Séance du vendredi 21 mars 2025 à 18h10
3e législature - 2e année - 11e session - 63e séance

La séance est ouverte à 18h10, sous la présidence de M. Alberto Velasco, président.

Assiste à la séance: Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Thierry Apothéloz, Antonio Hodgers, Anne Hiltpold, Carole-Anne Kast, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Natacha Buffet-Desfayes, Vincent Canonica, Patrick Dimier, Adrien Genecand, Angèle-Marie Habiyakare, André Pfeffer, Charles Poncet, Skender Salihi, Vincent Subilia et François Wolfisberg, députés.

Députés suppléants présents: MM. Sebastian Aeschbach, Darius Azarpey, Philippe Meyer, Daniel Noël et Frédéric Saenger.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 13272-A
Rapport de la commission sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier le projet de loi de Caroline Marti, Jocelyne Haller, Françoise Nyffeler, Marjorie de Chastonay, Léna Strasser, Anne Bonvin Bonfanti, Salika Wenger, Nicole Valiquer Grecuccio, Aude Martenot, Christian Zaugg, Amanda Gavilanes, Badia Luthi, Diego Esteban, Jean-Charles Rielle, Olivier Baud modifiant la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers (LTrait) (B 5 15) (Revalorisons les métiers de la santé, du social et du nettoyage)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 20 et 21 juin 2024.
Rapport de majorité de Mme Masha Alimi (LJS)
Rapport de minorité de Mme Caroline Marti (S)

Premier débat

Le président. Nous continuons dans l'ordre du jour avec le PL 13272-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Madame Alimi, vous avez la parole.

Mme Masha Alimi (LJS), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi a pour objectif la valorisation des métiers de la santé, du social et du nettoyage, en attendant la revalorisation globale de l'ensemble des métiers prévue dans le cadre du projet G'Evolue. Ce texte, dont le but est de lutter contre les inégalités salariales entre femmes et hommes, de donner une meilleure reconnaissance de l'utilité sociale de ces professions et de provoquer une plus grande attractivité pour ces métiers, ne vise que le personnel engagé sur la base de la LTrait.

Les auteurs de ce projet de loi estiment qu'il n'est pas nécessaire d'attendre le projet G'Evolue, qui suit un rythme de travail relativement lent, et ce malgré le fait que la revalorisation demandée dans ce texte pourrait créer de nouvelles inégalités de traitement. En effet, l'indemnité complémentaire que recevrait le personnel concerné serait basée sur un pourcentage du salaire annuel, ce qui aurait pour conséquence que les personnes qui ont un plus haut salaire toucheraient une revalorisation proportionnellement plus importante. Par ailleurs, il reviendrait au Conseil d'Etat de fixer les professions visées par cette indemnité et d'en évaluer les coûts.

Ce projet de loi serait donc une mesure transitoire en attendant le projet G'Evolue. Pourquoi ne doit-il pas être accepté en l'état ? Déjà parce qu'il y aurait une forme d'iniquité, à titre d'exemple, entre la personne qui exerce un métier dans une fonction sociale et celle qui est active dans un autre secteur et dont la fonction est tout aussi pénible. Actuellement, l'égalité de traitement n'est pas violée: les rémunérations reposent sur des motifs objectifs, notamment l'âge, l'ancienneté, l'expérience, les qualifications, les horaires, les cahiers des charges et les responsabilités.

Par ailleurs, octroyer une indemnité déstabiliserait à l'avance l'ensemble du projet de réforme du système d'évaluation des fonctions, G'Evolue, qui aura l'avantage de ne pas prévoir de nouvelles indemnités. Nous ne pouvons accepter que ce projet de loi soit appliqué pour une période transitoire, car cela entraînerait nécessairement un risque élevé que certains salaires soient revus à la baisse dans le cadre de G'Evolue. Comment l'expliquer par la suite aux personnes concernées ?

La méthode actuelle se base sur des critères appliqués de manière homogène. Si certaines fonctions méritent d'être réévaluées ou de bénéficier d'un plancher, la solution globale aux problèmes que pose une réévaluation générale se trouve dans le projet G'Evolue, en cours d'élaboration par la commission paritaire, qui coordonne ses travaux avec les associations représentatives du personnel et l'employeur.

Ce texte est très ciblé, alors que le projet en cours permettrait de garantir une approche cohérente et complète de l'ensemble des métiers sans favoriser une situation spécifique par rapport à d'autres.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Masha Alimi. Merci, Monsieur le président. En conclusion, l'arrivée prochaine du projet G'Evolue devrait permettre de mettre à jour les salaires de manière globale. Libertés et Justice sociale ne votera pas en faveur de ce projet de loi tel quel et vous encourage, Mesdames et Messieurs les députés, en raison de ce qui a été énoncé, à faire de même. Je vous remercie.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, les métiers qui concernent la santé, le social ou le nettoyage ont une utilité sociale évidente et incontestée. Malgré tout le respect, et l'admiration d'ailleurs, que j'ai par exemple pour la créativité des publicitaires, je relève que s'ils s'arrêtaient tous de travailler pendant deux semaines, absolument personne ne s'en rendrait compte. En revanche, si les employés qui travaillent à l'hôpital auprès des malades ou ceux qui s'occupent du nettoyage en milieu hospitalier et qui sont auprès de personnes très fortement dépendantes s'arrêtaient de travailler pendant deux semaines, eh bien, tout simplement, des gens mourraient.

Cette utilité publique, sociétale et sociale doit être reconnue. Elle doit l'être à travers des conditions de travail correctes, mais également via un salaire adéquat. Or, ce que l'on constate, c'est que ces métiers ont énormément évolué: les formations sont plus longues et les responsabilités endossées plus importantes. Ces personnes font également face à une complexification des situations qu'ils et elles doivent prendre en charge.

Or, toutes ces modifications n'ont pas occasionné de réévaluation salariale. Ça aurait dû être fait dans le cadre de SCORE, d'ailleurs le Conseil d'Etat, au moment de présenter ce projet, avait indiqué une revalorisation substantielle, notamment des métiers dans les domaines de la santé et du social. Le projet SCORE a été bloqué, et G'Evolue, qui doit lui succéder, n'avance pas aussi vite que ce qu'on aurait pu imaginer à l'origine. Ces personnes en ont marre d'attendre une revalorisation qui ne vient jamais.

L'autre point sur lequel se base ce projet de loi, c'est qu'il existe dans la loi un mécanisme appelé le quatorzième salaire, qui, à l'origine, était réservé aux hauts cadres de l'administration. Il est actuellement restreint aux seuls médecins avec des fonctions de cadres au sein des HUG. L'article en question prévoit que jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle évaluation des fonctions - donc, en gros, jusqu'à G'Evolue -, ces personnes ont droit à un quatorzième salaire.

Si on juge qu'il est nécessaire de mettre en place un système transitoire parce que les hauts cadres de l'hôpital ne peuvent pas attendre l'aboutissement de cette réforme pour avoir une revalorisation de salaire, eh bien on peut aussi le faire pour d'autres métiers, en l'occurrence ceux de la santé, du social et du nettoyage.

Une revalorisation de ces métiers, c'est aussi une manière de combler, de répondre à la situation de pénurie de personnel que nous connaissons dans ces secteurs, en particulier dans la santé et le social, mais aussi de maintenir plus longtemps en emploi des personnes qui ont été formées dans ces domaines-là...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Caroline Marti. ...mais qui actuellement quittent la profession après quelques années d'exercice seulement. Et puis, le dernier point, c'est qu'une revalorisation de la rémunération de ces métiers constitue aussi une mesure de lutte contre les inégalités salariales entre hommes et femmes, puisque aujourd'hui, les métiers du prendre soin sont très majoritairement occupés par des femmes. Si on ne réévalue pas ces métiers à leur juste valeur, on creuse ces inégalités salariales dites indirectes par rapport à d'autres professions davantage masculines.

C'est donc pour prendre soin de celles et ceux qui prennent soin de nous, à savoir les personnes qui travaillent dans les domaines de la santé, du social et du nettoyage, que nous avons déposé ce projet de loi. Ce texte mérite apparemment d'être rediscuté et étudié à nouveau en commission: je vous invite à le renvoyer à la commission sur le personnel de l'Etat afin que nous puissions retravailler cette proposition, absolument essentielle à nos yeux.

Le président. Je vous remercie. Madame la rapporteure de majorité, voulez-vous vous prendre position sur cette demande de renvoi en commission ? (Remarque.) Ce n'est pas le cas, très bien. Nous passons donc au vote.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 13272 à la commission sur le personnel de l'Etat est adopté par 36 oui contre 31 non. (Commentaires à l'annonce du résultat.)

PL 13273-A
Rapport de la commission sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier le projet de loi de Françoise Nyffeler, Jocelyne Haller, Caroline Marti, Marjorie de Chastonay, Léna Strasser, Anne Bonvin Bonfanti, Salika Wenger, Nicole Valiquer Grecuccio, Aude Martenot, Christian Zaugg, Amanda Gavilanes, Badia Luthi, Diego Esteban, Jean-Charles Rielle, Olivier Baud modifiant la loi instituant la Caisse de prévoyance de l'Etat de Genève (LCPEG) (B 5 22) (Introduction du critère de pénibilité psychologique)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 20 et 21 juin 2024.
Rapport de majorité de M. Souheil Sayegh (LC)
Rapport de minorité de M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve)
PL 13274-A
Rapport de la commission sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier le projet de loi de Françoise Nyffeler, Caroline Marti, Jocelyne Haller, Marjorie de Chastonay, Léna Strasser, Anne Bonvin Bonfanti, Salika Wenger, Nicole Valiquer Grecuccio, Aude Martenot, Christian Zaugg, Amanda Gavilanes, Badia Luthi, Diego Esteban, Jean-Charles Rielle, Olivier Baud modifiant la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers (LTrait) (B 5 15) (Introduction de la pénibilité psychologique)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 20 et 21 juin 2024.
Rapport de majorité de M. Souheil Sayegh (LC)
Rapport de minorité de M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve)

Premier débat

Le président. Nous abordons maintenant les PL 13273-A et 13274-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur Sayegh, vous avez la parole.

M. Souheil Sayegh (LC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, nous voici face à deux projets de lois qui partent du postulat primaire que le travail est forcément pénible psychologiquement. A l'heure actuelle, dans la loi sur la CPEG, il est tenu compte uniquement des critères de pénibilité physique, avec la possibilité d'écourter la période active en anticipant l'âge de départ à la retraite.

Il s'agit de l'unique cas de figure où l'on tient compte de la pénibilité, et seule la pénibilité physique est visée. L'objectif de ce texte est qu'on tienne compte non pas seulement de la pénibilité physique, mais également des caractéristiques de la pénibilité psychologique et psychique que peuvent contenir certaines tâches, via des aménagements liés aux aspects de pénibilité de l'activité exercée.

Les métiers majoritairement exercés par les hommes sont plus facilement reconnus comme étant physiquement pénibles. Et comme il n'y a aucune reconnaissance de la pénibilité psychique de l'activité, cela a une conséquence négative sur les professions majoritairement exercées par des femmes.

Les deux projets de lois agissent un peu différemment: le PL 13273 propose de modifier la loi instituant la caisse de pension... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur le député, juste un instant. S'il vous plaît ! Je demande au petit groupe qui discute de sortir de la salle.

Une voix. Nous avons un nom, Monsieur le président !

Le président. Le groupe LJS !

La même voix. Ah, merci ! (Commentaires.)

Le président. Voilà. Je prie l'ensemble des députés de bien vouloir écouter le rapporteur de majorité. Vous pouvez reprendre, Monsieur.

M. Souheil Sayegh. Merci, Monsieur le président. Le PL 13273 propose de modifier la loi instituant la caisse de pension de l'Etat de Genève en ajoutant une disposition sur la pénibilité psychologique. On permettrait les mêmes aménagements que ceux qui s'appliquent pour les personnes qui exercent une activité présentant des caractéristiques de pénibilité physique. Le PL 13274 propose quant à lui que la pénibilité soit prise en compte pour la détermination des classes de fonction dans le cadre de la LTrait.

Actuellement, dix mille personnes bénéficient déjà de la prise en compte de la pénibilité selon l'article 23 de la LCPEG. Ce processus consiste à définir lors d'une visite les contraintes environnementales et la manière dont le métier est réellement exercé. Les contraintes psychologiques sont déjà intégrées dans la notion de pénibilité.

Lors des auditions, nous avons pu constater que la pénibilité reste subjective; ce qui est perçu comme pénible par l'un ne l'est pas forcément par l'autre, de tels exemples nous ont été présentés. L'audition du Conseil d'Etat nous a appris que traditionnellement, la notion de pénibilité est associée aux métiers manuels masculins, mais aussi aux aspects psychologiques de l'emploi dans les secteurs du «care», des soins à la personne et de l'accompagnement, emplois principalement occupés par des femmes.

Dans ces domaines, les taux élevés d'absentéisme pour raisons de santé sont principalement attribués à l'épuisement dû à la charge mentale et émotionnelle. La pénibilité psychologique n'est pas spécifiquement liée à un métier particulier ou au seul domaine du «care»; elle peut se manifester dans tous les emplois en fonction des conditions et de l'environnement de travail, ce qui rend son évaluation subjective et complexe.

Introduire un nouveau critère d'évaluation nécessiterait de revoir l'ensemble du système, ce qui n'est pas réalisable en parallèle des réformes en cours. Dans le cadre de G'Evolue, une commission ad hoc paritaire a été mise en place pour choisir un nouveau système d'évaluation. Elle travaille actuellement à la redéfinition de ces critères.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Souheil Sayegh. Merci, Monsieur le président. Cette commission paritaire travaille en collaboration avec les associations représentatives du personnel et les syndicats, afin qu'ils construisent ensemble un nouveau système.

Compte tenu du fait que cette commission ad hoc travaille déjà sur le sujet, que rajouter des critères de pénibilité ferait courir le risque d'en voir d'autres retirés et qu'il faudrait repenser l'ensemble du processus d'évaluation, de nombreux travailleurs estimant peut-être que la pénibilité physique ou psychique de leur emploi n'est pas assez reconnue, la majorité de la commission vous recommande de rejeter ces deux projets de lois. Je vous remercie.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, en préambule, on relèvera que le postulat de ces deux projets de lois n'est précisément pas de penser que la pénibilité psychologique de tous les métiers est équivalente, parce que si c'était le cas, ils ne demanderaient pas une revalorisation spécifique des métiers concernés, mais une revalorisation générale de la fonction publique - c'est un autre sujet, on pourra aussi en discuter, mais ce n'est évidemment pas l'objet de ces deux textes.

On va faire un peu d'histoire et remonter au 7 novembre 2013, soit il y a bientôt douze ans, lorsque David Hiler a présenté le projet SCORE, à savoir une refonte complète du système de traitement de la fonction publique. Je vous renvoie à sa conférence de presse, dans laquelle il se réjouissait que ce système - entre autres, mais principalement - intègre la pénibilité psychologique dans la fameuse roue des fonctions, qui servait de base à leur cotation.

Si on revient un peu moins loin dans le temps, en 2017, lorsque Serge Dal Busco a relancé le projet SCORE suite à un premier coup d'arrêt, c'est également ce point qu'il a mis en évidence comme élément particulièrement positif du projet. Il faut dire que si ce dernier a effectivement connu une fin funeste, ce n'est absolument pas cet aspect-là qui en est la cause, car il y avait une unanimité à peu près absolue pour dire qu'effectivement, la question de la pénibilité ne devait pas se résumer à la pénibilité physique, mais devait également prendre en compte la pénibilité psychologique.

Cette dernière va malheureusement croissant dans un certain nombre de fonctions. J'en veux pour preuve une étude de l'OFS, publiée quasiment conjointement et simultanément au refus de la commission d'entrer en matière sur ces projets de lois et qui est très alarmante sur la situation actuelle et les risques psychologiques qu'encourent un certain nombre de fonctions. Ce sont des gens qui doivent se confronter au quotidien à la violence, physique et verbale, à la mort et aux insultes, que l'on retrouve malheureusement de plus en plus souvent dans certaines fonctions - à ce titre, les HUG ont également mis en place il y a deux ans un dispositif particulier pour protéger leur personnel.

Les deux arguments opposés à ces textes sont intéressants, mais inconsistants par rapport à la nécessité de traiter le plus rapidement possible les demandes légitimes de ces personnes. Le premier, évoqué par le rapporteur de majorité à l'instant, c'est qu'un autre projet est en marche. Il s'agit de G'Evolue, dont on parle depuis quelques années; ça semble plutôt bien parti, d'après les retours que l'on reçoit à la fois des ressources humaines et des syndicats, mais on sait très bien que ce projet prendra passablement de temps et qu'il est exposé à un certain nombre d'aléas. En effet, selon les choix que feront les uns et les autres, on risque de se retrouver face à des blocages semblables à ceux que SCORE a connus.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Julien Nicolet-dit-Félix. Par conséquent, miser sur le fait que G'Evolue sera mis en place rapidement est un pari pour le moins hasardeux et assurément perdant, qui ne constitue aucunement une solution acceptable pour ces gens qui attendent depuis plus d'une décennie une revalorisation maîtrisée.

L'autre aspect est plus technique: on nous dit (le rapporteur de majorité l'a indiqué et le DF également) qu'il s'agirait d'une modification complète de l'attribution des points permettant de déterminer le traitement dans le système appelé SEF, qui est un peu obsolète. Mais ce n'est absolument pas le cas. Vous me pardonnerez peut-être cette analogie professionnelle, mais l'idée n'est pas d'ajouter un exercice dans une épreuve et de bouleverser complètement le nombre de points attribués à un élève en particulier, ce qui en effet rejaillirait sur toutes les épreuves des autres élèves non concernés, mais bien au contraire de garder la même structure de cotation en prévoyant simplement, dans le cadre d'un critère bien défini, la possibilité d'augmenter le nombre de points obtenus.

Il y a cinq domaines dans SEF; il s'agirait, dans l'un d'eux qui est d'ailleurs relativement peu doté, ce qui fait que les effets financiers seraient tout à fait marginaux, de donner aux personnes chargées de cette cotation la possibilité d'attribuer des points supplémentaires lorsqu'il y a des sollicitations psychologiques avérées.

Il n'est pas question de viser des expériences individuelles de gens plus ou moins sensibles aux contraintes psychologiques, mais bien de se donner les moyens de mesurer de façon objective les contraintes psychologiques réitérées, récurrentes et objectivables liées à une fonction particulière. C'est pour cela, Mesdames et Messieurs, que nous vous appelons à voter ces deux projets. Je vous remercie.

Mme Masha Alimi (LJS). Tout d'abord, ce critère de pénibilité est tout de même difficilement objectivable et il ne dépend pas nécessairement de la profession, mais davantage d'un environnement de travail. Si nous prenons le cas du métier d'infirmière, la pénibilité psychologique sera différente si la personne travaille aux urgences ou dans une école.

A mon avis, ces projets de lois vont plutôt entraîner de nouvelles inégalités. La pénibilité psychologique n'est à mon sens pas liée à une activité en particulier, mais peut se manifester dans tous les métiers, sans distinction, en fonction de l'environnement et des conditions de travail. Par ailleurs, la pénibilité psychologique ressentie par une personne peut être ponctuelle, notamment à la suite d'un différend avec son équipe ou sa hiérarchie. Elle ne saurait donc être un critère pertinent à prendre en compte.

De plus, laissons la commission chargée du projet G'Evolue débattre de la question de manière globale sur ce critère, afin qu'elle puisse l'intégrer de façon réfléchie dans la grille salariale, et surtout sans provoquer des inégalités de traitement. Pour ces raisons, LJS refusera ces projets de lois. Merci, Monsieur le président.

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Comme cela a été dit par le rapporteur de majorité, ce qui sous-tend ces deux projets de lois, c'est l'idée que par nature, le travail serait pénible; ça ressort d'ailleurs du rapport de minorité, qui voit d'un côté le travail émancipateur et de l'autre le travail torture ! Il dit que les emplois publics relèvent simultanément du travail émancipateur et du travail torture, ce dernier étant celui qui contraint, qui avilit et qui génère de la souffrance.

De toute évidence, à l'Etat de Genève, je ne pense pas qu'on puisse souscrire à cette définition. Bien entendu, il peut y avoir des problématiques liées à la pénibilité psychologique, c'est une évidence, mais il est bien difficile de définir cette pénibilité et d'établir des critères. C'est ce qui ressort de l'unique audition que nous avons faite sur ce projet de loi: le département des finances nous a indiqué que la pénibilité psychologique n'est pas spécifiquement liée à un métier particulier ou au seul domaine du «care», mais qu'elle peut se manifester dans tous les emplois, en fonction des conditions et de l'environnement de travail, ce qui rend son évaluation subjective et complexe.

Evidemment, il faut prendre en compte ces différents critères pour revoir le système d'évaluation, et c'est précisément ce à quoi s'est engagée notre conseillère d'Etat Nathalie Fontanet par le biais du projet G'Evolue, qui avance bien, mais qui naturellement prend du temps. C'est bien entendu dans ce cadre qu'il faudra revoir ces critères d'évaluation. Pour ces motifs, le PLR refusera ces deux projets de lois. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Guy Mettan (UDC). L'UDC s'opposera à ces deux projets de lois parce qu'il y voit une contradiction dans les termes, comme l'ont bien exposé le rapporteur de majorité, Mme Alimi et M. de Senarclens. Comment juger de la pénibilité psychologique dès lors que c'est quelque chose d'éminemment subjectif ? En effet, comment peut-on objectiver quelque chose de subjectif ? C'est un peu ce que j'ai entendu dans la bouche du rapporteur de minorité, qui disait que c'était objectivable; mais la subjectivité n'est pas objectivable ! C'est une contradiction dans les termes, ce qui montre bien que ce qui est proposé dans ces deux projets de lois, à savoir prendre en compte la pénibilité psychique, est éminemment subjectif et donc impossible à quantifier.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de charge psychologique ou psychique dans les activités et les métiers de la santé ou du Pouvoir judiciaire - ce n'est pas du tout notre propos -, mais c'est impossible à quantifier et à mesurer. Ça, c'est le premier problème.

Le deuxième est le suivant: on peut effectivement admettre qu'il y a une charge psychique dans de nombreux métiers, c'est évidemment le cas. Prenons l'exemple de la police, qui n'est pas mentionné ici: quand un policier doit aller sur les voies de chemin de fer recueillir les restes d'une personne qui s'est jetée sous le train, on peut tout à fait reconnaître que c'est une grosse charge pour lui. Ce sont malheureusement des choses qui arrivent souvent dans ce domaine. Ce n'est pas mentionné dans les deux projets de lois qui nous sont proposés, c'est fort dommage.

Par conséquent, nous pensons qu'il ne nous appartient pas à nous, parlementaires, de définir cette pénibilité, mais que c'est plutôt aux partenaires sociaux, aux employeurs et aux syndicats, le cas échéant, d'identifier ces problèmes et de proposer des définitions.

A ce stade, nous renvoyons au projet G'Evolue et aux discussions qui ont lieu. Ce n'est en tout cas pas à nous, qui sommes complètement en dehors des métiers et qui ne sommes ni employeurs ni employés - en tout cas pour la majorité d'entre nous -, de prendre des décisions dans ce domaine. Ce sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons de rejeter ces deux textes.

M. Léo Peterschmitt (Ve). Structurellement, certains métiers cohabitent avec des éléments lourds psychiquement. J'ai l'impression que certains mélangent la souffrance au travail, qui est de l'ordre de l'organisation du travail, et la pénibilité psychique ou psychologique, qui est liée au travail lui-même. La pénibilité psychologique a un impact sur la santé par de nombreux mécanismes, notamment via le stress chronique, qui suractive le système sympathique et augmente les risques de maladies cardiovasculaires, d'hypertension et de troubles métaboliques.

Mais la pénibilité psychologique ne se limite pas au stress; il y a par exemple un risque accru de troubles mentaux au sein des professions impliquant une forte charge émotionnelle ou une exposition à la souffrance. On parle de risque augmenté de dépression et d'anxiété, de TSPT (trouble de stress post-traumatique) ou de burn-out, sans que cela soit lié à la seule organisation du travail. La pénibilité psychologique se répercute fortement sur la santé, sur le court et le long termes, et il est donc normal qu'elle soit reconnue. Merci.

Mme Caroline Renold (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme déjà indiqué, ces projets de lois proposent de tenir compte de la pénibilité psychologique au même titre que la pénibilité physique, soit, en d'autres termes, de mettre sur pied d'égalité l'usure du corps et l'usure de l'intégrité psychique par le travail. Tout comme la médecine a évolué pour accorder de plus en plus de place à la dimension psychique de la santé, jusqu'à mettre la santé physique et la santé psychique sur un pied d'égalité, le monde du travail doit évoluer et reconnaître tout autant la pénibilité psychique de certains emplois que la pénibilité physique, et ce, chers collègues, même si cela est plus difficile à établir - n'en déplaise aux bancs de droite.

Si tous les métiers usent le corps - même les emplois de bureau ont leurs maux physiques associés -, on reconnaît évidemment que certaines activités, notamment de force, d'exposition à des vibrations ou à certaines substances, sont particulièrement pénibles pour le corps et que ces travailleurs et travailleuses laissent de leur intégrité physique au travail.

Cela vaut aussi pour l'aspect psychologique. De même que tous les métiers impactent notre santé psychique, il en est certains que nous devons reconnaître comme étant bien plus usants que d'autres. Etre régulièrement confronté dans son travail à la mort, à la maladie, à la douleur (pour les soignants, par exemple), à la détresse, au désespoir, au trauma (dans le social), à l'agression, à l'intimidation, à la mort (dans la sécurité et dans la police) et devoir mettre de sa personne psychique dans le travail (dans l'empathie, dans le soin, dans la gestion de la charge mentale) rend certains métiers extrêmement pénibles au sens psychologique. Ces travailleurs et travailleuses laissent de leur intégrité psychique au travail.

La pénibilité psychique est lourdement associée aux métiers du «care» et du soin, même si ce n'est pas le seul domaine concerné. Ce sont des professions qui sont occupées majoritairement par des femmes, souvent par des femmes migrantes, et qui ont, pour cette raison, longtemps été invisibilisées et déconsidérées. Aujourd'hui encore, leur pénibilité n'est pas reconnue. Et ce non pour des raisons objectives, mais uniquement parce qu'il s'agit d'activités historiquement et socialement attribuées aux femmes et que celles-ci, c'est connu, font naturellement ce travail de soin sans qu'on doive le reconnaître ou le payer - propos ironiques, je le précise en tant que de besoin !

Ne perpétuons pas cette déconsidération de la pénibilité psychologique des métiers fondamentaux du soin, du travail des femmes et de leur intégrité psychique en général ! Valorisons à sa réelle valeur l'implication psychique et émotionnelle, qui permet d'apporter des services publics de qualité dans le domaine du soin ! Permettons aux travailleuses et aux travailleurs qui laissent de leur intégrité psychique au travail pour la qualité des soins prodigués de continuer à le faire ! Le parti socialiste vous remercie d'accepter ces projets de lois.

Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous recommande de rejeter ces projets de lois pour plusieurs motifs. Le premier, c'est que lorsqu'on parle de pénibilité au travail - et je dis bien pénibilité au travail -, eh bien, on est là face à une notion qui fait référence à l'ensemble des contraintes physiques et environnementales auxquelles sont soumis les travailleurs. On peut penser à des charges ou des contraintes physiques ainsi qu'à l'exposition aux produits chimiques, à des températures ou à du bruit.

En revanche, quand on parle de pénibilité psychique, le critère psychologique est, lui, lié aux conditions de travail, qui peuvent avoir des conséquences sur la santé des personnes, telles que le stress, la pression ou encore le harcèlement moral. La pénibilité psychologique n'est pas propre à un métier particulier, et on ne peut pas non plus dire qu'elle serait liée aux métiers du «care», parce qu'elle dépend de situations particulières dans les métiers en question.

Présidence de M. Thierry Cerutti, premier vice-président

J'aimerais revenir sur un élément indiqué par le rapporteur de minorité, qui estime que sur le plan technique, il serait très facile de donner un peu plus de poids à cette famille de critères de pénibilité pour tenir compte des contraintes psychologiques. Je ne veux pas heurter le rapporteur de minorité en ne reprenant pas exactement ses mots, mais il avait l'air de dire que finalement, on n'avait qu'à ajouter un peu de poids à ces critères qui n'en ont pas beaucoup.

Je souhaite rappeler que dans le cadre du système actuel d'évaluation des fonctions, malheureusement, si nous décidons d'ajouter un peu de valeur ou de poids à un critère ou même d'ajouter un critère, il faudra bien prendre ce poids ou ces chiffres... (L'oratrice est interpellée.) Ecoutez, oui, je vous l'assure, Monsieur le rapporteur de minorité - vous transmettrez, Monsieur le président -, il faudra bien prendre ce poids dans d'autres critères. Sinon, on atteindra une somme qui dépassera le nombre global correspondant à l'ensemble des critères.

Pour ce faire, il nous faudrait donc revoir l'intégralité du système. Or, vous le savez, c'est ce que nous sommes en train de faire. D'ailleurs, nous viendrons devant la commission sur le personnel de l'Etat vendredi prochain pour une audition afin de vous présenter où nous en sommes dans le cadre de la commission paritaire qui traite du projet G'Evolue et quels sont les travaux qui ont été menés ainsi que leur niveau d'avancement.

En ce qui me concerne, j'aimerais dire tout d'abord que cette commission travaille de façon extrêmement active et qu'aucun de ses membres, qu'il s'agisse d'un représentant de l'Etat employeur ou des associations représentatives du personnel, ne rechigne au travail; bien au contraire, ils font un travail exceptionnel. En revanche, je dois le reconnaître et je regrette de le dire, les associations représentatives du personnel - non pas les membres de la commission paritaire, mais les syndicats en tant que tels - trouvent que cela va trop vite.

Il ne faut donc pas dire au Conseil d'Etat ou à je ne sais qui que nous allons trop lentement; eux trouvent que cela va trop vite, et il m'a été rapporté que dans certaines réunions, ils vont même plus loin en disant: «Fontanet, on s'en fiche de ses délais; nous, on prendra le temps qu'il faudra !»

Moi, à titre personnel, je n'ai pas de délai, Mesdames et Messieurs; le délai, c'est la fonction publique qui le supporte, et c'est l'ensemble de la fonction publique qui, aujourd'hui, vit avec des critères dépassés, qui ne tiennent pas compte de la modernisation des métiers ni de nouveaux éléments. J'enjoins à l'ensemble de ce parlement de faire en sorte que nous puissions avancer, comme c'est le cas dans cette commission paritaire composée de représentants de tous les bords et qui procède à des auditions de l'ensemble des métiers pour fixer ces nouveaux critères et permettre d'adopter rapidement - rapidement, ce n'est pas demain, c'est au maximum d'ici la fin de la législature - un projet de loi qui aura pris en compte l'intégralité des éléments.

Cette fois, on ne pourra pas dire que le système n'est pas transparent. L'ensemble des membres de cette commission paritaire et leurs suppléants sont payés - parce qu'il faut savoir que pour que cette commission avance, chaque membre a un suppléant. Ces suppléants reçoivent des jetons de présence - et c'est normal - pour leurs séances de préparation. Pourquoi ? Pour qu'ils soient prêts au cas où ils doivent remplacer et qu'on ne prenne pas de retard dans ce travail, qui est extrêmement intensif.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs, je vous encourage à ne pas accepter ces deux projets de lois et à attendre le projet G'Evolue, qui, je l'espère, ne fera pas l'objet de blocages idéologiques. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat, pour votre prestation ! (Rires.)

Mme Nathalie Fontanet. Ma prestation ?

Le président. C'était une prestation intéressante, bravo ! (Rires.) Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 13273 est rejeté en premier débat par 58 non contre 31 oui.

Mis aux voix, le projet de loi 13274 est rejeté en premier débat par 58 non contre 30 oui.

PL 13299-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion de l'Aéroport international de Genève pour l'année 2022
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 29 février et 1er mars 2024.
Rapport de majorité de M. Vincent Subilia (PLR)
Rapport de première minorité de M. François Baertschi (MCG)
Rapport de deuxième minorité de M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve)
PL 13453-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion de l'Aéroport international de Genève pour l'année 2023
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 29 et 30 août 2024.
Rapport de majorité de M. André Pfeffer (UDC)
Rapport de minorité de M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve)

Premier débat

Le président. Nous traitons à présent le PL 13299-A et le PL 13453-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité de M. Vincent Subilia sur le premier objet est repris par M. Jacques Béné. Le rapport de majorité de M. André Pfeffer sur le deuxième objet est quant à lui repris par M. Florian Dugerdil. Monsieur Béné, vous avez la parole.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. On parle du rapport de gestion de l'Aéroport international de Genève pour l'année 2022. Il n'y a pas vraiment de commentaires à faire; on a vu que le rapport de 2023 a été accepté en commission. Celui de l'année 2022 a été refusé par des personnes qui, pour la plupart, avancent toujours les mêmes arguments: pour certains, ce sont les frontaliers, pour d'autres, c'est le nombre de vols ou le bruit subi par les voisins de l'aéroport.

D'aucuns voudraient qu'il y ait un contrôle encore plus démocratique - je n'ai jamais compris ce que ça voulait dire, puisqu'il y a précisément des personnes élues au conseil d'administration de l'aéroport. On a effectivement voté une initiative concernant le contrôle plus démocratique de l'aéroport et tout est fait par ce dernier pour contenir les nuisances à leur minimum et pour continuer à préserver les conditions-cadres qui permettent le bon fonctionnement de l'activité économique de ce canton. C'est un rapport pour l'année 2022, raison pour laquelle il n'y a pas grand-chose de plus à en dire. Je vous invite à accepter ces deux projets de lois et vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. De façon à ce que nous ne nous éparpillions pas dans les débats, je propose que nous continuions dans un premier temps avec le PL 13299-A. Je passe donc la parole au rapporteur de première minorité, M. François Baertschi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, notre refus du rapport de gestion concerne principalement la politique de ressources humaines catastrophique, qui a conduit à une grève inutile. En effet, la rigidité et la volonté de la direction de l'Aéroport international de Genève ont débouché sur un conflit social qui aurait dû être évité.

Il n'y avait aucune urgence à réformer la grille salariale du personnel de l'AIG - sujet très sensible et très contesté. L'aéroport étant sorti de la crise du covid, le moment n'était pas venu de créer un nouveau malaise inutile. La direction et la présidence n'en ont pas tenu compte, ce qui a conduit à une grève, juste avant les départs en vacances d'été, alors qu'il aurait fallu créer un climat de bonne entente au sein de l'AIG.

Pour l'image de Genève et de son aéroport, ce fut également une catastrophe. In extremis, la situation a pu être rectifiée par l'intervention du Conseil d'Etat, qui a remis de l'ordre dans cette régie publique. Cela démontre que la politique menée n'était pas la bonne, et nous ne pouvons pas donner notre quitus à cette forme de gestion.

C'est la raison principale, voire l'unique raison, qui nous a incités à refuser ce rapport de gestion. Le suivant, à savoir le PL 13453, qui concerne l'année 2023, a quant à lui été accepté par le MCG, parce qu'il n'y avait plus ce problème au sein de l'aéroport.

Toutefois, de manière plus générale, vu que le rapporteur de majorité m'incite à aller sur ce terrain, il est vrai que l'engagement massif de frontaliers à l'aéroport de Genève... (Remarque.) ...frontaliers permis G, bien évidemment, est une problématique inquiétante; on la trouve non seulement dans des sociétés concessionnaires de l'aéroport, mais également au sein de l'AIG.

Nous avons notamment eu écho de politiques discriminatoires et de faits inacceptables. Nous avons communiqué ces éléments à qui de droit au sein de l'AIG. Bien évidemment, nous continuerons à nous mobiliser pour que la situation soit la meilleure possible pour les résidents genevois et qu'on mette fin à ces abus.

Voilà, c'est tout ce que j'avais à dire. Je vous demande donc de rejeter le premier rapport de gestion et d'accepter le second. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole au rapporteur de deuxième minorité, M. Julien Nicolet-dit-Félix. Monsieur le rapporteur, merci de vous exprimer uniquement sur le PL 13299-A lors de cette première intervention.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, s'il y a parmi vous des amateurs éclairés d'écoblanchiment - «greenwashing» en anglais -, je vous conseille la lecture de ces deux rapports. Cela tombe bien que nous traitions d'abord du premier, parce qu'il est encore plus réussi à ce niveau-là; c'est vraiment une friandise particulièrement succulente !

Comme l'a dit le rapporteur de majorité, depuis 2019, l'aéroport devrait vivre sous un nouveau régime, étant donné que la population a accepté à une assez large majorité la fameuse initiative «Pour un pilotage démocratique de l'aéroport de Genève». Vu que le rapporteur de majorité ne semble pas savoir ce que signifie le terme «démocratique» ni ce qu'il implique dans la gestion de la plateforme aéroportuaire, je propose, pour commencer, deux axes, qui pourront l'intéresser et qui font particulièrement défaut dans ce rapport ainsi que dans le deuxième.

Le premier revient à considérer le service de l'aéroport de Genève non pas comme un service économique dont le but est de maximiser la rentabilité, le nombre de vols et, partant, les nuisances associées, mais comme un service de mobilité, mis à disposition des Genevoises et des Genevois, de la place économique, de la Genève internationale, ce dans l'optique d'optimiser ce service de mobilité, un peu à l'image de ce que font d'autres régies publiques.

Je pense évidemment aux SIG, dont on a passablement parlé hier, mais pourquoi pas aussi aux HUG: leur l'objectif n'est, pour le premier, pas de vendre un maximum de kilowattheures ni, pour le deuxième, de faire un maximum d'opérations, mais, bien au contraire, de proposer des services de qualité et de sobriété en matière énergétique ou de santé. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, s'il vous prend le loisir de lire ce rapport, vous réaliserez que l'aéroport a encore une très grande marge de progression pour atteindre cet objectif.

L'autre aspect, c'est le mot «démocratique», qui, de l'aveu même du rapporteur de majorité tout à l'heure, ne fait pas sens. Je vous renvoie à ce qui s'est passé cet après-midi, lors de la séance des extraits: il y avait un rapport divers, le RD 1615, dont le titre est «Rapport [...] sur la stratégie et le plan d'affaires à moyen et long termes de l'Aéroport international de Genève (AIG)». Ce document est le résultat d'une modification de la LAIG introduite suite à l'acceptation de l'initiative. Ce rapport a été refusé par la commission consultative de l'aéroport, qui a estimé qu'il comportait de graves faiblesses - on y reviendra peut-être par la suite - et proposé un certain nombre de recommandations.

Ces dernières ont été soit refusées, soit écartées par le Conseil d'Etat, qui les a traitées de façon très très légère dans ce rapport. Mesdames et Messieurs les députés, la moindre des choses en matière de démocratie aurait été de renvoyer ce rapport en commission, pour que nous puissions l'étudier !

Mais le respect de la démocratie de la majorité de ce parlement, ou plus précisément l'irrespect de la démocratie, a conduit à refuser le renvoi en commission et à prendre acte de ce rapport hautement problématique...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.

M. Julien Nicolet-dit-Félix. C'est cela, Mesdames et Messieurs les députés, qui aurait dû se passer en matière de démocratie. Les Genevoises et les Genevois constatent aujourd'hui que la majorité de ce parlement ne respecte pas cette démocratie aéroportuaire. Nous le regrettons, et c'est pour cela que nous vous invitons à refuser ces deux projets de lois, le premier en particulier. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous passons aux prises de parole des rapporteurs sur le PL 13453-A, et je cède le micro à M. Florian Dugerdil.

M. Florian Dugerdil (UDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je reprends le rapport de majorité d'André Pfeffer, qui, en substance, non seulement explicite le rapport de gestion de l'AIG pour l'année 2023, mais reprend également les éléments clés fournis lors des auditions du président du conseil d'administration de l'aéroport et de son directeur général.

Premièrement, la performance financière de l'entreprise n'est plus à prouver. En effet, le bénéfice important réalisé durant l'année 2023 lui a permis de reverser à l'Etat environ 40 millions de francs. Deuxièmement, les efforts en matière de réduction de nuisances sonores et d'émissions de CO2 ont montré leurs premiers résultats. Les avions de classe 5, qui sont 40% moins bruyants, ont représenté 32,5% des mouvements, soit une augmentation de 76% par rapport à l'année 2019 et de 30% par rapport à 2022. Cela est dû à une incitation financière offerte par l'aéroport aux compagnies amenant ce type d'avions sur le site.

Il est à relever que 5,5% des vols s'effectuent entre 22h et 6h du matin, conséquence d'une désorganisation importante de l'espace aérien. Toutefois, le pourcentage de ces vols est en baisse par rapport à 2022, justement car l'aéroport tente de trouver des solutions en collaboration avec les compagnies aériennes. En plus de cela, un système de quotas a été officiellement introduit au 1er janvier 2025; on espère un fort effet dissuasif, dont le but est de réduire les décollages en retard par le biais de taxes.

La stratégie de réduction du bruit de l'aéroport s'articule autour de quatre axes principaux: la réduction du bruit à la source, des mesures d'aménagement du territoire, des procédures et des restrictions opérationnelles qui se traduisent par des suppressions de créneaux de décollage après 22h et une réduction des créneaux d'atterrissage après 22h et enfin l'incitation financière offerte aux compagnies dont la flotte est composée d'avions de dernière génération - ce qui représente quand même 40% de réduction du bruit et une réduction de 15% de la consommation de kérosène.

Finalement, dans le cadre du plan sectoriel de l'infrastructure aéronautique, l'aéroport s'est engagé à réduire le bruit de 20% d'ici à 2030 et se montre confiant quant à sa capacité d'atteindre cet objectif.

Concernant les investissements, quasiment 70 millions ont été mobilisés en 2023, suivis d'un plan s'élevant à 1,7 milliard d'ici 2034 pour la transition énergétique et la modernisation des infrastructures. L'aéroport a également un programme d'insonorisation des logements au sein des huit communes riveraines, dans le cadre de l'ordonnance sur la protection contre le bruit; 4200 logements ont été insonorisés à ce jour.

Vous l'aurez compris, les principaux arguments qui ont conforté la majorité de la commission à accepter ce rapport sont les suivants: la performance financière de l'AIG, qui décroche un bénéfice important et permet une forte rétribution à l'Etat de Genève ainsi qu'une conséquente réduction des dettes, qui passent de 800 millions à 578 millions, les efforts significatifs entrepris par l'AIG en matière de réduction de nuisances sonores et d'émissions de CO2...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le député.

M. Florian Dugerdil. Merci, Monsieur le président. ...l'introduction de quotas limitatifs relatifs aux vols de nuit ainsi que la taxe dissuasive qui les accompagne, l'augmentation du trafic de passagers d'environ 17% par rapport à 2022, l'augmentation de l'offre de destinations et de compagnies, les investissements importants réalisés et prévus afin de favoriser la transition énergétique et la modernisation des infrastructures, le programme d'insonorisation des logements des communes riveraines et enfin le programme de durabilité sur le tarmac ainsi que dans l'aéroport dans le cadre de l'initiative fédérale «Exemplarité, Energie et Climat».

Mesdames et Messieurs les députés, ces arguments démontrent non seulement la réussite financière de l'aéroport de Genève, mais illustrent également les efforts qu'il consent à réaliser afin de réduire son impact environnemental tout en améliorant la qualité de vie des riverains.

Au vu de tous ces éléments, la majorité des membres de la commission de l'économie vous invite à accepter ce rapport. Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez deux minutes de temps de parole supplémentaires pour défendre votre position sur ce deuxième objet. Je vous cède le micro.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président, ce sera largement suffisamment, parce que le rapporteur de majorité a fait la démonstration que ce rapport tient plus de la plaquette publicitaire que d'un rapport de gestion d'un prestataire de services ou d'un propriétaire d'une infrastructure qu'il met en concession. Effectivement, il y a plein de belles choses, plein de belles photos et plein de beaux engagements, mais dès que l'on gratte un peu, on se rend compte que c'est extrêmement superficiel, déclaratoire et relativement peu concret.

Je prends deux exemples. Le premier, c'est l'introduction du vol quotidien Delta pour New York, dont se réjouissait M. Schneider dans ce rapport. Nous avons un peu déchanté en constatant qu'il était effectué par un des avions les plus polluants et les plus bruyants qui existent en Occident.

Nous avons interrogé M. Schneider, qui a répondu de façon extrêmement, on va dire, dubitative et peu convaincante. Nous l'avons mis face au fait que des plateformes comme Schiphol, Dublin ou Madrid étaient desservies par des avions bien moins polluants de la même compagnie. En effet, Delta a fait le choix d'utiliser un avion très bruyant et très polluant, sans doute parce que l'AIG n'a pas été suffisamment convaincant par rapport à ses concurrents pour faire venir un avion moins polluant.

Le deuxième, c'est une assertion du rapport, qui affirme noir sur blanc que l'augmentation de la fréquence des vols pour Addis-Abeba répondait à la demande des communautés d'Afrique de l'Est - cela figure dans le texte, vous pourrez le constater. Alors on a voulu savoir comment cette demande avait été mesurée, si c'était une demande a priori ou a posteriori, si elle venait des milieux diplomatiques ou encore des associations; il y a beaucoup de personnes originaires de l'Ouganda, du Rwanda, de la Somalie à Genève. La direction de l'aéroport nous a franchement dit que cela avait été mesuré au doigt mouillé et que ça avait été inscrit comme ça dans le rapport, sans aucune étude préalable, uniquement pour faire une sorte non pas d'écoblanchiment, mais de socioblanchiment.

On pourrait multiplier les exemples, parce que nous avons un peu discuté avec M. Bernheim et M. Schneider en commission, mais ces deux illustrations suffisent à nous démontrer qu'en effet, ces rapports n'ont pas été établis avec le sérieux nécessaire et qu'ils relèvent plutôt de la plaquette publicitaire. C'est pour cela que nous vous enjoignons de les refuser. Merci.

M. Leonard Ferati (S). Mesdames et Messieurs les députés, les rapports de gestion de l'aéroport de Genève ne peuvent être examinés sans prendre en compte la situation sociale, qui nécessite une attention particulière. La modification législative votée en 2022 a profondément modifié le statut des employés de l'aéroport. Pour la première fois dans le service public, nous faisons face à une situation où le personnel ne bénéficiera plus d'un statut de la fonction publique, mais sera couvert par une convention collective de travail. Ce changement est loin d'être anodin. Nous serons attentifs à ce que les droits syndicaux soient garantis.

J'aimerais ajouter que nous mesurons toute l'importance de l'aéroport pour notre économie ainsi que sa contribution pour la Genève internationale. Toutefois, au vu du nombre de voyageurs et donc par extension du nombre de vols, nous considérons que le travail sur les nuisances sonores et la question écologique n'est pas suffisant, même si des améliorations sont constatées.

Selon nous, cela pourrait être suffisant si une gestion plus démocratique de cette régie publique était mise en place, comme le peuple l'a très justement demandé. Dans ce cas-là, une gestion plus démocratique n'est pas seulement la finalité, mais également un moyen pour l'atteindre. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à refuser ce rapport de gestion. Merci beaucoup.

Mme Ana Roch (MCG). Je prends la parole sur le PL 13453-A, puisque notre rapporteur de minorité, M. Baertschi, s'est occupé du rapport pour l'année 2022. Mesdames et Messieurs les députés, le rapport de gestion 2023 de l'aéroport de Genève illustre le rôle central de cette infrastructure pour notre canton. Sur le plan économique, l'aéroport a généré plus de 4 milliards de francs de valeur ajoutée. De plus, il joue un rôle stratégique pour la Genève internationale en facilitant la venue des personnalités politiques et diplomatiques. Contrairement aux prédictions de la période post-covid, les rencontres en présentiel restent essentielles, et le trafic des visites officielles a retrouvé son niveau d'avant-crise.

L'année 2023 marque le retour d'une forte rentabilité avec un bénéfice net de plus de 44 millions, dont une grande partie est reversée à l'Etat. La dette a été réduite et les investissements se poursuivent pour assurer une transition énergétique et moderniser les infrastructures. Des efforts notables ont été réalisés pour réduire le bruit et les nuisances; les avions les plus silencieux représentent désormais un tiers des mouvements, et un système de quotas et de taxes dissuasives pour les vols en retard sera mis en place dès cette année.

Il a été soulevé par le rapporteur que 4200 logements ont déjà été insonorisés et que des transports publics nocturnes sont proposés aux passagers et aux employés. En somme, l'aéroport parvient à accueillir plus de passagers, mais avec moins de vols, tout en améliorant sa performance environnementale, sociale et financière. Il s'inscrit pleinement dans les objectifs de durabilité fixés à l'échelle locale et nationale. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à accepter ce texte. Merci.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe à présent la parole à M. Jacques Béné, qui va parler de sa place en tant que représentant de son groupe.

M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président. Après ce que j'ai entendu, j'aimerais bien savoir ce qu'il y a de moins démocratique que notre parlement. Qu'est-ce qu'il y a de moins démocratique que notre parlement ? Rien ! Nous sommes tous des élus du peuple; moi, je respecte les électeurs qui m'ont élu, tout comme je respecte M. Nicolet-dit-Félix en tant que représentant de ce peuple. Mais à chaque fois qu'on prend des décisions, certains nous disent qu'on ne respecte pas la volonté populaire. Or, nous sommes là pour respecter la volonté de ceux qui nous ont élus dans ce parlement.

Je dis ça parce que vous mentez, Monsieur Julien Nicolet-dit-Félix ! (Commentaires.) Oui, vous mentez. Vous avez dit tout à l'heure au sujet du plan d'affaires et du rapport du Conseil d'Etat sur la stratégie que la commission consultative pour l'accompagnement de l'évolution de la plateforme aéroportuaire (la CCAEPA) avait refusé le plan d'affaires présenté par le Conseil d'Etat. C'est faux, Monsieur Nicolet-dit-Félix, c'est faux !

Une voix. Adressez-vous au président !

M. Jacques Béné. C'est ce que je fais ! (Exclamations.)

Le président. Continuez, Monsieur Béné. Ne vous laissez pas perturber.

M. Jacques Béné. C'est faux puisque c'est la sous-commission stratégie et plan d'affaires qui avait effectivement émis un préavis défavorable pour la commission consultative; mais il ne s'agit que d'une recommandation. Or, ces recommandations, elles sont acceptées, il n'y a pas de problème, il faut simplement laisser le temps au Conseil d'Etat et à l'aéroport de les mettre en place.

L'autre mensonge, c'est qu'il nous avait été dit dans le cadre de l'initiative «Pour un contrôle plus démocratique de l'aéroport» que tous les plans étaient faits pour avoir 30 millions de passagers. C'est faux ! Ce plan d'affaires, c'est 18,7 millions de passagers. C'est donc encore un mensonge !

Et puis, pour terminer, l'AIG représente une plus-value économique de 4,1 milliards pour notre canton, qui induit la création de 33 600 emplois, qui profitent à plus de 2200 entreprises multinationales, générant directement 40% de la valeur ajoutée du canton. Alors, Monsieur Nicolet-dit-Félix, si on veut un débat démocratique, c'est ici qu'il doit avoir lieu.

Si ce plan stratégique n'a pas été renvoyé en commission, c'est à la suite d'une décision purement démocratique, car il n'est pas mentionné dans la loi que ce plan doit obligatoirement être traité en commission. Il nous donne entière satisfaction, tout comme, j'imagine, l'aéroport vous donne entière satisfaction quand vous allez voir des éclipses solaires aux Etats-Unis et que vous n'y allez pas en train ! (Rires.) Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Juste une petite remarque: en effet, si vous voulez répondre à un député, vous devez vous adresser au président.

M. Jacques Béné. Il s'était adressé à moi tout à l'heure ! (Remarque.)

Le président. Peut-être, mais on se moque de qui, quoi, comment; je rappelle juste la règle ! Monsieur Guinchard, vous avez la parole.

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Merci, Monsieur le président. Les mensonges de M. Julien Nicolet-dit-Félix ayant, je pense, été éclaircis, en tout cas l'un d'entre eux ayant été avoué - faute avouée est à moitié pardonnée -, je passerai directement à ces deux rapports. «Bis repetita placent» ou bien «non placent», ça dépend du point de vue qu'on adopte; cela étant, je constate qu'année après année, rapport après rapport, la gauche et les Verts font systématiquement un copier-coller de leurs anciennes interventions - on a parlé de copier-coller tout à l'heure - et leurs prises de parole visent chaque fois à affaiblir l'aéroport.

Elle a aussi été soulignée, mais je rappelle quand même l'importance de l'aéroport, notamment pour nos industries d'exportation - parfumerie, horlogerie, produits chimiques - et pour la Genève internationale. Cette dernière représente plus de six mille vols par année, permettant encore - si tout va bien, et on peut l'espérer - à des employés d'organisations gouvernementales et non gouvernementales de se rendre sur le terrain pour résoudre des crises et aider des populations en difficulté.

Le rapporteur du MCG a parlé de la grève. Il l'a regrettée, et je la regrette aussi, car elle a donné une très mauvaise image de l'aéroport et de notre canton. Toutefois, personne n'a soulevé l'attitude absolument exemplaire de Mme Fontanet, qui est intervenue très rapidement afin de résoudre ce problème, liquidé en quelques jours de façon tout à fait salutaire; je tiens à l'en remercier.

Je rappelle par ailleurs que Le Centre est aussi sensible à la qualité de vie des riverains, notamment de la rive droite. Nous avons déposé une motion demandant une suspension totale - sauf urgences et vols diplomatiques - des vols entre 22h et 6h du matin. Ce texte a été refusé par la majorité de ce parlement le 24 janvier, mais nous souhaitions à l'époque montrer le soutien du Centre envers les communiers de la rive droite.

Je rappelle qu'à la commission de l'économie, nous avons reçu à plusieurs reprises les magistrats de ces communes de la rive droite, tous partis confondus, qui nous ont présenté les difficultés qu'ils rencontraient et les pressions qui étaient exercées sur eux par leurs communiers, dans le but d'obtenir une meilleure qualité de vie.

Le Centre acceptera les deux rapports, sans restrictions, et vous prie d'en faire de même. Je vous remercie.

Le président. Merci. Je cède le micro au député Philippe Meyer pour quarante-cinq secondes.

M. Philippe Meyer (PLR), député suppléant. Pour combien de secondes ?

Le président. Quarante-cinq.

M. Philippe Meyer. Très bien, merci, Monsieur le président. Je voulais juste répondre à deux aspects mentionnés par M. Nicolet-dit-Félix. D'abord, si Delta utilise un avion plus ancien, cela s'explique par le fait que les avions modernes sont plus gros et ne correspondent pas au marché de l'aéroport de Genève. Le second, c'est que si le vol Ethiopian Airlines a encore augmenté ses fréquences pour devenir presque quotidien, c'est parce qu'il dessert toute l'Afrique via Addis-Abeba et répond à une demande.

Maintenant, j'aimerais juste aussi dire qu'on ne peut pas s'enorgueillir par monts et par vaux de défendre la Genève internationale puis refuser le principal outil qui permet à cette Genève internationale d'exister. Je vous propose donc d'accepter ces deux rapports, déjà rien que pour la Genève internationale. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie. Monsieur Julien Nicolet-dit-Félix, vous pouvez répliquer, c'est à vous.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve), rapporteur de minorité. Je vous remercie bien, Monsieur le président, de m'accorder quelques instants pour répliquer à la mise en cause que nous avons entendue tout à l'heure. Concernant le premier élément, je concède avoir dit «commission» alors que je pensais sincèrement «sous-commission»; c'est bien cette sous-commission consultative qui avait émis un préavis négatif et qui avait refusé ce rapport. La correction est désormais faite.

Pour le reste, je dois dire qu'il est relativement désagréable de se voir mis en cause de la sorte alors que précisément, le discours que nous avons et que certains essaient de caricaturer - alors qu'il ne correspond pas à ce que M. Béné laisse entendre -, c'est que cette plateforme aéroportuaire est suffisamment précieuse pour que l'on vérifie que les services qu'elle propose à la population soient particulièrement utiles.

Ce que nous contestons, c'est l'aéroport «low cost», qui multiplie le nombre de vols à courte distance et à bas coût, qui offre un pont d'or à ces compagnies proposant aux Genevois d'aller manger des pizzas à Rome ou faire du shopping à Oslo. C'est ça le problème; la question n'est pas de savoir si l'un ou l'autre d'entre nous utilise de temps à autre l'avion pour une raison valable ou non. La question est complètement différente. Pour tout dire, c'est profondément désagréable lorsqu'un tel commentaire m'est adressé personnellement.

La question est de savoir quel modèle d'aéroport les Genevoises et les Genevois souhaitent. Nous sommes très éloignés du modèle souhaité dans le cadre de la votation de 2019. L'aéroport ne remplit pas la mission que la population lui a donnée, et c'est bien pour cela qu'il faut refuser ces deux rapports. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de première minorité. J'aimerais juste dire une chose: c'est vrai que c'est bien joli de faire des discours sur l'aéroport, mais il ne faut pas oublier les dix mille employés de la plateforme - ce qui a été fait, notamment en 2022. Il convient véritablement de se préoccuper de leurs conditions salariales; il devrait être possible de vivre à Genève quand on travaille à l'aéroport. Malheureusement, ce n'est pas le cas de tous les employés du site. Merci, Monsieur le président.

Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs les députés, pour ces discussions. Nous parlons des rapports de gestion de 2022 et 2023. Nous sommes aujourd'hui en 2025. J'entends de la part des rapporteurs de minorité différents reproches. Je relève qu'il y a eu des améliorations; si elles sont estimées insuffisantes, eh bien, il ne m'appartient pas de me déterminer sur les avis des uns et des autres, mais l'AIG travaille à des améliorations afin de réduire les nuisances, en particulier sonores.

Vous le savez, cela a été dit par Mme Roch, la promotion des avions plus silencieux a conduit à une augmentation des appareils de classe 5, passant de 18,5% des vols en 2019 à plus de 32% en 2023. Ce sont des différences... D'ailleurs, lorsque je rencontre certaines communes - parce que je les rencontre -, en particulier celles qui sont touchées par le bruit de l'aéroport, eh bien elles relèvent également que l'on voit une très nette différence selon le type d'avions.

Monsieur le rapporteur de minorité Nicolet-dit-Félix, vous avez avancé le fait que vous ne souhaitiez pas avoir un aéroport «low cost»; l'aéroport ne dépend finalement pas que de lui-même, mais aussi de ce qu'il est autorisé à faire ou pas au niveau fédéral. Et puis, il faut se l'avouer, Monsieur Nicolet-dit-Félix, les voyages se sont démocratisés. On peut s'en réjouir ou pas, mais il est vrai qu'à une certaine époque, seules les personnes disposant de revenus financiers extrêmement importants étaient en mesure de voyager. Puis, les vacances se sont démocratisées et certains en profitent, peu importe de quelle origine ou de quel parti ils sont. Ça aussi, c'est une réflexion que l'on doit mener.

Maintenant, l'aéroport cherche effectivement à accueillir plutôt des longs courriers, et je peux vous dire que c'est une de ses préoccupations actuelles. Nous concevons toutes et tous qu'il est finalement presque plus rapide de faire un voyage de trois heures en train qu'un voyage en avion qui durera une heure, tant l'ensemble des démarches à effectuer en arrivant à l'aéroport et en sortant sont importantes.

Là aussi, il y a d'autres combats à mener, notamment celui sur les prix des chemins de fer. J'entends régulièrement, Monsieur Nicolet-dit-Félix, et vous l'entendez aussi, qu'un billet de train coûte plus cher qu'un billet d'avion. Ce sont de vraies questions !

S'agissant du personnel de l'aéroport, j'aimerais dire que les choses sont apaisées. Vous le savez, une médiation a été menée, des décisions ont été prises par la direction générale et par le conseil d'administration. Les partenaires ont pu avancer ensemble, à satisfaction, obtenant la signature d'accords. Je relève donc que la situation est apaisée.

Concernant les concessionnaires, vous avez raison de souligner qu'il faut y être attentif, et c'est le cas de l'aéroport. D'ailleurs, nous avons négocié ensemble dans le cadre de la convention d'objectifs 2025-2028, qui fait malheureusement l'objet d'un recours. Il faut savoir que le personnel qui n'est pas celui de l'AIG mais qui travaille sur le site aéroportuaire et dépend de concessions est considéré comme du personnel de l'aéroport par la majorité des usagers. Il est donc important qu'il soit traité conformément aux conventions collectives de travail et qu'il dispose de droits dont il est fondé à bénéficier.

Mesdames et Messieurs, l'aéroport fait des efforts, il continuera d'en faire, avec le suivi du Conseil d'Etat. Nous participons à de nombreuses séances avec la CCAEPA, cette commission instituée par la loi sur l'Aéroport international de Genève. Je pense que nous allons réussir à faire du bon travail, il faut toutefois que nous arrêtions de nous poser des questions qui relèvent du dogmatisme. A un moment donné, il faut reconnaître que cet aéroport est nécessaire à notre canton pour des raisons économiques. On doit réduire les nuisances ressenties par l'ensemble des voisins et des habitants - c'est un élément important, qui tient également à coeur à l'AIG -, c'est ensemble qu'on arrivera à le faire, et non pas en condamnant l'aéroport via des rapports de gestion relatifs à des années précédentes. Occupons-nous de l'avenir, voyons ce qu'on peut faire ensemble pour réduire certaines de ces nuisances. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ces deux rapports de gestion.

Le président. Merci beaucoup, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote de ces deux projets de lois.

Mis aux voix, le projet de loi 13299 est adopté en premier débat par 46 oui contre 36 non.

L'article unique du projet de loi 13299 est adopté en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 13299 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 46 oui contre 36 non (vote nominal).

Loi 13299 Vote nominal

Mis aux voix, le projet de loi 13453 est adopté en premier débat par 56 oui contre 26 non.

L'article unique du projet de loi 13453 est adopté en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 13453 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui contre 26 non (vote nominal).

Loi 13453 Vote nominal

PL 13449-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Caroline Marti, Thomas Wenger, Sylvain Thévoz, Grégoire Carasso, Matthieu Jotterand, Jean-Charles Rielle, Caroline Renold, Jean-Pierre Tombola, Sophie Demaurex, Diego Esteban modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat (LGAF) (D 1 05) (Investissons dans l'avenir, préfinançons les transitions écologique, démographique et numérique par les excédents comptables)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 21 et 22 novembre 2024.
Rapport de majorité de M. Pierre Nicollier (PLR)
Rapport de minorité de Mme Caroline Marti (S)

Premier débat

Le président. Nous continuons notre ordre du jour avec le PL 13449-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. J'invite les rapporteurs à gagner la table des rapporteurs. (Un instant s'écoule.) Madame de Chastonay, est-ce que vous souhaitez prendre la parole, ou c'est une erreur ? (Remarque.) C'est une anticipation pour la suite du débat ? (Remarque.) D'accord ! Monsieur le rapporteur de majorité, c'est à vous.

M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des finances a traité cet objet entre mai et septembre 2024. Le PL 13449 a pour objectif la création d'un fonds destiné à préfinancer les transitions écologique, démographique et numérique. Plus précisément, les signataires sont partis du constat que depuis plusieurs années, le canton de Genève dégage des excédents avec des recettes en hausse, constat que nous partageons, et considèrent que ces excédents doivent pouvoir alimenter un fonds pour de futurs projets. Ce mécanisme est censé se baser sur un mécanisme de préfinancement qui existe déjà dans le canton de Vaud et dont les signataires ont indiqué qu'il était conforme aux normes MCH2 tout en représentant une entorse aux règles comptables IPSAS. Les discussions ont principalement porté sur la légalité d'un tel mécanisme.

La commission a mené des auditions extrêmement intéressantes; je souhaiterais tout particulièrement remercier les collaborateurs du DF, mais également M. Pascal Rattaz, chef du service d'analyse et de gestion financières du feu département des finances et de l'agriculture du canton de Vaud.

La LGAF invite à respecter les principes et les méthodes comptables internationales pour le secteur public, à savoir les normes IPSAS. Ces normes internationales ont pour objectif d'améliorer la qualité de l'information financière des entités du secteur public de manière à permettre une décision d'allocation de ressource fondée sur des informations fiables et à assurer la responsabilité dans ce domaine. Or, elles interdisent les provisions pour un événement à venir, et ce dans un principe d'étanchéité entre les exercices. Si l'on veut comparer un exercice avec un autre, indépendamment des positions politiques de chacun, les charges et les produits d'un exercice A doivent être comptabilisés dans cet exercice-ci, tandis que les charges et produits d'un exercice B doivent l'être dans cet autre exercice. Voilà pourquoi les provisions ne sont jamais liées au futur, mais bel et bien à un engagement lié à un exercice et engendrant un coût dont le paiement peut être effectué dans le futur tant qu'il est comptabilisé dans l'exercice adéquat.

Il va de soi que si ce revenu extraordinaire était connu à l'avance, il serait comptabilisé dans les bons comptes. Or, ce texte propose, au vu d'un certain résultat positif, d'imputer une charge pour un projet indéterminé, dans un exercice inconnu, dans un futur hypothétique.

La majorité de la commission recommande de ne pas soutenir ce projet de loi. Le canton de Genève suit en effet les normes comptables IPSAS et MCH2 qui n'autorisent pas de préfinancement, et il faudrait accorder une dérogation aux normes qui ne serait pas souhaitable, compte tenu de la dette de plus de 10 milliards de francs du canton.

L'exception vaudoise a nécessité des «circonvolutions législatives et politiques [...] en dérogation de MCH2». A l'origine, le principe des préfinancements était prévu pour des amortissements dégressifs, ce qui ne se fait plus aujourd'hui, puisque MCH2 prévoit des amortissements linéaires. Par ailleurs, les préfinancements ne se faisaient pas lorsque le canton de Vaud était endetté. De manière plus philosophique, les préfinancements font peser sur les budgets actuels le poids des investissements futurs.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Pierre Nicollier. Merci beaucoup. Or, encore une fois, à Genève, la dette est très élevée et fait déjà peser un poids sur les générations à venir. On déciderait aujourd'hui d'une charge qui serait assumée par les générations ultérieures, soit notre dette plus ces préfinancements. Compte tenu de ces explications, la majorité de la commission vous invite à refuser ce projet de loi.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, à l'heure actuelle, nous avons d'un côté des excédents aux comptes qui se chiffrent année après année à des centaines de millions - ça semble d'ailleurs être de nouveau le cas cette année. Parfois, comme l'an dernier, ils dépassent le milliard de francs. De l'autre côté, nous avons des besoins sociaux, sociétaux, environnementaux qui augmentent, qui vont continuer à augmenter et auxquels nous ne répondons pas; nous n'avons pas de mécanismes qui pourtant seraient des mécanismes de bon sens et permettraient d'utiliser ces gigantesques excédents afin de répondre aux besoins actuels et de financer les projets à venir. Voilà ce que propose précisément ce texte: créer un mécanisme de pilotage des finances publiques qui, actuellement, n'existe pas à Genève, mais, comme l'a dit M. Nicollier, existe dans d'autres cantons, notamment dans le canton de Vaud, soit le mécanisme du préfinancement. Le principe est simple: il s'agit d'employer les excédents aux comptes actuels pour préfinancer des projets et des charges qui arriveront dans le futur.

Avec ce projet de loi, la minorité fait sien l'adage «gouverner, c'est prévoir». Aujourd'hui, nous savons que se dressent devant nous des défis absolument colossaux auxquels nous devrons répondre, collectivement, et qui feront immanquablement augmenter les charges de l'Etat.

Les défis consistent évidemment à répondre à la précarisation de la population, mais aussi à son vieillissement, qui conduira à une hausse des dépenses sociales et de santé, à répondre aux bouleversements liés à la révolution numérique et enfin à mener la lutte contre le dérèglement climatique, puisque aujourd'hui, si notre dette financière se réduit, la dette écologique, quant à elle, ne cesse de s'alourdir. Ce n'est donc rien de moins que l'ensemble des activités humaines qui sont appelées à se transformer pour répondre à cet impératif. Or, ce défi requiert des réponses collectives, comme je le disais, financées par l'Etat si l'on veut éviter que le coût de la transition énergétique et environnementale pèse sur les individus, en particulier ceux des classes moyennes et des classes populaires.

Le canton a également de très grands projets. Je pense notamment à la création d'une ligne de RER, principalement financée par lui-même - elle va aussi engendrer un coût colossal. M. Subilia indique dans la presse qu'il faut mettre de l'argent pour sauver la Genève internationale, le multilatéralisme (je le rejoins sur ce souhait), mais ça va aussi nécessiter des financements très importants.

En outre, nous entrons dans une phase d'instabilité extrêmement forte, et nous devons - c'est une question de responsabilité - mettre un petit peu des noisettes de côté pour pouvoir faire face à ces défis, à ces événements et à ces dépenses futurs. C'est donc un projet pragmatique et responsable, qui répond tant à la réalité financière de notre canton qu'aux besoins et aux enjeux actuels par la création de ce mécanisme de préfinancement, et je vous invite à l'accepter. Je vous remercie.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ces dernières années, nous avons constaté que l'Etat de Genève se trompait régulièrement de plusieurs centaines de millions. Aujourd'hui, on connaît bien la chanson: chaque année, au moment des débats budgétaires, la majorité de la droite élargie nous met en garde devant des perspectives budgétaires déficitaires expliquées par le Conseil d'Etat. Puis, les amendements visant à couper des postes ou à refuser la création de postes, pourtant nécessaires vu l'augmentation des besoins de la population ou indispensables au déploiement des investissements votés par ce même Grand Conseil, sont votés par la droite expliquant vouloir éviter la faillite de Genève. Cependant, à chaque fois, un an plus tard, lors de l'examen des comptes, nous remarquons que l'Etat se trompe de centaines de millions. Nous, les Verts, avons de la peine à croire que cela soit désormais différent. Aussi avons-nous déposé une motion qui sera traitée prochainement et dont le premier signataire est l'excellent Julien Nicolet-dit-Félix; elle demande au Conseil d'Etat de revoir sa méthode d'évaluation de ses revenus en s'inspirant des bonnes pratiques des autres cantons.

Dans ce contexte, le parti socialiste a déposé ce projet de loi dans le but de financer aujourd'hui les mesures indispensables pour demain. Cette proposition vise à préfinancer les grands projets des transitions écologique, démographique et numérique au moyen d'un nouveau mécanisme financier qui permettrait l'affectation des excédents aux comptes de l'Etat.

Le contexte social se caractérise par un accroissement des besoins de la population plus rapide et plus fort que la croissance démographique, en raison du vieillissement de la population, de la hausse de la précarité et des inégalités, des augmentations de loyer successives (chaque année) et des primes d'assurance-maladie (hier, le Parlement fédéral, avec l'UDC et le PLR, a d'ailleurs décidé d'augmenter les franchises). On le voit, ce contexte nécessite des moyens.

Il en va de même avec les mesures urgentes et indispensables pour lutter contre le dérèglement climatique et avec les investissements pour le déploiement des grands projets d'infrastructures, que ce soit pour la mobilité ou la rénovation des bâtiments.

Enfin, j'ajouterai qu'après le vote des «lois corsets», qui empêcheront le Grand Conseil et le Conseil d'Etat de déployer des moyens indispensables en cas d'augmentation des besoins si le budget est déficitaire, il est plus que nécessaire de faire preuve d'anticipation grâce à un mécanisme de préfinancement, comme cela existe déjà dans le canton de Vaud. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à soutenir ce projet de loi en faveur d'un outil de pilotage durable des finances publiques. Merci.

M. Yvan Zweifel (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, on parle de préfinancement, ce qui fait nécessairement référence à un investissement. J'entends Mme Marti nous expliquer que des besoins, notamment sociaux, augmentent pour la population, elle a peut-être raison, mais il s'agit alors de charges de fonctionnement, qui ne peuvent donc pas être couvertes par des préfinancements. Qui plus est, ces préfinancements sont interdits par les normes IPSAS, et il y a une raison à cela: ces normes visent à donner une image fidèle de la situation, c'est-à-dire à permettre de procurer un outil d'aide à la direction pour le Conseil d'Etat, l'administration, et un outil de contrôle pour nous, députés. Si vous commencez à rajouter des exceptions à tire-larigot et à insérer des charges futures dans la comptabilité d'aujourd'hui, eh bien, Mesdames et Messieurs, vous biaisez totalement cet outil d'aide à la direction, vous biaisez totalement cet outil de contrôle, et par conséquent nous perdons, nous députés, le contrôle de la situation, le Conseil d'Etat et l'administration également. Tout ceci est donc interdit pour une bonne raison.

Mesdames et Messieurs, lorsque l'on parle de préfinancement, il faut aussi souligner l'élément suivant. Vous préfinancez un objet précis, par exemple la construction future d'une école. Si maintenant vous changez d'avis, pensant: «Ah ! Cet argent, je ne veux pas l'utiliser pour cette école, car j'ai une autre urgence», eh bien, vous ne pouvez pas utiliser cet argent-là, puisqu'il a été prévu pour un objet précis qui n'est pas le nouvel objet que vous voulez. Vous perdez donc toutes la marge de manoeuvre que vous pourriez avoir en considérant cela dans les charges courantes de l'année courante.

J'ajoute encore un point, Mesdames et Messieurs, puisqu'on aime bien prendre le canton de Vaud en exemple. Le responsable de l'administration des finances vaudoises que nous avons reçu a été extrêmement clair là-dessus, ils peuvent procéder à des préfinancements car ils n'ont pas de dette. Sinon, la situation est la suivante: vous faites peser sur les générations d'aujourd'hui le passé, c'est-à-dire la dette que l'on doit rembourser avec les intérêts, et Mme Marti veut ajouter à ça les charges à venir d'un préfinancement. C'est évidemment totalement incompatible. Si le canton de Vaud se permet de procéder à ces préfinancements, c'est précisément parce qu'il n'a pas de dette.

Alors, Mesdames et Messieurs, Madame Marti - vous transmettrez, Monsieur le président -, si l'objectif est de réduire la dette, le PLR est d'accord, mais si le but est de faire peser sur les générations actuelles non seulement le passé, mais aussi le futur, c'est injuste, c'est idiot, c'est incompatible et c'est illégal ! Mesdames et Messieurs, pour toutes ces raisons, je vous invite évidemment à refuser cet objet.

M. Michael Andersen (UDC). Au vu de ce que vient de dire mon préopinant, on a affaire à un projet de loi qui vise à faire face à des enjeux et défis futurs par la création d'une réserve de préfinancements. A entendre la députée Marti, on croirait que l'Etat ne fait rien. Or, rappelons qu'il y a eu dernièrement des augmentations budgétaires significatives pour répondre aux besoins de la population: l'augmentation des subsides d'assurance-maladie, l'augmentation dans le domaine de l'aide sociale, l'augmentation dans le domaine de la santé. Alors il faut arrêter de dire que l'on ne répond pas aux besoins de la population. Les charges ne cessent d'augmenter année après année, et plus rapidement que l'augmentation démographique de notre canton.

En proposant de comptabiliser des provisions pour des événements futurs, ce projet est contraire aux normes IPSAS. J'aimerais par ailleurs rappeler le passé de ce canton. Parlons des lois qui ont été votées. Le PL 11975 prévoyait 50 millions en 2017 pour l'efficience énergétique. Or, ce montant n'a pas été dépensé dans son intégralité à la fin de l'année 2023. Le PL 12552, sur les embrasures, prévoyait 250 millions en 2020 et, par le biais de différentes lois acceptées par ce parlement, imposait des obligations au propriétaire que l'Etat ne respecte toujours pas: 13 millions ont été dépensés à la fin de l'année 2023. En 2023, 1 milliard a été voté par cette assemblée pour des rénovations énergétiques et le budget 2024 prévoit 14 millions de dépenses. Mesdames et Messieurs les députés, afin de répondre aux différents défis, les moyens ont été donnés pour les investissements et le fonctionnement.

Les bénéfices réalisés ces dernières années ont été alloués à l'amortissement de la dette envers la CPEG, ce qui permet de diminuer les charges de fonctionnement qui pourraient être réallouées pour répondre à un besoin de la population, si vous souhaitez augmenter les dépenses. S'ils ne sont pas affectés, ces bénéfices vont dans les fonds propres de notre canton, positifs depuis 2023, ce qui permettra de répondre à des besoins en investissements futurs.

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, je crois que ce qui manque, c'est une volonté politique. Je rappelle que s'agissant d'efficience énergétique, l'OCBA n'est pas aux mains de la droite mais de la gauche. Ça me fait donc bien rire, Monsieur le président, quand j'entends Mme de Chastonay prétendre que l'on ne répondra pas aux défis à venir. Qu'elle le dise à son ministre, parce que les dépenses d'investissement ne suivent pas, mais ne suivent pas dans un département de gauche. Pour ces raisons, je vous invite à refuser ce projet de loi.

M. Grégoire Carasso (S). Quel bonheur d'intervenir après nos collègues Zweifel et Andersen ! Les besoins de financement n'arriveraient pas à suivre, ils sont inexistants dans le domaine énergétique. Nous le savons, c'est en lien avec le budget de fonctionnement de l'Etat - et ce sera la seule fois où je le mentionnerai: oui, pour déployer des investissements, il faut des ressources de fonctionnement, celles-là mêmes que vos partis respectifs refusent année après année.

A la différence des autres cantons, l'économie genevoise est aussi dynamique que volatile. C'est la raison pour laquelle des écarts entre le budget et les comptes peuvent être aussi grands. Si le PS en a conscience, il est en revanche intimement convaincu de l'opportunité d'investir dans les infrastructures pour répondre aux défis évoqués, qui sont au coeur de notre projet de loi: les défis environnementaux, les défis de la transition démographique (par exemple la politique pour nos aînés, s'il fallait la nommer) et enfin la transition numérique. Prétendre aujourd'hui qu'il n'y a pas besoin d'investissement dans ces domaines, c'est mettre la tête dans le sac.

Si j'ai besoin de vous rafraîchir la mémoire sans remonter trop loin, je vous renverrai volontiers, en ayant ce projet de loi en tête, à nos débats d'hier. Que veut-on faire pour augmenter le pouvoir d'achat des ménages genevois ? On a parlé de la facture SIG. Que nous a dit le département ? «Ah, ce n'est pas évident, il faudrait 900 millions d'investissement supplémentaires aux SIG pour s'assurer que la révolution énergétique que nous entreprenons avec les réseaux thermiques structurants bénéficie aux ménages par des baisses des coûts de l'énergie.» Voilà l'exemple le plus simple, le plus frais dans vos esprits, du moins je l'espère, d'investissement public sous l'angle énergétique et environnemental avec des conséquences directes, tangibles, immédiates pour les ménages genevois sur leur facture énergétique. Je ne reviendrai même pas sur les arguments de l'indépendance et de la souveraineté en la matière, mais ils suffisent à vous redire notre conviction que quand les comptes de l'Etat sont aussi positifs et alors que la dette de l'Etat de Genève et son coût n'ont jamais aussi été bas, oui, il est temps de penser à demain, j'ai même envie de dire à aujourd'hui en ce qui concerne la facture des ménages. Nous vous invitons avec conviction et détermination à soutenir ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Laurent Seydoux (LJS). Mesdames et Messieurs les députés, c'est sûr que l'idée d'un préfinancement part d'une très bonne intention, vu nos excédents importants de recettes, mais elle se heurte rapidement à la réalité et à la difficulté de financer des projets pas encore envisagés, surtout compte tenu d'une dette aussi élevée, qu'il nous faut d'abord assainir. Le canton de Genève étant soumis aux normes IPSAS et MCH2, il faudrait mettre en place une sacrée gymnastique comptable pour y arriver.

Le mérite de ce projet de loi est qu'il nous a permis d'auditionner le canton de Vaud. Celui-ci nous a démontré avec brio sa grande capacité de gymnaste à mettre en place des réserves pour certains projets et à les utiliser pour d'autres projets sans que le parlement ait son mot à dire, ou en tout cas qu'il s'en préoccupe. Evidemment, nous n'allons pas accabler davantage le canton de Vaud et son département des finances, qui vit des moments difficiles.

Compte tenu des propos de mes préopinants défavorables à ce texte, le mouvement Libertés et Justice sociale vous encourage également à le refuser. Merci beaucoup.

M. Jacques Blondin (LC). Mesdames et Messieurs les députés, c'est justement parce que gouverner c'est prévoir qu'il faut refuser cet objet. On parle de réserves, de provisions, de préfinancements: pour tout chef d'entreprise, c'est une possibilité comptable assez sympathique, car elle vous permet de mettre de côté quelques sous - si vous autorisez ce terme - pour des dettes, ce qui se fait généralement, mais est théoriquement interdit pour constituer une provision qui ne repose sur aucun fondement.

Il faut être clair, et l'exposé que nous avons eu du canton de Vaud a été très très intéressant: ce canton l'a fait parce qu'il n'a pas de dette, on l'a dit. Ça a été fait au départ pour des investissements avec des objectifs avérés, à savoir le financement d'un plan A. Or, il se trouve qu'en cours de route, l'idée a changé et le fonds affecté au plan A a été affecté à un plan B devenu un plan C. Il faut reconnaître que le covid sévissait, ce qui n'a pas aidé dans le canton de Vaud. In fine, on a encore appris qu'une portion est partie dans les comptes d'exploitation.

Mesdames et Messieurs, on discute beaucoup des comptes et des budgets, mais les comptes de Genève sont tenus avec un système grâce auquel ce parlement a une vue totalement transparente sur leur tenue. Si l'on veut perdre cette visibilité, c'est le meilleur moyen ! Il faut être clair !

Les résultats positifs aiguisent évidemment des appétits, mais je vous rappelle que quand on va boucler les comptes, on peut toujours débattre de l'affectation du résultat. Une proposition sera au demeurant déposée par le Conseil d'Etat. On vote des budgets et il existe des besoins, je suis assez d'accord avec M. Carasso - vous transmettrez, Monsieur le président; il suffit de discuter de ces derniers, mais encore faut-il qu'ils passent dans ce parlement.

Evitons ces gymnastiques comptables qui vont faire perdre... C'était clairement dit: dans le canton de Vaud, le parlement n'a absolument pas la possibilité que nous avons ici de voir clair dans les comptes. Pour ceux qui sont coutumiers de ces questions de contrôleur aux comptes... De nombreux spécialistes siègent dans cet hémicycle et ils savent très bien que c'est quelque chose que nous devons à tout prix éviter. C'est une fausse bonne idée et Le Centre vous invite à refuser ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède le micro à Mme la conseillère d'Etat. (Remarque.) Ah, pas encore ! Pas encore ! Je vois que le rapporteur de majorité et la rapporteure de minorité se sont précipités ! Madame Caroline Marti, vous avez la parole pour trente... pardon ! treize secondes.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président de séance. J'aurais préféré trente ! Je souhaite indiquer qu'évidemment nous ne concevons pas le préfinancement comme un fonds à discrétion du Conseil d'Etat qui pourrait l'utiliser pour faire absolument ce qu'il veut; nous avons déposé des amendements en commission de manière à préserver le pouvoir décisionnel du Grand Conseil sur l'usage des financements issus de ce préfinancement.

Pour répondre à M. Zweifel - vous lui transmettrez, Monsieur le président -, ce ne sont pas des charges que nous léguons aux générations futures à travers ce préfinancement. Au contraire, c'est un cadeau que nous leur offrons, puisque nous aurons déjà préfinancé une partie des charges et des investissements qu'ils auront à faire. Je pense que si nous votons ce projet de loi... (Commentaires.) ...les générations futures ne pourront que nous en remercier.

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le rapporteur de majorité, vous n'avez plus de temps de parole, mais par souci d'équité avec la rapporteure de minorité, je vous accorde trente-cinq secondes.

M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président, pour ce cadeau. (Rires.) Je vais rebondir sur ce qu'a dit Mme Marti. En fait, pour leur permettre d'investir dans ce qu'ils souhaitent, le meilleur cadeau que nous puissions faire aux générations futures est de rembourser notre dette, qui est la plus élevée de Suisse par habitant.

Des voix. Bravo !

Mme Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat. Je vais faire court: c'est vendredi, c'est huit heures moins dix, je sens que tout le monde est en train de plier bagage. (Rires. Exclamations. Applaudissements. L'oratrice rit.)

Des voix. Bravo !

Mme Nathalie Fontanet. Le Conseil d'Etat vous recommande de refuser ce projet de loi. (Commentaires de désapprobation.) Vous n'applaudissez plus, là ?! (Rires.) Les amendements proposés n'y changeront rien. Aujourd'hui, les normes comptables que nous appliquons, la transparence, la sincérité que nous attendons de nos comptes ne nous permettent pas de procéder à de tels préfinancements, l'état de la dette du canton non plus. Si nous avons des excédents aux comptes, nous devons en profiter pour amortir la réserve budgétaire, vous le savez, celle qui est liée à la recapitalisation de la CPEG. Celle-ci alourdit encore notre dette et cette écriture comptable pèse aussi sur notre bilan, en particulier sur les fonds propres et positifs de notre bilan. Voilà, Mesdames et Messieurs, je vous souhaite une bonne soirée.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, à présent, nous allons voter sur l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 13449 est rejeté en premier débat par 58 non contre 31 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Le président. Comme je vois que vous êtes dissipés, on va traiter un nouveau point, le point 30, parce qu'il est huit heures moins dix et que la séance finit normalement à huit heures. J'ai décidé de traiter le point 30 parce que vous êtes dissipés et indisciplinés. (Commentaires.) Je rigole ! (Rires.) Bonne soirée à tous et bon week-end !

La séance est levée à 19h50.