines qui sont appelées à se transformer pour répondre à cet impératif. Or, ce défi requiert des réponses collectives, comme je le disais, financées par l'Etat si l'on veut éviter que le coût de la transition énergétique et environnementale pèse sur les individus, en particulier ceux des classes moyennes et des classes populaires.
Le canton a également de très grands projets. Je pense notamment à la création d'une ligne de RER, principalement financée par lui-même - elle va aussi engendrer un coût colossal. M. Subilia indique dans la presse qu'il faut mettre de l'argent pour sauver la Genève internationale, le multilatéralisme (je le rejoins sur ce souhait), mais ça va aussi nécessiter des financements très importants.
En outre, nous entrons dans une phase d'instabilité extrêmement forte, et nous devons - c'est une question de responsabilité - mettre un petit peu des noisettes de côté pour pouvoir faire face à ces défis, à ces événements et à ces dépenses futurs. C'est donc un projet pragmatique et responsable, qui répond tant à la réalité financière de notre canton qu'aux besoins et aux enjeux actuels par la création de ce mécanisme de préfinancement, et je vous invite à l'accepter. Je vous remercie.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ces dernières années, nous avons constaté que l'Etat de Genève se trompait régulièrement de plusieurs centaines de millions. Aujourd'hui, on connaît bien la chanson: chaque année, au moment des débats budgétaires, la majorité de la droite élargie nous met en garde devant des perspectives budgétaires déficitaires expliquées par le Conseil d'Etat. Puis, les amendements visant à couper des postes ou à refuser la création de postes, pourtant nécessaires vu l'augmentation des besoins de la population ou indispensables au déploiement des investissements votés par ce même Grand Conseil, sont votés par la droite expliquant vouloir éviter la faillite de Genève. Cependant, à chaque fois, un an plus tard, lors de l'examen des comptes, nous remarquons que l'Etat se trompe de centaines de millions. Nous, les Verts, avons de la peine à croire que cela soit désormais différent. Aussi avons-nous déposé une motion qui sera traitée prochainement et dont le premier signataire est l'excellent Julien Nicolet-dit-Félix; elle demande au Conseil d'Etat de revoir sa méthode d'évaluation de ses revenus en s'inspirant des bonnes pratiques des autres cantons.
Dans ce contexte, le parti socialiste a déposé ce projet de loi dans le but de financer aujourd'hui les mesures indispensables pour demain. Cette proposition vise à préfinancer les grands projets des transitions écologique, démographique et numérique au moyen d'un nouveau mécanisme financier qui permettrait l'affectation des excédents aux comptes de l'Etat.
Le contexte social se caractérise par un accroissement des besoins de la population plus rapide et plus fort que la croissance démographique, en raison du vieillissement de la population, de la hausse de la précarité et des inégalités, des augmentations de loyer successives (chaque année) et des primes d'assurance-maladie (hier, le Parlement fédéral, avec l'UDC et le PLR, a d'ailleurs décidé d'augmenter les franchises). On le voit, ce contexte nécessite des moyens.
Il en va de même avec les mesures urgentes et indispensables pour lutter contre le dérèglement climatique et avec les investissements pour le déploiement des grands projets d'infrastructures, que ce soit pour la mobilité ou la rénovation des bâtiments.
Enfin, j'ajouterai qu'après le vote des «lois corsets», qui empêcheront le Grand Conseil et le Conseil d'Etat de déployer des moyens indispensables en cas d'augmentation des besoins si le budget est déficitaire, il est plus que nécessaire de faire preuve d'anticipation grâce à un mécanisme de préfinancement, comme cela existe déjà dans le canton de Vaud. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à soutenir ce projet de loi en faveur d'un outil de pilotage durable des finances publiques. Merci.
M. Yvan Zweifel (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, on parle de préfinancement, ce qui fait nécessairement référence à un investissement. J'entends Mme Marti nous expliquer que des besoins, notamment sociaux, augmentent pour la population, elle a peut-être raison, mais il s'agit alors de charges de fonctionnement, qui ne peuvent donc pas être couvertes par des préfinancements. Qui plus est, ces préfinancements sont interdits par les normes IPSAS, et il y a une raison à cela: ces normes visent à donner une image fidèle de la situation, c'est-à-dire à permettre de procurer un outil d'aide à la direction pour le Conseil d'Etat, l'administration, et un outil de contrôle pour nous, députés. Si vous commencez à rajouter des exceptions à tire-larigot et à insérer des charges futures dans la comptabilité d'aujourd'hui, eh bien, Mesdames et Messieurs, vous biaisez totalement cet outil d'aide à la direction, vous biaisez totalement cet outil de contrôle, et par conséquent nous perdons, nous députés, le contrôle de la situation, le Conseil d'Etat et l'administration également. Tout ceci est donc interdit pour une bonne raison.
Mesdames et Messieurs, lorsque l'on parle de préfinancement, il faut aussi souligner l'élément suivant. Vous préfinancez un objet précis, par exemple la construction future d'une école. Si maintenant vous changez d'avis, pensant: «Ah ! Cet argent, je ne veux pas l'utiliser pour cette école, car j'ai une autre urgence», eh bien, vous ne pouvez pas utiliser cet argent-là, puisqu'il a été prévu pour un objet précis qui n'est pas le nouvel objet que vous voulez. Vous perdez donc toutes la marge de manoeuvre que vous pourriez avoir en considérant cela dans les charges courantes de l'année courante.
J'ajoute encore un point, Mesdames et Messieurs, puisqu'on aime bien prendre le canton de Vaud en exemple. Le responsable de l'administration des finances vaudoises que nous avons reçu a été extrêmement clair là-dessus, ils peuvent procéder à des préfinancements car ils n'ont pas de dette. Sinon, la situation est la suivante: vous faites peser sur les générations d'aujourd'hui le passé, c'est-à-dire la dette que l'on doit rembourser avec les intérêts, et Mme Marti veut ajouter à ça les charges à venir d'un préfinancement. C'est évidemment totalement incompatible. Si le canton de Vaud se permet de procéder à ces préfinancements, c'est précisément parce qu'il n'a pas de dette.
Alors, Mesdames et Messieurs, Madame Marti - vous transmettrez, Monsieur le président -, si l'objectif est de réduire la dette, le PLR est d'accord, mais si le but est de faire peser sur les générations actuelles non seulement le passé, mais aussi le futur, c'est injuste, c'est idiot, c'est incompatible et c'est illégal ! Mesdames et Messieurs, pour toutes ces raisons, je vous invite évidemment à refuser cet objet.
M. Michael Andersen (UDC). Au vu de ce que vient de dire mon préopinant, on a affaire à un projet de loi qui vise à faire face à des enjeux et défis futurs par la création d'une réserve de préfinancements. A entendre la députée Marti, on croirait que l'Etat ne fait rien. Or, rappelons qu'il y a eu dernièrement des augmentations budgétaires significatives pour répondre aux besoins de la population: l'augmentation des subsides d'assurance-maladie, l'augmentation dans le domaine de l'aide sociale, l'augmentation dans le domaine de la santé. Alors il faut arrêter de dire que l'on ne répond pas aux besoins de la population. Les charges ne cessent d'augmenter année après année, et plus rapidement que l'augmentation démographique de notre canton.
En proposant de comptabiliser des provisions pour des événements futurs, ce projet est contraire aux normes IPSAS. J'aimerais par ailleurs rappeler le passé de ce canton. Parlons des lois qui ont été votées. Le PL 11975 prévoyait 50 millions en 2017 pour l'efficience énergétique. Or, ce montant n'a pas été dépensé dans son intégralité à la fin de l'année 2023. Le PL 12552, sur les embrasures, prévoyait 250 millions en 2020 et, par le biais de différentes lois acceptées par ce parlement, imposait des obligations au propriétaire que l'Etat ne respecte toujours pas: 13 millions ont été dépensés à la fin de l'année 2023. En 2023, 1 milliard a été voté par cette assemblée pour des rénovations énergétiques et le budget 2024 prévoit 14 millions de dépenses. Mesdames et Messieurs les députés, afin de répondre aux différents défis, les moyens ont été donnés pour les investissements et le fonctionnement.
Les bénéfices réalisés ces dernières années ont été alloués à l'amortissement de la dette envers la CPEG, ce qui permet de diminuer les charges de fonctionnement qui pourraient être réallouées pour répondre à un besoin de la population, si vous souhaitez augmenter les dépenses. S'ils ne sont pas affectés, ces bénéfices vont dans les fonds propres de notre canton, positifs depuis 2023, ce qui permettra de répondre à des besoins en investissements futurs.
Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, je crois que ce qui manque, c'est une volonté politique. Je rappelle que s'agissant d'efficience énergétique, l'OCBA n'est pas aux mains de la droite mais de la gauche. Ça me fait donc bien rire, Monsieur le président, quand j'entends Mme de Chastonay prétendre que l'on ne répondra pas aux défis à venir. Qu'elle le dise à son ministre, parce que les dépenses d'investissement ne suivent pas, mais ne suivent pas dans un département de gauche. Pour ces raisons, je vous invite à refuser ce projet de loi.
M. Grégoire Carasso (S). Quel bonheur d'intervenir après nos collègues Zweifel et Andersen ! Les besoins de financement n'arriveraient pas à suivre, ils sont inexistants dans le domaine énergétique. Nous le savons, c'est en lien avec le budget de fonctionnement de l'Etat - et ce sera la seule fois où je le mentionnerai: oui, pour déployer des investissements, il faut des ressources de fonctionnement, celles-là mêmes que vos partis respectifs refusent année après année.
A la différence des autres cantons, l'économie genevoise est aussi dynamique que volatile. C'est la raison pour laquelle des écarts entre le budget et les comptes peuvent être aussi grands. Si le PS en a conscience, il est en revanche intimement convaincu de l'opportunité d'investir dans les infrastructures pour répondre aux défis évoqués, qui sont au coeur de notre projet de loi: les défis environnementaux, les défis de la transition démographique (par exemple la politique pour nos aînés, s'il fallait la nommer) et enfin la transition numérique. Prétendre aujourd'hui qu'il n'y a pas besoin d'investissement dans ces domaines, c'est mettre la tête dans le sac.
Si j'ai besoin de vous rafraîchir la mémoire sans remonter trop loin, je vous renverrai volontiers, en ayant ce projet de loi en tête, à nos débats d'hier. Que veut-on faire pour augmenter le pouvoir d'achat des ménages genevois ? On a parlé de la facture SIG. Que nous a dit le département ? «Ah, ce n'est pas évident, il faudrait 900 millions d'investissement supplémentaires aux SIG pour s'assurer que la révolution énergétique que nous entreprenons avec les réseaux thermiques structurants bénéficie aux ménages par des baisses des coûts de l'énergie.» Voilà l'exemple le plus simple, le plus frais dans vos esprits, du moins je l'espère, d'investissement public sous l'angle énergétique et environnemental avec des conséquences directes, tangibles, immédiates pour les ménages genevois sur leur facture énergétique. Je ne reviendrai même pas sur les arguments de l'indépendance et de la souveraineté en la matière, mais ils suffisent à vous redire notre conviction que quand les comptes de l'Etat sont aussi positifs et alors que la dette de l'Etat de Genève et son coût n'ont jamais aussi été bas, oui, il est temps de penser à demain, j'ai même envie de dire à aujourd'hui en ce qui concerne la facture des ménages. Nous vous invitons avec conviction et détermination à soutenir ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Laurent Seydoux (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, c'est sûr que l'idée d'un préfinancement part d'une très bonne intention, vu nos excédents importants de recettes, mais elle se heurte rapidement à la réalité et à la difficulté de financer des projets pas encore envisagés, surtout compte tenu d'une dette aussi élevée, qu'il nous faut d'abord assainir. Le canton de Genève étant soumis aux normes IPSAS et MCH2, il faudrait mettre en place une sacrée gymnastique comptable pour y arriver.
Le mérite de ce projet de loi est qu'il nous a permis d'auditionner le canton de Vaud. Celui-ci nous a démontré avec brio sa grande capacité de gymnaste à mettre en place des réserves pour certains projets et à les utiliser pour d'autres projets sans que le parlement ait son mot à dire, ou en tout cas qu'il s'en préoccupe. Evidemment, nous n'allons pas accabler davantage le canton de Vaud et son département des finances, qui vit des moments difficiles.
Compte tenu des propos de mes préopinants défavorables à ce texte, le mouvement Libertés et Justice sociale vous encourage également à le refuser. Merci beaucoup.
M. Jacques Blondin (LC). Mesdames et Messieurs les députés, c'est justement parce que gouverner c'est prévoir qu'il faut refuser cet objet. On parle de réserves, de provisions, de préfinancements: pour tout chef d'entreprise, c'est une possibilité comptable assez sympathique, car elle vous permet de mettre de côté quelques sous - si vous autorisez ce terme - pour des investissements, ce qui se fait généralement, mais est théoriquement interdit pour constituer une provision qui ne repose sur aucun fondement.
Il faut être clair, et l'exposé que nous avons eu du canton de Vaud a été très intéressant: ce canton l'a fait parce qu'il n'a pas de dette, on l'a dit. Ça a été fait au départ pour des investissements avec des objectifs avérés, à savoir le financement d'un plan A. Or, il se trouve qu'en cours de route, l'idée a changé et le fonds affecté au plan A a été affecté à un plan B devenu un plan C. Il faut reconnaître que le covid sévissait, ce qui n'a pas aidé dans le canton de Vaud. In fine, on a encore appris qu'une portion est partie dans les comptes d'exploitation.
Mesdames et Messieurs, on discute beaucoup des comptes et des budgets, mais les comptes de Genève sont tenus avec un système grâce auquel ce parlement a une vue totalement transparente sur leur tenue. Si l'on veut perdre cette visibilité, c'est le meilleur moyen ! Il faut être clair !
Les résultats positifs aiguisent évidemment des appétits, mais je vous rappelle que quand on va boucler les comptes, on peut toujours débattre de l'affectation du résultat. Une proposition sera au demeurant déposée par le Conseil d'Etat. On vote des budgets et il existe des besoins, je suis assez d'accord avec M. Carasso - vous transmettrez, Monsieur le président; il suffit de discuter de ces derniers, mais encore faut-il qu'ils passent dans ce parlement.
Evitons ces gymnastiques comptables qui vont faire perdre... C'était clairement dit: dans le canton de Vaud, le parlement n'a absolument pas la possibilité que nous avons ici de voir clair dans les comptes. Pour ceux qui sont coutumiers de ces questions de contrôleur aux comptes... De nombreux spécialistes siègent dans cet hémicycle et ils savent très bien que c'est quelque chose que nous devons à tout prix éviter. C'est une fausse bonne idée et Le Centre vous invite à refuser ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède le micro à Mme la conseillère d'Etat. (Remarque.) Ah, pas encore ! Pas encore ! Je vois que le rapporteur de majorité et la rapporteure de minorité se sont précipités ! Madame Caroline Marti, vous avez la parole pour trente... pardon ! treize secondes.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président de séance. J'aurais préféré trente ! Je souhaite indiquer qu'évidemment nous ne concevons pas le préfinancement comme un fonds à discrétion du Conseil d'Etat qui pourrait l'utiliser pour faire absolument ce qu'il veut; nous avons déposé des amendements en commission de manière à préserver le pouvoir décisionnel du Grand Conseil sur l'usage des financements issus de ce préfinancement.
Pour répondre à M. Zweifel - vous lui transmettrez, Monsieur le président -, ce ne sont pas des charges que nous léguons aux générations futures à travers ce préfinancement. Au contraire, c'est un cadeau que nous leur offrons, puisque nous aurons déjà préfinancé une partie des charges et des investissements qu'ils auront à faire. Je pense que si nous votons ce projet de loi... (Commentaires.) ...les générations futures ne pourront que nous en remercier.
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le rapporteur de majorité, vous n'avez plus de temps de parole, mais par souci d'équité avec la rapporteure de minorité, je vous accorde trente-cinq secondes.
M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président, pour ce cadeau. (Rires.) Je vais rebondir sur ce qu'a dit Mme Marti. En fait, pour leur permettre d'investir dans ce qu'ils souhaitent, le meilleur cadeau que nous puissions faire aux générations futures est de rembourser notre dette, qui est la plus élevée de Suisse par habitant.
Des voix. Bravo !
Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Je vais faire court: c'est vendredi, c'est huit heures moins dix, je sens que tout le monde est en train de plier bagage. (Rires. Exclamations. Applaudissements. L'oratrice rit.)
Des voix. Bravo !
Mme Nathalie Fontanet. Le Conseil d'Etat vous recommande de refuser ce projet de loi. (Commentaires de désapprobation.) Vous n'applaudissez plus, là ?! (Rires.) Les amendements proposés n'y changeront rien. Aujourd'hui, les normes comptables que nous appliquons, la transparence, la sincérité que nous attendons de nos comptes ne nous permettent pas de procéder à de tels préfinancements, l'état de la dette du canton non plus. Si nous avons des excédents aux comptes, nous devons en profiter pour amortir la réserve budgétaire, vous le savez, celle qui est liée à la recapitalisation de la CPEG. Celle-ci alourdit encore notre dette et cette écriture comptable pèse aussi sur notre bilan, en particulier sur les fonds propres et positifs de notre bilan. Voilà, Mesdames et Messieurs, je vous souhaite une bonne soirée.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, à présent, nous allons voter sur l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 13449 est rejeté en premier débat par 58 non contre 31 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)