Séance du
vendredi 21 mars 2025 à
14h
3e
législature -
2e
année -
11e
session -
61e
séance
P 2227-A
Débat
Le président. Il nous reste une seconde pétition à étudier, à savoir la P 2227-A. Nous sommes toujours en catégorie II, trente minutes, et je laisse la parole à M. Jean-Pierre Tombola.
M. Jean-Pierre Tombola (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues... Attendez, je dois juste pousser la chaise d'à côté. (Rires. L'orateur rit.) Nous sommes ici devant la P 2227 «Non au renvoi d'Arsim vers le Kosovo. Non !». Le pétitionnaire a été entendu, et la commission a décidé de traiter ce texte sans audition supplémentaire pour une raison très simple: il y est question du renvoi d'une personne qui vit à Genève depuis trente ans.
M. Arsim contribue à l'économie genevoise, il s'acquitte de toutes ses obligations financières, y compris des cotisations sociales, il fait partie d'associations locales et humanitaires où il est reconnu comme quelqu'un qui aide les gens les plus démunis, il est très apprécié par les personnes qui le connaissent bien. Les signataires considèrent que le renvoi de cet homme au Kosovo, son pays d'origine, serait préjudiciable au regard de tout ce qu'il a fait et continue à faire pour ce canton.
Par ailleurs, il a une famille; il ne s'agit donc pas de son seul renvoi, mais également de celui de ses proches, ce qui les affecte énormément. On parle de deux enfants, un garçon qui s'apprête à commencer le collège et une fille qui a un avenir certain dans le domaine de la danse. Il est également autonome financièrement.
Certes, les commissaires pensent que M. Arsim aurait dû être présent lors de l'audition pour donner certaines informations que la personne reçue n'a pas pu nous fournir. Cela étant, nous savons tous qu'il est extrêmement difficile de faire venir des individus sous le coup d'une mesure de renvoi; généralement, ils refusent de se montrer par crainte d'être arrêtés et renvoyés.
Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission estime que la situation de M. Arsim est urgente. Il s'agit d'un cas particulier, c'est vrai, mais aussi emblématique de beaucoup d'autres. Le Conseil d'Etat doit traiter cette affaire avec précaution s'agissant de quelqu'un qui a une famille, qui vit ici depuis trente ans, qui est autonome financièrement, qui contribue à l'économie genevoise et participe à la dynamique associative.
Ce dossier a retenu l'attention de la majorité de la commission, qui juge nécessaire de le transmettre au gouvernement. C'est la raison pour laquelle elle s'est prononcée en faveur du renvoi de la pétition au Conseil d'Etat, lequel pourrait s'en saisir et examiner les possibilités qui s'offrent à M. Arsim eu égard à ce qu'il a accompli pour notre canton, notamment celle d'obtenir un permis B. Merci beaucoup de votre attention.
Mme Joëlle Fiss (PLR), rapporteuse de minorité. Chers collègues, je serai très brève. Ce qui est dommage, dans le cas d'Arsim soulevé par cette pétition, c'est que de nombreuses zones d'ombre persistent concernant son renvoi. Le flou qui règne au niveau des faits bloque la minorité des commissaires, qui aurait aussi souhaité transmettre ce texte au Conseil d'Etat. En l'état, nous proposons donc de le déposer sur le bureau du Grand Conseil.
En fait, le pétitionnaire - qui est en campagne actuellement, juste pour vous le signaler - n'a pas su apporter d'éclaircissements sur plusieurs points que nous estimons essentiels. D'abord, nous ignorons si Arsim a épuisé toutes les voies de recours légales à sa disposition afin de contester la mesure de renvoi. Il s'agit d'une information capitale. Or le signataire lui-même a admis ignorer si une décision judiciaire avait été prise, ce qui constitue une lacune importante.
Ensuite, il a reconnu avoir tenté de joindre Arsim pour obtenir davantage d'informations sur cette question précise, mais sans succès. D'ailleurs, il ne savait pas si Arsim accepterait d'être auditionné par la commission. Encore une fois, nous n'avions pas accès directement à la personne concernée. En l'absence de réponses détaillées à nos questions, il a été difficile d'approfondir le dossier. Cela met en lumière un déficit de communication entre Arsim et le pétitionnaire. Il est impossible d'affirmer avec certitude que les faits présentés sont à jour et exacts.
Relevons encore une erreur dans la pétition même, qui présente Arsim comme un citoyen genevois alors qu'en réalité, c'est un résident genevois. Certes, Monsieur le rapporteur de majorité, c'est un résident qui vit à Genève depuis trente ans, mais sans droits civiques. Le problème, c'est que l'auditionné a justifié cette expression comme relevant simplement d'une formule, mais cela est incorrect et affaiblit la crédibilité du texte.
Enfin, à la question du président de la commission, M. Alexis Barbey, quant à la situation politique au Kosovo, le signataire, pourtant lui-même originaire de ce pays, s'est montré incapable de répondre. Or le DFAE considère aujourd'hui que le Kosovo est un endroit sûr. Pour tous ces motifs, mais surtout en raison du manque criant d'informations, il ne nous est pas possible de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat sans perdre notre crédibilité. Merci.
Mme Christina Meissner (LC). Merci à la rapporteure de minorité d'avoir listé toutes les raisons qui ont conduit la minorité à décider de déposer ce texte sur le bureau du Grand Conseil. Mesdames et Messieurs, il y a un vrai malaise par rapport à cette pétition qui demande de ne pas renvoyer Arsim vers le Kosovo, pétition tout de même déposée par un député...
Une voix. Du Kosovo !
Mme Christina Meissner. ...lui-même originaire du Kosovo - oui, merci de me l'avoir soufflé ! -, par ailleurs président de l'association des citoyens du Kosovo et qui s'est présenté à l'audition sans être accompagné de l'individu concerné. Honnêtement, étant lui-même policier de profession, il aurait pu lui indiquer qu'il ne risquait pas d'être arrêté en venant témoigner devant une commission du Grand Conseil.
Bref, il y a un drôle de malaise autour de cette affaire, et c'est la raison pour laquelle nous préconisons le dépôt de la pétition. Cela ne signifie pas que le cas n'est pas sérieux, mais sans doute aurait-il fallu s'y prendre autrement pour défendre les intérêts de cette personne. Merci.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts et les Vertes vous recommandent de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. En effet, même s'il s'agit d'un cas particulier, nous estimons que M. Arsim et ses proches sont pris dans une spirale administrative. Alors que celui-ci vit à Genève depuis de nombreuses années, y travaille et y habite avec sa famille, alors qu'il aurait déjà dû bénéficier d'un permis B, il est menacé d'un renvoi au Kosovo.
Bien que certaines informations manquent - cela a été relevé -, nous, les Verts et les Vertes, soutenons la majorité de la commission et voterons le renvoi du texte au Conseil d'Etat précisément pour éclaircir les choses, pour lever toutes les incompréhensions, pour mettre fin à la spirale administrative. Il se trouve que M. Arsim est intégré, a une famille, des enfants, et à ce titre, je pense bien évidemment à leur scolarité qui serait stoppée.
De même, je ne peux pas m'empêcher de songer aux enfants placés dans les centres fédéraux d'asile. Vous me permettrez ce parallèle, car les imbroglios administratifs liés aux décisions de renvoi ont un impact sur les enfants en premier lieu.
Pour nous, les Verts et les Vertes, l'éducation doit constituer un critère essentiel dans la prise de décision, et ce aussi dans les CFA. Nous nous opposons à une scolarisation séparée, ségréguée des autres jeunes; les enfants doivent pouvoir fréquenter l'école du quartier ou l'établissement le plus proche. Mais nous contestons également, eu égard au cas d'espèce, les mesures de renvoi décidées alors que de nombreuses années se sont écoulées, alors que les enfants ont grandi et sont scolarisés.
Pour toutes ces raisons, pour une éducation qui ne discrimine et n'exclue pas les jeunes dans les CFA, mais aussi pour que les enfants de M. Arsim puissent poursuivre leur scolarité, nous sommes en faveur du renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Merci.
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Le groupe UDC veut-il bien tenir son caucus à l'extérieur de la salle ? Merci. Ensuite, la parole va à M. Florey... membre du caucus de l'UDC ! (Rires.)
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Eh bien suite au caucus, je vais vous livrer la position de l'UDC, qui a fortement changé depuis le dépôt du rapport. Outre ce qu'a souligné la rapporteure de minorité, l'UDC constate d'abord que l'individu concerné est ce qu'on appelle un sans-papiers, et non un résident. C'est un sans-papiers ! Un résident possède un statut particulier, or ce monsieur est un sans-papiers.
Ensuite, on nous dit qu'il paie des cotisations sociales. Bien souvent, en effet, les travailleurs au noir - bon, on parle maintenant de travailleurs au gris, mais à l'origine, c'étaient des travailleurs au noir - s'acquittent de cotisations. Enfin, ce sont plutôt les patrons qui les incitent à en verser, pour la simple et bonne raison qu'en tant qu'employeur, si vous vous faites choper, on vous tape un peu moins sur les doigts, il suffit de déclarer: «Oh, mais je n'ai trouvé personne d'autre sur le marché et je n'ai pas exploité cette personne, parce qu'elle paie des cotisations sociales.»
A la limite, ils versent encore le salaire minimum qui, en vingt-cinq ans, n'a pas dû beaucoup évoluer. C'est donnant-donnant: on vous embauche, on ne dit rien, on ferme les yeux, mais en revanche, sur le plan du salaire, il ne faut pas espérer de grande progression.
On nous informe par ailleurs qu'il dispose d'une assurance-maladie, ce qui est surprenant, puisqu'une très grande majorité des sans-papiers n'en possèdent pas. Dès lors, on est en droit de s'interroger: depuis quand ? En a-t-il contracté une ces dernières années, voire ces derniers mois, pour pouvoir objecter: «Non, je suis assuré, je respecte la loi sur l'assurance-maladie» ? On peut tout de même se poser la question. De toute façon, ces gens-là - on le sait très bien - bénéficient d'une gratuité totale quand ils se rendent à l'hôpital, donc visiblement, s'il verse des primes d'assurance-maladie, c'est à perte.
Bien évidemment, comme tout sans-papiers, cet homme ne paie pas d'impôts, mais personne n'en parle. Et finalement, on apprend qu'il n'a pas été éligible à l'opération Papyrus; eh bien malheureusement, quand on se fait attraper, on en paie les conséquences.
Aujourd'hui, cet individu doit bel et bien être renvoyé dans son pays d'origine, puisque le Kosovo - il faut le rappeler ici - est un pays sûr, il ne risque plus rien; il a tenté le coup de rester vingt-cinq ans dans une situation illégale, eh bien il suffit de rectifier le tir en lui donnant un statut légal dans son propre pays.
L'UDC, vous l'aurez compris, votera le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil; subsidiairement, si celui-ci est rejeté, nous demanderons qu'elle soit classée pour les raisons évidentes que je viens de développer, et nous vous invitons à faire de même. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Jacques Jeannerat (LJS). Oui, la situation décrite dans cette pétition est peut-être injuste. Je dis bien: peut-être ! Parce que comme cela a déjà été souligné, le dossier est lacunaire. Arsim, on ignore s'il s'agit d'un nom ou d'un prénom: il n'y a pas d'indication de titre. Ensuite, un doute subsiste: ce monsieur ne peut pas prouver qu'il est resté plus de dix ans à Genève, il y a eu quelques séjours en France.
Mesdames et Messieurs, pour le groupe LJS, cette pétition prend la forme d'un recours. Or j'ai consulté la loi portant règlement du Grand Conseil, qui stipule qu'une pétition peut consister en une plainte, en une demande, en un voeu, mais aucunement en un recours. A notre sens, cette personne a d'autres moyens à sa disposition, notamment sur le plan juridique.
Encore une fois, le dossier est incomplet, on n'a pas eu la démonstration que toutes les possibilités de recours, notamment sur le plan juridique, ont été épuisées. Il convient de s'adresser d'abord aux autorités compétentes dans ce domaine.
Bien évidemment, nous ne sommes pas en faveur du renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat; le dépôt, passe encore, mais en l'état, nous serions plutôt pour son classement. Je trouve que la majorité, par honnêteté intellectuelle, politique et démocratique, aurait dû mieux travailler sur cette affaire et je demande le renvoi en commission, Monsieur le président. (Exclamations.)
Des voix. Mais non !
D'autres voix. Mais si !
Le président. Bien, merci. Avant que nous procédions au vote sur cette proposition, je redonne la parole aux rapporteurs. Madame Fiss, c'est à vous pour commencer.
Mme Joëlle Fiss (PLR), rapporteuse de minorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Je suis ravie que la position de l'UDC ait évolué, ce qui permet à ce rapport de minorité de devenir majoritaire, c'est une bonne nouvelle. Cela étant, je tiens tout de même à clarifier un point, à savoir que les arguments de M. Florey sont sensiblement différents de ceux mentionnés dans mon rapport.
M. Jeannerat estime, à juste titre, qu'il manque des informations pour que nous puissions renvoyer le texte au Conseil d'Etat. En revanche, là où il y a désaccord, c'est que nous considérons pour notre part qu'il n'est pas nécessaire de renvoyer le dossier en commission. La pétition est telle qu'elle nous a été présentée, on ne peut pas opérer de changements, l'information est insuffisante, donc voilà, passons à autre chose. Merci beaucoup.
M. Jean-Pierre Tombola (S), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs, je crois que les commissaires ont fait le nécessaire. Il manque certainement quelques informations - je l'ai relevé dans mon rapport -, mais l'affaire est pressante. Un cas pareil, à savoir le renvoi d'une personne avec sa famille, est à traiter en urgence; il doit être traité en urgence, mais aussi avec humanité. Par conséquent, je vous recommande de ne pas renvoyer cette pétition en commission. Merci.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, vous êtes invités à vous exprimer sur la demande de renvoi à la commission des pétitions.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la pétition 2227 à la commission des pétitions est rejeté par 59 non contre 13 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Des voix. Ça ne marche pas !
Le président. Nous poursuivons le débat...
Des voix. Ça n'a pas marché !
D'autres voix. Mais si ! (Commentaires.)
Le président. Je vous ai communiqué le résultat ! (Commentaires.) Je vous ai donné les chiffres: la requête a été refusée, basta, on continue ! (Rires. Applaudissements.) La parole revient à M. Thévoz. (Commentaires.)
M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs... (Commentaires.)
Le président. Excusez-moi, je vous interromps un instant. Mesdames et Messieurs, je répète que le renvoi en commission a été rejeté, donc nous poursuivons les travaux. Est-ce clair ou voulez-vous que je vous l'explique encore une fois ? C'est possible, je peux le redire une nouvelle fois, si vous le souhaitez ! Reprenez, Monsieur Thévoz.
M. Sylvain Thévoz. Merci, Monsieur le président. Un certain malaise a régné au sein de la commission des pétitions qui se répand aujourd'hui, c'est vrai. Nous sommes face à un texte déposé par un collègue député, policier de son état, faisant autorité à nos yeux, mais qui amène une pétition lacunaire, un dossier sur lequel il ne dispose que d'informations partielles.
Or quand nous manifestons notre volonté d'approfondir l'examen en auditionnant le principal intéressé, le pétitionnaire réplique: «Il ne viendra pas, cela ne sert à rien.» Et quand nous évoquons l'idée d'entendre le Conseil d'Etat, nous nous rendons bien vite compte qu'il s'agit d'un cas particulier et que le gouvernement nous répondra: «Désolé, il s'agit d'un cas particulier.» Nous écouterons la magistrate à ce sujet tout à l'heure, mais nous n'aurions probablement pas obtenu grand-chose.
Dès lors, nous nous sommes basés sur la parole du pétitionnaire, estimant qu'il convenait de lancer un message politique si ce qui est indiqué était vrai, à savoir que ce monsieur réside ici depuis trente ans et qu'il a accompli tous ses devoirs. En effet, il y aurait là quelque chose de choquant, relevant de la politique d'asile fédérale, et il faudrait prendre en compte cette situation.
Mais sur le fond de l'histoire, nous évoluons principalement à l'aveugle. Nous regrettons la prise de position de l'UDC, qui tisse un roman autour d'une situation lacunaire, qui interprète des faits incomplets. Il est dommage que M. le député MCG qui a présenté cette pétition en son nom ne soit pas là aujourd'hui, il aurait peut-être pu nous éclairer.
En l'état, nous allons maintenir notre position consistant en un renvoi au Conseil d'Etat, à tout le moins pour obtenir des éléments; peut-être nous communiquera-t-il quelque chose de plus, mais nous en doutons vu la manière dont ce texte a été déposé. Merci beaucoup.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il faut rappeler ici que le Grand Conseil siège pour adopter des actes généraux et abstraits, pas pour débattre de cas individuels et concrets. Notre institution - et la commission des pétitions en fait partie - ne dispose pas de voies de droit extraordinaires. En l'occurrence, nous n'engageons pas de démarche comparable à la procédure de grâce, qui permet au parlement de s'opposer à l'exécution d'une sentence prononcée par une instance judiciaire après une longue instruction.
Nous possédons très peu d'informations sur cette situation individuelle. Croyez bien qu'en tant qu'avocat pratiquant le droit des étrangers, je suis régulièrement confronté à des circonstances de ce type qui, parfois, sont effectivement frustrantes, car on reçoit - à regret - des décisions prises de manière mécanique et dure. Mais la réalité, c'est que si nous renvoyons cette pétition au Conseil d'Etat aujourd'hui, nous créons un dangereux précédent.
Une voix. Exactement !
M. Murat-Julian Alder. Nous donnons de faux espoirs à des gens qui ont besoin de clarté, de stabilité et surtout pas qu'on leur vende du rêve à des fins électorales.
Une voix. Voilà !
M. Murat-Julian Alder. Les grands discours d'angélisme et de xénophilie, c'est bien gentil, mais en vérité, celles et ceux qui soutiennent le renvoi au Conseil d'Etat se livrent à un exercice encore plus xénophobe que les autres qui préconisent l'application de la loi.
Je conclurai en informant la personne concernée qu'elle a la possibilité de demander une reconsidération de la décision dont elle fait l'objet auprès de l'office cantonal de la population et des migrations, et qu'elle ferait mieux d'investir son énergie dans le traitement de son affaire plutôt que de la laisser entre les mains de politiciens. Merci beaucoup de votre attention. (Applaudissements.)
Une voix. Très bien !
Une autre voix. Bravo !
Le président. Merci. Je passe la parole à M. Rielle pour une minute.
M. Jean-Charles Rielle (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous raconter une très belle histoire. Nous sommes en 2010, M. S. travaille au noir depuis vingt ans dans une pizzeria des Eaux-Vives. Suite à une décision de renvoi, la Ville de Carouge se mobilise, l'enseignant des enfants se mobilise, nous nous mobilisons et j'obtiens un rendez-vous à Berne auprès de Mme Widmer-Schlumpf.
La Confédération avait décidé que M. S. et sa famille devaient quitter la Suisse, cela avait fait la une du journal «Le Matin» à l'époque. Avec notre chanteur genevois Alain Morisod - mon ami Alain Morisod - une délégation... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ah, le commandant Duchosal est là également ! ...une délégation se rend à Berne. La conseillère fédérale nous accorde trois quarts d'heure et obtient quatre permis.
Je me souviendrai toujours, quand nous sommes revenus à Genève avec ces quatre permis, du regard des enfants sur leur père - parce que sa femme et ses deux enfants nous avaient rejoints -, ce regard qui disait: «Bravo, papa, ça fait vingt ans que tu travailles ici, que tu contribues à l'économie genevoise, merci de t'être battu pour que nous obtenions ce statut.» Voici la fin de l'histoire...
Le président. Merci, Monsieur le député...
M. Jean-Charles Rielle. ...un troisième enfant est né, et depuis quelques mois, M. S. est un citoyen suisse ! Alors réfléchissez un petit instant avant de prendre une décision: ces personnes qui ont travaillé dans notre canton pendant de nombreuses années, même si au noir, ont le droit - et surtout leur famille - d'y rester. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai pris la parole à deux reprises jusqu'à maintenant, dans le cadre de cette session du Grand Conseil, et à deux reprises, j'ai salué la qualité du travail réalisé en commission. J'aurais aimé répéter ces propos une troisième fois, mais malheureusement, ce ne sera pas le cas.
Je vous le dis d'emblée, et ceux qui me connaissent le savent: j'ai la plus totale empathie pour ces familles kosovares travailleuses, intégrées et qui, parfois mal accompagnées, parfois jouant de malchance, ne peuvent pas accéder à la régularisation Papyrus. Comme l'ont souligné plusieurs préopinants, il n'appartient pas au Conseil d'Etat de se prononcer sur des cas individuels lors d'une séance du parlement, donc je ne le ferai pas.
En revanche, Mesdames et Messieurs, il m'est possible de réagir, de questionner - voire de challenger - le fonctionnement de nos institutions. Mesdames et Messieurs les députés, un pétitionnaire unique se présente devant la commission des pétitions avec des affirmations, des allégations sur une personne, et vous les prenez pour vraies.
A aucun moment vous n'auditionnez le Conseil d'Etat, ne serait-ce que pour savoir où en est la procédure de cet homme, ce qu'il en est de son cas. Y a-t-il déjà eu des tentatives de contact avec le Conseil d'Etat, celui-ci est-il déjà engagé ou non dans cette affaire, existe-t-il des décisions de justice ? A aucun moment vous n'interrogez le Conseil d'Etat et les services compétents. Croyez-vous qu'il soit adéquat de travailler ainsi ? Pensez-vous qu'un tel fonctionnement soit efficient ?
Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous expliquer pourquoi vous percevez dans ma voix une colère sourde: figurez-vous que le pétitionnaire unique m'avait déjà interpellée sur le dossier, et il ne vous en a pas fait part. Je trouve cette attitude déloyale.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, je me sens obligée de vous en informer; je me sens également obligée de vous demander, si vous entendez travailler sur ce genre d'affaire, de procéder correctement; je me sens enfin obligée de vous signaler que je trouverais parfaitement inadéquat que vous renvoyiez ce texte au Conseil d'Etat. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes maintenant en procédure de vote. Je mets tout d'abord aux voix les conclusions de la majorité, soit le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat; si cette proposition est refusée, nous voterons sur le préavis de la minorité, à savoir le dépôt.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2227 au Conseil d'Etat) sont rejetées par 54 non contre 29 oui et 1 abstention.
Le président. A présent... (Remarque.) Qu'y a-t-il ? Oui, Monsieur Alder ?
M. Murat-Julian Alder (PLR). Monsieur le président, le groupe PLR demande le classement de cette pétition au vu des explications fournies par Mme la conseillère d'Etat Carole-Anne Kast... (Commentaires.) Voilà pourquoi nous voterons non au dépôt, pour donner notre voix au classement.
Le président. Ecoutez, Monsieur, nous devons nous prononcer sur le dépôt, et si celui-ci n'est pas approuvé, la pétition sera classée d'office. (Commentaires.) Allons-y point par point... (Commentaires.)
Une voix. Il faut refuser le dépôt, et ce sera automatiquement un classement.
Le président. S'il vous plaît, pouvez-vous vous taire, vous asseoir et voter ? J'attends que M. le député Béné prenne place... (Un instant s'écoule.) Monsieur Béné, vous ne voulez pas vous installer à votre siège ?
Une voix. Il a mal au dos !
Le président. Bon, j'ouvre le vote sur le dépôt de la pétition. (La procédure de vote est lancée.) Avant de communiquer le résultat, je signale au député Vert qui est au téléphone près de la fenêtre, là-bas au bout de la salle, qu'il est prié de quitter les lieux s'il souhaite passer des appels.
Mises aux voix, les conclusions de la minorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2227 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont rejetées par 55 non contre 31 oui et 1 abstention (vote nominal).
La pétition 2227 est donc classée.
Une voix. Bravo !
Une autre voix. Et c'est la pause !