Séance du jeudi 20 mars 2025 à 20h35
3e législature - 2e année - 11e session - 60e séance

La séance est ouverte à 20h35, sous la présidence de M. Alberto Velasco, président.

Assistent à la séance: Mmes et M. Nathalie Fontanet, présidente du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers, Anne Hiltpold et Carole-Anne Kast, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Thierry Apothéloz, Pierre Maudet et Delphine Bachmann, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Lara Atassi, Jacques Béné, Vincent Canonica, Thierry Cerutti, Patrick Dimier, Guy Mettan, André Pfeffer, Charles Poncet, Skender Salihi et Francisco Taboada, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Céline Bartolomucci, Stéphane Fontaine, Christine Jeanneret, Gabrielle Le Goff, Patrick Lussi, Daniel Noël et Frédéric Saenger.

Annonces et dépôts

Néant.

E 3134-A
Prestation de serment de Alexia MOREL, élue juge au Tribunal civil
E 3130-A
Prestation de serment de Nadia CLERIGO CORREIA, élue juge assesseure au Tribunal administratif de première instance, pour les causes relevant de l'application de la LDTR, représentant les milieux immobiliers (pris en dehors de l'administration)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrates du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les magistrates entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)

Mesdames, vous êtes appelées à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme juge;

- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;

- de me conformer strictement aux lois;

- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;

- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;

- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»

Ont prêté serment:

Mme Alexia Morel et Mme Nadia Clerigo Correia.

Le président. Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)

IN 194-B
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier l'initiative populaire cantonale 194 « OUI, je protège la police qui me protège ! »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 20 et 21 mars 2025.
Rapport de majorité de Mme Sophie Bobillier (Ve)
Rapport de minorité de M. Marc Falquet (UDC)
PL 13351-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le projet de loi de Charles Poncet, Stéphane Florey, Florian Dugerdil, Lionel Dugerdil, Guy Mettan, Yves Nidegger, Michael Andersen, Daniel Noël, Christo Ivanov modifiant la loi sur la police (LPol) (F 1 05) (Loi complétant l'IN 194)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 20 et 21 mars 2025.
Rapport de majorité de Mme Sophie Bobillier (Ve)
Rapport de minorité de M. Marc Falquet (UDC)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons le point fixe qui réunit l'IN 194-B et le PL 13351-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Madame Bobillier, vous avez la parole.

Mme Sophie Bobillier (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'initiative populaire cantonale 194 et son projet de loi complémentaire proposent d'accorder une immunité relative aux policiers, limitant ainsi la possibilité de poursuites pénales à leur encontre. Selon ces textes, que la majorité de la commission judiciaire vous invite à refuser, la compétence de lever l'immunité reviendrait au Grand Conseil par sa commission législative.

Ces deux objets sont contraires aux principes fondamentaux de l'Etat de droit et du respect du droit à une enquête effective lorsque des infractions ont été commises. En tant que rapportrice de majorité représentant tous les groupes de la commission judiciaire ayant décidé de les rejeter, hormis l'UDC et le MCG, je vous recommande de les refuser ainsi que le principe d'un contreprojet, car ils mettent à mal les fondements démocratiques qui garantissent une justice égale pour tous, y compris pour les forces de l'ordre.

Ils ont été traités à la commission judiciaire lors de plusieurs séances, et nous remercions toutes les personnes qui ont participé aux travaux. La commission a notamment entendu des experts et personnes concernées tels que le professeur et directeur du département de droit pénal Bernhard Sträuli ainsi que les représentants de l'Union du personnel du corps de police (UPCP) et du Syndicat de la police judiciaire (SPJ), eux-mêmes peu enthousiastes par rapport à cet objet. L'audition de Céline Amaudruz, présidente du comité d'initiative, et de Charles Poncet, premier signataire, n'a pas su convaincre.

La proposition de l'UDC crée une procédure d'exception pour le corps de police en soumettant les poursuites pénales à une autorisation du Grand Conseil. Or nul ne devrait être au-dessus des lois. Toute personne soupçonnée d'une infraction doit être jugée selon une procédure indépendante et impartiale, sans intervention politique préalable.

Actuellement, les policiers et policières sont soumis au même cadre légal que l'ensemble des citoyens et citoyennes avec des garanties procédurales suffisantes pour éviter des abus de droit; ils sont toutefois passibles d'infractions propres à leur fonction telles que l'abus d'autorité, par exemple pour usage excessif de la force, l'acceptation d'un avantage ou la corruption.

Il est inconcevable qu'une exception à la poursuite puisse empêcher que justice soit faite si des soupçons suffisants le justifient. Instaurer cette immunité, dont la compétence appartiendrait aux politiques, revient à créer une justice à deux vitesses où certaines infractions pourraient ne jamais être poursuivies si le Grand Conseil ne le souhaitait pas.

L'initiative envoie un mauvais signal: celui d'une police intouchable et au-dessus des lois. Par ailleurs, une telle immunité empêcherait également les agents soupçonnés d'infractions d'être blanchis d'éventuelles accusations si le parlement refusait que leur dossier soit examiné par les autorités pénales: un prévenu ne pourrait alors pas bénéficier d'un acquittement, ce qui laisserait planer un soupçon de culpabilité à son endroit, même avec la présomption d'innocence.

Mesdames et Messieurs, la confiance dans les forces de l'ordre repose sur la transparence et la responsabilité. Si les citoyens et citoyennes constatent une protection excessive du personnel de police face à la justice, cela peut fragiliser la légitimité et le rôle de celui-ci au sein de la société. Ainsi, pour préserver l'Etat de droit de même que l'égalité de tous et toutes devant la justice, la majorité de la commission invite ce plénum à refuser les deux objets. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Merci à la rapporteure de majorité pour son introduction. Tout ce que nous avons entendu est très théorique. Quelle est la réalité, Mesdames et Messieurs ? Pourquoi est-il nécessaire de protéger le personnel de la police genevoise ? Déjà, les gens qui nous écoutent se demandent probablement si la police a vraiment besoin d'être protégée et, si oui, contre qui: n'est-elle pas suffisamment forte pour se défendre toute seule ? N'est-elle pas assez bien organisée pour se protéger elle-même ? Les agents sont tout de même armés. C'est un peu difficile à admettre, mais oui, les forces de l'ordre ont besoin d'être mieux soutenues, et pourquoi ? Pour effectuer correctement leur travail et protéger plus efficacement la population.

Ce qu'il faut savoir, c'est que les agents font face, dans l'exercice de leur fonction, à des procédures judiciaires qu'ils jugent tracassières, chicanières: ils parlent de pinaillage pour des broutilles que certains d'entre eux ressentent comme de la persécution. Par exemple, ils peuvent être poursuivis et condamnés pour des infractions à la loi sur la circulation routière. Pourquoi ? Parce qu'ils auront eu le courage de prendre des risques en accélérant dans le but de porter secours à des personnes qui se faisaient agresser. En effet, quelques secondes suffisent soit pour qu'une victime subisse un préjudice énorme ou décède, soit pour qu'un auteur s'enfuie. Evidemment, pour atteindre les lieux d'un crime ou d'un délit, les fonctionnaires de police ne vont pas se déplacer à pied; évidemment, ils vont dépasser les 30 km/h, 40 km/h, 50 km/h. C'est normal, c'est ce qu'on leur demande ! A notre connaissance, ce sont des adultes capables de discernement: ils doivent être traités comme tels et ne pas se faire infantiliser et punir à tout-va.

Rappelons quand même que la criminalité à Genève est immense. En 2023 - ce sont les dernières statistiques -, 64 000 infractions ont été enregistrées, c'est-à-dire 175 infractions par jour, dont 36 000 plaintes pour des infractions contre le patrimoine, soit plus de 100 plaintes quotidiennes pour des cambriolages, vols de voiture, dommages à la propriété, etc. En 2023, il y a également eu 4000 plaintes pour des violences ou des menaces de violences, donc plus de 10 victimes par jour. Le plus grave, c'est que la même année, pas moins de 200 policiers ont eux-mêmes subi de la violence. Tous les deux jours, à Genève, un agent des forces de l'ordre se fait agresser physiquement ou verbalement.

Mesdames et Messieurs les députés, vous aurez compris que la priorité n'est pas de harceler ou de combattre le corps de police, mais bien de le soutenir et de l'encourager dans sa mission difficile. La répression doit être focalisée sur les criminels et les fauteurs de troubles, pas sur ceux qui font respecter la loi et protègent la population.

Vous parlez de passe-droits, mais les agents ne réclament pas du tout de passe-droits ! Ils sont les premiers à respecter la loi, ils demandent simplement que cesse la répression à leur encontre sachant qu'ils accomplissent consciencieusement leur travail pour défendre les citoyens. Ces persécutions judiciaires vont beaucoup trop loin, voilà pourquoi l'initiative 194 a été déposée.

La situation porte surtout préjudice aux victimes, parce qu'un policier démotivé ne va peut-être pas accélérer autant s'il sait qu'il risque ensuite d'être poursuivi pour infraction à la LCR parce qu'il aura dépassé la limitation de vitesse de 20 km/h et grillé quatre feux. Cela doit cesser. C'est la raison pour laquelle cette initiative et ce projet de loi visent à instaurer un contrôle politique - effectivement - des procédures judiciaires ouvertes à l'encontre des forces de l'ordre afin que celles-ci puissent être remotivées. Pour tous ces motifs, Mesdames et Messieurs, vous êtes invités à voter en faveur de ces deux textes. Merci beaucoup.

Mme Masha Alimi (LJS). Quel est le but de cette initiative et de ce projet de loi ? Les deux textes traitent de la poursuite pénale lorsqu'elle est dirigée contre des fonctionnaires de police et que ces derniers doivent être entendus en qualité de prévenus. En pareil cas, ils bénéficieraient d'une immunité qui ne pourrait être levée que par autorisation préalable du Grand Conseil: elle ferait l'objet d'une décision de la commission législative après que celle-ci aurait entendu notamment la personne concernée et procédé à des auditions.

Ainsi, cette proposition vise à prévoir que l'acte consistant à autoriser la poursuite pénale relève d'une évaluation politique, donc à remplacer l'analyse juridique par une prise de position politique. On aurait affaire à une procédure administrative précédant la procédure pénale et portant uniquement sur l'autorisation ou non de poursuivre, étant précisé que les critères qui présideraient à cette décision de nature administrative seraient les mêmes que ceux de l'autorité judiciaire, mais avec un pouvoir d'examen plus restreint que celui dont disposerait ultérieurement le Ministère public. Il s'agirait d'un passage préalable inutile devant une institution, laquelle se substituerait à l'organe de poursuite pénale.

Créer un tel dispositif en faveur des forces de l'ordre aurait pour conséquence un traitement liminaire basé uniquement sur une analyse émotionnelle et politique de la situation. De plus, le fait que les agents de police bénéficient d'une immunité qui ne pourrait être levée que par une entité politique serait extrêmement décourageant pour un citoyen qui aurait effectivement subi un abus de la part de l'un d'entre eux.

Ce privilège - pour autant que cela en constitue un -, dont l'idée initiale était d'offrir une protection supplémentaire aux policiers, qui seraient exposés plus fréquemment à des dénonciations abusives ou infondées, induirait une inégalité de traitement vis-à-vis des autres fonctionnaires, sans parler de procédures à rallonge. En effet, cette pratique retarderait les travaux de la commission législative, qui ferait alors figure de substitut du Ministère public.

Prévoir un tel mécanisme démontre, de la part de ceux qui ont rédigé l'initiative et le projet de loi, un manque de confiance dans notre système judiciaire. Si un agent fait l'objet d'une demande de levée d'immunité, on part du principe que les faits reprochés sont avérés, ce qui est contraire à la présomption d'innocence. En effet, si les députés décident de lever une immunité, cela laisse supposer que les infractions sont reconnues. La commission législative, chargée des auditions et de la détermination de la culpabilité, ne serait pas objective pour prendre position, les considérations politiques et émotionnelles ne correspondant pas aux exigences des arbitrages de justice.

En conclusion, ce n'est pas au Grand Conseil ou à sa commission législative de se substituer au Pouvoir judiciaire. C'est pourquoi le groupe Libertés et Justice sociale refusera la prise en considération de l'initiative 194, le principe d'un contreprojet de même que le projet de loi 13351. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, je vous prie de bien vouloir mettre vos téléphones portables en mode silencieux quand vous entrez dans la salle du Grand Conseil, c'est une question de respect vis-à-vis des citoyens et citoyennes de ce canton ! La parole va à M. Pasquier.

M. Jean-Pierre Pasquier (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PLR vous invite à rejeter l'initiative 194 «OUI, je protège la police qui me protège !» ainsi que le projet de loi qui l'accompagne. Ces deux objets présentent de nombreux risques pour notre système judiciaire de même que pour la confiance du public envers nos forces de l'ordre.

En effet, ils engendrent une inégalité de traitement flagrante entre les fonctionnaires de police et les autres citoyens. Tous doivent être égaux devant la loi. Un système qui accorde une immunité relative aux policiers pourrait être perçu comme une justice de classe où certains se placent au-dessus des lois, cela pourrait éroder la confiance de la population dans notre système judiciaire et dans le corps de police lui-même.

Les procédures judiciaires, bien qu'elles puissent se révéler stressantes, sont nécessaires pour garantir que les agents respectent les lois qu'ils sont chargés de faire appliquer. Les abus de pouvoir et les violences policières doivent être punis. Or les textes législatifs qui nous sont proposés pourraient dissuader les citoyens de porter plainte par crainte que leurs dénonciations ne soient pas prises en compte.

Confier la tâche de lever l'immunité d'agents à la commission législative de notre parlement est extrêmement hasardeux. La justice doit rester impartiale et fondée sur des faits, non sur des considérations politiques. Attribuer cette compétence au Grand Conseil, c'est risquer de politiser des décisions qui doivent être prises sur des bases juridiques solides.

Par ailleurs, il est essentiel de rappeler que la présomption d'innocence constitue un principe fondamental de notre système judiciaire. Les policiers, comme tous les citoyens, doivent bénéficier de ce droit. L'initiative et le projet de loi compromettraient ce système en instaurant un filtre politique avant même que les faits soient examinés par le Pouvoir judiciaire.

Mesdames et Messieurs, il est opportun de mentionner que la police est là pour faire respecter la loi, non pour se placer au-dessus d'elle. Permettez-moi de vous rappeler l'une des missions générales de nos forces de l'ordre ainsi que définie dans la législation: «En tout temps, le personnel de la police donne l'exemple de l'honneur, de l'impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens.» Protéger et servir, telle est la devise de notre corps de police.

Nous devons défendre nos forces de l'ordre, bien entendu, mais pas au détriment de la justice et de l'égalité devant la loi. Soutenons nos policiers en leur offrant des ressources adéquates et en veillant à ce qu'ils puissent exercer leurs fonctions dans le respect du droit et de la législation. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à rejeter cette initiative et ce projet de loi. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Une voix. Très bien, Jean-Pierre !

Mme Dilara Bayrak (Ve). Comme cela a très bien été mis en avant, ces deux textes reposent sur la prémisse selon laquelle les fonctionnaires de police sont démotivés, ne peuvent plus effectuer leur travail, sont harcelés au niveau juridique par le Pouvoir judiciaire, voire persécutés. Or que nous propose l'UDC ? Rien de plus, rien de moins qu'une justice de classe, une justice à deux vitesses, une justice qualifiée de plus adéquate pour les policiers, pauvres policiers qui ne peuvent plus accomplir leur mission.

On réclame - et on ne s'en cache même pas ! - un contrôle politique sur les procédures judiciaires. Excusez-moi, Mesdames et Messieurs, mais il me semble que nous vivons encore dans un Etat de droit, je ne sais pas si cette notion parle à l'UDC - vous transmettrez, Monsieur le président. Ce genre de mécanisme n'est tout simplement pas acceptable, on ne peut pas prévoir une immixtion politique dans le cadre juridique; si c'est l'objectif que vous poursuiviez, eh bien il faudrait revoir les principes mêmes de l'Etat de droit.

Il s'agit d'un geste symbolique de la part de l'UDC, qui prétend vouloir protéger la police, police qui s'est elle-même déterminée et a refusé cette démarche qui ne lui amène rien de plus. Les syndicats ont certes formulé des souhaits auprès de nos autorités, mais ceux-ci ne sont pas du tout concrétisés par les deux textes. Les représentants de l'UDC se montrent précisément très infantilisants, puisqu'ils disent à nos forces de l'ordre: «Vous, petits policiers, n'arrivez pas à vous défendre tout seuls, nous vous avons entendus, nous vous proposons un système à part.» Mais il n'y a rien de plus paternaliste, puisque les agents - sachez-le, Mesdames et Messieurs de l'UDC qui voulez les défendre à tout prix - s'engagent par vocation, du moins, c'est ce qu'on aime à penser.

En effet, si les gens s'engagent dans le corps de police, c'est par amour du métier, c'est pour réaliser leur travail de manière adéquate, pas pour se cacher derrière les risques de la profession; il se trouve que les procédures judiciaires en font partie. Cette dimension a d'ailleurs été prise en compte dans la rémunération des agents, qui sont dédommagés pour tous les risques inhérents à la fonction: ils partent à la retraite plus tôt, bénéficient de certaines conditions de travail, justement parce que cette activité est risquée, et les poursuites pénales font partie des aléas.

J'imagine d'ailleurs - même si je n'en sais rien - que le Conseil d'Etat, au même titre que le procureur général, fait l'objet d'une multitude de procédures judiciaires précisément parce que ces personnes, de par leur fonction, sont exposées; elles doivent faire face à des accusations qui peuvent parfois s'avérer injustes et injustifiées - je pense même qu'elles sont injustes et injustifiées la plupart du temps. Mais c'est aussi pour cela que le Pouvoir judiciaire s'engage dans des instructions: à la fin de la procédure, les policiers peuvent être blanchis.

Avec ces deux objets, les procédures que vous estimez déjà trop longues le seront encore plus, parce qu'on ouvrira des voies de recours permettant aux personnes de contester la non-levée de l'immunité des agents, on ira jusqu'au Tribunal fédéral avec toute la longueur de la procédure que cela implique et on reviendra ensuite en bas, puisque le droit international prévoit qu'il est nécessaire d'instruire lorsque les cas sont suffisamment graves.

Personne ne veut de ces textes, pas même les policiers. Mesdames et Messieurs les députés de l'UDC - vous transmettrez, Monsieur le président -, vous nous proposez un dispositif qui crée une opposition entre ceux qui seraient prétendument pour la police et ceux qui seraient contre. Non, Messieurs, nous ne sommes pas contre les flics; non, Messieurs, nous ne sommes pas pour une certaine vision de la justice et non, Messieurs de l'UDC, vous ne défendez pas la police ! (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Le groupe MCG acceptera l'initiative 194 et le projet de loi 13351. En effet, la situation actuelle est très insatisfaisante. Les policiers font de plus en plus l'objet d'un acharnement injustifié à leur encontre; ils exercent une profession difficile, et il n'est pas correct qu'ils subissent des procédures excessives, ce qui est le cas aujourd'hui. Les forces de l'ordre représentent un pilier essentiel de notre société, qui ne doit pas être déstabilisé. Les conditions actuelles, malheureusement, sont inacceptables.

En commission, le groupe MCG s'est interrogé quant au nombre de poursuites engagées contre les policiers à Genève: il y en a effectivement moins ailleurs, par exemple à Zurich. L'égalité devant la loi - j'ai entendu certains préopinants évoquer ce principe -, d'accord, mais il ne faudrait pas que des serviteurs de l'Etat se retrouvent dans une situation où il n'y a plus d'égalité, où les contraintes sont si nombreuses qu'il en résulte une inégalité, c'est-à-dire qu'ils soient davantage enfoncés que le commun des mortels. Cela ne doit pas être toléré.

Le groupe MCG regrette que le principe d'un contreprojet n'ait pas été accepté en commission. Nous aurions pu examiner un texte plus complet qui aurait pu être adapté à l'enjeu, nous aurions pu avancer ainsi de manière efficace pour les policiers et la population; cela n'a pas été le cas, et le MCG le déplore amèrement. Merci de votre attention.

M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi une remarque liminaire. Il est piquant de relever que ceux qui s'opposent à cette initiative et à ce projet de loi inversent les rôles, soutenant que la police bénéficiera d'une immunité au détriment des citoyens alors que tout le but de cette proposition est précisément le contraire: il s'agit de défendre la population dans les cas d'interventions où les policiers se retrouvent freinés parce qu'ils savent qu'ils subiront des plaintes - complaisantes - déposées par certains avocats et qu'ils seront poursuivis pendant un certain temps.

Je précise que ces textes consistent à soumettre les enquêtes ou poursuites pénales contre des policiers à une autorisation préalable du Grand Conseil; cela ne signifie pas que l'instruction n'aura pas lieu, c'est simplement un moyen d'encourager les agents à poursuivre leur travail en faveur de la sécurité du public et à agir rapidement en cas de besoin.

Voilà comment nous lutterons contre la démotivation des forces de l'ordre, Mesdames et Messieurs les députés, car l'impact psychologique et professionnel est important. Qu'un fonctionnaire de police se retrouve avec un retrait de permis parce qu'il a grillé un feu rouge en poursuivant un criminel, trouvez-vous cela juste ? Cela s'est produit, il s'agit d'un cas avéré. C'est précisément dans l'objectif d'éviter ces situations que nous avons émis cette idée.

Il convient de garantir des interventions policières rapides et efficaces. La sécurité publique constitue une priorité. L'initiative et le projet de loi visent à lever la peur des conséquences judiciaires, parce qu'il y en a beaucoup. L'argument clé, c'est qu'une police démoralisée menace la sécurité collective. Soyons-en conscients !

Ce qui importe le plus, c'est que le contrôle démocratique soit maintenu. Le rôle du Grand Conseil est de déterminer, pour chaque cas, si une levée de l'immunité par la commission législative serait justifiée ou pas.

Mesdames et Messieurs de la gauche et Madame l'avocate, il s'agit d'un alignement sur des pratiques cantonales et fédérales. Vous semblez affirmer que l'UDC genevoise est la seule section à suggérer un système totalement à gauche, qui n'a rien à voir... Ce n'est pas vrai ! Des cantons comme Zurich, Lucerne et Appenzell Rhodes-Extérieures ont déjà instauré un mécanisme similaire pour protéger leurs forces de l'ordre; à Berne, une initiative fédérale portée par Mme Barbara Steinemann demande également d'étendre l'immunité des policiers à l'échelle nationale.

Nous n'aimons pas à le dire, parce que nous sommes UDC, mais pourquoi pas: oui, il y a un soutien syndical; oui, les syndicats de police estiment que les agents subissent une pression, du moins ceux qui oeuvrent sur le terrain s'estiment lésés et n'osent plus aller trop loin par peur des conséquences. Certes, une sanction est justifiée s'ils commettent une erreur, mais comment ose-t-on - comment osez-vous - juger comme une infraction le fait d'accélérer lorsqu'ils sont en mission ?

Autre chose qu'on oublie: vous enlevez aux employés de police la présomption de bonne foi. Ceux-ci interviennent pour protéger la population et méritent une présomption de légitimité dans le cadre de leurs actions. Ces deux objets ne vont pas plus loin: il s'agit de réduire les procédures chicanières, de filtrer les plaintes non pertinentes pour concentrer les ressources sur les vraies infractions et de prévenir l'inaction policière. Sans protection juridique, les policiers éviteront les situations à risque par crainte de poursuites pénales.

Permettez-moi cette conclusion, Mesdames et Messieurs: l'initiative 194 et le projet de loi 13351 sont nécessaires pour protéger notre corps de police dans un contexte de violence croissante, garantir une sécurité publique efficace en libérant les forces de l'ordre de contraintes juridiques paralysantes et rétablir un équilibre entre les responsabilités policières et les droits des agents.

Mesdames et Messieurs les députés, face à la recrudescence de la délinquance et à la violence incontrôlée de criminels sans foi ni loi qui bafouent la vie humaine et menacent l'intégrité physique des victimes avec une brutalité insensée, il devient urgent de renforcer les moyens d'action au sein des rangs de la police.

Conformément à l'esprit de ces deux textes, il est impératif de permettre aux policiers d'intervenir avec rapidité et détermination lors d'opérations de protection des civils afin de neutraliser les délinquants et d'assurer la sécurité publique. Pour préserver l'intérêt général et garantir la tranquillité de tous, nous appelons à un vote favorable en faveur de l'initiative 194 et du PL 13351. Merci, Monsieur le président.

Mme Alia Chaker Mangeat (LC). Mesdames et Messieurs, cette initiative, tout comme le projet de loi qui l'accompagne, a pour ambition - vous l'aurez compris en lisant son titre - de soutenir la police. Les initiants dénoncent un acharnement du Ministère public à l'encontre des policiers, une multiplication des instructions, une poursuite systématique des infractions, même mineures, ainsi que des procédures chicanières et abusives. Bref, vous comprenez comme moi que l'UDC juge la politique criminelle menée par notre procureur général Olivier Jornot beaucoup trop sévère !

D'après les personnes auditionnées, «cette situation pousse les fonctionnaires de police à en faire le moins possible» par crainte de plaintes pénales et de procédures judiciaires durant plusieurs années. Vous constaterez, Mesdames et Messieurs les députés, que pour un texte qui prétend défendre les forces de l'ordre, l'argument est particulièrement déshonorant à l'endroit des agents, lesquels s'engagent par vocation.

Sur le fond, pour mettre fin à ces procédures qualifiées de chicanières, les auteurs proposent de soumettre les policiers à un régime d'immunité et toute poursuite pénale à leur encontre à une évaluation politique préalable pour décider s'il convient de lever ladite immunité. Le cas échéant, ce serait la commission législative qui déciderait si l'immunité d'un employé de police doit être levée ou pas.

D'après les représentants du comité d'initiative que nous avons entendus, «la décision que devrait prendre la commission législative serait purement politique et n'aurait pas pour objet d'établir les faits». Je relève deux problèmes majeurs au sujet de cette affirmation, d'abord un souci d'ordre pratique. A l'aube d'une procédure pénale, deux versions des faits coexistent généralement: celle du mis en cause et celle du plaignant. Dans ce cas, quelle déclaration devrait donc retenir la commission législative, si ce n'est pas à elle d'établir les faits ?

Le deuxième écueil est de nature juridique: malgré le propos des initiants, la décision quasi judiciaire qu'il reviendrait à la commission législative de rendre devrait, en réalité, être motivée à la fois en fait et en droit, de surcroît avec une indication des voies de recours - voies de recours qui n'existent pas pour l'instant et devraient être mises en place. Ce n'est pas moi qui le dis, mais le professeur Sträuli, que nous avons reçu.

Vous imaginez le travail colossal qui serait confié à la commission législative, puisqu'on nous signale que les plaintes sont fort nombreuses ? Cette commission législative, je le rappelle, est issue de notre parlement de milice, et l'initiative vise à lui attribuer une responsabilité énorme, pour laquelle elle n'est absolument pas outillée.

Enfin, les syndicats de police auditionnés ont exprimé leurs craintes quant à un tel mécanisme qu'ils jugent compliqué; ils redoutent également que cette immunité soit difficilement acceptable pour la population. Le Centre vous invite dès lors à refuser l'initiative 194 ainsi que le projet de loi 13351, qui proposent une justice à deux vitesses intolérable, des procédures très lourdes, voire impraticables, et extrêmement coûteuses.

M. Diego Esteban (S). Mesdames et Messieurs, je ne vous cacherai pas que les débats en commission sur le rôle de la police au sein de notre organisation judiciaire et démocratique ont été intéressants, mais je dois tout de même répondre à une affirmation, celle selon laquelle l'UDC souhaiterait soutenir la police avec cette initiative: on peut soutenir la police de différentes manières, mais il me semble que celle qui aurait été à la portée de l'UDC pendant plus d'une décennie, c'était de voter les budgets alloués aux forces de l'ordre lors de chaque exercice. Or l'UDC est le parti qui se distingue en les refusant systématiquement. Donc pour le soutien, on repassera.

Continuons à parler de soutien. En commission, nous avons procédé à un certain nombre d'auditions de spécialistes - d'une manière ou d'une autre - de la matière, notamment des syndicats de la police que sont l'UPCP et le SPJ, lesquels n'ont pas exprimé de soutien à l'initiative, du moins pas telle qu'elle est formulée et qu'elle a été conservée après amputation de plusieurs dispositions par les tribunaux.

Le coeur de la proposition, c'est la notion d'immunité. Je me réfère à nouveau à l'audition des syndicats de la police: un tel dispositif est-il nécessaire ? Eh bien pas vraiment. Nous avons entendu le rapporteur de minorité affirmer que de nombreux agents estiment être persécutés; les syndicats de police ont tout au plus émis une interrogation quant au nombre d'infractions pour excès de vitesse commises dans le cadre des missions.

Si je devais rappeler une statistique pour l'année 2022, j'indiquerais que 10 000 interventions ont été menées, que 2000 personnes les ont effectuées, que 75 procédures pénales en ont résulté et, au bout du compte, qu'une seule nomination a été refusée. Cela reste peut-être trop aux yeux de certains, mais j'ai malgré tout le sentiment que ces proportions ne témoignent pas d'une situation qui mérite la mise en place d'un mécanisme hautement problématique.

En effet, il faut mentionner qu'à Genève, nous sommes dans une très large mesure - et heureusement, heureusement ! - préservés de l'immunité, en particulier par rapport à ce qui se passe dans d'autres pays. Un tel système ne ferait que protéger les excès. Face à l'usage excessif de la force, vous voulez confier au Grand Conseil la compétence d'ouvrir une procédure ?!

Un certain nombre d'exemples peuvent nous venir à l'esprit, mais ce qui ressort de mon observation, en tout cas de ce qui se passe dans d'autres régions du monde, c'est que lorsqu'on attribue à des parlements une responsabilité s'agissant de procédures judiciaires, le débat a tendance à porter davantage sur l'identité des victimes que sur les actes des personnes poursuivies, ce qui mène bien évidemment à des discussions extrêmement chaotiques. C'est l'une des raisons pour lesquelles il existe une séparation des pouvoirs, précisément afin d'éviter que l'on apprécie sur un plan politique des éléments qui n'ont pas à l'être.

Au final, peu importe comment on le formule, que ce soit à travers l'initiative 194, le projet de loi 13351 ou un contreprojet, le mécanisme visé nuirait à l'accès à la justice. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste estime qu'il faut refuser l'initiative 194 de même que le principe d'un contreprojet. Des milliers de signatures ont certes été récoltées pour soutenir le principe d'une immunité, mais à partir du moment où il y a une objection de fond sur ce dispositif, il n'y a pas lieu de discuter d'un éventuel contreprojet, nous nous écarterions des termes dans lesquels ce débat a été posé.

Enfin, il faut rejeter le projet de loi 13351 qui, c'est assez amusant, au vu des déboires judiciaires de la version initiale de l'initiative, a été déposé par l'UDC elle-même afin de corriger un texte qui, du propre aveu de ce parti, était dysfonctionnel depuis le début. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons donc à voter trois fois non ! (Applaudissements.)

Mme Sophie Bobillier (Ve), rapporteuse de majorité. Très rapidement, je rappelle que la Suisse est régulièrement appelée par les organismes internationaux à renforcer la responsabilité des forces de l'ordre. La proposition de l'UDC va dans le sens inverse de cette recommandation. Si la police doit être protégée, ce n'est pas au détriment de la séparation des pouvoirs ni de la justice. Réserver un traitement spécial aux représentants d'une profession qui détient le monopole de la force constitue une dérive préoccupante.

Les autres métiers confrontés à des poursuites ne bénéficient pas de régime spécial. En effet, les médecins, les ambulanciers et ambulancières, les enseignants, les fonctionnaires peuvent être poursuivis. Pourquoi la police jouirait-elle d'un traitement privilégié ? Précisons enfin que l'allégation des auteurs et autrices de ces objets selon laquelle il existerait une augmentation des procédures dirigées contre les policiers et policières n'a pas été corroborée par des chiffres concrets. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. Je repasse la parole à M. Falquet.

M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Pour combien de temps, Monsieur le président ?

Le président. Dix secondes: un, deux, trois, quatre, cinq... (Rires.)

M. Marc Falquet. J'y vais ? (Remarque.) Oui, d'accord. Concrètement, Mesdames et Messieurs, les policiers poursuivis injustement pour des broutilles se voient péjorés dans leur activité professionnelle, leur carrière, leurs finances, leur vie de famille, leur vie sociale ! Une politique judiciaire punitive engendre des policiers démotivés, apathiques, déprimés, voire suicidaires. Je vous demande de voter cette initiative et le projet de loi qui lui est associé. Merci beaucoup.

Mme Carole-Anne Kast, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord souligner le travail de qualité mené au sein de la commission judiciaire et de la police de manière générale et sur ce sujet en particulier. Somme toute, je crois que tant la majorité de la commission, les syndicats de police que le Conseil d'Etat peuvent partager un objectif assez proche de celui des initiants: s'assurer que la police dispose de bonnes conditions pour exercer ses missions régaliennes qui sont essentielles; c'est sur le plan des moyens pour y parvenir que nous divergeons radicalement.

En effet, les auteurs pensent que les policières et policiers seraient mieux protégés avec une immunité, une procédure d'exception, une impunité politique soumise à des considérations qui n'ont rien à voir avec la loi, loi qui constitue pourtant le fondement même de la légitimité de l'action des forces de l'ordre. C'est sur ce point que se situe l'erreur fondamentale de ces objets, que les initiants s'égarent.

Le meilleur moyen de «protéger la police qui nous protège» est de renforcer la confiance que la population lui porte; cette confiance représente son meilleur rempart, son bouclier face aux menaces qui pèsent sur elle, sur nous, sur l'ensemble des citoyennes et citoyens. Et cette confiance, Mesdames et Messieurs, doit être consolidée par la transparence, par la communication, par la déontologie des policières et policiers, et certainement pas par la mise en place d'une procédure d'exception, de privilège qui, au contraire, minera totalement cette relation de confiance essentielle à leur travail.

N'en déplaise à celles et ceux qui défendent ces textes bureaucratiques minant la séparation des pouvoirs et, par là même, l'Etat de droit, je tiens à rappeler et à saluer l'intégrité ainsi que l'honnêteté intellectuelle, en total respect de leur déontologie, des syndicats de policières et policiers, qui ont su voir et privilégier le droit et la justice plutôt que la défense corporative en identifiant clairement les effets pervers des objets proposés.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous invite à rejeter l'initiative, le principe d'un contreprojet de même que le projet de loi qui traite du même sujet. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ouvre la procédure de vote: nous allons d'abord nous prononcer sur la prise en considération de l'initiative 194, puis sur le principe d'un contreprojet; enfin, je mettrai aux voix le projet de loi 13351.

Mise aux voix, l'initiative 194 est refusée par 70 non contre 24 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 72 non contre 24 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, le projet de loi 13351 est rejeté en premier débat par 71 non contre 24 oui.

M 3097
Proposition de motion de Diane Barbier-Mueller, Murat-Julian Alder, Philippe Meyer, Yvan Zweifel, Fabienne Monbaron, Adrien Genecand, Jean-Pierre Pasquier, Pierre Nicollier, Gabriela Sonderegger, Jacques Béné, Stéphane Florey, Thierry Cerutti, Christo Ivanov, Natacha Buffet-Desfayes, Michael Andersen, Geoffray Sirolli, Charles Poncet, Daniel Noël, Céline Zuber-Roy, Stefan Balaban, François Wolfisberg, Raphaël Dunand, Pascal Uehlinger, Alia Chaker Mangeat, François Erard, Jacques Blondin, Jean-Marc Guinchard, Sébastien Desfayes, Patricia Bidaux, Laurent Seydoux, Marc Saudan : Non à un doublement des charges de chauffage : pour une tarification en matière de raccordement et de fourniture de l'énergie thermique par les réseaux thermiques structurants intelligible, proportionnée et supportable !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 20 et 21 mars 2025.
PL 13605
Projet de loi de Stefan Balaban, Laurent Seydoux, Marc Saudan, Raphaël Dunand, Jacques Jeannerat, Masha Alimi, Francisco Taboada modifiant la loi sur l'organisation des Services industriels de Genève (LSIG) (L 2 35)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 20 et 21 mars 2025.

Premier débat

Le président. Nous passons aux urgences. La première d'entre elles concerne la M 3097 et le PL 13605, classés en catégorie II, trente minutes. La parole est d'abord à Mme Barbier-Mueller, auteure de la proposition de motion.

Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons démarrer à présent un sujet très très technique et au nom malheureusement peu sexy: la tarification des réseaux thermiques structurants.

Commençons par expliquer ce que sont des réseaux thermiques structurants. Il s'agit d'un système de réseaux qui permettent de chauffer les habitations (immeubles ou villas) grâce à la valorisation de ressources renouvelables (on parle par exemple des déchets des Cheneviers, de la géothermie ou de GeniLac). Au stade actuel, ce système est alimenté encore à 50% par du chauffage au gaz, malheureusement, et le reste est du renouvelable.

Les SIG fixent leurs tarifs selon une méthode de calcul très très complexe - nous y reviendrons; pour l'anecdote, elle est à quatre variables. Ces tarifs sont ensuite soumis à une commission consultative, puis validés par le Conseil d'Etat. Or, en juin 2024, l'organe fédéral de surveillance des prix s'est lui aussi plongé dans le complexe monde des réseaux thermiques structurants et est arrivé à la conclusion que leurs tarifs étaient trop complexes et disproportionnés. Il en a fait part au Conseil d'Etat et lui a proposé six recommandations; celui-ci a un petit peu botté en touche dans sa réponse de décembre 2024 et c'est pour ça que nous sommes là ce soir.

J'aimerais rappeler ces six recommandations, puisque c'est la raison d'être de la motion: elle ne demande rien de plus que de suivre ces recommandations. Le premier point, c'est simplifier la formule tarifaire - ça, je pense que c'est réellement le noeud du problème -, au moins en supprimant l'abonnement de surface lié à la surface de référence énergétique des bâtiments (SRE), parce que ce système-là, et c'est vraiment important, décourage la mutualisation des systèmes de chauffage. Le deuxième point, c'est réévaluer la hauteur des droits de raccordement pour inciter les propriétaires à se raccorder. Le troisième point, c'est instaurer une catégorie pour les plus petites installations puisque le propriétaire d'une villa n'a peut-être pas les moyens de payer 100 000 francs pour se raccorder. Le quatrième point, c'est supprimer les primes supplémentaires liées au calcul du WACC, terme vraiment pas très sexy et sur lequel je ne vais pas insister parce que je sais qu'il est prévu d'en parler. Le cinquième point, c'est utiliser la marge de manoeuvre pour être au plus près de ce que font les autres cantons. Enfin, le sixième point, c'est évaluer la situation annuellement; le PLR a déposé un projet de loi qui le demande de façon plus concrète.

Je m'arrête là pour l'instant, Monsieur le président. La motion demande de respecter ces exigences. La principale chose, c'est que les locataires et la population genevoise n'ont pas à payer à la place des SIG pour un réseau qui n'est pas abouti. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Balaban, auteur du projet de loi 13605.

M. Stefan Balaban (LJS). Merci, Monsieur le président. L'heure est grave ! L'heure est grave puisque nous en arrivons, nous, parlementaires, représentants du peuple, à interférer dans des responsabilités confiées à l'exécutif et aux SIG. Ce n'est pas notre rôle, cette situation nous gêne, mais nous n'avons malheureusement pas d'autre choix. Si vous me demandez de résumer les douze derniers mois des SIG, je me contenterai de trois anecdotes.

Tout d'abord, chapitre 1: surfacturation de 22 millions. Nous apprenons avec effroi - la Cour des comptes le dévoile - que les SIG ont surfacturé 22 millions au peuple genevois. Nous apprenons dans la foulée que les SIG ont refusé de collaborer, qu'ils ont tenté de dissimuler des informations et que sans la pression du régulateur national, ces informations ne seraient pas sorties. Il y a donc une perte de crédibilité des SIG.

Comme si ça ne suffisait pas, nous apprenons par le Tribunal fédéral que les SIG sont accusés de ne pas coopérer, de ne pas partager des documents concernant l'acquisition d'une société. Est-ce que ça devient une habitude, aux SIG, de dissimuler des informations ? On se pose la question.

Et puis, comme si ça ne suffisait toujours pas, on découvre une nouvelle surtarification, cette fois des réseaux thermiques structurants, que ma préopinante, Mme Diane Barbier-Mueller, a clairement expliquée. En 2022, le peuple genevois a donné aux SIG le monopole pour l'exploitation des réseaux thermiques structurants; ce n'est pas pour payer le prix fort, mais pour assurer une transition énergétique avec le peuple et non contre celui-ci. Nous avons donné le monopole aux SIG car nous faisons confiance à l'Etat, mais celui-ci l'a rompue !

Et puis, on découvre que l'obligation de se... tout d'abord, qu'il y a une obligation de se raccorder: 7000 bâtiments ont l'obligation de se raccorder et le ticket d'entrée est à 100 000 francs. Ça commence à faire cher ! Monsieur Prix a la gentillesse de recommander des solutions pour réduire ces coûts; on les balaie, on s'en fiche ! Les SIG créent un «casus belli» pour le peuple genevois ! Force est de constater que les SIG se fichent du pouvoir d'achat des Genevois.

Au vu de ce que je viens de présenter et de la responsabilité que le peuple genevois nous a confiée, Mesdames et Messieurs les députés, nous devons prendre nos responsabilités. Nous ne pouvons pas être spectateurs ou complices des SIG. L'heure est à l'action ! (Applaudissements. Commentaires. Rires.)

M. Stéphane Florey (UDC). En préambule, j'aimerais saluer le travail de M. Stefan Meierhans, communément connu sous le nom de Monsieur Prix...

M. Murat-Julian Alder. Et pour sa coiffure ! (Rires.)

M. Stéphane Florey. Et pour sa coiffure - si vous le dites, Monsieur Murat, je veux bien vous croire ! (L'orateur rit. Rires. Commentaires.)

M. Murat-Julian Alder. Merci, Monsieur Stéphane !

M. Stéphane Florey. Blague à part, ce Monsieur Prix fait un travail exceptionnel. Ce n'est pas la première fois qu'il alpague le canton de Genève pour sa cherté, notamment en matière fiscale, en matière d'émoluments; aujourd'hui, c'est en matière d'énergie, plus particulièrement pour les prix de l'électricité et des réseaux de chauffage. Et le Conseil d'Etat, encore une fois, balaie d'un simple revers de main ses recommandations alors qu'il ferait bien de s'en inspirer ! S'il le faisait, nous n'aurions pas ce genre de débat et nous ne serions pas en train d'en parler. C'est ce qui fâche le parlement: cette hauteur du conseiller d'Etat en question, qui balaie d'un revers de main ces recommandations pour asseoir ainsi son pouvoir sur les prix, notamment de l'énergie, ce qui est fort regrettable.

Je ne reviendrai pas sur la motion: l'auteure a parfaitement expliqué la situation. Nous la soutenons, nous en sommes aussi signataires, donc aucun problème à ce niveau. En ce qui concerne le projet de loi, si nous adhérons sur le principe et sommes plutôt d'accord, ce texte doit absolument être travaillé en commission pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le simple fait de donner un pouvoir supplémentaire au Grand Conseil et d'enlever une prérogative au Conseil d'Etat fait déjà qu'on se doit de l'entendre. Mais il y a également cette grande question: comment est-ce qu'il faut statuer sur les tarifs ? Est-ce que c'est au travers d'un projet de loi ? Est-ce que c'est au travers d'une résolution ? Ce sont des questions auxquelles on se doit de répondre en commission afin de trouver la meilleure solution possible s'agissant du rôle du Grand Conseil - si cela s'avère vraiment nécessaire, parce que ça aussi, c'est une question à laquelle il faudra répondre: est-ce que c'est la meilleure des solutions ? Encore une fois, il faudra travailler ce projet de loi en commission et c'est pour ça que nous demandons son renvoi: il faut trouver les meilleures solutions en ce qui concerne ce sujet. Je vous remercie.

M. François Erard (LC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, il faut tout d'abord rappeler que dans le contexte de transition énergétique vers du bas carbone, la solution des réseaux thermiques structurants (RTS) adoptée par le peuple et mise en oeuvre par les SIG doit être saluée. En effet, 40% des émissions de CO2 du canton sont dues au chauffage; si on arrive à baisser cette proportion par des moyens techniques, c'est tout ça de gagné ! De plus, les récents désordres internationaux, avec leurs conséquences sur l'approvisionnement énergétique de notre pays, ont clairement démontré la nécessité de se sevrer, tout au moins partiellement, des énergies importées pour gagner en souveraineté. Je pense que tout le monde, dans ce cénacle, s'accordera donc pour soutenir le principe des RTS. Ça, c'est pour le fond; maintenant, il y a la forme.

Les tarifs pour l'utilisation des RTS, adoptés par le Conseil d'Etat et publiés dans la Feuille d'avis officielle du 20 décembre dernier, sont en effet largement, très largement supérieurs à ceux usuellement observés en Suisse. Ils pourraient ainsi conduire à un doublement des charges de chauffage pour la population genevoise. Quant aux tarifs de raccordement, on l'a déjà évoqué, ils sont exorbitants puisqu'ils s'échelonnent de 99 000 à 145 000 francs pour la chaleur. Ils sont en plus assortis d'une obligation de raccordement; en clair, si un tuyau passe devant chez vous, vous n'aurez d'autre choix que de vous raccorder et de payer votre écot, ce qui est vraiment inadmissible. Bon, il y a certes quelques dérogations prévues, mais c'est relativement flou pour l'instant.

Les tarifs adoptés par le Conseil d'Etat, comme l'exige la loi fédérale sur la surveillance des prix en cas de monopole, ont été soumis à Monsieur Prix, lequel a formulé un certain nombre de remarques et recommandations - six, exactement; je ne vais pas revenir là-dessus, ma collègue Barbier-Mueller les a déjà détaillées. Le Conseil d'Etat a répondu à Monsieur Prix le 11 décembre. S'il est d'accord d'entrer en matière sur certaines recommandations, il en va tout autrement sur d'autres, notamment sur certaines primes supplémentaires ajoutées au tarif qui sera facturé aux usagers. Et c'est là, bien sûr, le nerf de la guerre: le prix. Sur ce point, ne pas tenir compte des recommandations de Monsieur Prix, arguant qu'il peinerait à comprendre le contexte et les particularités genevois pour justifier des tarifs s'éloignant de beaucoup de la moyenne suisse, n'est pas acceptable. On ne peut donc pas se satisfaire sans autre des décisions du Conseil d'Etat relatives aux tarifs RTS et faire fi des recommandations de Monsieur Prix. Je vous remercie.

M. Christian Steiner (MCG). Effectivement, Mesdames et Messieurs les députés, personne ne remet en question les réseaux thermiques structurants, qui sont une solution géniale pour Genève, une alternative qui permet une vraie transition énergétique. Par contre, si on a un prix totalement dissuasif, c'est-à-dire une augmentation nette des charges, eh bien on en revient à l'adage: on ne peut pas penser à la fin du monde si on pense à la fin du mois !

Il faudra donc que cet objet soit travaillé en détail pour connaître la structure de prix: comment elle est faite et comment on peut expliquer une augmentation de 25% par rapport à la moyenne suisse, ce qui est inadmissible. S'agissant des chiffres en matière d'installations, il y a les grands immeubles, mais il y a aussi de petites structures; quand - non inclus le prix de la tranchée - une sous-station et moins de dix mètres coûtent 53 000 francs à un propriétaire de villa, il ne faut pas s'étonner s'il continue à utiliser son chauffage aux hydrocarbures ! Il va falloir travailler en détail ces deux points et il faut donc renvoyer cet objet en commission. Merci.

Le président. Lequel, Monsieur le député ? Il y en a deux.

M. Christian Steiner. Les deux.

Le président. Les deux ?

M. Christian Steiner. Les deux !

Le président. Les deux, d'accord. Mesdames et Messieurs, nous allons donc voter... (Protestations.) S'il vous plaît ! Est-ce que vous pouvez vous taire ? (Rires.) Vous taire, tout simplement vous taire ! Nous voterons sur votre demande, Monsieur le député, à la fin du débat.

Une voix. Bravo !

Le président. La parole est à M. Genecand.

M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Monsieur le président. Je serai bref. Le projet de loi LJS doit être étudié en commission puisqu'il soulève des questions importantes, comme déterminer si on veut que notre parlement fixe directement les prix. La motion de Diane Barbier-Mueller, Mesdames et Messieurs, ceux qui ne la votent pas ce soir sur le siège se rendent littéralement complices du non-respect des recommandations du surveillant des prix et tolèrent donc 500 francs de plus par année pour les charges de chauffage et d'énergie d'un quatre-pièces ! Dans trois jours, les Genevois doivent le savoir: ceux qui ne votent pas sur le siège les recommandations du surveillant des prix se rendent coupables de complicité avec le Conseil d'Etat, qui veut charger les locataires ! (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Une autre voix. Bien joué !

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour le parti socialiste, quelle que soit la prestation publique, trois critères sont fondamentaux. Le premier critère, c'est que la prestation publique doit être fournie à toutes et tous, à toutes les citoyennes et les citoyens de Genève, et être de la qualité la meilleure possible. Le deuxième critère, c'est bien sûr le coût ! Le coût doit être le plus bas possible, en l'occurrence pour les locataires si on parle de la thématique qui nous occupe aujourd'hui. Il est bien entendu question de pouvoir d'achat, de pouvoir d'achat des locataires, et ce coût doit être le plus bas possible. Déjà là, quand je vois que nous sommes en train de débattre d'une motion PLR, je me demande pourquoi le PLR ne dépose pas très rapidement des motions sur les loyers ou sur les primes d'assurance-maladie et ne veut pas agir pour baisser ces loyers et ces primes d'assurance-maladie... (Applaudissements.) Ça, on se le demande ! Et puis troisième et dernier critère, c'est que tout tarif d'une prestation publique doit être fixé de manière transparente; c'est fondamental pour une prestation publique et c'est ce qu'on n'a pas quand la prestation est fournie par des entreprises privées.

Dans l'affaire qui nous concerne aujourd'hui, il y a deux versions différentes; l'une, on l'a mentionnée, est celle du surveillant des prix. Le surveillant des prix, c'est un peu le nouveau Superman de certains députés de ce Grand Conseil: il a raison sur tout, M. Florey vante son travail extraordinaire, etc. ! (Remarque.) C'est marrant parce que le surveillant des prix n'arrive à rien sur le duopole Coop-Migros, il n'arrive à rien sur la pharma qui gonfle l'ensemble des prix des médicaments en Suisse - mais alors là, il n'y a plus de surveillant des prix ! Et que dire de l'UBS: il n'arrive à rien alors que, au vu de sa taille, elle est dans une situation quasi monopolistique en Suisse, en tout cas sur certains secteurs; là, le surveillant des prix ne fait rien !

Vous avez donc Superman d'un côté, et vous avez de l'autre les SIG et le département du territoire, avec M. Hodgers, soit les nouveaux Picsou de la république qui essaient de tondre un maximum les Genevoises et les Genevois.

Je crois qu'il faut rester sérieux ! Le parti socialiste veut travailler ces objets en commission pour ne pas entendre des choses aussi simplistes que celles qu'on entend ce soir. Ne serait-ce que le fait, vu qu'il me reste peu de temps, de vous dire de voter sur le siège la motion de Mme Barbier-Mueller - vous transmettrez, Monsieur le président -, avec sa recommandation n° 4 de retenir un WACC de 2,65% dans le calcul des tarifs ! Comme elle a encore un peu de temps, j'espère qu'elle me répondra: pourquoi 2,65% et pas 2,8% ou 2,3% s'agissant des investissements consentis, etc. ? Si on doit voter sur le siège, j'ai besoin, moi, d'avoir ces informations. Le parti socialiste préférerait travailler avec sérieux, en commission, avec ces trois critères comme objectifs: la transparence, les coûts les plus bas pour les locataires et une prestation de qualité. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les réseaux thermiques structurants sont un peu le Léman Express du chauffage: c'est une infrastructure publique essentielle pour libérer Genève des énergies fossiles polluantes. Pour le groupe des Vertes et des Verts, il est crucial que les conditions-cadres soient solides pour permettre un déploiement rapide. Il ne faut pas jouer aux apprentis sorciers sur un sujet qui est extrêmement technique ! C'est d'ailleurs pour cette raison que les tarifs ont été validés par une commission d'experts où siègent les milieux des propriétaires, économiques, et des locataires, les consommateurs et les communes. Comme la plupart des groupes ici, nous voterons donc le renvoi en commission des deux textes.

Ces objets rejoindront d'ailleurs la motion que nous venons de déposer pour demander au Conseil d'Etat de réduire, s'agissant de ces réseaux, la part des charges pesant sur les locataires. Car le véritable débat politique est là: est-ce qu'on n'est pas en train de faire payer aux locataires des frais qui devraient en réalité être assumés par les propriétaires ? Le travail en commission permettra d'étudier avec attention les recommandations de Monsieur Prix, qui sont intéressantes; pas sûr qu'elles puissent être appliquées telles quelles, on vient de l'évoquer, comme le demande la motion PLR. Par exemple, est-ce qu'on ne risque pas, en abaissant le fameux WACC, de mettre en péril le financement des réseaux et du chauffage renouvelable ? Si les SIG reviennent dans dix ans avec une ardoise à éponger parce que le parlement a décidé de bricoler dans leur modèle économique, est-ce que le PLR, par cohérence, votera à ce moment-là un financement public pour les réseaux thermiques ?

Nous veillerons aussi, en commission, à ce que les tarifs soient abordables pour les locataires. Notre Grand Conseil et la population genevoise, en votation, ont choisi de renoncer aux chaudières fossiles et d'alimenter les immeubles avec des énergies au moins à 80% renouvelables d'ici 2030; des agglomérations comme Bâle ou Zurich font de même. L'énergie propre a certes un coût, mais elle nous met à l'abri des risques d'approvisionnement et de flambée des prix comme celle que nous avons par exemple vécue au début de la guerre en Ukraine. Le doublement de la facture évoqué par la motion PLR est une «fake news»: il n'y a pas d'augmentation significative prévue !

Quoi qu'il en soit, le sujet mérite d'être étudié et des informations plus précises sont manifestement nécessaires pour aborder ce sujet très technique des tarifs thermiques. Les réseaux thermiques sont essentiels pour l'avenir énergétique du canton et nous devons nous en occuper sérieusement, sans bricolage. Le travail sera fait à la commission de l'énergie et je vous demande donc de voter ce renvoi. (Applaudissements.)

Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Monsieur le président, je vais commencer par vous demander de relayer à M. Wenger un petit renvoi à la page 6 du courrier du surveillant des prix annexé à ma proposition de motion, où justement tout est détaillé sur ce qu'est le WACC et ce que ça représente. Et si M. Wenger avait eu l'intelligence arti... intellectuelle, je dirais... (Rires.) ...la volonté non paresseuse, disons, de simplement lire ma motion dans son intégralité, il aurait peut-être été renseigné sur ce qu'est le WACC, il aurait appris comment il est calculé et tous les détails. C'est assez technique et je l'invite à aller voir ce document plutôt que de faire perdre de l'argent public dans une commission où l'on va répéter mot pour mot ce qui est déjà écrit dans le courrier.

Ensuite, en matière de «fake news», j'invite M. David Martin à expliquer aux locataires que je gère dans ma régie et dont la tarification a explosé de 50% que ce n'est pas vrai et puis que c'est dans leur tête: qu'à l'époque où on chauffait au mazout, ils ne payaient pas du tout 50% de moins de charges, mais que tout ça a été inventé par le méchant PLR dont la seule volonté est de se faire de l'argent sur le dos des méchants ! En l'occurrence, ce que j'apprends... (Commentaires.) Des gentils, pardon. Des gentils et des bonnes âmes ! (Rires.) Tout ce que je réalise, c'est qu'en fait la gauche estime que les locataires peuvent payer plus quand les hausses de charges sont le fait de l'Etat ! Parce que là, ce sont de bonnes hausses de charges; les autres ne sont pas nécessaires, mais si c'est l'Etat qui en est à l'origine, eh bien là, il n'y a pas de défense des locataires qui tienne, l'ASLOCA n'est plus là, c'est M. Wenger qui parle et tout va bien ! Je ne le prends pas à partie. (Rires.)

La motion demande simplement de respecter les exigences du surveillant des prix, qui à mon avis a un esprit technique un peu plus poussé et a fait des recherches que nous, parlementaires, humbles profanes, ne pouvons pas faire. Aujourd'hui, ce sont donc principalement les locataires qui paient au prix fort les envies de grandeur des SIG, mais ces réseaux sont une excellente opportunité, Mesdames et Messieurs, c'est exactement ce dont on a besoin pour une planète plus verte ! Et heureusement que M. Antonio Hodgers, le conseiller d'Etat, est là pour sauver la planète ! Par contre, il ne faut pas décourager la population de vous suivre, Monsieur le conseiller d'Etat !

Il faut que la population adhère à votre projet, Monsieur le conseiller d'Etat, et il faut, pour ça, que vous soyez l'autorité de surveillance de ces tarifs et de la démesure des SIG ! Parce que ce n'est évidemment pas de votre faute si les SIG ont fixé ces tarifs-là, et c'est pour ça qu'on vous demande, Monsieur le conseiller d'Etat, de revenir sur les tarifs - d'analyser les recommandations du surveillant des prix et de baisser les tarifs, pour le bien-être de la population genevoise, Monsieur le conseiller d'Etat ! Le PLR vous en supplie ! Peut-être pas tous les autres partis, mais nous, nous vous demandons d'agir rapidement, s'il vous plaît, Monsieur le conseiller d'Etat ! (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée, merci. Eh bien, la parole est à M. le conseiller d'Etat !

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Ah, c'est à moi ! (Rires.) Après une telle plaidoirie, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, on l'a dit, ce débat est important parce que les réseaux thermiques structurants présentent l'un des plus grands potentiels de production et surtout de distribution d'énergie renouvelable et indigène dans le cadre de la transition énergétique; ce sont donc vraiment des ressources locales qui sont en jeu. Il est par ailleurs très technique, les auditeurs l'auront compris, s'agissant de considérations en lien avec les calculs tarifaires.

En matière de gouvernance, il faut peut-être quand même tout d'abord rappeler que ces tarifs ont initialement été travaillés et validés par le conseil d'administration des SIG, qui est composé de représentants de tous les partis politiques. Le Grand Conseil a d'ailleurs plus de représentants au conseil d'administration que le Conseil d'Etat: vous en avez sept alors que nous en avons quatre. C'était sous l'excellente présidence du très PLR Michel Balestra que le conseil d'administration, sans opposition, a validé ces tarifs. Ensuite, le travail a été fait par la commission (une commission imposée par le Grand Conseil dans la loi sur les réseaux thermiques structurants: il a imposé sa composition et, là encore, le Conseil d'Etat n'a rien eu à dire) avec les milieux économiques, les milieux immobiliers et les milieux des locataires, qui tous trois ont validé ces tarifs. Moi, ce que j'ai modestement fait au Conseil d'Etat, c'est de dire: écoutez, les gens qui ont travaillé là-dessus ont abouti à ça et je vous propose, chers collègues, de les suivre. C'est tout ce qu'a fait le Conseil d'Etat ! A partir de là, il faut rendre à César ce qui appartient à César.

Par ailleurs, le fait que le Grand Conseil, à travers un projet de loi, veuille se saisir de cette question, c'est finalement une manière de désavouer le conseil d'administration... (Remarque.) ...et la commission de consultation des tarifs... (Remarque.) ...qui a été mise en place par votre parlement. Et ça pose toujours un problème de gouvernance lorsque le parlement met en place des organes qu'il désavoue parce que c'est en fin de compte beaucoup plus sympa de discuter du WACC en soirée, un jeudi ou un vendredi soir, que de laisser faire les experts !

Le surveillant des prix, avec qui nous avons eu énormément d'échanges (et qui a évolué puisqu'il préconisait plutôt un WACC de 3,5 l'année précédente, avant de le fixer à 2,65; cela montre quand même qu'il y a matière à redire sur cette question), dit plusieurs choses intéressantes auxquelles le Conseil d'Etat, globalement, s'associe. Dans le fond, il n'y a pas un désaccord frontal et philosophique, mais une demande de temporisation, d'avoir du temps pour y arriver.

Il dit: il faut simplifier ! C'est vrai qu'un des paris du canton de Genève, c'est de dire que chaque commune, chaque quartier qui est relié aux réseaux thermiques structurants doit l'être au même prix. Comme dans le cadre d'Unireso: que vous preniez le bus entre Rive et Bel-Air ou entre Hermance et Russin, c'est le même prix; chacun dans cette salle comprend que ce n'est pas le même coût pour les TPG. Eh bien c'est le premier problème que l'on a, la première chose que conteste le surveillant des prix, pour qui chacun doit payer pour son bout de réseau. Ce à quoi nous répondons: non, nous sommes un petit canton, nous aimerions que tous nos concitoyens paient la même chose, dans une logique de service universel, comme pour une lettre: que vous l'envoyiez de Meyrin à Vernier ou de Meyrin à Davos, cela vous coûtera dans les deux cas 1,20 franc. (Remarque.) C'est une approche qui contredit la philosophie du surveillant des prix, mais qui répond à une logique de service universel.

Autre chose qu'il conteste - ça, ça intéressera plutôt la gauche et l'ASLOCA -, c'est que pour certaines passoires énergétiques, souvent habitées par des familles modestes, la facture serait trop élevée. Nous avons donc créé un tarif avec moins d'énergie renouvelable qui permet de baisser la facture pour ces immeubles, qui ralentit la transition énergétique à des fins sociales. Là, le surveillant des prix dit: «Mais comment, vous ne pouvez pas faire de tarifs sociaux !» Eh bien oui ! On veut faire ces tarifs sociaux !

Enfin, troisième aspect de complexité à mettre en lien avec les modalités tarifaires, c'est que nous préconisons des puissances de connexion adaptées aux immeubles. Souvent, les propriétaires des immeubles surdimensionnent les installations de chauffage et dans ce cadre aussi il peut y avoir un décalage.

Passons au WACC. Tout le monde est spécialiste du WACC ! Mesdames et Messieurs, personne dans cette salle n'a vraiment compris la portée du WACC, à commencer par celui qui vous parle ! (Rire.) Le coût moyen pondéré du capital: je vous invite à lire l'article de Wikipédia et à considérer sa formule mathématique - que j'épargne ce soir au rédacteur du Mémorial -, qui est quand même assez longue et compliquée; là encore, un peu de modestie politique ne ferait pas de mal dans cette salle.

Mais qu'est-ce que le WACC n'est pas ? Le WACC n'est pas un rendement garanti. Les gens estiment que les SIG vont de toute façon toucher 4,95% sur les investissements. Ce n'est pas ça ! Un rendement garanti, c'est par exemple celui des promoteurs immobiliers à Genève qui, quoi qu'il se passe, touchent 18% de marge quand ils construisent un nouveau quartier ! C'est garanti par l'Etat: même si c'est plus cher, même si c'est plus long, le promoteur touche 18% de marge à la fin. Ici, ce n'est pas garanti.

Ce que le WACC n'est pas non plus, c'est une parole divine du surveillant des prix. A vrai dire, Mesdames et Messieurs, il est très fréquent que les autorités cantonales ou communales, en Suisse, ne suivent pas le surveillant des prix. Le surveillant des prix dit 2,65; les SIG proposent 4,95. L'énergie solaire alpine, c'est 5,5. La géothermie, c'est 5. L'hydraulique - la nouvelle hydraulique -, c'est entre 4,5 et 5. La biomasse, c'est aussi 5. On voit que le WACC est autour de 5 pour toutes les nouvelles infrastructures relatives aux énergies renouvelables. Parce qu'il y a un risque !

Il y a un risque industriel, et c'est là que réside la vraie confusion dans le débat: en réalité, la situation de monopole ne change pas le risque industriel. Ce n'est pas que le monopole protège les SIG d'investisseurs privés qui tout d'un coup voudraient faire des réseaux thermiques structurants à Genève et investir 1 milliard de francs sur une ou deux décennies à la place des SIG. Non ! Le WACC actuel de 4,95 a été adopté par les SIG en 2020, Mesdames et Messieurs les députés. Vous l'avez validé dans les comptes successifs des SIG toutes ces dernières années. La commission a décidé de le maintenir - pourquoi ? Parce que la situation de monopole ne change pas le risque industriel. Construire un réseau thermique, c'est éventrer les rues de Genève sur deux cents kilomètres ! C'est affronter l'incertitude des chantiers... (Rires.) ...les recours, c'est évidemment gérer les complications, par exemple quand la moule quagga bouche les réseaux. Et c'est donc bien l'aventure industrielle (un peu comme quand on a construit le CEVA: il y avait 10% de divers et imprévus) que le WACC vient couvrir; la situation de monopole ne change pas le risque industriel.

J'aimerais vous communiquer ce soir, Monsieur le président, une information nouvelle qui va peut-être donner une autre dimension au débat. Jusqu'à présent, je n'avais pas le droit de la révéler pour cause de secret de fonction... (Commentaires.)

Des voix. Ah !

M. Antonio Hodgers. ...et de secret des affaires des SIG. Le WACC de 4,95 est fixé depuis cinq ans. Les SIG font des réseaux thermiques structurants depuis des années; il y a environ une centaine de kilomètres. Aux comptes des SIG - encore faut-il les lire - figure le taux de rendement réel, le WACC réel et non le WACC théorique souhaité par les SIG dans un «business plan». Vous savez de combien il est ? Le taux de rendement des réseaux thermiques structurants est actuellement de -3%. Les SIG perdent de l'argent ! Les SIG perdent de l'argent en faisant leur réseau thermique. Ils perdent de l'argent: ils visent 4,95 et arrivent à -3%. Tous les entrepreneurs connaissent ça ! Tous les entrepreneurs connaissent la différence entre un «business plan» et la réalité des comptes. (Commentaires.)

Et c'est normal, parce que c'est un réseau nouveau, c'est un réseau complexe, c'est un réseau avec beaucoup d'oppositions: ce n'est pas facile de faire des tranchées, à Genève, et de mettre des tuyaux. (Remarque.) L'endettement nécessaire, pour les SIG, afin de réaliser les 230 kilomètres prévus est donc de l'ordre de 1 milliard. Si l'on suivait le surveillant des prix et que l'on divisait en gros par deux le taux de rendement, le fameux WACC, nous avons calculé qu'il faudrait augmenter la dette des SIG d'encore 900 millions - près de 1 milliard supplémentaire !

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce qui se joue. Ce n'est pas le fait que les SIG, à travers un rendement qu'ils n'ont pas - et même s'ils l'avaient -, verseraient un bonus aux employés ou à je ne sais qui ! Si les SIG font des bénéfices, l'argent retourne aux propriétaires, à l'Etat et aux communes: c'est une société 100% publique. Mais aujourd'hui, ils perdent de l'argent ! Et si l'on suivait le surveillant des prix, ils en perdraient beaucoup plus ! Et, à la fin, qui paierait la facture ? Les citoyens, comme à l'époque de l'aventure éolienne - belle époque très PLR des SIG ! (Remarque.) On s'est aventuré sur des investissements hasardeux et il a fallu déprécier les actifs à coups de plusieurs dizaines de millions ! A coup de plusieurs dizaines de millions, que les citoyens ont dû payer ! Je ne veux pas ça aujourd'hui ! Je veux une société publique solide, qui affiche un modèle d'affaires solide !

Ce n'est pas que le surveillant des prix a tort, mais son approche est théorique: il aligne des chiffres sur un tableau Excel, dans son bureau confortable, à Berne. Ici, nous avons une entreprise industrielle qui investit et qui se retrouve dans la réalité. Vous savez, nous ne sommes pas les seuls: je parlais avec mes collègues bernois, dont le réseau est beaucoup plus petit que le nôtre. Le surveillant des prix leur a demandé de fixer le WACC à 3,4. Alors je ne sais pas pourquoi, pour un réseau thermique, c'est 2,65 pour nous et 3,4 pour les Bernois, mais les Bernois ont dit non: «Non, nous voulons fixer un WACC de 4,6.» Il n'y a pas eu de débat parlementaire ! Et c'est un peu la norme. Pas plus tard qu'il y a quelques mois, notre collègue Maudet, sur des questions de santé, nous a proposé de nous écarter également sur un des prix et le groupe Libertés et Justice sociale n'a pas déposé, scandalisé, un projet de loi ! (Rires.)

Mesdames et Messieurs, l'enjeu fondamental pour les gens, c'est effectivement le prix, la facture. Et la notion de doublement est là encore une vue de l'esprit; on n'a pas réussi à le reconstituer. Avec des réseaux thermiques structurants comportant 50% d'énergie renouvelable - ce qui n'est pas un objectif écologique satisfaisant, mais c'est aujourd'hui une réalité -, les prix sont identiques au gaz ! Il n'y a pas d'augmentation de prix, pour les locataires ! L'augmentation vient si on passe à 80% de renouvelable, ce qui concorde avec nos objectifs énergétiques et climatiques. Et là, oui, Mesdames et Messieurs, il y a un choix de société: la souveraineté énergétique coûtera ! Comme une tomate bio et produite localement coûte plus cher qu'une tomate produite dans le sud de l'Europe et importée. La souveraineté alimentaire coûte ! Et c'est ça, la liberté ! Tant du point de vue alimentaire qu'énergétique ! Mme Diane Barbier-Mueller compare les prix de ses locataires aux prix du gaz et du mazout actuels; or quel était le débat ici, il y a trois ans ? «Mais que fait le Conseil d'Etat face à l'explosion des coûts de l'énergie liée à la guerre en Ukraine ?» C'est ça, de dépendre des énergies fossiles. Chaque année, la Suisse, les Suisses... (L'orateur insiste sur le mot «les».) ...paient 10 milliards de francs pour importer des énergies fossiles ! Est-ce que cet argent ne serait pas mieux investi dans nos PME, dans nos infrastructures, dans notre indépendance ? Que les partis qui nous parlent tout le temps d'indépendance et de sécurité comprennent que ça passe par l'indépendance énergétique ! Nous dépendons beaucoup trop fortement de l'importation du gaz de M. Poutine, du pétrole des Emirats arabes unis !

C'est vrai que passer à 80% de renouvelable coûte un peu plus cher, de l'ordre de 20%, et cela, le Conseil d'Etat l'assume ! Parce que c'est ce que nous devons laisser à nos enfants: une souveraineté énergétique ! Le monde part en guerre, le monde est déchiré par des conflits; vous pensez vraiment que les coûts du gaz et du pétrole vont rester à des niveaux bas ? C'est irresponsable ! Comme c'est d'ailleurs irresponsable de lyncher notre paysannerie en important des produits parce que finalement, ça coûte moins cher ! Ce sont exactement les mêmes débats, Mesdames et Messieurs, et c'est là que j'attends un peu de cohérence de ceux qui défendent notre autonomie. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il faut conclure l'intervention.)

Mesdames et Messieurs, pour terminer, cela a été dit, il reste un seul point à clarifier. Les tarifs, on les reverra chaque année et on pourra donc faire ce débat annuellement, si vous voulez. Pour cette année, ils sont fixés, mais on les reverra annuellement et on les ajustera. Je le dis: si les SIG commencent à faire du bénéfice sur les réseaux thermiques structurants, c'est-à-dire s'ils arrivent à 2% ou à 3%, je serai alors d'accord avec vous, il faudra baisser le taux de rendement cible, celui qui est discuté ce soir. Mais en attendant, tant qu'on est en négatif, on doit donner à l'entreprise la capacité de ne pas se surendetter, pour protéger le contribuable.

Maintenant, qui paie ? Que paie le propriétaire et que paie le locataire ? Je suis content d'entendre ce soir - c'est le principal message que je retiendrai - qu'il y a une unanimité pour protéger au maximum les locataires. Il y a, sur ces réseaux thermiques, des infrastructures de connexion qui pourraient être mises plus à charge des propriétaires, réduisant ainsi le prix unitaire de la consommation du fluide par les locataires. C'est ce que j'entends ce soir de différents intervenants, Mesdames et Messieurs, y compris du PLR, ce qui montre une belle unanimité pour protéger les locataires en matière de prix des RTS et par conséquent reporter peut-être un peu plus l'effort d'investissement sur les propriétaires.

Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, je suis passionné...

M. Antonio Hodgers. C'est dans ce sens-là que nous poursuivrons ce débat. Merci encore de votre soutien, camarades Genecand et Barbier-Mueller ! (Rires. Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs, ce fut un débat passionnant et passionné ! N'est-ce pas ?

M. Antonio Hodgers. J'ai été un peu long.

Le président. Vous avez été un peu long, mais c'était intéressant ! Et voyez-vous, le président peut parfois être large; je l'assume. Mesdames et Messieurs, nous passons aux votes relatifs aux demandes de renvoi en commission: je vous invite à vous prononcer d'abord sur la proposition de motion, puis sur le projet de loi. (Le vote est lancé.)

Une voix. A la commission de l'énergie !

Le président. Oui, c'est évident ! (Commentaires. Rires.)

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3097 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est adopté par 61 oui contre 33 non.

Le président. Le renvoi est accepté. Je suppose, Mesdames et Messieurs les députés, que c'est à la commission de l'énergie ! (Approbations.) Nous passons maintenant au projet de loi.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 13605 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est adopté par 94 oui contre 1 non.

PL 13601
Projet de loi de Natacha Buffet-Desfayes, Adrien Genecand, Murat-Julian Alder, Joëlle Fiss, Darius Azarpey, Rémy Burri, Fabienne Monbaron, Jean-Pierre Pasquier, Thierry Oppikofer, Philippe Meyer, Celine van Till, Pierre Conne, Pierre Nicollier, Alexandre de Senarclens, Céline Zuber-Roy, Diane Barbier-Mueller, Yvan Zweifel, Geoffray Sirolli, Jacques Béné, Vincent Subilia modifiant la loi sur les routes (LRoutes) (L 1 10) (Pour une meilleure coordination des travaux sur la voirie et une indemnisation des restaurateurs et des commerçants lors des périodes de travaux)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 20 et 21 mars 2025.

Premier débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante, à savoir le PL 13601, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme Natacha Buffet-Desfayes, première signataire.

Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR). Merci, Monsieur le président. Nous l'avons entendu, le constat est clair, nous le savions déjà, mais ça se confirme: les travaux dans notre canton, et tout particulièrement ici au centre-ville, sont nombreux, ils sont partout, et ils le seront encore plus dans les années à venir.

En l'occurrence, nous avons parlé lors du débat précédent d'éventrer les routes pour faire installer du chauffage écologique, mais on peut aussi mentionner les piétonnisations et les différentes rénovations, qui sont très longues à mener.

Les travaux sont longs à réaliser, quand tout va bien, mais la réalité est telle que non seulement les choses ne se font pas rapidement, ou en tout cas très peu souvent, mais qu'en plus, on a plutôt tendance à prendre du retard. On annonce une durée, et celle-ci est en général largement prolongée, tout cela en raison par exemple d'autorisations à obtenir, de l'absence de coordination entre les différentes entités qui interviennent ou encore de réouvertures des routes et de reprises de différents travaux parce qu'on a oublié de faire quelque chose.

Chacun d'entre nous a déjà été confronté à l'un de ces constats, et ce sont évidemment des nuisances, pour les habitants et pour les usagers de la voirie, mais surtout pour les commerçants et les restaurateurs qui, eux, ont besoin de visibilité et d'accessibilité. A cause des travaux, ils subissent évidemment plus de bruit, plus de saleté, moins de visibilité et moins d'accessibilité, vous l'aurez compris.

Et tout cela crée une entrave à l'activité économique. Je n'ai pas besoin de vous expliquer que pour les commerçants ou les restaurateurs, il est évidemment important que nous fassions en sorte que leur activité économique puisse être la plus libre et sereine possible. Même quand ils soutiennent les travaux effectués devant chez eux, comme c'est le cas la plupart du temps, ils subissent les nuisances dont j'ai parlé tout à l'heure. On doit ajouter à tout cela, pour faire un petit rappel des dernières années, que ces commerçants et ces restaurateurs ont rencontré de très lourdes difficultés lors du covid, puisque leur activité a été très fortement entravée, et qu'ils font face encore aujourd'hui à des difficultés dans le cadre des remboursements, qui sont parfois difficiles à obtenir.

Au moment où tout le monde semble s'accorder pour valoriser le petit commerce, son rôle important pour la société, son rôle social, son rôle économique - bref, tout le monde y va de sa petite musique pour soutenir les commerçants -, eh bien nous, nous souhaitons faire plus que simplement les considérer et parler d'eux uniquement durant certaines périodes - je ne dirai pas exactement desquelles il s'agit -, en les aidant à traverser ces périodes difficiles...

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Madame.

Mme Natacha Buffet-Desfayes. ...via des soutiens concrets. Notre projet de loi propose de créer une base légale qui permettra d'obtenir, de demander, d'exiger même, une bonne coordination, c'est-à-dire une simultanéité des différents travaux, à chaque fois que c'est possible. Parce que comme je l'ai dit tout à l'heure, on sait que l'absence d'une telle coordination prolonge les travaux.

Et puis, dans un deuxième temps, ce que nous souhaitons, bien évidemment, c'est une indemnisation pour les commerces dont l'activité est entravée par des travaux qu'ils n'ont pas demandés - même si, la plupart du temps, ils les acceptent et comprennent bien l'intérêt public.

Comment est-il possible de faire cela ? Eh bien, en tenant compte de la durée de ces travaux. C'est une donnée très simple et efficace pour estimer les nuisances subies par les commerçants et les restaurateurs. Il faut aussi tenir compte de l'effet négatif de ces travaux au niveau économique, en se basant notamment sur quelque chose de très simple à chiffrer, à savoir les différentes charges fixes qui incombent à ces commerçants et à ces restaurateurs, qu'ils continuent à devoir payer coûte que coûte, quelles que soient la longueur et la complexité des travaux.

Vous l'aurez compris, il est temps de faire mieux pour ces commerçants et ces restaurateurs, il est temps de faire les choses plus efficacement et plus rapidement, et il est temps aussi de vraiment reconnaître le rôle central de ces commerçants et de ces restaurants, qui ont assez souffert ces dernières années et qui n'en peuvent plus. C'est pour cela que nous vous encourageons à soutenir notre texte. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jacques Jeannerat (LJS). Chers collègues, le projet de loi qui vient d'être présenté part d'une bonne intention. Le problème n'est pas nouveau, les travaux sont souvent mal coordonnés et très longs. Les moins jeunes d'entre nous se souviennent du problème de la rue de Lausanne, avec les travaux pour le tram, qui ont mis à mal un certain nombre de commerçants et de restaurateurs. Les chantiers sont mal coordonnés, souvent mal planifiés, ce qui fait qu'ils engendrent des nuisances.

Le groupe LJS aimerait élargir la notion de nuisance. Il n'y a pas que les travaux, mais également le bruit et la circulation qui doivent être pris en considération. Il existe des solutions. Alors c'est clair que la piste évoquée par notre excellente collègue Natacha Buffet-Desfayes sur l'indemnisation est une des possibilités, mais il y a aussi des éléments techniques, notamment pour ce qui est de la circulation. On peut donner l'exemple du boulevard du Pont-d'Arve, où on a séquencé les feux, suite à quoi les habitants ont dit qu'il y avait beaucoup moins de nuisances.

Le groupe LJS voudrait donc élargir cette question des nuisances. Et dans ce canton, elles ne sont pas présentes seulement en ville. Il y a des villages dans la campagne... On prend toujours le fameux exemple de Soral, qui, le matin, est traversé par une quantité monstrueuse de véhicules. Là aussi, on pourrait imaginer des indemnités contre le bruit, avant qu'on ait réalisé un contournement du village ! La vision doit donc être plus globale; il faut avoir une notion extrêmement large des nuisances. Qui dit vision globale dit analyse, et donc analyse en commission. Nous demandons le renvoi en commission de ce projet de loi, afin de pouvoir bien l'étudier et l'élargir. Merci, Monsieur le président.

Une voix. Bravo !

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je suis entièrement d'accord avec ce que vient de dire mon préopinant, Jacques Jeannerat: en effet, il faut que ce projet de loi aille en commission afin qu'il soit étudié. Mais j'aimerais faire un petit historique et revenir un peu en arrière.

En 2015, j'ai déposé la M 2307, qui demandait la nomination de coordinateurs cantonaux pour les travaux et les chantiers. Elle a été refusée en avril 2017, y compris par le PLR, auteur du PL 13601 que nous traitons ce soir.

J'ai donc redéposé une deuxième motion en 2018, la M 2503 «J'y vis, j'y circule. Commerçants, piétons, cyclistes, automobilistes et riverains: tous gagnants avec une meilleure surveillance et coordination des chantiers», acceptée par notre Grand Conseil en mars 2021.

Quelle n'a pas été ma surprise et celle de mon groupe à la lecture de l'exposé des motifs en constatant que le travail déjà réalisé par le Grand Conseil n'y était pas mentionné ! Grâce à la M 2503, la communication s'est améliorée puisque vous recevez maintenant tous par mail des avis de travaux. C'est également affiché dans les communes. La motion a au moins porté ses fruits sur ce point.

Ce projet de loi est très électoraliste, c'est une évidence. Il demande une bonne exécution et une coordination des travaux; soit, pourquoi pas, mais cela existe déjà au niveau du département.

Aujourd'hui, le problème crucial est l'augmentation des chantiers dans de nombreuses communes et leur bonne gestion. Nous allons voir ce qui va se passer à la rue de Carouge; on nous prédit trente mois de travaux. C'est déjà la gabegie alors que ça vient à peine de commencer - ça promet !

Malgré tout, le groupe UDC soutiendra ce projet de loi, car il va dans le bon sens, mais demande son renvoi en commission. Merci.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas accuser l'auteure du projet de loi de l'avoir déposé parce qu'elle est candidate à un Conseil administratif, ce serait malvenu de ma part ! (Exclamations.)

Une voix. En effet !

M. Romain de Sainte Marie. Je vous promets, Monsieur le président, que je ne dirai rien de plus sur les élections municipales ! Bien sûr, ce projet de loi va dans le bon sens, et évidemment, il faudra l'étudier en commission. En effet, les travaux amènent des nuisances. J'ai bien écouté les propos du député Jeannerat, et je pense qu'il sera intéressant d'étudier les différents types de nuisances. Maintenant, il ne faut pas non plus se tirer une balle dans le pied ni stigmatiser les travaux.

On en a eu l'exemple lors du débat précédent: l'enjeu aujourd'hui est également de rénover certaines installations dans notre canton et dans nos communes. Mais ce projet de loi questionne aussi d'un point de vue économique, car les travaux représentent un enjeu pour les entreprises qui y participent. Aussi, par le biais de nos investissements, nous devons faire en sorte de favoriser notre économie locale. Maintenant, il est certain que beaucoup de chantiers peuvent nuire à des commerces et que l'idée de les indemniser peut sembler tout à fait pertinente.

On parlait des nuisances et de leur étendue. Cette question est intéressante - vous transmettrez, Monsieur le président, au député Jeannerat. Les nuisances, ça peut en effet aussi être le bruit et la pollution. Il serait par contre dangereux de ne pas s'attaquer, je dirais, à la racine du problème et d'indemniser à tour de bras. D'habitude, j'entends plutôt la droite dire que c'est aux socialistes de faire cela, d'arroser comme ça par des indemnités. Il faut agir à la racine, et s'il y a des nuisances de bruit et de pollution, il convient peut-être de s'attaquer à la problématique directe, en l'occurrence celle du bruit et de la pollution que peuvent générer les axes trop importants dans notre canton.

Ensuite, il sera en effet essentiel de renvoyer ce projet de loi en commission, notamment pour des questions de responsabilité des charges financières dans le cadre de ces indemnités. Le texte mentionne une charge pour les collectivités publiques: quelles sont-elles ? Comment est-ce que ces indemnités sont réparties entre canton et communes ? Qui porte cette responsabilité ? On ne peut pas le décider ce soir de la sorte, et le projet de loi reste beaucoup trop vague sur ces questions.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous encourageons à voter le renvoi en commission, à ne surtout pas voter ce texte ce soir sur le siège, et à travailler de façon assidue en commission, afin de faire en sorte que nos axes principaux ne soient pas trop bruyants ni pollués. Il s'agit aussi de pouvoir indemniser de façon adéquate les petits commerces, sans stigmatiser les travaux, pour que notre canton puisse se développer via les chantiers nécessaires. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Jean-Marc Guinchard (LC). Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, nos commerces, vous vous en souvenez, ont souffert du covid. Ils souffrent encore de la concurrence de la France voisine et des commandes faites sur internet, qui prennent une ampleur assez épouvantable.

Cela étant, j'ajouterai aux principaux éléments de ce projet de loi un problème important, celui de la communication et de l'information. On a vu il y a quelques jours le cas d'un libraire bien connu, tout près de la rue de Carouge, qui, un matin, a découvert avec surprise une pelleteuse et des marteaux-piqueurs sur le trottoir devant son échoppe, sans qu'il ait été informé de ces travaux. Ce n'est pas normal ! Il a été averti par un communiqué de presse deux jours après. Ce n'est pas admissible de la part de l'Etat ou d'une régie publique.

Certes, sur son site internet, l'Etat publie des informations concernant les travaux qu'il va réaliser. On se trouve ici face à deux principes de communication et d'information. Le premier, c'est le «Holprinzip» et le deuxième, c'est le «Bringprinzip». Le «Holprinzip», c'est le fait d'aller chercher ces informations, c'est-à-dire demander aux administrés d'aller sur le site internet pour se les procurer. Le deuxième, le «Bringprinzip», c'est le fait de donner ces informations aux habitants et aux commerçants du quartier suffisamment à l'avance pour qu'ils puissent anticiper, par rapport au déploiement de leur activité ainsi que vis-à-vis de leur clientèle, qui va évidemment fuir leur échoppe pendant un certain temps.

Ce serait donc une attitude normale, de la part des régies publiques, de l'Etat et des communes, que de donner cette information suffisamment tôt. On en a parlé tout à l'heure, de nombreux travaux vont être réalisés, qu'ils soient menés par les SIG, les TPG ou l'Etat. M. Hodgers a rappelé les deux cents kilomètres de conduite à poser pour les RTS. Dans ce cadre-là, il est nécessaire d'informer autant les habitants que les commerçants, c'est un respect qu'on leur doit. Ces gens nous font vivre, et c'est normal qu'ils soient informés et indemnisés le cas échéant. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous partageons bien entendu l'ensemble des objectifs poursuivis par ce projet de loi, notamment la coordination des travaux en sous-sol, qui nous paraît être une évidence, tout comme l'indemnisation des commerçants. Les objections que je formulerai concernent plus la forme que le fond.

Parlons d'abord de la coordination des travaux en sous-sol. A ce propos, il faut savoir qu'il existe un règlement d'utilisation du domaine public et que son article 50 prévoit que «les collectivités, corporations ou établissements de droit public, planifient, coordonnent et gèrent les travaux nécessités par la pose et/ou la réfection des installations et/ou conduites souterraines, publiques ou privées». Cette coordination a pour objectif la limitation des nuisances temporelles et spatiales sur le domaine public. On ne peut donc pas dire qu'il n'y a pas eu de progrès depuis la situation de la rue de Lausanne.

Une organisation a été instaurée, nommée OGETTA, qui est composée des quatre acteurs mentionnés plus tôt, auxquels peut être adjointe toute autre entité de droit public ou privé dont les activités rejoignent celles des partenaires. A nouveau, on ne peut pas dire que nous sommes restés dans la même situation; un certain nombre de progrès ont été réalisés.

Toutefois, le SAI a audité cette coordination et a émis diverses recommandations d'amélioration. On a constaté que ça ne fonctionnait pas de façon optimale. Cette situation a été longuement examinée par la commission de contrôle de gestion. Le processus est en voie d'amélioration.

Le projet de loi propose de remonter le règlement au niveau de la loi. Pourquoi pas, mais je pense que ça mérite d'être examiné en commission. Le même constat est fait pour l'indemnisation des commerçantes et des commerçants - j'ai encore le droit d'utiliser ce doublet, si j'ai bien compris ! Des procédures d'indemnisation des commerces en cas de travaux existent déjà. Elles sont toutefois souvent de ressort communal. Je ne les listerai pas ici, mais je pense que ça peut être intéressant de dresser cette liste des possibilités d'indemnisation existantes et d'analyser comment elles sont mises en oeuvre.

La question de savoir s'il est utile de faire remonter cela au niveau d'une loi cantonale est également à discuter, mais en commission, s'il vous plaît. Je demande donc aussi le renvoi en commission et suggère que ce texte soit renvoyé à la commission de l'économie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Il est prévu que ce texte soit renvoyé à la commission des travaux. (Remarque.) La parole est à M. Madani.

M. Amar Madani (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, quelle que soit l'intention de l'auteure de ce projet de loi, le MCG partage bien évidemment le constat et souscrit à cette démarche. Je rajoute qu'outre les rues citées dans le texte, la rue de Carouge, la rue Chaponnière, la rue de Neuchâtel et la rue de Fribourg sont aussi concernées.

Nous avons rencontré les faîtières des associations de commerçants, de restaurateurs et de cafetiers de ces rues. Ces personnes souffrent; lors de la fermeture des rues, leurs commerces sont pratiquement morts, entraînant à coup sûr leur fermeture.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à travailler sur trois axes, en plus de ce qui est mentionné par l'auteure de ce projet de loi: le premier, c'est une compensation, voire une indemnisation en réponse au manque à gagner causé par les travaux. Le deuxième, c'est la coordination avec les communes, notamment la Ville de Genève, qui est compétente dans ce domaine, mais n'entre pas en matière dans la plupart des cas. Elle a été saisie, mais les procédures administratives et bureaucratiques font que les commerçants ont baissé les bras. Et enfin, le troisième axe, c'est que nous envisageons une réduction de la taxe de tourisme.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous soutiendrons le renvoi en commission.

M. Murat-Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, une autre approche existe, elle plaira certainement à notre collègue Cyril Mizrahi, qui fête d'ailleurs son anniversaire aujourd'hui ! (Applaudissements.) Cette approche, c'est celle des droits fondamentaux, puisque ce projet de loi n'a pas d'autre vocation que de concrétiser deux droits fondamentaux incontournables de notre pays: il s'agit d'une part de la liberté économique et d'autre part de la garantie de la propriété.

La liberté économique, garantie à la fois par la constitution cantonale et par la Constitution fédérale, prévoit notamment le libre accès à une activité économique lucrative privée ainsi que son libre exercice. Nos chartes fondamentales prévoient aussi le principe selon lequel, lorsqu'il y a une expropriation ou une restriction de la propriété qui équivaut à une expropriation, on a droit à une pleine et entière indemnité.

Ce n'est rien d'autre que la retranscription dans ce cas particulier de ces principes constitutionnels essentiels. C'est pour cette raison que nous vous invitons à réserver un bon accueil à ce projet de loi lorsqu'il aura été renvoyé à la commission des travaux.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur de Sainte Marie, il ne vous reste plus que dix secondes de temps de parole.

M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président, ce sera amplement suffisant...

Le président. Allez-y, allez-y !

M. Romain de Sainte Marie. ...pour demander le renvoi à la commission de l'économie, puisqu'il s'agit ici d'indemniser les commerçants.

M. François Baertschi (MCG). Nous sommes favorables au volet indemnisation de ce projet de loi. Toutefois, concernant la gestion des chantiers, nous constatons une non-volonté du département d'agir de manière efficace. On retrouve cette non-volonté au sein de certains exécutifs de gauche dans différentes communes, comme la Ville de Genève ou Carouge, qui sont calamiteux - calamiteux, je pèse mes mots - et qui pourrissent la vie des commerçants !

On a parlé de la rue Chaponnière, c'est un désastre; cette rue souffre, avec des travaux qui n'en finissent pas. Ce n'est pas le seul cas, il y a une véritable gestion calamiteuse de la gauche. C'est voulu; il faut pourrir la vie des commerçants, il faut pourrir la vie des automobilistes, il faut pourrir la vie des habitants ! C'est la politique de la gauche - vous transmettrez, Monsieur le président, à vos amis, je vous en remercie par avance. (Remarque.) Vous transmettrez à tout le Grand Conseil, mais je pense que certaines oreilles en particulier feraient bien d'entendre cela.

Je suis désespéré de voir depuis quelques années que ces milieux ne veulent rien faire, mais je vous remercie de m'avoir écouté, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député, pour votre élocution ! Monsieur Hodgers, vous avez la parole.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Je serai un peu plus bref.

Le président. Vous compensez la durée de votre dernière intervention !

M. Antonio Hodgers. Oui, tout à fait ! Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord vous dire que le Conseil d'Etat prend très au sérieux le sujet abordé par ce projet de loi. Le texte met le doigt sur de vrais enjeux; des souffrances économiques peuvent en effet survenir chez les commerçants impactés par les travaux. Il y a quand même lieu de rappeler qu'il existe déjà un ancrage légal fédéral permettant l'indemnisation, pour autant que l'intensité et la durée des travaux perdurent... perturbent, pardon, profondément l'usage normal. Il y a donc une question d'appréciation que le projet de loi viendrait casser à travers une indemnisation systématique.

L'autre aspect, c'est la coordination des travaux - l'objet précédent y était d'ailleurs très lié. Il serait inacceptable qu'un commerçant voie sa rue ouverte une première fois parce qu'on doit y mettre les réseaux thermiques, à nouveau deux ans après parce qu'on y plante des arbres puis encore une fois deux ans plus tard pour la pose du phonoabsorbant.

Aujourd'hui, nous avons une organisation qui s'appelle l'OGETTA (eau, gaz, électricité, télécommunications, thermique et assainissement), dans laquelle il y a aussi des acteurs publics, notamment les SIG, bien évidemment, mais aussi les télécommunications. Elle nous permet de coordonner les chantiers qui doivent être réalisés sur l'espace public.

Comme cela a été dit, on peut toujours faire mieux en matière d'information et de coordination. Par conséquent, si ce projet de loi est renvoyé en commission - c'est ce que souhaite le Conseil d'Etat -, il sera l'occasion de bien présenter ce qui se fait et d'évaluer ensemble les pistes d'améliorations pour mieux protéger nos commerçants.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous votons d'abord sur le renvoi à la commission des travaux. Si celui-ci est refusé, le renvoi à la commission de l'économie sera mis aux voix. Si cette proposition est également refusée, nous voterons sur le projet de loi. S'il est refusé, eh bien tant pis !

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 13601 à la commission des travaux est rejeté par 47 non contre 37 oui.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 13601 à la commission de l'économie est adopté par 84 oui (unanimité des votants).

M 3107
Proposition de motion de Angèle-Marie Habiyakare, Masha Alimi, Guy Mettan, Julien Nicolet-dit-Félix, Laura Mach, Pierre Eckert, Christo Ivanov, Léo Peterschmitt, Sophie Demaurex, Yves de Matteis, Marjorie de Chastonay, Louise Trottet, Grégoire Carasso, Patrick Lussi, Cédric Jeanneret, Uzma Khamis Vannini, Emilie Fernandez, Philippe de Rougemont, Sophie Bobillier, Céline Bartolomucci, Thomas Bruchez, Lara Atassi pour une éducation critique et citoyenne face aux défis contemporains
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 20 et 21 mars 2025.

Débat

Le président. Nous traitons à présent la dernière urgence de la séance, à savoir la M 3107. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je cède le micro à la première signataire, Mme Angèle-Marie Habiyakare.

Mme Angèle-Marie Habiyakare (Ve). Merci, Monsieur le président. Je commencerai par une citation de Dominique Wolton: «Nous autres, humains, nous adorons l'instant, mais n'existons que dans la durée.»

Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'histoire et la géographie sont des piliers essentiels de l'éducation citoyenne et critique. Elles permettent aux élèves de comprendre les enjeux sociaux, économiques et géopolitiques actuels, tout en développant un jugement éclairé face à la désinformation. Or, la réforme de la maturité gymnasiale menace de réduire considérablement l'enseignement de ces matières, avec une diminution de 33% pour la géographie (passant de six à quatre heures) et une réduction de 25% à 50% pour l'histoire (passant de huit à six ou quatre heures). De plus, certaines propositions prévoient de concentrer ces enseignements sur la première et la deuxième année, alors que leur importance est accrue en deuxième, troisième et quatrième année, lorsque les élèves acquièrent des droits politiques et doivent être prêts à participer activement à la société.

La transversalité est un point clé de cette réforme au niveau fédéral. Cependant, dans le canton de Genève, l'intégration de cette transversalité reste floue. Le DIP met au même niveau les heures de maîtrise de groupe et des activités transversales non définies, avec des périodes insuffisantes partagées entre ces deux éléments: deux heures par semaine en première et deuxième année, puis seulement une heure et demie en troisième année et trente minutes en quatrième année.

Ces semaines décloisonnées ne peuvent remplacer un enseignement régulier et structuré, particulièrement pour des matières aussi fondamentales que l'histoire et la géographie. Des initiatives comme celle d'un site du service écoles-médias s'intitulant «Histoire et culture numérique - l'enseignement de l'histoire à l'ère du numérique» montrent comment l'histoire et la géographie peuvent être mises au service de ces réflexions modernes et transversales.

Bien que cette réforme mette à l'honneur les sciences dites «dures», ce qui n'est pas un mal en soi - j'ai fait une maturité scientifique, donc ce n'est pas un problème pour moi -, il convient de souligner que des activités transversales floues et non définies ne constituent pas la solution. A la place, il serait bien plus pertinent de mettre l'accent sur ce que nous maîtrisons et qui a prouvé son efficacité: l'histoire et la géographie. Ces disciplines, loin d'être obsolètes, sont des alliées naturelles de la transversalité, et elles permettent d'aborder des enjeux contemporains cruciaux, comme la citoyenneté numérique, les crises environnementales et les défis géopolitiques.

Rappelons également quels sont les objectifs de l'Ordonnance sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale (ORM), qui vise à préparer les élèves à assumer des responsabilités dans la société. L'ORM met en avant des compétences comme l'ouverture d'esprit, l'esprit critique et la capacité de jugement. L'histoire et la géographie sont des outils fondamentaux pour atteindre ces objectifs, car elles permettent de développer une compréhension globale du monde et de la société.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Angèle-Marie Habiyakare. Merci, Monsieur le président. Réduire l'enseignement de l'histoire et de la géographie reviendrait à priver nos jeunes de la culture générale essentielle à la formation d'une pensée critique et d'un jugement éclairé. Une approche transversale ne se substitue pas à un enseignement en profondeur, mais doit s'enrichir de ces disciplines. Je vous invite donc à soutenir cette motion, comme l'ont fait le parti socialiste, le groupe LJS ainsi que des membres de l'UDC, pour garantir une éducation équilibrée et préparer nos jeunes à relever les défis du monde moderne. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Thierry Arn (LC). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion s'inscrit dans le cadre du projet de réforme de la maturité gymnasiale en Suisse. Cette réforme, bien que fédérale, laisse une certaine latitude aux cantons dans l'organisation des grilles horaires.

Dans les scénarios mis en consultation, une baisse significative de 33% du temps d'enseignement de la géographie est prévue, comme l'a dit ma préopinante. Le temps d'enseignement d'histoire baisse lui aussi. De manière plus générale, les périodes d'enseignement des sciences humaines sont diminuées, au profit d'autres matières.

Dans un environnement où nos élèves sont de plus en plus confrontés aux «fake news» et où la compréhension des enjeux géopolitiques mondiaux devient primordiale, est-il opportun de diminuer le temps d'enseignement de ces matières ? Pour Le Centre Genève, la réponse est non.

Cette motion invite également le Conseil d'Etat à étudier la possibilité d'intégrer des périodes d'éducation citoyenne à la grille horaire. Ces cours permettraient à nos élèves de comprendre notre système politique et de s'imprégner des différents rouages du vivre-ensemble, si important dans notre société.

Notre parti défend une société fondée sur la responsabilité individuelle et collective. L'éducation joue un rôle clé dans cet équilibre. Donner aux jeunes des connaissances solides en histoire, en géographie et en citoyenneté, c'est investir dans une démocratie vivante et une société résiliente face aux défis à venir.

Il est de notre responsabilité, en tant que députés, de garantir que les élèves du canton aient accès à un enseignement qui leur permette de comprendre le monde dans lequel ils évoluent. Soutenir cette motion, c'est faire le choix d'une école qui forme des esprits éclairés, critiques et engagés ! Pour toutes ces raisons, nous vous recommandons de l'accepter.

M. Frédéric Saenger (LJS), député suppléant. Mesdames et Messieurs, chers collègues, je pourrais juste vous dire que la marche du monde actuel constitue le seul argument pour ne pas réduire les cours d'histoire-géo. Sur notre planète en perpétuelle mutation, sombrant trop souvent dans l'absurdité la plus totale, la question de la réduction des cours d'histoire-géographie me semble non seulement contreproductive, mais également dangereuse.

Plus tôt, le roman dystopique «1984» a été évoqué. C'est précisément cette référence qui souligne l'urgence de notre débat. Comment pouvons-nous, en conscience, envisager de priver nos enfants des outils nécessaires pour comprendre le passé, décrypter le présent et anticiper l'avenir ?

L'histoire, c'est le miroir de notre humanité, avec ses triomphes et ses tragédies. La géographie, c'est la carte de notre monde, avec ses richesses et ses inégalités, ses conflits et ses coopérations.

Comment pouvons-nous espérer former des citoyens éclairés, intégrés et épanouis, si nous les privons de ces connaissances fondamentales ? Mais c'est vrai, malheureusement, nous n'apprenons rien, ne retenons rien, ou si peu. Alors réduisons les cours qui permettent d'élever, de comprendre, d'intégrer ! Mieux, supprimons-les, puisqu'ils ne servent à rien ! Virons les profs, faisons le ménage dans l'administration - visiblement, c'est plutôt à la mode ces derniers temps. Sacrifions les matières qui forment l'intelligence, la sensibilité et la conscience, dans une logique de rentabilité à court terme !

La réduction des cours d'histoire-géographie, c'est le signe d'une vision utilitariste de l'éducation, qui privilégie les compétences techniques au détriment des valeurs humaines, c'est le renoncement à l'ambition que nos enfants et leur descendance puissent être meilleurs que nous et devenir des citoyens qui ne souhaitent pas vivre dans une idiocratie et qui soient capables de penser par eux-mêmes, de s'engager pour le bien commun, de construire un monde plus juste et plus fraternel.

C'est pourquoi, au-delà des clivages partisans, des calculs électoraux, Libertés et Justice sociale soutient avec force et conviction cette motion «pour une éducation critique et citoyenne». Merci. (Applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, d'emblée, nous tenons à dire que nous sommes quelques députés UDC à avoir été agréablement surpris par le fond de cette motion et sa clairvoyance. Ce texte a l'intelligence de dire que certaines matières sont absolument nécessaires, non seulement pour comprendre notre passé - celui-ci est advenu -, mais surtout pour savoir où nous devons aller et comment.

Je crois que malgré ce que disait Confucius: «L'expérience est une lanterne attachée dans notre dos, qui n'éclaire que le chemin parcouru», eh bien il nous faut, dans le cadre de nos travaux, essayer d'éclairer et de voir, notamment par l'enseignement de la géographie, de l'histoire ainsi que de la citoyenneté - je remercie Mme Habiyakare de l'avoir citée, parce que nous y tenons beaucoup au sein de l'UDC.

Pour ces raisons, notre groupe soutient ce texte, mais il considère que pour que nous puissions vraiment en exploiter tout le potentiel, il est nécessaire que nous le renvoyions en commission.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR). Pour ma part, derrière cette motion, je vois des enseignants, qui aiment leur métier, qui aiment la branche qu'ils enseignent et qui ont des craintes quand ils constatent que les heures qui leur sont allouées seront potentiellement réduites.

Pour moi, cette motion est positive, elle reflète l'intérêt de ces métiers. Et c'est logique: on parle de personnes qui ont choisi de se former, en l'occurrence en histoire et en géographie, pendant au moins cinq ans à l'université et qui, ensuite, ont décidé d'en faire leur métier, jugeant que l'important, c'était de transmettre les notions qu'ils ont apprises.

J'ai moi aussi la chance d'exercer ce métier. Je le dis clairement, je suis concernée par l'article 24, je le reconnais, mais je pense que certaines choses doivent pouvoir être dites. J'ai cette chance d'avoir fait de cette transmission mon métier. Pour ma part, j'enseigne le droit, également au secondaire, raison pour laquelle je suis aussi concernée par cette réforme de la maturité. Hier après-midi, j'ai eu l'opportunité de participer à la consultation sur cet objet.

Sur les quatre ans que représente un cursus de maturité, nous avons actuellement une heure de droit à l'horaire, nettement plus d'heures si on est en économie et droit, mais une seule si on n'a pas choisi cette OS. Réfléchissez à l'importance du droit dans notre société. Réfléchissez au nombre de conflits, d'erreurs qui pourraient être évités si les personnes connaissaient un peu mieux leurs droits.

Je vous cite par exemple les contrats, le droit du travail, les droits des locataires, les droits des consommateurs. Parlons aussi du droit pénal: connaître le grand débat qui a abouti à l'abolition de la peine de mort, alors que de plus en plus d'élèves pensent qu'on devrait la rétablir, ou se poser la question de l'intérêt de faire de la prévention ou de la répression. Ce sont des débats intéressants à avoir. Il y a aussi le droit international, qui permet de grands débats. Il existe donc dans cette branche toute une série de domaines, alors que, je vous le rappelle, seule une heure est prévue pour tous les collégiens.

Dans le projet de nouvelle maturité - au passage, je m'en réjouis -, deux heures sont prévues. Magnifique ! Deux heures sur les quatre ans ! Evidemment, vous avez compris où je veux en venir; pour ma part, en tant qu'enseignante de droit et étant passionnée par ce domaine, j'estime que ce n'est largement pas suffisant.

Là, vous avez entendu l'avis d'une enseignante de droit. A ma place, je pourrais mettre un professeur de maths; il vous ferait le même raisonnement, en présentant l'importance de sa branche. L'enseignant de français, l'enseignante d'allemand que j'ai derrière moi pourraient vous faire le même plaidoyer.

Le problème, c'est qu'en tant qu'enseignants, nous pensons tous qu'il faudrait prévoir beaucoup plus d'heures dans notre matière, parce que bien entendu, c'est la plus importante pour nous. Ma conclusion, c'est qu'il faut qu'une personne ait une vision au-dessus... Pas une seule personne, mais il faut une vision globale. Ici, on nous présente l'importance de la géographie et de l'histoire, parce que ce sont les branches qui sont actuellement concernées, mais on ne peut pas réagir comme ça. Parce que si on adopte cette motion, peut-être qu'elle entraînera une réaction, mais alors on devra couper ailleurs. Et dans trois mois...

Le président. Merci, Madame la députée.

Mme Céline Zuber-Roy. ...certains diront: «Catastrophe, on enlève les maths, ils ne sauront plus compter ! Cela va déstabiliser la société !» Par conséquent, je vous appelle à renvoyer ce texte en commission, afin que nous ayons une vision d'ensemble et surtout pour que le processus de consultation en cours, dans le cadre duquel les enseignants peuvent donner leur avis, puisse être mené à son terme; il y a encore du travail. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. François Baertschi (MCG). C'est vrai que notre groupe a été agréablement surpris de voir que ce texte avait été déposé, car parmi les quinze éléments qui constituent la charte du MCG, on retrouve en particulier un point, voulu par les membres fondateurs, visant à rétablir l'enseignement de l'histoire suisse dans les établissements scolaires. Nous en avons déjà parlé au sein de ce parlement, en suscitant parfois pas mal d'oppositions, parce qu'il y a chez certains une volonté de ne pas voir l'identité suisse ou l'identité genevoise.

Comme vous le savez, nous sommes attachés à cette identité. Nous ne pouvons donc tout naturellement qu'aller dans le sens de cette motion, qui demande que des branches aussi importantes que l'histoire et la géographie soient privilégiées. Face aux difficultés que traversent le monde et la Genève internationale, nous nous rendons compte qu'il est essentiel d'avoir un minimum de connaissances, de culture générale dans ces deux matières fondamentales, peut-être encore plus pour Genève que pour d'autres régions ou pays.

Pour ces raisons, nous ne pouvons que soutenir ce texte et remercier son auteure de l'avoir déposé. Nous souhaitons que ces matières soient véritablement prises au sérieux. J'ai eu la désagréable surprise il y a peu de temps d'apprendre de la part d'une petite-cousine que via l'instruction publique genevoise, elle avait appris que l'histoire suisse commençait avec la Première Guerre mondiale. En effet, au collège, on ne lui a pas appris toute la période antérieure.

On constate donc de grosses lacunes dans l'enseignement effectif - non pas dans les programmes, mais dans l'enseignement effectif -, et je crois qu'il faudrait aussi vérifier ce genre de choses. Parce qu'entre les belles théories et promesses d'un côté et la dure réalité de l'autre, on constate un écart conséquent. Le MCG pense que ce texte est un premier pas dans la bonne direction et qu'il faut le soutenir. Vu que c'est une motion, on peut sans risque la voter en plénière et aller ensuite bien évidemment beaucoup plus loin. Merci, Monsieur le président, de votre attention.

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je ne vous surprendrai pas en vous disant que le groupe socialiste va soutenir cette excellente motion, notamment pour les raisons qui ont été données et bien présentées par notre collègue Angèle-Marie Habiyakare à l'instant. Nous avons aussi été agréablement surpris de voir que nombre de groupes au sein de ce parlement reconnaissent également la nécessité de maintenir une place suffisante pour l'histoire, la géographie et l'éducation citoyenne. Parce que sans cette place suffisante, comment pouvons-nous former les citoyennes et les citoyens de demain ? S'ils devaient être ignorantes et ignorants de notre histoire, de nos institutions ou du monde qui nous entoure, comment pourraient-ils être prêts à affronter les enjeux d'aujourd'hui et de demain ?

Je trouve pour ma part dommage que le PLR résume finalement toute cette affaire à un débat entre les enseignants et enseignantes de telle et telle matière, en disant que toutes les branches se valent et que ce ne sont au fond que des préoccupations - je caricature un peu - limite corporatistes des différents enseignants et enseignantes.

Il nous dit aussi que c'est dommage qu'on ne fasse pas davantage de droit, parce qu'on pourrait aborder la question de l'abolition de la peine de mort ou... Je ne sais plus, Mme Zuber-Roy avait cité un deuxième exemple. Mais, Madame Zuber-Roy - vous transmettrez, Monsieur le président -, est-ce que vous pensez que les enseignants et enseignantes ont attendu un cours de droit pour aborder ces différents aspects ? Ce sont justement des éléments qui trouvent place dans les cours d'histoire et d'éducation citoyenne, parce que la formation gymnasiale n'est pas une formation pratique, mais un cursus où on doit acquérir une certaine culture générale, ce qui n'exclut pas les aspects plus pratiques que vous avez mentionnés.

Je pense qu'on ne peut que saluer et appeler de nos voeux que les gymnasiens et les gymnasiennes ainsi que tous les élèves de l'enseignement secondaire II reçoivent des informations sur leurs droits, mais à mon sens ça ne doit pas se faire au détriment des matières dont nous avons parlé.

Et puis - j'en terminerai par là, Monsieur le président - cette approche du PLR fait finalement écho à la vision de la conseillère d'Etat, qui consiste à dire qu'on ne fait une consultation qu'auprès des enseignants et enseignantes. C'est ça qui ne va pas, on doit avoir un débat public. Parce que, Mesdames et Messieurs, cette question de la nouvelle maturité concerne l'ensemble de la population. Nous appelons donc clairement de nos voeux une consultation publique. Je vous remercie de voter cette motion ! (Applaudissements.)

Mme Angèle-Marie Habiyakare (Ve). Il m'est difficile de ne pas réagir aux propos de notre collègue Mme Zuber-Roy, que je salue en tant que bonne enseignante - j'ai reçu plusieurs échos quant à la qualité de ses cours de droit. J'aimerais quand même rappeler que ses propos sont assez faussés. Il y a eu une augmentation pour les cours d'économie et droit, qui passent maintenant à quatre heures, réparties entre les deux matières, faisant de cette branche une discipline fondamentale.

Je me souviens que lorsque j'étais en première année du collège, nous avions une heure d'économie par semaine pendant un semestre et une heure de droit pendant l'autre semestre. Actuellement, dans les propositions qui sont faites, c'est deux heures en première année et en deuxième année, c'est-à-dire deux heures d'économie et deux heures de droit. Il y a donc déjà une petite correction à faire.

De plus, concernant le texte de cette motion, j'ai des doutes par rapport à la lecture qui a été faite, parce que si vous lisez bien l'exposé des motifs, il formule le besoin de défendre la matière et non les enseignants... (Brouhaha.)

Le président. Madame la députée, un instant. Est-ce que je peux rappeler au groupe UDC qu'il reste un quart d'heure de séance et demander à ses membres d'écouter la personne qui s'exprime ? (Remarque.) Non, mais s'il vous plaît, écoutez ! Quand vous parlez, on vous écoute, Monsieur. (Remarque.) Du respect, du respect ! Vous pouvez reprendre, Madame.

Mme Angèle-Marie Habiyakare. Je disais que le débat actuel ne porte pas sur le nombre d'ETP ou le nombre d'heures de cours dont les enseignants bénéficieront pour leur matière, mais plutôt sur l'enjeu de la réduction des heures pour les branches concernées et de l'implication qu'elle aura pour les collégiennes et collégiens.

N'oublions pas que dans cette réforme, la plupart des scénarios proposés suggèrent que ces enseignements ne soient donnés qu'en première et en deuxième année, soit quand les élèves ont entre quinze et seize ans, alors que quand ils ont dix-sept ou dix-huit ans, la majorité des élèves sont intéressés à connaître leurs droits politiques, car ils seront plus tard invités à voter et deviendront éligibles.

En plus, dans les invites de la motion, il est proposé de revoir la répartition par rapport à d'autres familles de disciplines, sans réduire les heures dédiées aux sciences humaines, qui englobent l'économie et le droit, mais plutôt en prenant ces heures parmi les activités transversales, qui ne sont pas définies. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Sangdel... M. Sangdel, excusez-moi ! A cette heure-là, tout est possible ! (Rires.) Vous avez cinquante secondes, Monsieur le député.

M. Djawed Sangdel (LJS). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, toutes les matières sont importantes, mais aujourd'hui, la création de l'ensemble des valeurs dépend de l'histoire. Nous savons tous que la jeunesse est de plus en plus intéressée par certaines autres matières, comme l'IA, la technologie, l'économie et peut-être l'entrepreneuriat. Mais si nous n'enseignons pas l'histoire, nous n'allons pas créer l'avenir; il ne dépend pas du futur, mais du passé et du présent.

Pour cette raison, le groupe LJS vous invite à soutenir cette motion et à donner ainsi la possibilité à nos jeunes des futures générations de mieux comprendre leur histoire, pour qu'ils puissent créer des valeurs pour l'avenir. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Anne Hiltpold, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aurais presque envie de vous dire que vous avez tous raison. Oui, l'histoire est importante. Oui, la géographie est importante. Oui, l'éducation citoyenne est importante. Mais ça, ça ne fait pas une maturité. Dans la future maturité, vous avez treize disciplines fondamentales: le français, l'allemand ou l'italien - première langue, nationale -, une autre langue - probablement l'anglais -, les maths, l'informatique, la biologie, la chimie, la physique, la géographie, l'histoire, l'économie et le droit, la philosophie, les arts et la musique, en plus des options spécifiques et complémentaires, du travail de maturité et de tout ce qu'on doit faire en transversalité. Et l'éducation physique, très importante également !

Vous avez donc tout à fait raison: l'histoire, c'est fondamental, la géographie aussi. Mais je suis au regret de vous dire, Mesdames et Messieurs, qu'il faudra faire des choix. Aujourd'hui, rien n'est décidé. Des propositions sont en consultation. Si vous voulez une consultation et qu'elle soit publique, même si je ne suis pas convaincue que l'entier de la population soit concerné par cette maturité... Que vous, Mesdames et Messieurs les députés, soyez concernés, oui. A ce moment-là, renvoyez le texte en commission, pour qu'on puisse vous donner toutes les explications et que vous puissiez choisir là où vous allez couper. Parce que vous ne pourrez pas tout garder.

Le plan d'étude, cadre fédéral, pose un certain nombre de pourcentages dans les familles de disciplines, qui sont des minima. Aujourd'hui, certains d'entre eux ne sont pas atteints, notamment en art, alors que d'autres le sont, notamment en sciences. Et je vous rappelle la pétition des enseignants de maths, qui sont venus vous dire à quel point il était important d'enseigner les sciences et les maths, et que leur discipline était également fondamentale.

A un moment donné, il faudra faire des choix. La maturité genevoise consacre actuellement 34% aux langues. Le minimum prévu par la réforme est de 27%. Si vous voulez maintenir la géographie et l'histoire dans une proportion plus importante, il faudra probablement couper dans les langues. Est-ce que vous assumerez ? Est-ce que vous irez dire aux enseignants de langue qu'il faudra moins d'heures dans leurs matières ?

C'est ça, la problématique, et j'aimerais pouvoir vous l'expliquer en commission. Je vous propose donc de renvoyer cette motion à la commission des pétitions... (Remarque.) Pardon, vous avez tout à fait raison, à la commission de l'enseignement !

J'aimerais aussi rappeler que nous avons des spécificités genevoises, comme l'espagnol ou la philosophie - la philosophie, on n'est pas obligé de la maintenir. Est-ce qu'on va la garder ou non ? On pourrait décider de ne pas la maintenir, car c'est une spécificité genevoise. Et ensuite, vous viendrez tous nous dire que la philosophie, c'est fondamental. Oui, ça l'est; tout est important, tout a du sens. Mais à un moment donné, il faudra qu'on fasse des choix, ou alors vous viendrez nous dire qu'il faut étendre la grille horaire des élèves, mais je pense que nos élèves... Vous avez probablement aussi lu l'article publié en fin d'année dans lequel ils disaient qu'ils avaient beaucoup d'heures et que la pression était importante avec toutes ces disciplines.

Donc j'entends que la géographie, l'histoire et l'éducation citoyenne, c'est important, bien sûr, mais il faudra qu'on puisse trancher et faire des arbitrages. C'est l'objet de la consultation en cours. Différentes grilles et propositions ont été mises en consultation, afin que nous puissions trouver un bon équilibre entre les pourcentages des familles de disciplines. C'est ça qui est aujourd'hui en discussion; rien n'est décidé. Par conséquent, je trouverais très dommage que vous votiez cette motion ce soir, sur le siège, sans même avoir l'entier des explications. Je vous garantis qu'on aurait ensuite une pétition des autres enseignants.

Je ne veux pas faire la guerre des disciplines, mais c'est ce qui risque d'arriver. Prenez donc au moins le temps de recevoir des explications à la commission de l'enseignement sur les pourcentages de disciplines, afin que nous vous présentions ce qui est en train d'être discuté. Je rappelle que rien n'est acté. Merci beaucoup, Mesdames et Messieurs les députés.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter en premier sur la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 3107 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 59 non contre 31 oui.

Mise aux voix, la motion 3107 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 61 oui contre 29 non et 2 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 3107 Vote nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vu l'heure, nous mettons fin à cette séance. Nous vous remercions.

La séance est levée à 22h55.