Séance du vendredi 14 février 2025 à 18h30
3e législature - 2e année - 10e session - 58e séance

R 1055
Proposition de résolution de Julien Nicolet-dit-Félix, Murat-Julian Alder, Matthieu Jotterand, Jacques Jeannerat, Fabienne Monbaron, Souheil Sayegh, Celine van Till, Diane Barbier-Mueller, Dilara Bayrak, Cédric Jeanneret, Marjorie de Chastonay, Pierre Eckert, Angèle-Marie Habiyakare, Vincent Subilia, Céline Zuber-Roy, Sophie Bobillier, Laura Mach, Philippe Meyer, Jean-Marc Guinchard, Emilie Fernandez, Thierry Oppikofer, Grégoire Carasso, Caroline Renold, Nicole Valiquer Grecuccio, Jacques Béné, Yves de Matteis, François Erard, Céline Bartolomucci, Alia Chaker Mangeat, Thomas Wenger, Thierry Arn, Jacques Blondin, Alexandre de Senarclens, Pascal Uehlinger, Uzma Khamis Vannini : Réseau ferroviaire : désenclavons Genève ! (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 13 et 14 février 2025.

Débat

Le président. Nous passons à la R 1055, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à son auteur, M. Nicolet-dit-Félix.

M. Julien Nicolet-dit-Félix (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, vous vous en souvenez certainement, il y a un petit peu moins de deux ans, au tout début de la législature, un des premiers chocs que nous avons éprouvés était celui de découvrir le projet d'horaire 2025 publié par les CFF et la situation d'enclavement qu'il promettait à Genève. A cette occasion, nous avions voté deux motions, la M 2929 et la M 2930, qui demandaient certains ajustements, certaines améliorations dans cet horaire. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.) Continuez, Monsieur le député.

M. Julien Nicolet-dit-Félix. Merci, Monsieur le président. Cet horaire est entré en vigueur le 15 décembre dernier, et force est de constater que les demandes que Genève a présentées n'ont pas été honorées et que même certaines assurances qui semblaient avoir été données n'ont pas été respectées. De fait, les trajets en train en direction du pied du Jura nécessitent quasi systématiquement un changement en gare de Renens, devenu centre de la Romandie; le changement quai à quai, sinon promis, du moins évoqué par les CFF dans le cadre de l'audition sur ces précédentes motions, ne se fait pas et il faut emprunter les passages sous-voies de la gare de Renens; le trajet en direction de Neuchâtel avec les trois trains directs du matin et du soir prend plus de temps que celui avec correspondance à Renens, ce qui relève en fait d'une sorte de moquerie envers les usagers.

Tout cela pour dire que les villes du pied du Jura, associées à Genève, se sont mobilisées à plusieurs reprises. Elles ont mené une action vendredi dernier, vous l'avez vu dans la presse: avec une très belle unanimité, tous partis confondus, les magistrats de ces villes sont venus à la gare Cornavin présenter leur désarroi et leurs doléances, et ont joint leur voix à celle de notre magistrat, qui était tout à fait aligné sur les demandes formulées.

Ces demandes sont de deux ordres, en tout cas telles qu'elles figurent dans la résolution que nous avons le plaisir de présenter aujourd'hui. Nous éprouvons du reste un plaisir aussi grand à constater qu'elle est très largement soutenue, du moins au moment des signatures, étant donné que 35 collègues venus de cinq groupes l'ont cosignée, ce dont je les remercie. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Cette résolution présente donc deux demandes somme toute assez simples. Une, à court terme, reprend celle de la M 2929 et de la M 2930, à savoir la restauration d'une desserte de qualité au moins équivalente à celle qui prévalait il y a moins de dix ans (durant la décennie 2010-2020, trente minutes suffisaient pour rejoindre Lausanne et le reste, mais actuellement, on met trente-neuf minutes, il y a donc une perte de quasi 30%), et évidemment la restauration aussi rapide que possible...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Julien Nicolet-dit-Félix. Je croyais que je pouvais aussi prendre sur le temps de mon groupe. (Remarque.)

Le président. Allez-y, Monsieur le député.

M. Julien Nicolet-dit-Félix. Je vous remercie, Monsieur le président. L'autre demande, qui est en tout cas aussi importante pour notre canton et pour la Suisse, s'inscrit bien sûr à plus long terme: la nécessité de remettre Genève à égalité avec les autres villes de Suisse, c'est-à-dire d'avoir une desserte par une ligne du XXIe siècle et non une ligne du XIXe siècle, comme c'est le cas actuellement. Cette année, cela fait vingt ans que l'on a inauguré le tronçon entre Mattstetten et Rothrist, qui a permis de rapprocher singulièrement Zurich, Berne et Bâle. Il y a un peu moins d'une dizaine d'années, on inaugurait le tunnel de base du Gothard, puis, plus récemment, celui du Ceneri, qui rapprochent le Tessin du reste de la Suisse. Entre-temps, Genève s'est éloignée en distance-temps du reste de la Suisse et se retrouve véritablement enclavée; toutes les enquêtes le montrent et la presse s'en est fait l'écho à de nombreuses reprises. Il est donc plus qu'urgent d'envisager une nouvelle ligne. Vous savez d'ailleurs que le projet de la ligne jusqu'à Perroy est apparu dans les planifications, même si on en est au stade préliminaire. Le tronçon entre Perroy et Genève est à peine évoqué, et il doit absolument apparaître dans le message du Conseil fédéral 2026 sur l'aménagement ferroviaire. Il faut que Genève soit unie derrière cette demande. Or, elle l'est manifestement et nous nous en réjouissons. Nous vous remercions donc de réserver bon accueil à ce texte.

M. Matthieu Jotterand (S). Je serai assez bref, puisque mon préopinant a déjà dit l'essentiel. Je rappelle néanmoins que pour le groupe socialiste aussi, cette nouvelle ligne Genève-Lausanne est d'une importance capitale. Je vais donner un chiffre et faire plaisir à M. Baertschi, qui malheureusement n'est plus là: je vais parler de frontaliers, mais vaudois. (Commentaires.) Ceux-ci sont également nombreux à venir travailler à Genève, mais ils sont seulement 37% à utiliser les transports publics; dans un monde idéal, il faudrait donc remplir deux fois plus les trains. Or, qui a déjà pris les trains entre Lausanne et Genève aux heures de pointe sait bien que ce n'est aujourd'hui pas possible.

L'inscription dans le message du Conseil fédéral 2026 est essentielle. Pourquoi ? Parce qu'actuellement, comme on le voit dans les médias, différents projets sont abondamment remis en question. Pourtant, l'ensemble de la métropole lémanique a une réelle carte à jouer. Pourquoi ? Parce que c'est une des régions les plus dynamiques, mais elle est pour l'instant très, très mal desservie par rapport à ce qu'elle devrait et surtout en regard de la qualité du reste du réseau suisse. C'est une région très, très mal desservie. En raison du très fort potentiel du report modal (une croissance du trafic est à prévoir dans toutes les localités situées entre ces deux villes et entre ces dernières), il est extrêmement important que cette ligne se fasse dans un horizon temporel le plus proche possible. Je rappelle qu'elle permettra également une redondance de notre lien avec la Suisse, qui pour l'instant tient à un fil susceptible de tomber rapidement dans le trou de Tolochenaz ! Il est absolument nécessaire de changer ça.

Je rappelle enfin quelques chiffres: la ligne Berne-Olten, que M. Nicolet-dit-Félix a évoquée, s'étend sur 55 kilomètres; elle a été construite en une fois pour Rail 2000. La liaison Genève-Lausanne, quant à elle, a une longueur de 60 kilomètres. Il faut absolument construire en une fois et non par quelques petites tranches de 7 ou 8 kilomètres. Malheureusement, nous devons en passer par là, nous devons faire en sorte que ces tranches soient réalisées le plus rapidement possible.

M. Francisco Taboada (LJS). Chers collègues, en entendant mes préopinants, un mot me vient à l'esprit: c'est assez ! Le groupe LJS votera bien sûr ce texte, car il est important de songer à désenclaver Genève.

Au sujet de l'axe nord-sud, vous savez qu'il n'y a pas si longtemps, le Conseil d'Etat a décidé en faveur du métro reliant le pied du Jura au pied du Salève. Il faut bien évidemment penser à cette deuxième ligne, qui complète l'ensemble de ce que viennent de présenter mes préopinants. Le groupe LJS vous invite donc à voter cette résolution. Merci.

M. Vincent Subilia (PLR). J'interviens très brièvement pour dire le soutien du PLR, vous l'aurez compris à la lecture de signataires de cette résolution. Vous savez le PLR très engagé, vous lui faites du reste souvent le procès d'être le chantre de l'aéroport ou de la bagnole, comme on dit vulgairement dans les rangs de la gauche. C'est vrai: nous défendons la complémentarité des mobilités, mais lorsqu'il s'agit de se mobiliser en faveur du ferroviaire, vous savez pouvoir compter sur le PLR. En outre, ça rime ! C'est un Vaudois d'origine qui vous le dit: Genève est aujourd'hui le parent pauvre de l'équation ferroviaire sur le plan national, et en particulier s'agissant de cette ligne tout à fait essentielle.

Le PLR se mobilise, il en a d'ailleurs apporté la démonstration (vous vous en souviendrez peut-être) en plaidant pour l'ouverture de lignes internationales également: la motion en question, dont on se réjouit qu'elle porte ses fruits, a été déposée par notre excellente collègue Diane Barbier-Mueller l'année dernière déjà.

C'est avec une très large majorité que nous venons applaudir ce texte. Il est indispensable que l'on comprenne à Berne et ailleurs que ce pôle dynamique qu'est Genève, seconde ville de Suisse, mérite mieux que le traitement qui lui est aujourd'hui réservé. Nous ne sommes pas toujours favorables aux résolutions à l'attention de l'Assemblée fédérale, surtout lorsqu'il s'agit de la Genève internationale, parce qu'elles sont malheureusement souvent peu entendues à Berne, ça nous a été rappelé par l'UDC, mais nous espérons que celle-ci sera suffisamment sonore pour que les uns et les autres se mobilisent et oeuvrent à promouvoir l'attractivité et donc la desserte ferroviaire de Genève. Je vous remercie.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Très brièvement, j'embraie sur ce que le préopinant PLR vient de dire. Effectivement, s'agissant de cette résolution en particulier, il est dans l'intérêt du gouvernement de pouvoir s'appuyer sur un vote clair du parlement, étant entendu que le relais à Berne doit et peut se faire, notamment, M. Nicolet-dit-Félix l'a dit, s'agissant de la dégradation que nous avons malheureusement dû acter pour les dix ans à venir (2025-2035), dont rien n'indique pour le moment qu'elle ne se prolonge pas. La préoccupation principale de l'exécutif concerne les haltes à Renens avec changement de quai: on nous promet bientôt du quai à quai, mais on ne nous donne pas de date. En outre, les perspectives d'amélioration de la desserte à l'horizon 2035 (en réalité, l'ouverture du premier tronçon Morges-Perroy pour le tunnel est prévue pour 2042) nous amènent très, très loin.

Voilà mon unique propos, Monsieur le président. Le Conseil d'Etat accueille avec beaucoup de bienveillance et de satisfaction cette résolution qu'il portera très volontiers auprès des Chambres si nous arrivons à nous faire auditionner par les commissions des transports du National et des Etats. Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, Mesdames et Messieurs, nous procédons au vote.

Mise aux voix, la résolution 1055 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 73 oui contre 6 non (vote nominal).

Résolution 1055 Vote nominal