Séance du vendredi 21 mars 2025 à 16h15
3e législature - 2e année - 11e session - 62e séance

M 2903-C
Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Adrien Genecand, Patrick Malek-Asghar, Helena Rigotti, Pierre Nicollier, Yvan Zweifel, Alexandre de Senarclens, Jean Romain, Murat-Julian Alder, Beatriz de Candolle, Diane Barbier-Mueller, Rémy Burri, Serge Hiltpold, Jacques Béné, Véronique Kämpfen, Boris Calame, Jean-Pierre Pasquier, Jean-Marc Guinchard, Claude Bocquet : Soyons pragmatiques : pour le maintien d'une production hydroélectrique locale et renouvelable sur la Versoix, favorable aux objectifs énergétiques cantonaux
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 20 et 21 mars 2025.
Rapport de M. Alexis Barbey (PLR)
P 2160-D
Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition pour le maintien d'une production hydroélectrique locale et renouvelable sur la Versoix jusqu'en 2060
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 20 et 21 mars 2025.
Rapport de M. Alexis Barbey (PLR)
PL 13599
Projet de loi de Stéphane Florey, Alexis Barbey, Rémy Burri, François Erard, Christian Flury, Christian Steiner, Stefan Balaban, Alberto Velasco, Christo Ivanov pour une production hydroélectrique locale
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 20 et 21 mars 2025.

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous continuons le traitement de nos urgences avec la M 2903-C, la P 2160-D et le PL 13599. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole au rapporteur, M. Barbey. Monsieur le député, pourriez-vous venir à la table des rapporteurs ? (M. Alexis Barbey s'installe à la table des rapporteurs.) Très bien, on vous écoute.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Nous parlons du PL 13599, déposé par l'UDC, qui concerne les barrages hydro-électriques le long de la Versoix. Vous n'êtes pas sans savoir que sur ce cours d'eau, il y a à l'heure actuelle deux barrages qui produisent de l'électricité. Celle-ci sert à couvrir les besoins d'une part d'une entreprise située à côté et, de l'autre, d'environ trois cents ménages de la commune de Collex-Bossy.

Cette situation comporte trois aspects. Le premier concerne la production électrique de ces barrages et donc les besoins qu'ils couvrent, je viens de vous en parler. Le deuxième est l'aspect piscicole: naturellement, des poissons vivent dans la Versoix, celle-ci étant une des rares rivières suffisamment alimentées en eau pour que des poissons puissent y vivre. C'est un aspect assez important pour la prise de décision sur ce projet de loi. Troisièmement, la question du patrimoine historique: ces barrages sont des restes de ceux qui ont animé la Versoix depuis, grosso modo, le XVIe siècle, alors que le roi Henri IV veillait à ce qu'une industrie se crée à Versoix pour concurrencer Genève. Voilà donc les trois aspects de cette situation: patrimonial, piscicole et électrique.

Cela s'est transformé en deux formes de duel, que je vais vous rappeler. Le premier oppose les poissons à l'électricité et le deuxième, le Conseil d'Etat au Grand Conseil. Poissons contre électricité: je pense que vous avez compris pourquoi. Les gens qui souhaitent que l'on cesse l'exploitation des barrages hydro-électriques sont principalement des pêcheurs : ceux-ci craignent qu'il n'y ait plus suffisamment d'eau pour que les poissons puissent vivre dans cette rivière.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

M. Alexis Barbey. Merci, Monsieur le président. Quant au duel entre le Grand Conseil et le Conseil d'Etat, l'exécutif a décidé de ne pas renouveler les concessions de ces barrages hydro-électriques, par crainte d'une augmentation de la mortalité des ombles et des truites en cas de sécheresse et d'un étiage trop faible. Du coup, le gouvernement a fait une offre alléchante aux exploitants de ces barrages en leur proposant de prendre en charge les frais de démantèlement de ces infrastructures si celles-ci ne sont plus exploitées.

Le Grand Conseil ne l'entendait pas de cette oreille et a été saisi de deux textes, mais il a été désavoué par le Conseil d'Etat. En outre, la justice a validé la décision du Conseil d'Etat. Il a donc été confirmé que cette exploitation allait s'arrêter et que le gouvernement était en droit de prendre cette décision. D'où, en dernier recours, le vote sur ce projet de loi qui vous enjoint de réaccorder à l'un des deux barrages l'autorisation d'exploiter son électricité (l'autre a décidé d'arrêter complètement son exploitation) et d'alimenter ainsi Collex-Bossy et l'ensemble de ce qu'alimentaient les barrages.

Le duel oppose le Conseil d'Etat et le Grand Conseil: celui-ci cherche à faire revenir l'exécutif sur sa décision et l'invite à permettre à cette bucolique activité, consistant à fournir de l'électricité avec ces barrages, de continuer. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci bien, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, je l'ai répété une, deux, trois, quatre fois: est-ce que vous pourriez ranger vos bouteilles sous la table ? Le Grand Conseil n'est pas un bistrot ! Vous voyez ce que je veux dire ? C'est comme ça ! Les citoyens regardent le Grand Conseil... (Remarque.) ...et se demandent «pourquoi pas nous ?». Cette salle nous est prêtée, et si le mobilier que vous utilisez est sali, ça coûte. (Remarque.) D'accord ? Par respect non pour le président mais pour les citoyens, je vous prie de ranger vos bouteilles sous la table. Merci ! La parole est à M. Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, alors que l'urgence climatique a été votée par ce Grand Conseil il y a plusieurs années, le maintien de ces centrales hydro-électriques à Versoix est important de ce point de vue là, ainsi que pour réduire la dépendance de notre canton vis-à-vis des autres cantons et de l'étranger - Genève importe et utilise énormément d'électricité venue d'ailleurs. Pour réduire cette dépendance, il est nécessaire de maintenir ces deux centrales hydro-électriques: je vous le rappelle et cela a été dit, elles concernent environ trois cents ménages, mais aussi toute une industrie forestière. L'entreprise propriétaire de ce barrage hydro-électrique survit en effet grâce au fait que toute l'électricité qu'elle consomme provient de ce barrage. Or, fermer cette centrale hydro-électrique conduirait cette entreprise à devoir non seulement investir énormément d'argent (on parle ici de plus de 500 000 francs pour se raccorder au réseau), mais également à acheter au prix fort de l'électricité qu'elle ne paie aujourd'hui pas un centime.

Quant aux risques que les poissons courraient, ce n'est qu'un mythe. Les propriétaires de la centrale ont en effet toujours investi de l'argent pour être aux normes s'agissant des passes à poissons, et ces normes sont à l'heure actuelle entièrement respectées. Nous avons donc toutes les garanties nécessaires concernant les poissons.

Il est temps d'envoyer un signal clair non seulement aux exploitants, mais également à la population pour dire que ce Grand Conseil est en faveur des centrales hydro-électriques tant privées que publiques à Genève. Je vous rappelle qu'à terme, nous aurons d'autres débats sur les barrages hydro-électriques, notamment le projet de Conflan, qui reviendra tôt ou tard sur nos tables. Il est donc important de donner un signal clair en votant le projet de loi qui provient d'une majorité de la commission de l'énergie et en renvoyant les deux rapports du Conseil d'Etat à leur auteur afin que celui-ci réponde dans le sens de la majorité du Grand Conseil, à savoir de réaccorder une concession à cette industrie nécessaire à notre canton. Je vous remercie.

M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la juxtaposition de molécules d'eau donne naissance à des rivières et à des fleuves, et le plus gros océan est aussi formé d'une juxtaposition de molécules d'eau. Si l'on suit ce raisonnement, chaque petit producteur fournissant des électrons qu'il peut injecter dans le réseau permet à nos consommateurs d'électricité d'en profiter. L'approvisionnement électrique du canton est un enjeu majeur, et si nous ne voulons pas rester sous perfusion d'électrons atomiques étrangers, nous devons favoriser la production de courant hydro-électrique indigène.

En complément de nos barrages (Verbois, Chancy-Pougny, le Seujet et peut-être un jour Conflan), de plus petites infrastructures sont installées au fil de nos cours d'eau. C'est notamment le cas du barrage de Vessy, que les SIG vont prochainement rénover. C'est aussi le cas de la microcentrale sur la Versoix.

Construite en 1889, par deux fois rénovée, cette microcentrale produit annuellement 1 GWh, de quoi alimenter 22% de la consommation de Collex, ainsi qu'une entreprise qui fabrique des pellets. Et les pellets doivent parler à nos amis Verts, c'est une énergie thermique basée sur l'exploitation de la forêt.

Afin de garantir les débits minimaux de la Versoix, cette microcentrale ne turbine pas en période d'étiage; les 600 l/min demandés sont donc respectés année après année, et nous pouvons dire que l'impact de cette microcentrale sur la biodiversité reste minime.

Cette centrale doit être maintenue pour continuer à produire du courant hydro-électrique local et ainsi à alimenter le réseau électrique en électrons, et continuer à témoigner de la vision qu'ont eue nos ancêtres qui ont eu l'audace de construire ces microcentrales lorsque le canton était en phase d'électrification. Le groupe MCG soutiendra ce projet de loi invitant le Conseil d'Etat à encourager et à protéger la production de courant local notamment par le renouvellement de la concession de cette microcentrale, et ne prendra pas acte des réponses du Conseil d'Etat sur la M 2903 et la P 2160. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous recommandons d'en faire de même. Je vous remercie de votre attention.

M. François Erard (LC). Chers collègues, vous le savez, la Suisse est le pays de l'énergie hydraulique. On connaît la grande hydraulique, avec nos barrages valaisans et nos quelques barrages genevois. Dans le contexte actuel, il est nécessaire de soutenir et de développer cette énergie, en particulier avec des petites centrales hydro-électriques. Leur apport (moins de 10 mégawatts) est essentiel pour contribuer à garantir notre souveraineté énergétique et à atteindre les objectifs de la stratégie énergétique 2050 de la Confédération. En effet, celle-ci prévoit qu'à l'horizon 2050, il faudra produire 38 600 GWh d'énergie hydraulique. Or, pour y parvenir, nous devons notamment soutenir les petites centrales hydro-électriques, qui jouent un rôle important pour notre mix énergétique.

Pour mémoire, ces centrales produisent en ruban, contrairement à d'autres sources comme le photovoltaïque: elles maintiennent la production à des périodes, notamment en hiver, où le photovoltaïque produit peu et où la demande est importante. Il ne faut pas se leurrer, la construction de grands barrages est aujourd'hui illusoire, en raison des oppositions qu'ils vont susciter: nous verrons ce qu'il adviendra de Conflan, mais nous pouvons raisonnablement penser que ça va être compliqué.

Notre magistrat Vert, chargé entre autres de la production énergétique et des énergies renouvelables qu'il défend, a décidé de signer l'arrêt de mort d'une petite centrale privée sur la Versoix qui, depuis sa dernière rénovation en 1945, produit l'équivalent de la consommation électrique de trois cents ménages. A ses yeux, cette production est trop faible dans le cas d'une pesée d'intérêts, et cela a conduit son département à décider la fermeture de cette centrale.

J'aimerais rappeler à nos amis pêcheurs que cette centrale hydro-électrique est active depuis 1928, qu'elle a été rénovée en 1945 et qu'il y aura toujours des truites dans la Versoix. Ce n'est pas maintenant que ces poissons vont tout d'un coup disparaître: ils se sont accommodés à cette centrale depuis passé cent ans.

Dans le contexte actuel, se priver de la production de cette centrale est totalement incompréhensible. Cette volonté de fermeture est d'autant plus incompréhensible que de multiples discours visent, et à juste titre, à encourager la transition énergétique. Assez de grands discours ! A la place, des actes concrets et crédibles ! C'est pourquoi il est primordial d'adopter une loi qui soutient et encourage le développement de ces petites centrales. La majorité du Centre vous invite à voter ce projet de loi et à renvoyer au Conseil d'Etat les deux autres textes. Je vous remercie.

Mme Céline Bartolomucci (Ve), députée suppléante. Mesdames et Messieurs les députés, le sujet dont nous discutons a déjà été tranché plusieurs fois: le Conseil d'Etat a décidé, la justice a validé. Pourtant, nous sommes là à ressasser depuis trois ans un projet jugé non viable et obsolète. Pourquoi ? Parce que certains espèrent imposer leur volonté à l'usure, au mépris des décisions de l'exécutif et du Pouvoir judiciaire ainsi que de l'intérêt général.

Pour rappel, on nous parle de production hydro-électrique locale, comme si la centrale de Versoix était indispensable. 1 GWh par an, c'est l'équivalent de l'énergie nécessaire au jet d'eau. Soyons sérieux ! Nous sommes bien loin d'un enjeu stratégique, alors que le programme éco21 des SIG permet, quant à lui, d'économiser l'équivalent de la consommation de 80 000 foyers. Voilà ce qu'est une vraie politique énergétique.

Soyons clairs, cet acharnement de l'UDC sur cette décision du Conseil d'Etat est un gaspillage non seulement du temps et de l'énergie des services de l'Etat, mais surtout de l'argent public. Remettre aux normes cette centrale coûterait plus de 1,5 million de francs, aux frais des contribuables bien sûr. Et le pire dans tout ça, pour un désastre écologique ! Les cours d'eau du canton sont déjà surexploités, comme l'a évoqué le député Flury en listant tous les barrages déjà existants. La Versoix est un écosystème fragile et un des derniers reconnus au niveau fédéral. Les turbines tuent les espèces menacées et les passes à poissons ne fonctionnent pas, n'en déplaise à certains députés qui, je pense, sont loin d'avoir des compétences en biologie pour procéder à une estimation - on pourra demander aux pêcheurs ce qu'ils en pensent. Et pour cause: pour que ça puisse fonctionner, il faudrait dépenser 1,5 million de francs. Faut-il vraiment sacrifier un cours d'eau unique et dépenser autant d'argent pour une production d'électricité aussi insignifiante ?

Enfin, soyons honnêtes: ce débat n'a rien à voir avec la transition énergétique. C'est un combat idéologique mené par des partis qui ne défendent ni le climat ni une vision moderne de l'énergie, mais qui s'opposent systématiquement et dogmatiquement à toute avancée écologique ! Genève n'a pas besoin de centrales obsolètes, mais d'une politique énergétique intelligente et durable. Mesdames et Messieurs les députés, arrêtons de perdre du temps, respectons les décisions prises et avançons enfin en déposant la pétition sur le bureau du Grand Conseil, en prenant acte du quatrième rapport du Conseil d'Etat à ce sujet et en refusant un projet de loi qui n'existe que pour soutenir les deux autres objets et qui ne permettrait plus de procéder à une pesée des intérêts nécessaire entre énergie et biodiversité. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Sirolli pour quarante secondes.

M. Geoffray Sirolli (PLR). Merci, Monsieur le président. Je dois avouer que débattre aujourd'hui de ce sujet, alors qu'hier nous parlions des réseaux structurants, est quelque peu croustillant. Hier, le conseiller d'Etat nous expliquait que face à l'affreux gaz qui venait de Russie, il fallait encourager l'énergie, la souveraineté énergétique de notre canton et surtout la production locale, et ce, peu importe le prix: ça peut coûter, tant que ce sont les Genevois qui paient, peu importe ! Aujourd'hui, ce même conseiller d'Etat nous explique que pour trois cents ménages, ça coûtera trop cher, que la pesée d'intérêts n'est pas suffisamment bonne, que finalement, ce que l'on fait depuis des centaines d'années n'est pas très bien, que ce qui fait vivre une entreprise locale n'est au final pas très bien, que ce qui nous permet de créer une énergie à la fois propre et pas chère n'est pas très bien.

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Geoffray Sirolli. C'est vraiment croustillant, et assez contradictoire ! J'aimerais juste que l'on retrouve un peu de cohérence dans tout ça et que l'on vote ce projet de loi et renvoie au Conseil d'Etat ses rapports pour qu'il retrouve lui-même une cohérence dans ses propos. Merci beaucoup.

Le président. Je vous remercie. Je donne la parole à M. Steiner pour dix-huit secondes.

M. Christian Steiner (MCG). Merci, Monsieur le président. Je tiens juste à signaler que la législation a changé et que l'approvisionnement énergétique a la priorité sur la protection de l'environnement. Mille tonnes de CO2 pour une centaine de truites, ça revient à dix tonnes par truite, soit l'équivalent de 50 000 kilomètres en voiture. Donc concernant la pesée d'intérêt, oui, mais on ne peut pas remplacer cette façon de produire ce gigawattheure par de l'énergie solaire, car c'est produit la nuit. J'espère qu'après son vibrant plaidoyer en faveur de la souveraineté énergétique, le magistrat sera conséquent et qu'il reviendra sur cet arrêté, ce qui permettra de rouvrir un droit aux subventions pour améliorer la situation des truites. Merci.

Mme Caroline Renold (S). Le défi de la production, de l'autonomie énergétique et de la durabilité de notre énergie est immense; c'est une priorité en vue de laquelle nous sommes tous d'accord de consacrer d'énormes efforts.

Lorsque nous faisons face à un défi considérable tel que celui-ci, il est parfois un peu facile de se laisser emporter dans une direction et d'oublier que faire de la politique, c'est arbitrer dans un monde complexe entre différents intérêts. Effectuer une pesée des intérêts, chères et chers collègues, signifie peser - vraiment, peser ! - les différents intérêts en jeu et leurs valeurs ajoutées, identifier les conflits et décider comment arbitrer dans l'intérêt commun.

Je vous rappelle que le législatif décide de l'importance des intérêts, puisque ceux-ci changent de poids selon les époques, les priorités et les crises politiques, que l'exécutif effectue la pesée des intérêts dans le cas concret et que le judiciaire contrôle la pesée des intérêts faite.

Certes, la production d'énergie renouvelable a un poids extrêmement important dans notre politique actuelle, comme je l'ai indiqué en tout début d'exposé. Toutefois, chères et chers collègues, ceci ne veut pas dire qu'elle l'emportera toujours dans la pesée des intérêts. Ainsi, dans le cas particulier de la centrale hydro-électrique sur la Versoix, la pesée des intérêts pèse clairement contre son maintien et motive le refus de cette motion et le dépôt de cette pétition. La production d'énergie renouvelable est marginale: comme l'a très bien expliqué la députée Verte, la production de 1 GWh correspond aux besoins de trois cents ménages, ce qui est faible par rapport aux économies susceptibles d'être réalisées. Eteignons simplement le jet d'eau ou alors, blague à part, réalisons des économies d'énergie avec le programme éco21.

Cette centrale sur la Versoix a un impact sur la biodiversité extrêmement important, et non, Monsieur le rapporteur - vous transmettrez, Monsieur le président -, ce n'est pas uniquement poissons ou pêcheurs contre électricité, il est question d'une zone naturelle genevoise d'une exceptionnelle richesse, dans un biotope d'importance nationale, et ceci en application de nombreuses normes fédérales. On doit donc évaluer une production électrique marginale, qui pèse peu dans la balance face à une atteinte importante à la nature et au paysage, à la biodiversité, à la faune et à la flore ainsi qu'à l'eau et à la pêche.

De plus, l'administration a fait son travail en procédant à la pesée des intérêts, ce qu'on lui demande de faire, et a refusé le renouvellement de la concession. Le Pouvoir judiciaire a lui aussi fait son travail, que vous tentez de retourner aujourd'hui dans un cadre législatif, en indiquant que la pesée des intérêts avait été effectuée correctement. Il ne faudrait pas, en tentant de poursuivre un noble but, piétiner la séparation des pouvoirs, l'un des piliers de notre système démocratique. De toute évidence, il faut prendre acte des rapports.

En ce qui concerne le PL 13599, élaboré en commission par une majorité, il ne fait que répéter ce qui est déjà inscrit dans la constitution à son article 167, à savoir que la politique énergétique de l'Etat est fondée sur le développement prioritaire des énergies renouvelables: il ne change rien au fait qu'une pesée des intérêts doit être réalisée dans le cas concret, ainsi que cela ressort notamment de nombreuses lois fédérales. Il ne changera rien au cas de la centrale hydro-électrique sur la Versoix: la concession ne sera pas renouvelée. Dans la mesure où nous ne pouvons pas nous opposer à ce texte - le parti socialiste est en faveur de l'énergie hydro-électrique et, de manière générale, de l'énergie durable -, notre groupe s'abstiendra poliment. Merci.

Le président. Je vous remercie. Il y a une chose que je ne comprends pas: cette centrale tuerait des poissons, mais les pêcheurs aussi tuent les poissons ! (Rires. Applaudissements.) Or, les pêcheurs ne sont pas interdits. La parole est à M. Balaban.

M. Stefan Balaban (LJS). Merci, Monsieur le président. Je vais poursuivre sur les belles paroles que vous avez prononcées. Tout d'abord, je prie M. Eckert d'attacher sa ceinture, car les barrages ouvrent leurs écluses. Nous avons vu en commission que le département a une nouvelle fois mal géré son dossier. Nous avons besoin d'énergie locale, d'énergie renouvelable, et le barrage de Versoix fait parfaitement l'affaire. Vouloir le fermer pour des motifs qui sont facilement... On peut facilement trouver une solution à l'amiable, donc vouloir fermer un barrage n'est vraiment pas opportun. Pour cette raison, nous vous demandons de soutenir ce projet de loi et de refuser les deux rapports du Conseil d'Etat. Merci.

Le président. Bien, merci. Madame Bartolomucci, vous avez dix secondes.

Mme Céline Bartolomucci (Ve), députée suppléante. Merci, Monsieur le président. Oui, dix secondes pour dire que si certaines personnes ne comprennent pas l'intérêt pour les poissons, on peut quand même imaginer que dépenser 1,5 million des contribuables pour l'équivalent d'un jet d'eau... Cet acharnement contre les services de l'Etat, honnêtement, ça laisse tout de même assez pensif. On se demande même s'il n'y a pas une affaire personnelle derrière tout ça. Je vous remercie.

Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je m'exprime en ma qualité de suppléante du magistrat chargé du département du territoire et au nom du gouvernement. Vous avez évoqué, Monsieur le député, un duel entre le Conseil d'Etat et le Grand Conseil et une opposition entre les poissons et l'électricité. Je dois vous dire que la pesée d'intérêts entre l'environnement et l'énergie a été effectuée par le Conseil d'Etat, et je suis contrainte de vous dire que le gouvernement ne déclare pas forfait dans le cadre de ce duel et qu'il persiste dans ce qui a été indiqué en commission. Nous vous invitons à prendre acte de ces rapports et à refuser le projet de loi. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote sur les différents objets qui vous sont soumis. Je mets d'abord aux voix le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport M 2903-B.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2903 est adopté par 46 oui contre 34 non (vote nominal).

Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2903 est donc rejeté.

Vote nominal

Le président. A présent, j'invite l'assemblée à se prononcer sur le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport P 2160-C.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 2160 est adopté par 57 oui contre 26 non (vote nominal).

Le rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 2160 est donc rejeté.

Vote nominal

Le président. Nous votons maintenant sur l'entrée en matière sur le PL 13599.

Mis aux voix, le projet de loi 13599 est adopté en premier débat par 58 oui contre 14 non et 13 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 1.

Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'article 2 «Clause d'urgence». Je rappelle que selon l'article 142 de la LRGC, pour être adoptée, la clause d'urgence doit être votée par le Grand Conseil à la majorité des deux tiers des voix exprimées, les abstentions n'étant pas prises en considération, mais au moins à la majorité de ses membres.

Mis aux voix, l'art. 2 est rejeté par 59 oui contre 31 non (majorité des deux tiers non atteinte).

Le président. La clause d'urgence est refusée, l'article 2 est donc biffé et l'article 1 devient article unique.

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 13599 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui contre 30 non (vote nominal).

Loi 13599 Vote nominal