Séance du
vendredi 21 mars 2025 à
14h
3e
législature -
2e
année -
11e
session -
61e
séance
P 2216-B
Débat
Le président. Le point suivant est la P 2216-B (catégorie III). Je cède le micro à Mme Lara Atassi.
Mme Lara Atassi (Ve). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, il y a quelques mois, nous avons renvoyé au Conseil d'Etat cette pétition demandant l'instauration d'un congé prénatal au sein de la fonction publique. Dans sa réponse, le Conseil d'Etat nous explique qu'il veut d'abord mettre en oeuvre le congé parental avant de réfléchir à la mise en place de ce congé prénatal. C'est fort regrettable qu'il mélange ces deux éléments, car cela démontre une profonde incompréhension de ces congés et de leur rôle.
Le congé parental, comme son nom l'indique, est destiné aux nouveaux parents et a pour but de leur permettre de s'occuper du nouveau-né, qui nécessite une attention de tous les instants. A travers ce mécanisme, nous, en tant que société, décidons de soutenir les jeunes parents et de les libérer de leurs occupations professionnelles afin qu'ils puissent s'occuper de leur enfant. Ce congé a donc un but de soutien et de soin aux membres les plus fragiles de notre communauté.
Sur un plan tout à fait différent, le congé prénatal s'adresse aux futures mères et a pour principal enjeu des questions de santé. Il faut le rappeler, la grossesse n'est pas une maladie, mais elle reste tout de même une contrainte physique importante. Durant les dernières semaines, la grossesse n'est pas compatible avec de longues journées de travail, cela d'autant plus qu'à l'approche de la fin de la grossesse, la future mère doit se préparer à l'accouchement. Il s'agit ici d'un enjeu de santé.
Il est donc regrettable que le Conseil d'Etat fasse une confusion entre ces deux congés et ces deux enjeux bien distincts, c'est pourquoi le groupe des Vertes et des Verts lui demande de revoir sa copie et de répondre à la question posée, sur le congé prénatal et non sur le congé parental. Nous demandons donc le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat. Merci. (Applaudissements.)
Mme Sophie Demaurex (S). Mesdames et Messieurs les députés, merci à ma préopinante d'avoir introduit le sujet. Effectivement, la réponse du Conseil d'Etat ne nous convient pas. Une étude intéressante, menée ces quatre dernières années, met en avant que sur la période étudiée, il n'y a pas eu de cas de femme qui, suite à un accouchement, aurait atteint le seuil de 730 jours d'absence, incluant une période d'absence prématernité. L'étude indique qu'il y a eu deux cas de fin de droit pour des personnes engagées depuis moins d'un an.
Mais ce rapport fournit d'autres chiffres très intéressants, qu'il y a lieu de commenter. On apprend que quatre semaines avant le terme, seules 34% des femmes sont encore en activité. A deux semaines du terme, elles ne sont plus que 29%. Mesdames et Messieurs les députés, entre deux à quatre semaines avant le terme, plus de 70% des femmes ont un certificat maladie afin de pouvoir vivre leur fin de grossesse.
Or, on vient de le dire, la grossesse n'est pas une maladie - là, c'est la sage-femme qui vous parle. Qu'en est-il de cette période ? Eh bien, durant la fin de la grossesse, on a des douleurs diffuses, on a des douleurs ligamentaires, on a de la peine à bouger, à se baisser, à lacer ses chaussures, à prendre un bus, à se mobiliser. On doit aller faire pipi sans arrêt, on a des insomnies, parfois des angoisses liées à l'accouchement, on a besoin de s'y préparer, on a les jambes lourdes et il arrive qu'on ait de fausses alertes et des contractions, qui font qu'on court à la maternité puis qu'on revient à la maison.
Tous ces changements ne sont pas ceux d'une maladie, mais ceux de la fin de grossesse. Permettez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, une comparaison qui n'est peut-être pas très élégante: on a aussi une «bobologie» quand on est retraité; ce n'est pas pour autant qu'on travaille jusqu'à la mort, on s'arrête avant pour pouvoir vivre cette fin de cycle humain.
Par conséquent, je pense qu'il y a vraiment lieu de s'arrêter là-dessus. Il faut savoir que le congé prénatal est instauré dans tous les pays, sauf en Suisse et à Chypre, si je ne m'abuse. C'est quand même particulier, on pourrait être un peu plus novateur et ne pas attendre l'IN 184, dans laquelle il ne convient pas de transférer une période avant l'accouchement à après. Il y a vraiment lieu pour l'employeur de prévoir l'absence de son personnel, d'anticiper et de laisser les personnes vivre cette fin de grossesse. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Alors vous me direz que vous connaissez tous et toutes une personne qui a travaillé jusqu'à la fin de sa grossesse - il y en a certainement dans cette salle - et qui s'en est très bien portée, mais ce n'est pas une raison pour ne pas mettre en place une mesure de santé publique. Je pense que Genève en a les moyens et qu'on n'est pas très glorieux avec notre politique de santé publique en matière de naissances, qui, comme on le sait, ont tendance à diminuer en Suisse.
Le président. Merci, Madame la députée.
Mme Sophie Demaurex. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste vous demande de renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. Vincent Subilia (PLR). Chères et chers collègues, rassurez-vous, je ne demanderai pas d'argent, mais je m'autorise à faire entendre une voix masculine et donc minoritaire dans cette enceinte... (Exclamations. Rires.) Je n'ai certainement pas à me prononcer, mais c'est le lieu pour moi de remercier, de façon parfaitement populiste, toutes celles et tous ceux qui portent nos enfants - merci à elles ! -, mais peut-être aussi d'observer que dans cet hémicycle, et il y en a quelques excellents exemples en face de moi, siègent des femmes qui ont pu, peut-être dû, travailler jusqu'à quasiment la veille de leur accouchement. C'était le cas aussi de la maman de mes trois enfants. Je pense donc que le panorama qui nous est dressé ici est probablement un tout petit peu biaisé.
Lorsque j'entends que tous les pays à l'exception de Chypre et de la Suisse pratiquent ce congé prénatal, j'invite la préopinante à reprendre la cartographie des congés maternité et des congés prénataux octroyés, parce que je ne crois pas que ça corresponde à la réalité.
Et puis, ce faisant, vous induiriez à nouveau - je dis à nouveau parce que c'est déjà le cas avec un certain nombre de prestations sociales dont bénéficie la fonction publique, et il faut certainement s'en réjouir, parce qu'on peut imaginer que le corollaire est qu'elle travaille au service du public de manière encore plus efficace - un biais vis-à-vis des employeurs privés, qui ne peuvent déjà pas régater avec le salaire médian, ou plus exactement moyen, pratiqué par la fonction publique et qui, en plus, n'ont pas ce luxe d'offrir des congés prénataux.
Oui, vous l'avez dit, 34% des femmes se trouvent empêchées pour les raisons que vous avez décrites, et que naturellement j'entends parfaitement. Celles-ci justifient qu'on ne puisse pas travailler juste avant l'accouchement. Je trouve que la comparaison entre la naissance et la mort est un peu malvenue dans ce contexte, mais cela m'appartient. Au-delà de ça, vous induiriez à nouveau une différence de traitement avec le secteur privé, qui, compte tenu des prérogatives qui sont celles de la fonction publique à Genève, n'est certainement pas la bienvenue. A ce titre, je remercie le Conseil d'Etat de la réponse qu'il a apportée à cette pétition. En tant que mâle alpha, je vous remercie de votre attention !
Mme Christina Meissner (LC). Monsieur le président, vous transmettrez au mâle alpha qui vient de prendre la parole qu'ils sont toujours les bienvenus pour s'exprimer dans ce parlement. Je souligne que la réponse du Conseil d'Etat a été rédigée, enfin peut-être pas directement, mais en tout cas signée, par Mme la présidente - présidente ! - Nathalie Fontanet, qui est aussi venue en commission parler de cette situation.
En fait, il ne faut juste pas créer une Genferei de plus. En ce moment, un projet de loi et une initiative traitent de ce sujet. Ces objets permettront sans doute de viser non seulement le congé parental, mais aussi les semaines qui précèdent la naissance. Par conséquent, comme la présidente du Conseil d'Etat l'a dit, attendons de voir ce qui en ressortira avant d'inventer un nouveau système. C'est la raison pour laquelle Le Centre refusera le renvoi de cette réponse au Conseil d'Etat. Merci.
Mme Delphine Bachmann, conseillère d'Etat. Je souhaite juste vous dire que le Conseil d'Etat n'entend pas compléter la réponse qu'il a fournie. Les mécanismes de protection pour les femmes enceintes avant l'aboutissement de leur grossesse et l'accouchement existent d'ores et déjà; elles ont la possibilité d'être mises en arrêt maladie par leurs médecins, qui, on le sait, ne manquent pas de le faire quand c'est nécessaire. Le Conseil d'Etat estime aussi que celles qui souhaitent poursuivre une activité jusqu'au terme - et ça arrive - doivent pouvoir le faire en toute liberté.
Voilà, les discussions se poursuivront sur l'ensemble de ces conditions qui entourent tant la maternité que la paternité et que nous prenons extrêmement au sérieux, mais nous n'entendons pas revenir sur cette réponse. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je lance le vote sur la demande de renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 2216 est rejeté par 54 non contre 27 oui.
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 2216.