Séance du vendredi 21 mars 2025 à 14h
3e législature - 2e année - 11e session - 61e séance

M 3050-A
Rapport de la commission de contrôle de gestion chargée d'étudier la proposition de motion de François Erard, Jacques Blondin, Thierry Arn, Patricia Bidaux, Alia Chaker Mangeat, Sébastien Desfayes, Jean-Marc Guinchard, Souheil Sayegh, Yves Magnin, Anne Carron, Masha Alimi, Jacques Jeannerat, Christo Ivanov : Eau impropre à la consommation : clarifions les rôles de chacun pour mieux protéger les Genevois !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 20 et 21 mars 2025.
Rapport de Mme Patricia Bidaux (LC)

Débat

Le président. Nous nous penchons maintenant sur la M 3050-A (catégorie III). Madame Patricia Bidaux, vous avez la parole.

Mme Patricia Bidaux (LC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président, de nous permettre d'avoir ce débat cet après-midi. Mesdames et Messieurs les députés, quelle n'est pas la surprise des habitants de nombreuses communes de la rive gauche lorsque, au matin du 29 septembre à 9h45, pour être très précise, ils reçoivent une communication des SIG annonçant que l'eau du robinet est impropre à la consommation. Quarante-cinq minutes plus tard, à 10h30, cette communication est retirée. Dans ce flou total, l'inquiétude monte parmi la population. Il faudra attendre 12h45, soit deux heures plus tard, pour qu'une nouvelle communication soit enfin transmise. Trop tard, le mal est fait: les habitants sont démunis, les autorités communales, qui sont pourtant en première ligne, n'ont pas d'informations claires et doivent improviser.

Cette motion a permis de comprendre les failles de gestion et de communication à plusieurs niveaux. Du côté des SIG, dès 3h45 du matin, la fuite est signalée et les premières mesures techniques sont prises. A 8h30, l'entrée d'air dans le réseau qui suscite un risque de contamination est identifiée. Un premier rapport est établi et une communication est envoyée aux habitants à 9h45. La police cantonale, avec toute son autorité et une communication «parfois péremptoire» - je cite Mme la conseillère d'Etat Carole-Anne Kast -, remet en cause la communication des SIG. N'ayant pas de rôle décisionnel dans l'alerte sanitaire, les SIG s'inclinent devant l'autorité et retirent leur message, ce qui engendrera ce silence de deux heures.

Quant aux communes, alors qu'elles sont les premières impactées, elles sont aussi les dernières informées: faute de cadre réglementaire adapté aux crises intermédiaires, elles n'ont pas été intégrées aux premières boucles de communication. Le résultat est que les autorités communales ont été mises devant le fait accompli et que la population a été livrée à elle-même pendant des heures. Pourtant, ce sont bien ces communes qui, par leur proximité, auraient pu réagir au plus vite pour rassurer et organiser la distribution d'eau alternative. D'ailleurs, dans certains cantons, ce sont bien elles qui sont aux premières loges quant à la gestion des situations intermédiaires.

La gestion et la communication de cette crise doivent être un cas d'école, car elles mettent en lumière l'absence de protocole clair pour les crises intermédiaires. Les SIG ont été à la hauteur de ce que l'on pouvait attendre d'eux. C'est le manque de réglementation, aujourd'hui reconnu par le Conseil d'Etat, qui est en cause. Cependant, celui-ci prévoit un délai d'au moins un an pour y remédier. Peut-on se permettre un tel délai, alors que la confusion (et c'est un moindre mot vu le cafouillage dans la communication) a régné ? D'autre part, le SCAV n'ayant pas de structure du genre... D'urgence, pardon ! (L'oratrice rit.) ...la potabilité de l'eau n'a pas pu être évaluée avant un laps de temps de quarante-huit heures.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Patricia Bidaux. Le risque de contamination aurait dû être anticipé, au dire même du Conseil d'Etat; dès lors, peut-on attendre un an pour voir un règlement et des dispositions spécifiques se mettre en place ? Nous devons tirer les enseignements de cet épisode et garantir une coordination sans faille entre canton, communes et services concernés, et ce rapidement. L'eau potable est un bien vital, et la population doit pouvoir compter sur des autorités qui agissent avec efficacité, clarté et réactivité.

Le travail en commission et l'adoption de cette motion dans sa version amendée - malgré une opposition de la minorité PLR - permettent enfin de communiquer publiquement sur ce qui s'est passé et sur les réponses que le Conseil d'Etat a transmises à la commission. Je vous remercie donc de soutenir cette motion.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Erard.

Une voix. Non, Mme Bidaux a déjà parlé pour le groupe Le Centre ! (Commentaires.)

M. François Erard (LC). Elle s'est exprimée en tant que rapporteure ! (Commentaires.)

Le président. Allez-y, Monsieur le député. C'est à vous.

M. François Erard. Merci, Monsieur le président. Le Centre a déposé cette motion à la suite de la grosse gabegie - et je pèse mes mots - observée en matière de communication lors de l'événement du 29 septembre 2024. Fort heureusement, cet incident n'a pas eu de conséquences sanitaires majeures pour la population, mais il aurait pu en être autrement.

L'objectif de la motion du Centre est de clarifier toute la chaîne de délégations, depuis les SIG jusqu'à la population, en passant par les autorités cantonales et communales. La commission de contrôle de gestion, saisie de cette motion, a examiné les procédures et identifié les failles - la rapporteuse l'a dit. Une des grosses lacunes constatées par Le Centre a été la communication chaotique auprès de la population. L'Etat doit se doter des outils nécessaires pour assurer une communication officielle et fiable assortie de recommandations à destination de toutes les couches de la population. Il n'est en effet pas normal ni admissible que la population prenne connaissance d'incidents majeurs en lisant des articles ou des communiqués dans le «20 Minutes» ou dans la «Tribune de Genève», via des systèmes électroniques, ou encore sur les réseaux sociaux. Sur ce point, je remercie la commission d'avoir corrigé le tir en se penchant sur la question de la communication.

En conclusion, la motion telle qu'amendée et sortie de commission répond aux attentes du Centre. Les correctifs apportés permettront à la population genevoise d'être bien informée en cas de risque sanitaire. Le Centre vous invite dès lors à la soutenir. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas toujours évident d'anticiper l'ensemble des situations, bien entendu, et tout système de secours doit être soumis à un «stress test». Ce dernier a été effectué ce jour-là; malheureusement, on a vu que ça ne fonctionnait pas bien. Je ne parlerai pas de scandale, mais plutôt d'un potentiel d'amélioration. D'ailleurs, j'aimerais mentionner que cette amélioration est nécessaire: de tels cas vont certainement se reproduire, car dans les sous-sols de Genève, on a actuellement des conduites d'eau anciennes, voire très anciennes, qui datent d'il y a cinquante ans, cent ans, ou plus, je ne sais pas. Aussi, je pense que cette situation est effectivement appelée à se répéter.

La première chose que je retiens - et cela a déjà été dit -, c'est que les SIG ne sont pas en cause. Ils ont réagi extrêmement rapidement, ont évité que les quais soient inondés et ont mis de l'eau à disposition des populations touchées par la coupure. Monsieur le président, si vous rencontrez dans un couloir M. Balaban, j'aimerais bien que vous lui disiez que pour une fois... Il a affirmé hier avec force que rien ne marchait aux SIG, je me suis même fait du souci en pensant qu'il n'avait plus l'électricité chez lui ! (Rires.) Vous lui transmettrez que les SIG ne sont pas en cause dans la situation dont nous débattons.

C'est par la suite que les choses se sont gâtées - cela a aussi été mentionné -, lorsque l'information d'un éventuel risque sanitaire a été transmise. Il a été constaté qu'on se trouvait alors dans une situation intermédiaire, et non pas dans une situation ORCA. Dans le cadre d'une situation ORCA, comme c'est le cas pour des dangers naturels, par exemple une grosse tempête de vent, un système se met en place avec un état-major de conduite. Tout cela est réglé sur le papier et même dans la pratique de façon tout à fait précise. Ici, la situation était intermédiaire. Evidemment, le déroulement des opérations n'était de loin pas optimal, nous le reconnaissons. Par conséquent, ce qui a été dit par le Conseil d'Etat et présenté dans le rapport qui a été examiné par la commission de contrôle de gestion, c'est qu'il est nécessaire de définir une procédure pour ces situations intermédiaires.

La motion du Centre a été amendée dans ce sens et je crois que le Conseil d'Etat sera également d'accord de suivre cette proposition. Je vous recommande donc vivement d'accepter les conclusions de ce texte.

Le président. Merci, Monsieur le député. (Une sonnerie de téléphone retentit dans la salle.) Mesdames et Messieurs, merci de vous assurer que le mode silencieux de votre téléphone est activé.

Une voix. C'est fait !

Le président. Les autres aussi ? Parfait, merci. Madame Zuber-Roy, vous avez la parole.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Merci, Monsieur le président. (Une sonnerie de téléphone retentit à nouveau dans la salle. Exclamations.) Ah, finalement, ce n'était pas fait !

Une voix. Et en plus il ment !

Une autre voix. Menteur !

Mme Céline Zuber-Roy. C'est le petit bouton sur la gauche.

Une autre voix. Désolé !

Mme Céline Zuber-Roy. Nous avons en effet pu étudier les suites de cette journée à la commission de contrôle de gestion. Petite précision pour remettre les choses dans l'ordre: non, la motion du Centre n'était pas nécessaire pour mener cette étude. La commission de contrôle de gestion s'était saisie toute seule et avait fait son travail. Et même le Conseil d'Etat s'était dit: «Tiens, il pourrait être utile de tirer des conséquences de cette journée !» Donc oui, cela a été fait.

Les retours que nous avons eus démontrent effectivement qu'on ne se trouvait pas face à un niveau de gravité suffisant pour lancer le système qui aurait fonctionné. Il s'agissait d'un intermédiaire malheureux; on est tombé dans un trou. C'est ce qui a créé le cafouillage, principalement communicationnel, de cette journée. Ce test grandeur nature a révélé des failles et il est juste de l'étudier, de voir où se situaient les problèmes et d'y remédier.

Là où ça devient quand même un peu plus cocasse, c'est qu'on a d'une part eu une présentation du Conseil d'Etat (qui a mené cette analyse avec les communes de manière sérieuse et qui est venu devant la commission pour exposer les conséquences qu'il en avait tirées) et que d'autre part il y avait ce texte du Centre - qui s'est exprimé deux fois sur cet objet alors que nous sommes aux extraits. On s'est donc dit: «Ah, tiens, ils pourraient le retirer, il ne sert plus à rien.» Mais non, Le Centre n'a pas voulu retirer son objet.

On a par conséquent fait un copier-coller des conclusions du Conseil d'Etat pour les mettre dans la motion. On a ainsi pensé qu'envoyer au Conseil d'Etat ses propres conclusions était une bonne idée et qu'il les accepterait peut-être ! (Exclamations.) Vous comprenez que pour le PLR, c'était une méthode un peu absurde, raison pour laquelle trois de nos membres ont voté non et une a voté oui - je dis «une» pour «une personne», ne croyez pas que je vise un sexe en particulier !

On a donc perdu un certain temps sur ce texte, et le Conseil d'Etat va lui aussi perdre un certain temps pour y répondre. Face à cette évidence, nous allons tous voter ce magnifique texte, et nous remercions le Conseil d'Etat pour les conclusions qu'il y a apportées ! (Applaudissements.)

M. Francisco Taboada (LJS). Monsieur le président, vous transmettrez à ma préopinante que la commission de contrôle de gestion a effectivement bien fait son travail, qu'elle s'est saisie de ce sujet, mais qu'on peut quand même retirer quelque chose de positif du dépôt de cette motion, à savoir l'information apportée à notre population.

Le 29 septembre a été vécu par treize communes de notre canton comme une journée extrêmement chaotique, notamment par les conseillers administratifs et par les différentes personnes qui oeuvrent dans le domaine du social ainsi que dans d'autres secteurs au sein des communes touchées.

Faute avouée à moitié pardonnée, comme dit le dicton. L'avantage de cette motion, c'est que nous pouvons en parler publiquement et que la population peut aussi prendre conscience de ce que la commission de contrôle de gestion a pu traiter depuis ses hautes sphères. De cette manière, la population est informée qu'il y a eu un cafouillage, que cette journée a effectivement été chaotique. On peut regretter qu'un si petit événement, qu'un malheureux grain de sable dans les rouages ait créé une telle situation; c'est bien dommage.

Le groupe LJS soutiendra donc malgré tout cette motion, et je pense que ce sera le cas de la majorité des groupes, comme l'a dit ma préopinante. Je répète que ce texte a au moins la vertu de nous permettre de parler de ce sujet et de rassurer la population, car elle attend aussi un service de qualité de la part du Conseil d'Etat et des institutions publiques. Il est important d'exposer que le travail est fait pour contrôler que les choses suivent leur cours, malgré ce cafouillage.

On peut regretter qu'on doive malheureusement attendre une année pour que quelque chose se passe. Et ce qui m'inquiète à titre personnel, c'est quand j'entends - vous transmettrez, Monsieur le président - M. Eckert dire qu'on peut s'attendre à ce que d'autres situations similaires se produisent. Nous espérons que ce ne sera pas le même chaos et qu'on puisse tirer des leçons de ce qui a été vécu ce 29 septembre 2024 au matin. Merci, Monsieur le président.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme je déteste entendre des arguments être répétés, je ne vais pas redire tout ce qui a été dit, d'autant que dans cet hémicycle nous sommes absolument toutes et tous d'accord avec les conclusions émises par le Conseil d'Etat à la suite d'une consultation avec les principaux acteurs concernés, c'est-à-dire les SIG, les communes et le SIS.

Alors qu'on parle d'efficacité, d'efficience, de rapidité dans les processus et dans les solutions qu'on souhaiterait voir mises en place, je suis finalement un peu étonné que nous passions environ trente minutes à débattre de solutions que nous approuvons toutes et tous. Ce sujet aurait dû être traité en catégorie IV, soit sans aucun débat, vu que tout le monde était d'accord. C'est la raison pour laquelle, Monsieur le président, je ne serai pas plus long. Nous voterons également cette motion.

Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, mon préopinant vient de le dire, il semble que nous soyons arrivés à une conclusion commune, aussi bien de part et d'autre de l'hémicycle qu'entre le Conseil d'Etat et le Grand Conseil. Je vais donc faire ce qu'on fait dans ces cas-là, à savoir remercier l'ensemble des acteurs pour leur participation et leur écoute.

Je remercie en premier lieu la commission de contrôle de gestion, une fois n'est pas coutume, qui a effectivement pris les choses en main, tout en laissant le temps à l'administration de tirer des conclusions, permettant ainsi un travail de qualité. Je remercie également Le Centre, parce que, comme cela a été dit, cette motion permet un rapport et donc une communication sur ce qui s'est fait - même si j'aurais apprécié que dans leurs interventions, les députés du Centre lisent le rapport et rendent à César ce qui est à César.

Bien évidemment, mes remerciements vont aussi à tous les acteurs de la sécurité, qui sont en première ligne et qui ont permis, bien que la communication ait été défaillante, que les actions de terrain, elles, ne le soient pas. Je pense que c'est important de le rappeler, qu'il s'agisse des SIG ou des différents acteurs de terrain qui sont intervenus dans ce cadre.

Pour conclure, je vous remercie pour la confiance exprimée dans vos mots, tout en essayant de vous rassurer: ce n'est pas parce qu'il faudra à peu près une année pour mener un travail de qualité via la révision d'un règlement et la mise en place d'un dispositif à tous les étages que nous ne serons pas capables de travailler sans règlement durant ce laps de temps. Heureusement, Mesdames et Messieurs les députés, l'administration et plus particulièrement les services qui interviennent au niveau opérationnel sont encore capables de travailler sans règlement. Par conséquent, je gage qu'ils sauront le faire, tout en tirant les conséquences de cet épisode, comme vous l'appelez de vos voeux. Merci beaucoup, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. C'est bon à savoir !

Mme Carole-Anne Kast. Vous aviez un doute ?!

Le président. Non, mais... (Le président rit.) Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.

Mise aux voix, la motion 3050 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 81 oui (unanimité des votants).

Motion 3050