Séance du vendredi 21 mars 2025 à 18h10
3e législature - 2e année - 11e session - 63e séance

PL 13273-A
Rapport de la commission sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier le projet de loi de Françoise Nyffeler, Jocelyne Haller, Caroline Marti, Marjorie de Chastonay, Léna Strasser, Anne Bonvin Bonfanti, Salika Wenger, Nicole Valiquer Grecuccio, Aude Martenot, Christian Zaugg, Amanda Gavilanes, Badia Luthi, Diego Esteban, Jean-Charles Rielle, Olivier Baud modifiant la loi instituant la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève (LCPEG) (B 5 22) (Introduction du critère de pénibilité psychologique)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 20 et 21 juin 2024.
Rapport de majorité de M. Souheil Sayegh (LC)
Rapport de minorité de M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve)
PL 13274-A
Rapport de la commission sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier le projet de loi de Françoise Nyffeler, Caroline Marti, Jocelyne Haller, Marjorie de Chastonay, Léna Strasser, Anne Bonvin Bonfanti, Salika Wenger, Nicole Valiquer Grecuccio, Aude Martenot, Christian Zaugg, Amanda Gavilanes, Badia Luthi, Diego Esteban, Jean-Charles Rielle, Olivier Baud modifiant la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers (LTrait) (B 5 15) (Introduction de la pénibilité psychologique)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 20 et 21 juin 2024.
Rapport de majorité de M. Souheil Sayegh (LC)
Rapport de minorité de M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve)

Premier débat

Le président. Nous abordons maintenant les PL 13273-A et 13274-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur Sayegh, vous avez la parole.

M. Souheil Sayegh (LC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, nous voici face à deux projets de lois qui partent du postulat primaire que le travail est forcément pénible psychologiquement. A l'heure actuelle, dans la loi sur la CPEG, il est tenu compte uniquement des critères de pénibilité physique, avec la possibilité d'écourter la période active en anticipant l'âge de départ à la retraite.

Il s'agit de l'unique cas de figure où l'on tient compte de la pénibilité, et seule la pénibilité physique est visée. L'objectif de ce texte est qu'on tienne compte non pas seulement de la pénibilité physique, mais également des caractéristiques de la pénibilité psychologique et psychique que peuvent contenir certaines tâches, via des aménagements liés aux aspects de pénibilité de l'activité exercée.

Les métiers majoritairement exercés par les hommes sont plus facilement reconnus comme étant physiquement pénibles. Et comme il n'y a aucune reconnaissance de la pénibilité psychique de l'activité, cela a une conséquence négative sur les professions majoritairement exercées par des femmes.

Les deux projets de lois agissent un peu différemment: le PL 13273 propose de modifier la loi instituant la caisse de pension... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur le député, juste un instant. S'il vous plaît ! Je demande au petit groupe qui discute de sortir de la salle.

Une voix. Nous avons un nom, Monsieur le président !

Le président. Le groupe LJS !

La même voix. Ah, merci ! (Commentaires.)

Le président. Voilà. Je prie l'ensemble des députés de bien vouloir écouter le rapporteur de majorité. Vous pouvez reprendre, Monsieur.

M. Souheil Sayegh. Merci, Monsieur le président. Le PL 13273 propose de modifier la loi instituant la caisse de pension de l'Etat de Genève en ajoutant une disposition sur la pénibilité psychologique. On permettrait les mêmes aménagements que ceux qui s'appliquent pour les personnes qui exercent une activité présentant des caractéristiques de pénibilité physique. Le PL 13274 propose quant à lui que la pénibilité soit prise en compte pour la détermination des classes de fonction dans le cadre de la LTrait.

Actuellement, dix mille personnes bénéficient déjà de la prise en compte de la pénibilité selon l'article 23 de la LCPEG. Ce processus consiste à définir lors d'une visite les contraintes environnementales et la manière dont le métier est réellement exercé. Les contraintes psychologiques sont déjà intégrées dans la notion de pénibilité.

Lors des auditions, nous avons pu constater que la pénibilité reste subjective; ce qui est perçu comme pénible par l'un ne l'est pas forcément par l'autre, de tels exemples nous ont été présentés. L'audition du Conseil d'Etat nous a appris que traditionnellement, la notion de pénibilité est associée aux métiers manuels masculins, mais aussi aux aspects psychologiques de l'emploi dans les secteurs du «care», des soins à la personne et de l'accompagnement, emplois principalement occupés par des femmes.

Dans ces domaines, les taux élevés d'absentéisme pour raisons de santé sont principalement attribués à l'épuisement dû à la charge mentale et émotionnelle. La pénibilité psychologique n'est pas spécifiquement liée à un métier particulier ou au seul domaine du «care»; elle peut se manifester dans tous les emplois en fonction des conditions et de l'environnement de travail, ce qui rend son évaluation subjective et complexe.

Introduire un nouveau critère d'évaluation nécessiterait de revoir l'ensemble du système, ce qui n'est pas réalisable en parallèle des réformes en cours. Dans le cadre de G'Evolue, une commission ad hoc paritaire a été mise en place pour choisir un nouveau système d'évaluation. Elle travaille actuellement à la redéfinition de ces critères.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Souheil Sayegh. Merci, Monsieur le président. Cette commission paritaire travaille en collaboration avec les associations représentatives du personnel et les syndicats, afin qu'ils construisent ensemble un nouveau système.

Compte tenu du fait que cette commission ad hoc travaille déjà sur le sujet, que rajouter des critères de pénibilité ferait courir le risque d'en voir d'autres retirés et qu'il faudrait repenser l'ensemble du processus d'évaluation, de nombreux travailleurs estimant peut-être que la pénibilité physique ou psychique de leur emploi n'est pas assez reconnue, la majorité de la commission vous recommande de rejeter ces deux projets de lois. Je vous remercie.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, en préambule, on relèvera que le postulat de ces deux projets de lois n'est précisément pas de penser que la pénibilité psychologique de tous les métiers est équivalente, parce que si c'était le cas, ils ne demanderaient pas une revalorisation spécifique des métiers concernés, mais une revalorisation générale de la fonction publique - c'est un autre sujet, on pourra aussi en discuter, mais ce n'est évidemment pas l'objet de ces deux textes.

On va faire un peu d'histoire et remonter au 7 novembre 2013, soit il y a bientôt douze ans, lorsque David Hiler a présenté le projet SCORE, à savoir une refonte complète du système de traitement de la fonction publique. Je vous renvoie à sa conférence de presse, dans laquelle il se réjouissait que ce système - entre autres, mais principalement - intègre la pénibilité psychologique dans la fameuse roue des fonctions, qui servait de base à leur cotation.

Si on revient un peu moins loin dans le temps, en 2017, lorsque Serge Dal Busco a relancé le projet SCORE suite à un premier coup d'arrêt, c'est également ce point qu'il a mis en évidence comme élément particulièrement positif du projet. Il faut dire que si ce dernier a effectivement connu une fin funeste, ce n'est absolument pas cet aspect-là qui en est la cause, car il y avait une unanimité à peu près absolue pour dire qu'effectivement, la question de la pénibilité ne devait pas se résumer à la pénibilité physique, mais devait également prendre en compte la pénibilité psychologique.

Cette dernière va malheureusement croissant dans un certain nombre de fonctions. J'en veux pour preuve une étude de l'OFS, publiée quasiment conjointement et simultanément au refus de la commission d'entrer en matière sur ces projets de lois et qui est très alarmante sur la situation actuelle et les risques psychologiques qu'encourent un certain nombre de fonctions. Ce sont des gens qui doivent se confronter au quotidien à la violence, physique et verbale, à la mort et aux insultes, que l'on retrouve malheureusement de plus en plus souvent dans certaines fonctions - à ce titre, les HUG ont également mis en place il y a deux ans un dispositif particulier pour protéger leur personnel.

Les deux arguments opposés à ces textes sont intéressants, mais inconsistants par rapport à la nécessité de traiter le plus rapidement possible les demandes légitimes de ces personnes. Le premier, évoqué par le rapporteur de majorité à l'instant, c'est qu'un autre projet est en marche. Il s'agit de G'Evolue, dont on parle depuis quelques années; ça semble plutôt bien parti, d'après les retours que l'on reçoit à la fois des ressources humaines et des syndicats, mais on sait très bien que ce projet prendra passablement de temps et qu'il est exposé à un certain nombre d'aléas. En effet, selon les choix que feront les uns et les autres, on risque de se retrouver face à des blocages semblables à ceux que SCORE a connus.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Julien Nicolet-dit-Félix. Par conséquent, miser sur le fait que G'Evolue sera mis en place rapidement est un pari pour le moins hasardeux et assurément perdant, qui ne constitue aucunement une solution acceptable pour ces gens qui attendent depuis plus d'une décennie une revalorisation maîtrisée.

L'autre aspect est plus technique: on nous dit (le rapporteur de majorité l'a indiqué et le DF également) qu'il s'agirait d'une modification complète de l'attribution des points permettant de déterminer le traitement dans le système appelé SEF, qui est un peu obsolète. Mais ce n'est absolument pas le cas. Vous me pardonnerez peut-être cette analogie professionnelle, mais l'idée n'est pas d'ajouter un exercice dans une épreuve et de bouleverser complètement le nombre de points attribués à un élève en particulier, ce qui en effet rejaillirait sur toutes les épreuves des autres élèves non concernés, mais bien au contraire de garder la même structure de cotation en prévoyant simplement, dans le cadre d'un critère bien défini, la possibilité d'augmenter le nombre de points obtenus.

Il y a cinq domaines dans SEF; il s'agirait, dans l'un d'eux qui est d'ailleurs relativement peu doté, ce qui fait que les effets financiers seraient tout à fait marginaux, de donner aux personnes chargées de cette cotation la possibilité d'attribuer des points supplémentaires lorsqu'il y a des sollicitations psychologiques avérées.

Il n'est pas question de viser des expériences individuelles de gens plus ou moins sensibles aux contraintes psychologiques, mais bien de se donner les moyens de mesurer de façon objective les contraintes psychologiques réitérées, récurrentes et objectivables liées à une fonction particulière. C'est pour cela, Mesdames et Messieurs, que nous vous appelons à voter ces deux projets. Je vous remercie.

Mme Masha Alimi (LJS). Tout d'abord, ce critère de pénibilité est tout de même difficilement objectivable et il ne dépend pas nécessairement de la profession, mais davantage d'un environnement de travail. Si nous prenons le cas du métier d'infirmière, la pénibilité psychologique sera différente si la personne travaille aux urgences ou dans une école.

A mon avis, ces projets de lois vont plutôt entraîner de nouvelles inégalités. La pénibilité psychologique n'est à mon sens pas liée à une activité en particulier, mais peut se manifester dans tous les métiers, sans distinction, en fonction de l'environnement et des conditions de travail. Par ailleurs, la pénibilité psychologique ressentie par une personne peut être ponctuelle, notamment à la suite d'un différend avec son équipe ou sa hiérarchie. Elle ne saurait donc être un critère pertinent à prendre en compte.

De plus, laissons la commission chargée du projet G'Evolue débattre de la question de manière globale sur ce critère, afin qu'elle puisse l'intégrer de façon réfléchie dans la grille salariale, et surtout sans provoquer des inégalités de traitement. Pour ces raisons, LJS refusera ces projets de lois. Merci, Monsieur le président.

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Comme cela a été dit par le rapporteur de majorité, ce qui sous-tend ces deux projets de lois, c'est l'idée que par nature, le travail serait pénible; ça ressort d'ailleurs du rapport de minorité, qui voit d'un côté le travail émancipateur et de l'autre le travail torture ! Il dit que les emplois publics relèvent simultanément du travail émancipateur et du travail torture, ce dernier étant celui qui contraint, qui avilit et qui génère de la souffrance.

De toute évidence, à l'Etat de Genève, je ne pense pas qu'on puisse souscrire à cette définition. Bien entendu, il peut y avoir des problématiques liées à la pénibilité psychologique, c'est une évidence, mais il est bien difficile de définir cette pénibilité et d'établir des critères. C'est ce qui ressort de l'unique audition que nous avons faite sur ce projet de loi: le département des finances nous a indiqué que la pénibilité psychologique n'est pas spécifiquement liée à un métier particulier ou au seul domaine du «care», mais qu'elle peut se manifester dans tous les emplois, en fonction des conditions et de l'environnement de travail, ce qui rend son évaluation subjective et complexe.

Evidemment, il faut prendre en compte ces différents critères pour revoir le système d'évaluation, et c'est précisément ce à quoi s'est engagée notre conseillère d'Etat Nathalie Fontanet par le biais du projet G'Evolue, qui avance bien, mais qui naturellement prend du temps. C'est bien entendu dans ce cadre qu'il faudra revoir ces critères d'évaluation. Pour ces motifs, le PLR refusera ces deux projets de lois. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Guy Mettan (UDC). L'UDC s'opposera à ces deux projets de lois parce qu'il y voit une contradiction dans les termes, comme l'ont bien exposé le rapporteur de majorité, Mme Alimi et M. de Senarclens. Comment juger de la pénibilité psychologique dès lors que c'est quelque chose d'éminemment subjectif ? En effet, comment peut-on objectiver quelque chose de subjectif ? C'est un peu ce que j'ai entendu dans la bouche du rapporteur de minorité, qui disait que c'était objectivable; mais la subjectivité n'est pas objectivable ! C'est une contradiction dans les termes, ce qui montre bien que ce qui est proposé dans ces deux projets de lois, à savoir prendre en compte la pénibilité psychique, est éminemment subjectif et donc impossible à quantifier.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de charge psychologique ou psychique dans les activités et les métiers de la santé ou du Pouvoir judiciaire - ce n'est pas du tout notre propos -, mais c'est impossible à quantifier et à mesurer. Ça, c'est le premier problème.

Le deuxième est le suivant: on peut effectivement admettre qu'il y a une charge psychique dans de nombreux métiers, c'est évidemment le cas. Prenons l'exemple de la police, qui n'est pas mentionné ici: quand un policier doit aller sur les voies de chemin de fer recueillir les restes d'une personne qui s'est jetée sous le train, on peut tout à fait reconnaître que c'est une grosse charge pour lui. Ce sont malheureusement des choses qui arrivent souvent dans ce domaine. Ce n'est pas mentionné dans les deux projets de lois qui nous sont proposés, c'est fort dommage.

Par conséquent, nous pensons qu'il ne nous appartient pas à nous, parlementaires, de définir cette pénibilité, mais que c'est plutôt aux partenaires sociaux, aux employeurs et aux syndicats, le cas échéant, d'identifier ces problèmes et de proposer des définitions.

A ce stade, nous renvoyons au projet G'Evolue et aux discussions qui ont lieu. Ce n'est en tout cas pas à nous, qui sommes complètement en dehors des métiers et qui ne sommes ni employeurs ni employés - en tout cas pour la majorité d'entre nous -, de prendre des décisions dans ce domaine. Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons de rejeter ces deux textes.

M. Léo Peterschmitt (Ve). Structurellement, certains métiers cohabitent avec des éléments lourds psychiquement. J'ai l'impression que certains mélangent la souffrance au travail, qui est de l'ordre de l'organisation du travail, et la pénibilité psychique ou psychologique, qui est liée au travail lui-même. La pénibilité psychologique a un impact sur la santé par de nombreux mécanismes, notamment via le stress chronique, qui suractive le système sympathique et augmente les risques de maladies cardiovasculaires, d'hypertension et de troubles métaboliques.

Mais la pénibilité psychologique ne se limite pas au stress; il y a par exemple un risque accru de troubles mentaux au sein des professions impliquant une forte charge émotionnelle ou une exposition à la souffrance. On parle de risque augmenté de dépression et d'anxiété, de TSPT (trouble de stress post-traumatique) ou de burn-out, sans que cela soit lié à la seule organisation du travail. La pénibilité psychologique se répercute fortement sur la santé, sur le court et le long termes, et il est donc normal qu'elle soit reconnue. Merci.

Mme Caroline Renold (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme déjà indiqué, ces projets de lois proposent de tenir compte de la pénibilité psychologique au même titre que la pénibilité physique, soit, en d'autres termes, de mettre sur pied d'égalité l'usure du corps et l'usure de l'intégrité psychique par le travail. Tout comme la médecine a évolué pour accorder de plus en plus de place à la dimension psychique de la santé, jusqu'à mettre la santé physique et la santé psychique sur un pied d'égalité, le monde du travail doit évoluer et reconnaître tout autant la pénibilité psychique de certains emplois que la pénibilité physique, et ce, chers collègues, même si cela est plus difficile à établir - n'en déplaise aux bancs de droite.

Si tous les métiers usent le corps - même les emplois de bureau ont leurs maux physiques associés -, on reconnaît évidemment que certaines activités, notamment de force, d'exposition à des vibrations ou à certaines substances, sont particulièrement pénibles pour le corps et que ces travailleurs et travailleuses laissent de leur intégrité physique au travail.

Cela vaut aussi pour l'aspect psychologique. De même que tous les métiers impactent notre santé psychique, il en est certains que nous devons reconnaître comme étant bien plus usants que d'autres. Etre régulièrement confronté dans son travail à la mort, à la maladie, à la douleur (pour les soignants, par exemple), à la détresse, au désespoir, au trauma (dans le social), à l'agression, à l'intimidation, à la mort (dans la sécurité et dans la police) et devoir mettre de sa personne psychique dans le travail (dans l'empathie, dans le soin, dans la gestion de la charge mentale) rend certains métiers extrêmement pénibles au sens psychologique. Ces travailleurs et travailleuses laissent de leur intégrité psychique au travail.

La pénibilité psychique est lourdement associée aux métiers du «care» et du soin, même si ce n'est pas le seul domaine concerné. Ce sont des professions qui sont occupées majoritairement par des femmes, souvent par des femmes migrantes, et qui ont, pour cette raison, longtemps été invisibilisées et déconsidérées. Aujourd'hui encore, leur pénibilité n'est pas reconnue. Et ce non pour des raisons objectives, mais uniquement parce qu'il s'agit d'activités historiquement et socialement attribuées aux femmes et que celles-ci, c'est connu, font naturellement ce travail de soin sans qu'on doive le reconnaître ou le payer - propos ironiques, je le précise en tant que de besoin !

Ne perpétuons pas cette déconsidération de la pénibilité psychologique des métiers fondamentaux du soin, du travail des femmes et de leur intégrité psychique en général ! Valorisons à sa réelle valeur l'implication psychique et émotionnelle, qui permet d'apporter des services publics de qualité dans le domaine du soin ! Permettons aux travailleuses et aux travailleurs qui laissent de leur intégrité psychique au travail pour la qualité des soins prodigués de continuer à le faire ! Le parti socialiste vous remercie d'accepter ces projets de lois.

Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous recommande de rejeter ces projets de lois pour plusieurs motifs. Le premier, c'est que lorsqu'on parle de pénibilité au travail - et je dis bien pénibilité au travail -, eh bien, on est là face à une notion qui fait référence à l'ensemble des contraintes physiques et environnementales auxquelles sont soumis les travailleurs. On peut penser à des charges ou des contraintes physiques ainsi qu'à l'exposition aux produits chimiques, à des températures ou à du bruit.

En revanche, quand on parle de pénibilité psychique, le critère psychologique est, lui, lié aux conditions de travail, qui peuvent avoir des conséquences sur la santé des personnes, telles que le stress, la pression ou encore le harcèlement moral. La pénibilité psychologique n'est pas propre à un métier particulier, et on ne peut pas non plus dire qu'elle serait liée aux métiers du «care», parce qu'elle dépend de situations particulières dans les métiers en question.

Présidence de M. Thierry Cerutti, premier vice-président

J'aimerais revenir sur un élément indiqué par le rapporteur de minorité, qui estime que sur le plan technique, il serait très facile de donner un peu plus de poids à cette famille de critères de pénibilité pour tenir compte des contraintes psychologiques. Je ne veux pas heurter le rapporteur de minorité en ne reprenant pas exactement ses mots, mais il avait l'air de dire que finalement, on n'avait qu'à ajouter un peu de poids à ces critères qui n'en ont pas beaucoup.

Je souhaite rappeler que dans le cadre du système actuel d'évaluation des fonctions, malheureusement, si nous décidons d'ajouter un peu de valeur ou de poids à un critère ou même d'ajouter un critère, il faudra bien prendre ce poids ou ces chiffres... (L'oratrice est interpellée.) Ecoutez, oui, je vous l'assure, Monsieur le rapporteur de minorité - vous transmettrez, Monsieur le président -, il faudra bien prendre ce poids dans d'autres critères. Sinon, on atteindra une somme qui dépassera le nombre global correspondant à l'ensemble des critères.

Pour ce faire, il nous faudrait donc revoir l'intégralité du système. Or, vous le savez, c'est ce que nous sommes en train de faire. D'ailleurs, nous viendrons devant la commission sur le personnel de l'Etat vendredi prochain pour une audition afin de vous présenter où nous en sommes dans le cadre de la commission paritaire qui traite du projet G'Evolue et quels sont les travaux qui ont été menés ainsi que leur niveau d'avancement.

En ce qui me concerne, j'aimerais dire tout d'abord que cette commission travaille de façon extrêmement active et qu'aucun de ses membres, qu'il s'agisse d'un représentant de l'Etat employeur ou des associations représentatives du personnel, ne rechigne au travail; bien au contraire, ils font un travail exceptionnel. En revanche, je dois le reconnaître et je regrette de le dire, les associations représentatives du personnel - non pas les membres de la commission paritaire, mais les syndicats en tant que tels - trouvent que cela va trop vite.

Il ne faut donc pas dire au Conseil d'Etat ou à je ne sais qui que nous allons trop lentement; eux trouvent que cela va trop vite, et il m'a été rapporté que dans certaines réunions, ils vont même plus loin en disant: «Fontanet, on s'en fiche de ses délais; nous, on prendra le temps qu'il faudra !»

Moi, à titre personnel, je n'ai pas de délai, Mesdames et Messieurs; le délai, c'est la fonction publique qui le supporte, et c'est l'ensemble de la fonction publique qui, aujourd'hui, vit avec des critères dépassés, qui ne tiennent pas compte de la modernisation des métiers ni de nouveaux éléments. J'enjoins à l'ensemble de ce parlement de faire en sorte que nous puissions avancer, comme c'est le cas dans cette commission paritaire composée de représentants de tous les bords et qui procède à des auditions de l'ensemble des métiers pour fixer ces nouveaux critères et permettre d'adopter rapidement - rapidement, ce n'est pas demain, c'est au maximum d'ici la fin de la législature - un projet de loi qui aura pris en compte l'intégralité des éléments.

Cette fois, on ne pourra pas dire que le système n'est pas transparent. L'ensemble des membres de cette commission paritaire et leurs suppléants sont payés - parce qu'il faut savoir que pour que cette commission avance, chaque membre a un suppléant. Ces suppléants reçoivent des jetons de présence - et c'est normal - pour leurs séances de préparation. Pourquoi ? Pour qu'ils soient prêts au cas où ils doivent remplacer et qu'on ne prenne pas de retard dans ce travail, qui est extrêmement intensif.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs, je vous encourage à ne pas accepter ces deux projets de lois et à attendre le projet G'Evolue, qui, je l'espère, ne fera pas l'objet de blocages idéologiques. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat, pour votre prestation ! (Rires.)

Mme Nathalie Fontanet. Ma prestation ?

Le président. C'était une prestation intéressante, bravo ! (Rires.) Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 13273 est rejeté en premier débat par 58 non contre 31 oui.

Mis aux voix, le projet de loi 13274 est rejeté en premier débat par 58 non contre 30 oui.