Séance du
vendredi 14 février 2025 à
18h30
3e
législature -
2e
année -
10e
session -
58e
séance
PL 13354-A
Premier débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, à savoir le PL 13354-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Monsieur Béné, vous avez la parole.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. C'est sous l'impulsion de François Longchamp qu'a été inscrite en page 22 du programme de législature 2010-2013 la volonté du Conseil d'Etat de procéder à des études préalables pour la construction du nouveau barrage de Conflan. Il n'en a malheureusement plus été fait mention suite à un préavis négatif de l'Office fédéral de l'environnement, et le Conseil d'Etat a donc simplement jeté l'éponge. Mais la réponse du gouvernement en octobre 2016 à la QUE 523 de mon excellent collègue Murat-Julian Alder laissait cependant la porte ouverte à ce projet, sans fixer de planning pour sa réalisation.
Je vous passe les commentaires qui ont été faits et les discussions que nous avons eues en commission sur la rentabilité de ce barrage. Même s'il ne représente en effet que 2,5% des besoins du canton, la majorité pense que ce projet a quand même un intérêt. Une des positions de l'Office fédéral de l'énergie relève très clairement qu'il figure parmi les rares projets de grande hydraulique en Suisse, mais que la probabilité de réalisation est faible, notamment parce que des intérêts de protection d'importance nationale doivent être considérés.
C'est pour cette raison et pour tenir compte de ces éléments que le projet de loi a été amendé. Vu qu'il s'agit d'un barrage qui concerne aussi les Français, avant de véritablement élaborer un projet concret et d'engager les études, il convient notamment d'obtenir des garanties françaises et fédérales.
Dans sa nouvelle version, le texte vise à se baser sur l'étude de 2012 pour faire avancer ce projet. Je vous invite à l'accepter et vous remercie.
M. Philippe de Rougemont (Ve), rapporteur de minorité. Il y a trois raisons de refuser ce texte: la protection de notre patrimoine naturel, le coût du kilowattheure prohibitif si ce projet de barrage était réalisé et, enfin, le fait qu'on ait beaucoup mieux à faire, comme le dit le plan directeur de l'énergie - je reviendrai sur ce dernier élément à la fin de mon intervention.
Tout d'abord, je présenterai l'analyse écologique. Nous avons auditionné M. Marsac, de l'office cantonal de l'eau. Il a relevé que le projet touchait à des zones de protection importantes, notamment les sites Ramsar, qui concernent les oiseaux migrateurs, et que les compensations environnementales devraient dès lors être très importantes. On parle de la zone de l'Etournel, une région où on trouve encore de nombreux étangs, soit un habitat idéal pour la faune, avec une riche végétation.
Selon l'office cantonal de l'eau, le barrage baisserait le niveau de la nappe phréatique, ce qui pourrait assécher les étangs. Seul 2,7% de notre territoire cantonal est constitué d'aires protégées; notre devoir est de continuer à les préserver.
Le coût des compensations environnementales a été évalué entre 80 à 100 millions de francs - je le dis à ceux pour qui c'est surtout la comptabilité en argent qui est déterminante. Compte tenu de ces éléments, l'Office fédéral de l'environnement avait émis un avis négatif, comme l'a dit le rapporteur de majorité, estimant que le projet aurait un impact sur l'environnement non compensable.
La compensation est un leurre puisque nous perdrions la parcelle d'un seul tenant de la réserve des Teppes de Verbois, qui se trouve en amont. Elle serait fragmentée en plusieurs sites séparés, n'offrant de loin pas la même fonction d'habitat vital pour la faune et la flore que nous avons reçues en héritage et que nous devons préserver pour les générations futures. Par ailleurs, les promoteurs du projet se gardent bien d'énoncer quelles zones agricoles seraient sacrifiées pour compenser la perte d'habitats naturels que causerait la réalisation du projet de Conflan.
Je passe à l'analyse économique. Le coût de revient du kilowattheure de ce barrage, s'il devait être réalisé, a été calculé à 18 centimes. Le député qui se trouve en face de moi relevait que pour un barrage normal, on compte entre 5 et 8 centimes le kilowattheure. Le député Balaban disait quant à lui en commission: «S'il devait y avoir un préavis négatif du côté français, alors il n'y aurait plus d'intérêt à dépenser de l'argent.» Or, le préavis négatif, nous l'avons.
M. Balestra, président des SIG à l'époque, a dit lors de son audition que le projet coûterait 35% de plus par rapport à l'estimation initiale, datant de 2012. Selon M. Brunier, qui dirigeait les SIG à cette période, cette étude reviendrait à gaspiller de l'argent et à perdre du temps, car il faut en amont un feu vert politique que nous n'avons pas.
Un député de droite a également indiqué qu'il préférait donner 50 à 100 millions de francs à des ménages qui n'ont pas les moyens de financer l'installation de panneaux solaires sur leur toit plutôt que de créer ce barrage.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Philippe de Rougemont. Merci, Monsieur le président. Ensuite, il y a l'analyse politique. Le projet nécessiterait un accord des capitales, Berne et Paris. Or, les SIG ont échangé avec la Compagnie nationale du Rhône, qui leur a indiqué qu'actuellement, le projet n'intéressait pas le gouvernement français.
Le texte qui nous est soumis - et que nous vous invitons à refuser - est un hybride bizarre issu de la commission; il a été amendé et tordu pour obtenir la majorité, dont les Verts n'ont pas voulu faire partie.
Observez: le projet de loi débloque un crédit d'étude pour la réalisation d'un barrage hydroélectrique. En commission, on apprend que les deux pays, les deux capitales sont défavorables. On apprend aussi que c'est une étude de faisabilité publiée en 2012 qui a révélé ces oppositions. Rien de ce qui pourrait infléchir la position des capitales n'a changé depuis 2012.
Mais les initiants tiennent tellement à leur projet de crédit d'études qu'avec l'appui de la majorité, ils l'amendent, le modifient pour conditionner le crédit d'étude à l'obtention de garanties françaises et fédérales, et ce avant d'engager quoi ? Des études ! Financer une étude pour apprendre ce que l'on sait déjà ? Non merci !
J'en viens à la troisième raison de refuser ce texte, et je conclurai mon intervention sur ce point: que peut-on faire d'autre à la place de cette étude qui serait plus judicieux ? Depuis 2014, l'expérience du programme éco21 des SIG, dont le but est de lutter contre le gaspillage, démontre qu'on peut éviter des kilowattheures sans perte de confort, et ce à un coût de 4 centimes le kilowattheure évité - l'Université de Genève l'a mesuré -, sans énergie grise, sans perte de biodiversité et sans perte de terres agricoles pour compenser.
Les gisements d'économies d'énergie sont colossaux; c'est un peu contre-intuitif, parce qu'on imagine toujours que pour remplacer une production sale, fossile et nucléaire, il faudrait une production massive de renouvelables. En fait, on oublie une grande solution, qui est la moins chère, la plus rapide à mettre en oeuvre et celle qui provoque le moins de dégâts à l'environnement, à savoir l'évitement de consommation. L'ancien directeur des SIG mesure à 40% la quantité d'électricité qui pourrait être évitée, de la production à l'acheminement, aux transformations et jusqu'à la consommation finale. Mais c'est un peu contre-intuitif parce qu'on vit dans une société de production, dans laquelle on n'arrive pas vraiment à imaginer à quel point on pourrait réduire notre consommation. Comme c'est le directeur des SIG qui le dit, c'est intéressant. Quand on arrive à 4 centimes le kilowattheure évité, c'est même extrêmement intéressant !
Et finalement - je terminerai avec ça -, en 2019, l'OCEN a fait travailler des spécialistes genevois et genevoises sur le plan directeur de l'énergie. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ce texte relève que ce qu'il faut faire en premier lieu, à savoir la mesure la plus économique, c'est chasser le gaspillage. Le président du Conseil d'Etat de l'époque, Antonio Hodgers, concluait son introduction du plan directeur de l'énergie par ces mots: «Chaque génération se demande en quoi elle marquera l'histoire. Je souhaite que la nôtre redonne ses lettres de noblesse à la notion de sobriété, en paroles et en actes.»
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Philippe de Rougemont. Les Verts vous invitent donc à refuser ce projet.
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, notre groupe est favorable à une étude d'implantation d'un barrage hydraulique au fil de l'eau sur le site de Conflan, situé à cheval entre la commune de Chancy et le département de l'Ain.
Nous sommes conscients des difficultés que rencontrera ce projet, compte tenu de son implantation sur deux pays - nos voisins privilégiant le développement des centrales atomiques à la production hydraulique et nos autorités ayant d'autres priorités -, des impacts financiers d'une telle construction et de la productivité relativement faible attendue de ce barrage eu égard à sa faible hauteur de chute.
Il y aurait peut-être moyen de proposer un échange de terrains avec la France, sur le même modèle que ce qui s'est fait dans le canton des Grisons au lago di Lei, sur la commune de Ferrera, où l'Italie a donné un bout de terrain à la Suisse afin que le barrage en question soit réalisé entièrement sur sol suisse, quand bien même il se trouve dans une vallée italienne.
Rêvons ! Peut-être qu'un jour ce sera réalisable pour le projet dont nous débattons. Si ce barrage pouvait être réalisé entièrement sur sol suisse, alors toute sa production nous reviendrait ! Nous soutiendrons ce projet de loi amendé en commission et vous invitons à faire de même. Merci de votre attention.
M. Stefan Balaban (LJS). Je remercie les rapporteurs ainsi que l'ensemble des membres de la commission pour leur travail de qualité. Je tiens à rappeler et à souligner que ce projet de loi vise à mettre à jour l'étude de faisabilité existante en se basant sur les technologies actuelles. A titre d'exemple, le rapporteur de minorité a dit que ça ne servait à rien de réétudier ce projet, car on a déjà constaté que ce n'était pas intéressant financièrement et que ça ne l'était pas non plus du point de vue environnemental, mais il faut préciser que nous sommes en train de construire un nouveau barrage - Vessy 2 - utilisant une technologie innovante, qui n'a rien à voir avec le barrage de Chancy, qui, lui, a maintenant cent ans.
Nous ne voulons pas construire des colonnes d'Hercule en aval de Chancy; au contraire, nous voulons quelque chose de moderne, adapté à son temps et qui se base sur les technologies dont nous bénéficions aujourd'hui. Cela signifie que nous souhaitons mettre à jour les données existantes et déterminer l'impact et la production d'un barrage qui serait au fil de l'eau et qui n'aurait pas une hauteur de plusieurs dizaines de mètres - ce qui le rendrait donc plus discret -, avec des turbines sous-marines, qui n'impacteraient par conséquent pas la faune, laisseraient passer les poissons et ne retiendraient pas les sédiments.
Parce que nous devons être honnêtes: nous savons que si ce barrage utilise une nouvelle technologie, c'est-à-dire des turbines sous-marines, il sera beaucoup plus productif. Nous aurons donc un meilleur rendement. Et puis, sur l'impact environnemental, l'étude de 2012 concernait le cas de figure où on déposait un bloc de béton de plusieurs dizaines de mètres et qu'on inondait la zone. Mais là, nous ne proposons pas de créer un lac Léman bis; au contraire, nous voulons simplement réadapter nos données. (Remarque.) Lac de Genève, en effet; merci, Monsieur Alder !
Nous souhaitons simplement mettre à jour nos données compte tenu des nouvelles connaissances dont nous disposons. Par ailleurs, la production de ce barrage de Conflan représenterait la consommation électrique de 90 000 ménages, soit l'équivalent de la consommation des HUG, des TPG et de l'Aéroport de Genève - ce n'est pas négligeable ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
L'électrification de notre infrastructure, à savoir notre parc automobile, et le réseau thermique structurant, qui va consommer des ressources, font qu'on a besoin d'énormément d'électricité. En 2050, le manque s'élèvera à 1,3 térawatt, ce qui est énorme. Par conséquent, nous avons besoin que tout le monde y mette du sien...
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Stefan Balaban. ...et fasse le nécessaire pour garantir notre souveraineté énergétique. Merci.
M. Grégoire Carasso (S). Chers collègues, je vais vous proposer une grille de lecture non binaire de cet objet, parce qu'en réalité, les deux rapporteurs sont matériellement à peu près sur la même ligne. M. Béné - et il faut l'en remercier, vous lui transmettrez, Monsieur le président - a retracé avec rigueur les travaux de commission, jusqu'aux amendements. Quels sont-ils ? Le texte amendé prévoit que pas un franc de ce crédit d'étude ne soit dépensé sans avoir obtenu au préalable le feu vert de Paris et celui de Berne.
Nous savions que ce projet tenait à coeur au premier signataire, et je pense que si vous avez écouté ses propos, vous ne pourrez nier le fait qu'il s'y intéresse et qu'il s'est même penché sur les aspects techniques et les derniers développements en la matière. Dans le cadre du travail de commission, nous avons écrit à la Confédération, qui a aussi quelques connaissances en matière de barrages; c'est une activité qu'on mène en Suisse depuis de nombreuses années et que l'on continue de mener.
La Confédération a répondu: «Conflan, no way !» Aux dernières nouvelles, Paris a également répondu: «Conflan, no way !» Or, ils ont quelques connaissances sur les derniers développements technologiques, je l'évoquais à l'instant. Pourquoi cette non-entrée en matière ? Parce que ce projet est absurde sur les plans économique et environnemental et qu'il est mort-né sur les plans diplomatique et politique.
Au final, on a amendé l'objet, on l'a un peu vidé de sa substance, à moins qu'une révolution n'intervienne à Berne et à Paris sur les plans économique et environnemental. Avec toutes ces réserves, vous l'avez compris, Monsieur le président, ce projet de Conflan risque de s'ajouter à la liste des projets de LJS qui ne verront jamais le jour et qui sont mort-nés. Vous pouvez donc voter oui ou non à ce crédit d'étude; pas un franc ne sera dépensé et ce barrage ne verra pas le jour, en tout cas je ne pense pas que ce sera le cas au XXIe siècle ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Christina Meissner (LC). Monsieur le président, veuillez m'excuser, je n'ai pas vraiment préparé mon intervention de ce soir ! Toutefois, comme par hasard, celle que j'avais faite en 2012 à propos de ce même barrage de Conflan est toujours d'actualité, alors je me permets de la lire.
Toute construction empiète forcément sur de l'existant, du vivant, des écosystèmes fragiles. Nous avons détruit impunément l'écosystème du Rhône durant un demi-siècle par l'exploitation hydraulique de Verbois; nous venons de mettre vingt ans à compenser les dégâts sur ce fleuve, et nous n'avons pas encore fini.
Et voilà qu'on remet le rouleau compresseur en marche pour entamer cette fois l'écosystème de l'Etournel, épargné jusqu'alors. Or, ce site est un joyau, une concentration de nature à l'état pur. De par sa richesse en biotopes variés et sa situation stratégique sur une voie principale de migration, l'Etournel est d'une importance exceptionnelle pour la faune. 240 espèces d'oiseaux migrateurs, hivernants ou nicheurs y ont été recensées, mais aussi une flore très spécifique, de même que quantité d'odonates, de batraciens et de mammifères, du castor jusqu'au cerf. Toute cette richesse s'est développée grâce au Rhône, à ses roselières, ses îles boisées inondables et ses bancs de sable uniques.
Peut-on décemment continuer à détruire d'une main ce qu'on restaure de l'autre ? Et tout cela pour couvrir... Excusez-moi, là, il faut que je corrige parce qu'à l'époque, c'était 4% de la consommation d'électricité, mais à l'évidence, aujourd'hui, c'est 2,5%, n'est-ce pas ? Ça a diminué !
Pour éviter ce barrage, il suffirait de réfléchir à un avenir moins vorace en énergie et de développer une politique d'efficience énergétique volontariste. Mais plutôt que de remettre en question notre mode de vie et notre développement, l'urbanisation éloignant toujours davantage l'humain de la nature sauvage, on propose des solutions du siècle dernier, soit un nouveau barrage. Evitons de répéter les erreurs du passé et de devoir renaturer après coup nos milieux naturels ! Le projet de barrage à Conflan ne peut être acceptable et accepté que s'il préserve d'emblée l'Etournel, ce qu'il ne fera pas !
M. Stéphane Florey (UDC). Ce que ne disent pas les opposants jusqu'à présent, c'est que depuis les premiers débats sur Conflan, la politique même du Conseil fédéral a été fortement modifiée et le regard qu'il porte sur ce barrage a totalement changé.
Je lis un passage du courrier de Berne qu'on trouve à la page 34 du rapport: «L'Assemblée fédérale a déjà statué sur l'importance que revêt l'augmentation de la production d'énergie hydroélectrique dans la Stratégie énergétique 2050, et elle a [même] réaffirmé ce point dans la dernière révision de la loi sur l'énergie.» Cette dernière a été largement acceptée par le peuple - ça, il faut aussi le souligner. «Il est donc primordial que les centrales existantes soient optimisées d'une part, et que de nouvelles centrales soient construites d'autre part. Cela concerne tant des projets de la grande hydraulique que de la petite hydraulique.»
Ce message est, me semble-t-il, on ne peut plus clair. Quand on voit la pénurie et les risques que font peser les tensions internationales ainsi que les besoins énergétiques de chaque pays, il n'y a pas photo: nous avons besoin d'augmenter notre indépendance énergétique vis-à-vis de l'étranger.
La position française n'est finalement pas étonnante: quand on pense aux millions de kilowattheures que la France vend à la Suisse, on se doute bien qu'ils voient d'un mauvais oeil l'augmentation de notre approvisionnement énergétique, car au niveau national, c'est une perte nette pour l'Etat français. Et quant au projet lui-même, c'est clair qu'ils voient également d'un mauvais oeil la réalisation d'un nouveau barrage parce que plus bas, il y a la centrale nucléaire de Cruas, qui a grandement besoin de l'eau du Rhône pour refroidir ses réacteurs. Cela signifie que s'ils ne parviennent plus aussi bien à refroidir ces réacteurs parce que le débit est moins important, alors ils devront réduire leur production pour leur propre pays, ce qui explique qu'ils voient également cet élément d'un mauvais oeil.
C'est pour ces raisons qu'il faut absolument voter ce texte et soutenir ce projet si nous voulons réduire la dépendance de la Suisse et particulièrement de Genève vis-à-vis de l'étranger. Je vous remercie.
M. François Baertschi (MCG). Ce qui me choque dans ce débat, c'est l'absence de vision. Nous avons la possibilité de bénéficier d'une énergie stable, non intermittente, au contraire du solaire, qui pose les problèmes que l'on connaît et qui nous amène quand même dans une certaine crise énergétique. Ici, c'est quelque chose de stable, de sûr, qui permet d'éviter les black-out.
Nous risquons avec de grandes probabilités de nous retrouver face à d'importantes difficultés à Genève, car nous n'aurons pas prévu l'avenir, parce que nous avons des visions du passé et pensons que certaines espèces animales sont plus importantes que l'espèce humaine. Ce sont des conceptions dépassées, d'un autre siècle.
Il faut que nous comprenions où nous nous trouvons et que nous appuyions ce projet de Conflan, qui mérite tout notre soutien. Nous y arriverons bien un jour... (Remarque.) ...parce qu'au final, je pense que Genève sait être visionnaire et qu'elle saura l'être sur ce dossier comme sur d'autres !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Carasso pour cinquante secondes.
M. Grégoire Carasso (S). Merci, Monsieur le président. Très brièvement, je relève qu'on ne peut pas citer un courrier de la Confédération, signé par le directeur de l'Office fédéral de l'énergie, M. Revaz, en disant juste n'importe quoi ! On parlait de trumpisme tout à l'heure, voici la version appliquée.
Alors je cite... (L'orateur insiste sur le mot: «cite».) ...le courrier: Conflan «ne figure pas sur la liste de la table ronde et, par conséquent, ni dans le projet de la loi sur l'approvisionnement en électricité dans la mesure où cette liste traite uniquement des projets de stockage visant à renforcer la production hivernale flexible».
Je saute pour arriver à la conclusion: «la probabilité de réalisation estimée est faible [...] car des intérêts de protection d'importance nationale doivent également être pris en compte.» (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je vous passe tous les autres arguments, qui, de manière très polie, très fédérale, nous expliquent à quel point ce projet ne représente pas une intention de la Confédération.
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Grégoire Carasso. Le fait même de le qualifier de projet ou d'idée au niveau de la Confédération, c'est un abus de langage ! (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je cède le micro à M. Christian Steiner pour quarante-cinq secondes.
M. Christian Steiner (MCG). Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, j'aimerais rappeler au rapporteur de minorité - vous transmettrez, Monsieur le président - que le peuple a refusé une initiative qui prônait la décroissance. Pourtant, cette idée est toujours présente dans la tête de certains.
S'agissant de Conflan, certes, c'est un projet modeste, mais si on devait remplacer ces 120 gigawattheures annuels par de l'électricité importée... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...ce qui impliquerait que l'électricité achetée pendant la nuit serait produite principalement au charbon, cela représenterait 120 000 tonnes de dioxyde de carbone de CO2.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Christian Steiner. Donc voilà l'enjeu ! Alors il faut arrêter de jouer...
Le président. C'est terminé.
M. Christian Steiner. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
Le président. La parole est à M. Florey pour huit secondes.
M. Stéphane Florey. Je renonce, Monsieur le président. (Exclamations. Applaudissements.)
Le président. Très bien. Je passe donc la parole à M. Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Très rapidement, je reviens sur le courrier de M. Revaz, de l'Office fédéral de l'énergie. Il indique: «En effet, plusieurs biotopes d'importance nationale sont concernés, ce qui rend une réalisation très difficile», mais il ne dit pas impossible. (Remarque. Rires.) Très difficile ! C'est d'ailleurs pour ça que ce même courrier relève que «cet aspect nécessiterait d'être clarifié en amont». C'est juste ce qu'on demande, avant de dépenser ces 1 320 000 francs. Je vous remercie.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je me fais ici le porte-parole de mon collègue Hodgers, qui ne peut pas être parmi nous à l'instant; le Conseil d'Etat étant un et indivisible, je relaie sa position sur cet objet. C'est une position négative: le Conseil d'Etat estime en effet qu'il ne s'agit pas forcément d'une mauvaise idée, mais que la démonstration de la rentabilité n'est pas au rendez-vous. C'est surtout sur la base de cet élément que ce projet devrait être rejeté.
Je cite ici mon collègue: «Le Conseil d'Etat peut s'engager à réétudier le projet avec les Français et la Confédération.» Vous l'avez tous dit, il y a des préalables. Il s'agit évidemment, au niveau national, d'une convergence de vue qui dépasse le strict volet Conflan. Vous le savez, et mon collègue a eu l'occasion de le dire récemment à la faveur d'une conférence de presse sur la question de l'eau, qui est centrale et qui, par nature, est transfrontalière à Genève, entre le lac et le Rhône, il y a des enjeux extrêmement importants, au niveau cantonal, mais également au niveau national. On a cité la CNR tout à l'heure, le grand établissement cousin des SIG, qui développe une politique intelligente depuis de nombreuses années.
Sur ce point précis, vous connaissez la position du Conseil d'Etat. Sur la question plus générale, il faudra de toute façon, comme nous l'avons dit à de réitérées reprises, reprendre notre bâton de pèlerin pour qu'au niveau national, même si les eaux sont de compétence cantonale, nous puissions rassembler les fronts. Il est vrai, et cela a été rappelé, que notre politique énergétique, également tributaire de ce qu'on appelle l'or blanc, soit la capacité d'utiliser l'énergie hydroélectrique, doit être revue à l'aune des besoins futurs, qui vont augmenter.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous invite à rejeter ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 13354 est adopté en premier débat par 52 oui contre 31 non.
Le projet de loi 13354 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 13354 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 30 non (vote nominal).