Séance du
vendredi 14 février 2025 à
16h
3e
législature -
2e
année -
10e
session -
57e
séance
PL 13520-A
Premier débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, à savoir le PL 13520-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur Seydoux, vous avez la parole.
M. Laurent Seydoux (LJS), rapporteur de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Chers collègues, vous ne le savez peut-être pas, mais vous avez une traversée de la rade: il s'agit évidemment des Mouettes Genevoises. Dans leur forme juridique actuelle, les Mouettes Genevoises sont une compagnie de navigation, et ce depuis le 1er mars 1897, soit 128 ans.
Bien qu'elles fassent partie d'Unireso, elles ne sont pas gérées par les TPG, mais s'inscrivent dans le plan d'actions des transports en commun du canton de Genève. Evidemment, cela engendre des devoirs pour cette compagnie, en contrepartie desquels elle reçoit une subvention cantonale. Tout cela est régi par le contrat de prestations 2025-2029 ainsi que par la convention tarifaire Unireso pour ce qui est des recettes.
Du côté de la compagnie des Mouettes Genevoises, il n'y a pas de vraie volonté de se développer dans les cinq années à venir; l'offre répond déjà de manière satisfaisante aux attentes pour cette traversée de la rade, aussi bien pour le transport de pendulaires que pour l'offre touristique. Il s'agit d'une fréquence de dix minutes sur les lignes M1 et M2 et de trente minutes sur les lignes M3 et M4.
Par conséquent, le montant de ce projet de loi, soit plus de 16,5 millions, est réparti en cinq tranches annuelles égales de 3,3 millions. Une évolution à la hausse d'environ 400 000 francs est relevée entre le contrat établi en 2020 et celui proposé en 2025. Evidemment, dans ce type d'entreprise, les principales charges concernent les salaires, les frais de personnel ainsi que les amortissements liés à l'acquisition et à l'entretien des bateaux. S'agissant d'investissements, les amortissements sont notamment associés à la livraison prévue en 2026 d'un nouveau bateau électrique pour un montant de 1,7 million de francs.
Les raisons de l'augmentation de ce nouveau contrat de prestations proviennent principalement des aspects salariaux, d'un renforcement des ressources humaines dans le domaine technique afin de soulager le directeur général, qui gérait beaucoup de choses, ainsi que d'une accentuation du suivi administratif, demandée par le département.
L'augmentation principale concerne, comme je le disais, l'augmentation des salaires, qui représente 282 000 francs. Elle a été négociée dans le cadre de la CCT, par les mêmes syndicats que pour les TPG. Une indexation annuelle de 2% est également prévue sur quinze ans. Il s'agit d'un rattrapage, car il semblerait que les salaires des conducteurs des Mouettes Genevoises soient bien en dessous de ceux des conducteurs TPG. A cela s'ajoutent les coûts pour l'amélioration de la formation, justifiée par le fait que ce métier se complexifie de plus en plus.
Face à la question récurrente du nombre de frontaliers, il est à noter que l'effectif total compte 28 employés dont neuf permis G. Cinq de ces personnes ont été engagées entre 2006 et 2020, soit avant l'introduction du salaire minimum. Les quatre permis G restants ont été engagés depuis 2020, de même que six Suisses.
Il faut également signaler que ce contrat de prestations présente un enjeu de successions et de retrait du modèle familial des Mouettes Genevoises, qui n'assure peut-être pas la pérennité totale de l'entreprise; il n'est d'ailleurs pas totalement exclu qu'à terme, les Mouettes Genevoises soient reprises, par exemple par les TPG.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Laurent Seydoux. La contribution de l'Etat proposée est calculée afin d'arriver à un équilibre. Celui-ci est atteint dans le cadre des comptes des Mouettes Genevoises.
La très grande majorité de la commission - bien que certains restent dubitatifs sur le pourcentage d'augmentation lié au rattrapage salarial - vous invite à voter ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, actuellement, le nombre de frontaliers augmente de manière inquiétante, dépassant très largement les cent mille permis G. Malheureusement, l'Etat et les organismes subventionnés ne montrent pas le bon exemple. Lors de l'examen du contrat de prestations des Mouettes Genevoises par la commission des finances, il est apparu que cette société avait une gestion de ses ressources humaines complètement dépassée et qu'elle engageait un pourcentage impressionnant de frontaliers permis G, en laissant sur le carreau de nombreux Genevois qui cherchent un emploi et qui ont de la peine à en trouver un.
Il faut savoir que cette société a reconnu qu'elle offrait la formation à ses employés. Elle ne recrute donc pas du personnel déjà spécialisé. Il nous a été également indiqué qu'elle allait chercher son personnel sur Jobup, ce qui est un processus un peu amateur, reconnaissons-le.
Ce qui nous a beaucoup surpris lors de l'examen de ce contrat de prestations, c'est qu'on nous a d'abord expliqué que le nombre de permis G frontaliers n'était pas connu - soit ! Ensuite, on nous a dit qu'il y en avait treize, puis neuf, ce qui fait quand même beaucoup sur une vingtaine d'employés.
Pour le MCG, c'est un cas d'école qui démontre un recrutement aléatoire et approximatif. Malheureusement, ce n'est pas la seule institution subventionnée ou l'unique service de l'Etat qui agit ainsi. Il est vrai que le recrutement à l'Etat laisse à désirer. On connaît les cas de népotisme, de favoritisme. On connaît également une sorte d'amateurisme, qui a pour conséquence que les frontaliers permis G se précipitent sur le marché de l'emploi genevois. Cela frappe bien sûr autant le privé que le public, mais c'est vrai que l'Etat doit montrer l'exemple.
Ces derniers temps, nous avons vu fleurir sur les réseaux sociaux des annonces dans lesquelles on promet à des personnes venues de France un emploi de rêve en Suisse si elles paient une formation. Je ne me souviens plus quels étaient les montants, mais ils étaient quand même relativement conséquents. Ensuite, ces personnes ont toutes les capacités pour venir sur le marché de l'emploi genevois. A croire que c'est véritablement «open bar» !
Face à cela, nous devons envoyer un signal clair. C'est pour cela que le MCG a décidé non pas de punir les Mouettes Genevoises, mais de dire: «Non, ça suffit, vous devez changer vos méthodes de recrutement !»
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. Nous avons appris avec satisfaction qu'il y avait désormais une intention de recourir à l'office cantonal de l'emploi, ce qui, apparemment, n'était pas le cas jusqu'à maintenant, alors que les Mouettes Genevois, en tant qu'institution, auraient dû le faire. Cela démontre d'ailleurs la nécessité de mettre en place un poste de préposé à la préférence cantonale - le MCG le réclame depuis plusieurs années. Cette personne mettrait son nez dans la façon dont ont lieu les recrutements à l'Etat de Genève, parce qu'il y a beaucoup à dire.
Il faudrait donc aller dans cette direction. Mais pour l'heure, il convient véritablement de donner un signal clair à cette entreprise qui dysfonctionne dans ce domaine et qui est révélatrice de la situation catastrophique dans laquelle se trouve le marché de l'emploi genevois. Je vous recommande de refuser ce contrat de prestations, afin d'envoyer un signal clair aux Mouettes Genevoises. Merci, Monsieur le président.
Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR). Un bref retour sur l'historique des Mouettes nous rappelle que dès 1897, les premières d'entre elles ont commencé à naviguer sur le lac de Genève, comme vous le savez, et que cela faisait partie d'une vision ambitieuse de la mobilité, en parallèle de la construction, quasiment la même année, du pont du Mont-Blanc.
Nous sommes fiers de pouvoir soutenir les Mouettes Genevoises, qui font partie intégrante de l'identité de Genève, comme tout le monde en conviendra sans doute. Elles font partie de l'ADN de Genève et sont une fierté pour ses habitants ainsi que pour les touristes.
Il s'agit d'appuyer le soutien à ce contrat de prestations; cela est indispensable. Comme l'ont évoqué les préopinants, on nous a indiqué qu'un renforcement d'équipe était absolument nécessaire. Par ailleurs, un rattrapage dans l'indexation des salaires est en cours - on peut regretter qu'il advienne si tard. A également été relevée la nécessité de transformer la flotte afin de la rendre électro-solaire, soit beaucoup plus adaptée aux enjeux actuels.
Et puis, évidemment, pour le PLR, ce qui compte, c'est que l'utilisation des Mouettes continue à se renforcer et que les gens aient toujours plus tendance à les prendre, même si on sait que c'est déjà très fréquemment le cas, surtout quand il fait beau. Dernier point, mais important tout de même: ce renforcement des Mouettes permettra de répondre aux attentes de différentes communes riveraines, pour qui il est bénéfique que les Mouettes naviguent au travers du lac, dans la mesure où elles offrent une alternative de mobilité. Par conséquent, nous vous invitons à soutenir ce contrat de prestations. Merci.
M. Stéphane Florey (UDC). Ce qui est reproché dans le rapport de minorité n'a pas lieu de l'être, pour la simple et bonne raison que les Mouettes Genevoises ne sont pas une entreprise formatrice, comme le sont par exemple les TPG. De plus, il est extrêmement difficile de recruter des personnes au bénéfice d'un permis et qui veulent véritablement en faire leur métier. C'est là toute la difficulté pour cette entreprise: le recrutement est compliqué.
Alors certes, il y a encore aujourd'hui énormément de personnes qui viennent de l'autre côté de la frontière. Mais c'est simplement la réalité économique qui crée cette situation. Oui, par le passé, il y a eu quelques soucis de gestion de la part de l'ancien propriétaire; actuellement, ce sont ses enfants qui gèrent cette entreprise. Le père des personnes que nous avons reçues en commission avait une gestion un peu à l'ancienne, les auditionnés l'ont parfaitement reconnu. Aujourd'hui, tout est rentré dans l'ordre.
Ils nous ont également dit que si des personnes issues du milieu local réellement désireuses d'en faire leur métier venaient toquer à leur porte, celles-ci seraient accueillies les bras ouverts. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Pour ces raisons, il ne faut pas pénaliser cette entreprise, qui fait tout ce qu'elle peut pour employer malgré tout des locaux, mais au contraire soutenir son action. Ce d'autant plus que l'on sait que les Mouettes Genevoises ont leur utilité au sein d'Unireso. Compte tenu de ces éléments, nous vous invitons à soutenir ce projet de loi. Je vous remercie.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste soutiendra également ce contrat de prestations, important pour la mobilité durable, parce que les Mouettes Genevoises sont un des maillons de la mobilité douce, aux côtés bien entendu des CFF, du Léman Express et des TPG, sans parler de la mobilité active (le vélo, la marche, voire la trottinette).
Il est important pour Genève, engorgée sous le trafic individuel motorisé, de trouver des alternatives de mobilité durable, d'offrir à la population d'autres possibilités de se déplacer; les Mouettes en font partie. Avec plus d'un million de voyageurs et voyageuses par année, il ne s'agit pas de petites balades touristiques, mais d'un réel moyen de transport, d'un mode de déplacement, qui a un vrai potentiel.
Le groupe socialiste souhaite par ailleurs qu'on développe l'offre de transports publics des Mouettes Genevoises, sur le lac mais peut-être aussi le Rhône. On pourrait imaginer une liaison qui partirait du Palladium et qui irait vers Onex, jusqu'au Lignon, par exemple, ce qui permettrait d'offrir une alternative.
Même si on sait que ce sera plutôt opéré par la CGN, on salue ici également le projet de voie bleue, entre Bellevue et Corsier, qui sera aussi une alternative de mobilité durable pour les personnes qui font ce trajet et qui pourront de ce fait traverser le lac avec un moyen de déplacement durable et peut-être laisser leur voiture au garage ! Merci, Monsieur le président.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Mouettes Genevoises ont du succès et font partie de notre patrimoine, de notre matrimoine, de notre paysage, et nous les apprécions ! Cela vient d'être dit, elles nous permettent de traverser la petite rade, le lac. Evidemment, nous soutenons ce moyen de transport durable, qu'il faut absolument développer. Il constitue une alternative essentielle qui permet de traverser Genève d'une rive à l'autre en quelques minutes, en évitant bien des ennuis, notamment les bouchons, contrairement au trafic individuel motorisé. Par conséquent, les Vertes et les Verts soutiendront bien entendu le contrat de prestations et vous remercient d'en faire de même.
M. Jacques Blondin (LC). Mesdames et Messieurs les députés, Le Centre soutient ce projet de loi et les Mouettes Genevoises. Effectivement, il s'agit d'un moyen de transport qui peut paraître secondaire par rapport aux autres, mais la commission a pris largement le temps de discuter avec la direction des Mouettes pour parler de sa situation, de son avenir et des problèmes qui sont les siens.
Il est vrai que cette structure se trouve un peu à un tournant: jusqu'à présent, elle a été portée par peu de personnes, qui étaient, pour tout dire, au four et au moulin et qui ont fait au mieux pour tirer en avant cette magnifique petite entreprise. Actuellement, on est effectivement à un stade où il faut s'occuper de successions, renforcer le management et investir pour de nouveaux bateaux, de nouvelles lignes ainsi que de nouvelles prestations.
Alors certes, le contrat de prestations prévoit des hausses, mais il faut absolument que nous soutenions les Mouettes, parce qu'en effet, elles permettent de traverser cette rade de manière intéressante. Et n'oublions pas non plus leur impact touristique important dans notre paysage ! Merci donc de soutenir ce projet de loi.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Un député UDC a dit que les Mouettes Genevoises avaient de la difficulté à recruter; je le conteste fortement et formellement. Je vous mets au défi, Monsieur Florey, de prouver qu'on ne trouve pas de personnes à Genève pour piloter ces bateaux - vous transmettrez, Monsieur le président.
Si on mettait des panneaux de pub sur les trams, comme on l'a fait pour les TPG, je suis convaincu qu'on trouverait nécessairement ces conducteurs de Mouettes. Il suffit d'utiliser les bonnes méthodes, d'y aller fortement et avec des moyens importants.
Il y a beaucoup de Genevois qui se trouvent en rade, peut-on dire, et qui pourraient bénéficier d'un emploi adapté à leur profil. Ils sont là, ils existent. Mais voilà, on ne va pas les chercher, à cause d'une sorte de paresse intellectuelle dans les recrutements. Je trouve que c'est dommage, parce que beaucoup de talents sont gâchés à cause de cela.
M. Laurent Seydoux (LJS), rapporteur de majorité. Voilà toute l'ambiguïté du MCG ! Ce nouveau contrat de prestations offre de meilleures conditions salariales, de façon à renforcer l'attractivité de ce métier et donc permettre à des citoyens locaux d'accéder à cette fonction, qui est extrêmement précieuse et représente un métier de vocation.
Grâce à ce nouveau contrat de prestations, les éléments salariaux s'adaptent et permettent une rémunération digne pour les employés locaux. Cela diminuera l'envie d'engager du personnel pour des tarifs moins élevés.
Nous ne comprenons donc pas la position du MCG et vous encourageons à voter le contrat de prestations à travers ce projet de loi, pour renforcer les Mouettes Genevoises et l'attractivité de ce métier très précieux pour Genève. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député.
Une voix. Monsieur le président, j'aimerais répondre à M. Baertschi au troisième débat.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 13520 est adopté en premier débat par 71 oui contre 10 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Le projet de loi 13520 est adopté article par article en deuxième débat.
La même voix. Monsieur le président, j'ai demandé la parole !
Troisième débat
Le président. Nous sommes en troisième débat. Monsieur Florey, vous avez la parole pour une minute.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement répondre à M. Baertschi - vous lui transmettrez. Je répète volontiers que ce n'est pas le problème de la diffusion des offres d'emplois, car la CGN le fait régulièrement pour les Mouettes Genevoises. En effet, un certain nombre d'offres sont diffusées. Le problème, c'est simplement que les Mouettes Genevoises ne sont pas une entreprise formatrice. C'est pour ça qu'elles n'engagent pas forcément des locaux. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Baertschi pour cinquante secondes.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je pense qu'il ne faut pas rester enfermé dans des concepts étroits comme celui des entreprises formatrices. Non, il faut que les entreprises genevoises aillent véritablement à la recherche des talents locaux et arrêtent de débaucher des frontaliers permis G à foison ! Quel que soit le statut des entreprises, il faut vraiment qu'il y ait un effort collectif. Une prise de conscience doit avoir lieu à ce niveau-là. C'est en tout cas ce que souhaite le MCG, pour les Mouettes Genevoises comme pour les autres entreprises dans notre canton.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je lance la procédure de vote.
Mise aux voix, la loi 13520 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 77 oui contre 11 non et 1 abstention (vote nominal).