Séance du vendredi 21 mars 2025 à 18h10
3e législature - 2e année - 11e session - 63e séance

PL 13272-A
Rapport de la commission sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier le projet de loi de Caroline Marti, Jocelyne Haller, Françoise Nyffeler, Marjorie de Chastonay, Léna Strasser, Anne Bonvin Bonfanti, Salika Wenger, Nicole Valiquer Grecuccio, Aude Martenot, Christian Zaugg, Amanda Gavilanes, Badia Luthi, Diego Esteban, Jean-Charles Rielle, Olivier Baud modifiant la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers (LTrait) (B 5 15) (Revalorisons les métiers de la santé, du social et du nettoyage)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 20 et 21 juin 2024.
Rapport de majorité de Mme Masha Alimi (LJS)
Rapport de minorité de Mme Caroline Marti (S)

Premier débat

Le président. Nous continuons dans l'ordre du jour avec le PL 13272-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Madame Alimi, vous avez la parole.

Mme Masha Alimi (LJS), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi a pour objectif la valorisation des métiers de la santé, du social et du nettoyage, en attendant la revalorisation globale de l'ensemble des métiers prévue dans le cadre du projet G'Evolue. Ce texte, dont le but est de lutter contre les inégalités salariales entre femmes et hommes, de donner une meilleure reconnaissance de l'utilité sociale de ces professions et de provoquer une plus grande attractivité pour ces métiers, ne vise que le personnel engagé sur la base de la LTrait.

Les auteurs de ce projet de loi estiment qu'il n'est pas nécessaire d'attendre le projet G'Evolue, qui suit un rythme de travail relativement lent, et ce malgré le fait que la revalorisation demandée dans ce texte pourrait créer de nouvelles inégalités de traitement. En effet, l'indemnité complémentaire que recevrait le personnel concerné serait basée sur un pourcentage du salaire annuel, ce qui aurait pour conséquence que les personnes qui ont un plus haut salaire toucheraient une revalorisation proportionnellement plus importante. Par ailleurs, il reviendrait au Conseil d'Etat de fixer les professions visées par cette indemnité et d'en évaluer les coûts.

Ce projet de loi serait donc une mesure transitoire en attendant le projet G'Evolue. Pourquoi ne doit-il pas être accepté en l'état ? Déjà parce qu'il y aurait une forme d'iniquité, à titre d'exemple, entre la personne qui exerce un métier dans une fonction sociale et celle qui est active dans un autre secteur et dont la fonction est tout aussi pénible. Actuellement, l'égalité de traitement n'est pas violée: les rémunérations reposent sur des motifs objectifs, notamment l'âge, l'ancienneté, l'expérience, les qualifications, les horaires, les cahiers des charges et les responsabilités.

Par ailleurs, octroyer une indemnité déstabiliserait à l'avance l'ensemble du projet de réforme du système d'évaluation des fonctions, G'Evolue, qui aura l'avantage de ne pas prévoir de nouvelles indemnités. Nous ne pouvons accepter que ce projet de loi soit appliqué pour une période transitoire, car cela entraînerait nécessairement un risque élevé que certains salaires soient revus à la baisse dans le cadre de G'Evolue. Comment l'expliquer par la suite aux personnes concernées ?

La méthode actuelle se base sur des critères appliqués de manière homogène. Si certaines fonctions méritent d'être réévaluées ou de bénéficier d'un plancher, la solution globale aux problèmes que pose une réévaluation générale se trouve dans le projet G'Evolue, en cours d'élaboration par la commission paritaire, qui coordonne ses travaux avec les associations représentatives du personnel et l'employeur.

Ce texte est très ciblé, alors que le projet en cours permettrait de garantir une approche cohérente et complète de l'ensemble des métiers sans favoriser une situation spécifique par rapport à d'autres.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Masha Alimi. Merci, Monsieur le président. En conclusion, l'arrivée prochaine du projet G'Evolue devrait permettre de mettre à jour les salaires de manière globale. Libertés et Justice sociale ne votera pas en faveur de ce projet de loi tel quel et vous encourage, Mesdames et Messieurs les députés, en raison de ce qui a été énoncé, à faire de même. Je vous remercie.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, les métiers qui concernent la santé, le social ou le nettoyage ont une utilité sociale évidente et incontestée. Malgré tout le respect, et l'admiration d'ailleurs, que j'ai par exemple pour la créativité des publicitaires, je relève que s'ils s'arrêtaient tous de travailler pendant deux semaines, absolument personne ne s'en rendrait compte. En revanche, si les employés qui travaillent à l'hôpital auprès des malades ou ceux qui s'occupent du nettoyage en milieu hospitalier et qui sont auprès de personnes très fortement dépendantes s'arrêtaient de travailler pendant deux semaines, eh bien, tout simplement, des gens mourraient.

Cette utilité publique, sociétale et sociale doit être reconnue. Elle doit l'être à travers des conditions de travail correctes, mais également via un salaire adéquat. Or, ce que l'on constate, c'est que ces métiers ont énormément évolué: les formations sont plus longues et les responsabilités endossées plus importantes. Ces personnes font également face à une complexification des situations qu'ils et elles doivent prendre en charge.

Or, toutes ces modifications n'ont pas occasionné de réévaluation salariale. Ça aurait dû être fait dans le cadre de SCORE, d'ailleurs le Conseil d'Etat, au moment de présenter ce projet, avait indiqué une revalorisation substantielle, notamment des métiers dans les domaines de la santé et du social. Le projet SCORE a été bloqué, et G'Evolue, qui doit lui succéder, n'avance pas aussi vite que ce qu'on aurait pu imaginer à l'origine. Ces personnes en ont marre d'attendre une revalorisation qui ne vient jamais.

L'autre point sur lequel se base ce projet de loi, c'est qu'il existe dans la loi un mécanisme appelé le quatorzième salaire, qui, à l'origine, était réservé aux hauts cadres de l'administration. Il est actuellement restreint aux seuls médecins avec des fonctions de cadres au sein des HUG. L'article en question prévoit que jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle évaluation des fonctions - donc, en gros, jusqu'à G'Evolue -, ces personnes ont droit à un quatorzième salaire.

Si on juge qu'il est nécessaire de mettre en place un système transitoire parce que les hauts cadres de l'hôpital ne peuvent pas attendre l'aboutissement de cette réforme pour avoir une revalorisation de salaire, eh bien on peut aussi le faire pour d'autres métiers, en l'occurrence ceux de la santé, du social et du nettoyage.

Une revalorisation de ces métiers, c'est aussi une manière de combler, de répondre à la situation de pénurie de personnel que nous connaissons dans ces secteurs, en particulier dans la santé et le social, mais aussi de maintenir plus longtemps en emploi des personnes qui ont été formées dans ces domaines-là...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Caroline Marti. ...mais qui actuellement quittent la profession après quelques années d'exercice seulement. Et puis, le dernier point, c'est qu'une revalorisation de la rémunération de ces métiers constitue aussi une mesure de lutte contre les inégalités salariales entre hommes et femmes, puisque aujourd'hui, les métiers du prendre soin sont très majoritairement occupés par des femmes. Si on ne réévalue pas ces métiers à leur juste valeur, on creuse ces inégalités salariales dites indirectes par rapport à d'autres professions davantage masculines.

C'est donc pour prendre soin de celles et ceux qui prennent soin de nous, à savoir les personnes qui travaillent dans les domaines de la santé, du social et du nettoyage, que nous avons déposé ce projet de loi. Ce texte mérite apparemment d'être rediscuté et étudié à nouveau en commission: je vous invite à le renvoyer à la commission sur le personnel de l'Etat afin que nous puissions retravailler cette proposition, absolument essentielle à nos yeux.

Le président. Je vous remercie. Madame la rapporteure de majorité, voulez-vous vous prendre position sur cette demande de renvoi en commission ? (Remarque.) Ce n'est pas le cas, très bien. Nous passons donc au vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13272 à la commission sur le personnel de l'Etat est adopté par 36 oui contre 31 non. (Commentaires à l'annonce du résultat.)